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Les sources de la croissance de la productivité: croissance de la productivité au niveau des entreprises, innovation et adoption des nouvelles technologies
renouvellement des entreprises, pour le Bangladesh, ont été les forces motrices de cette croissance. En revanche, ce secteur a connu une période de baisse de la productivité en Côte d’Ivoire et en Tanzanie. Celle-ci s’explique essentiellement, pour la Côte d’Ivoire, par une baisse de la productivité des entreprises pérennes et une efficacité relativement moindre des nouveaux producteurs entrés, et, pour la Tanzanie, par la part croissante de production réaffectée vers des usines moins performantes.
Dans le secteur de l’ameublement, l’Éthiopie a connu une hausse de la productivité agrégée de 36 % entre 1996 et 2006, tandis que la Côte d’Ivoire enregistrait une hausse de 19 % entre 2004 et 2014. La croissance de la productivité en Éthiopie résulte essentiellement d’une productivité accrue et du gain de parts de marché des usines préexistantes. En Côte d’Ivoire, celle-ci s’explique essentiellement par le gain de part de marché des entreprises pérennes les plus productives et la sortie des usines les moins performantes.
Les sources de la croissance de la productivité: croissance de la productivité au niveau des entreprises, innovation et adoption des nouvelles technologies
Sources de la croissance de la productivité à l’intérieur des entreprises
La croissance de la productivité de l’industrie manufacturière a résulté en grande partie des ouvertures et des fermetures d’usines, ainsi que de la redistribution des parts de marché. Ce constat correspond aux modèle constaté en matière de création d’emplois, dans le cadre duquel les nouvelles et jeunes entreprises représentent les sources principales d’emploi, propulsées par l’opportunité de recruter de la main-d’œuvre à un niveau de rémunération à peu près constant. À la lumière de la hausse récente des salaires, les perspectives de croissance future de l’emploi seront dépendantes des gains de productivité internes aux entreprises.
Quelles sont les phases d’amélioration de l’efficacité technique des entreprises ? La littérature identifie généralement trois facteurs de productivité au niveau des entreprises : l’ouverture au commerce international, l’investissement direct étranger (IDE) et les économies d’agglomération (voir Combes et Gobillon, 2015 ; Duranton et Puga, 2004). Ces facteurs ont un effet sur la productivité au niveau de l’entreprise ainsi qu’au niveau global grâce à l’innovation et à l’adoption de la technologie. On peut ainsi proposer la lecture suivante en matière d’innovations de produits et de processus : l’ouverture au commerce international conduit à l’innovation, ou bien l’innovation conduit à la participation au commerce international (ou les deux à la fois) ; les capitaux étrangers soulagent les contraintes de crédit et incitent à l’innovation, ou bien
l’innovation attire la prise d’intérêts étrangers (ou les deux à la fois) ; les pôles de compétitivité favorisent l’innovation en améliorant les capacités novatrices grâce au partage de ressources incompressibles telles que les infrastructures, ou de biens permettant une économie d’échelle, grâce à un meilleur appariement entre les producteurs et les ressources utilisées, et grâce à l’apprentissage qui découle de l’accroissement des échanges, des transferts de connaissances et de compétences.
Ouverture au commerce international
La consommation d’un grand nombre de variétés de produits finaux (s’ajoutant aux variétés locales), la technologie incorporée dans les ressources importées, la compétition intense sur le marché des marchandises, ainsi que la redistribution des parts de marché puis des ressources vers les entreprises les plus productives sont quelques-uns des mécanismes par lequel le commerce international joue un rôle déterminant dans la productivité et la richesse globale (Harrison et Rodriguez-Clare, 2010).
Les entreprises qui participent au commerce international jouissent d’une productivité plus élevée que leurs homologues qui limitent leurs activités à l’échelle nationale. Tout d’abord, il existe un effet de sélection : la participation au commerce international suppose de s’acquitter d’importantes dépenses fixes (ponctuelles et périodiques) ainsi que de frais commerciaux variables. Les dépenses fixes sont liées aux études de marché, aux dépenses publicitaires, aux investissements dans le stockage et la logistique, ainsi que la conception et l’exécution de contrats ; quant aux frais variables, ils émanent essentiellement des coûts de transport et des tarifs douaniers. Seules les entreprises les plus productives se trouvent en capacité d’amortir ces dépenses afin de pouvoir accéder aux marchés étrangers, à la fois pour y écouler leurs produits et pour s’y approvisionner dans le cadre de leurs activités de production. De même, les entreprises cherchent également à améliorer leurs performances dans l’objectif de participer au commerce international.
Par ailleurs, l’apprentissage par la pratique permet aux entreprises de réaliser des gains de productivité en s’ouvrant à la demande internationale, à des technologies de meilleure qualité ainsi qu’à une plus grande variété d’intrants. Dans la plupart des cas, les effets de sélection et d’apprentissage se renforcent mutuellement. L’ouverture croissante au commerce international permet un important effet d’apprentissage et consolide les mécanismes de sélection qui éliminent les entreprises les moins performantes.
Les importants bénéfices générés par les exportations en matière de productivité (y compris concernant d’autres indicateurs de la santé de l’entreprise), qui permettent aux industries manufacturières exportatrices de surpasser leurs concurrents à l’échelle nationale, ont été démontrés par de nombreuses analyses (par exemple Bigsten et al., 2004 ; Mengistae et Patillo, 2004 ; et
Van Biesebroeck, 2005). On a également pu constater l’existence de primes à l’importation ; par ailleurs, les entreprises à la fois importatrices et exportatrices réussissent mieux que les entreprises exclusivement exportatrices, les entreprises exclusivement importatrices, ou bien celles opérant exclusivement à l’échelle nationale (Abreha, 2019 ; Foster-McGregor, Isaksson, et Kaulich, 2014).
Il est encore difficile d’établir une relation causale entre exposition au commerce internationale et productivité ; cependant, la majorité des études soutiennent l’hypothèse selon laquelle les entreprises les plus performantes ont tendance à s’orienter vers l’exportation et l’importation. Ces entreprises sont les plus productives, même avant de devenir exportatrices ou importatrices (Abreha, 2019 ; Bigsten et Gebreeyesus, 2009). En outre, plusieurs études font état d’un important effet de productivité post-entrée lorsque les entreprises deviennent exportatrices ou importatrices8. Par exemple, en prenant la participation aux activités d’exportation comme mesure de l’ouverture au commerce international et la PGF comme mesure approximative de la productivité d’un site, les résultats de la Côte d’Ivoire, de l’Éthiopie et de la Tanzanie vont fortement dans le sens d’une corrélation entre ouverture au commerce international et hausse de la PGF au niveau des usines (Jones et al., 2019b).
Ouverture aux capitaux étrangers
Les entreprises détenues par des capitaux étrangers connaissent une amélioration de leur productivité qui s’explique par le soulagement des contraintes de crédit, l’adoption de meilleures pratiques organisationnelles et managériales, ainsi que par la diffusion de compétences techniques et de connaissances économiques découlant de la participation étrangère. En outre, les effets bénéfiques de l’investissement étranger – parmi lesquels les retombées en matière de technologies, les externalités financières diverses et les effets de compétition – ne se cantonnent pas aux entreprises à capital étranger mais s’étendent aux entreprises nationales9 .
Ces effets se déroulent en plusieurs phases (Keller, 2010). Premièrement, les multinationales exercent une partie de leurs activités en recrutant de la maind’œuvre locale dans le pays d’accueil. Dans la mesure où ces employés acquièrent une certaine maîtrise des technologies de la multinationale, le taux de rotation de la main-d’œuvre et la mobilité interne aux secteurs et intra-secteurs constitue donc un mécanisme de transfert de technologie. Deuxièmement, davantage d’opportunités s’offriront aux entreprises locales pour prendre part à des transactions commerciales avec des entreprises à capitaux étrangers : ces interactions commerciales constituent un autre terrain de retombées technologiques. La proximité des activités des entreprises locales et des entreprises à capitaux étrangers simplifie encore les transferts, car elle réduit le coût de l’échange et de l’adoption de connaissances techniques et commerciales. Troisièmement, les
transferts de technologies résultent de l’externalisation d’intrants intermédiaires par les entreprises à capitaux étrangers auprès de producteurs locaux. Cela peut prendre la forme – sans toutefois s’y limiter – d’accords contractuels liant les producteurs locaux aux entreprises à capitaux étrangers. De plus, l’afflux de capitaux étranger est susceptible d’engendrer un marché considérable pour les fournisseurs locaux, ce qui a pour conséquence d’augmenter le nombre de variétés d’intrants intermédiaires disponibles, entraînant par la même occasion une hausse de la productivité de l’ensemble des entreprises nationales. De même, les intrants de haute qualité que les entreprises à capitaux étrangers fournissent aux producteurs locaux ont pour conséquence de faire augmenter la productivité des fabricants de biens finaux. En outre, l’afflux de capitaux étrangers déclenche généralement un réallocation des parts de marché et des ressources vers les entreprises les plus performantes.
Les études qui s’intéressent aux retombées horizontales des IDE (c’est-à-dire les retombées au sein du même secteur) font état d’un effet insignifiant ou négatif des IDE sur les pays hôtes (voir Aitken et Harrison, 1999 ; Blalock et Gertler 2008 ; Javorcik et Spatareanu, 2008). L’explication suggérée de cet effet négatif consiste à affirmer que l’impact des effets défavorables de l’IDE (du fait, par exemple, de la compétition) est plus important que celui des retombées qui lui sont associées. Cependant, d’autres études ont tendance à déceler des effets positifs, majoritairement pour les économies développées et les secteurs de la haute technologie, même si l’ampleur de cet effet varie considérablement selon le pays et les secteur10. Les études de comparaison transnationale qui constatent une croissance de la productivité agrégée grâce aux IDE l’attribuent aux effets de sélection et de redistribution du marché (Alvaro et Chen, 2018). Dans le cas des externalités positives verticales de l’IDE, une étude sur la Lituanie rapporte que les entreprises situées en amont de secteurs avec d’importants afflux d’IDE se révèlent être plus productives que d’autres entreprises nationales (Javorcik, 2004). Les résultats pour les entreprises indonésiennes révèlent un effet similaire (Blalock et Gertler, 2008).
Au Ghana, les entreprises dans lesquelles on trouve des entrepreneurs ayant précédemment travaillé auprès d’entreprises à capitaux étrangers jouissent d’un avantage en matière de productivité par rapport aux autres entreprises nationales (Gorg et Strobl, 2005). De plus, en Éthiopie, les entreprises nationales qui se trouvent dans des régions ayant attiré d’importants investissements entièrement nouveaux (« greenfield ») bénéficient d’une PGF 8 % plus élevée que les autres. Ce type d’ouverture aux entreprises étrangères améliore l’efficacité des entreprises nationales sur de nombreux plans, notamment les activités de production, les pratiques managériales et organisationnelles, les infrastructures, l’approvisionnement en services financiers, et enfin l’échange et le partage de connaissances relatives aux exportations (Abebe, McMillan et Serafinelli, 2018).
Le regroupement
L’urbanisation permet une interaction accrue des entreprises et des travailleurs sur les marchés des biens et services finaux, des intrants intermédiaires et des connaissances. Ces interactions sont caractéristiques des économies d’agglomération et se traduisent généralement par des progrès au niveau de l’innovation, par une croissance de la productivité, et en fin de compte par des emplois plus nombreux et de meilleure qualité.
Les profits de ces interactions découlent de trois mécanismes : le partage, la convergence et l’apprentissage (Duranton et Puga, 2004). Premièrement, le mécanisme de partage signifie que la proximité physique vis-à-vis d’autres sociétés permet aux entreprises d’avoir accès à des biens indivisibles et à des infrastructures (dont la production et l’approvisionnement se définissent généralement par des économies d’échelle), ainsi qu’à une grande variété d’intrants intermédiaires et une grande disponibilité de services. Deuxièmement, le mécanisme de synergie désigne le fait que l’agglomération améliore les rendements à l’échelle des entreprises et des secteurs, en augmentant la probabilité d’un appariement de meilleure qualité entre main-d’œuvre et entreprises sur le marché du travail national. Ce mécanisme de partage atténue également les problèmes de ralentissements au sein de certaines professions, la présence de marchés denses encourageant la main-d’œuvre à investir dans son capital humain. Troisièmement, le mécanisme d’apprentissage se rapporte à l’intensification des échanges ainsi que des transferts de connaissances et de compétences entre les employés et les entreprises.
Il est difficile de déterminer quel est le mécanisme moteur de l’effet d’agglomération. Par ailleurs, on distingue en général économies d’urbanisation et économies de localisation (Combes et Gobillon, 2015). La première désigne les externalités découlant de toute situation géographique, indépendamment des activités économiques principales de l’entreprise ou de tout autre paramètre. La seconde fait référence aux bénéfices associés à la situation géographique du secteur particulier auquel appartient l’entreprise. Une étude montre par exemple que la croissance de l’emploi au sein des villes américaines dépend fortement du degré de diversité sectorielle de ces localités, mesuré par la concentration sectorielle de l’emploi (Glaeser et al. 1992). Une étude comparable détermine que les villes avec le plus de diversification sont plus propices à l’innovation ; ainsi, les économies d’urbanisation sont un facteur d’explication majeur de la croissance de l’emploi dans les villes (Duranton et Puga, 2001). En revanche, une autre étude conclut que la spécialisation des villes aux États-Unis – la part d’emplois de chaque secteur relativement à son poids à l’échelle national – permet d’encourager l’activité économique. Cela implique que la spécialisation se résume essentiellement à la localisation et par conséquent que les économies de localisation soient plus significatives que les économies d’urbanisation (Henderson, Kuncoro et Turner, 1995).