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Research Ltd
from Surmonter les barrières institutionnelles et organisationnelles à l’assainissement : quoi de neuf ?
4.2. Le changement institutionnel pour les urbains pauvres, que peut apporter la recherche ? -
SamDRABBLE, WSUP etUrbanResearch Ltd
Le changement institutionnel prend du temps, et il ne s’arrête pas à l’institution elle-même. De nombreux autres facteurs favorables doivent être en place pour que les institutions soient en mesure de faire avancer les processus de changement. La recherche a un rôle important à jouer pour lever les barrières et catalyser le changement. Mais la recherche est plus efficace lorsqu’elle répond et s’aligne sur les preuves, les besoins et les priorités des partenaires institutionnels. Il est donc important de passer par un processus de co-création autour de l’identification des priorités de recherche qui peuvent aider à débloquer le changement institutionnel. WSUP est une organisation engagée dans la mise en œuvre. Elle possède six programmes de pays en Afrique et en Asie. Son point de contact est toujours l’institution chargée de fournir des services d’eau et d’assainissement à l’échelle de la ville. WSUP travaille avec ces institutions sur une période suffisamment longue pour pouvoir tester les modèles de gestion de services.La recherche et ses résultats ont été intégrées dans une théorie du changement dès le départ. Les chercheurs au sein de WSUP croient très fermement que la recherche peut aider à faire avancer ces objectifs plus larges.
Dans sa revue de littérature sur la théorie et la pratique du changement institutionnel dans le secteur de l’eau urbaine, Chenguelly (2019) commence par exposer le contexte historique. Historiquement, les interventions soutenues par la Banque mondiale comportaient moins souvent que maintenant un volet sur les réformes institutionnelles. Aujourd’hui, cet aspect est reconnu comme essentiel dans le secteur de l’assainissement et est abordé en lien avec les questions de gouvernance. Le thème du présent rapport est tout à fait pertinent à cet égard et reflète l’orientation du débat. Cette revue de littérature (Chenguelly, 2019) identifie quatre facteurs clés pour analyser le changement institutionnel dans le secteur de l’eau urbaine. L’un concerne les normes culturelles. Au sein des institutions, des hiérarchies fortes subsistent. Il est difficile pour le personnel subalterne dans les institutions de l’eau par exemple, d’exercerune influence sur les cadres supérieurs en raison de ces hiérarchies, pratiques bureaucratiques et processus de prise de décision complexes. Il y a une culture du donateur qui prédomine encore dans certains cas. Ceci peut induireune attente tacite, considérantque l’extension des services aux bidonvilles ou aux quartiers informels et aux lieux où le service est insuffisant devrait être financée par les donateurs, et que cela ne relève pas nécessairement des institutions ou de la mobilisation des ressources nationales. L’idée que l’assainissement relève d’une responsabilité des ménages est dominante. L’assainissement n’est toujours pas considéré universellement comme un bien public. Et cela réduit le niveau de responsabilité des institutions et le niveau de financement public qui leur est alloué. Cette revue souligne que le changement institutionnel prend du temps.
Trois exemples de recherche sur la conduite du changement institutionnel proviennent de l’Initiative de recherche sur l’assainissement. Il s’agissait d’un programme de quatre ans qui vient juste de s’achever, financé par UK Aid. Il a été conçu principalement pour stimuler le changement sectoriel dans trois des pays d’intervention de WSUP : le Kenya, le Ghana et le Bangladesh. Toutes les recherches commandées dans ce cadre étaient basées sur une consultation étroite des partenaires institutionnels deWSUP dans ces pays pour comprendre les principales lacunes en matière de preuves qu’ils percevaient et où de nouvelles preuves pourraient aider à lever les obstacles au changement. Il y a eu de multiples recherches sur l’orientation des politiques. Dans le cadre de ce programme, cinq domaines thématiques permettaient d’examiner l’ensemble des éléments requis pour mettre en place un assainissement urbain à grande échelle. L’un des domaines portait sur les cadres institutionnels et la capacité.
Le premier projet concernait les obstacles à la fourniture par le gouvernement local de l’assainissement urbain au Bangladesh. Ce projet avait pour but d’évaluer la pratique actuelle de trois services municipaux. Il était mené à Dhaka North, Rangpur et Chittagong, trois des plus grandes villes du Bangladesh. Ces services étaient responsables et mandatés pour fournir des services publics d’assainissement dans toute la ville. Cette recherche visait à comprendre si les services avaient la capacité nécessaire et, dans une certaine mesure, l’organisation permettant de s’acquitter de ces mandats. Les résultats ont révélé que les services municipaux étaient limités en termes de capacité et de gestion des investissements dans la planification de l’assainissement. Il est important de noter qu’aucun service municipal n’avait de plan directeur à l’échelle de la ville et que de nombreux départements municipaux et nationaux étaient impliqués dans l’assainissement. Et il y a un manque de coordination et de direction. Cependant, des impacts positifs sont identifiés. En effet, la recherche a recommandé que les services municipaux établissent des unités d’assainissement pour coordonner, financer et fournir des services de gestion des boues fécales. Si l’on considère l’assainissement dans son ensemble dans le contexte dans lequel WSUP travaille, la création d’un département dédié au sein du service public municipal est une première étape déterminante dans de nombreux cas. Cette recommandation avait été formulée et appliquée dans la ville de Rangpur qui a depuis officiellement approuvé la création d’un comité pour améliorer le fonctionnement de l’unité d’assainissement.
Le deuxième exemple montre que les chercheurs et les commanditaires de la recherche doivent faire preuve d’opportunisme lorsqu’ils recherchent le moment opportun pour soutenir les processus de changement institutionnel. Au cours de ce programme, une opportunité s’est présentée : le ministère de l’Assainissement et des Ressources en eau du Ghana (nouveau gouvernement) avait déclaré son intention de créer une autorité nationale de l’assainissement pour soutenir le développement institutionnel du secteur de l’assainissement. WSUP a commandé cette recherche pour appuyer le processus de consultation et de conception de cette nouvelle institution. Il s’agissait au départ d’une étude comparative internationale, qui examinait un large éventail de pays dotés de structures institutionnelles susceptibles de ressembler à la National Sanitation Authority (NSA) pour contribuer à définir le rôle qui pourrait lui être confié. Une recommandation assez claire a émergé de cette recherche. Elle consistait à recentrer les missions de la NSA, car le point de vue initial du ministère était que les responsabilités de la NSA seraient très étendues, allant du développement des capacités à la réglementation en passant par le développement des infrastructures. À partir de cela, un consensus s’est dégagé sur le fait que la NSA devrait être mise en place aux côtés d’un fonds national distinct pour l’assainissement au lieu d’intégrer ces deux fonctions. Le ministère est toujours en train de réfléchir à cette question, alors que les propositions sur la NSA commencent à se concrétiser.
Ensuite, le dernier exemple de ce programme porte sur les obstacles rencontrés par les femmes décisionnaires dans le secteur de l’assainissement au Kenya. L’inégalité entre les genres est un problème majeur dans l’assainissement en général. La recherche s’est concentrée sur la mesure où cette dynamique est présente au sein des institutions d’assainissement. Les chercheurs ont cherché à cartographier la représentation du genre dans ces institutions et à analyser les inégalités entre les sexes et à évaluer si le genre induit des attitudes différentes des décideurs envers l’assainissement urbain. Ils ont découvert que les rôles de direction d’entreprise au sein de ces institutions ne sont pas équitablement répartis entre les sexes. Il existe des données primaires très riches sur les enjeux auxquels les femmes sont confrontées, ce qui limite leurs aspirations professionnelles et leur influence sur la politique. Il est intéressant de noter que la recherche a également révélé que les approches participatives ont tendance à être plus généralement soutenues par les ONG, impliquant ainsi les femmes dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des interventions. Celles-ci permettent
d’intégrer à des programmes et des stratégies les spécificités de genre. Actuellement, les institutions ne sont peut-être pas aussi solides pour conduire ces approches participatives.
Une nouvelle recherche en cours aborde de manière plus large les facteurs qui doivent être en place pour que les institutions fassent avancer les processus de changement. Ces travaux examinent trois fonctions essentielles pour soutenir un assainissement inclusif à l’échelle de la ville : (1)des attributions claires ; (2) une responsabilité claire ; et (3) un financement et des ressources suffisants. Cette recherche correspond aux institutions responsables couramment rencontrées dans le domaine de l’assainissement urbain. En règle générale, la responsabilité de l’assainissement incombe soit au service public, soit au gouvernement local. Le fait que la responsabilité de l’assainissement collectifet de l’assainissement autonome soit souvent partagée est un problème majeur. En effet, elle incombe à différentes institutions, ce qui induit des problèmes de coordination à l’échelle de la ville. Toutefois, il est encourageant de constater qu’un certain nombre de pays examinent activement les responsabilités institutionnelles en matière d’assainissement et lancent des processus connexes de changement institutionnel : c’est le cas en Zambie, sous l’impulsion du régulateur, au Bangladesh et en Tanzanie. En Amérique latine, c’est aussi le cas en Colombie. Ainsi, les mandats ne sont pas statiques. Pour qu’un changement institutionnel ait lieu, les attributions doivent être claires.
La responsabilité doit également être claire. Cela fait l’objet d’un article parallèle où les chercheurs de l’association WSUP explorent certaines caractéristiques des systèmes de responsabilisation efficaces. Pour que les institutions mettent en œuvre des processus de changement, elles doivent présenter: des mesures incitatives claires, des objectifs de service clairs et effectuer un suivi transparent.Pour illustrer, au Kenya, le régulateur national du secteur de l’eau et de l’assainissement (WASREB) a rendu un rapport sectoriel national qui ouvre vraiment la voie. En tant que régulateur national il cherche activement à créer des incitations pour que les institutions réorientent et fournissent le service vers des zones à faible revenu et les quartiers informels en particulier. Cela témoigne aussi du temps nécessaire et les différentes étapes requises pour le changement institutionnel. Au sein de Nairobi Water and Sanitation Company, il a fallu 17ans pour en arriver au niveau où se trouve actuellement le service public. Cela a été possible, car la société dispose d’un département important et de nombreux personnels compétents chargés de fournir des services d’eau et d’assainissement aux quartiers informels. Au départ lorsque le service public avait créé ce département de quartiers informels en 2009, il comptait seulement deux personnes. Puis une série d’étapes ont suivi, des stratégies, des indicateurs de performance clés ont été introduits, et ce département compte maintenant plus de 200employés chargés de desservir les quartiers informels. Une fois encore, la création d’un département responsable de l’eau ou de l’assainissement au sein de l’institution même peut être une étape déterminante.
Le changement institutionnel prend du temps. Cela nécessite des partenariats à long terme et un système de direction solide. Concernant l’expérience sur les services relatifs à l’eau à Nairobi, il est intéressant de noter que le premier dirigeant du département des quartiers informels, opérant lorsqu’il n’y avait que deux personnes, est en fait devenu le directeur général du service public. Cela a donc été important dans la promotion de la continuité de cette vision. Un état d’esprit stratégique est requis de la part de ces dirigeants. En pratique pour l’assainissement, des solutions existent, comme le recours à des modèles de gestion de services adaptés aux réalités des quartiers informels, tels que les égouts simplifiés étudiés par Nairobi Water. Il y a également un environnement favorable, y compris une réglementation extrêmement stricte. C’est sur ce point que l’association WSUP doit maintenant travailler dans ses programmes : un diagnostic de service public a été développé, un cadre qui conçoit vraiment, conceptualise le parcours du changement institutionnel comme un processus en huit