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Martinique

LA REVÉGÉTALISATION SYNTROPIQUE, SOLUTION À L’ÉROSION LITTORALE ?

Victimes de l’érosion, les plages de la commune de Sainte-Luce ont depuis peu intégré un ambitieux plan de revégétalisation porté par les élus de la municipalité, avec l’appui de partenaires techniques. Ou comment les solutions fondées sur la nature pourraient être un élément clé des politiques de protection des littoraux.

Julie Giboyau, chargée de projet Aménagement et Développement à la mairie de Sainte-Luce l’annonce d’emblée : nul besoin d’être un spécialiste de la géodynamique pour constater le recul du trait de côte sur le littoral de la commune. Ce constat a d’abord été fait par les anciens et les usagers des plages, puis a été attesté par la comparaison de photos satellites. La mer grignote les plages, les racines des trop rares arbres sont mises à nues et certaines falaises s’effondrent. Avec le sol, ce sont des activités qui menacent de disparaître, mais aussi la préservation des écosystèmes qui est en jeu.

Julie Giboyau nous présente le site, où les corridors et espaces ont été conservés pour permettre aux activités habituelles de se poursuivre. Un club d’aviron occupe l’une des anses de la plage de Gros Raisin, également fréquentée par les plagistes ainsi que des campeurs. Sans oublier les tortues marines, pour lesquelles cette plage constitue un précieux lieu de ponte.
© Axelle Dorville

À la suite d’une première revégétalisation mise en œuvre en 2022, dans le cadre du projet Waliwa porté par Matthieu Norden, la municipalité a lancé une nouvelle phase de plantations en 2023, grâce à un financement du Fonds vert. L’objectif : renforcer la couverture végétale et le système racinaire sousterrain afin de mieux retenir le sol et limiter les effets de l’érosion. Et pour ce faire, c’est le concept de syntropie qui a été mobilisé, c’est-à-dire l’association de plantes diverses en forte densité pouvant occuper toutes les strates végétales et ainsi favoriser la biodiversité pour recréer des niches écologiques.

DES MICROFORÊTS SUR LES PLAGES ?

Accompagnée par la pépinière EARL Syntropique, la municipalité a mobilisé les publics scolaires pour la création d’enclos et la plantation de grands arbres, arbustes, herbacées, plantes à papillons, couvre-sol et lianes.

Le mot d’ordre était de s’appuyer uniquement sur des essences locales adaptées au milieu côtier pour recréer les couverts végétaux d’antan. Plus de 900 plants et plantes auxiliaires ont ainsi pu être mis en terre, sur neuf zones couvrant une surface de près de 3 000 m ²

La patate bord de mer par exemple, pour sa capacité à tapisser le sol ; l’olivier bord de mer comme haie brise-vent ; les robustes « poiriers-pays » et gommiers rouges pour leur résistance aux éléments marins ; et le cassia alata (Senna Alata), la verveine Caraïbes (Stachytarpheta jamaicensis) ou encore la pomme diliane (Passiflora foetidae), ces plantes à papillons destinées à attirer les pollinisateurs qui serviront aussi de proies aux espèces du milieu, participant ainsi à l’équilibre de l’écosystème.

Sur les conseils de l’EARL Syntropique créée par l’association Les jardins partagés de Gaïac, les plants sont protégés par des lattes de bambou pour prévenir l’arrachage manuel ou mécanique et assurer leur croissance. Un suivi est réalisé par l’équipe.
© Axelle Dorville

TOUS MOBILISÉS

Depuis la création des premiers enclos, les différents usagers de la plage sont intégrés au projet de revégétalisation et le seront encore davantage, élément essentiel à l’acceptation de ces changements dans leur environnement.

Le restaurateur voisin d’un enclos recycle déjà ses eaux propres en eau d’arrosage sur le premier patch revégétalisé. Quant aux agents des services techniques de la mairie, ils vont être formés à la reconnaissance et au soin des espèces plantées, mais aussi à la création de paillage pour l’amendement et la reconstitution du sol grâce à la coupe des déchets verts.

Le mangle médaille ou sang-dragon (Pterocarpus officinalis), aux capacités dépolluantes, a été planté le long d’un écoulement d’eau provenant d’une bouche d’évacuation d’eau usée se déversant sur la plage. Malgré l’assaut des crabes, les plants se développent.
© Axelle Dorville

Il est également prévu d’engager des mutations dans les modes d’entretien des plages, notamment par la préservation de la laisse de mer. Une brigade citoyenne de sentinelles composée de membres d’associations et de particuliers se baladant sur le littoral devrait par ailleurs être créée, pour le suivi des plants et l’entretien des enclos.

Autre point important : la communication sera renforcée par une signalétique littorale invitant les visiteurs à découvrir les espèces présentes dans le milieu afin de permettre à chacun de s’approprier le projet et de prévenir les comportements négatifs.

Et toujours, la participation des élèves, avec l’ambition que chaque classe lycéenne adopte et gère son propre enclos. De belles perspectives pour les prochaines phases du projet, prévues entre 2024 et 2027, qui impliqueront encore davantage les partenaires techniques et institutionnels du territoire.

Rédaction : Axelle Dorville
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