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Wallis-et-Futuna
QUATRE ANS D’EFFORTS POUR PROMOUVOIR UNE PÊCHE CÔTIÈRE PLUS DURABLE
Avec l’appui du programme PROTEGE financé par l’Union européenne et de la Communauté du Pacifique (CPS), une stratégie d’intervention pour une gestion durable des ressources côtières a été mise en œuvre dans l’archipel de 2020 à 2023. L’heure du bilan.
Afin de garantir un approvisionnement durable en ressources marines côtières à Wallis-et-Futuna, la Direction des services de l’agriculture, de la forêt et de la pêche (DSA) a élaboré une stratégie de gestion de quatre ans. À l’issue de ce travail qui a mobilisé de nombreux acteurs locaux, une évaluation révèle que la compréhension de l’intérêt des pratiques de pêche vertueuses a augmenté au sein de la population.
Cependant, force est de constater que la DSA n’a pas encore réussi à instaurer une gestion durable des ressources côtières à Wallis-et-Futuna. Trois ans d’efforts n’ont pas suffi à changer radicalement les mentalités ni les mauvaises pratiques de pêche comme la chasse sous-marine de nuit, l’utilisation abusive des filets ou la pêche d’espèces protégées. Des disparités sont également apparues entre les deux îles du territoire, l’absence de relais d’animation à Futuna n’ayant pas permis d’y susciter le même enthousiasme qu’à Wallis. Il est intéressant ici d’évoquer le contexte de la pêche dans l’archipel où autrefois, la vie des habitants dépendait des ressources marines pour leur subsistance et la structuration de la société. Une évolution notable s’est produite ces dernières décennies. En effet, la part des ménages pratiquant la pêche a sensiblement diminué – passant de 35 % en 2006 à seulement 9 % en 2020 – et la consommation de poisson frais a suivi une tendance similaire. Ce déclin est lié à plusieurs facteurs, dont un changement dans les habitudes alimentaires, mais pourrait aussi être lié à une diminution des ressources côtières et à la dégradation des habitats côtiers.
Néanmoins, cette dépendance aux ressources marines pourrait connaître un regain dans les années à venir, en raison de la hausse des coûts des matières premières et du transport maritime. Une politique favorisant une alimentation plus saine et locale pourrait, qui plus est, remettre le poisson au centre des préoccupations alimentaires des ménages. Garantir un approvisionnement durable en ressources marines côtières est ainsi devenu une priorité pour les autorités locales.
Or à Wallis-et-Futuna, s’il existe un corpus juridique pour encadrer l’activité de la pêche, aucune mesure de gestion n’est réellement appliquée et aucun cadre durable pour la gestion des ressources récifales et lagonaires n’a été établi. C’est dans ce contexte que la DSA a élaboré une stratégie novatrice, doublée d’une campagne de communication impactante, afin d’initier un changement de paradigme dans la gestion des pêches à Wallis-et-Futuna. Cette gestion s’est voulue participative, c’est-à-dire qu’elle a intégré à chaque étape de sa mise en œuvre la population locale et tous les intervenants. Un défi majeur s’est posé au long du projet : comment promouvoir une telle gestion lorsque celle-ci n’est pas perçue comme une priorité par la majorité de la population ?
Cette perception ne favorise guère en effet l’instauration d’une gestion durable des ressources côtières. Surtout que la décrue démographique, bien que bénéfique en termes de pression de pêche, entraîne un déclin des savoirs traditionnels et de la cohésion sociale. De plus, il a été observé par la DSA plusieurs obstacles au passage à l’action : la dépendance aux subventions publiques amoindrit l’investissement des communautés locales dans la gestion des pêches ; la complexité de l’organisation institutionnelle à Wallis-et-Futuna rend difficile la coordination des efforts de gestion ; et les conflits de gouvernance entre différentes instances peuvent entraver le processus décisionnel.
Face à ces défis, la stratégie pilotée par la DSA a permis de lancer trois principales mesures de gestion. La création tout d’abord en 2022 du Comité consultatif des pêches, qui aide par exemple la DSA à revoir la réglementation actuelle en concertation avec les pêcheurs. Par ailleurs, un projet d’aire marine coutumière de 2 km² est né dans le district de Hihifo, bénéficiant du soutien des chefferies et officiellement inauguré en octobre 2023. Troisièmement, une équipe d’écogardes informe et sensibilise maintenant les pêcheurs et le grand public sur la réglementation en vigueur. Les premières interventions auprès des chasseurs de nuit montrent que les pêcheurs exerçant cette activité connaissent mais ne respectent pas la réglementation. Ces trois initiatives prometteuses en phase de maturation restent fragiles. Elles ont besoin de soutien pour être pérennisées et avoir un impact significatif sur les ressources côtières de l’archipel.
Rédaction : Baptiste Jaugeon
+ d’info ici : Campagne « La mer notre source de vie »