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Mayotte
LE VOLCAN SOUS-MARIN FANI MAORÉ TOUJOURS SOUS HAUTE SURVEILLANCE
Les séismes en essaims enregistrés en 2018 ont révélé la naissance d’un volcan sous-marin, le « Fani Maoré ». Depuis que le réseau d’observation RéVoSIMA a été créé, la communauté scientifique reste mobilisée pour étudier et surveiller ce phénomène à l’œuvre à l’est de l’île.
INTERVIEW
NATHALIE FEUILLET, RESPONSABLE DE L’ÉQUIPE DE GÉOSCIENCES MARINES DE L’INSTITUT DE PHYSIQUE DU GLOBE DE PARIS (IPGP), SPÉCIALISTE EN GÉOLOGIE ET TECTONIQUE
• Pourriez-vous nous rappeler l’historique des premières missions à Mayotte ?
- En février 2019, des missions à terre et en mer ont été lancées avec le soutien du CNRS 2, du BRGM 3, de l’IPGP, de l’Ifremer et des différents ministères. Il s’agissait notamment d’installer des sismomètres de fond de mer (OBS) pour identifier la cause des séismes et estimer le risque pour la population. À l’époque, Il y avait un doute sur l’origine volcanique ou tectonique des séismes.
En mai 2019, dans le cadre de l’expédition MAYOBS1, nous avons eu la chance d’avoir le navire Marion Dufresne à notre disposition durant huit jours. Cette campagne a révélé la naissance du volcan Fani Maoré à 3 400 mètres de profondeur et à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Mayotte. Haut de 820 mètres, le volcan s’étend sur près de cinq kilomètres de diamètre. C’est un peu comme si vous recouvriez la moitié de la ville de Paris d’une épaisseur de lave atteignant plus de deux fois la hauteur de la tour Eiffel ! La campagne MAYOBS1 a permis de documenter l’éruption exceptionnelle qui a eu lieu au large de l’île le 15 mai 2018 : c’était la plus importante éruption sous-marine jamais observée.
Après cette découverte, le RéVoSIMA – Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte – a vu le jour. Depuis, plusieurs autres missions en mer se sont succédées dans le cadre de ce réseau pour observer et surveiller l’éruption ainsi que l’évolution de l’édifice volcanique.
• Quels ont été les instruments déployés et les mesures réalisées à bord ?
- Nous avons déployé des sismomètres fond de mer (OBS) pour enregistrer les séismes, les localiser et suivre l’évolution de la sismicité. Nous avons installé des capteurs de pression pour mesurer les déformations du sol. Des hydrophones ont été installés pour « écouter » les phénomènes sous-marins (séismes, interactions de la lave avec l’eau de mer). Nous avons même pu observer l’éruption en cours grâce à une caméra embarquée : le SCAMPI.
Des données de bathymétrie – mesures des profondeurs du fond marin – ont été acquises pour observer l’évolution de la morphologie du fond océanique lors de la mise en place de nouvelles coulées. Des prélèvements d’eau de mer ont aussi été réalisés au-dessus du volcan avec des bathysondes CTDRosettes afin de mettre en évidence des anomalies physico-chimiques de la colonne d’eau. Avec les sondeurs multifaisceaux, nous avons imagé des panaches acoustiques de plus de 1 700 mètres de haut au sommet du volcan, sans doute produits par des sorties de fluides et des jets de particules.
Enfin, des échantillons de laves ont été prélevés pour comprendre leur origine et suivre leur évolution chimique et pétrologique, et ainsi avoir des informations sur les réservoirs magmatiques.
• Où en sommes-nous aujourd’hui ?
- Il n’y a plus de signe d’éruption à Mayotte depuis début 2021, mais la sismicité continue. La dernière campagne MAYOBS25, en septembre 2023, a été dédiée aux opérations courantes. Nous avons récupéré et déployé des OBS, des capteurs de pression et des hydrophones, imagé et prélevé la colonne d’eau, prélevé des échantillons de roche, cartographié le fond océanique. Aujourd’hui, si l’activité sismique a baissé, le volcan reste sous haute surveillance par le RéVoSIMA. La prochaine étape sera de mettre en place un observatoire permanent de fond de mer pour recueillir des informations en temps réel et avoir une surveillance journalière en mer au plus près du volcan.