ANGÉLICA LIDDELL
risquer l’écartèlement
OD ON
Jusqu'où l'art peut-il aller Entretien avec Thaddaeus Ropac
Joël pommerat
des pointillés qui tracent peu à peu les contours
les bibliothèques de l’odéon
dépoussiérez vos livres et vos idées !
o
Lettre N 12 Odéon-Théâtre de l’Europe
décembre 2014
2
sommaire p. 2 à 5
RISQUER L'ÉCARTÈLEMENT JUSQU'OU L'ART PEUT-IL ALLER you are my destiny (Lo stupro di Lucrezia) Angélica Liddell
p. 6 et p. 11
DES POINTILLÉS QUI TRACENT PEU A PEU LES CONTOURS la réunification des deux corées Joël Pommerat
p. 7 à 10
les bibliothèques de l’odéon FAIRE LE VIDE EN SOI La Vie matérielle de Marguerite Duras Laure Adler / Sonia Wieder-Atherton IL NE FAUDRAIT PAS PRÊTER UN LIVRE MAIS LE DONNER Ma bibliothèque idéale LE TREIZIÈME DES TRAVAUX D'HERCULE Mythes et Épopées
p. 12
UN QUART DE SIÈCLE À LA MANŒUVRE Entretien avec Michel Pons
p. 13
SENTIR FRÉMIR LES AUTRES UNE APPROCHE DE L'AUDIODESCRIPTION Entretien avec Delphine Harmel
SOUTENEZ LA CRÉATION THÉÂTRALE LE CERCLE DE L'ODÉON
p. 14
TOUTE PHOTOGRAPHIE FAIT ÉNIGME POUR LE REGARD AVANTAGES ABONNÉS Invitations et tarifs préférentiels
p. 15
ACHETER ET RÉSERVER SES PLACES p. 16
LE CAFÉ DE L'ODÉON
suivez-nous Twitter @TheatreOdeon #MyDestiny #Réunification @Bibliodeon Facebook Odéon-Théâtre de l’Europe Retrouvez la lettre et son contenu augmenté (entretiens, sons, vidéos...) sur theatre-odeon.eu / le-magazine Angélica Liddell © Brigitte Enguérand
faire chuchoter les morts dans la voix des vivants
3
Liddell, ou l’enfance ? Liddell, ou la douceur ? On croira peut-être à un paradoxe. Ce n’est pas l’avis d’Anne Dufourmantelle : à ses yeux, les armes que brandit l’artiste espagnole sont celles d’un «réalisme magique» où règne en souveraine une invincible innocence. L’auteur d’En cas d’amour détaille pour nous les raisons de son admiration.
Daniel Loayza : Anne Dufourmantelle, vous êtes psychanalyste et philosophe. Vous avez découvert Angélica Liddell à l’Odéon avec son dernier spectacle, Todo el cielo sobre la tierra (el síndrome de Wendy). Qu’en avez-vous pensé ? Anne Dufourmantelle : ça a été un choc extraordinaire. J’ai découvert la pièce d’Angélica Liddell grâce à ma fille qui a mis le doigt, dans un beau texte qu’elle a écrit, sur «l’innocence radicale» du monde de Liddell, qui est celui de l’enfance. Une enfance à laquelle on ne parvient qu’au prix d'un combat sans merci avec la médiocrité du réel. Cette enfance inviolable et inviolée, c’est ce que ma fille appelle le «miracle» de ce théâtre. Il ouvre à un univers qui ne s’est pas déconnecté de sa propre magie. à un réalisme magique où l’animal et l’humain, le jour et la nuit, sont dans une proximité sensible, l’un tout contre l’autre. Où les morts ne sont pas relégués loin des vivants. Peut-être que l’Espagne et les pays latins ont mieux su préserver le sens de cette contiguïté ? Nous, nous serions plutôt du genre à vouloir éradiquer la mort ! Mais Liddell, elle, ne l’oublie jamais. Ni la mort, ni la vie, ni le corps. Elle sait que vivre fait mal, et c’est pourquoi son théâtre est un théâtre de l’émerveillement. Au Moyen âge, la «merveille», c’était le hors-normes, qu’il soit magnifique ou terrifiant. Ce qui déchirait le cours ordinaire du monde. En ce sens, les batailles étaient aussi une merveille. Son théâtre, c’est cela : il montre la coexistence des choses et de leur envers, il fait chuchoter les morts dans les voix des vivants, il rend présent un autre monde. Cela a un prix : il n’y a pas d’émerveillement sans terreur. Notre premier rapport au monde, c’est peut-être cet émerveillement, cette exposition à quelque chose d’insoutenable, dans un lieu où personne ne peut rester et habiter, un lieu impossible et pourtant...
fait penser le travail d’Angélica Liddell. Elle pose des balises autour d’un tel cratère. Elle procède en quelque sorte à la manière du trauma lui-même : par déflagration, dispersion de détails, et reprise à partir de ces détails. Et par les détails, le sujet revient, de très loin. Un joyau intact sous le désastre, comme dit Mallarmé. L’enfance pure. D. L. : Ce théâtre-là a-t-il des affinités avec «l’autre scène» de l’inconscient ? A. D. : Liddell est en effet ultrasensible à une logique de l’être même qui est tout sauf morale. L’inconscient fonctionne par plans d’intensité qui n’ont aucun lien avec la moralité. Angélica Liddell explore ce genre de terrain, et pour le dégager, elle dynamite la morale très systématiquement. C’est comme si elle retrouvait à sa façon l’une des intuitions les plus extrêmes de Lévinas, lorsqu’il signifie qu’il faudrait pousser l’éthique
Un joyau intact sous le désastre.
D. L. : Ce n’est peut-être pas un hasard si ce spectacle est né à Venise...
jusqu’à atteindre ce qu’on pourrait appeler une hyper-éthique. Angélica Liddell, pour aller vers cet au-delà de l’éthique, ne cesse d’aller jusqu’à l’extrême bord : chaque fois qu’on lui oppose une morale, même très audacieuse, elle la balance, elle la fracasse, avec une frénésie qui est à la fois réjouissante et terrifiante. Terrifiante, parce que si on la prend à la lettre, à certains moments, alors le fait est qu’on ne peut fonder aucune communauté humaine sur ces bases. Mais réjouissante aussi, parce qu’il y a quelque chose qui est profondément libérateur et vrai dans ce mouvement. Quelque chose qui, contrairement à ce qui a beaucoup été dit sur elle, n’est pas hystérique, même si ça y ressemble !
A. D. : La scène selon Liddell, c’est peutêtre le seul endroit où un tel lieu puisse advenir, et même être partagé quelque temps : la beauté d’un volcan où pour une fois on survivrait à l’explosion... Mais pour répondre plus exactement, il faut que je parle de ce qu’est le trauma. J’appelle trauma quelque chose dont la force d’implosion souffle le sujet hors de la scène. Il ne s’agit pas de quelque chose de mesurable, d’objectif : un événement terrible n’est pas nécessairement traumatique. Un trauma, c’est ce qu’un sujet ne peut soutenir sans être fragmenté, sans se retrouver dans les bords de la scène, dans les bordures, dans les détails. C’est dans ces détails que le sujet se retrouve, se ressaisit. Ce peut être une couleur, un oiseau, une matière, une étoffe, qui vont servir à dire le trauma, à le faire advenir à nouveau mais sous forme fragmentée, parce que le sujet ne peut pas être au centre de la scène. Il se promène, pour ainsi dire, au bord du cratère. C’est à cela que me
D. L. : Pourquoi ? A. D. : Parce qu’il y a chez elle une grande tendresse. Chez l’hystérique, il n’y a pas de tendresse : l’hystérique passe son temps à chercher son maître. Alors que chez Liddell, il y a des moments d’une tendresse qui me laisse sans voix. Après la frénésie, les hurlements, tout à coup cela arrive, cette compassion qui est paradoxalement tout sauf de la compassion. Elle n’a aucune compassion pour ceux qu’elle accuse, pour les bourgeois, pour ceux qui ne sont pas droits, pour tous ceux qui ne luttent pas pour l’enfance – c’est-à-dire presque tout le monde. Elle a une tendresse et un amour fou pour les innocents, ceux qui gardent, d’une façon ou d’une autre, l’enfance en eux. Et sa haine pour le reste de l’humanité, c’est une haine de louve envers ceux qui menacent cette innocence-là. – C’est comme une mer qui se retire après un déferlement, et cela me bouleverse, elle nous donne accès
au cœur, au centre, à l’intouchable, tout à coup. Les valses, dans son dernier spectacle, produisaient cette douceur énorme. Pour réussir cela, cette douceur et cette violence ensemble, il faut une forme d’intelligence qui va au-delà de l’instinct. Il faut une pensée de l’extrême amour. Oui, le cœur est là. Voilà pourquoi elle me fait penser à Lévinas. Elle ne veut pas d’un lieu où l’on puisse se tenir tranquille. D. L. : L’amour, entendu en ce sens, peutil être autre chose qu’extrême ? A. D. : En fait, il me semble qu’on appelle souvent «amour» toutes les manières qu’on a de liquider l’amour... Est-ce trop paradoxal ? Alors disons : le problème qu’est l’amour, qu’il commence à poser quand il n’est pas dissocié du désir. Car l’amour non dissocié du désir est souvent une chose insupportable, intenable, ingérable, subversive. Et donc, l’amour essaie de régler son compte au désir de la façon la plus «sympathique» qui soit : par l’harmonie, par le temps, par la tendresse, dans le meilleur des cas – ou quand c’est moins brillant, par la convention, l’habitude, l’attachement. Mais le désir, c’est l’évidence, ne peut pas être cadenassé. Il est dans le discontinu là où l’amour est dans le continu. D’ailleurs, prenez une à une toutes les oppositions, et vous verrez qu’amour et désir, dans leurs logiques respectives, s’affrontent toujours terme à terme. Or je trouve qu’Angélica Liddell remonte au-delà de cette opposition. Elle est radicale, ce qui veut dire qu’elle creuse jusqu’à la racine de l’amour, jusqu’au point où il s’enfonce obscurément dans le désir, où il est hanté par les fantasmes et les angoisses de la dévoration, de l’abandon... toute cette «boue», comme elle dit, que la civilisation essaie de tamiser, de stabiliser, du côté des pulsions premières de l’être, très profondes et très archaïques. Le langage, la civilisation, l’éducation sont des décantations, des sublimations de ces pulsions. Elles sont essentielles, bien sûr. Mais les pulsions ne disparaissent jamais tout à fait sans reste. Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, 20 septembre 2014
Anne Dufourmantelle Philosophe, psychanalyste, directrice de collection, Anne Dufourmantelle est née en 1964. Seule ou en collaboration, elle a publié une vingtaine d’ouvrages. Dernières parutions : En cas d’amour. Psychopathologie de la vie amoureuse (Rivages, 2012) ; Puissance de la douceur (Payot, 2013) ; Se trouver. Dialogue sur les nouvelles souffrances contemporaines (avec Laure Leter, Lattès, 2014).
4
3 – 14 décembre / Odéon 6e
YOU ARE MY DESTINY (Lo stupro di Lucrezia)
«Lucrece,» quoth he, this night I must [enjoy thee: If thou deny, then force must work my way, For in thy bed I purpose to destroy thee: That done, some worthless slave of thine [I’ll slay, To kill thine honour with thy life’s decay; And in thy dead arms do I mean [to place him, Swearing I slew him, seeing thee [embrace him. «So thy surviving husband shall remain The scornful mark of every open eye; Thy kinsmen hang their heads [at this disdain, Thy issue blurr’d with nameless bastardy: And thou, the author of their obloquy, Shalt have thy trespass cited up in rhymes, And sung by children in succeeding times.» William Shakespeare : The Rape of Lucrece, stanzas 74-75
Il faut que cette nuit je jouisse de toi, chère Lucrèce ; si tu me refuses, je saurai employer la force ; je t’immole dans mon lit et j’égorge ensuite un de tes vils esclaves pour t’ôter l’honneur avec la vie, et je le place dans tes bras morts, jurant que je l’ai tué en te surprenant à l’embrasser.
texte et mise en scène Angélica Liddell en espagnol et italien, surtitré scénographie et costumes Angélica Liddell lumière Carlos Marquerie son Antonio Navarro traduction en français Christilla Vasserot traduction en italien Marilena de Chiara avec Joele Anastasi Fabián Augusto Ugo Giacomazzi Julian Isenia Lola Jiménez Antonio L. Pedraza Andrea Lanciotti Angélica Liddell Borja López Emilio Marchese Antonio Pauletta Roberto de Sarno Isaac Torres Antonio Veneziano chœur ukrainien Free Voice : Anatolii Landar, Oleksii Ievdokimov, Mykhailo Lytvynenko
production déléguée Iaquinandi, S.L. production exécutive Prospero : Théâtre National de Bretagne – Rennes, Théâtre de Liège, Emilia Romagna Teatro Fondazione, Schaubühne am Lehniner Platz, Göteborgs Stadsteater, World Theatre Festival Zagreb, Festival of Athens and Epidaurus coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris, deSingel campus des arts international – Anvers, Holland Festival – Amsterdam, Le Parvis – Scène nationale Tarbes Pyrénées, Comédie de Valence – Centre dramatique national Drôme-Ardèche avec le soutien de la Comunidad de Madrid, Ministerio de Educación, Cultura y Deporte – INAEM remerciements Àlex Rigola et Biennale de Venise créé le 26 septembre 2014 au Théâtre National de Croatie / World Theatre Festival Zagreb durée 2h15
De sorte que ton époux deviendra un objet de mépris pour tous ceux qui le verront. Tes parents baisseront la tête et ta progé-
certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, il est déconseillé aux moins de 16 ans
niture sera souillée par le titre de bâtards. Toi-même, auteur de leur honte, tu iras à la postérité dans des couplets que les
avec le Festival d’Automne à Paris
enfants chanteront à l’avenir. William Shakespeare : La mort de Lucrèce, in «Œuvres complètes de Shakespeare», traduites par Letourneur, nouvelle édition revue et corrigée par F. Guizot et A. P. traducteur de Lord Byron, Paris, Ladvocat, 1821. La traduction a été adaptée à la version qui en est donnée dans la pièce d’Angélica Liddell. (N.d.T.)
1965 Georg Baselitz Die großen Freunde (Les Grands amis)
1965 Günter Brus, Selbstverstümmelung (Automutilation), Vienne
Culmination de la série picturale des «Héros», le tableau a été qualifié d’élégie tragique sur le paysage perdu de l’Allemagne.
Brus, l’un des fondateurs de l’actionnisme viennois, met en œuvre la souffrance de son propre corps dans une performance captée par le cinéaste Kurt Kren.
en tournée Festival de Otoño a Primavera – Madrid (Espagne) 9 – 11 janvier 2015 Comédie de Valence 23 et 24 janvier 2015
RISQUER L’ÉCARTÈLEMENT Entretien avec Thaddaeus Ropac Depuis le milieu des années 1980, Thaddaeus Ropac n’a cessé d’accompagner des artistes aussi différents que Beuys, Basquiat, Haring, Baselitz ou Kiefer. Jusqu’où un créateur peut-il aller ? à l’occasion du prochain spectacle d’Angélica Liddell, Thaddaeus Ropac nous fait part de son point de vue. Daniel Loayza : Un artiste a-t-il tous les droits ? Thaddaeus Ropac : Il m’est arrivé de l’affirmer. Je ne suis pas sûr de le redire en ces termes aujourd’hui. Mais pour en parler, prenons des exemples extrêmes. Quand je pense aux limites de ce qu’un artiste peut tenter, les deux premiers noms qui me viennent à l’esprit, entre tant d’autres, sont ceux de Günter Brus et de Rudolf Schwarzkogler, deux figures majeures de l’actionnisme viennois. En 1970, Günter Brus a fait une performance, Zerreißprobe, au cours de laquelle il a risqué l’écartèlement. La décision de s’arrêter ou de continuer lui revenait à lui seul. Le visionnage du film est impressionnant, encore aujourd’hui. Après Zerreißprobe, Brus n’a plus jamais fait de performance. Il est passé à autre chose, à l’écriture et au dessin. S’il avait continué dans la même voie, il se serait probablement tué.
D. L. : Et au théâtre ? T. R. : Il me semble qu’actuellement, le théâtre et l’art contemporain sont en train de converger comme jamais peut-être auparavant. Il y a déjà eu des moments historiques où leurs domaines se sont rapprochés, du temps du surréalisme, par exemple. Mais aujourd’hui, les points d’intersection sont de plus en plus nombreux. La performance est devenue une forme d’expression majeure. Nous avons d’ailleurs réservé aux arts performatifs l’un des bâtiments de notre galerie de Pantin, ouverte il y a deux ans. Je suis très fier d’avoir pu l’inaugurer en y accueillant les éléments historiques et les documents relatifs à l’Iphigenie/Titus Andronicus de Joseph Beuys, qui datait de 1969. Le même espace présente jusqu'au 15 novembre 2014 un jeune artiste britannique, Oliver Beer : son installation Diabolus in musica est un ensemble qui fait appel à des échos sonores, à des projections de films... Les résonances avec certaines recherches dramatiques sont d’autant plus étonnantes que jusqu’ici, très souvent, les artistes ne se connaissaient pas. Il n’était pas si courant que les créateurs sortent de leur propre bulle pour prendre connaissance d’autres domaines. Mais les choses sont en train de bouger très vite. J’étais hier à la première de Qui a peur de Virginia Woolf ?, d’Edward Albee, mis en scène à Munich par mon compatriote Martin Kušej... D. L. : Martin Kušej, que Luc Bondy a invité à deux reprises à l’Odéon avec Der Weibsteufel et Die bitteren Tränen der Petra von Kant...
D. L. : Et Rudolf Schwarzkogler ? T. R. : Il s’est défenestré à Vienne le 20 juin 1969, dans des circonstances obscures. Il avait 29 ans. Selon les uns, il s’agissait d’une dernière performance extrême, selon d’autres, d’un suicide. Nous allons ouvrir, le 23 octobre 2014, une exposition dont le curateur est Jack Pierson, un artiste américain. Les quatre très jeunes créateurs new-yorkais qui seront présentés ont tenu à y intégrer certaines traces du travail de Schwarzkogler, en particulier des photographies. De quel droit pourrait-on juger de ce qu’il voulait faire, ou de quel droit pouvait-on lui interdire de le faire ? Il est sans doute trop simple, trop rapide et confortable de déclarer que «tout est permis». Je préfère dire que l’artiste a tous les droits, mais au sens où ces droits lui reviennent, lui appartiennent. à lui de voir que faire, comment le faire et jusqu’où. C’est à l’artiste que ce problème se pose. Le public, lui, doit l’accompagner, accepter ce qu’il fait. Cela dit, je suis sûr qu’il y a des limites, même si elles sont très difficiles à décrire, et donc à anticiper.
T. R. : Oui. Ceux qui ont vu ces spectacles savent déjà que sa façon de travailler l’espace-temps du plateau relève vraiment de l’art contemporain. Cette fois-ci, la scénographie était d’un noir opaque, et les éclairages au néon divisaient l’action en scènes, ponctuaient en éblouissant. Kušej est un artiste qui visite beaucoup les musées et les galeries, et cela se voit. J’ai eu le privilège de lui présenter Anselm Kiefer... Même à l’opéra, qui est peut-être une forme plus conservatrice, un mouvement est amorcé. Un peintre et plasticien comme Daniel Richter a pu signer une mise en scène très remarquée de la Lulu d'Alban Berg. J’ai le sentiment que les créateurs sont de plus en plus nombreux à s’observer depuis leurs champs respectifs, avec une curiosité prudente, et à croiser le théâtre, la performance, les arts plastiques, la danse, à des niveaux très intéressants. L’art ne peut jamais échapper à un certain esprit de son temps. D. L. : Vous êtes-vous jamais senti en danger devant des images, des performances ? Avez-vous éprouvé que le danger, la violence étaient des éléments nécessaires de certaines œuvres ?
septembre 1966 Rudolf Schwarzkogler Action 6, Vienne Une série de photos hermétiques et troublantes où une figure enveloppée de bandelettes manipule divers objets (dont des fils électriques, un stéthoscope, une ampoule, des poulets morts).
«Il avait 29 ans. Selon les uns, il s’agissait d’une dernière performance extrême, selon d’autres, d’un suicide.»
T. R. : L’art doit vous émouvoir, d’une façon ou d’une autre. Cela, c’est la base. Tout le reste est construit sur cette base. Ensuite, l’artiste peut partir dans toutes sortes de directions. Il peut provoquer ou non, mettre en question, mettre à l’épreuve, irriter, donner à penser. Il peut le faire bruyamment ou silencieusement. Tout est permis au sens où toutes les voies sont ouvertes. Et parmi elles, la théâtralité a sans doute une puissance de confrontation et de provocation presque inévitable. Ce qui fait que le théâtre a un certain rapport possible à la douleur, qui fait partie de ses moyens propres... Joseph Beuys le savait, lui qui a intégré comme personne avant lui la théâtralité parmi ses moyens d’expression. Mais Beuys ne cherchait pas à vous faire violence, ni à vous mettre en danger. Il connaissait les côtés les plus sombres de la vie, mais son art était aussi, à certains égards, une pratique quasiment chamanique. Qu’il mette son propre corps en jeu ou qu’il dessine sur papier, il visait à nettoyer, à purifier. à apaiser la souffrance. Mais les voies sont tellement diverses... Connaissezvous Ilya Kabakov ? Son travail se nourrit des pages les plus sombres de l’URSS. Et pourtant, il nous tient à une certaine distance, comme si nous lisions un livre ou assistions à un film sur la cruauté de cette époque. Est-ce que le théâtre permet ce genre de distance ? Par contraste, Anselm Kiefer provoque en moi une sensation très différente. Avec lui, on est confronté à un passé qui ne passe toujours pas, après toutes ces années, et qui ne cesse de hanter l’âme allemande. Même pour moi, un Autrichien né vingt ans après la guerre, le miroir qu’il me tend est toujours aussi actuel... Un dernier exemple. Hier, avant d’aller au théâtre, j’étais à la Haus der Kunst de Munich pour une exposition de peintures récentes de Georg Baselitz. Baselitz, dès les années 1960, a peint le «héros allemand», mais torturé, abîmé, dépouillé de son héroïsme. Ce qu’il nous montre dans son œuvre nous parle immédiatement. Il ne s’agit pas de danger physique, ni de provocation – mais de douleur ou de souffrance, certainement. D. L. : Beuys, Kabakov, Kiefer, Baselitz... Les noms que vous citez sont ceux d’artistes qui ont un rapport intime à l’Histoire. T. R. : C’est vrai. à la violence de l’Histoire. Mais ce n’est pas une Histoire à laquelle on puisse assister en voyeurs. Leur art vous implique, il fait de vous une partie de l’Histoire – soit un lecteur, soit un acteur sensible, mais pas un voyeur. Bien sûr, chez Kabakov, l’implication est d’un tout autre ordre que chez Kiefer ou Baselitz. Vu mes origines, leur travail me parvient de façon plus directe. C’est d’autant plus vrai qu’on
30 mai 1969 Joseph Beuys Iphigenie/Titus Andronicus, Francfort Une performance historique sur la scène du Theater am Turm, associant Goethe et Shakespeare. Peter Handke est dans la salle.
Joseph Beuys, Iphigenie/Titus Andronicus, 1985, Positif et négatif photographique sur film, estampage à la peinture brune, plaques de verre (107 x 79 x 5 cm)
19 juin 1970 Günter Brus Zerreißprobe (Tentative de déchirement), Munich Ultime action de Brus, réalisée en exil à la suite d’une condamnation en Autriche à six mois de prison ferme.
5
a le sentiment aujourd’hui que cette Histoire dont ils nous parlent n’est surtout pas de l’ordre du passé. On a l'impression que cela pourrait se répéter... Devant de tels artistes, on ne passe pas d’une œuvre à l’autre comme on feuillette un magazine. Ils rendent l’Histoire présente. Avec eux, l’art contemporain est ce qui rend contemporain le temps lui-même. Je pense à l’extraordinaire série de ces derniers tableaux de Baselitz que j’ai vus hier. Ils les a peints au cours des deux dernières années. L’un d’eux représente un aigle tombant du ciel, complètement déchiqueté. Un tournoiement de plumes, brutal, puissant. L’aigle est un symbole très fort, un emblème qui figure sur le drapeau allemand, l’oiseau de Zeus et de Jupiter. On pourrait dire qu’il est le symbole même de l’Occident. La toile fait plus de trois mètres sur deux. Le corps noir du rapace, le bleu-noir du ciel, luttent et se confondent. On ne peut plus les séparer. Le titre du tableau, en langue allemande, confirme cette impression de chaos tragique : Adzer schwarler mélange les mots comme les couleurs le sont sur la toile, car en allemand, «aigle noir» devrait se dire Schwarzer Adler. C’est à la fois impressionnant et désespérant. Comme si la peinture vous vidait de presque tout votre espoir tout en vous communiquant quelque chose de sa force. Et elle peut faire cet effet parce qu’elle est présente et restitue au présent le drame qui se joue. Elle date d’il y a quelques mois à peine. Comparez-la avec cet autre grand tableau de Baselitz, Die großen Freunde, peint il y a presque un demi-siècle. Les corps sont déformés, le drapeau est brûlé. Le paysage est fait de ruines consumées. Le ciel est déjà noir. Les mains ne se touchent pas, les regards ne se croisent pas. Voilà les «grands amis» selon Baselitz, voilà le monde où il situe ce qui reste de l’amitié. Est-ce qu’elle survit ou est-elle déjà morte ? Cinquante ans après, le noir du ciel a désormais tout envahi, comme si c’était le ciel lui-même qui tombait, un tourbillon de ciel en cendres, tout ce qui reste d’un vol, d’un élan qui voulait s’arracher au monde... Si l’art a partie liée avec la violence, c’est là qu’elle se situe pour moi. Elle peut être silencieuse, presque invisible si vous passez sans regarder. Mais le grand art, si vous consentez à le voir, ne vous fait pas de cadeau. Il fera tout ce qu’il doit faire pour vous toucher. Propos recueillis et traduits par Daniel Loayza Paris, 19 septembre 2014
2012 Georg Baselitz Adzer schwarler L’un des derniers tableaux de Baselitz, tiré d’une série «à la manière noire» actuellement exposée à la Haus der Kunst de Munich.
Thaddaeus Ropac Né en 1960 à Klagenfurt (Autriche), il fonde sa première galerie à Salzbourg en 1983. Sept ans plus tard, il ouvre au cœur du Marais une deuxième galerie qui s’étend aujourd’hui sur trois étages d’un immeuble historique, avant d’inaugurer en 2012, dans les huit bâtiments d’un ancien site industriel de Pantin, des espaces d’exposition, un lieu de performances, une salle de projection ou des ateliers, entre autres. Il représente aujourd’hui une cinquantaine d’artistes internationaux. Galerie Thaddaeus Ropac Marais 7 rue Debelleyme, Paris 3e Galerie Thaddaeus Ropac Paris Pantin 69 avenue du Général-Leclerc, 93500 Pantin Plus d’informations sur ropac.net
des pointillés qui tracent peu à peu les contours 6
Lire en attendant de voir... Il y a un an, La Réunification des deux Corées faisait salle comble, et les admirateurs de Joël Pommerat découvraient enfin ce que l’énigme de ce titre signifiait. Son mystère n’est pas pour autant éventé : simplement, ce titre est maintenant comparable à une clef de chiffrage publique – on a beau savoir ce qu’il veut dire, il reste impossible de le comprendre à moins d’assister à son tour au spectacle. Le texte de la pièce ayant été publié (Actes-Sud Papiers, 2013), nous pouvons désormais le feuilleter à notre rythme, scruter le mouvement de chaque scène ou sauter de l’une à l’autre pour opérer notre propre montage. Joël Pommerat, qui n’aime pas se laisser enfermer dans des oppositions trop tranchées, préfère se définir comme «créateur de spectacles» plutôt que comme auteur ou metteur en scène. Mais il est aussi auteur, même s’il conçoit son écriture comme une face parmi d’autres d’un travail plus global. Ce travail se laisse approcher par diverses voies qui se complètent. Le spectateur pourra retrouver La Réunification dès le 10 décembre ; d’ici là, le lecteur peut en explorer le texte en toute liberté, et son plaisir à venir n’y perdra rien. En feuilletant le texte imprimé de La Réunification des deux Corées, on découvre d'abord que chacune des scènes de la pièce porte un titre. Il y en a une vingtaine. Leur liste est donnée dans la table des matières. En voici quelquesuns, dans le désordre : «Philtre, Argent, Clés, Amour, Attente». Le spectacle ne permet pas à son public de deviner l'existence de ces titres. à l'inverse, la table des matières ne fait nulle mention de la présence, dans le spectacle, de «Celui ou Celle qui chante», mystérieux androgyne qui vient par trois hanter la scène et y faire résonner «une voix étrange».
Philtre, Argent, Clés, Amour, Attente. Ces titres tournent-ils ou non autour d'un point central ? Sont-ils comme des pointillés qui tracent peu à peu les contours d'un domaine partagé ? Et quel rapport avec ce titre général, si bizarre au premier abord, La Réunification des deux Corées ? Bornons-nous ici à relever que le seul mot à être répété dans la liste des titres est le mot «Amour», mais que justement, cette répétition sert peut-être à indiquer que l'amour ne permet pas de couvrir à lui seul tout le champ parcouru par la pièce (les deux titres en question sont en effet «Amour» et «L'amour ne suffit pas»). Et cela dit, concentronsnous sur le seul titre qui soit commun au spectacle et au livre. Qu'est-ce que «La Séparation des deux Corées» ? Pour l'apprendre, il faut patienter jusqu'au début du dernier tiers du spectacle. Dans la quatorzième scène, «Mémoire», Philippe Frécon interprète Serge, un homme obligé de dire comment il s'appelle à Cécile, sa femme (Agnès Berthon), qu'il prend soin d'interpeller par son prénom. Il ne peut pas faire autrement : elle semble avoir complètement perdu la mémoire. Dans l'amnésie rétrograde, le patient ne parvient plus à récupérer des souvenirs antérieurs à l'épisode pathologique (qu'il s'agisse d'une maladie dégénérative, d'une tumeur ou d'un traumatisme importe peu ici, et nous ne saurons jamais ce qui est arrivé à Cécile, car Serge n'en peut
plus de revenir à «cette histoire»). Dans l'amnésie antérograde, ce sont les événements postérieurs à l'épisode pathologique qui ne sont plus fixés : au-delà d'un certain point, plus rien ne s'enregistre sur la bande mémorielle. Cécile souffre d'une forme d'amnésie qui est à la fois rétrograde (elle ne se rappelle pas avoir été mariée, ni même avoir eu des enfants) et antérograde (d'un jour ou d'une semaine à l'autre, elle ne se souvient pas que Serge vient régulièrement lui rendre visite). Nous découvrons son état peu à peu, à mesure que son mari, répondant à ses questions, lui fournit les quelques informations nécessaires à leur stupéfiante conversation. Lui la tutoie ; elle le vouvoie, puis le tutoie à sa demande, mais on sent bien qu'elle risque à tout instant (est-ce simple distraction, ou un effet de sa maladie ?) de retomber dans le vouvoiement, ce qui finit d'ailleurs par lui arriver parfois. Il est pour elle un parfait inconnu, mais un inconnu qui détient la clef de sa propre identité, car elle le croit – malgré sa surprise, elle ne cesse jamais de lui faire confiance. (Cette sorte de foi en l'autre, si évidente qu'elle va sans dire, est-ce là, déjà, une forme de mémoire d'avant la mémoire ?) Et pourtant, de cet «inconnu», son mari, le père de ses deux enfants également oubliés, elle ne pense pas même avoir un souvenir physique. Cette scène pourrait être d'une tristesse affreuse ; ce qui est bouleversant, c'est précisément qu'elle ne l'est pas. Comme dit Serge : «C'est agaçant. Mais c'est pas grave... Il y a des vies encore plus compliquées que la nôtre... Faut pas se plaindre...». Et comme dit Cécile : «Pour moi, j'ai l'impression que c'est la première fois...» avant de confirmer quelques secondes plus tard, après avoir pris cet homme dans ses bras : «C'est la première fois».
Un puzzle de temps. La distance qui s'est creusée entre ces deux êtres paraît immense, à la mesure de l'écart entre la mémoire et son absence ; et de fait, elle ne se résorbe jamais. Mais c'est comme si, petit à petit, obscurément, nous découvrions que cet abîme avait un envers, une sorte de face indicible. Car Cécile – comme si elle avait oublié son amnésie même, comme si cela pouvait servir à quelque chose – veut tout à coup
savoir «comment on s'aimait […] quand on s'est mariés». Alors Serge, pour lui répondre, cherche à lui faire sentir ce qu'est l'amour dans un «couple ordinaire qui vient de se marier». Et comme elle ne comprend toujours pas – comment le pourrait-elle, elle qui ne se souvient pas même de ce qu'est un couple ordinaire ? – Serge s'arrête, et Pommerat nous précise qu'il regarde sa femme dans ses yeux et explose. Voici les mots de cette explosion : «Mais non, quand on s'est rencontrés c'était parfait. On était comme deux moitiés qui s'étaient perdues et qui se retrouvaient. C'était merveilleux. C'était comme si la Corée du Nord et la Corée du Sud ouvraient leurs frontières et se réunifiaient et que les gens qui avaient été empêchés de se voir pendant des années se retrouvaient. C'était la fête, on sentait qu'on était reliés et que ça remontait très loin.» Serge parle de cette «fête» au passé. Mais ce passé, malgré ce que suggère l'image des deux Corées, n'est pas simplement historique. Serge glisse d'un usage temporel de l'imparfait à son usage modal (dans «c'était parfait» ou «c'était merveilleux», l'imparfait renvoie bien au moment de la rencontre, mais quand il est question des Corées qui «ouvraient» leurs frontières, nous ne sommes plus dans une chronologie d'événements objectifs, mais dans l'irréalité d'une comparaison). Derrière ce passé qui n'en est pas tout à fait un, quelque chose comme un outre-temps se laisse entrevoir. Au verbe «retrouver», que Serge prononce deux fois, fait écho une longue série allitérante : rencontrer, réunifier, relier, remonter, comme s'il y avait retour à un état antérieur – mais cet état n'a jamais eu lieu ; comme s'il y avait répétition d'une unité primordiale – mais jamais cette singulière unité ne se sera produite, pas une seule fois, dans nul passé. Ce ressurgissement d'un état originel, figuré à travers l'image si concrète d'une séparation situable dans l'espace-temps de notre monde, n'a jamais été présent. Son temps est celui du mythe dont parle Aristophane dans Le Banquet de Platon. Aristophane qui, rappelons-le, raconte comment les humains de la race primordiale, avant d'être coupés en deux sur l'ordre de Zeus, étaient formés de l'union de deux humains actuels, donnant ainsi lieu à «trois catégories d'êtres humains et non pas deux comme maintenant» : aux rejetons purement mâles, nés du Soleil, et au purement femelles, rejetons de la Terre, s'ajoutait «une troisième <catégorie> qui participait aux deux autres, dont
le nom subsiste aujourd'hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps-là il y avait en effet l'androgyne, un genre distinct qui, pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd'hui cette catégorie n'existe plus [...]» (Le Banquet, 189e, trad. Luc Brisson).
Retrouver. Rencontrer. Réunifier. Relier. Remonter. à moins d'être poète, personne n'a conservé la mémoire de «ce temps-là». à moins de métaphores, comment le désigner ? Mais dans la perfection de la rencontre, il est devenu sensible ; sans être là, il charge pour ainsi dire la présence de son aura. Serge a rejoint Aristophane ; avec ses mots simples, le vendeur de voitures du début du XXIe siècle a retrouvé l'intuition d'un grand dramaturge, mis en scène par un grand philosophe. Il n'en sait peut-être rien, mais qu'importe : le lien qu'il énonce remonte «très loin», en amont de tout savoir, de toute conscience. Et que Serge soit seul à porter le souvenir de cette perfection pointant au-delà d'elle-même n'y change rien. Cette charge, sans doute écrasante, est sans doute aussi ce qui l'anime. C'est elle qui le reconduit régulièrement auprès de sa bien-aimée ; et cette charge, l'amnésique «émue», à défaut de pouvoir se la remémorer, l'entend. Quand Cécile demande à Serge s'il l'aime, il lui répond sans hésiter : «Oui, absolument.» L'absolu, étymologiquement, c'est l'absence de lien ; pour ce «couple ordinaire» qui l'est tellement et si peu, il faudrait ici préciser : l'absence de tout lien qu'on puisse couper. Le temps ne fait rien à l'affaire. «Mémoire», en quelques instants, quelques répliques toutes simples, nous a reconduits sur un seuil immémorial, là où l'effleurement d'un corps contre un autre, «un petit geste de la main, affectueux, presque involontaire», suffit désormais à tout résumer. Et c'est ainsi qu'à chaque visite, au sein de la séparation, les deux amants se rencontrent, presque comme dans les contes, pour une nouvelle première fois. Daniel Loayza Paris, 25 septembre 2014
les bibliothèques 7
Couverture de l'ouvrage Marguerite Duras. L'écriture de la passion par Laetitia Cenac, éditions de La Martinière, octobre 2013, réalisée par Floc’h
OD ON
décembre – janvier 2015
8
FAIRE LE VIDE EN SOI Marguerite Duras Laure Adler Sonia Wieder-Atherton Pour moi, qui lisais pour la première fois à voix haute ce texte que je croyais connaître, ce fut un exercice périlleux où tout le corps fut obligé de participer, sans que je m’en rende compte véritablement, tant j’avais l’impression de remonter à la nage le cours d’une rivière, contrainte d’éviter à tout moment les pierres – petites ou grandes – qui pourraient freiner mon parcours, et il me semblait vital – sans en connaître les raisons – de pouvoir être capable d’aller jusqu’au bout. Ce n’est pas seulement une question de souffle. C’est une histoire d’apprentissage du calme. Faire le vide en soi pour pouvoir aborder les différents continents qu’elle explore dans ce texte. La Vie matérielle est composée de chapitres. Certains pourraient dire que c’est un recueil de nouvelles. On y passe du coq à l’âne. Et pourtant quand le texte est sorti de moi, je n’y ai vu qu’un seul et long lamento, comme si la substance qu’on avait à l’intérieur s’écoulait, comme si le procédé des associations libres, utilisé en psychanalyse, était à ciel ouvert. Ce livre peut apparaître comme une confession, un autoportrait tout morcelé, une mise à nu. Marguerite Duras y parle de la vie, de la mort, de l’amour, de la solitude, de la séparation d’avec les autres, du désir fou de pouvoir les atteindre par le biais de l’écriture. Son regard, qu’elle le porte sur un enfant sur une plage de Normandie ou sur une route pluvieuse du centre de la France, renvoie toujours à un éternel ressassement de soi, une fatigue d’être, mais aussi un espoir de pouvoir s’en sortir. Alors, bien sûr, il y a toujours des parades pour faire comme si. Savoir faire la cuisine et plus particulièrement la soupe aux poireaux, savoir tenir une maison, se tenir dans le monde, faire semblant d’avoir des occupations. Mais être écrivain c’est justement avoir su couper le lien social, savoir descendre à l’intérieur de soi, prendre des risques, sans même être conscient qu’on les prend. Pouvoir dire les mots de Marguerite Duras fut une épreuve initiatique, un exercice tant physique que psychique, dont je ne sais si je suis sortie indemne, et qui restera longtemps dans ma mémoire. L’écriture de Duras est musicale. Ellemême le reconnaissait et elle jouait du piano. Le son de Sonia WiederAtherton et l’étrange mélancolie qui en émane constitue pour moi non un accompagnement – Duras n’a pas besoin d’être accompagnée – mais une sorte de tissu interstitiel, une affinité secrète, une résonance magnétique. Ce que nous tentons de faire ce n’est pas texte et musique mais respirations entremêlées. Laure Adler, janvier 2014, in «La Vie matérielle» de Marguerite Duras, lue par Laure Adler, Naïve livres lus
Grande salle
LES INATTENDUS La Vie matérielle de Marguerite Duras Lundi 8 décembre / 20h Lecture musicale de Laure Adler Accompagnée au violoncelle par Sonia Wieder-Atherton Musique, extraits de Vita Monteverdi – Scelsi
Sonia Wieder-Atherton © Xavier Arias
Il ne faudrait pas prêter un livre mais le donner
Et pourtant, ils lisent encore... 9
Ma bibliothèque aussi s’écrit en pointillé… en raison des livres prêtés que l’on ne m’a jamais rendus. Quand le rapt est fomenté par un étudiant, je tente de transformer ma déconvenue en satisfaction, me disant qu’il s’agit là d’une victoire pédagogique. Mais la plupart du temps, je n’ai pas cette élégance et je maugrée après le pilleur. En fait il ne faudrait pas prêter un livre mais le donner. Ainsi la bibliothèque ne serait pas démembrée mais ouverte au monde et au culot des écornifleurs. Le cauchemar de la bibliothèque est aussi celui du trop-plein… Il est vrai que, volés ou achetés, la pléthore de livres peut provoquer le malaise. L’Autodidacte, un personnage de La Nausée est pris de vertige devant les rayonnages de la bibliothèque municipale. Il ne sait pas par quel livre commencer. Pourtant il lui faut tout avaler. N’en omettre aucun. Alors il sera méthodique et lira les ouvrages de A à Z. Par noms d’auteurs. Le classement alphabétique empêchera ainsi tout oubli, en même temps qu’il annulera le plaisir et la liberté qui réside justement dans le fait de renoncer à telle ou telle œuvre. Ce caprice du lecteur est nécessaire. Nos choix ou non-choix, nos amours ou désamours forgent notre jugement et, maintenant celui-ci suspendu, rendent la surprise possible. Cécile Ladjali, Ma bibliothèque. Lire, écrire, transmettre. Seuil, 2014 Texte publié avec l'aimable autorisation des éditions du Seuil
Cécile Ladjali Agrégée de lettres modernes, elle enseigne la littérature à l’Université de Paris III (Sorbonne Nouvelle). Elle a publié un essai, Mauvaise langue (Seuil, 2007), couronné par le prix Femina pour la défense de la langue française. Ses romans sont publiés chez Actes Sud, le dernier paru étant Shâb ou la nuit (2013). Cécile Ladjali sera l'invitée, au salon Roger Blin de à quoi tenons-nous vraiment ? Lire c'est vivre jeudi 6 novembre / 18h
Clémentine Mélois est une artiste née
Ce jeu est aussi une façon de s’inter-
en 1980. Son travail se compose de
roger sur l’esthétique d’une couver-
détournements d’images, de références
ture, qui porte une double histoire,
décalées, d’appropriations visuelles,
celle de l’œuvre et de son destin, et
de pieds de nez, de clins d’œil et de
aussi celle de l’édition. Le premier
glissements sémantiques.
coup d’œil suggère un contenu, par
Dans Cent titres, elle pastiche par
la typographie employée, par le for-
l’image les classiques de la littéra-
mat, la composition. À chaque genre
ture et nous présente son étonnante
répondent une myriade de codes, qui le
bibliothèque. Lirons-nous aujourd’hui
rendent immédiatement identifiable :
Maudit Bic, d’Herman Melville, ou
fragilité d’un recueil de poèmes,
Père et Gay, de Léon Tolstoï ? Au
jaune et noir d’un roman policier,
fait, quel philosophe a-t-il écrit
sobriété d’un «grand» classique… ce
Le Crépuscule des idoles des jeunes ?
sont les lecteurs qui font les livres.
Pour
décrypter
les
anagrammes,
contrepèteries, homophonies, permutations et autres astuces de ces cent titres, on passera de la culture classique à la culture populaire, puisant dans des souvenirs de lectures, de chansons, de publicités ou de films.
Cent titres, éditions Grasset, préface de Jacques Roubaud. En librairie le 22 octobre. http://www.facebook.com/Clementine.Melois
Exer6 2 styl © Clémentine Mélois
Le treizième des travaux d’Hercule
salon Roger Blin
MA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE Pour clore le cinquantième anniversaire de la collection, nous avons demandé à cinq écrivains de puiser dans le catalogue de la GF-Flammarion et de constituer leur propre bibliothèque idéale.
Après les écuries d’Augias, les oiseaux du lac Stymphale et les pommes du jardin des Hespérides, Héraclès ouvre le cycle Mythes et épopées des Bibliothèques de l’Odéon. Pour petits et grands monstres, à partir de huit ans. Parmi les œuvres du patrimoine oral de l’humanité, les épopées sont les plus emblématiques de l’aventure des hommes. Elles tiennent rassemblées des communautés en perpétuant leurs langues, croyances, traditions et valeurs fondatrices. Si elles parlent toujours de courage, c’est surtout du courage silencieux de l’humain face aux dieux et au destin. Les mythes quant à eux sont des récits fondateurs, anonymes et collectifs. Ils servent d’explication du monde. Ce sont des récits de création et de fin du monde. Ce sont des faits et gestes de
dieux et de héros. Ce sont encore des superstitions qui restent puissantes car les mythologies renferment toute la poésie et la passion dont est capable l’esprit humain. CLiO a construit un cycle épique et mythologique qui donne à entendre quelquesuns de ces récits qui ont marqué notre continent.
Le solitaire
mardi 2 décembre / 18h en présence de Vincent Delecroix
Le cosmopolite
mardi 13 janvier / 18h en présence de Dany Laferrière, de l'Académie française
Une étude menée aux USA à l’automne 2013 montre que parmi les moins de trente ans, plus de 88 % ont lu un livre au cours de l’année, contre 79 % l’année précédente. Si la lecture est une activité principalement solitaire, les réseaux sociaux et les flux d’informations numériques transforment cette pratique. La lecture se partage aujourd’hui aussi sur internet, et par effet boule de neige, partout : quand l’émission télévisée «La grande librairie», sur France 5, appelle en septembre 2014 à témoigner sur «le livre qui a changé votre vie», les réseaux sociaux s’enflamment et chacun présente son livre fétiche. Quand on aime un livre et qu’on a envie d’en parler de manière vivante, quoi de mieux qu’une vidéo postée sur un réseau comme Youtube pour partager ses coups de cœur littéraires ? La vogue des «booktubers» – ces jeunes et moins jeunes qui parlent de livres sur Youtube – née aux États-Unis, très présente aussi dans les pays hispanophones, ne semble pas avoir atteint la francophonie. Et si vous vous lanciez ? Au Québec, une initiative lancée sur Facebook pendant l’été 2014 suggérait «d’oublier un livre quelque part» pendant la deuxième semaine de septembre. Le but étant qu’un inconnu s’empare du livre «oublié» et découvre à l’intérieur une petite note expliquant pourquoi on avait choisi de l’abandonner. 24 000 personnes auraient répondu à l’invitation. Dans le même esprit, les «petites bibliothèques gratuites» (Little Free Library) ou «biblioboîtes» poussent un peu partout en Amérique du Nord. À Berlin, ces bibliothèques de rue se rencontrent aussi très fréquemment. Le principe : dans une boîte prévue à cet effet et disposée sur la voie publique de la même manière qu’une boîte à lettres, vous disposez des ouvrages que vous souhaitez faire lire à d’autres. Le passant peut en prendre un ou plusieurs, à condition de disposer à la place un nombre équivalent d’ouvrages. En Italie, la pratique du don de livre en librairie est en vogue : Il libro sospeso (le livre suspendu). On achète un livre qu’on aime pour qu’il soit donné à la prochaine personne qui entre dans la librairie, en laissant pour elle une dédicace sur un post-it. Il y aurait trois millions d’occurrences du hashtag #librosospeso sur twitter. source : actualitte.com
salon Roger Blin
Mythes et épopées Heraklès
mercredi 10 décembre / 15h par Magda Kossidas accompagnée de Petros Satrazanis (percussions, cordes) à partir de 9 ans
Le Chant du Rossignol Brigand mercredi 14 janvier / 15h par Magda Lena Gorska récit, chant, accordéon à partir de 10 ans
En 1955, Paul Grimault futur collaborateur de Jacques Prévert (Le Roi et l’Oiseau) réalise pour la société «La vache qui rit», une campagne publicitaire imprimée sur papier buvard pour écolier et reprenant sous un mode humoristique Les douze travaux d’Hercule
10
décemBRE – janvier salon Roger Blin
Ma bibliothèque idéale
animé par Daniel Loayza Le solitaire mardi 2 décembre / 18h en présence de Vincent Delecroix Le cosmopolite mardi 13 janvier / 18h en présence de Dany Laferrière, de l'Académie française studio Gémier
XXIe scène / nouvelles voix contemporaines une proposition de Sophie Loucachevsky avec les jeunes acteurs de l’ESAD
lundi 8 décembre / 18h Carine Lacroix et Moreau (Collectif Le train de vie) lundi 19 janvier / 18h Sam Holcroft et Allistair Mac Dowell Grande salle
les inattendus La Vie matérielle / Marguerite Duras lundi 8 décembre / 20h Manuscrit de Lol V. Stein de Marguerite Duras Fonds Marguerite Duras/IMEC
lecture musicale / lu par Laure Adler accompagnée au violoncelle par Sonia Wieder-Atherton
salon Roger Blin
Lire le théâtre
Cette espèce de livre qui n’est pas un livre Ce livre n’a ni commencement ni fin, il n’a pas de milieu. Du moment qu’il n’y a pas de livre sans raison d’être, ce livre n’en est pas un. Il n’est pas un journal, il n’est pas du journalisme, il est dégagé de l’événement quotidien. Disons qu’il est un livre de lecture. Loin du roman mais plus proche de son écriture – c’est curieux du moment qu’il est oral – que celle de l’éditorial d’un quotidien. ]’ai hésité à le publier mais aucune formation livresque prévue ou en cours n’aurait pu contenir cette écriture flottante de «La Vie matérielle», ces aller-et-retour entre moi et moi, entre vous et moi dans ce temps qui nous est commun. L’autoroute de la parole Dans cette espèce de livre qui n’est pas un livre j’aurais voulu parler de tout et de rien comme chaque jour, au cours d’une journée comme les autres, banale. Prendre la grande autoroute, la voie générale de la parole, ne m’attarder sur rien de particulier. C’est impossible à faire, sortir du sens, aller nulle part, ne faire que parler sans partir d’un point donné de connaissance ou d’ignorance et arriver au hasard, dans la cohue des paroles. On ne peut pas. On ne peut pas à la fois savoir et ne pas savoir. Donc ce livre dont j’aurais voulu qu’il soit comme une autoroute en question, qui aurait dû aller partout en même temps, il restera un livre qui veut aller partout et qui ne va que dans un seul endroit à la fois et qui reviendra et qui repartira encore, comme tout le monde, comme tous les livres à moins de se taire mais ça, cela ne s’écrit pas.
animé par Jean-Yves Tadié Médée mardi 9 décembre / 18h de Sénèque / en présence de Blandine Le Callet, texte lu par Marie Micla salon Roger Blin
Mythes et épopées
à partir de 9/10 ans Heraklès mercredi 10 décembre / 15h par Magda Kossidas accompagnée de Petros Satrazanis (percussions, cordes) Le Chant du Rossignol Brigand mercredi 14 janvier / 15h par Magda Lena Gorska (récit, chant, accordéon) salon Roger Blin
L’europe inspirée
animé par Martine Méheut / textes lus par Anne Alvaro
Racines de l’Europe – de la Grèce aux Lumières samedi 13 décembre / 17h
en présence de Heinz Wismann et Jean-Louis Bourlanges lecture de textes de Paul Valéry, Denis de Rougemont, Jacques Le Goff
L’Europe – berceau du roman. Lieu de liberté, lieu d’intranquillité samedi 17 janvier / 17h
en présence de Pascal Lamy lecture de textes de Stefan Zweig, Romain Rolland, Fernando Pessoa, Romain Gary, Thomas Mann salon Roger Blin
LES RENDEZ-VOUS DU CNT La Finance lieu de théâtre ? lundi 15 décembre / 19h30
table ronde animée par Daniel Loayza en présence de David Lescot, Nathalie Fillion, Arnaud Meunier, Fausto Paravidino, Alexandre Plank salon Roger Blin
à quoi tenons-nous vraiment ? animé par Catherine Portevin
à quoi, à qui faut-il donc accorder notre attention ? jeudi 18 décembre / 18h
en présence d'Yves Citton
Papier, écrans, un nouveau vagabondage jeudi 22 janvier / 18h en présence de Françoise Benhamou
salon Roger Blin
l’épreuve de la haine animé par Marc Crépon
1914, l’indépendance de l’esprit à l’épreuve de la guerre vendredi 16 janvier / 18h
en présence de Frédéric Worms, lecture de textes de Romain Rolland et Alain Grande salle
Exils
présenté par Paula Jacques
Albert Cohen / Tobie Nathan lundi 19 janvier / 20h
textes lus par Bruno Abraham-Kremer Grande salle
Politique de la pensée
préparé et animé par Raphaël Enthoven
Platon : en haine de la démocratie samedi 24 janvier / 15h
en présence de Fulcran Teisserenc salon Roger Blin
les petits platons à l'odéon à partir de 8 ans
Marguerite Duras, La Vie matérielle, P.O.L, 1987
La mort du divin Socrate samedi 24 janvier / 15h avec Jean-Paul Mongin
tarifs Grande salle Plein tarif 10€ / Tarif réduit 6€
CARTE LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON Carte 10 entrées 50€
Salon Roger Blin Tarif unique 6€
date limite d’utilisation : 30 juin 2015
XXIe scène entrée libre sur réservation daniele.girones@orange.fr Rendez-vous du CNT entrée libre sur réservation accueil@cnt.asso.fr
(à l’exception de Gainsbourg, poète majeur et Bestiaire d’amour)
01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu
suivez-nous @Bibliodeon
11
10 décembre – 31 janvier Berthier 17e
LA réuniFICATION DES DEUX CORÉES de Joël Pommerat
scénographie et lumière Éric Soyer costumes Isabelle Deffin son François Leymarie, Grégoire Leymarie musique originale Antonin Leymarie vidéo Renaud Rubiano
ça a commencé quand ? Vous repoussez l’idée de ne plus l’aimer. Vous n’imaginez pas qu’il faudra le lui dire. Alors vous en faites votre affaire. Vous vous accommodez. Vous acceptez de ne plus supporter : sa démarche, sa conduite, la musique qu’il écoute. Sans en faire un drame. Vous êtes désagréable. Parfois blessante, mais vous camouflez. Puis vous n’y tenez plus. Ça vous échappe. Vous alignez les reproches, vous ressemblez à votre mère. Vous vous détestez. Vous vous ressaisissez, donnez encore une chance à votre histoire. Vous êtes douce, conciliante, juste ce qu’il faut pour relancer la machine. Ne pas être obligée de parler de cela. Une semaine s’écoule, parfois deux. Vous allez au cinéma, vous invitez des amis, vous partez en weekend à la montagne. Vous pensez que vous vous égarez. C’est bien l’homme de votre vie. Vous avez été injuste, impatiente, d’une exigence maladive. Vous vous prenez pour qui ? Puis il oublie ses clés et ça vous crispe, il tente de vous embrasser dans le cou et vous repoussez son élan. Vous dites que vous n’avez pas le temps. Vous êtes bardée d’excuses. Vous pensez que tout est sa faute. Depuis quand est-ce sa faute ? ça a commencé quand ? Brigitte Giraud, L’amour est très surestimé, éd. J’AI LU
avec Saadia Bentaïeb Agnès Berthon Yannick Choirat Philippe Frécon Ruth Olaizola Marie Piemontese Anne Rotger David Sighicelli Maxime Tshibangu durée 1h50 production Odéon-Théâtre de l’Europe, Compagnie Louis Brouillard coproduction Théâtre National – Bruxelles, Folkteatern – Göteborg, Teatro Stabile di Napoli – Naples, Théâtre français du Centre national des Arts du Canada – Ottawa, CNCDC de Châteauvallon, La Filature Scène Nationale – Mulhouse, les Théâtre de la Ville de Luxembourg, Le Parapluie (Centre des Arts de Rue – Aurillac) en collaboration avec le Teatrul National Radu Stanca – Sibiu avec le soutien du Programme Culture de l’Union européenne, dans le cadre du projet Villes en scène/Cities on stage Joël Pommerat est artiste associé au Théâtre National – Bruxelles et à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Il fait partie de l’association d’artistes de Nanterre-Amandiers la Compagnie Louis Brouillard reçoit le soutien du Ministère de la Culture/Drac-Île-deFrance et de la Région Île-de-France extrait de «Scènes de la vie conjugale» d’Ingmar Bergman dans la traduction de Lucie Albertini Guillevic et Carl Gustav Bjurström © Éditions Gallimard
créé le 17 janvier 2013 aux Ateliers Berthier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
CHAMPAGNE ! soirée de nouvel an mercredi 31 décembre à 20h représentation et coupe de champagne tarif unique 45€
représentations avec audiodescription dimanche 18 janvier à 15h mardi 20 janvier à 20h
«J’ai eu l’occasion de voir les textes de scène d'Isabelle Huppert : ils sont noirs, noirs de notes page après page.» 12
Conduite et programme de salle de Orlando, de Virginia Woolf, mis en scène par Robert Wilson au Théâtre de l'Odéon, septembre 1993
un quart de siècle à la manœuvre Entretien avec Michel Pons, régisseur général à l’Odéon-Théâtre de l’Europe
Diplomate et confident, concierge et officier de quart, premier arrivé et dernier parti : le régisseur général, cet homme-orchestre du théâtre, est tout cela et plus encore. Avant son départ en retraite, nous avons demandé à Michel Pons de nous parler de sa profession omniprésente et invisible. Mais pas moyen de faire tenir tant de savoir, d'expérience et d'amour des planches en une seule page : les souvenirs l'ont emporté. Pour en savoir plus sur les arcanes du métier, rendez-vous sur notre site !
Robert Wilson J’ai travaillé deux fois avec Robert Wilson. Sur Orlando, il y a... 20 ans ? Et sur Quartett. Les deux fois avec Isabelle Huppert. Je l’avais connue avant, sur le Mesure pour mesure mis en scène par Peter Zadek, il y a... allez, on oublie ! J’ai la mémoire des histoires, des émotions, je n’ai pas celle des dates. Orlando... J’avais une trouille monstre ! Pour la première fois, je devais reprendre un spectacle d’une complexité technique inimaginable. Les Suisses de VidyLausanne avaient tout, l’infrastructure, les appareils. Et nous, pas grandchose. On débutait dans les tournées. On a dû acheter du matériel, constituer des équipes. On n’était pas préparés au théâtre wilsonien. à l’Odéon, techniquement, on était à la ramasse... On venait du théâtre de texte. En trois mois, on a fait un bond en avant de plusieurs années. J’avais eu tellement peur que j’avais déposé ma candidature à la Comédie-Française, qui l’avait acceptée ! J’avais pourtant cinq ans d’expérience comme régisseur, j’avais travaillé au Châtelet, au Théâtre de Paris, sur Cats, sur Starmania, des grosses machines compliquées. Mais, là, cet OVNI qui me tombait dessus... et cette comédienne tellement exigeante ! Je suis resté une semaine à Lausanne
rien que pour voir le spectacle et plus je le voyais, plus je me disais : «Jamais tu n’arriveras à faire ça, jamais». Puis je me suis tâté, j’ai eu un sursaut d’orgueil comme on en a tous dans nos métiers. L’Odéon est devenu ma maison, et je ne l’ai jamais regretté.
Renaud, Coluche, Depardieu Ma fierté, c’est d’avoir toujours été régisseur. Je ne suis jamais passé par la case machiniste, éclairagiste, sonorisateur. J’ai tout appris sur le tas, dans une MJC, à Rodez. On faisait tous les spectacles d’accueil : les conférences d’explorateur, les galas de danse... Il faut savoir tout faire, c’est une bonne école. Et avant, j’étais photographe. C’est pour ça que je pouvais créer des éclairages. Mais encore avant, au tout, tout début, j’étais musicien. J’ai commencé avec Renaud... La musique m’a beaucoup aidé, bien sûr. Elle m’a donné l’expérience de la scène. Avec Renaud, je m’étais retrouvé à faire la première partie du spectacle de Coluche en 1974. Voilà une date dont je me souviens... Mon premier théâtre à Paris était rue Blanche, la petite salle du Théâtre Moderne. Ma première pièce, un Dubillard, Toute différente est la langouste, mise en scène par élisabeth Depardieu. Encore un OVNI... J’étais ravi. Gérard Depardieu venait de temps en temps aux répétitions. Il ne pouvait pas se retenir, il ne tenait pas en place sur son fauteuil. Je l’ai vu un jour monter sur le plateau, arracher la conduite à un des trois comédiens. Il leur a passé une de ces soufflantes... Il leur a expliqué qu’être un comédien, c’est être humble, une façon d’être qui doit être la plus humble possible... Puis il leur a dit «Attendez, je vais vous faire voir.» Et là, il leur a montré. Trois rôles en même temps texte en main, depuis trois points différents de la petite scène. © Charlotte Klein
Dernière des Fausses Confidences, le 23 mars 2014. Au premier plan, Michel Pons et Luc Bondy
«Et là, Depardieu leur a montré. Trois rôles en même temps texte en main...» C’était époustouflant. Les trois personnages étaient complètement là et pourtant c’était le même bonhomme – en trente secondes tout était dit. Alors là... respect. Ce jour-là j’ai appris qu’avec la scène il faut se remettre en cause, encore et toujours. On n’a jamais fini d’apprendre. Je n’ai jamais oublié ça.
L’Odéon Je suis arrivé avec Lluis Pasqual. Après Strehler, il fallait vraiment fonder le Théâtre de l’Europe dans la durée et ce n’était pas facile. Il a fallu ouvrir la maison sur l'extérieur. Pasqual a insufflé un autre élan, et de quelle façon !... Mais la grande période de théâtre, pour moi, ça a été la direction de Georges Lavaudant. C'est aussi la période la plus longue, onze ans, trois mandats. C'est grâce à lui que j'ai travaillé avec Luc Bondy pour la première fois, sur Viol de Botho Strauss, une aventure formidable. Avec Jo, le courant est vite passé, avec son humanité à outrance, dans la continuité de Pasqual. Il embarquait tout le monde dans son histoire... ça aussi c’est un don. Son Orestie est un de mes grands moments. Et c’est lui qui a invité Ariel Garcia-Valdès à mettre en scène Dialogue en ré majeur avec Michel Aumont et Roland Blanche. Roland était quelqu’un de merveilleux, de touchant, d’une humanité et d’une générosité fantastiques, et son duo avec Aumont, tous les soirs, reste un de mes trésors personnels de théâtre. Comme l'est la ren-
contre avec Philippe Girard sur Adagio, où il jouait le rôle de Mitterrand. C'est le spectacle d'Olivier Py que j'ai préféré.
Isabelle Huppert J’ai fait chacune des créations d’Isabelle Huppert à l’Odéon depuis les 114 représentations d’Orlando jusqu'aux Fausses Confidences de Marivaux dans la mise en scène de Bondy. Elle a accompagné toute ma carrière ici. Jo le disait en souriant : «Isabelle était là avant nous, elle sera là après nous». Un ami m’a dit un jour que les comédiens sont comme des astronautes en mission, et nous autres, aux régies, les ingénieurs restés sur Terre, devant les écrans de contrôle. C’est tout à fait ça. Eux, ils sont en apesanteur, et ils ont besoin de nous... Je me suis senti comme cela avec elle. Isabelle n’est pas seulement une grande artiste avec un don : c’est une immense professionnelle. Franchement, est-ce qu’elle a... besoin du théâtre ? S’il ne s’agissait que de carrière ou de notoriété, pourquoi viendrait-elle à l’Odéon ? Ce qu’elle recherche sur la scène, c’est au nom de sa propre exigence qu’elle le cherche. Les gens ne se doutent pas du travail qu’elle accomplit. Et elle-même n’en parle pas, elle est extrêmement discrète. Mais moi, je suis bien placé pour savoir que quand elle demande quelque chose, c’est toujours fondé. Elle a toujours une vision d’ensemble du projet dans lequel elle s’engage, et en même temps, elle veille aux détails. J’ai eu l’occasion de voir ses textes de scène : ils sont noirs, noirs de notes page après page. Je crois que je la respecte encore plus que je ne l’admire... Elle m’a appris beaucoup. Elle va énormément me manquer.
Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, 18 septembre 2014
sentir frémir les autres Delphine Harmel est chargée de mission «culture et justice» au Ministère de la Culture. Elle est devenue non-voyante à l’âge de vingt ans. Entretien, sous l’œil complice du chien Edel, avec une spectatrice qui sait voir autrement. Juliette Caron : Delphine, alliez-vous au théâtre avant de perdre la vue ? Delphine Harmel : Oui, j’allais au théâtre et j’aimais cela. Mais je pense que s’est opéré un tournant au moment où j’ai perdu la vue. J’étais très cinéphile et du jour au lendemain je me suis éloignée du cinéma parce que perdre les images a été une grande douleur. Du coup je me suis rapprochée du théâtre petit à petit. J’ai découvert au théâtre des sensations que je n’éprouvais pas auparavant et un plaisir supplémentaire. Quand on ne voit pas on glane le maximum d’information par tous les canaux de perception possibles. On est en état d’alerte permanent. Au théâtre il y a une atmosphère particulière, quelle que soit la salle. Il y a le bruit des pas sur le plancher, l’attente des spectateurs, leurs murmures. On partage une émotion qu’on ne partage pas au cinéma, un lieu déshumanisé. Au théâtre le spectacle est vivant, on le perçoit pleinement. Quand on est près de la scène on peut entendre les mouvements, les souffles, les froissements d'étoffe, les tiroirs que l'on ouvre... Je me sens parfois privilégiée de percevoir particulièrement ces détails que le public dans son ensemble ne perçoit pas nécessairement. J. C. : Qu’est-ce que vous apporte l’audiodescription ? En quoi cela consiste-t-il ?
© DR
D. H. : L’audiodescription est une aide technique proposée sur certains spectacles et à certaines dates. On donne au déficient visuel un système sonore qui lui
permet de comprendre ce qui se passe sur la scène. Le texte de la description est pré-enregistré par un comédien et on le diffuse pendant le spectacle par le biais d’écouteurs, avec quelqu’un en régie pour lancer la description au bon moment, comme pour le système de surtitrage. C’est Accès Culture qui fait ces descriptions et ces enregistrements. Il ne s’agit pas d’en faire trop, la personne déficiente visuelle n'est pas déficiente intellectuelle ! Par exemple, pour Le Roi Lear aux Ateliers Berthier, un truc m’avait beaucoup énervée. Il y avait un coup de feu. L’audiodescription avait décrit le coup de feu et son auteur, alors qu’on avait parfaitement compris, et qu’on était dans le paroxysme de la tension à ce moment-là. Le commentaire venait briser l’émotion. J. C. : Est-ce que vous voyez des spectacles non audio-décrits ? Certains spectacles sont-ils plus difficiles à percevoir que d’autres ? D. H. : J’ai vu l’an dernier un spectacle de cirque au Théâtre du Rond-Point. C’était très visuel, mais sentir frémir les autres, sentir mes enfants réagir, c’est un plaisir, ça me réjouit. Je suis allée à l’Opéra Comique voir Cendrillon sans audiodescription, et comme j’étais proche de la scène je percevais les déplacements, ma fille vibrait à côté de moi, elle me décrivait les costumes et le décor, je ne me sentais pas larguée, c’était vraiment beau. J’ai assisté récemment à un spectacle de danse en audio-description, eh bien ça ne fonctionne pas ! On n’a pas besoin
13
Une approche sensible de l’audiodescription
que quelqu’un vous dise «il lève le bras gauche, il s’allonge par terre» ! C’est peut-être impossible à décrire. J. C. : Quelles sont les réactions du public voyant ? D. H. : Si on n’utilise qu’une seule des deux oreillettes du casque, le public peut entendre le son émis par l’autre oreillette. Personne ne m’a jamais fait de remarque. Mais il ne faut pas que ce soit une gêne. C’est pour ça que l’initiative des «souffleurs d’images», où un comédien vient souffler des descriptions à l’oreille, est une belle idée, mais qui me pose un problème. J. C. : Et Edel dans tout ça ? D. H. : Mon chien – un Golden retriever – prend une certaine place... mais on ne l’entend jamais ; il est très discret, il se glisse sous les sièges. Parfois les spectateurs voisins ne le remarquent qu’à l’entracte ou à la fin du spectacle ! Il arrive qu’un chien soit ému par un bruit d’orage, par exemple, et se mette à trembler, voire à aboyer, mais c’est vraiment rare. Les chiens sont vraiment éduqués pour ça. Ils sont très zen.
Il est important d’aller au spectacle, le spectacle se vit. Il faut vibrer, frémir, les déficients visuels ne doivent pas s’en priver ! C’est comme aller au musée. Écouter les commentaires d’un audio-guide chez soi, ce n’est pas la même chose que d’écouter l’audio-guide dans un musée, avec un public qui réagit face aux œuvres présentées. C’est passionnant. Les déficients visuels ont leur place partout, et c’est leur droit d’être accompagné par leur chien-guide. Les lieux qui reçoivent du public ont l’obligation d’accueillir les chiens-guides, mais on ne le sait pas toujours, il faut se battre souvent pour que la loi soit respectée. Je n’ai jamais eu de difficultés dans un théâtre, mais ça pourrait arriver. Il faut dire haut et fort qu’une personne aveugle a sa place dans une salle de spectacle... même pour un spectacle de danse ! (rires) Propos recueillis par Juliette Caron Paris, 12 septembre 2014
J. C. : Comment se passe le «retour-surspectacle» avec les accompagnants ?
Visite du Théâtre de l’Odéon en langue des signes française Samedi 15 novembre / 11h 6€ par personne Réservation 06 22 19 01 76 (sms) acces@theatre-odeon.fr
D. H. : Après il y a toujours un débriefing, c’est un passage obligé, mais tout le monde le fait plus ou moins, non ? Je demande des précisions, ou qu’on me raconte certains passages difficiles à percevoir.
Représentations avec audiodescription La Réunification des deux Corées Joël Pommerat Ateliers Berthier 17e Les 18 et 20 janvier en partenariat avec Accès Culture
soutenez la création théâtrale
Le Cercle de l’Odéon rassemble tous les passionnés de théâtre qui désirent se retrouver autour d’un des foyers majeurs de la création européenne. Chaque saison, le Cercle de l’Odéon participe au financement de quatre spectacles-phares de la programmation, autour desquels sont proposées des rencontres et des soirées en présence des équipes artistiques. Devenez membre à partir de 200€. L’Odéon remercie l’ensemble des membres du Cercle pour leur soutien à la création théâtrale. Hervé Digne est président du Cercle de l’Odéon. Information et contact Pauline Rouer 01 44 85 40 19 cercle@theatre-odeon.fr *Les dons versés à l’Odéon donnent droit à une déduction fiscale.
Soirée du Cercle sur la terrasse du Théâtre de l’Odéon © Jacob Khrist
14
Avantages abonnés
Tarifs préférentiels, invitations... (nombre de places restreint) Des propositions élaborées avec les partenaires culturels de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
Toute photographie fait énigme pour le regard à l’occasion du Mois de la Photographie à Paris en novembre, l’Odéon-Théâtre de l’Europe a souhaité mettre en avant plusieurs de ses partenaires qui participent à l’événement. Rencontre avec le commissaire de l’exposition présentée à la Maison européenne de la Photographie, Michel Frizot. Comment en vient-on à s’intéresser à la photographie d’anonymes ? Si je suis aujourd'hui spécialisé dans l'histoire de la photographie, je viens plutôt de l'histoire de l'art. Autour de 1980, j'ai commencé à travailler sur des fonds qui n'étaient pas du tout étudiés à l'époque, dont celui du chronophotographe étienne-Jules Marey. Quand j'ai commencé à faire un cours universitaire sur l'histoire de la photographie, j'ai essayé de maintenir un certain équilibre entre la photographie d'auteur et celle qui n'en relevait pas. J'ai essayé de relier les deux versants, en particulier dans ma Nouvelle histoire de la photographie*. Quelles qualités l’anonymat confère-t-il à ces photographies ? Voyez par exemple ces cartes postales prises sur les marchés ou dans les bistrots, au tournant du XXe siècle. Ce n'est pas de la grande photo, mais on y lit autre chose : une proximité, un échange. L'importance des regards est ici primordiale, dans la photographie lors de la prise de vue, et ultérieurement. Ici, mon propre regard joue aussi un rôle, et c'est pourquoi j'ai tenu à sous-titrer l'exposition «une collecte de regards».
Maison Européenne de la Photographie EXPOSITION «TOUTE PHOTOGRAPHIE FAIT éNIGME» 12 novembre – 11 janvier Une collecte de regards, conçue et présentée par Michel Frizot > laissez-passer offerts > réservation au 01 44 85 41 17 / missions-rp@theatre-odeon.fr > Maison Européenne de la Photographie, 5 rue de Fourcy, Paris 4e
Photographie anonyme, réunion de modélistes, photo de presse. Exposition «Toute photographie fait énigme» MEP, Mois de la Photo 2014
Vous avez écrit que «toute photographie fait énigme pour le regard...» Cette expression définit le synopsis de l'exposition. Il n'y a pas de photo sans intentions. Or ces intentions ne peuvent jamais être retrouvées intégralement dans la photographie elle-même. Il y a toujours un moment où le regard reste retenu, en suspens, hors d'état de restituer toutes les données qui ont «fait» telle photographie. Aucune photographie n'est tout à fait transparente. Si elle l'était, elle n'arrêterait pas notre regard et ne serait donc pas pleinement une photographie. La photo n'est que cela : quelque chose d'offert au regard et ce regard suscite de l'énigme, de l'interrogation, du suspens de résolution. Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, 22 septembre 2014 * Bordas et Adam Biro, 1994
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris EXPOSITION «SONIA DELAUNAY, LES COULEURS DE L’ABSTRACTION» 17 octobre – 22 février Première grande rétrospective parisienne consacrée à Sonia Delaunay depuis 1967, l’exposition organisée par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris rassemble, aux côtés de trois reconstitutions exceptionnelles d’environnements, plus de 400 œuvres : peintures, décorations murales, gouaches, estampes, mode et textiles. Cette monographie qui suit l’évolution de l’artiste de l’aube du XXe siècle à la fin des années 1970, met en lumière l’importance de son activité dans les arts appliqués, sa place spécifique au sein des avant-gardes européennes, ainsi que son rôle majeur dans l’abstraction dont elle figure parmi les pionniers. > laissez-passer offerts (deux entrées par personne maximum) > envoyez le code «SONIA14» ainsi que votre adresse postale à l’adresse : mampartenaires@gmail.com Cette participation vous fera bénéficier d’autres offres grâce à l’inscription automatique à la newsletter du MAMVP > Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson, Paris 16e
Hall de gare, Anhalter Bahnhof, près de Potsdamer Platz Berlin, 1929 – début des années 1930 © Mara Vishniac Kohn, courtesy International Center of Photography
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme exposition «ROMAN VISHNIAC, DE BERLIN à NEW YORK, 1920-1975» 17 septembre – 25 janvier Rassemblant environ 220 œuvres, dont de nombreuses inédites, l’exposition «Roman Vishniac. De Berlin à New York, 1920-1975», donne à voir un ensemble de travaux d’une extrême diversité provenant du vaste fonds des archives Roman Vishniac conservées à l’International Center of Photography. L’exposition replace ses photographies iconiques du judaïsme esteuropéen au sein d’un mouvement plus large, celui de la photographie documentaire humaniste des années 1930. > tarifs réduits 4,50€ (au lieu de 7€) pour l’exposition et 7€ (au lieu de 10€) pour l’exposition et le Musée (collections permanentes) sur présentation de la carte abonné Odéon > Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Hôtel de Saint-Aignan, 71 rue du Temple, Paris 3e
Portrait de Sonia Delaunay, cliché André Villers 1971 © Pracusa 2013057 © BNF André Villers © Adagp, Paris 2014
Alix Cléo Roubaud, Si quelque chose noir, Saint Felix 1980 – épreuve argentique © Jacques Roubaud / Hélène Giannecchini | BnF, Estampes et photographie
Bibliothèque nationale de France exposition «ALIX CLéO ROUBAUD PHOTOGRAPHIES "QUINZE MINUTES LA NUIT AU RYTHME DE LA RESPIRATION"» 28 octobre – 1er février Alix Cléo Roubaud (1952-1983) a produit, le temps de sa vie brève et fulgurante, une œuvre dense mêlant littérature, philosophie et photographie. Proche du réalisateur Jean Eustache qui lui consacra un courtmétrage, complice et épouse du poète Jacques Roubaud, elle est de ces figures mystérieuses et fascinantes dont on connaît le nom sans avoir pu voir l’œuvre dans son intégralité. Les récentes donations de Jacques Roubaud à des collections nationales ont permis de découvrir l’ampleur, la puissance et la diversité jusqu’alors ignorées de sa production photographique. La BnF organise la première exposition monographique de son travail, réunissant plus de 200 photographies ainsi que des textes et documents inédits. > invitations pour la visite guidée du dimanche 30 novembre à 15h > réservation au 01 44 85 41 17 > Bibliothèque nationale de France, Quai François-Mauriac, Paris 13e François Mitterrand / Galerie 1
15
Acheter et réserver ses places Ouvertures de location tout public
Calendrier
you are my destiny (Lo stupro di Lucrezia) theatre-odeon.eu mercredi 8 octobre guichet / téléphone mercredi 15 octobre
décembre
Les Bibliothèques de l’Odéon 6e
Odéon 6e Berthier 17e
la réunification des deux corées theatre-odeon.eu mercredi 5 novembre guichet / téléphone mercredi 12 novembre les bibliothèques de l’odéon Vous pouvez réserver pour l’ensemble de la saison 14/15 Par téléphone 01 44 85 40 40 du lundi au samedi de 11h à 18h30 Au guichet du Théâtre de l’Odéon du lundi au samedi de 11h à 18h
Abonnés Si vous n’avez pas choisi vos dates de spectacles : – Vous pourrez réserver vos dates, à tout moment de l’année. Merci de vérifier la disponibilité de la date choisie auprès du service abonnement avant de retourner votre contremarque. – Nous vous conseillons de choisir vos dates avant l’ouverture de réservation tout public, afin que nous puissions vous placer au mieux.
janvier
Les Bibliothèques de l’Odéon 6e Berthier 17e Grande salle / salon Roger Blin / studio Gémier jeu 1 Férié ven 2 La Réunification... 20h sam 3 La Réunification... 20h dim 4 La Réunification... 15h lun 5 mar 6 La Réunification... 20h mer 7 La Réunification... 20h jeu 8 La Réunification... 20h ven 9 La Réunification... 20h sam 10 La Réunification... 20h dim 11 La Réunification... 15h lun 12 mar 13 La Réunification... 20h Ma bibliothèque idéale / Le cosmopolite 18h mer 14 La Réunification... 20h Mythes et épopées / Le Chant du Rossignol Brigand 15h jeu 15 La Réunification... 20h ven 16 La Réunification... 20h L’épreuve de la haine / 1914, l’indépendance... 18h sam 17 La Réunification... 20h L’Europe inspirée / L’Europe – berceau du roman... 17h dim 18 La Réunification... 15h*** lun 19 XXI e Scène / Sam Holcroft et Allistair Mac Dowell 18h Exils / Albert Cohen / Tobie Nathan 20h mar 20 La Réunification... 20h*** mer 21 La Réunification... 20h jeu 22 La Réunification... 20h à quoi tenons-nous vraiment ? / Papier, écrans...18h ven 23 La Réunification... 20h sam 24 La Réunification... 20h Politique de la pensée / Platon... 15h Les petits Platons / La mort du divin Socrate 15h dim 25 La Réunification... 15h lun 26 mar 27 La Réunification... 20h mer 28 La Réunification... 20h jeu 29 La Réunification... 20h ven 30 La Réunification... 20h sam 31 La Réunification... 20h Odéon 6e
Vous avez la possibilité de réserver des places supplémentaires aux dates d’ouverture de location de chaque spectacle. Vous bénéficiez d’un tarif réduit pour Les Bibliothèques de l’Odéon, en grande salle. Contact 01 44 85 40 38 abonnes@theatre-odeon.fr
Représentations you are my destiny du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi la réunification des deux corées du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi à l'exception du 24 décembre, représentation à 19h30
Champagne ! Soirée de nouvel an : mercredi 31 décembre à 20h représentation et coupe de champagne tarif unique 45€
Grande salle / salon Roger Blin / studio Gémier
mar 2 Ma bibliothèque idéale / Le solitaire / Vincent Delecroix 18h mer 3 You Are My Destiny 20h jeu 4 You Are My Destiny 20h ven 5 You Are My Destiny 20h sam 6 You Are My Destiny 20h dim 7 You Are My Destiny 15h lun 8 XXIe Scène / Carine Lacroix et Moreau 18h Les Inattendus / La Vie matérielle / Marguerite Duras 20h mar 9 You Are My Destiny 20h Lire le théâtre / Médée – Sénèque 18h mer 10 You Are My Destiny 20h La Réunification... 20h Mythes et épopées / Heraklès 15h jeu 11 You Are My Destiny 20h La Réunification... 20h ven 12 You Are My Destiny 20h La Réunification... 20h sam 13 You Are My Destiny 20h La Réunification... 20h L’Europe inspirée / Racines de l’Europe... 17h dim 14 You Are My Destiny 15h La Réunification... 15h lun 15 Les rendez-vous du CNT 19h30 mar 16 La Réunification... 20h mer 17 La Réunification... 20h jeu 18 La Réunification... 20h à quoi tenons-nous vraiment ? 18h ven 19 La Réunification... 20h sam 20 La Réunification... 20h dim 21 La Réunification... 15h lun 22 mar 23 La Réunification... 20h mer 24 La Réunification... 19h30 jeu 25 Relâche ven 26 La Réunification... 20h sam 27 La Réunification... 20h dim 28 La Réunification... 15h lun 29 mar 30 La Réunification... 20h mer 31 La Réunification... 20h**
vacances scolaires zone A zone B zone C ** Soirée de nouvel an Tarif particulier *** Représentations avec audiodescription
Tarifs Spectacles
Théâtre de l’Odéon 6e
série 1
série 2
série 3
Plein tarif 38 € 26 € 16 € Moins de 28 ans, étudiant, bénéficiaire du RSA* Public en situation de handicap 19 € 13 € 8 € Demandeur d’emploi* 20 € 16 € 10 € 6 € 6 € 6 € Élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) Lever de rideau (2h avant la représentation) — — — Pass 17* (dates spécifiques)** — — —
Ateliers Berthier 17e
série 4 série unique
12 €
34 €
6 € 6 € 6 € 6 € —
17 € 20 € 6 € — 17 €
* Justificatif indispensable lors du retrait des places ** La Réunification des deux Corées : 14 déc. / 15h ; 17 déc. / 20h ; 8 janv. / 20h
Les l’Odéon Bibliothèques de Théâtre de l’Odéon 6e Tarifs exceptionnels
Grande salle Roger Blin série 1
Plein tarif 10 € 6 € Carte les Bibliothèques de l’Odéon — — Abonné Odéon 6 € 6 € Moins de 28 ans, étudiant, bénéficiaire du RSA* Public en situation de handicap 6 € 6 € Demandeur d’emploi* 6 € 6 € Élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) 6 € 6 € *
Justificatif indispensable lors du retrait des places
Gainsbourg, poète majeur Bestiaire d’amour
série 2 série 3 série 4
38 € 26 € 16 € 12 € 28 € 19 € 12 € 6 € 28 € 19 € 12 € 6 € 19 € 13 € 8 € 20 € 16 € 10 € 6 € 6 € 6 €
6€ 6€ 6€
Contacts Groupe d’adultes, amis, association, comité d’entreprise, 01 44 85 40 37 collectivites@theatre-odeon.fr Public de l’enseignement 01 44 85 40 39 / 4118 enseignement@theatre-odeon.fr Public de proximité des Ateliers Berthier, public du champ social et public en situation de handicap 01 44 85 40 47 / 4118 alice.herve@theatre-odeon.fr Carte Les Bibliothèques de l’Odéon Carte 10 entrées 50€ (à l’exception de Gainsbourg, poète majeur et Bestiaire d’amour) Carte à utiliser librement ; une ou plusieurs places lors de la même manifestation. Réservation fortement conseillée Attention : pour Gainsbourg, poète majeur et Bestiaire d’amour, un tarif préférentiel est cependant consenti aux abonnés Odéon et aux détenteurs de la Carte Les Bibliothèques de l’Odéon (cf. tarifs exceptionnels, voir ci-contre).
Restaurant Bar & Salon de thé Brunch du dimanche Jeux de société & Presse
3 octobre – 21 novembre / Odéon 6e
Odéon-Théâtre de l’Europe
16
Le Café de l’Odéon prend ses quartiers d’automne dans le cadre exceptionnel du grand foyer du Théâtre et sous la galerie Rotrou
les nÈgres
Jean Genet / Robert Wilson création
avec le Festival d’Automne à Paris
9 octobre – 14 novembre / Berthier 17e
les particules ÉlÉmentaires Michel Houellebecq / Julien Gosselin avec le Festival d’Automne à Paris
3 – 14 décembre / Odéon 6e
you are my destiny (Lo stupro di Lucrezia) Angélica Liddell
avec le Festival d’Automne à Paris
10 décembre – 31 janvier / Berthier 17 e
La rÉunification des deux corÉes Joël Pommerat 16 janvier – 28 février 8 – 29 avril / Odéon 6e
ouvert tous les jours de midi à minuit
Ivanov Anton Tchekhov / Luc Bondy création 14 mars – 2 avril / Berthier 17 e
(sauf le dimanche soir)
toujours la tempÊte Peter Handke / Alain Françon 11 – 29 mars / Odéon 6e
das weisse vom ei (Une île flottante) Eugène Labiche / Christoph Marthaler 2 – 17 mai / Berthier 17 e
henrY vi William Shakespeare / Thomas Jolly 15 mai – 27 juin / Odéon 6e Ils sont mécènes de la saison 2014-2015 les fausses confidences
Marivaux / Luc Bondy 28 mai – 28 juin / Berthier 17 e
liliom Ferenc Molnár / Jean Bellorini
Les Bibliothèques de l’Odéon
5 Théâtre de l’Odéon Place de l’Odéon Paris 6 e Métro Odéon RER B Luxembourg
Ateliers Berthier 1 rue André Suarès (angle du Bd Berthier) Paris 17e Métro et RER C Porte de Clichy
Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite, nous prévenir impérativement au 01 44 85 40 40 Toute correspondance est à adresser à Odéon-Théâtre de l’Europe – 2 rue Corneille – 75006 Paris theatre-odeon.eu 01 44 85 40 40
couverture : You Are My Destiny © Thierry Pasquet / Licences d’entrepreneur de spectacles 1064581 – 1064582
octobre 2014 – juin 2015