peter handke / alain françon
OD ON
langue mineure voix majeures
eugène labiche / Christoph marthaler
île à la neige ou œufs flottants ?
les bibliothèques de l'odéon
clarice lispector, une écriture de l'origine
o
Lettre N 14 Odéon-Théâtre de l’Europe
mars – avril 2015
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sommaire p. 2 à 5
une résistance méconnue TOUJOURS LA TEMPÊTE Peter Handke / Alain Françon
p. 6
en l'honneur de rené burri cérémonie d'hommage
p. 7 à 10
les bibliothèques de l’odéon Clarice lispector, une écriture de l'origine europe, étrange rapt L'Europe inspirée REPRENDRE LE DIALOGUE D'UNE ÂME AVEC ELLE-MÊME Politique de la pensée
p. 11 et 12
ça c'est du marthaler das weisse vom ei (Une île flottante) Christoph Marthaler
p. 13
tisser des complicités l'odéon et les réseaux sociaux
p. 14
les 30 ans de la fondation cartier
C'est un début de janvier à Paris. Je répète Ivanov. L'histoire d'un homme qui ne sait plus quel sens peut encore avoir sa vie. C'est comme s'il avait perdu le fil. Parfois il croit l'avoir retrouvé. Mais ça ne dure pas, et il se retrouve très vite perdu. Je me dis un jour, et puis le lendemain, qu'il va falloir bientôt adresser mes vœux aux personnels du théâtre, à tous les publics que nous servons. Je me le dis et puis j'oublie, je suis distrait et concentré, je suis plongé dans le travail. Et puis c'est le mercredi 7, le vendredi 9. Et le dimanche 11 janvier. Ce grand dimanche à Paris et dans le monde entier. Parfois on perd le fil. On oublie. Puis vient l'horreur, l'émotion. Le quotidien redevient Histoire. Et nous retrouvons la mémoire. Nous sommes ébranlés. Mais nos valeurs profondes ne le sont pas. Elles sont attaquées, nous devons les défendre et nous les défendrons. D'abord en les réaffirmant haut et fort, ensemble. à tous les amis de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, je souhaite une belle et bonne année 2015, pleine de vie, de rire, d'amour, de joie.
AVANTAGES ABONNÉS Invitations et tarifs préférentiels
p. 15
ACHETER ET RÉSERVER SES PLACES
Luc Bondy, 13 janvier 2015
4 mars – 2 avril / Berthier 17e
TOUJOURS LA TEMPêTE texte Peter Handke mise en scène Alain Françon création texte français Olivier Le Lay assistant à la mise en scène Nicolas Doutey décor Jacques Gabel lumière Joël Hourbeigt costumes Sarah Leterrier musique Marie-Jeanne Séréro son Léonard Françon collaboration dramaturgique Sophie Semin chorégraphie Caroline Marcadé avec Pierre-Félix Gravière Gilles Privat Dominique Reymond Stanislas Stanic Laurent Stocker de la Comédie-Française Nada Strancar Dominique Valadié Wladimir Yordanoff musiciens Floriane Bonanni Philip James Glenister Renaud Guieu Benjamin Mc Connell Julien Podolak Thierry Serra
p. 16
coproduction Théâtre des Nuages de Neige, OdéonThéâtre de l'Europe, Comédie de SaintÉtienne-CDN, MC2 Grenoble, La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, Maison de la Culture d'Amiens
LE CERCLE DE L'ODÉON
le Théâtre des Nuages de Neige est soutenu par la Direction Générale de la Création Artistique du Ministère de la Culture
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Suhrkamp Verlag est l'agent théâtral du texte original texte publié aux éditions Le Bruit du temps créé le 4 mars 2015 à l'Odéon-Théâtre de l’Europe durée estimée 3h20 avec le soutien du Cercle de l'Odéon
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Une résistance méconnue
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le combat anti-hitlérien des Slovènes de Carinthie
Peter Handke est originaire de Carinthie, le plus méridional des neuf Länder autrichiens, à la frontière de l'Italie et de l'exYougoslavie. Son dernier texte est tissé d'allusions à l'histoire mouvementée et parfois tragique de sa région natale. Cette histoire, il la revisite de façon plus intime que jamais dans Toujours la tempête, où le narrateur dialogue avec ses propres ancêtres. Le mardi 16 décembre 2014, Ute Weinmann, spécialiste de l'Autriche qui enseigne à l'université de Cergy-Pontoise, a retrouvé Alain Françon et ses comédiens pour les guider à travers les paysages de l'œuvre. Elle leur a notamment exposé les origines d'un phénomène aussi essentiel que méconnu : la lutte des partisans slovènes contre l'occupant nazi, qui fit de la Carinthie l'unique territoire de la Grande Allemagne à avoir abrité un mouvement de résistance armée. Elle nous a aimablement autorisés à reproduire ici un extrait de son intervention, et nous l'en remercions. Introduction. La Carinthie est une région biculturelle, en partie bilingue, qui s'est forgé une image historique comme dernier rempart contre l’invasion ottomane. À partir de la fin du XIXe siècle, le nationalisme allemand se développe dans la bourgeoisie libérale (germanophone) et s’oppose à une minorité nationale slovène, conservatrice, paysanne, fidèle à la dynastie des Habsbourg et portée par le clergé. Malgré un nombre de Slovènes décroissant depuis le début du XXe siècle, la Carinthie reste marquée par la double culture slovène et allemande. L’apport slovène est essentiel dans le paysage linguistique (le dialecte carinthien), les noms, les toponymes, la musique populaire et la vie culturelle. En Carinthie, la «question nationale» n’est close ni au niveau du débat scientifique, ni sur le plan politique et social. Germanophones et slovénophones divergent dans leur façon de raconter l’Histoire du XXe siècle, notamment celle de la résistance anti-hitlérienne des Slovènes carinthiens au sein des partisans de Tito. Héros pour les uns et traître, voire criminel, pour les autres, instrumentalisé à des moments propices par la politique régionale, le partisan est une figure, une métaphore servant d'appui aux peurs infondées de la majorité germanophone d’un côté, aux projections identitaires de la minorité slovène de l’autre.
L'entre-deux-guerres (1918-1938). Après la Première Guerre mondiale et le démembrement de la monarchie austro-hongroise, le peuple des Slovènes se trouve réparti sur quatre États. En Italie, Autriche et Hongrie, ils représentent désormais une minorité linguistique, tandis que le royaume des Slaves du sud, la future Yougoslavie, leur accorde un territoire avec une certaine autonomie par rapport à Belgrade. à l’intérieur de la nouvelle République d’Autriche à grande majorité germanophone, dont la langue officielle est désormais l’allemand, les Slovènes ne sont plus une des neuf nationalités aux droits égaux (selon l’article XIX des Staatsgrundgesetze de 1867). En revanche, ils acquièrent le statut de minorité, à une époque où la protection va pratiquement à contresens de l’esprit du temps, nationaliste. Pendant l’entre-deux-guerres, un climat de plus en plus anti-slovène s’installe parmi la majorité germanophone carinthienne, attisé d’abord par des confrontations frontalières en 1918 et 1919. Alors que le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes revendique, en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l’annexion du sud de la Carinthie, majoritairement slovène, la jeune République autrichienne cherche à défendre les frontières historiques de la Carinthie, l'un des anciens
«pays de la couronne» (Kronländer). L’entrée des troupes yougoslaves en Carinthie provoque des affrontements armés qui se terminent par une débâcle pour l’Autriche. Dans le même temps, le Traité de Saint-Germain (1919) fixe un référendum pour clarifier la question de la frontière méridionale de l’État autrichien. Le 10 octobre 1920, après une campagne promettant aux Slovènes de Carinthie la protection de leur culture et leur langue, près de 60% des voix d’une population composée à 75% de Slovènes se prononcent en faveur de l’État autrichien. C’est donc grâce à sa population slovène que la Carinthie demeure après 1920 «libre et unie» (frei und ungeteilt), selon le slogan de l’époque, conjuré jusqu’à nos jours à des moments propices. Le vote pour l’État autrichien fut cependant interprété comme un vote pour la culture allemande, distinguant désormais entre les «bons» et les «mauvais» Slovènes – entre ceux qui avaient voté pour l’Autriche et les «Slovènes nationaux» qui l'avaient «trahie». La majorité germanophone, de tendance nationaliste-allemande, cherche dès lors à diviser la minorité slovène afin d’assimiler définitivement les «fidèles à la patrie» (Heimattreue) et à isoler, voire criminaliser les «traîtres à la patrie» (Vaterlandsverräter). Ces combats frontaliers et le référendum marqueront
jusqu’à nos jours la mémoire collective de la province, et seront mythifiés et instrumentalisés politiquement. De l'«Anschluss» à la résistance (1938-1942). Avec l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne hitlérienne le 13 mars 1938, la protection des minorités ancrée dans le Traité de Saint-Germain n’est plus en vigueur, et de nombreux décrets garantissent désormais la «protection du peuple» (allemand), de l’État et de la Wehrmacht. Les nazis régionaux – à qui est entièrement confiée dès 1938 la politique de minorité – poursuivent la germanisation et leur objectif d’éliminer à moyen terme l’élément slovène au sud de l’Autriche. Le recensement de 1939 accentue la division de la population slovène entre les individus de langue maternelle slovène (Muttersprache), mais prêts à l’assimilation, et les autres slovénophones, qui se réclament de la culture et de l’appartenance au peuple slovène (Volkszugehörigkeit), et qui vont devenir les cibles de persécutions et de déportations. En apparence, la vie de la minorité slovène ne change guère entre 1938 et 1941. Les mesures intimidatrices et discriminatoires se multiplient cependant, au niveau culturel, scolaire, administratif, économique. À partir de 1939, suite aux accords entre Hitler et Mussolini, la population slovène est susceptible de
Quelques articles à consulter d'Ute Weinmann «Les Slovènes de Carinthie au sein des Partisans de Tito», in L’Antifascisme revisité. Histoire – Idéologie – Mémoire, Revue pluridisciplinaire de la fondation Auschwitz, n°104, Paris, Kimé, juilletseptembre 2009, p. 65-78. «L’idéologie de la patrie face aux minorités autochtones dans l’Autriche de l’entre-deux-guerres : l’exemple de la minorité slovène», in Chroniques Allemandes, revue du CERAAC n°13, Université Stendhal-Grenoble 13, janvier 2009, p. 55-70. «Droits et protection de la minorité slovène en Carinthie : la querelle des panneaux topographiques bilingues enfin réglée», in Jean-Numa Ducange/Jacques Lajarrige (dir.), L’Empire austro-hongrois : les enjeux de la présence allemande en Europe centrale (1867 à 1918), Austriaca n°73, janvier 2012, p. 259-270.
les comédiens de Toujours la tempête, en répétition © Michel Corbou
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«déplacement» afin de céder sa place à une population germanophone venant d’Italie ayant «opté» pour une installation dans le Reich allemand. Par ailleurs, le régime mobilise les jeunes issus de la minorité slovène pour les envoyer au front au nom de la Grande Allemagne. Dès le début de la guerre, un nombre toujours croissant de Slovènes de Carinthie ont refusé la mobilisation ou déserté la Wehrmacht. Ils passent dans un premier temps en Yougoslavie pour revenir, après la défaite yougoslave (avril 1941) et la suppression des frontières, dans les forêts aux alentours de leur village natal, souvent pour rejoindre ensuite le réseau des partisans de Tito. Dès cette époque, les mesures antislovènes en Carinthie ont pris une dimension persécutrice. Le destin des Slovènes carinthiens se lie étroitement à celui des Slovènes yougoslaves sous occupation allemande – soumis à une germanisation radicale, à l’expulsion, voire à la déportation. Pendant la rafle des 14 et 15 avril 1942, 225 familles slovènes de Carinthie sont arrêtées et déportées pour la plupart vers des camps de travail en Allemagne. C’est un événement majeur dans la mémoire collective des Slovènes carinthiens. Le paradoxal engagement des Slovènes de Carinthie, en majorité des catholiques conservateurs de milieu paysan, au sein d’un mouvement de résistance révolutionnaire communiste, devient alors intelligible. à partir de ce moment décisif, une bonne partie de la population slovène bascule de l’attentisme vers la résistance antihitlérienne active ou passive. De l'après-guerre à nos jours (1945-2015). Après la guerre, comme les Alliés l'avaient annoncé dans la déclaration de Moscou (novembre 1943), l’Autriche est rétablie dans ses anciennes frontières. Ses dirigeants conduisent des négociations visant à conserver l'intégrité territoriale du pays (coresponsable des crimes de guerre et occupé par les Alliés) et à regagner son entière souveraineté. La participation des Slovènes de Carinthie à la libération de l’Autriche fit partie de l'argumentaire de l'Autriche officielle. Le fait de la résistance antihitlérienne slovène en Carinthie joua son rôle lors de la rédaction du Traité d’État de 1955, notamment aux articles 7 et 19 (droits des minorités autochtones ; droit à la mémoire des victimes et des résistants). Mais une fois le Traité d’État signé, le travail de mémoire et de recherche concernant la lutte anti-hitlérienne passa à l'arrière-plan. Au niveau de la politique intérieure, l’ambiance consensuelle de déculpabilisation générale, qui fit des Autrichiens des victimes du nazisme n’ayant «accompli que leur devoir», tendait à marginaliser les véritables victimes et à criminaliser la résistance active. Dans ce dispositif de la narration historiographique, la résistance en Carinthie est stigmatisée comme une importation communiste yougoslave, menée par des Slovènes venus de l’autre côté des Karawanken, ayant recruté par la force, menacé et violenté la population locale. On occulte le lien entre résistance armée et déportation. On atténue l’effet de la persécution raciale qui stimula, au sein de la minorité slovène, la désobéissance et la volonté de résistance. En Carinthie, le discours officiel local, qui développa une théorie de la double victimisation (la Carinthie aurait été victime d’abord de la croix gammée, puis de l’étoile rouge de Tito), n’accordait pas de place à la mémoire des partisans. Confinée à la sphère associative et privée, la mémoire antifasciste demeure cependant essentielle à deux niveaux pour les anciens partisans, et au-delà, pour la minorité slovène. Elle est d’abord un repère identitaire du groupe autochtone qui renforce la conscience collective de la minorité. Ensuite, la visibilité extérieure, vis-à-vis de l’État autrichien, permet aux Slovènes de s’appuyer sur leur histoire antifasciste
Carte de l'Autriche-Hongrie, University of Texas, Austin © The Historical Atlas by William R. Shepherd, 1911 pour mieux articuler au niveau politique leurs droits en tant que minorité. En France, comme ailleurs en Europe, la résistance antifasciste fut l’affaire d’une minorité au sein d’une majorité attentiste (pas forcément collaboratrice ou vichyste) ; cependant, et contrairement au cas autrichien, la mémoire résistante est devenue un pilier de l’identité nationale française et est entrée dans la conscience collective. Pour reprendre la formule du politologue Anton Pelinka : «L’Autriche n’a pas de Jean Moulin». Autrement dit, la mémoire antifasciste, anti-hitlérienne, ne participe pas, ou seulement à la marge, à une narration sur l’identité autrichienne. L’exposition de l’artiste Ernst Logar en 2008 à Vienne et en Carinthie sur «La fin de la mémoire – les Partisan(e)s de Carinthie» présentait entre autres des entretiens avec les derniers témoins de la résistance partisane. Si la source première, l’histoire orale, est certes en train de se tarir, de nouveaux horizons pourraient s’ouvrir à la culture mémorielle : la disparition des témoins permet aux héritiers, aux nouvelles générations de Carinthie et de Slovénie, de s’approprier et de transmettre la mémoire des partisans d’une autre manière face à un nouveau public – tout en «résistant» au relativisme et à la falsification historiques. La culture de la mémoire revient de nos jours avant tout aux derniers témoins, aux intellectuels et aux artistes, et à la littérature : Maja Haderlap, Lipej Kolenik, Anton Haderlap... Et parmi eux, Peter Handke, qui joue un rôle de médiateur et de multiplicateur qui s'intensifie depuis la fin des années 1980. Non seulement dans son œuvre, où apparaissent souvent des thèmes, des milieux, des paysages de la Carinthie slovène (par exemple dans Les Frelons, Le Malheur indifférent, Le Recommencement), mais aussi par son activité de traducteur : Handke a contribué à faire connaître dans l'aire germanophone des auteurs tels que le romancier Floran Lipuš ou le poète Gustav Januš. Ute Weinmann, janvier 2015
Lettre de Jon fosse à peter handke Le 20 mars 2014, Peter Handke a succédé à Peter Brook, Ariane Mnouchkine, Jon Fosse et Heiner Goebbels au palmarès du prestigieux Prix International Ibsen, attribué à «des personnes ou des institutions qui ont largement contribué à l'évolution du théâtre comme forme d'art». Distingué pour l'ensemble d'une «œuvre dont la beauté formelle et la réflexion sont sans pareils» et qualifié par le jury d'«auteur épique le plus influent des scènes de théâtre d'aujourd'hui», Peter Handke a fait la connaissance de Jon Fosse lors de la cérémonie de remise du prix, quelques mois plus tard, au Théâtre National d'Oslo. à la demande de l'Odéon, le grand dramaturge norvégien a bien voulu nous confier ses vœux pour Peter Handke sous forme de lettre ouverte, à l'occasion de la création française de Toujours la tempête. Grotten, Oslo 27 décembre 2014 Cher Peter Handke Je vous écris depuis un Oslo très froid et très blanc. Je voudrais vous dire merci pour notre rencontre au cours de l'année que nous allons quitter – merci beaucoup pour la chance de cette rencontre pendant le dîner organisé en votre honneur à l'occasion du Prix International Ibsen 2014. J'ai été très heureux quand j'ai appris que vous aviez remporté ce prix. Entre autres, parce qu'il me semblait injuste envers tant d'auteurs, à commencer par vous, que je sois le seul à figurer sur la liste des lauréats. J'ai terminé la traduction de Die schönen Tage von Aranjuez [Les Beaux Jours d'Aranjuez], celle dont je vous ai parlé. Elle sera publiée en 2016. J'ai aussi décidé de traduire Immer noch Sturm [Toujours la tempête], et je me mettrai au travail sur cette traduction-là d'ici quelques jours, et elle sera publiée en 2017. Si jamais vous passiez par Vienne et que vous souhaitiez un peu de compagnie, et si nous nous trouvons à Hainburg an der Donau – nous y sommes restés presque tout cet automne – ce serait formidable si nous pouvions nous rencontrer un de ces jours à Vienne autour d'un café et parler. Avec la gratitude et le respect les plus profonds pour le silence, la paix et la beauté de votre écriture, je vous souhaite le meilleur pour l'année à venir (et s'il y a la moindre justice en ce monde, vous devriez vous voir attribuer le prix Nobel de littérature en 2015, comme je l'ai dit depuis tant d'années quand on me demande à qui, selon moi, ce prix devrait être attribué – même si je vous comprends bien si vous deviez détester recevoir le Nobel, cela serait bien pour le reste du monde, et particulièrement pour la littérature, et pour le théâtre). Pax.
Trois lectures de textes de Peter Handke sont programmées dans le cadre des Bibliothèques de l'Odéon (voir page 10)
Et les meilleurs vœux de Jon Fosse
Les plus vivants des monuments
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Le 8 novembre 2002, Peter Handke a été fait docteur honoris causa de l'université de Klagenfurt (capitale de la Carinthie). à cette occasion, il a prononcé un discours qui traite de la résistance. Résistance de l'université à une culture politique dominante. Résistance, au sens historique, des Slovènes carinthiens. Résistance qu'est l'écriture ou la lecture de certains livres. Handke invita en particulier ses auditeurs à lire trois ouvrages issus d'une mémoire slovène méconnue dans l'espace germanophone autrichien : Gemsen auf der Lawine (Chamois dans l'avalanche), de Karel Prušnik-Gašper (Klagenfurt/Celovec, 1984) ; Mali ljudje na veliki poti (Petites gens sur un grand chemin) de Lipej Kolenik (Klagenfurt/ Celovec, 2001) ; L'enfant que je fus (Das Kind, das ich war), d'Andrej Kokot (Klagenfurt/Celovec, 1999), dans lesquels il puisa une bonne part de la documentation et de l'inspiration qui ont nourri Toujours la tempête. Je vous prie, je vous invite, puisque je suis ici devant vous, à lire et assimiler, mot après mot, phrase après phrase, sans préjugé, lentement et avec l'émotion dont vous êtes capable, et avant tout en restant ouverts, ces trois livres magnifiques, puissants, qui ouvrent l'histoire, ces livres essentiels pour la réconciliation de ces gens qui vivent dans la région de la Drave, des fleuves, des vallées. […] En lisant Prušnik-Gašper et Lipej Kolenik, j'ai, pour la première fois, pensé autrement que sur le mode esthétique. Pour la première fois, j'étais tenté de penser : en fait, les poètes ne sont pas compétents. On n'a pas le droit d'écrire poétiquement comme René Char, de toujours se présenter avec de la littérature, avec de la poésie ! Employer comme le fait Kolenik ce style cru, cruel, exact – employer ce style «comme l'aiguille des secondes», pour reprendre l'expression de Janko Messner dans son avant-propos ou sa postface à Kolenik, voilà qui est presque plus adéquat que de poétiser la résistance. Dans ces témoignages carinthiens (pourquoi ne pas dire «témoignage» ? Des témoignages comme ceux des jeunes hommes jetés dans la fournaise) tout est brut, et pourtant l'on comprend ce dont il s'agit : Pâques, la permission au pays, le trajet en train jusqu'à chez soi au village, tout cela, on le comprend ! Et puis je me suis dit : c'est absurde. Au début, quand tu étais jeune, tu préférais la poésie aux comptes rendus de faits, à l'histoire crue. Et voilà qu'arrivé à un certain âge, tu es tenté d'opposer ces faits rapportés tels quels, comme ces histoires des partisans carinthiens, à l'expression poétique de soi. C'est tout aussi fallacieux. Les deux ne vont pas l'un sans l'autre. On devrait, il faut lire les deux choses de pair. Et les deux – «fureur», c'est-à-dire à la fois la rage, l'action, le délire, et «mystère», comme vous pouvez le lire dans ce recueil de René Char traduit par Zorn und Geheimnis –, les deux ne vont pas l'un sans l'autre ; et en même temps, bien sûr, je me dis : c'est peut-être là une illusion. Vous avez compris, je l'espère, qu'en parlant de choses qui ne vont pas l'une sans l'autre, je parle aussi de nous, Carinthiens. Que nous, ici, nous sommes ensemble. Qu'on en a enfin fini. Ce n'est peut-être pas la peine d'édifier des monuments à un tel et un tel, des monuments de pierre ; peut-être. Mais ce qui devrait subsister, ce sont les monuments-livres, les plus aériens, les plus vivants des monuments. Des monuments aux partisans, comme à St-Ruprecht près de Völkermarkt, on en a fait sauter. Dans les années soixante-dix, une nuit, je suis parti à pied de Zell Pfarre, j'ai fait trente-cinq kilomètres et partout, il y avait des gendarmes, craignant un plasticage. Je n'entends pas vous livrer un compte rendu de faits, mais vous conjurer, ou plutôt vous suggérer, vous suggérer tout bas de prendre le temps – car tout le monde a du temps ; les gens qui disent «Je n'ai pas le temps !» ont beaucoup de temps – prendre le temps de lire ces livres de René Char, Lipej Kolenik, Karel Prušnik-Gašper, et surtout, pour compléter, ce merveilleux livre d'Andrej Kokot sur les déplacements de personnes, L'enfant que je fus. […] L'homme vit de pain et de livres. C'est pourquoi je vous prie, non, je ne vous prie pas : Lisez !
Peter Handke Extrait de «Fureur et Mystère», in Aux frontières : la Carinthie, Cultures d'Europe Centrale, hors-série n°2 , 2004, pp. 179-184 ; traduit de l'allemand par Bernard Banoun
Cinéma Nouvel Odéon mardi 10 mars / 20h
Carte blanche à Alain Françon Les Ailes du désir
de Wim Wenders (1987) scénario de Peter Handke et Wim Wenders – 2h07 avec Bruno Ganz, Solveig Dommartin, Otto Sander, Curt Bois, Peter Falk...
Nouvel Odéon 6 rue de l’École-de-Médecine, Paris 6e 01 46 33 43 71 / nouvelodeon.com tarif 9€ (tarif réduit 6€ sur présentation de la carte abonné Odéon) Wladimir Yordanoff, Laurent Stocker, Dominique Reymond, Gilles Privat, en répétiion © Michel Corbou
En l’honneur de René Burri 6
qui nous a quittés le 20 octobre 2014, la famille Burri-Bischof et l’Agence Magnum vous invitent à une cérémonie d'hommage organisée à sa mémoire Lundi 16 février / 19h30 Théâtre de l'Odéon 6e Réservation indispensable burri@theatre-odeon.fr (dans la limite des places disponibles)
Le photographe René Burri avait généreusement accepté de nous confier ses images pour la brochure de saison 12/13 éditée par l'Odéon-Théâtre de l'Europe à l'arrivée de Luc Bondy, et de nous accompagner dans cette ouverture du Théâtre à la photographie. Cette page lui est dédiée. René Burri © photo de Gian Marco Castelberg (détail) pour www.thebrander.com
les bibliothèques 7
mars – avril 2015
Portrait de Clarice Lispector © Frédéric Rébéna / Costume 3 Pièces
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clarice lispector, une écriture de l'origine Entretien avec Christine Villeneuve et Michèle Idels des éditions des femmes-Antoinette Fouque Valérie Six : Qu'est-ce qui existe en premier lieu avec Clarice Lispector ? Il y a l'ampleur de sa personnalité, et puis aussi cette écriture qui parle à l'inconscient, avec une musique particulière. Par quel bout la prend-on ? Que désigne t-on d'abord ? La plus grande auteure brésilienne du XXe siècle ? Christine Villeneuve : Je dirais qu'elle est l'une des plus grandes écrivaines du XXe siècle, et bien au-delà du Brésil. Michèle Idels : Antoinette Fouque qui a publié son œuvre en France et qui était aussi une psychanalyste d'une grande créativité, disait à son propos «Clarice m'apporte ce que la folie ne laisse pas entendre et elle m'offre cela sous la forme d'œuvre d'art. De la boue de l'inconscient, elle a fait un diamant.» Au Brésil elle suscite une véritable passion. C'est sans doute du fait de son rapport si exigeant à sa vérité intime, de sa volonté de ne pas se laisser déporter dans des rôles, des codes, de son immense liberté à être au plus près d'elle-même, toujours en rapport avec son inconscient, et bien sûr du fait de son immense génie de l'écriture. V. S. : Dans un entretien de 1977 avec Clarice Lispector, cité par son biographe Benjamin Moser, un journaliste lui demande si elle a conscience d'être populaire – «et hermétique», ajoute-t-elle ! C'est aussi ça qui est très troublant chez elle. Son immense popularité au Brésil, et cette façon d'être quand même perchée à une hauteur par sa stature, sa beauté... C. V. : … Par son histoire aussi que restitue si bien cette biographie de Benjamin Moser publiée également aux éditions des femmes. Elle est celle qui a été procréée, selon une superstition alors très répandue en Ukraine, pour guérir sa mère d'une maladie contractée lors d'un viol pendant les pogroms des années 1920, avant que la famille n'émigre au Brésil. Cet exil lorsque Clarice avait deux mois, et son écriture de l'exil ont un caractère universel et sont en écho profond avec l'histoire du Brésil lui-même. Et bien qu'elle soit complètement brésilienne et que le brésilien soit la première langue qu'elle ait appris à parler, elle parlait dit-on avec un petit accent, comme une trace inconsciente de cette histoire. Une histoire d'une extrême violence qui a peut-être fondé sa recherche d'une mémoire et d'une écriture de l'origine, d'une écriture de l'indicible. Populaire, elle l'est devenue dès ses premiers écrits qui ont été des chroniques publiées dans la presse, imaginatives et personnelles. Elle avait alors 23 ans. Et elle est très vite devenue une légende, ce qu'elle considérait avec une certaine ironie et une grande distance. V. S. : Clarice Lispector me semble encore peu révélée chez nous. Qui sont ses lecteurs en France ? C. V. : Elle est pourtant de mieux en mieux connue. En France mais aussi en Europe, car en publiant depuis vingt ans presque toute son œuvre, Antoinette Fouque a suscité des traductions dans bien d'autres langues. Clarice Lispector n'est pas toujours facile à traduire et nous nous sommes d'ailleurs posé bien des questions à ce propos. Elle peut laisser des choses en suspens. Les nœuds sont dans les
ellipses de son écriture, certains mots peuvent être interprétés de plusieurs manières. Peut-être est-ce pour cela qu'elle a été perçue comme quelqu'un de difficile d'accès. Mais elle est loin d'être hermétique et son œuvre a suscité de nombreuses initiatives ces dernières années. Il y a eu, bien sûr, la biographie de Benjamin Moser, Pourquoi ce monde ? traduite dans de nombreuses langues y compris au Brésil, un numéro spécial sur elle de la revue Europe, des colloques universitaires, des expositions, une mise en scène de ses textes au Théâtre de la Bastille, la projection du film de la brésilienne Suzanna Amaral qui a adapté L'Heure de l'étoile. Et il faut mentionner aussi les lectures de ses textes par Chiara Mastroianni et par Hélène Fillières, pour la collection La Bibliothèque des voix créée par Antoinette Fouque en 1980. Cela a pris du temps. C'est passé par des coups de cœur. Chaque lecteur doit trouver son propre chemin. Mais qui la rencontre, la rencontre avec passion. M. I. : Antoinette Fouque a beaucoup porté son œuvre : «Son écriture est une venue à la vie toujours renouvelée. Aujourd'hui, ses textes sont pris en charge, portés vers les lecteurs, et c'est sa vie que nous célébrons», écrit-elle dans un entretien qui figure en annexe de la biographie de Benjamin Moser. Et elle va jusqu'à ajouter que c'est pour ce type d'écriture qu'elle a créé la maison d'édition qui aurait pu s'appeler les «éditions des femmes-Clarice Lispector», tant la rencontre a été importante. Une rencontre à travers les textes seulement car bien qu'elles se soient cherchées, Antoinette Fouque en allant au Brésil, Clarice Lispector en venant à Paris à la librairie des femmes, le hasard n'a pas permis qu'elles puissent se voir. V. S. : Antoinette Fouque était psychanalyste. Sa pratique l'a-t-elle rendu particulièrement sensible à l'œuvre de Clarice Lispector ? M. I. : Personne ne peut en parler mieux qu'elle, et elle en parle très bien dans son entretien avec Benjamin Moser : «Je retrouve dans La Passion selon G.H. l'écho de ma propre recherche, notre passion à vif : dans ce livre, de même que dans Água Viva, elle évoque l'utérus, la fonction matricielle, le vivant, ce qui est très rare dans un texte. Ce qui rejoint mes propres préoccupations. Elle dira d'ailleurs dans presque tous ses textes que l'écriture est une gestation.» Or la procréation c'est quarantecinq ans du travail et de l'engagement d'Antoinette Fouque qui dit aussi de Clarice Lispector : «j'ai découvert en elle la première écrivaine qui a réussi à échapper à la fiction narcissique et matricide, par une écriture ne refoulant pas l'oral, une écriture de l'attente, de l'espérance et de l'angoisse.» Et pour Antoinette Fouque c'est ce qui définit la grossesse. «Son œuvre m'a aidée à théoriser cette possibilité de symboliser le matriciel.» Le matriciel étant ce qui est forclos, à la fois la mise au monde du vivant et ce qui est sans mot. Elle citait souvent Lacan qui disait «il y a une chose qui échappe à la trame symbolique, c'est le fait qu'un être soit né d'un autre.» Antoinette Fouque ajoutait évidemment «soit né d'une femme» ! Lacan a renvoyé la procréation hors du symbolique, de la langue, du discours,
à la psychose d'une certaine manière. Tout le travail d'Antoinette Fouque a été de symboliser, c'est-à-dire de trouver les mots pour dire ce qui se passe dans cette économie matricielle, depuis la gestation jusqu'à la transmission de mère à fille de cette capacité de procréation. C'est à cet endroit qu’elle a rencontré le travail de Clarice Lispector. Antoinette Fouque dit : «Courageusement, Clarice dit oui aux eaux vives du vivant, de l'écriture première ; oui à la vérité en mots, offerte et donnée par la grâce, l’affirmation, l’accueil, la découverte, la disponibilité, l'attention au monde. Elle donne le réel au vivant avec une telle vérité que le réel la suit.» Voilà sa lecture. C. V. : Antoinette Fouque a su tout de suite, dès le premier texte qu'elle a lu, qu'elle voulait publier toute l'œuvre, et cette publication est toujours en cours. Il reste des textes inédits, même au Brésil, et nous travaillons à les publier, en relation aussi avec son fils. V. S. : Et puis il y a ce nom, Clarice Lispector, si singulier, si beau ! C. V. : Oui, ce pourrait être un pseudonyme et il est vrai que Clarice n'est pas son premier prénom. Mais c'est tout de même bien elle... Elle est aussi une voix originale dans la littérature brésilienne qui avait une tradition de réalisme social dans laquelle elle ne s'inscrit pas. Elle a été d'une modernité extrême. Juliette Caron : Il y a aussi dans son œuvre quelque chose sur le genre, elle n'a jamais été catégorisée comme «écrivain femme», elle a dit elle-même : «le genre ne m'attrape plus» ! M. I. : Elle n'a pas été catégorisée comme femme, mais si le grand écrivain qu'elle a été n'a pas été publié plus tôt, c'est peutêtre bien parce qu'elle était femme ! C. V. : On l'a souvent comparée à Joyce et c'est vrai qu'elle aurait pu avoir un Nobel de littérature... V. S. : Benjamin Moser dit en effet d'elle que «bien que le mot écrivain ait un féminin en portugais, elle refusa toujours son utilisation, affirmant appartenir aux deux sexes.» M. I. : La liberté de s'imaginer des deux sexes est une chose, mais dans sa recherche, elle va très loin du côté de la gestation. Elle est une femme, clairement femme, qui ne se dénie pas comme telle, et qui joue avec les genres dans son écriture.
À noter au Salon du Livre de Paris qui se tiendra du 20 au 23 mars, et dont le Brésil sera l'invité d'honneur, un hommage sera rendu à Clarice Lispector. En parallèle une exposition de photographies de Nádia Gotlib se tiendra à la Galerie des Femmes, 35 rue Jacob, Paris 6e. À lire une vingtaine d'œuvres de Clarice Lispector publiées aux éditions des femmes, et aussi Pourquoi ce monde : Clarice Lispector, une biographie, de Benjamin Moser, le roman de sa sœur Elisa Lispector, En exil, et sa correspondance avec ses sœurs, «Mes Chéries», à paraître en mars 2015. Grande salle
Exils
présenté par Paula Jacques
Clarice Lispector Hélène Cixous lundi 23 mars / 20h textes lus par Hélène Fillières
V. S. : Elle dit aussi «J'écris comme si cela devait permettre de sauver la vie de quelqu'un.» Ça raconte le fait qu'elle soit capable d'écrire aussi loin, aussi profond à cet endroit-là, en dépassant certaines frontières. C. V. : Oui. Et cela renvoie à son histoire. Nous allons publier très bientôt une correspondance de plus de 120 lettres adressées à ses sœurs entre 1940 et 1957 qui aura pour titre «Mes Chéries». On y voit son souci constant de leur bien-être, son intuition extrême à leur égard. On y rencontre aussi une Clarice insoupçonnée, quotidienne, familière, à mille lieux des images. Propos recueillis par Juliette Caron et Valérie Six Paris, 12 décembre 2014
© couverture de Near to the Wild Heart, A Breath of Life, Água Viva, The Passion According to G.H. New Directions Books, états-Unis, 2012
© akg-images Félix Vallotton, L'enlèvement d'Europe, 1908. Huile sur toile, 130 x 162 cm, Kunstmuseum, Berne
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suis dit que quelque chose n'allait pas. D'où la fondation de «Citoyennes pour l'Europe». Je pense aussi, et j'ose le dire, que souvent la femme pense plus loin, qu'elle pense l'avenir, les générations qui vont suivre. Cela peut être dû au fait que les femmes ont de très bonnes raisons historiques d'être sensibles aux progrès qui ont été faits et à ceux qui restent à faire. Les droits des femmes sont des acquis très récents et plus
se mêlent sur ce rivage : le divin, l'animal et l'humain ; le masculin et le féminin ; l'enfance et la sensualité. L'évidence et l'énigme aussi. Car on ne sait pas si la femme et le dieu sont parvenus en Crète – et le frère d'Europe, Cadmos, envoyé à sa recherche, ne la retrouvera jamais.
«Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague» fragiles qu'on ne croit. Sans parler du plafond de verre, qui est toujours en place, mais aussi de ce que Nathalie Loiseau, la directrice de l'ENA, nomme les «parois de verre». Elle me rappelait dernièrement combien les jeunes femmes restent parfois prisonnières de stéréotypes inconscients, et ne se permettent pas de penser à exercer tel ou tel métier... Cela explique peut-être que les femmes sont en attente d'une construction qui va au-delà de la simple gestion comptable, qui prend en compte ce qui viendra. Et la culture, ce n'est rien d'autre que cette volonté de développer et vivre le patrimoine en l'ouvrant à l'avenir.
Europe, Étrange rapt Entretien avec Martine Méheut, présidente de Citoyennes pour l'Europe Pourquoi ce cycle de rencontres autour de «L'Europe inspirée» ? On déplore toujours l'absence de citoyenneté européenne, mais on oublie de parler de la culture qui seule pourrait en alimenter le sentiment. C'est bien ce qui a inspiré l'idée de ce cycle à l'Odéon-Théâtre de l'Europe : rappeler qu'il nous faut la culture pour devenir pleinement citoyens européens. à la première rencontre, il n'y avait d'ailleurs pas que des convaincus. D'autres auditeurs sont venus, intrigués par le thème, qui n'étaient pas forcément très européens dans l'âme... Vous êtes très attentive à la transmission de l'idéal européen... Il faut avant tout sensibiliser la jeunesse, et c'est là le rôle de l'éducation nationale. Dieu sait que j'ai essayé d'intervenir auprès du Ministère pour que les programmes parlent d'Europe autrement que par le biais de la seule construction européenne. Car la grande culture européenne a toujours été transnationale. Pour écrire Othello, Shakespeare a puisé sa trame dans un recueil de nouvelles italiennes dues à un certain Bandello. Quand il écrivait Ulysse, Joyce a voyagé en France, en Suisse, en Italie... L'Europe culturelle a toujours préexisté à l'Europe politique. Que dire de mouvements comme la Renaissance, les Lumières, le Romantisme, l'Art Nouveau, qui s'est déployé de Riga à Barcelone ? Et même l'Europe médiévale !... Voyez les correspondances qu'entretenaient érasme ou Descartes avec leurs pairs de tous les pays. Quel réseau ! Oui, la grande culture a toujours
été européenne. Il faudrait donc que toutes les disciplines intègrent une part d'Europe. Et pour cela, nous devrions envoyer les enseignants dans un autre pays, en poste, avec une responsabilité effective. Il suffirait de six mois occupés à partager concrètement le travail des collègues des autres pays pour toucher du doigt ce qu'est la citoyenneté européenne. Sinon, comment voulezvous qu'on s'intéresse à l'Europe après avoir reçu une éducation strictement jacobine, sans référence constante à la littérature, à la philosophie, aux arts de l'ensemble du continent ? Descartes, c'est évidemment très bien, mais on n'insiste peut-être pas assez sur ses voyages incessants... Et Giambattista Vico ? Joyce le connaissait et l'admirait. Mais quand j'en parlais en cours, mes étudiants riaient dans la salle parce que pour eux, c'était une marque de purée en flocons... Pour moi, c'est vraiment l'alpha – j'insiste, non pas l'oméga, mais l'alpha : il faut former les enseignants pour que cette culture européenne passe auprès des jeunes. Peut-on parler d'identité européenne ? Le 15 novembre, au cours de la première rencontre, consacrée à «L'enlèvement d'Europe dans les arts», on parlait plutôt de «tricotage de solidarités». L'expression était frappante... En effet. Et il ne peut pas y avoir de solidarité s'il n'y a pas d'abord ce tricotage, qui associe démocratie et culture. On ne peut pas déplorer d'un côté l'absence de solidarité et faire mine, de l'autre, de ne pas voir combien de forces d'oubli, de négligence ou d'indifférence travaillent contre ce tricotage.
On en reparlera, puisque le thème de la dernière rencontre du cycle, le 28 mars, sera «l'identité européenne – quête incessante d'un horizon». J'en discutais avec Julia Kristeva récemment : cette pluralité, et l'échange dans la pluralité, sont ce qui fait la civilisation européenne, unie dans la diversité. D'où la nécessité, pour mon association «Citoyennes pour l'Europe», d'essaimer dans les autres pays. Je suis actuellement en lien avec la Belgique, avec l'Italie... Il faut absolument, pour que l'association vive, qu'il y ait des échanges au-delà des frontières. Ce serait un comble que «Citoyennes pour l'Europe» reste cantonné à la France ! Plus généralement, si le sentiment de communauté ou de solidarité ne peut pas se passer d'un socle d'ordre culturel, il faut aussitôt préciser que ce socle n'est ni unique ni unifié. Surtout pas ! L'Europe n'est pas et ne doit pas être un empire. L'intérêt pour l'autre, l'accueil pour l'altérité, c'est cela qui a fait la force de cette civilisation. Au fait, pourquoi avez-vous tenu à mettre en avant l'engagement des femmes dans votre association ? Il ne s'agit pas de féminisme au sens étroit, et nous avons des hommes parmi nos membres. Nous tenons surtout à ce que les femmes agissent pour que l'Europe se construise conformément à ce qu'elles en attendent. Qu'elles vivent l'Europe. L'idée de l'association est née d'un constat simple. Quand j'ai vu que les euro-baromètres indiquaient que les femmes étaient plutôt davantage europhiles, mais qu'elles n'étaient pas suffisamment représentées dans les instances ni dans les associations, je me
Vous avez donc été sensible au fait qu'Europe soit une femme... En effet ! Dans le tableau de Rembrandt qui a été commenté le 15 novembre, mais aussi dans beaucoup d'autres versions, on constate que la visionnaire, celle qui regarde au loin, c'est la femme, c'est Europe. C'est elle qui part dans cet étrange voyage, et qui consent à se laisser enlever sans savoir où cela va la conduire. Il est vrai que par le passé, c'était presque toujours la femme qui quittait sa famille pour rejoindre le foyer de son époux. L'idée de rapt, ou d'enlèvement, suggère d'ailleurs une certaine violence sous-jacente, une sorte d'arrachement inhérent au système exogamique. Cette violence est ici atténuée, troublée. Europe est ravie, et on a eu raison de souligner l'ambiguïté du terme. Elle est enlevée, transportée hors d'ellemême ou loin d'elle-même. Une puissance supérieure l'emporte. Mais le courage d'Europe, c'est d'y consentir. Elle est effrayée, sans doute – Ovide, dans son récit des Métamorphoses, ne manque pas de le noter. Mais elle approche tout de même, et elle quitte tout ce qu'elle connaît. La rencontre est très mystérieuse. L'au-delà qui s'ouvre alors, c'est à la fois le surhumain, puisque le taureau n'est autre qu'un dieu, et aussi le franchissement des mers, qui porte plus loin que l'horizon, vers un monde encore inconnu. Rimbaud a très bien senti cet extraordinaire mélange de puissance et de fragilité, cette hésitation entre deux temps, dans quelques vers de son poème Soleil et chair, qui date de 1870 : «Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant / Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc / Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague»... Beaucoup d'instances
Vous-même, qu'est-ce qui vous a amenée à vouloir être Européenne ? Paul Valéry, bien sûr. Mais avant lui, il y a eu quelqu'un d'autre, un frère de mon père qui s'appelait Gérard-Martin Cendrier. C'était un jeune franciscain, que l'occupant nazi avait déporté à Cologne dans les dernières années de la guerre. Là-bas, il s'est mis à organiser des visites dans les hôpitaux, et a fini à Buchenwald. Mes parents ont appris sa mort à peu près au moment où ils ont su qu'ils m'attendaient, et c'est à lui que je dois mon prénom. Toute ma jeunesse, j'ai été hantée par cet oncle que je n'ai jamais connu. Et c'est de là sans doute que vient cette question que je me suis toujours posée : comment l'Allemagne et la France, ces pays frères, avaient-ils pu en arriver là ? D'une telle interrogation à la défense de l'Europe il n'y a qu'un pas, et c'est donc Valéry qui m'a aidée à le franchir. J'ai lu ses Cahiers à dix-huit ans. Il voyait en l'esprit européen un trésor qu'il faut absolument conserver. Comment faire pour transmettre un tel héritage, sinon en le gardant vivant ? L'Europe est peut-être une utopie, mais elle doit guider notre avenir. Valéry a écrit là-dessus des pages éblouissantes. Je suis donc partie à Strasbourg, à l'Institut des Hautes études Européennes, et de là au Collège d'Europe... convertie par Paul Valéry. Après toutes ces années d'engagement, comment concevez-vous l'Europe aujourd'hui ? Pour tout dire, l'Europe, à mes yeux, n'est pas une entité géographique. Elle est d'abord une civilisation. Quand on la réduit à la géographie, on en fait une question mal posée. L'Europe ne peut pas se comprendre à partir de telles ou telles frontières, mais bien à partir d'une certaine conception de l'humain, qui a essaimé un peu partout dans le monde. Ses racines sont inséparables de ses ailes. Propos recueillis par Daniel Loayza et Marylène Bouland Paris, 8 décembre 2014
salon Roger Blin
L’europe inspirée animé par Martine Méheut
La femme audacieuse – une figure européenne samedi 7 mars / 17h en présence de Sandra Kalniete et Nathalie Loiseau
L’identité européenne – quête incessante d’un horizon samedi 28 mars / 17h en présence de Julia Kristeva et Enrico Letta
Martine Méheut ancienne du Collège d'Europe de Bruges, agrégée de philosophie, enseignante et auteure d'essais, dont L'Esprit du fédéralisme ou L'invention du Bonheur (La Table Ronde, 2006). Prix Femmes Europe 1998. Vice-présidente du Mouvement pour l'Europe-France, Vice-Présidente de l'Association européenne de l'éducation-France.
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mars – avril
REPRENDRE LE DIALOGUE D'UNE ÂME AVEC ELLE-MÊME
salon Roger Blin
La capacité de changer d'avis. La force de se laisser convaincre par les propositions de son interlocuteur. Bref, la métamorphose du combat en débat, ou du dialogue de sourds en échange véritable. Comme dit Montaigne : «Je me sens bien plus fier de la victoire que je remporte sur moi quand, dans l'ardeur même du combat, je m'oblige à plier sous la force du raisonnement de mon adversaire, que je ne me sens gré de la victoire que je remporte sur lui grâce à sa faiblesse.» Et vous, à la radio, à la télévision ou sur le plateau de l'Odéon, qu'est-ce qui vous a conduit à cette pratique orale de la philosophie ? Une certaine philosophie aurait-elle partie liée avec l'oralité ? Ce qui m'y a conduit ? L'enseignement. Je n'ai jamais cessé d'être enseignant. J'ai juste changé d’estrade. Cela dit, l'exercice n'est pas exactement le même sur les trois supports que vous citez : la radio est la nef d'une philosophie orale puisqu'on y pense séparément de toute image et, par-là même, de l'effet d'hypnose que les images induisent. Pour le dire autrement, la radio parle aux oreilles quand la télévision parle aux yeux. Or, les yeux entendent moins bien. Quant à la scène (et surtout cellelà), malgré la sobriété des dispositifs que nous mettons en place, elle tire l'exercice de l'enseignement du côté du spectacle vivant. Ce qui est peutêtre intéressant, c'est de constater qu'en faisant un spectacle, nous nous situons aux antipodes de la «société du spectacle». Mettre en scène – et en mouvement – un peu de philosophie, c'est tourner le dos aux fixations imaginaires et à la mise en vente de toute culture. Toute philosophie a partie liée avec l'oralité : j'en veux pour preuve qu'il s'agit d'un des rarissimes points d'accord entre Nietzsche (déplorant, à la fin de Par-delà Bien et Mal,
que des pensées écrites deviennent bientôt des «vérités» ennuyeuses) et Platon, qui explique, dans le Phèdre, qu'en voulant figer la mémoire, l'écriture décourage la réflexion : il faut sans cesse reprendre le dialogue d'une âme avec elle-même, sous peine de faire d'une pensée vive une lettre morte. Pourquoi êtes-vous tant attaché à faire partager votre passion de la philosophie ? Ne serait-ce pas plutôt le rôle de l'école ? Pourquoi l'amour donne-t-il envie de chanter ? Comment ne pas partager de si belles choses ? Comment ne pas proposer, à ceux qui en ont la curiosité, de faire connaissance avec les textes qui explorent, dissèquent et célèbrent les questions que chacun porte en lui ? Rien de ce que je fais (du moins je l'espère) n'est en contradiction avec les missions de l'école. Il ne s'agit pas, pour moi, de sortir de l'école, mais d'en étendre les frontières autant que possible. D'offrir à ceux qui en ont le goût une marchandise sans idéologie ni simplification. Que serait pour vous le rapport idéal que la société devrait avoir avec la pratique de la philosophie ? Y a-til, aujourd'hui, un besoin accru de l'échange philosophique ? Il faudrait faire de la réflexion un réflexe. Incorporer, littéralement, l'exigence de s'étonner de tout ce qui, jusqu'ici, nous semblait habituel. Mais je dois à l'honnêteté de dire que toute forme d'art y parvient autant, sinon davantage, que la philosophie. Peutêtre y a-t-il, sous l'effet d'un monde que son horizontalité déconcerte, un besoin accru de philosophie ? Je n'en sais rien. Plus que l'époque, plus que la mondialisation ou la défaite des idéologies, c'est le sentiment de notre propre contingence (naître par hasard dans un monde indifférent) qui dicte ce besoin. Autant dire qu'il ne date pas d'hier, et qu'on n'en a pas fini avec lui. Propos recueillis par Marylène Bouland Paris, 30 novembre 2014
Grande salle
POLITIQUE DE LA PENSÉE Les cycles philosophiques Politique de la pensée et Les petits Platons à l'Odéon sont programmés les mêmes jours au même horaire. Pendant que Raphaël Enthoven philosophe pour les adultes en grande salle, les plus jeunes sont accueillis pour philosopher au salon Roger Blin. Venez donc en famille !
mercredi 4 mars / 18h de Robert Louis Stevenson / texte lu par Thibault de Montalembert
Les Cavaliers
mercredi 1er avril / 18h de Joseph Kessel / texte lu par Jean-Damien Barbin
Entretien avec Raphaël Enthoven à vos yeux, qu'est-ce qui fait le caractère philosophique d'un échange ou d'un dialogue ?
Voyages en littérature En canoë sur les rivières du nord
préparé et animé par Raphaël Enthoven
salon Roger Blin
l'épreuve de la haine animé par Marc Crépon De la décoloniation de l'Inde à la fin de l'apartheid vendredi 6 mars / 18h
en présence de Barbara Cassin / lecture de textes de Gandhi et Nelson Mandela salon Roger Blin
L’europe inspirée animé par Martine Méheut La femme audacieuse – une figure européenne samedi 7 mars / 17h en présence de Sandra Kalniete et Nathalie Loiseau lecture par Claire Sermonne de textes de Rita Levi-Montalcini, Virginia Woolf
L’identité européenne – quête incessante d’un horizon samedi 28 mars / 17h
en présence de Julia Kristeva et Enrico Letta / lecture par Anne Alvaro de textes de Jan Patočka, Imre Kertész, George Steiner, Leszak Kołakowski salon Roger Blin
Ma bibliothèque idéale animé par Daniel Loayza Le fauché mardi 10 mars / 18h
en présence de Thomas Clerc salon Roger Blin
à quoi tenons-nous vraiment ? animé par Catherine Portevin Papier, écrans, un nouveau vagabondage jeudi 12 mars / 18h
en présence de Françoise Benhamou salon Roger Blin
les petits platons à l'odéon à partir de 8 ans Le théâtre d’Hannah Arendt samedi 14 mars / 15h
avec Marion Muller-Colard
Visite d'un jeune libertin à Blaise Pascal samedi 11 avril / 15h avec Claude-Henri Rocquet
Grande salle
voix de femmes présenté par Jean Birnbaum Amélie Nothomb lundi 16 mars / 20h salon Roger Blin
Lire le théâtre animé par Jean-Yves Tadié La Tour de Nesle mardi 17 mars / 18h
d'Alexandre Dumas / en présence de Claude Schopp / texte lu par Marie Micla
salon Roger Blin
Mythes et épopées à partir de 10 ans L’Exil des Fils d’Uisliu mercredi 18 mars / 15h
épopée irlandaise d'après plusieurs versions du mythe par Patrick Caudal, accompagné de Birgit Yew (violoncelle)
salon Roger Blin
fleury en scène dirigé par Sylvie Nordheim All in Hall samedi 21 mars / 15h et 17h
trafics, palabres et petits miracles autour d'un ascenseur en panne avec une douzaine d'hommes détenus
salon Roger Blin
Les rendez-vous du cnt Que lisent les apprentis-comédiens ? lundi 23 mars / 15h30
rencontre professionnelle en présence de Serge Tranvouez, Claire Lasne-Darcueil, Thomas Pondevie, Nathalie Fillion, Thierry Pariente animé par Jean-Pierre Ryngaert studio Gémier
XXIe scène / nouvelles voix contemporaines une proposition de Sophie Loucachevsky avec la participation des acteurs de l’ESAD
Wolfram Höll et Nis-Momme Stockmann lundi 23 mars / 18h
Hannah Arendt :
qu'est-ce que le courage en politique ? samedi 14 mars / 15h en présence de Cynthia Fleury
Grande salle
Exils présenté par Paula Jacques Clarice Lispector / Hélène Cixous lundi 23 mars / 20h
textes lus par Hélène Fillières
Pascal :
le pouvoir imaginaire samedi 11 avril / 15h en présence de Christian Lazzeri
salon Roger Blin
Peter Handke. Que ferais-je sans les mots ? lectures de textes de Peter Handke par Sophie Semin Le recommencement mardi 24 mars / 18h Encore une fois pour Thucydide mercredi 25 mars / 18h La Grande Chute jeudi 26 mars / 18h
l'œil et le théâtre colloque vendredi 10 avril / 10h – 19h Tadeusz Kantor, artiste du XXIe siècle lundi 13 avril à l'occasion du centenaire de la naissance de Tadeusz Kantor
tarifs Grande salle Plein tarif 10€ / Tarif réduit 6€
CARTE LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON Carte 10 entrées 50€
Salon Roger Blin Tarif unique 6€
date limite d’utilisation : 30 juin 2015
XXIe scène entrée libre sur réservation daniele.girones@orange.fr Illustrations © Charlotte Klein
(à l’exception de Bestiaire d’amour)
01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu suivez-nous @Bibliodeon
ça c'est du marthaler
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L'une est une nouvelle venue dans le monde marthalérien, l'autre y bourlingue depuis déjà dix ans : dans Das Weisse vom Ei (Une île flottante), Charlotte Clamens et Marc Bodnar sont les deux Français de la joyeuse équipe cosmopolite réunie par le metteur en scène suisse. Ils y incarnent Monsieur et Madame Malingear, bons bourgeois de Paris qu'une urgence matrimoniale va contraindre à s'exprimer en allemand (façon de parler !) dans cette nouvelle création délirante, mélancolique et musicale, avec de vrais morceaux de Labiche dedans. Du point de vue de ses interprètes, à quoi ressemble le travail avec Marthaler ? Et comment s'y prend-on pour lier et faire mousser un vaudeville classique dissous dans l'écriture de plateau ? Tous deux ont bien voulu nous entrouvrir leur cuisine d'acteurs.
C'est pas grave ! à chaque spectacle je me dis : «Dans cette scène... Comment on en est arrivé à ça ?... Je sais plus !?» Presque dix ans que je suis avec Marthaler et je me dis : «Des musiques, des chants, des pets, des "Non, ne saute pas !"» (enfin, pas dans ce spectacle-là), «Je me lance» (ça c'est du Labiche) ou «C'est pas grave !...» Et du temps qui passe avec des cloches qui ne s'arrêtent jamais... On les entendait tous les jours avec l'église à côté et maintenant elles sont là avec nous. Ça c'est du Marthaler. «Le maître du temps», m'avait dit Rosemary Hardy début 2006 alors qu'on attaquait Winch Only (mon premier spectacle avec lui). Là je suis coincé derrière mon bureau ou dans une chaise... J'ai pu l'être des fois
dans un escalier, comme d'autres dans un aparté... Dans chaque spectacle tout le monde dort sur scène (ou presque). Du silence (ou presque). Je me dis que déjà au Radeau (où j'ai débuté) j'avais des plumes dans les poches, et ce jour-là à Bâle, je les sors et je ris de les voir s'envoler avec mon souffle... et Christoph rit aussi et comme souvent dit : «Ben voilà !» C'est simple tout ça, finalement... Avec Christoph Marthaler tout est là comme une évidence. Mais je ne sais toujours pas... comment on en est arrivé à ça !? «C'est pas grave»... Ça me plaît !
11 – 29 mars / Odéon 6e
décor et costumes Anna Viebrock lumière HeidVoegelinLights dramaturgie Malte Ubenauf collaboration à la mise en scène Gerhard Alt assistante à la mise en scène Rebekka David collaboration au décor Blanka Rádóczy collaboration aux costumes Christin-Marlen Freyler
(Une île flottante) d’Eugène Labiche, Christoph Marthaler, Anna Viebrock, Malte Ubenauf et les acteurs mise en scène Christoph Marthaler en français et allemand, surtitré
MONSIEUR MALINGEAR
Marc Bodnar, janvier 2015
avec Marc Bodnar Carina Braunschmidt Charlotte Clamens Raphael Clamer Catriona Guggenbühl Ueli Jäggi Graham F. Valentine Nikola Weisse
coproduction Odéon-Théâtre de l'Europe Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées Le Parvis – Scène nationale Tarbes Pyrénées avec le soutien Pro Helvetia – Fondation suisse pour la culture créé le 21 décembre 2013 au Theater Basel avec le soutien du Cercle Giorgio Strehler
durée 2h20 production Theater Basel Théâtre Vidy-Lausanne
Le fauteuil, le hérisson et la dame en bleu
DAS WEISSE VOM EI
marc bodnar
MADAME MALINGEAR
C'est la première fois que je travaille avec Marthaler. Il nous plonge dans un dispositif, nous immerge dans un milieu où tout se mélange. On ne sait plus ce qui est cause et ce qui est effet... Et nous, les comédiens, quand on circule là-dedans et qu'on fait nos propositions, on se retrouve à évoluer naturellement avec tout l'ensemble. Le fauteuil : dès mon tout premier contact avec le décor, il n'y avait pas encore tout, mais le fauteuil était là. Graham Valentine, Marc Bodnar et moi, nous devions aller dans le décor et l'investir pour une impro. J'ai tout de suite repéré le fauteuil. Je m'y suis installée... Il peut tourner, basculer. C'est un refuge et un point d'observation, une sorte de vigie, à la fois pour moi comme actrice et comme personnage, et c'est aussi comme une amarre qui me relie encore à la toute première improvisation. Le hérisson : je suis arrivée en scène avec lui au cours d'une improvisation et je l'ai posé sur la table. Plusieurs fois, je l'ai contemplé, je l'ai détaillé du regard – le museau, les yeux, les piquants... à chaque fois que je me trouvais près de lui en répétitions, je
me sentais bien. Une sorte d'animal de compagnie, de mascotte familière, et pas seulement pour moi. Il est toujours là dans le spectacle. Je l’aime bien, ce hérisson. Le portrait de la femme en bleu : c'est une peinture accrochée en hauteur dans le décor. Anna Viebrock, qui a fait les costumes et la scénographie, a couvert les murs de toutes sortes de tableaux. C'est seulement au premier essayage costumes que j'ai découvert que ma robe était exactement identique à celle de la femme en bleu. Puis la perruque qu’on m’a faite imitait la coiffure... jusqu’au bijou qui achevait la ressemblance. Le portrait est celui de mon personnage. à moins que je ne sois la réplique vivante du portrait. Et cela me plaît beaucoup, qu'on ne sache pas qui était là avant l'autre : le tableau ou la personne ? Après la création à Bâle, quelqu'un m'a demandé si les portraits avaient été faits d'après nos personnages dans le spectacle... Alors est-ce le personnage qui sort du tableau ? Est-ce qu'il se construit à partir de la peinture ? Ou est-ce seulement la réplique d’une robe bleue vue sur un tableau ? Tout cela se mélange. Et c'est vraiment l'expression du
Charlotte Clamens travail de Christoph Marthaler. Dans ce dispositif, tout active le jeu : l'espace, la musique, les costumes, un objet, le mobilier, et les corps... Dans cet ensemble-là, c'est comme si nous, acteurs, étions chacun un organe dans un ensemble et qu'on faisait fonctionner tout cela à notre tour, au même titre que le reste des éléments : fauteuil, hérisson ou tableau. Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, 14 janvier 2015
île à la neige ou œufs flottants ? Au restaurant, on vous sert en général une île flottante. à la maison, ce sont le plus souvent les œufs à la neige qu'on savoure au déjeuner dominical... À moins que ce ne soit le contraire ?... île flottante ou œufs à la neige, vous ne voyez pas la différence ? Rien de plus normal : dans les deux cas, les blancs d'œufs, das Weisse vom Ei, flottent sur un même lac de crème anglaise – cet entremet So französisch, dit Marthaler, qui le fait toujours penser à Labiche... à moins que ce ne soit l'inverse ? En attendant d'explorer les subtilités des modes de cuisson des blancs (qui distinguent les œufs à la neige de l'île flottante), exercez-vous d'abord avec la crème anglaise aussi simple que savoureuse de Pierre Hermé !
Crème anglaise à la vanille • Pour 4 personnes • Préparation 15 min • Cuisson 5 min Pour 500 g de crème 2 gousses de vanille 15 cl de lait frais entier 20 cl de crème liquide 4 jaunes d'œufs 85 g de sucre semoule
1. Ouvrez les gousses de vanille en deux et grattez les graines. Mettez les gousses et les graines dans une casserole ; ajoutez le lait et la crème ; portez à ébullition, puis laissez infuser 10 minutes. Filtrez. 2. Dans un grand bol, fouettez les jaunes d'œufs avec le sucre pendant 3 minutes, puis versez le lait vanillé progressivement, en remuant. Pierre Hermé Héritier de quatre générations de pâtissiers alsaciens, Pierre Hermé commence son apprentissage à 14 ans auprès de Gaston Lenôtre. Dix ans plus tard, il est chef-pâtissier, d'abord chez Fauchon, puis chez Ladurée, avant de fonder sa propre maison avec Charles Znaty en 1997. Maître du macaron, «Picasso of pastry» (Vogue), Pierre Hermé est aujourd'hui à la tête d'une trentaine de points de vente en France et au Japon. Il est l'auteur de nombreux ouvrages de cuisine, dont Le Larousse des desserts (2006) et Macarons (La Martinière, 2014).
3. Remettez le tout dans la casserole et faites cuire la crème sur feu moyen, sans cesser de la travailler à la spatule ou à la cuillère en bois, jusqu'à 83°C, en évitant surtout d'atteindre l'ébullition, puis retirez-la du feu et tournez-la très lentement pour qu'elle soit parfaitement onctueuse. Elle est alors «à la nappe» : un doigt passé sur la spatule y laisse sa trace. 4. Filtrez-la à l'aide d'une passoire fine posée au-dessus d'un grand bol. 5. Plongez immédiatement celui-ci dans un récipient rempli de glaçons : la crème, dont la cuisson est ainsi interrompue, se conserve mieux. Laissez-la refroidir, en la remuant de temps en temps, puis réservez-la 24 heures au réfrigérateur (4°C).
les comédiens de Das Weisse vom Ei © Simon Hallstrom
Le Larousse des desserts : recettes, techniques et tours de main Pierre Hermé, éditions Larousse, 2011, page 39
Comment éviter les grumeaux dans une crème anglaise ? Le microscope révèle les secrets de la crème anglaise. Quand on chauffe la crème, l'œuf coagule progressivement en grumeaux qui sont invisibles à l'œil nu. Plus on chauffe, plus ces grumeaux sont denses. Les grumeaux visibles, ceux que l'on veut éviter, sont des agrégats de ces grumeaux microscopiques ; l'eau, qui s'en est évaporée a laissé ces derniers se lier de façon très dense. à quelles températures doit-on cuire une crème anglaise ? Certainement au-dessus de 68°C qui est la température de coagulation des jaunes d'œufs. Et certainement à moins de 100°C, qui est la température d'ébullition de l'eau. Hervé This
tisser des complicités
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Créer une complicité, insuffler un peu d'humain, ouvrir les portes des coulisses et engager la conversation à travers des photos, du son, de la vidéo...
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À travers les réseaux sociaux, l'Odéon-Théâtre de l'Europe noue depuis trois
meilleur tweet : l'escalier
ans des liens insolites avec son public. #LoveTheatre
une Communauté de passionnés s'exprime et suit notre compte
à la fin de l'année 2014 plus de 8000 fans
70 mentions j'aime par semaine
• actualité du théâtre en temps réel • • temps fort de la programmation • • coulisses • • secrets de fabrication de décors • • décompte avant le jour de la première •
la Complicité crée une fidélité
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s ec r e t 500 personnes s'engagent quotidiennement sur la page et plus de 1000 en période d'ouverture de location en commentant ou en partageant les informations publiées. Hausse constante
Début 2015 plus de 7000 followers
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chaque mois, 54000 personnes voient nos tweets
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vidéo du montage du décor d'Ivanov
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autour du spectacle
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et pour aller plus loin Pe a
Permet d'héberger nos contenus vidéos : bande annonce, promotion spectacle et vidéos des coulisses > En moyenne, une vidéo est vue 4000 fois dailymotion
rl tr e e s
Habillage à l'effigie de nos spectacles sur la page d'accueil Dailymotion
Bibliothèque Libre d'accès numérique et participatif, 45000 connexions à la fin de l'année 2014
photos
l'odéon et les réseaux sociaux
presse entretiens contenus pédagogiques
Rencontre avec Giuseppe de Martino, directeur général de la plateforme vidéo qui a à cœur de donner une large place à la culture et aux arts. Depuis trois ans, Dailymotion est partenaire et mécène de l'Odéon-Théâtre de l'Europe. Armelle Stépien : Quel a été votre parcours et d'où vient votre engagement ? Je suis un enfant du 6e arrondissement de Paris. Le Théâtre de l'Odéon a toujours fait partie de mon univers. J’ai une formation de droit d’auteur, j'ai travaillé chez Arte, Time Warner... L'univers de la culture fait partie de mon ADN. Je suis toujours beaucoup allé au théâtre. Je suis même président d’une petite compagnie théâtrale. Le partenariat avec l'Odéon était donc pour moi évident. Depuis que je suis l'un des porte-parole de Dailymotion, je me heurte à certaines difficultés pour faire comprendre la place nécessaire du numérique dans le monde de la culture. Mon leitmotiv au quotidien est de distribuer l’image des contenus culturels en français en France et à l’étranger. Fanny Gauthier : Comment s'est faite la rencontre entre Dailymotion et l'OdéonThéâtre de l'Europe ? Giuseppe de Martino : En tant que plateforme vidéo et surtout en tant que partenaire de différents acteurs de l’ «industrie
culturelle», Dailymotion a un rôle essentiel à jouer pour une meilleure distribution des œuvres de l’esprit, notamment du théâtre. Nous nous sommes toujours dit que nous pouvions aider le monde du théâtre à se rapprocher du monde numérique. Il y a eu cette rencontre formidable avec Luc Bondy, qu’on ne voit pas de l’extérieur comme quelqu’un d’aussi technologiquement moderne, à l’affût de toutes les nouveautés. Nous ne serions pas là aujourd’hui, nous n'aurions pas transformé notre partenariat, si Luc Bondy n’avait pas été là. A. S. : Sur quoi repose ce partenariat et comment voyez-vous votre rôle de mécène ? Un mécène est philanthrope. Il a aussi la volonté de montrer à quel point la culture et un théâtre comme l'Odéon sont importants. Nous proposons certes un apport en numéraire, mais ce qui nous importe surtout est de mettre du sens à notre partenariat. Comment, à travers notre expertise et avec toujours plus de pédagogie, développer une meilleure présence de
l’univers Odéon sur Dailymotion et depuis Dailymotion sur les différents réseaux sociaux. Nous diffusons trois milliards de vidéos par mois, ce n’est donc pas notre partenariat qui va changer la donne, mais nous en sommes fiers dans la mesure où il correspond à notre souhait de valoriser la présence de l’Odéon sur notre plateforme. D'autre part, nous mettons nos pages d’accueil aux couleurs de l’Odéon, lors des lancements des spectacles, pour souligner cet engagement et celui de l’Odéon du côté du numérique. Nous avons aussi créé ensemble un formidable partenariat tripartite avec le Redstar, afin de sensibiliser de jeunes footballeurs au théâtre. Ce partenariat leur a permis de découvrir un univers qui leur était totalement inconnu. F. G. : Comment envisagez-vous l'évolution de ce partenariat, au regard de vos propres perspectives de développement ? Il est important de combattre certaines idées reçues qui n'envisagent pas
l'Internet comme source de création, comme bassin d'expressions de la culture. Nous aimerions par exemple mettre en ligne une représentation en direct, comme nous le faisons déjà avec l'Opéra de Liège, afin d'aller vers un public qui n'irait pas spontanément au Théâtre de l'Odéon ou aux Ateliers Berthier. Bien sûr, c'est un challenge. Le numérique ne réussira jamais à retranscrire une émotion en 3D, une émotion «dans la vraie vie», mais de là à ne pas avoir la mémoire ou les traces d'un spectacle, il y a un pas que nous ne devons pas franchir ! Pour conclure, j'aimerais dire que derrière les écrans de Dailymotion, il y a des hommes et des femmes qui veulent partager leur passion, créer des passerelles, montrer que nous parlons tous la même langue quel que soit le format numérique de départ : son, photo ou vidéo. Si nous pouvons apporter notre modeste pierre à l’édifice et aider l’Odéon à toujours mieux croître, nous en serons ravis. Propos recueillis par Fanny Gauthier et Armelle Stépien Paris, 12 janvier 2015
petit lexique twitter tweeter action d'émettre un message abonnés/followers les personnes qui vous suivent abonnement les personnes que vous suivez hashtag/# ce signe suivi d'un mot devient une clé qui détermine le sujet principal. Elle permet aussi de retrouver tout ce qui concerne le sujet, exemple : #Ivanov @ est une mention, toujours accolée à votre nom. Elle permet d'interpeller. Il suffit de l'intégrer au tweet (exemple : @theatreodeon). rt ou retweeter faire passer autour de vous une information publiée par quelqu'un d'autre dm message privé le fil l'endroit sur lequel apparaissent tous les tweets : les vôtres et ceux des personnes que vous avez décidé de suivre (600 tweets par seconde).
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Avantages abonnés
Tarifs préférentiels, invitations... (nombre de places restreint) Des propositions élaborées avec les partenaires culturels de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
Les 30 ans de la Fondation Cartier L'Odéon rend hommage aux arts plastiques et fête les trente ans de la Fondation Cartier. Née en 1984 de la rencontre entre le sculpteur César et Alain-Dominique Perrin, installée depuis vingt ans boulevard Raspail dans le superbe édifice conçu par Jean Nouvel, elle est aujourd'hui l'un des hauts lieux de la création contemporaine. Entretien avec Isabelle Gaudefroy, directrice de la programmation et des projets artistiques, et Thomas Delamarre, conservateur de la Fondation. La Fondation Cartier fête ses trente ans. Est-ce l'âge de la maturité ? Isabelle Gaudefroy : Elle reste jeune. En trois décennies, la Fondation a noué des liens avec des artistes qui reviennent retravailler dans des formes et des formats à chaque fois différents. Ce temps long de la confiance, c'est aussi celui des arbres qui ont poussé autour de la Fondation... I. G. : C'est tout à fait vrai... Il faut rappeler qu'à l'origine ce jardin est d'abord une œuvre d'art conçue par Lothar Baumgarten. Saison après saison, depuis 1994, le jardin a évolué. Il donne à ressentir un autre temps à l'œuvre, un temps d'enracinement, vivant, changeant. à l'image du cèdre planté par Chateaubriand, autour duquel Jean Nouvel a conçu le bâtiment. Vivre à l'ombre de ce cèdre, c'est à la fois un aide-mémoire et une sorte d'appel. Où en est la préparation de l'exposition de Bruce Nauman ? Thomas Delamarre : La sélection est faite, la scénographie et la dramaturgie d'ensemble sont arrêtées. C'est la première fois que nous accueillons Bruce Nauman et nous en sommes très fiers.
Carousel (Stainless steel version), 1988 © Bruce Nauman Fondation Cartier pour l'art contemporain EXPOSITION BRUCE NAUMAN Dimanche 12 avril de 11h à 20h / Journée portes ouvertes Reconnu comme l’un des créateurs les plus influents de sa génération, Bruce Nauman développe, depuis la fin des années 1960, une œuvre inclassable proche de l’art conceptuel et minimal. Conçue en étroite collaboration avec l’artiste, l’exposition – la plus importante depuis la rétrospective de 1997 au Centre Pompidou – rassemble un ensemble de huit œuvres jamais montrées en France (présentée de mars à juin). > Invitations > Réservation à missions-rp@theatre-odeon.fr > Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, Paris 14e
Pouvez-vous nous dire deux mots de son travail ? T. D. : Le spectre des médiums qu'il a explorés est éblouissant. Dans sa pratique, il passe de la performance ou de la performance filmée aux néons, aux installations vidéo, au travail sur le son pur... Et il reste cependant le même artiste. Quand il nous parle du corps, du langage, de l'utilisation du corps en société et des contraintes qui pèsent sur l'animal social, ça parle au cœur.
Jeu de Paume EXPOSITION TARYN SIMON Mardi 3 mars / 19h Taryn Simon (artiste américaine née en 1975) développe un ambitieux travail autour de phénomènes culturels et politiques touchant des domaines variés comme la sécurité, la politique, la science, la médecine, la nature ou les médias de masse. L’artiste développe une pratique à la frontière du texte et de l’image. Elle en vient à formuler un questionnement déterminant sur le rôle de la photographie dans le cadre des institutions. Exposition présentée du 24 février au 17 mai.
Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, 12 décembre 2014 Retrouvez l'intégralité de l'entretien sur theatre-odeon.eu
> Visite guidée > Réservation à missions-rp@theatre-odeon.fr > Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e
Cutaways, 2012 – vidéo, 3 minutes © 2014 Taryn Simon
Palais de Tokyo EXPOSITION LE BORD DES MONDES Samedi 21 mars / 16h30 Présentée du 18 février au 17 mai, l'exposition révèle les prodigieuses recherches de visionnaires au-delà du territoire traditionnel de l’art. Une trentaine de créateurs, pour la plupart extérieurs au champ de l’art, y déploient leurs visions et idées. Ni «outsiders», ni «naïfs», pas plus qu’«hors normes», ces esprits affranchis explorent des formes inconnues et rafraîchissent notre regard, au-delà des canons et des disciplines. Jeu d’enfants #4, 2011, mine de plomb et fusain sur papier, 200x150cm, collection privée, France
> Visite guidée > Réservation à missions-rp@theatre-odeon.fr > Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson, Paris 16e
La maison rouge EXPOSITION JÉRÔME ZONDER, FATUM Jeudi 19 mars / 19h Jérôme Zonder (né en 1974 à Paris) développe depuis plus de dix ans une œuvre virtuose centrée sur le dessin. Réalisées essentiellement à la mine de plomb et au fusain, ses œuvres – souvent de très grands formats – suscitent à la fois admiration et effroi. Dans son travail, les références à Albrecht Dürer, Robert Crumb, Rembrandt, Charles Burns, Otto Dix et Walt Disney voisinent pour composer des récits, souvent cruels. Exposition présentée du 19 février au 10 mai. > Visite guidée > Réservation à missions-rp@theatre-odeon.fr > La maison rouge, 10 boulevard de la Bastille, Paris 12e
© œuvre de DGT – Luce tempo luogo, photographie Niki Takehiko
Éléphant Paname EXPOSITION LUMIèRES – THE PLAY OF BRILLANTS 6 mars – 31 mai Exposition-expérience tout aussi sensorielle qu’émotionnelle qui propose de casser les frontières entre art, design, architecture, technologie et industrie, avec pour maître mot : la lumière. Le visiteur est invité à devenir partie prenante d’un parcours découverte, en mettant à l’épreuve sa perception et en entrant en interaction avec des installations éblouissantes, captivantes ou contemplatives. > Invitations (inscriptions à billetterie@elephantpaname.com) > Tarif préférentiel de 7€ au lieu de 9€ pour les suivants > Réservation sur elephantpaname.com, au guichet (sur présentation de la carte abonné Odéon) > éléphant Paname, 10 rue Volney, Paris 2e
Beurre en stick © Kenji Kawakami
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Calendrier
IVANOV représentations du 07/04 au 03/05 theatre-odeon.eu / guichet / téléphone 28 janvier
mars 2015
Les Bibliothèques de l’Odéon 6e Berthier 17e Grande salle / salon Roger Blin / studio Gémier mer 4 Toujours la tempête 19h30 Voyages en littérature / En canoë sur les rivières... 18h jeu 5 Toujours la tempête 19h30 ven 6 Toujours la tempête 19h30 L’épreuve de la haine / De la décolonisation de l’Inde... 18h sam 7 Toujours la tempête 19h30 L’Europe inspirée / La femme audacieuse 17h dim 8 Toujours la tempête 15h lun 9 mar 10 Toujours la tempête 19h30 Ma bibliothèque idéale / Le fauché / Thomas Clerc 18h mer 11 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 jeu 12 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 à quoi tenons-nous vraiment ? / Papier, écrans... 18h ven 13 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 sam 14 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Politique de la pensée / Hannah Arendt 15h Les petits Platons / Le théâtre d’Hannah Arendt 15h dim 15 Das Weisse vom Ei 15h Toujours la tempête 15h lun 16 Voix de femmes / Amélie Nothomb 20h mar 17 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Lire le théâtre / La Tour de Nesle – Dumas 18h mer 18 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Mythes et épopées / L’Exil des Fils d’Uisliu 15h jeu 19 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 ven 20 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 sam 21 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Fleury en scène / All in Hall 15h et 17h dim 22 Das Weisse vom Ei 15h Toujours la tempête 15h lun 23 Les rendez-vous du CNT 15h30 XXIe Scène / Wolfram Höll et Nis-Momme Stockmann 18h Exils / Clarice Lispector / Hélène Cixous 20h mar 24 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Peter Handke / Le recommencement 18h mer 25 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Peter Handke / Encore une fois pour Thucydide 18h jeu 26 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 Peter Handke / La Grande Chute 18h ven 27 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 sam 28 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 19h30 L’Europe inspirée / L’identité européenne 17h dim 29 Das Weisse vom Ei 20h Toujours la tempête 15h lun 30 mar 31 Toujours la tempête 19h30 Odéon 6e
toujours la tempête représentations du 04/03 au 02/04 theatre-odeon.eu 28 janvier guichet / téléphone 4 février das weisse vom ei (Une île flottante) représentations du 11/03 au 29/03 theatre-odeon.eu 4 février guichet / téléphone 11 février les bibliothèques de l’odéon Vous pouvez réserver pour l’ensemble de la saison 14/15 Par téléphone 01 44 85 40 40 du lundi au samedi de 11h à 18h30 Au guichet du Théâtre de l’Odéon du lundi au samedi de 11h à 18h
Abonnés Si vous n’avez pas choisi vos dates de spectacles : – Vous pourrez réserver vos dates, à tout moment de l’année. Merci de vérifier la disponibilité de la date choisie auprès du service abonnement avant de retourner votre contremarque. – Nous vous conseillons de choisir vos dates avant l’ouverture de réservation tout public, afin que nous puissions vous placer au mieux.
avril 2015
Les Bibliothèques de l’Odéon 6e Berthier 17e Grande salle / salon Roger Blin mer 1 Toujours la tempête 19h30 Voyages en littérature / Les Cavaliers 18h jeu 2 Toujours la tempête 19h30 ven 3 sam 4 dim 5 lun 6 mar 7 Ivanov 20h mer 8 Ivanov 20h jeu 9 Ivanov 20h ven 10 Ivanov 20h Colloque / L’œil et le théâtre 10h/19h sam 11 Ivanov 20h Politique de la pensée / Pascal : le pouvoir imaginaire 15h Les petits Platons / Blaise Pascal 15h dim 12 Ivanov 15h e lun 13 Tadeusz Kantor, un artiste du XXI siècle mar 14 Ivanov 20h mer 15 Ivanov 20h jeu 16 Ivanov 20h ven 17 Ivanov 20h sam 18 Ivanov 20h dim 19 Ivanov 15h lun 20 mar 21 Ivanov 20h mer 22 Ivanov 20h jeu 23 Ivanov 20h ven 24 Ivanov 20h sam 25 Ivanov 20h dim 26 Ivanov 15h lun 27 mar 28 Ivanov 20h mer 29 Ivanov 20h jeu 30 Relâche Odéon 6e
Vous avez la possibilité de réserver des places supplémentaires aux dates d’ouverture de location de chaque spectacle. Vous bénéficiez d’un tarif réduit pour Les Bibliothèques de l’Odéon, en grande salle. Si vous n'avez pas choisi Toujours la tempête dans votre abonnement, profitez de l'ouverture de location prioritaire, le mercredi 21 janvier Abonné individuel : 25€ au lieu de 34€ Abonné jeune : 12€ au lieu de 17€ Vous pouvez également réserver pour des personnes vous accompagnant 26€ la place au lieu de 34€ Contact 01 44 85 40 38 abonnes@theatre-odeon.fr
Représentations toujours la tempête du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h, relâche le lundi das weisse vom ei (Une île flottante) du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi IVANOV du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi relâches exceptionnelles les 30 avril et 1er mai
MAI 2015
Odéon 6e
ven 1 Ferié sam 2 Ivanov 20h dim 3 Ivanov 15h
Tarifs Spectacles
vacances scolaires zone A zone B zone C
Théâtre de l’Odéon 6e
série 1
série 2
série 3
Plein tarif 38 € 26 € 16 € Moins de 28 ans, étudiant, bénéficiaire du RSA* Public en situation de handicap 19 € 13 € 8 € Demandeur d’emploi* 20 € 16 € 10 € Élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) 6 € 6 € 6 € Lever de rideau (2h avant la représentation) — — — *
Ateliers Berthier 17e
série 4 série unique
12 €
34 €
6 € 6 € 6 € 6 €
17 € 20 € 6 € —
Justificatif indispensable lors du retrait des places
Les l’Odéon Bibliothèques de Théâtre de l’Odéon 6e Tarifs exceptionnels
Bestiaire d’amour Grande salle Roger Blin série 1 série 2 série 3 série 4
Plein tarif 10 € 6 € Carte les Bibliothèques de l’Odéon — — Abonné Odéon 6 € 6 € Moins de 28 ans, étudiant, bénéficiaire du RSA* Public en situation de handicap 6 € 6 € Demandeur d’emploi* 6 € 6 € Élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) 6 € 6 € *
Justificatif indispensable lors du retrait des places
38 € 26 € 16 € 12 € 28 € 19 € 12 € 6 € 28 € 19 € 12 € 6 € 19 € 13 € 8 € 20 € 16 € 10 € 6 € 6 € 6 €
6€ 6€ 6€
Contacts Groupe d’adultes, amis, association, comité d’entreprise, 01 44 85 40 37 collectivites@theatre-odeon.fr Public de l’enseignement 01 44 85 40 39 / 41 18 enseignement@theatre-odeon.fr Public de proximité des Ateliers Berthier, public du champ social et public en situation de handicap 01 44 85 40 47 alice.herve@theatre-odeon.fr Carte Les Bibliothèques de l’Odéon Carte 10 entrées 50€ (à l’exception de Bestiaire d’amour) Carte à utiliser librement ; une ou plusieurs places lors de la même manifestation. Réservation fortement conseillée Attention : pour Bestiaire d’amour, un tarif préférentiel est cependant consenti aux abonnés Odéon et aux détenteurs de la Carte Les Bibliothèques de l’Odéon (cf. tarifs exceptionnels, voir ci-contre).
3 octobre – 21 novembre / Odéon 6e
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les nÈgres
Jean Genet / Robert Wilson création
avec le Festival d’Automne à Paris
9 octobre – 14 novembre / Berthier 17e
les particules ÉlÉmentaires Michel Houellebecq / Julien Gosselin
Soutenez la création théâtrale en devenant membre du Cercle de l'Odéon
avec le Festival d’Automne à Paris
3 – 14 décembre / Odéon 6e
you are my destiny (Lo stupro di Lucrezia) Angélica Liddell
avec le Festival d’Automne à Paris
10 décembre – 31 janvier / Berthier 17 e
Information et contact Pauline Rouer cercle@theatre-odeon.fr
La rÉunification des deux corÉes Joël Pommerat 29 janvier – 1er mars 7 avril – 3 mai / Odéon 6e
Ivanov Anton Tchekhov / Luc Bondy création 14 mars – 2 avril / Berthier 17 e
toujours la tempÊte Peter Handke / Alain Françon 11 – 29 mars / Odéon 6e
das weisse vom ei (Une île flottante) Eugène Labiche / Christoph Marthaler 2 – 17 mai / Berthier 17 e
henrY vi William Shakespeare / Thomas Jolly 15 mai – 27 juin / Odéon 6e Ils sont mécènes de la saison 2014-2015 les fausses confidences
Marivaux / Luc Bondy 28 mai – 28 juin / Berthier 17 e
liliom Ferenc Molnár / Jean Bellorini octobre 2014 – juin 2015
5 Théâtre de l’Odéon Place de l’Odéon Paris 6 e Métro Odéon RER B Luxembourg
Ateliers Berthier 1 rue André Suarès (angle du Bd Berthier) Paris 17e Métro et RER C Porte de Clichy
Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite, nous prévenir impérativement au 01 44 85 40 40 Toute correspondance est à adresser à Odéon-Théâtre de l’Europe – 2 rue Corneille – 75006 Paris theatre-odeon.eu 01 44 85 40 40
© Pascal Brami
couverture : © Simon Hallstrom (détail) / Licences d’entrepreneur de spectacles 1064581 – 1064582
Les Bibliothèques de l’Odéon