Lettre de l'Odéon n°17

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Eschyle / romeo castellucci orestie (une comédie organique ?)

OD ON

la violence mise à nu

carlo collodi / joël pommerat pinocchio

ÉLOGE D'UN PETIT MENTEUR

les bibliothèques de l'odéon

conrad m'a ouvert deux mondes

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Lettre N 17 Odéon-Théâtre de l’Europe

décembre 2015


orestie (une comédie organique ?)

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castellucci, la violence mise à nu

Le metteur en scène poursuit son compagnonnage avec le Théâtre de l'Odéon en se replongeant,

sommaire

vingt ans après sa création, dans la vertigineuse œuvre d'Eschyle. Un spectacle brûlant et spectral pour clôturer le «Portrait» que lui consacre le Festival d'Automne à Paris.

p. 2 à 5

Orestie (une comédie organique ?) Eschyle / Romeo Castellucci la violence mise à nu retourner au corps

p. 6 et 7

PINOCCHIO Carlo Collodi / Joël Pommerat toute la lumière sur pinocchio ÉLOGE D'UN PETIT MENTEUR

p. I à IV

les bibliothèques de l’odéon "CONRAD m'a ouvert deux mondes" PAR MATHIAS ÉNARD

BOURDIEU, la sociologie de haute lutte dire la honte en sept mots

p. 8 et 9

une scénographe sur le gril BERTHIER fait peau neuve p. 10

AVANTAGES ABONNÉS Invitations et tarifs préférentiels

p. 11

ACHETER ET RÉSERVER SES PLACES p. 12

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Orestie 3

Cette mise en scène émerge – sans en sortir – de la boue de l'oubli dans lequel ont été plongées les puissances qui frappent encore, à chaque lecture de L'Orestie, les cordes les plus profondes de l'être. […] Non, ce qui me fouette, ce ne sont pas les mots, ce n'est pas la vertigineuse poésie d'Eschyle. Ce qui m'émeut, c'est la fable nue, les événements contenus dans L'Orestie, qui viennent ôter et créer des vides. Il n'y aura donc pas de reconstruction philologique du «véritable» esprit de la tragédie, ni même de restitution contemporaine de sa signification. Il ne s'agit pas ici de résoudre la «question tragique», même si l'on sou-

La parole poétique n'est qu'une pâle figurante qui s'évanouit devant le cri du singe. met ici la ­ tragédie à des interrogations nouvelles, quand ce n'est pas à de brûlantes investigations. La mise en scène sera cette tentative qui déclare sa propre mégalomanie : redoubler le tragique pour le décharger dans le physique ; elle sera un instrument de précipitation linguistique : plus nombreuses seront les chutes, plus grandes seront nos garanties d'efficacité vis-à-vis de la scène. Mais l'effet produit ne sera pas celui d'une pantomime magmatique : la structure exacte de la fable restera de toute façon reconnaissable, telle qu'Eschyle l'a dessinée. Les mots du poète seront eux aussi entendus, mais dans une perspective qui ne les place plus au premier plan. Trois éléments m'ont attiré vers L'Orestie d'Eschyle. Avant tout, la violence inaccoutumée qui s'y exprime – remplaçant quelque pensée, religion ou logos que ce soit – dans sa forme extrême et apodictique. Ensuite, la magnificence terrienne de Clytemnestre, dont le ventre souffre une inexplicable offense. Enfin, la forme complexe de la faute d'Oreste, si surchargée de beauté et de malheur. La matière essentielle de cette trilogie est la violence, prise dans son cercle et au sommet de sa virulence. Toutes les limites sont dépassées, d'autant plus que tout se joue au sein d'une famille. L'efficacité du texte lui-même vacille, paradoxalement, devant la répétition obsessionnelle de la violence qui remplit toutes choses d'elle-même, comme d'une substance. La parole poétique n'est qu'une pâle figurante qui s'évanouit devant le cri du singe, devant la langue écorchée, l'éructation de la gorge tranchée – autrement dit, devant la réalité ontologique de la violence qui, pareille à un suc vénéneux, envahit toutes choses. […] Le moteur indifférencié qui met tout en mouvement, c'est la violence : non pas la poésie violente, non pas une violence poétique, mais une violence muette © Luca del Pia

et sordide qui agit pour son propre compte. Le langage poétique, les situations dramatiques viennent ensuite ; ce ne sont là que des inventions dont la violence s'est dotée. Qu'on ne voie pas là son apologie. Il s'agit – au-delà de toute certitude rhétorique sur la tragédie qui ne distingue en son centre que la seule poésie – d'adresser à la tragédie une interrogation en partant de ce qu'elle voudrait camoufler sous les jupes de l'ambiguïté. Mais «la tragédie est l'équilibre d'une balance qui n'est pas celle de la justice, mais de la violence», selon l'anthropologue René Girard. […] La scène se présente comme un vieux plateau de cinéma tombé dans l'oubli et qu'envahit la poussière. Les personnages de cette Orestie vont et viennent comme des spectres, répétant avec l'obstination de l'épuisement des scènes que plus personne ne tourne. Mais la représentation, comme par autocombustion, éclate en excès, en coups sensoriels, en visions suprêmes, pour ensuite se refermer derrière la vitre d'un quelconque peep-show souterrain. C'est comme une représentation jouée par les morts et que les caméras, abandonnées, ne captent plus. C'est, en fin de compte, une représentation qui ne veut pas se voir. Toute la vieille scénographie est parcourue par des conduites et des tubes d'oxygène. C'est un système, aussi complexe qu'archaïque, de gaines et d'embouts respiratoires pendus à des tubes qui distribuent aux acteurs de l'air, de l'eau chaude et des sérums physiologiques. La scénographie du plateau suggère une atmosphère de sanatorium qui sent le médicament, la moisissure, le pansement, dans une obscurité brune et poussiéreuse, une odeur de sauna pour dames. Le palais des Atrides devient le lieu d'accueil d'une blessure destinée à ne jamais se refermer. Par effroi, par nécessité, elle oppose une cure au pourrissement de la matière dramaturgique qui retombe sur elle. La caméra qui tourne sans bobine

La représentation éclate en excès, en coups sensoriels… ne signifie pas autre chose : le regard, circulaire et aliéné, revient toujours à la même scène de ce studio aporétique. En arrière-fond, d'avilissantes rumeurs – d'inopportunes colonnes sonores. Des lumières souterraines et sordides qui «surprennent» des éclairs d'action. Du fumier, des flaques d'huile, des précipitations de cendres : le foyer du cinéma Eschyle. Paillettes et singes. Poumons et lapins en plâtre. Ampoules qui explosent, cuir. ­Jabberwocky de Lewis Carroll et femmes obèses. Poussière rouge et Wagner distordu. Loques en charpie et pleurnichements de peau trempée. Asinus mysteria vehens. Que la tragédie se fasse donc ânesse, porteuse de mystères. Texte inédit de Romeo Castellucci, mai 1994 (traduit de l'italien par Daniel Loayza)

 © Luca del Pia (détail)


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2 – 20 décembre Théâtre de l’Odéon 6e

ORESTIE ( une comédie organique ? ) d’après Eschyle de Romeo Castellucci musique Scott Gibbons collaboration à la lumière Marco Giusti automatisations Giovanna Amoroso & Istvan Zimmermann direction de la construction décors Massimiliano Scuto & Massimiliano Peyrone avec Simone Toni NicoNote Marika Pugliatti Georgios Tsiantoulas Loris Comandini Marcus Fassl Antoine Marchand Carla Giacchella Giuseppe Farruggia durée estimée 2h30 production déléguée Socìetas Raffaello Sanzio coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris, MC2: Maison de la Culture de Grenoble, Célestins – Théâtre de Lyon, Théâtre Nouvelle Génération – Centre dramatique national de Lyon, La rose des vents – Scène nationale Lille Métropole à Villeneuve d’Ascq, Le Maillon – Théâtre de Strasbourg / Scène européenne, Romaeuropa Festival, TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées ; Théâtre Garonne – scène ­européenne – Toulouse avec le Festival d’Automne à Paris

Retourner au corps de l'Orestie Castellucci voulait réveiller la puissance d'un texte «anesthésié». Son adaptation de la trilogie d'Eschyle creuse sa matière première, travaille tour à tour la force des mots et celle des images pour un théâtre de sensations où Bacon n'est jamais loin…

certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes, il est déconseillé aux moins de 16 ans

«J'implore des dieux la fin de la souffrance...» Une voix, brisée par les parasites et l'émotion, lance son appel au ciel, couverte par le sifflement de chasseurs-bombardiers passant audessus d'une scène cubique, noire, black box qui tient du ring, du cirque, de la chambre de torture et de la tente camouflée. Des rafales de mitraillettes éclatent. Le bruit sourd d'explosions, régulières comme les battements d'un cœur, scande le premier volet d'Orestea (una commedia organica ?) de la Socìetas Raffaello Sanzio. Romeo Castellucci, metteur en scène d'Orestea (una commedia organica ?), Paolo Guidi et leurs sœurs Claudia et Chiara étaient à peine âgés de 20 ans, en 1981, quand ils ont fondé la Socìetas Raffaello Sanzio. Ils ont associé le mot latin societas, qui évoque une société industrielle quelconque, au nom du peintre Raphaël pour un faisceau de raisons : «La forme parfaite, le nom du plus grand des paquebots italiens et notre hostilité aux dénominations américaines à la mode à l'époque.» Ils mènent un travail patient de «pédagogie renversée» auprès d'enfants et d'adolescents. Une clef de leur travail est là : «Notre travail a une relation avec

l'enfant. Étymologiquement, l'infans est celui qui ne parle pas, comme dans la deuxième partie d'Orestea (una commedia organica ?).» Le coryphée est un homme-lapinblanc, le lapin d'Alice aux pays des merveilles, cagoulé. Suivi d'une portée de lapereaux en plâtre dangereusement explosifs. Pourquoi Alice ? Parce qu'Alice est la sœur en sacrifice d'Iphigénie. Égisthe (sorti d'une backroom fesses à l'air) va tenter de faire parler l'homme-lapin. Chocs et électrochocs. Paroles mécaniques. Agamemnon peut entrer en scène, jovial et tourbillonnant. Romeo Castellucci a confié ce rôle à Loris, un trisomique. «Ce n'est pas pour provoquer. C'est le texte qui est provocant. J'ai choisi Loris parce qu'il est un monarque : il est hors de toute discussion. Et parce qu'il est innocent.» Le metteur en scène estime que le texte a été «anesthésié». «Il faut le creuser pour en faire ressurgir les forces profondes. Retourner au corps et non pas à l'antique, tout en étant rigoureux sur le fond, sur les sources. Redécouvrir une communication élémentaire, non pas intellectuelle, mais qui passe directement par le système nerveux, par les sensations, et redonne au

théâtre sa force et sa spécificité.» Le texte, pris à la lettre, est ouvert aux associations d'idées pour «en faire sortir des figures, des visions». Si Clytemnestre et Cassandre sont obèses, «c'est parce que les femmes pèsent sur le drame». Lorsque Clytemnestre, en tutu, tient délicatement dans ses mains épaisses les petits chaussons de son fils et crie son nom d'une voix aiguë, cela sonne juste, à pleurer.

La tragédie est soumise à la primauté de l'œil. Un œil éclectique, contemporain.

La Socìetas joue avec les mots, avec leur étymologie, avec leur histoire, avec les images qu'ils suscitent. Les arts plastiques infiltrent, débordent parfois Orestea (una commedia organica ?). La tragédie est soumise à la primauté de l'œil. Un œil éclectique, contemporain. Engageant dans le tableau vivant. Avec un goût de la citation dont l'excès paraît venir à l'encontre des principes proclamés par le metteur en scène, comme lorsqu'il fait éclairer à plusieurs reprises la scène par la lampe du Guernica de Picasso. Plus discret (parce que ready-made) est le recours à une roue de bicyclette de plus en plus petite, inscrivant, via Duchamp, le rétrécissement des destins.

Si un nom, un seul, devait apparaître à l'affiche de cette Orestea (una commedia organica ?), à l'égal de celui d'Eschyle, ce serait celui de Francis Bacon, dont on se souvient qu'il est l'auteur d'un triptyque inspiré par la tragédie. Nombre de scènes, jusqu'au tremblement généralisé du plateau à la fin des Choéphores, lorsque le monde vient à se dérober sous les pieds des acteurs, sont «baconiennes». À aucun moment, il ne s'agit d'illustrer ses peintures. Plutôt de leur enlever leurs cadres dorés et leurs vitres inviolables. Romeo Castellucci peut alors citer directement le peintre : une chaise de bureau ne cesse de tourner sur elle-même ; quatre singes figurent les Érinyes ; une charogne de chèvre au centre de l'espace redonne souffle à Agamemnon !


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La trilogie en trois langues CORIFEO Mio re, mio re, come ti piango dal fondo del cuore fedele ! Quali parole ti dico ? Giace il tuo corpo in questo tessuto di ragno. Ignominiosa morte ha preso il tuo respiro. Ahimé, ahimé ! Ingannevole colpo mortale, mano di donna ti vinse : della tua donna, armata di scure a due tagli. Claudia Paola Castellucci et Romeo Castellucci : Orestea (una tragedia organica ?)

ΧΟΡΟΣ ἰὼ ἰὼ βασιλεῦ βασιλεῦ, πῶς σε δακρύσω ; φρενὸς ἐκ φιλίας τί ποτ᾽ εἴπω ; κεῖσαι δ᾽ ἀράχνης ἐν ὑφάσματι τῷδ᾽ ἀσεβεῖ θανάτῳ βίον ἐκπνέων. ὤμοι μοι κοίταν τάνδ᾽ ἀνελεύθερον δολίῳ μόρῳ δαμεὶς δάμαρτος ἐκ χερὸς ἀμφιτόμῳ βελέμνῳ. Eschyle : Agamemnon, vv. 1489 ss. © Socìetas Raffaello Sanzio

LE CORYPHÉE

Dans la seconde partie, presque muette, blanc sur blanc, qui regroupe Les Choéphores et Les Euménides, le metteur en scène peint d'après le nu. Ses corps talqués renvoient à Carrare. Le blanc habille et désamorce toute tentation de voyeurisme. Entre obésité et anorexie, des silhouettes indésirables s'affrontent. De loin. D'invraisemblables machines les menacent, les soutiennent. Les héros sont sous assistance respiratoire. Ils touchent à l'art corporel dans sa version dure, celle des actionnistes viennois, mais dans une forme scénique mimée, presque apaisée. Répétition de lents simulacres. Pas de sang, du vermillon en pluie.

Ô mon roi, mon roi, comment puis-je te pleurer ? Que peut dire mon cœur d'ami ? Pris dans la toile de l'araignée, tu expires dans cette agonie sacrilège. Ô malheur, malheur - cette couche ignoble où tu gis, dompté par une mort perfide sous les coups à double tranchant de ton épouse. Eschyle : L'Orestie, tr. fr. D. Loayza, Flammarion, coll. GF, 2001

Extrait de Ces années Castellucci, de Jean-Louis Perrier, éd. Les Solitaires Intempestifs, 2014, pp. 23-26 (texte d'abord paru dans Le Monde du 8 juillet 1997)

© Socìetas Raffaello Sanzio (détail)


6 Pinocchio

Joël pommerat / Entretien avec Éric Soyer

toute la lumière sur Pinocchio

Depuis près de vingt ans, Éric Soyer conçoit les scénographies et éclairages sophistiqués

des spectacles de Joël Pommerat. À l'occasion de cette reprise, il évoque, pour La Lettre, leur complicité et leur travail de création autour du personnage imaginé par Carlo Collodi. Quand vous êtes-vous rencontrés, vous et Joël Pommerat ? J'ai connu Joël il y a une petite vingtaine d'années. C'était au Théâtre de la Main d'Or. Il y présentait ses premiers travaux, d'abord Les Événements, sur lequel je n'ai pas travaillé, puis Pôles. J'ai commencé avec lui sur Treize étroites têtes, créé aux Fédérés, à Montluçon. Depuis, il y a eu dix-huit spectacles et deux opéras tirés de ses pièces. Comment avez-vous abordé ce projet Pinocchio ? Eh bien, tout simplement, Joël est venu me voir un jour et m'a dit : «On va faire Pinocchio.» J'ai lu le livre de Collodi, et je dois dire que j'ai été surpris. J'ai découvert un roman d'aventures, avec des tas d'épisodes, des quantités de lieux… À partir de ce texte, il fallait qu'on se fixe des rendez-vous à traiter dans la narration. Des rendez-vous, c'est-à-dire les points sur lesquels on va se retrouver pour les traiter

© élisabeth Carecchio

ensemble et, à partir de là, inventer le spectacle. Joël distribue des axes de recherche communs à chacun des protagonistes du staff artistique. Je travaille sur la lumière et les espaces, et au son, il y a François Leymarie, qui conçoit, Antonin Leymarie, qui compose, et Grégoire Leymarie, qui diffuse et mixe les sources en jeu. On définit un dispositif lumineux et sonore, des matières et, à travers des improvisations plus ou moins orientées avec les comédiens en costumes, la grammaire du spectacle commence à se mettre en place. Les comédiens nourrissent profondément son écriture. On savait qu'il serait question du passage de l'inanimé à l'animé. Alors, comment on commence ? Avec une marionnette, pour passer ensuite à l'humain ? Ou avec l'humain dès le début ? Autre rendez-vous : la baleine. Comment est-ce qu'on s'y prend pour faire ressentir l'isolement au milieu de la mer ? Et pour montrer l'intérieur de la baleine ? Même chose pour la fée, qui est évidemment un personnage-

clef. Même chose pour le nez… Donc, à ce stade du travail, on a retenu des éléments de Collodi, des thèmes, mais sans essayer d'établir un découpage précis et trop contraignant.

Des idées entrent en collision, et, finalement, nous découvrons nousmêmes quelque chose. Joël dit souvent qu'il cherche l'image juste. Celle qui recrée une réalité, qui va faire passer un peu de réel reconstruit.

cernés de noir. Une espèce d'allégorie du clown blanc, qui serait aussi un forain ou un phénomène de foire. Un individu étrange, un peu inquiétant. Pour Pinocchio, il intervient dès le démarrage du spectacle.

Cette élaboration progressive et collective demande aux comédiens une très grande souplesse…

Comment attaquez-vous le travail des lumières ?

Et vos éclairages se construisent en même temps que ces recherches ?

Évidemment. Une grande souplesse de la mémoire et une grande capacité de proposition. Eux aussi sont pris dans cet entonnoir, où on commence très large et où on définit de plus en plus à mesure qu'on avance. Comme chaque membre de l'équipe de création, ils alimentent le processus et sont alimentés en retour. Il faut qu'ils absorbent peu à peu la structure, tout en étant prêts à faire les ajustements et les coupes nécessaires… Ils doivent à la fois mémoriser et oublier. Mais c'est aussi cela qui fait la justesse des spectacles. Jusqu'à très tard, on laisse des portes ouvertes. On préserve des possibles, sans chercher à faire une belle image.

Avec Joël, on se parle en termes d'atmosphères, d'ambiances, de lieux, d'époques. Pour Cendrillon, il voyait quelque chose de plutôt contemporain, tournant autour du verre, de la transparence. Pour Pinocchio, par contre, il fallait un climat un peu suranné, au sens d'une mémoire populaire ancienne, mais qui ne soit pas totalement localisable : un univers des années 50 ou 60, un peu fellinien, un peu forain. On s'est dès le début concentré sur le cirque, les roulottes… Et donc, sur certains types de personnages. Comme celui qu'on appelait le bateleur, un être étrange, grimé en blanc, torse nu, les yeux

En fait, la lumière arrive très tôt et très tard. Longtemps avant le premier rendez-vous au plateau, je suis allé visiter des fabricants de matériel d'éclairage spécialisés dans les fêtes foraines. J'ai rassemblé des images, j'ai cherché différents grains de lumière. Le premier travail consiste toujours à réunir un ensemble d'ingrédients, d'objets à fabriquer. Ils sont nécessaires pour les phases de recherche scénique. C'est aussi un de nos premiers sujets de discussion avec Joël. Ses spectacles sont dépouillés, mais il y a souvent une multiplicité d'accessoires au plateau. Dans Pinocchio, la tournette de la chanteuse en est un. 


les bibliothèques 7

OD ON

décembre 2015

Portrait de Joseph Conrad par Jeanne Detallante © Costume3pièces.com


8 Les Bibliothèques de l'Odéon II

vu par mathias énard «conrad m'a ouvert deux mondes» Initié dès l'adolescence à la littérature et aux voyages par Joseph Conrad, l'auteur de Zone et de Boussole partagera sur la scène de l'Odéon son goût pour l'écrivain britannique. Quelles nouvelles de votre Conrad, Mathias énard, depuis que vous êtes venu nous en parler à l'Odéon, au salon Roger Blin, en novembre 2012 ? Depuis 2012, mon Conrad, comme vous dites, mon cher Conrad n'avait pas beaucoup de raisons de changer, puisqu'il est l'un de mes auteurs de chevet depuis l'adolescence. J'ai juste ajouté un détail à son portrait. Dernièrement, j'ai eu l'occasion de passer à Marseille. J'en ai profité pour aller voir la maison qu'il a habitée à son arrivée, alors qu'il n'était encore qu'un tout jeune marin de dix-sept ans. C'est dans une petite rue tout près du port, dans un quartier qui n'a pas souffert de la guerre. J'ai trouvé amusant d'imaginer que celui qui s'appelait encore Józef Teodor Konrad Korzeniowski aurait pu opter pour la marine française et choisir de devenir un auteur français... Pourtant, il est tellement britannique. Aussi britannique que Stevenson, né à Édimbourg, ou que Kipling, né à Bombay. Et en même temps, il vient d'ailleurs, de très loin. Mais on ne peut pas présager des destins. Un mousse polonais est devenu un grand écrivain anglais, mais auparavant, il aura été Marseillais d'adoption, il parlait le français depuis l'enfance, et il aura navigué quatre ans sous pavillon de la République. Tout est toujours possible dans une vie. Pourquoi Conrad vous est-il si cher ? Au cœur des ténèbres a été un de mes premiers chocs de lecteur. Je lisais pour voyager, pour échapper à ma chambre, et Conrad m'a ouvert deux mondes en un. Le premier, c'est celui qu'on appelle le vaste monde. De ce point de vue, Conrad a été pour moi ce que Fenimore Cooper a peut-être été pour lui. Avec ses récits maritimes, il m'offrait l'immensité. Je suis entré dans Conrad par la voie de la mer, et ses premiers romans m'ont fasciné. Mais en même temps, il me faisait pénétrer dans le monde de l'écriture. Plus tard, j'ai lu ses œuvres «terrestres», qui m'ont passionné sur un autre plan, pour la maîtrise spectaculaire de l'art narratif dont elles témoignent. Il y a chez lui une science très maîtrisée de l'ellipse, du non-dit, des descriptions brèves extraordinairement efficaces, du détail significatif... J'admire aussi sa capacité à décrire des milieux très différents. Il y a dans ses romans une diversité humaine assez stupéfiante. L'Agent secret, par exemple, propose des ambiances très inattendues, très loin de ce qu'on attendrait superficiellement de Conrad. Il y décrit Genève avec une ironie et un sens satirique réjouissants. Son humour est une arme d'autant plus puissante qu'il n'est jamais désopilant. Ses sarcasmes ont l'intelligence précise d'un acte chirurgical.

Votre écriture, comme celle de Conrad, se nourrit d'un rapport entre écriture et voyage, ou entre écriture et franchissement des frontières, à commencer par celles du mal. Je me trompe ? Merci ! Mais le monde de Conrad me semble beaucoup plus vaste que le mien. Il a mis à profit une pax britannica, ou peut-être coloniale, pour explorer un empire mondial. Il a visité aussi bien des territoires français qu'une Amérique du Sud en pleine mutation. Et il a vérifié au passage que le temps des grands élans, des grandes découvertes, était fini. L'une de ses grandes intuitions est que le monde est désormais fermé. Je sens toujours chez lui ce qu'on pourrait appeler l'échec de l'inconnu. Vu de loin ou de haut, le voyage conradien débouche souvent sur une déception ou une amertume. Conrad est né en 1857, l'année des Fleurs du mal. Lui aussi a voulu aller «au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau», mais comme Baudelaire, il en est revenu. Il en rapporte un nouveau regard, une sorte de désenchantement qui subvertit «l'inconnu». La mer n'est jamais chez lui un grand paysage rêvé, une occasion de déployer des fastes lyriques. Elle est un lieu d'affrontement, une frontière en soi, une «ligne d'ombre» à franchir – pas du tout un élément plastique pour peintre ou pour poète, mais une zone neutre, révélatrice, par laquelle vérifier ce que l'on est. Est-ce que ce post-romantisme désenchanté de Conrad explique l'acuité du «nouveau regard» qu'il porte sur la violence du monde ? Conrad, au cœur de Au cœur des ténèbres, fait dire à Kurtz un seul mot répété : «L'horreur. L'horreur». Et Marlow, le narrateur, nous rapporte cette parole. Marlow et Kurtz sont aussi indissociables qu'un prophète et son témoin – le second porte en quelque sorte l'horrible évangile inversé du premier. Et ce message qu'il nous rapporte, cette «horreur», sont indicibles. La vérité du néant, Marlow nous la laisse entrevoir dans ses effets – têtes coupées, corps mutilés – plus qu'il ne la formule. Comment dire cela, quelle forme face au nihilisme ? Conrad est l'un des premiers à voir le défi que «l'horreur» jette à la langue. Aujourd'hui, en ce début d'un siècle qui semble vouloir encore battre des records en la matière, on pourrait croire que son œuvre en est affaiblie. Je crois exactement le contraire. Il est un modèle de lucidité, un homme de son temps et du nôtre. Ce n'est pas un hasard si on continue à le lire autant aujourd'hui.

Mathias Énard est romancier. Grand admirateur de Conrad, il a commenté Au cœur des ténèbres dans le cadre d’une série associant un écrivain contemporain à un classique GF (Flammarion, 2012). Dernier roman paru : Boussole (Actes Sud, 2015).

couverture de Victory de Joseph Conrad, Random House Publisher, 1915

Grande salle

exils

présenté par Paula Jacques

Joseph Conrad Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, septembre 2015

vu par Mathias Énard textes lus par Jean-Damien Barbin lundi 14 décembre / 20h


Les Bibliothèques de l'Odéon III 9

Pierre bourdieu, la sociologie de haute lutte À l'occasion de la sortie au Seuil du premier volume de Sociologie générale - Cours au Collège de France 1982-1984, Patrick Champagne et Julien Duval se penchent sur le sociologue du déterminisme social, exégète critique des privilèges de classe.

Djan Seylan, un arrêt de bus dans le quartier de Taksim à Istanbul (Turquie), 1989 (détail) © Djan Seylan / adoc-photos

Se souvenir de Pierre Bourdieu, c’est d’abord se rappeler une allure physique et un maintien du corps qui n’étaient qu’à lui et en disaient long sur son rapport au monde et sur sa pensée. C’était par exemple un plissement des yeux tout ensemble malicieux et amical, où perçait une pointe de moquerie préventive. C’était une inflexion de la voix tour à tour inquiète et assurée, où l’accent de son Béarn natal était soigneusement camouflé (ce qu’il se reprochait parfois). C’était toute une impatience des mains et des

de tous – dans les milieux bien dotés tout au moins. Sa pensée bien souvent irritait. Ses modèles explicatifs participant d’une théorie puissante étaient jugés trop massifs et quelque peu arrogants. C’est que sa sociologie critique était impitoyable pour ceux qui abusaient de leur pouvoir et de leur position. Débusquant chez eux l’imposture, il pourfendait sans relâche les «intellectuels médiatiques» ou ceux qui, dans l’université, perpétuaient un savoir tout scolastique. De là, envers lui, des haines souvent violentes et qui

doigts qui pointait, la belle voix aidant, les idées fortes et les concepts audacieux – Bourdieu aimant à ajouter que l’analyse, pour être sérieuse, pourrait demander des heures et des heures. Or, dans la théorie du sociologue, l’incorporation de traits sociaux hérités par l’individu était un point crucial. Et, pour qui avait le bonheur de l’approcher et savait un peu décoder, il y avait matière à traduire le Bourdieu physique en Bourdieu psychique. Ainsi de son sens du travail et de la lutte («la sociologie est un sport de combat»). Ainsi des origines modestes exprimées dans une manière de timidité comme dans le souci généreux des dominés de toute espèce. De quelques mots adressés à ces derniers, travailleurs, jeunes ou femmes, il aimait à donner le conseil d’analyser leur situation pour ne pas se laisser avoir. Et pourtant ce Pierre Bourdieu séduisant et séducteur était loin d‘être aimé

pouvaient même entraîner avec elles les victimes de l’imposture régnante. Des étudiants, par exemple, ou certains journalistes ou encore un public plus large se cabraient lorsqu’on leur exposait une théorie qui mettait tout l’accent sur l’origine de classe ou sur l’histoire familiale comme facteurs déterminants des existences. Dès ses premiers ouvrages, Bourdieu parla ainsi de reproduction sociale et des avantages accordés aux «héritiers». Ce qui renvoyait les moins dotés à un destin comme écrit par avance. Et, cependant, Bourdieu ne niera jamais l’existence effective d’une «marge de liberté». Voyons-le écrire dans ses admirables Méditations pascaliennes : «La dépendance de toute action symbolique efficace à l’égard des dispositions préexistantes se rappelle encore dans les discours ou les actions de subversion qui, comme les provocations et toutes les formes de rupture

iconoclaste, ont pour fonction et en tout cas pour effet d’attester en pratique qu’il est possible de transgresser les limites imposées et en particulier les plus inflexibles, celles qui sont inscrites dans les cerveaux.» (Seuil, coll. Liber, 1997, p. 279). Invitation à chacun de nous d’y aller de sa rupture avec l’ordre au terme d’une analyse critique résolue. De formation philosophique, Pierre Bourdieu a refondé la sociologie dans l’urgence et l’a fait depuis une observation de la société algérienne. Il s’est ainsi progressivement doté d’un équipement qui associait étroitement théorie et pratique et aima parler par la suite de la «boîte à outils» qu’il mettait à la disposition de quiconque acceptait de faire de la science sociale une arme d’interprétation et de lutte. Avec Bourdieu, nous nous sommes donc mis à raisonner en termes de champ, d’habitus, de capital social et de capital symbolique ou encore de disposition et de distinction, d’autonomie et de jeu. En particulier, il nous a appris à ne plus percevoir l’art ou la littérature comme pratiques désincarnées de création pure mais en tant qu’espaces de concurrence en vue de la détention d’un pouvoir et de l’imposition d’un goût. Dans cette ligne, Pierre Bourdieu s’est aventuré sur le terrain politique mais avec précaution. «Une révolution ratée, disait-il aux étudiants de 68, se paye très cher.» Mais il n’a pas cessé d’appeler de ses vœux la venue d’une «gauche de gauche», d’une gauche combattant en tout domaine l’inégale répartition des biens et avantages ou refusant ces «classements», qui sont en eux-mêmes des abus de pouvoir. C’est l’immense leçon que nous laisse ce penseur de la radicalité que fut l’auteur de La Distinction ou de La Domination masculine. Jacques Dubois Paris, septembre 2015

Salon Roger Blin

penser ; passé, présent animé par Catherine Portevin

Pierre Bourdieu

une introduction à la sociologie générale avec Patrick Champagne & Julien Duval Jeudi 10 décembre / 18h

Jacques Dubois est docteur en Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, professeur de littérature française et spécialisé dans la sociologie du champ littéraire. Auteur entre autres de Pour Albertine. Proust et le sens du social (Seuil, 1997).


Dire la honte en sept mots

novembre / DÉCEMBRE

Affront public ou jugement introspectif… Marc Crépon, spécialiste de philosophie politique et morale contemporaine à l'École normale supérieure, interroge les visages de la honte.

Salon Roger Blin

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LECTURE Pour Louis de Funès de Valère Novarina mardi 3 & mercredi 4 novembre / 18h

lu par Frédéric Le Sacripan

Autrui

Il appartient à Sartre d’avoir donné dans L’Être et le Néant (1943) une analyse incontournable de ce que la honte nous apprend de notre relation à autrui : «La honte, dans sa structure première est honte devant quelqu’un. Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu’un était là et m’a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j’ai honte […]. Or, autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j’ai honte de moi tel que j’apparais à autrui. Et, par l’apparition même d’autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c’est comme objet que j’apparais à autrui.»

Grande salle

SCÈNEs IMAGINAIREs animé par Arnaud Laporte

Carte blanche à Angélica Liddell vendredi 6 novembre / 20h Carte blanche à Romeo Castellucci samedi 5 décembre / 14h30 Salon Roger Blin

DIRE LA HONTE

animé par Marc Crépon

Honte et catastrophe jeudi 12 novembre / 18h Salon Roger Blin

L'EUROPE DES ARTISTES présenté par Martine Méheut

Catastrophe

À quelques années d’écart, Günther Anders (en 1958) et Kenzaburō ōé (en 1963) rencontrent les survivants en sursis d’Hiroshima ; et ce que l’un et l’autre décrivent comme la seule attitude légitime qu’appelle leur souffrance – mais cela vaut de toutes les guerres, des massacres et des génocides – est une honte irrésistible. Ainsi le premier décrit-il dans les termes suivants le sentiment qu’il partage avec les autres membres de la délégation internationale, dont il fait partie : «Vous allez vous demander de quoi était fait ce sentiment identique chez nous tous […] : [il] consistait dans le fait que nous avions honte les uns devant les autres, et, plus exactement, que nous avions honte d’être des hommes.»

Humiliation

Il arrive que la honte soit indissociable d’une humiliation dont le souvenir ne cesse de nous hanter. Lisant les pages que consacrait l’essayiste autrichien Jean Améry à la torture, le philosophe Avishai Margalit fait la même analyse : «L’humiliation représente une expérience constitutive. Elle conditionne le fait que nous puissions nous considérer comme une personne humiliée, de même que l’échec complet d’un projet qui nous tenait à cœur peut nous amener à nous considérer comme un individu raté. L’humiliation, au sens fort, parce qu’il s’agit d’une attaque fondamentale contre ce que nous sommes en tant qu’être humain, devient un élément constitutif de notre être.»

Rougeur / pâleur

Dans une célèbre lecture talmudique intitulée «Mépris de la Torah comme idolâtrie», Levinas rappelle la violence extrême qu’il y a à faire pâlir de honte le visage du prochain. Mais cela se dirait tout aussi bien de la rougeur : «Très importante aussi, la gravité attachée, dans le dire de Rabbi Eléazar Hamodaï, à l’acte d’infliger la honte à autrui. Faire pâlir le visage de l’autre homme est comparé ailleurs au meurtre. Dans "Baba Metsia", 58b, “Quiconque fait pâlir de honte le visage de son prochain en public se compare à un assassin.” Ce refus du sang dans la pâleur des joues serait aussi horrible qu’une effusion de sang.»

Regard sur les arts plastiques avec Yvon Lambert samedi 14 novembre / 17h Regard sur l'opéra avec Lukas Hemleb samedi 12 décembre / 17h Studio Gémier

XXIe scène / nouvelles voix contemporaines une proposition de Sophie Loucachevsky Linda McLean lundi 16 novembre / 19h Salon Roger Blin

PENSER ; PASSÉ, PRÉSENT

animé par Catherine Portevin

Roland Barthes une vie à l'œuvre jeudi 19 novembre / 18h avec Tiphaine Samoyault

Pierre Bourdieu une introduction à la sociologie générale jeudi 10 décembre / 18h avec Patrick Champagne & Julien Duval

Salon Roger Blin

LECTURE Paroles de soldats d'Hubert le Roux & Antoine Sabbagh

vendredi 20 novembre / 18h & samedi 21 novembre / 15h lu par Victoire Du Bois, William Edimo, Ambroise Sabbagh, Pierre Yvon Salon Roger Blin

LECTURE Pinocchio de Carlo Collodi samedi 28 novembre / 15h à partir de 8 ans extraits lus par Thibault de Montalembert

Grande salle

EXILS

animé par Paula Jacques Joseph Conrad lundi 14 décembre / 20h vu par Mathias Énard textes lus par Jean-Damien Barbin

Solidarité

Pourquoi avons-nous eu le sentiment, tout au long de l’été, que les disparus de la Méditerranée, les morts d’Eurotunnel, les noyés de la mer Égée, les tergiversations interminables des dirigeants européens étaient la honte de l’Europe et qu’une partie de celle-ci rejaillissait sur nous ? La honte ici, dans son ambivalence même, avait un double visage : celui de l’abandon, du laisser-mourir et celui de leur refus. L’Europe nous faisait honte, parce que le discours sécuritaire de ses dirigeants s’apparentait à un consentement meurtrier. Mais ce sentiment que nous continuons d’éprouver renvoie aussi à une responsabilité et affirme l’exigence solidaire d’une attention, d’un soin et d’un secours.

Violence

L’ambivalence de la honte tient à son lien intime avec notre expérience de la violence. D’un côté, elle constitue l’un des sentiments premiers qu’appellent, de partout, la vulnérabilité et la mortalité d’autrui. Parce qu’elle fonde notre appartenance au monde, il est juste de l’éprouver pour échapper à l’indifférence. Mais d’un autre côté, il n’y a pas de blessure plus destructrice imposée à l’autre que de lui imposer la honte, publiquement ou en privé.

Salon Roger Blin

DIRE LA HONTE

tarifs Grande salle Plein tarif 10€ / Tarif réduit 6€ Salon Roger Blin Tarif unique 6€ XXIe scène entrée libre sur réservation daniele.girones@orange.fr

CARTE LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON Carte 10 entrées 50€ Certaines manifestations ne sont pas accessibles avec la carte, du fait de tarifs exceptionnels

date limite d’utilisation : 30 juin 2016 01 44 85 40 40 theatre-odeon.eu

conçu et animé par Marc Crépon

Aux origines de la honte Jeudi 15 octobre / 18h

Honte et catastrophe Jeudi 12 novembre / 18h

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Pinocchio 11 7

5 – 20 décembre Ateliers Berthier 17e

PINOCCHIO

Éloge d'un petit menteur Écrivaine et auteure de livres pour enfants, Agnès Desarthe cultive une méfiance toute naturelle pour Pinocchio, un conte qui leur déconseille de raconter des histoires… J'interviens ici en tant que Madame Tout-le-monde et, avec l'esprit de contradiction qui me caractérise, je vais commencer par répondre à une question qu'on ne m'a pas posée. Il y a quelque chose dans l'histoire de Pinocchio qui m'a toujours gênée, au point de m'empêcher d'aller y voir de plus près. Les contes pour enfants, j'en ai beaucoup lu, j'en lis encore. Mais devant Pinocchio, rien à faire, je ressens une sorte de méfiance. Je suis donc très heureuse que le spectacle de Joël Pommerat, que je n'ai pas encore découvert, me donne l'occasion de changer de point de vue ! Le premier détail qui me frappe, dans cette histoire de Pinocchio, c'est celui que tout le monde retient : ce fameux nez qui s'allonge. Quelqu'un ment et ça se voit. Ce n'est pas seulement didactique, c'est d'une cruauté proprement terrifiante. Un enfant est sur la sellette, et il est pris en défaut, humilié. Il est le petit sauvage qu'on va éduquer… Normalement, dans un conte, on est du côté de l'enfant et ce sont les adultes qui font les bêtises ou qui commettent les crimes. Là, l'enfant est la cible de la critique. C'est très curieux. Cette ironie aux dépens du plus faible et du plus innocent est d'une férocité étrange.

© élisabeth Carecchio

 L'arbre foudroyé du début en est un autre. Il y a des scènes dans une salle qui est un hommage à La Classe morte de Kantor… Idéalement, les accessoires sont immergés dans

Grâce à l'émerveillement du public, on a les moyens d'aborder des questions qui peuvent être graves. l'image et font tellement partie de sa substance qu'on peut ne plus y penser. S'ils attirent l'attention du public sur eux, ce doit être uniquement pour le conduire ailleurs. Nous donnons des indications, l'imaginaire de chacun fait le reste. Pour faire réfléchir, vous faites d'abord rêver ? C'est ce qui permet à Joël d'aborder des problèmes profonds. Y compris quand il s'adresse aux enfants. Il les prend au sérieux. Le choc esthétique permet même de faire passer la violence : grâce à l'émerveillement du public, on a les moyens d'aborder

des questions qui peuvent être graves. La mort de la mère, dans Cendrillon. Ou l'attitude de Pinocchio envers son père. Il y a un moment où le pantin devient un vrai petit tyran. Il fallait faire sentir que Pinocchio a un côté odieux, pulsionnel. Le miroir que Joël tend aux enfants n'est pas toujours flatteur. La difficulté consiste à ne pas faire de cadeaux au personnage, sans pour autant tomber dans le moralisme, et tout en permettant aux enfants de faire le rapport avec eux-mêmes. Pinocchio doit tirer tout seul les leçons de ses aventures et le public doit en faire autant de son côté. Ce n'est pas simple, vu le rapport de Pinocchio à l'autorité : dès qu'il se trouve confronté à elle, il s'enfuit… Du coup, ses difficultés s'aggravent sans cesse, jusqu'à ce que sa fuite l'amène à une impasse, au fond du ventre de la baleine ! Propos recueillis par Daniel Loayza Paris, septembre 2015

éric Soyer Scénographe, créateur de lumières, il accompagne le processus d'écriture de différents metteurs en scène, chorégraphes et compositeurs sur les scènes d’Europe. Il collabore avec Joël Pommerat depuis 1997. Plusieurs fois nommé aux Molières, il a remporté en 2008 et 2013 le Prix du meilleur créateur d'éléments scéniques, décerné par le Syndicat de la Critique.

Et qui doit passer par le mensonge pour grandir. On ne doit pas y rester, mais il faut bien faire cette erreur-errance du mensonge, ne serait-ce que pour découvrir qu'on peut être autre qu'on n'est. Mais dans Pinocchio, ce qui est très spécial, c'est que le défaut moral soit lié à une altération physique qui le rend immédiatement perceptible. Le mensonge de Pinocchio se voit comme le nez au milieu du visage… Pour un enfant, l'idée que son être soit ainsi transparent est insupportable. Un mensonge, c'est aussi un masque ou un abri : vous ne me voyez pas, vous n'avez pas le droit de me voir. Pinocchio, lui, est privé de tout droit de réserve, de toute intimité dans la découverte de la transgression. Heureusement qu'il ment quand même ! C'est ce qui le rend héroïque. Que serait un enfant qui n'essaierait pas de raconter des histoires, et d'abord à soi-même ?

Qu'est-ce que ça veut dire, «dire la vérité» ? Dire ce qu'on a fait, mettre en mots ce qui a eu lieu ? La vérité, toute la vérité et rien que la vérité ? Mais pour quelqu'un qui écrit, ce lien-là – quelque chose arrive, tu le racontes – est complètement emmêlé, tout sauf immédiat. Aucun chemin, aucun tunnel, aucun fil ne fait passer du matériau à la narration, rien sauf un saut dans le vide. Pinocchio est un récit particulièrement Ensuite, il est souvent question de métamorphose dans les contes. Des douloureux pour quelqu'un qui se humains sont changés en bêtes, des demande tout le temps : «Qu'est-ce que princes en crapauds, des prix de je fais du réel» ? Parler, c'est déformer, beauté deviennent des sorcières… c'est mentir – mais est-ce que la beauté Dans Pinocchio, il est question d'une ne rachète pas l'inexactitude  ? La marionnette qui est transformée en question de l'imposture, dans Pinocchio, petit garçon, et je trouve ce cas de est cruciale. En racontant ses salades, figure particulièrement angoissant. «il se la raconte» aussi, comme on dit. Pinocchio, c'est du bois qui devient chair. Mais c'est une étape… Il y a en yoga un enseignement que je Inversement, dans Casse-Noisette, un petit garçon est devenu une figurine, trouve charmant. Devant telle posture mais, au fond, c'est la même horreur : compliquée, certains maîtres vont celle d'un enfant devenu objet. vous dire : allez aussi loin que vous pouvez dans votre geste, même si ce Voilà pourquoi Pinocchio, pour moi, a n'est presque rien – mais imaginezvous et voyez-vous dans la réussite un statut doublement marginal dans complète. C'est un mensonge qu'on l'univers des contes : parce que son héros est sur la sellette et parce qu'il se fait à soi-même, mais qui contient est un enfant-objet. Bien sûr, Pinocchio un enseignement : dans ce mensonge, est l'histoire d'un «enfant» tenu à l'écart la réalisation du projet, la joie qu'elle de l'enfance réelle ou de plein exercice, donne, est déjà présente en germe. Il et raconte comment cet écart est y a de cela dans l'auto-idéalisation du finalement annulé. Mais je reste sur petit garçon, ou de la petite marionnette. l'impression qu'être humain serait Le mensonge par anticipation peut être un pas dans la bonne voie. Si Pinocchio dès lors quelque chose qui se mérite – comme si le conte nous disait qu'au ment, c'est qu'il n'est pas de bois… Voilà fond Pinocchio ne sera aimé que s'il est la leçon que j'en retiens. bien sage. L'amour serait conditionnel, l'enfance serait conditionnelle – comme Propos recueillis par Daniel Loayza certaines formes de liberté. Paris, septembre 2015 Pinocchio a un côté chevalier errant, ses erreurs font l'histoire. Il résiste à un modèle moral. C'est sans doute là ce qui fait le succès de ses aventures : ce conte est aussi un roman de formation et un roman picaresque, il fait voir qu'on ne naît pas enfant modèle, on le devient – d'ailleurs, une fois qu'on l'est devenu, il n'y a plus d'histoire. Mais c'est quoi, un enfant modèle ? C'est d'abord un enfant, quelqu'un qui grandit tant bien que mal.

Agnès Desarthe Pour les enfants, elle a publié à l'École des Loisirs une trentaine de titres. Pour les adultes, elle a signé aux éditions de l'Olivier une dizaine de romans. Le dernier paru, Ce cœur changeant, vient de remporter le prix littéraire du Monde 2015. Agnès Desarthe est également nouvelliste, essayiste (Comment j'ai appris à lire, Stock, 2013) et traductrice de l'anglais.

d’après Carlo Collodi de Joël Pommerat spectacle pour tous, à partir de 8 ans collaboration artistique Philippe Carbonneaux scénographie et lumière Éric Soyer collaboration à la lumière Renaud Fouquet costumes Marie-Hélène Bouvet collaboration aux costumes Élisabeth Cerqueira & Jean-Michel Angays compositions musicales Antonin Leymarie son François Leymarie Grégoire Leymarie & Yann Priest avec Myriam Assouline Sylvain Caillat Pierre-Yves Chapalain Daniel Dubois Maya Vignando durée 1h15 production Compagnie Louis Brouillard coproduction Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Centre Dramatique Régional de Tours, Théâtre de Villefranche – Scène conventionnée Rhône Alpes, La Ferme de Bel Ébat – Guyancourt, Théâtre Brétigny – Scène conventionnée du Val d’Orge, Gallia Théâtre – Scène conventionnée de Saintes, Théâtre National de Bordeaux Aquitaine, Les Salins – Scène nationale de Martigues, Théâtre du Gymnase – Marseille, CNCDC – Châteauvallon, MC2 : Maison de la Culture de Grenoble, Cavaillon – Scène nationale, Automne en Normandie, CDN de Normandie – Comédie de Caen la Compagnie Louis Brouillard est conventionnée et reçoit le soutien du Ministère de la Culture / DRAC Île-deFrance et de la Région Île-de-France Joël Pommerat est associé au Théâtre National – Bruxelles et à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Il fait partie de l’association d’artistes de Nanterre-Amandiers les textes de Joël Pommerat sont édités chez Actes Sud-Papiers créé le 8 mars 2008 aux Ateliers Berthier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe

Salon Roger Blin

LECTURE Pinocchio de Carlo Collodi extraits lus par Thibault de Montalembert à partir de 8 ans samedi 28 novembre / 15h


Une scénographe sur le gril rencontre avec Isabelle Neveux, régisseur-scénographe de l'Odéon Plongée dans l'un des métiers du théâtre et détour en coulisses avec notre collaboratrice, qui a participé aux travaux d'aménagement des Ateliers Berthier.

QU'EST-CE QU'UN GRIL ?

© Benjamin Chelly

Un gril, à l'origine, c'est un caillebotis en planches de bois ajourées, situé, dans les théâtres à l'italienne, au-dessus de la scène et assez solide pour qu'on puisse circuler dessus et y fixer des poulies. On les fabrique aujourd'hui en métal, avec une maille qui est ici de 50 millimètres. Sur ce gril, on peut poser des moteurs et faire passer des câbles ou des fils. On peut aussi installer des équipements au niveau supérieur, sur les rails qu'on appelle le «faux gril», ou par en-dessous...

Je me suis formée aux Beaux-Arts et parallèlement à la fac d'architecture. Puis j'ai appris mon métier de scénographe à l'école du Théâtre national de Strasbourg. En 1997, j'ai conçu un décor pour l'Odéon : Penthésilée. Le directeur technique de l'époque, Alain Wendling, m'a proposé d'intégrer l'équipe comme régisseur-scénographe. J'ai été surprise. Il me proposait d'entrer dans un service technique, alors qu'en règle générale, on considère plutôt les scénographes-concepteurs comme de doux rêveurs. C'est normal : ils privilégient l'imaginaire, ils n'ont pas à se poser d'abord des problèmes de réalisation. Mais après six ans à concevoir et à construire des décors, j'avais travaillé un an dans le domaine de l'image de synthèse. C'est ma maîtrise des logiciels graphiques en 3D, après un stage à l'École des Gobelins, qui m'a finalement fait revenir au théâtre. Mon travail consiste à faire les plans des scénographies, mais plus généralement à faire le trait d'union entre l'artistique et le technique, pour aider les scénographes à rendre leur projet viable. Il y a des concepteurs qui présentent un travail très abouti, avec des maquettes et des plans. Avec d'autres, il y a beaucoup plus de choses à préciser. Certains dessinent et peignent leurs projets, et c'est à nous d'élaborer leur vision à partir du rendu graphique. Dans le cas des metteurs en scène qui arrivent avec des idées de décor, il faut même commencer par définir les dimensions générales… C'est toujours un travail très interdépendant, qui circule des ateliers de construction à la direction technique, entre les différentes régies. Je tiens à jour le plan de référence, à mesure que les plans se précisent en construction, en lumière… en centralisant tout sur le logiciel que j'utilise. Il m'est arrivé aussi d'être sur les deux terrains à la fois, côté conception et côté construction. C'était une position un peu stressante, mais amusante… J'ai travaillé par exemple sur Quatre à quatre, un projet de Georges Lavaudant à Berthier, sur son Orestie, ou sur Lenz avec Marie-Paule Trystram au Petit-Odéon. Aujourd'hui, au théâtre, je préfère travailler en équipe sur un plan plutôt technique. Le côté artistique, je le développe autrement. Cet engagement me convient. J'avais toujours eu envie d'un travail collectif, et je suis attachée à la notion de métier, d'artisanat. Mon père était soudeur. J'aime les ateliers.

un accueil redéployé Nous avons profité de ce chantier estival pour remanier les zones d'accueil du public. Les circulations ont été revues. Un voile de béton a été abattu au fond de la librairie, de façon à ouvrir un nouvel accès au café. Nous avons aussi amélioré les espaces techniques, les vestiaires du personnel, les locaux destinés à l'entretien, sans oublier l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Le bar et les comptoirs ont été remis aux normes. Comme toujours, il a fallu jongler avec toutes sortes de paramètres de sécurité et de contraintes plus ou moins lourdes, budgétaires, esthétiques ou fonctionnelles. Les responsables du bâtiment préfèrent du solide qui soit d'entretien facile, certains veulent du mobilier qui ait de la classe, d'autres aiment un style plus brut, inspiré de la Schauspielhaus de Marthaler à Zurich… Le public jugera !


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Berthier fait peau neuve un équipement technique modernisé Au départ, le site de Berthier était un entrepôt de décors. Sa transformation en salle de spectacle s'est faite assez vite et à moindre coût, pour accueillir nos activités pendant la rénovation du Théâtre de l'Odéon. Cet été, nous avons engagé les travaux nécessaires pour doter le bâtiment d'un gril, en vue d'améliorer les conditions de montage et de sécurité, un projet lancé par le directeur technique. Mon rôle a surtout consisté à étudier en amont les réponses à notre appel d'offres, puis à collaborer avec l'agence de scénographie (Michel Fayet — Changement de vue) dont le projet a été retenu... ... Il y aura sous ce gril des porteuses – ces barres mobiles sur lesquelles on accroche les décors et les lumières. Jusqu'ici, à Berthier, nous n'avions que des passerelles, des accroches et des ponts roulants. Les passerelles transversales vont rester, mais seront plus pratiques. Désormais, le gril s'étend à 12,80 mètres de hauteur sur quasiment toute la surface de la salle, 13 mètres de large sur 31 mètres de long. Il a fallu faire un compromis : pour gagner de la hauteur scénique, un gril élevé est préférable, mais il faut aussi que les techniciens puissent aller et venir sans difficulté sous le toit à deux pentes. Nous avons pris comme repères ces superbes poutres horizontales qui courent d'une pente à l'autre : on doit pouvoir passer dessous sans se cogner la tête ! Elles sont d'origine, comme toute la ferme de la toiture. Tout ce qui est métallique a été ajouté depuis. Cette installation est assez nouvelle dans un lieu modulable de format «halle», très apprécié actuellement des créateurs. En Europe, il est encore assez rare de trouver dans ces salles, qui sont souvent des bâtiments industriels recyclés, des équipements d'une telle qualité, comparables à ceux d'un théâtre à l'italienne. Les porteuses de Berthier seront de dernière génération et déplaçables. Chacune sera reliée à un système de pilotage central. L'ensemble des moteurs sera synchronisable et assez silencieux pour fonctionner pendant le jeu. Ces moteurs pourront être accrochés où l'on veut sans difficulté, alors qu'auparavant, les régisseurs devaient se harnacher, s'accrocher à un fil de sécurité, et souvent travailler en porte-à-faux depuis un pont roulant ou une passerelle élévatrice. © Benjamin Chelly

Propos recueillis par Daniel Loayza, Paris, septembre 2015


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Avantages abonnés En lien avec ses partenaires culturels, l’Odéon-Théâtre de l’Europe propose à ses abonnés des offres privilégiées. Offres dans la limite des places disponibles La Colline – théâtre national Théâtre – Automne italien Septembre – octobre La saison 15/16 de La Colline s’ouvre sous le signe de l’Italie avec l’ultime chef-d’œuvre de Luigi Pirandello, Les Géants de la montagne, mis en scène par Stéphane Braunschweig, suivi de trois créations, en italien surtitré en français, d’artistes majeurs : Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (Nous partons pour ne plus vous donner de soucis) et Reality, de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, et L’Origine del mondo, de Lucia Calamaro.

Entretien avec Stéphane Lissner, directeur de l'opÉRa national de paris

«L'opéra doit aller de l'avant»

© Sascha Weidner

> Abonnement «Automne italien», tarif préférentiel 3 spectacles : 36€ / 27€ (- de 30 ans) > Réservation au 01 44 62 52 52 / sur www.colline.fr > La Colline – théâtre national, 15 rue Malte-Brun, Paris 20e

Au théâtre comme à l'opéra, comment faire pour que les publics s'approprient réellement les lieux qu'ils fréquentent ? Les Géants de la montagne © élisabeth Carecchio

Je vois trois problèmes, dont le premier est évidemment le prix de la place. Nous menons une politique tarifaire et nous proposons des abonnements très avantageux, mais cela réclame un budget conséquent. Le deuxième paramètre est la nature de l'offre artistique. à l’Opéra, il existe des œuvres que l'on monte pour le plaisir sensuel qu'offre la musique, pour le divertissement, comme L'Élixir d'amour de Donizetti, tandis que d’autres, comme Moïse et Aaron de Schönberg, permettent d'aborder des sujets de réflexion très profonds. Comment faire pour que nos publics, déjà conquis ou à venir, s'intéressent à ces deux extrêmes  ? Troisième problème : l'institution, qui est un monument. Le simple fait d’y entrer peut être impressionnant. Mais les choses ont beaucoup changé. Nous accueillons 900 000 personnes par saison !

Philharmonie de Paris Concert - Prometeo de Luigi Nono Le 7 décembre à 20h30 Orchestre symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg, Ensemble recherche, Schola Heidelberg, SWR Experimentalstudio de la Fondation Heinrich Strobel. Direction : Ingo Metzmacher et Matilda Hofman Le compositeur vénitien Luigi Nono définissait son Prometeo comme une «tragédie de l’écoute». Cette fresque à la fois puissante et intime, agrégeant l’électronique et les sons directs, nécessite la présence de deux chefs. Fragments sonores, superpositions de voix oscillant entre chant et parole, échos lointains, créent un fascinant maëlstrom poétique.

Alors, ce diagnostic étant posé, comment comptez-vous agir ? Ma première réponse a été la création d’une plateforme digitale, «3 e scène». Nous avons invité des créateurs de tous domaines à réaliser des films de toute nature, pourvu qu'il y soit question de musique, de danse, de voix ou de l’architecture de l’Opéra. Une trentaine de projets ont été lancés. La moitié sont disponibles en ligne depuis le 15 septembre. Mathieu Amalric a tourné avec la soprano Barbara Hannigan sur le thème de la voix, du souffle. Glen Keane, le grand dessinateur de Disney, est venu saisir les mouvements d’une danseuse… Le but est de créer un pont entre l'institution et les nouvelles générations du grand public. L'Opéra, pour qui sait voir, c'est tout un monde.

> Tarif préférentiel : 50€ en catégorie 1 > Par téléphone au 01 44 84 44 84 ou sur internet avec le code «PROMETEO» > Philharmonie 1, Grande salle, 221 avenue Jean-Jaurès, Paris 19e

Et qu'en est-il du rapport à la scène réelle ? J'avais expérimenté, à la Scala de Milan, une mesure qui a eu énormément de succès : réserver des avant-premières aux moins de 28 ans. À Paris, treize soirées leur seront dédiées, soit 280 000 places à 10 euros. À l'exception d'un ballet classique, il ne s'agira que de créations signées Forsythe, Castellucci, Anne Teresa de Keersmaeker, Calixto Bieito… Et comment faites-vous pour consentir de tels efforts tarifaires ? Nos charges artistiques sont énormes, c'est vrai, mais je connais la gestion de ce genre de maisons. Nous avons par ailleurs de grands sponsors qui nous accompagnent – notamment sur «3 e scène» avec Van Cleef & Arpels et JeanFrançois Dubos, ou sur les avant-premières, soutenues par BNP Paribas. La saison 2015-2016 est la première où vous avez la haute main sur la programmation. Quel esprit comptez-vous insuffler ? Dans une époque comme la nôtre, il faut aller de l'avant, utiliser les immenses savoir-faire de nos 1 700 salariés. Produire davantage ne veut pas dire avec plus de moyens – plutôt moins, comme tout le monde par les temps qui courent… Nous allons engager dix-huit nouvelles productions, neuf opéras et neuf ballets, dont un spectacle pour les 5-12 ans, Vol Retour, signé Katie Mitchell. Propos recueillis par Daniel Loayza, Paris, septembre 2015

Opéra – Moses und Aron d'Arnold Schönberg Mise en scène Romeo Castellucci Les 23 et 31 octobre à 19h30 Le 6 novembre à 19h30 Figure capitale de la musique du XXe siècle, Schönberg signe avec Moses und Aron son dernier opéra et écrit une partition d’une grandeur tragique exceptionnelle. Philippe Jordan guide l’ensemble des forces musicales de l’Opéra national de Paris, dans une mise en scène signée Romeo Castellucci. > Réduction de 20%* dans les trois premières catégories > operadeparis.fr, onglet «Billetterie», en indiquant le code ODEON152 dans le champ «Offres en partenariat» > au 08 92 89 90 90 (0,34€ TTC/min), aux guichets du Palais Garnier, ou de l'Opéra Bastille, en précisant le code ODEON152 > Opéra Bastille, Place de la Bastille, Paris 12e * Offre non rétroactive et non cumulable

© Graziano – Arici

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Acheter et réserver ses places Ouvertures de location tout public

Calendrier

ORESTIE (une comédie organique ?) représentations du 02/12 au 20/12 7 octobre theatre-odeon.eu • 15 octobre guichet / téléphone

DÉCEMBRE 2015

pinocchio représentations du 05/12 au 20/12 4 novembre theatre-odeon.eu • 12 novembre guichet / téléphone

mer 2 Orestie 20h jeu 3 Orestie 20h ven 4 Orestie 20h sam 5 Orestie 20h Pinocchio 20h Romeo Castellucci / Scènes imaginaires 14h30 dim 6 Relâche Pinocchio 15h lun 7 mar 8 Orestie 20h Pinocchio 20h mer 9 Orestie 20h Pinocchio 15h / 20h jeu 10 Orestie 20h Pinocchio 20h Pierre Bourdieu / Penser ; passé, présent 18h ven 11 Orestie 20h Pinocchio 20h sam 12 Orestie 20h Pinocchio 20h L'Europe des artistes – Lukas Hemleb / Regard sur l'opéra 17h dim 13 Orestie 15h Pinocchio 15h lun 14 Joseph Conrad – Mathias énard / Exils 20h mar 15 Orestie 20h Pinocchio 20h mer 16 Orestie 20h Pinocchio 15h / 20h jeu 17 Orestie 20h Pinocchio 20h ven 18 Orestie 20h Pinocchio 20h sam 19 Orestie 20h Pinocchio 20h dim 20 Orestie 15h Pinocchio 15h

Odéon 6e Berthier 17e

les bibliothèques de l’odéon Vous pouvez réserver pour l'ensemble de la saison 15/16 Par téléphone 01 44 85 40 40 du lundi au samedi de 11h à 18h30 Au guichet du Théâtre de l’Odéon du lundi au samedi de 11h à 18h

Abonnés

Grande salle / salon Roger Blin

vacances scolaires zone A zone B zone C

Si vous n’avez pas choisi vos dates de spectacles : – Vous pourrez réserver vos dates, à tout moment de l’année. Merci de vérifier la disponibilité de la date choisie auprès du service abonnement avant de retourner votre contremarque. – Nous vous conseillons de choisir vos dates avant l’ouverture de réservation tout public, afin que nous puissions vous placer au mieux. Vous avez la possibilité de réserver des places supplémentaires aux dates d’ouverture de location de chaque spectacle. Vous bénéficiez d’un tarif réduit pour Les Bibliothèques de l’Odéon, en grande salle. Contact 01 44 85 40 38 abonnes@theatre-odeon.fr

Représentations ORESTIE (une comédie organique ?) du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi relâche exceptionnelle le dimanche 6 décembre pinocchio du mardi au samedi à 20h, les mercredis à 15h et 20h le dimanche à 15h, relâche le lundi

Tarifs Spectacles

Théâtre de l’Odéon 6e Ateliers Berthier 17e

Plein tarif Moins de 28 ans, bénéficiaire du RSA* Demandeur d’emploi* Public en situation de handicap* Élève d’école de théâtre* Lever de rideau (2h avant la représentation) Pass 17* (dates spécifiques)** * Justificatif indispensable lors du retrait des places

série 1

série 2

série 3

série 4 série unique

40 € 28 € 18 € 20 € 14 € 9 €

14 € 7 €

36 € 18 €

22 € 18 € 12 € — — 8 € — — — — — —

8 € — 6 € —

22 € 8 € — 22 €

— —

10 € 22 €

Contacts Groupe d’adultes, amis, association, comité d’entreprise, 01 44 85 40 37 laure.legoff@theatre-odeon.fr Public de l’enseignement 01 44 85 41 18 claire.hammani@theatre-odeon.fr Public de proximité des Ateliers Berthier, public du champ social et public en situation de handicap 01 44 85 40 47 alice.herve@theatre-odeon.fr

**Pinocchio / 10 décembre / 20h

Pinocchio Moins de 15 ans* Accompagnateur (un par enfant)

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*Justificatif indispensable lors du retrait des places

Les l’Odéon Bibliothèques de Théâtre de l’Odéon 6e Tarifs exceptionnels

Grande salle Roger Blin série 1

Plein tarif Carte Les Bibliothèques de l’Odéon Abonné Odéon Moins de 28 ans, bénéficiaire du RSA* Demandeur d’emploi* Public en situation de handicap* Élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) * Justificatif indispensable lors du retrait des places

10 € — 6 € 6 € 6 € 6 €

série 2 série 3 série 4

6 € — 6 € 6 €

22 € 18 € 12 € 11 € 9 € 6 € 11 € 9 € 6 € 11 € 9 € 6 €

8€ 4€ 4€ 4€

6 € 6 €

11 € 11 €

4€ 4€

9 € 9 €

6 € 6 €

Carte Les Bibliothèques de l’Odéon Carte 10 entrées 50€ Carte à utiliser librement ; une ou plusieurs places lors de la même manifestation. Réservation fortement conseillée. Certaines manifestations ne sont pas accessibles avec cette carte — tarifs exceptionnels. Un tarif préférentiel est cependant consenti aux abonnés Odéon et aux détenteurs de la Carte (cf. tarifs exceptionnels, voir ci-contre).


Le Coupe-Papier à l'Odéon

2 octobre – 1er novembre / Odéon 6e

16

IVANOV

d’Anton Tchekhov mise en scène Luc Bondy

10 octobre – 21 novembre / Berthier 17 e

VU DU PONT

d’Arthur Miller mise en scène Ivo van Hove création

Les librairies du théâtre changent : l'institution spécialiste des arts de la scène s'installe au Théâtre de l'Odéon et aux Ateliers Berthier. Son libraire, Johann Vitiello, nous raconte son métier et ses envies.

10 – 15 novembre / Odéon 6e

la programmation des Bibliothèques de l'Odéon, il y aura davantage de romans, d'essais, d'ouvrages de sciences humaines. L'offre sera plus ouverte qu'au CoupePapier, s'adressant à un public qui vient au théâtre mais s'intéresse aussi à autre chose. Cela permettra surtout de renforcer les liens qui existent déjà entre le Théâtre de l'Odéon et le Coupe-Papier, puisque beaucoup de gens pensent qu'on peut acheter des places à la librairie ! Quelqu'un pourra demander un livre le soir à l'Odéon, je le lui expédierai le lendemain car il y a de grandes chances que l'ouvrage recherché soit au Coupe-Papier. Ça sera un nouveau service, personne ne fait ça actuellement. Les spectateurs pourront aussi commander un livre dont il aura été question pendant une rencontre des Bibliothèques. Les spectateurs doivent pouvoir se dire «C'est possible ! Ici je peux enrichir ma bibliothèque en fonction de ce dont on m'a parlé à l'Odéon.» Quand quelqu'un me demande quelque chose qu'il cherche depuis des années, je lui dis toujours «oui, c'est possible». Je trouve, je ne trouve pas, mais d'abord je cherche. Être libraire c'est d'abord offrir ce service.»

PRIMERA CARTA DE SAN PABLO A LOS CORINTIOS d’Angélica Liddell

avec le Festival d’Automne à Paris

2 – 20 décembre / Odéon 6e

ORESTIE

(une comédie organique ?) d’après Eschyle de Romeo Castellucci avec le Festival d’Automne à Paris

5 – 20 décembre / Berthier 17e

PINOCCHIO

d’après Carlo Collodi de Joël Pommerat 6 janvier – 13 février / Odéon 6e

RICHARD III

de William Shakespeare mise en scène Thomas Jolly 28 janvier – 23 avril / Berthier 17 e

OTHELLO

de William Shakespeare mise en scène Luc Bondy création 17 mars – 13 mai / Odéon 6e

PHÈDRE(s)

L’Amour de Phèdre de Sarah Kane ; Euripide, Sénèque, J. M. Coetzee mise en scène Krzysztof Warlikowski création 13 – 29 mai / Berthier 17 e

NOUS SOMMES REPUS MAIS PAS REPENTIS

Ils sont mécènes de la saison 2014-2015

(Déjeuner chez Wittgenstein) de Thomas Bernhard mise en scène Séverine Chavrier

Soutenez la création théâtrale en rejoignant le Cercle de l'Odéon

20 mai – 25 juin / Odéon 6e

LA MOUETTE

d’Anton Tchekhov mise en scène Thomas Ostermeier 3 – 25 juin / Berthier 17 e

LES PALMIERS SAUVAGES

d’après William Faulkner mise en scène Séverine Chavrier

Information et contact Pauline Rouer cercle@theatre-odeon.fr

octobre 2015 – juin 2016

5 LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON Théâtre de l’Odéon Place de l’Odéon Paris 6 e Métro Odéon RER B Luxembourg Ateliers Berthier 1 rue André Suarès (angle du Bd Berthier) Paris 17e Métro et RER C Porte de Clichy

Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite, nous prévenir impérativement au 01 44 85 40 40 Toute correspondance est à adresser à Odéon-Théâtre de l’Europe – 2 rue Corneille – 75006 Paris @TheatreOdeon

theatre-odeon.eu 01 44 85 40 40

couverture : Orestie © Luca del Pia (détail) / Licences d’entrepreneur de spectacles 1064581 – 1064582

«Il y a quatre ans, le Coupe-Papier risquait de fermer et son propriétaire, pour le relancer, cherchait quelqu'un qui soit d'abord un libraire, plutôt qu'un amoureux du théâtre. C'est par la librairie théâtrale que je suis venu au théâtre ! Il m'a fallu acquérir une culture pointue très rapidement. Le Coupe-Papier est né à l'époque de Jean-Louis Barrault à l'Odéon, aujourd'hui c'est une institution, avec un fonds très riche sur l'histoire du théâtre, les textes contemporains, la danse, les livres épuisés. Mon idée est qu'une librairie doit être pleine de livres, je fais le maximum pour qu'ils soient tous là. Des gens viennent du monde entier ici. On a la chance d'avoir encore beaucoup d'éditeurs de théâtre en France, ce n'est pas souvent le cas ailleurs. Un exemple, Angélica Liddell a été éditée en France avant de l'être en Espagne. Pour l'Odéon, l'idée est d'établir une belle librairie de théâtre, de nourrir le public autour de la pièce, mais aussi de lui permettre de trouver l'actualité du moment en littérature, cinéma… La librairie de Berthier est plus grande et le fonds de théâtre y sera probablement plus étoffé. Dans le 6e, avec


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