(< 70 mètres) de l’agglomération chaumoise dont il constituait en quelque sorte l’extension. Et, d’autre part, proximité aussi par la manière de vivre : en ces lieux on y comptait alors que des pêcheurs. La dureté du métier rapprochait ces hommes de mer, mettant en exergue ce que disait Saint-Exupéry : « La grandeur d’un métier c’est d’unir les hommes ». Ainsi, beaucoup d’équipages de navires de pêche étaient « mixtes », vivant en bonne intelligence. Dans l’occurrence de naufrages, ils se trouvaient unis dans la mort... Toutefois, il me vient en souvenance une houleuse réunion de marins pour un sujet, par moi oublié, à la salle de la rue Pierre Sémard, aux Sables (à l’emplacement de l’actuel parking). Pour je ne sais quelle raison, un désaccord entre marins sablais et chaumois était survenu. Un de ces derniers, répondant au surnom de Niquette se lève et lance à la cantonade : « La Chaume est un mur et restera un mur ». Tel autre, un Sablais, bien sûr, réplique « Niquette est un con et restera un con ». Grand brouhaha dans la salle ! A une époque pas si lointaine, régnait encore entre les deux cités, une société de classe. Pour une Sablaise se marier avec un Chaumois était en quelque sorte déchoir. En exemple à cela, Madame Henriette Dubernet, l’épouse de Clément Dubernet - le père de l’Olonnois et aussi peintre de talent – m’avait fait une confidence. Quand elle, Henriette, une fille Tessier, une Sablaise, annonça à ses copines, qu’elle allait épouser Clément, toutes s’exclamèrent. « Comment, tu vas te marier avec un Chaumois ! » et ses amies d’essayer de l’en dissuader. Nonobstant, Henriette épousa son Clément et avait-elle ajouté drôlement : « Peut-être que mes copines étaient jalouses tout simplement » ! Que de fois, à l’école, aux Sables (le peu de temps où j’y suis allé), j’ai entendu ces sempiternelles et quelque peu éculées réflexions : « T’es de la Chaume toi ! T’a qu’à croire ! Ton père a-t-y un canotte ?! Véruse ! » Vocables usités plus souvent d’ailleurs par les non chaumois que par les indigènes. Au bal, le dimanche, dans les communes environnantes, Avrillé, Talmont, Saint-Martin de Brem, quand débarquait du car un groupe de Chaumois, dont des marins, ils étaient assimilés aux Huns (par les autres !). Il est vrai que souvent, parmi les arrivants, se trouvaient quelques éléments particulièrement turbulents apportant, après moult libations, quelques perturbations. C’était plus, me semble-t-il, un signe de bonne santé, un exutoire à un excès de vitalité qu’une réelle animosité. Tous, avec l’âge, se sont calmés et d’aucuns, même, ont épousé des pésines…
Il ne peut être nié qu’il règne à la Chaume un charme indéfinissable. C’est la vérité vraie ! Et pour parodier l’écrivain Jean Giono « Ici c’est autre chose que loin, c’est ailleurs ». « Les étrangers », qu’ils soient intermittents de l’espace (les estivants) ou les retraités ne se sont pas trompés en venant chez nous (beaucoup le souhaitant ne peuvent le faire en raison du coût et de la rareté de l’offre). La plupart de ces éléments allogènes, depuis un temps, établis, se sont imprégnés de l’esprit des lieux, le fameux genius locci… Avec ces arrivages humains extérieurs, la Chaume n’est plus une réserve ethnique et l’appellation ancienne de Petit Maroc peut être remplacée par celle de Petit Paris, ironisent d’aucuns… On est plus sûr, maintenant à la Chaume, de rencontrer un Parisien en fin de vie, promenant dans les ruelles tortues et pentues, entre « les
maisons closes », son caniche et son arthrose, qu’un autochtone dans la force de l’âge. Des papottes ? Il n’y en a pas, il n’y en a plus et il peut être dit : A la Chaume, cimetières 3, maternité 0 (je le concède, il n’y en a jamais eu !)… Il me vient des accents gaulliens pour m’exclamer : Vive La Chaume ! La Chaume défigurée ! La Chaume martyrisée ! La Chaume dénaturée, certes, mais enfin la Chaume !… Dans les propos ci-dessus il ne faut pas voir chauvinisme ou, tout au plus, un zeste de chauvinisme de bon aloi… Quant à l’animosité entre les communautés chaumoises et sablaises, eh bien, le combat cessa faute de combattants !
Roland Mornet
37 | LES SABLES MAGAZINE N°20