contrôle extérieur : l’heure du choix
Affaire du cannibale de Rouen : une inspection en service commandé
Saint-Quentin-Fallavier : détenus pétitionnaires sévèrement sanctionnés
Observatoire international des prisons Section française
Conditions d’hébergement indignes : la justice va rechercher les responsabilités
5 € N°61 Mai-Juin 2007
EDITORIAL
En prison comme ailleurs La France vient incontestablement d’entrer dans une ère nouvelle où « tout devient possible ». « Y compris le pire », a rétorqué au futur président son challenger lors de leur débat. L’avenir dira si Mme Royal avait tort ou raison. D’ici là, il nous reviendra, au regard des politiques pénales et pénitentiaires initiées dans les semaines et les mois qui viennent, de combattre ce qui apparaîtra inacceptable et de saluer ce qui relève de l’indispensable réforme. Parmi les priorités de Nicolas Sarkozy figurent des projets dont il faut redouter autant la philosophie que les conséquences. Prétendre lutter contre la récidive en instaurant des peines planchers revient à anéantir le principe de l’individualisation de la peine tout en prenant le risque d’une inflation explosive du nombre de personnes détenues. Prétendre lutter contre la délinquance des mineurs en abaissant l’âge de l’excuse de minorité revient à accélérer la transformation d’un adolescent en manque de tout en un adulte qui n’a plus rien à perdre. Prétendre palier l’arrivée massive des malades mentaux en détention en créant des hôpitaux-prisons revient à sacrifier l’éthique des soins au profit d’une logique de relégation. A l’aune de sa réponse aux Etats généraux de la condition pénitentiaire, le même Nicolas Sarkozy a formulé un certain nombre de promesses. Nous les avons en mémoire. « Je me suis clairement engagé à ce que la dignité de la condition carcérale soit une priorité de notre action. Etre condamné à une peine de prison, ce n’est pas être condamné à être maltraité par d’autres détenus, à ne plus avoir de contacts avec sa famille, à vivre dans une cellule surpeuplée, à se sentir acculé au suicide. […] Les règles pénitentiaires indiquent les normes considérées comme indispensables. A nous de les appliquer. Une loi pénitentiaire doit préciser les missions de l’administration pénitentiaire et les conditions générales de la détention. Elle devra fixer les droits et les devoirs des détenus ». Ces engagements, parmi d’autres, doivent être portés par le gouvernement et proposés à l’ordre du jour du Parlement sans tarder. Ils font l’objet d’un large consensus et ne sauraient être abandonnés. Pour qu’ils prennent tout leur sens, il convient de les inscrire - comme du reste toute démarche législative ou règlementaire à venir - dans le cadre strict des préconisations des instances européennes de protection des droits de l’homme. A défaut, l’air enivrant du « tout est possible » deviendrait vite irrespirable. En prison comme ailleurs. Patrick Marest
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SOMMAIRE 3 Actu Affaire du cannibale de Rouen : une inspection en service commandé. Saint-Quentin-Fallavier : détenus pétitionnaires sévèrement sanctionnés. 7 De facto : Conditions d’hébergement indignes : la justice va rechercher les responsabilités au sein de la pénitentiaire ; La mauvaise prise en charge d’un détenu conduit à sa grabatisation ; Communication téléphonique des détenus : un décret a minima ; etc.
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Contrôle extérieur : l’heure du choix Avec Tassadit Imache, ancienne membre de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) ; Eric Senna, magistrat à Montpellier ; Edouard ⁄ Delaplace, juriste à l’Association de prévention de la torture ; Marie-Sophie Devresse, membre du Conseil central de surveillance belge.
28 En actes Intimités (temporairement) retrouvées ; Droits comparés ; L’autre enfermement. 30 Lettres ouvertes L’expérience du néant
DEDANS DEHORS publication bimestrielle de la section française de l’Observatoire international des prisons, association loi 1901, 31, rue des Lilas, 75019 Paris, Tél.: 01 44 52 87 90, Fax: 01 44 52 88 09, e-mail : contact@oip.org Internet : http://www.oip.org Directrice de la publication : Martine Joanin Rédaction : Jean Bérard, François Bès, Stéphanie Coye, Marie Crétenot, Galatée de Laubadère, Patrick Marest, Elenn Mouazan, Julien Nève, Lionel Perrin, Isabelle Roger, Hugues de Suremain. Secrétariat de rédaction : Isabelle Bardet, Anne Fellmann, Julie Namyas, Pascale Poussin, Isabelle Roger Identité graphique : MG., L.D.<dlaranjeira@caramail.com> Maquette : Claude Cardot Photos : Simon Jourdan Commandes : Julie Namyas Remerciements à : Editing, Agence VU, Impression : Imprimerie Autographes 2, 10 bis, rue Bisson, 75020 Paris Tél. : 01 43 58 26 26 ISSN : 1276-6038 numéro CPPAP en cours Diffusion sur abonnement au prix annuel de 30 Prix au numéro : 5 € Couverture : Nicole Henry-Crémon / Editing
ACTU
En janvier 2007, un détenu de la maison d’arrêt de Rouen a tué son compagnon de cellule, dont il a ensuite mangé la chair. Chargée par le ministère de la Justice d’enquêter sur les faits et les responsabilités engagées, l’Inspection des services pénitentiaires n’a relevé aucune faute, mais seulement une « série de dysfonctionnements et de négligences », telle que la « quasi absence de relations » entre l’équipe soignante et le personnel pénitentiaire. Une conclusion opportune pour remettre en cause le secret médical, mais qui laisse entière la question de la présence de malades mentaux en prison.
Affaire du cannibale de Rouen
une inspection en service commandé
Voici une fuite qui tombe à point nommé pour l’institution carcérale. Avant même sa transmission au juge d’instruction en charge du dossier pénal et aux avocats des parties, le rapport de l’Inspection des services pénitentiaires (ISP), concernant les faits de cannibalisme survenus à la maison d’arrêt de Rouen (Seine-Maritime) dans la nuit du 2 au 3 janvier 2007, a été porté à la connaissance de la rédaction du Parisien-Aujourd’hui en France, qui s’en est fait écho dans son édition du 9 mai. Selon le quotidien, l’ISP ne retient, à l’issue de l’enquête administrative qu’elle a diligenté, aucune « faute caractéristique », s’en tenant à relever une « série de dysfonctionnements et de négligences ». Elle affirme que « les médecins estiment que cet événement était imprévisible pour l’administration pénitentiaire comme pour le SMPR » (le service médico-psychologique régional).
Remise en cause du secret médical D’après l’examen des conditions de prise en charge de N.C., l’auteur présumé des faits, le problème majeur résiderait, selon l’ISP, dans l’insuffisance de communication entre les services pénitentiaire et psychiatrique de l’établissement et dans une conception par trop rigoureuse du secret médical. Le rapport fait ainsi état d’une « quasi absence de relations » entre les membres du SMPR et le personnel pénitentiaire, relayant la plainte de ces derniers concernant la « pauvreté des échanges » inter-services. Il insiste sur le fait que, contrairement à l’équipe de soins, les personnels de la maison d’arrêt de Rouen n’étaient pas informés des antécédents psychiatriques de N.C.,
et en particulier de son hospitalisation d’office deux mois durant en 2005, à l’issue d’une précédente incarcération. À l’époque, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du centre de détention de Val-de-Reuil (Eure), où N.C. finissait de purger sa peine, avait alerté le préfet au sujet du comportement inquiétant de l’intéressé, qui faisait état de projets « de viols, de tortures ou d’actes de barbarie ». Si elle regrette l’absence de procédure de transmission au sein de l’administration pénitentiaire des dossiers des détenus en cas de nouvelle incarcération, l’Inspection conteste principalement l’attitude du secteur psychiatrique. « Était-il attentatoire au secret médical que la maison d’arrêt de Rouen ait connaissance de l’hospitalisation d’office de N.C. ? » semble-t-elle innocemment s’interroger. Et de pousser ses pions : « Il faut instaurer un véritable partage d’informations entre l’administration pénitentiaire et le SMPR », assurant que « le secret médical n’est pas contradictoire avec l’organisation d’un système d’information partagé » entre services. L’idée qui est ainsi mise en avant fait appel à un double argument : une transmission des renseignements d’ordre médical est légitime, puisqu’elle intervient dans un but d’intérêt général ; elle ne nuit pas aux patients détenus, dans la mesure où les agents pénitentiaires sont eux-mêmes astreints à l’interdiction de divulguer des informations concernant des particuliers reçues dans l’exercice de leurs fonctions. Une telle conception du secret médical est irrecevable, dès lors qu’elle revient à vider de son sens la règle déontologique qui pèse sur les médecins, destinée à préserver la singularité de la relation médicale. Elle est en toute hypothèse contraire aux dispositions du Code de la santé publique, qui prévoient que les informaN°61 Mai-Juin 2007
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tions concernant le malade ne peuvent être échangées qu’au sein de l’équipe de soins. Le Conseil d’État a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 20051, que le principe de la confidentialité des relations entre les détenus et leur médecin s’imposait à l’administration pénitentiaire. Du reste, bien que faisant écho aux demandes des agents en faveur d’un « décloisonnement » des services, un rapport interne sur La sécurité des établissements pénitentiaires et des personnels2 avait conclu à « l’impossibilité du secret partagé ». L’ISP franchit aujourd’hui le pas, traduisant ainsi la volonté de l’administration de remettre en cause l’un des acquis fondamentaux de la loi de 1994 sur la santé en prison, à savoir que les malades incarcérés sont considérés comme des patients à part entière, titulaires des mêmes droits que ceux pris en charge à l’extérieur.
Poser la bonne question Cette attaque en règle contre le secret médical apparaît de surcroît totalement hors de propos au vu des autres éléments recueillis lors de l’enquête administrative. L’Inspection relève en effet qu’une expertise psychiatrique ordonnée dans le cadre de l’information ouverte contre N.C. avait été versée au dossier pénal de l’intéressé en décembre 2006. L’expert avait constaté chez le sujet des « troubles psychiatriques à dimension aliénante de type schizophrène simple » et un « délire de toute-puissance lui donnant la certitude d’avoir un don et un droit sur les autres ». Pour l’ISP, « il est particulièrement dommageable que les conclusions de cette expertise n’aient pas fait l’objet d’une exploitation par la direction de la maison d’arrêt de Rouen » et n’aient pas été « portées à la connaissance du SMPR ». L’Inspection se garde cependant de poser la question du bien-fondé du maintien en détention d’un mis en examen dont les pathologies psychiatriques étaient clairement établies. Le Code de procédure pénale prévoit pourtant que les détenus dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes doivent être hospitalisés d’office sur décision du préfet. Cette obligation est relayée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui soumet les autorités à une obligation renforcée de protection de la vie, s’agissant des personnes détenues3. Il se trouve que la Cour a eu à se prononcer sur une affaire similaire concernant le meurtre d’un détenu commis par son compagnon de cellule schizophrène.4 La Cour avait considéré que cette obligation avait été méconnue, dans la mesure où « des informations étaient disponibles dont il ressortait que [l’auteur des faits] souffrait d’une maladie mentale et qu’il avait des antécédents de violence suffisamment graves pour que l’on eût envisagé son internement d’office. » Elle avait aussi relevé que « les informations relatives aux antécédents médicaux de l’intéressé et à sa dangerosité perçue auraient dû être portées à l’attention des autorités [...] chargées de décider s’il y avait lieu de placer l’intéressé au centre de santé ou en cellule ordinaire avec les autres détenus ». D’autre part, la Cour européenne a récemment condamné la France pour l’incarcération d’un malade mental, qualifiée de traitement inhumain5. La violation des prescriptions de la Convention apparaît donc caractérisée dans la présente affaire. Les renseignements concernant les antécédents psychiatriques de N.C. étaient nécessairement connus du juge d’instruction et devaient, selon les dispositions du Code de procédure pénale, être transmis au N°61 Mai-Juin 2007
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chef d’établissement lors de l’écrou. Face à des expertises mettant en évidence des troubles psychiques majeurs, l’autorité judiciaire s’est contentée de communiquer oralement au greffe de la prison l’ordre de placer N.C. à l’isolement, comme celuici le réclamait dans ses courriers à la direction et au magistrat instructeur. La consigne est demeurée lettre morte, faute semble-t-il d’avoir été transmise à la direction. Aucun examen de la compatibilité de l’état de santé de N.C. avec la détention n’a été sollicité par le juge d’instruction, alors que la nécessité d’une prise en charge médicale lourde avait été affirmée par un expert. D’après l’avocat des parties civiles, le défunt avait été repéré comme fragile lors de l’entretien d’entrée en détention, mais aucune mesure de protection particulière n’avait été mise en oeuvre à son égard. D’autre part, la qualité des expertises doit être interrogée, la gravité des pathologies psychiatriques de l’intéressé ayant été constatée sans que l’irresponsabilité pénale n’ait jamais été retenue.
Le choix de la Chancellerie Le rapport d’inspection s’abstient de mettre en cause le maintien en détention d’un psychotique lourd comme la carence des autorités judiciaires à prendre des mesures de protection spécifiques. Il est vrai que l’ISP n’est habilitée à exercer un contrôle qu’à l’égard des personnels pénitentiaires. Toutefois, le choix de la Chancellerie de saisir cette instance, plutôt que l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ), dont la compétence englobe tous les services du ministère et les magistrats, est lourd de signification. Ce choix témoigne de la volonté de circonscrire le champ des investigations aux conditions de la prise en charge de N.C. au sein de la prison, sans s’interroger sur le fonctionnement de la chaîne pénale. En 2001, une enquête de l’IGSJ avait été déclenchée après le meurtre d’un détenu à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan (Gironde) par un prisonnier souffrant de graves troubles mentaux. Elle avait rendu des conclusions très critiques à l’endroit de l’institution judiciaire. L’auteur du meurtre avait été hospitalisé en Unité pour malades difficiles (UMD). Tout se passe aujourd’hui comme si le traitement pénal de la maladie psychiatrique faisait évidence. Le remède à la situation intenable provoquée par l’incarcération des fous est recherchée dans l’adaptation de la prison à ce public nouveau, avec le projet de création d’espaces carcéraux au sein des hôpitaux psychiatriques. Une orientation vivement critiquée par nombre de professionnels de santé, notamment au travers d’une pétition6, et qui sape un peu plus l’un des fondements de notre droit pénal, le principe selon lequel la personne privée de libre arbitre ne peut être punie. Après la nuit des faits, N.C. a passé trois semaines à l’UMD de Villejuif, puis a été réintégré en maison d’arrêt. Dans l’attente d’une nouvelle expertise devant déterminer s’il est pénalement responsable de ses actes. Hugues de Suremain (1) CE, 30 mars 2005, OIP, n° 276017. (2) « Rapport Chauvet », remis au Garde des sceaux le 18 octobre 2001. (3) CEDH, Slimani c/France, 27 juillet 2004, n°57671/00, §27 (4) Arrêt Paul et Audrey Edwards c/Royaume-Uni, 14 mars 2002, n°46477/99 (5) CEDH, Rivière c/France, 11 juillet 2006, n° 33834/03. (6) accessible sur : http://gdubret.club.fr/psy/index.html
Saint-Quentin-Fallavier
ACTU
Détenus pétitionnaires sévèrement sanctionnés Le 16 février dernier, six personnes détenues au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier ont été sanctionnées pour avoir formulé « des menaces contre la sécurité des personnes ou de l’établissement ». En cause : une pétition dénonçant de « graves problèmes » dans le fonctionnement de la prison.
À l’égal de tout citoyen, une personne incarcérée doit pouvoir aisément saisir une autorité indépendante, une juridiction et, bien sûr, une autorité administrative. Prévu à l’article D. 259 du Code de procédure pénale, ce principe est du reste consacré par les Règles pénitentiaires européennes qui prévoient que « les détenus doivent avoir l’occasion de présenter des requêtes et des plaintes individuelles ou collectives au directeur de la prison ou à toute autre autorité compétente » (R.70.1). Mais l’application de ce droit élémentaire bute dès lors que la démarche prend la forme d’une pétition et que celle-ci met en cause le fonctionnement d’un établissement. Ainsi, le 23 janvier 2007, estimant nécessaire d’alerter sur une série de « problèmes graves » au sein du centre de détention (CD) de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), une cinquantaine de détenus a pris l’initiative d’adresser une lettre collective au directeur régional de l’administration pénitentiaire. Bien mal leur en a pris. Au moins six d’entre eux ont été appelés à comparaître le 16 février devant la commission de discipline par le directeur de la prison. Accusés d’avoir formulé « dans des lettres adressées à des tiers […] des menaces contre la sécurité des personnes ou de l’établissement », ils ont écopé de lourdes sanctions, allant de 15 jours de confinement en cellule à 15 jours de placement en quartier disciplinaire. Que dénonçaient les détenus de Saint-Quentin-Fallavier ? À la fois, des carences bien connues des prisons françaises : abandon de la lutte contre l’illettrisme, déshérence de la formation professionnelle caractérisée par une absence de rémunération. Mais aussi, et peut-être cela explique-t-il la réaction du directeur, une mise en cause de la procédure d’affectation dont découle très concrètement le régime de détention appliqué au condamné.
Les détenus demandent des formations… En premier lieu, la pétition fait état de la disparition des actions de lutte contre l’illettrisme : « Prenons l’exemple d’une personne illettrée qui s’est inscrite à l’école pour pouvoir remédier à ses lacunes. Au bout de quelques jours, on lui dit : il n’y a plus d’argent pour payer le professeur, alors il est parti ». De fait, en janvier 2007, l’intervenant pour la lutte contre l’illettrisme
qui dispensait 12 heures hebdomadaires de cours au sein de l’établissement, et ce depuis de nombreuses années, a vu son poste supprimé sur décision de la Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) qui le finançait. Pour l’instant, aucun moyen supplémentaire n’a été mis à disposition de l’unité locale d’enseignement pour assurer les heures de formation manquantes. Par ailleurs, les prisonniers dénoncent la rareté des formations professionnelles et l’absence de rémunération. « Comment voulez-vous, expliquent-ils, qu’un détenu soit en formation toute la journée sans être payé […] alors que sans rémunération, nous détenus, ne pouvons pas payer nos parties civiles ? Et [qu’] on nous refuse des aménagements de peine sous ce même prétexte ». Certes, « il reste l’atelier […] mais les places sont trop limitées et les détenus préfèrent des formations car elles apprennent un métier utile pour la réinsertion (pour l’instant fictive) ». Et en effet, malgré l’engagement de l’administration pénitentiaire à « apporter une réponse adaptée aux demandes d’emploi des détenus, soit en leur proposant une activité en production ou au service général, soit en formation »,1 seules deux formations - « peinture et décoration » et « recherche emploi » - seront assurées cette année. Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) indique que la priorité a été donnée aux sessions de formation à destination des personnes placées au quartier de semi-liberté. Le SPIP explique aussi que cette année, seule la formation professionnelle « peinture et décoration » devrait être rémunérée, mais sans garantie aucune. Il souligne que les informations en leur possession ont varié au gré du temps, le module devant être tantôt rémunéré et tantôt pas, et ajoute que cette incertitude a été difficile à faire entendre à la population carcérale.
… et posent la question des régimes de détention différenciés En second lieu, les détenus pétitionnaires se plaignent de la façon dont le directeur gère l’affectation des condamnés au sein du centre de détention. Et notamment, du processus de décision dont dépend la nature du régime de détention qui leur N°61 Mai-Juin 2007
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fréquent depuis quelques mois à cette politique d’affectation au sein du centre de détention. Une situation d’autant plus dommageable que ce type de décisions, malgré un jugement récent du tribunal administratif de Limoges, fait encore partie du domaine des mesures qualifiées « d’ordre intérieur ». Et qu’à ce titre, elles ne sont pas susceptibles d’être prises à l’issue d’un débat contradictoire, ni contestées devant une juridiction.
© Simon Jourdan
Réaction disciplinaire inappropriée
sera appliquée. En effet, issu du programme 13 000, le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier est l’un des lieux dédiés à l’exécution des courtes peines au sein de la direction régionale des services pénitentiaires (DRSP) de Lyon. À ce titre, il est concerné par la circulaire du 22 octobre 1990 qui prévoit la « différenciation des régimes de vie » au sein d’un même établissement, et donc l’existence de « sous-secteurs d’hébergement, dans lesquels les contraintes sont différenciées, permettant le passage d’un contrôle plus strict à un contrôle plus allégé ». En tout état de cause, l’instauration de régimes différenciés ayant pour finalité initiale d’aider les condamnés à « préparer leur retour à la vie sociale », le texte indique que le « régime de détention applicable » doit « tendre essentiellement à développer leur autonomie et leur sens des responsabilités ». Les signataires de la pétition affirment que le chef d’établissement ne respecte pas une disposition de la circulaire prévoyant qu’à l’issue d’une période d’observation à son arrivée, « le condamné est affecté dans un bâtiment […] par le chef d’établissement qui aura pris soin de recueillir l’avis des intervenants ayant participé à cette courte phase d’observation (travailleurs sociaux, gradés, surveillants, instituteur, moniteur de sport, etc.) ». Plusieurs observateurs confirment cet état de fait. Les décisions d’affectation ne relèvent pas - comme cela peut se faire au sein d’autres établissements - d’une commission spécialement constituée à cet effet, mais exclusivement du directeur, les travailleurs sociaux n’étant pas ou très rarement sollicités. Par ailleurs, les signataires constatent l’augmentation en cours de détention des affectations en « régime fermé », une décision qui prive presque systématiquement les condamnés concernés d’une possibilité d’accès aux activités, sportives notamment. Là encore, nombre de personnes font état d’un recours plus
‘‘ Personne au sein de
l’administration pénitentiaire n’a contesté le bien fondé des revendications exprimées.
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Difficile, en fin de compte, de ne pas comprendre l’exaspération des prisonniers de Saint-Quentin-Fallavier. Alors même qu’ils subissent la défaillance des dispositifs de préparation à la sortie mis en œuvre dans l’établissement, ils s’inquiètent de l’impuissance dans laquelle ils se trouvent face au durcissement du régime de la détention. Dans ce contexte, il convient de noter le caractère éminemment pacifique de leur démarche pétitionnaire autant que l’attitude responsable qui caractérise le propos des signataires. Si les détenus ne cachaient pas leur colère (« si nous en sommes venus à rédiger ce long courrier, c’est que nous sommes à bout de nerfs »), ils exprimaient aussi leurs inquiétudes pour l’avenir (« si personne ne fait rien, que va-t-il se passer ? Les violences contre les biens et les personnes vont augmenter. Le blocage des promenades finira par avoir lieu »). Ils indiquaient également qu’ils avaient « conscience que certains points soulevés […] sont longs et difficiles à régler » et qu’ils souhaitaient une amélioration « pour le bien de tous ». Alors même que personne au sein de l’administration pénitentiaire n’a contesté le bien fondé des revendications exprimées, la logique purement disciplinaire initiée par le chef d’établissement n’en apparaît que plus inappropriée. L’affaire de Saint-Quentin-Fallavier ne devrait donc pas en rester là. L’OIP a alerté la commission de surveillance de l’établissement. Quant aux personnes qui y sont incarcérées, elles ne manqueront pas de saisir sous pli fermé le Médiateur de la République des problèmes graves que connaît le centre de détention. En la matière, le Conseil de l’Europe est explicite dans les commentaires indexés à ses Règles pénitentiaires : « Les autorités compétentes devraient examiner les requêtes et les plaintes rapidement, et y répondre de façon motivée, en indiquant clairement si des mesures seront prises et, dans l’affirmative, lesquelles. Les plaintes pouvant amener les parties intéressées à adopter des attitudes hostiles susceptibles de nuire aux relations entre les détenus et le personnel, il paraît sensé de tenter d’abord de résoudre le différend par la médiation. » Il demeure que cette situation risque de se reproduire ici comme ailleurs tant que la France se refusera à mettre en œuvre l’intégralité des Règles pénitentiaires. Et notamment la règle 50, qui préconise de « donner la possibilité aux personnes détenues de discuter ensemble de questions relatives à leurs conditions de détention et d’en faire part aux autorités pénitentiaires ». À ce sujet, l’argument avancé par la direction de l’administration pénitentiaire indique clairement le chemin qu’il reste à parcourir : « Actuellement, en droit interne, il n’existe pas de droit d’expression collective des détenus ». Lionel Perrin (1) C irculaire DAP du 29 mai 2000 relative au plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi (PACTE 2)
de facto Conditions d’hébergement indignes : la justice va rechercher les responsabilités au sein de la pénitentiaire
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Pour la première fois, des décideurs publics sont susceptibles d’être poursuivis pénalement en raison des conditions matérielles de détention. C’est la conséquence d’un arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle), qui a ordonné, le 1er mars 2007, l’ouverture d’une information judiciaire contre X à la demande d’un détenu qui mettait en cause les conditions qui lui avaient été imposées durant les trois années de son séjour à la maison d’arrêt de la ville. La Cour a jugé que la rédaction de l’article 225-14 Code pénal, qui réprime le fait de soumettre une personne vulnérable ou dépendante à un hébergement contraire à la dignité humaine, « donne à ces prescriptions une portée générale. Elle ne permet pas d’exclure de son champ d’application les cas d’hébergement forcé résultant de la décision d’une autorité légitime ». Or, poursuit-elle, « la personne détenue est, du fait de la privation de sa liberté d’aller et de venir, incontestablement en situation de vulnérabilité, au point que des droits spécifiques ont été édictés en sa faveur par le législateur pour compenser son état d’infériorité, et que l’article préliminaire du code de procédure pénale lui garantit que les mesures de contrainte dont elle fait l’objet ne doivent pas porter atteinte à sa dignité. » En outre, la « détention s’analyse, au moins en partie, comme un hébergement », compte tenu des dispositions encadrant la prise en charge des détenus. En conséquence, la Cour a invité le juge d’instruction désigné à examiner le bien-fondé des allégations du détenu et à « vérifier la réalité de l’abus reproché aux personnes physiques » qui étaient « en position, notamment en raison de leurs fonctions, de les créer ou d’y mettre un terme ». Le détenu avait saisi dans un premier temps la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci ne pouvant l’être qu’après l’épuisement des voies de recours internes, elle avait invité l’intéressé à porter plainte auprès d’un juge d’instruction. Il revient aujourd’hui à ce magistrat de rechercher qui, au sein de la hiérarchie administrative, était en capacité de remédier à l’état dégradé de la prison et a manifestement décidé de n’en rien faire. La portée de cette décision dépasse très largement le cas de la maison d’arrêt de Nancy, puisque de très nombreux établissements ne répondent pas aux prescriptions du règlement sanitaire départemental, qui sert de référence en jurisprudence pour la mise en œuvre des dispositions de l’article 225-14. (OIP)
La mauvaise prise en charge d’un détenu conduit à sa grabatisation
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Il aura fallu près de deux ans pour que l’état de santé de R.P ., âgé de 83 ans, soit reconnu comme incompatible avec son maintien en détention. Deux années au cours desquelles, négligé, il a vu son état de santé se dégrader. Condamné le 13 juin 2005 à sept ans d’emprisonnement, le vieil homme est hémiplégique, ne se déplace qu’en fauteuil roulant et a besoin de l’aide d’une personne dans les gestes de la vie quotidienne. Il souffre également d’insuffisances rénale et cardiaque, d’un cancer de la prostate et d’incontinence urinaire. Lors de son procès, les experts avaient conclu pour ces raisons à la nécessité d’un placement « dans une structure médicalisée ». R.P. avait cependant été incarcéré à la maison d’arrêt de Perpignan (Pyrénées-Orientales) puis transféré au centre de détention de Liancourt (Oise), où son état de santé
s’est rapidement dégradé. Déposée le 4 juillet 2005, une requête en suspension de peine pour raison médicale est rejetée une première fois le 26 octobre 2005, puis en appel le 1er février 2006. L’état de santé de R.P. est compatible avec son maintien en détention, conclut en effet l’une des deux expertises médicales ordonnées par le juge de l’application des peines de Liancourt. Le 14 décembre 2006, le détenu est finalement transféré à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne). Les médecins de l’établissement constatent alors à quel point R.P. a été « négligé en détention, ce qui a eu pour conséquence une grabatisation ». Une expertise médicale va même jusqu’à établir que « c’est la fâcheuse prise en charge à Liancourt qui a généré la dégradation de l’état du détenu ». Construit en 1936, cet établissement pénitentiaire a fait office de sanatorium jusqu’en 1973. « Toujours appelé centre de détention sanitaire, l’établissement n’a plus de sanitaire que le nom », indique le rapport d’activité de Liancourt en 2005.
R.P. n’y disposait en effet ni de lit médicalisé ni des soins de kinésithérapie réguliers pourtant indispensables compte tenu de son hémiplégie. Une aide ne lui était affectée qu’une demi-heure le matin pour l’aider à se lever, à s’habiller et à se laver, mais pas le soir pour se coucher ni dans la journée pour se déplacer ou se nourrir. Le traitement de son cancer de la prostate entraînant une incontinence urinaire, des protections lui étaient fournies, mais il ne pouvait les changer seul et ses tentatives pour aller aux toilettes se soldaient par des chutes. Selon son avocat, R.P. est constamment souillé. Une nouvelle requête en suspension de peine est déposée le 25 janvier 2007. Les deux expertises médicales concluant cette fois « de manière concordante » à « l’incompatibilité de l’état de santé de l’intéressé avec son maintien en détention », elle a été accordée le 19 mars 2007. (OIP)
Communication téléphonique des détenus : un décret a minima
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Attendues depuis très longtemps, l’harmonisation et la généralisation de l’accès au téléphone pour les détenus viennent enfin de faire l’objet d’un décret, en date du 3 mai 2007. Jusqu’à présent, seuls les détenus incarcérés en établissements pour peine avaient la possibilité de téléphoner. Soit moins du tiers de la population carcérale. Et encore, cette possibilité n’était pas la même pour tous, puisque les détenus pouvaient théoriquement téléphoner une fois par mois dans les centres de détention, mais qu’exceptionnellement dans les maisons centrales. Certes, comme le notait en 2004 la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son Étude sur les droits de l’homme dans la prison, l’usage s’était « répandu de permettre aux détenus de téléphoner au moins une fois par semaine dans ces deux catégories d’établissements ». Mais cette inégalité de traitement prévue par la loi entraînait des pratiques très variables selon les lieux et laissait toute latitude aux chefs d’établissements. Cette situation avait d’ailleurs été largement critiquée non seulement par la CNCDH, mais aussi par le Comité européen de prévention de la torture (CPT), et ce à cinq reprises (1991, 1994, 1996, 2000 et 2004). Le décret prévoit désorN°61 Mai-Juin 2007
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mais que « les condamnés sont autorisés à téléphoner au moins une fois par mois, à leur frais, aux membres de leur famille, à leurs proches qu’ils soient titulaires ou non d’un permis de visite, ainsi qu’à leur avocat » et, sous réserve de l’accord du directeur, à « d’autres personnes en vue de la préparation de leur réinsertion sociale ». La Chancellerie a donc accepté de ne plus différencier l’accès des détenus au téléphone selon les établissements. Le traitement particulier réservé aux personnes en détention provisoire reste cependant de rigueur, alors que le CPT avait instamment demandé au gouvernement français de « lever la prohibition générale faite aux prévenus de téléphoner ». En outre, en précisant une périodicité d’« au moins une fois par mois », le ministère de la Justice ne s’embarrasse pas de l’avis de la CNCDH qui recommandait « de s’affranchir des restrictions quant au nombre des appels vers l’extérieur tant elles apparaissent à la fois injustifiées et inégalement appliquées ». En revanche, il n’a pas manqué de saisir l’opportunité qu’offrait la rédaction d‘un texte nouveau pour contrôler un peu plus encore le contenu des communications. Le Code de procédure pénale (CPP) spécifie désormais qu’elles pourront être écoutées et enregistrées dans tout établissement, et systématiquement dans les maisons centrales. L’enregistrement pourra être conservé pendant trois mois et transmis au procureur. Enfin, le CPP précise maintenant que le chef d’établissement peut, sur décision motivée, refuser ou retirer l’autorisation d’une communication téléphonique pour des raisons tenant à l’ordre, la sécurité et la prévention d’infractions pénales, mais aussi s’il apparaît qu’elles sont contraires à la réinsertion du détenu et à l’intérêt des victimes. De quoi réduire considérablement la portée effective du décret. (OIP)
Mitard non chauffé : un traitement inhumain et dégradant selon le juge
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Le placement d’une personne détenue dans une cellule disciplinaire dépourvue de tout dispositif de chauffage en période hivernale constitue un traitement inhumain et dégradant. Ainsi s’est prononcé le tribunal administratif de Nantes (LoireAtlantique) dans un jugement du 27 mars 2007 (n° 041089). Cette décision fait suite au recours intenté par une personne N°61 Mai-Juin 2007
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incarcérée à la maison d’arrêt de la ville contre le refus implicite de la direction régionale de Rennes d’annuler les sanctions disciplinaires prises à son encontre. Le détenu avait été sanctionné, le 27 janvier 2004, de 13 jours de cellule disciplinaire pour menaces, insultes et refus d’obtempérer à une injonction. La sanction avait été exécutée dans un quartier disciplinaire dépourvu d’équipements de chauffage. Le juge administratif a fait droit à l’argumentation du requérant, fondée sur la méconnaissance de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux termes duquel « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ». L’administration pénitentiaire se prévalait pour sa part du fait que « deux à trois couvertures [étaient] remises aux détenus et qu’en outre, ceux-ci [étaient] régulièrement visités par un médecin ». Un argument rejeté par le juge, qui souligne que « les mesures palliatives mises en œuvre par l’administration ne suffisent pas à retirer à la peine infligée un caractère inhumain ou dégradant eu égard aux conditions dans lesquelles elle est exécutée en période hivernale ». (OIP)
Réchauds à pastilles : pas de principe de précaution en prison
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C’est un rapport étonnant, et pour le moins décevant, que l’Institut de veille sanitaire (InVS) a rendu en janvier 2007 sur l’utilisation des réchauds à pastilles en milieu carcéral. Saisi en juillet 2005 par la Direction générale de la santé (DGS), l’InVS a en effet reconnu que la combustion des pastilles pouvait présenter un risque pour la santé, mais se contente d’émettre des recommandations minimalistes et irréalisables en pratique. Ces pastilles (généralement de marque Chof’vit ou Amiflam), qui permettent de chauffer des boissons ou des aliments, sont très largement utilisées par les détenus dans les anciens établissements pénitentiaires dont les systèmes électriques ne permettent pas l’emploi de réchauds électriques. Or, figure sur l’emballage de ces produits la mention « ne pas utiliser dans une atmosphère confinée ». Depuis longtemps, détenus et personnels soignants s’inquiètent d’une éventuelle toxicité. Différentes autorités sanitaires ont d’ailleurs été sai-
sies à de nombreuses reprises. Ainsi, en avril 2005, le Centre anti-poison (CAP) de Paris, sollicité par l’Unité de consultations et de soins ambulatoires de FleuryMérogis (Essonne), a souligné les risques « d’eczéma de contact, de rhinoconjonctivite et d’asthme allergique ». Selon le CAP, « plusieurs études épidémiologiques indiquent un excès de risque du cancer des cavités naso-sinusiennes chez des travailleurs exposés au formaldéhyde », un gaz issu de la combustion des pastilles. Ce que confirment les experts du Centre international de recherche sur le cancer, qui considèrent ce gaz comme « certainement cancérogène pour l’espèce humaine ». En regard, la réponse de l’InVS apparaît pour le moins insatisfaisante. Partant du principe visiblement intangible qu’il « n’est pas envisageable de suspendre l’utilisation de ces pastilles en les remplaçant par des plaques électriques chauffantes », il suggère simplement une nouvelle étude « faite dans des conditions réalistes ». Et, « en attendant les résultats », se contente de « préconiser l’ouverture des fenêtres au moment de leur utilisation » et la délivrance d’une information aux détenus « sur les risques liés à l’inhalation ». Il eût sans doute été utile de préciser à l’InVS que, « dans des conditions réalistes », il n’est souvent pas possible d’aérer les cellules quand les fenêtres sont sécurisées, trop petites ou inaccessibles. Faute de placer l’administration pénitentiaire face à ses responsabilités, l’InVS a choisi de ne pas faire bénéficier les personnes détenues du principe de précaution qui voudrait que l’utilisation de ces pastilles soit interdite jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’elles ne sont pas toxiques. L’administration a pourtant l’obligation de se tenir informée des dangers que peuvent courir les personnes détenues, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques, au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible (OIP) éliminer ces dangers.
À Lyon, le placement préventif au mitard d’un détenu fragile pose question
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Le procès prévu ce 6 juin à Lyon suite à la plainte déposée par plusieurs personnels de la maison d’arrêt de la ville à l’encontre d’un détenu devrait être riche d’ensei-
de facto
de facto gnements. Il s’agira en effet de faire toute la lumière sur les circonstances qui ont conduit à l’affrontement entre des surveillants affectés au quartier disciplinaire (QD) et M.S., un détenu considéré comme « perturbateur » et « fragile », suivi de longue date par le docteur Pierre Lamothe, chef du Service médico-psychologique régional (SMPR). Dans l’après-midi du 15 mars 2006, après avoir insulté plusieurs surveillants, M.S. fait l’objet d’un placement préventif au QD. Une décision qui, au vu de son état psychologique et des tensions à l’origine de cette mise en prévention, ne pouvait que conduire à une « crise », selon le psychiatre. Ce qui n’a pas manqué de se produire. Le lendemain matin, au moment de la sortie en promenade, une rixe éclate au QD entre les surveillants présents et M.S. Il est alors très rapidement menotté et ses chevilles entravées avec du ruban adhésif, puis reconduit dans sa cellule du QD, où il est laissé attaché pendant plus d’une heure. Alerté, Pierre Lamothe arrive sur les lieux et estime le maintien au QD incompatible avec l’état de santé du détenu. Il décide peu après de placer M.S. au SMPR et envisage une hospitalisation d’office qui sera mise en œuvre dès le lendemain. Contacté par l’OIP, le psychiatre considère que la question de la responsabilité de M.S. au moment des faits « se pose ». Une dimension qui semble avoir échappé à l’administration pénitentiaire dont l’attitude témoigne, a contrario, de l’incapacité à réagir de façon appropriée. Elle contrevient dans un premier temps à la circulaire du 29 mai 1998 sur la prévention des suicides qui rappelle que le placement préventif en cellule disciplinaire est une « mesure grave qui ne doit pas être utilisée en dehors des cas où elle est manifestement indispensable ». Elle méconnaît ensuite la disposition de l’article D 283-3 du Code de procédure pénale qui prévoit que des moyens de contrainte ne peuvent être utilisés « que sur ordre du chef de l’établissement, s’il n’est d’autre possibilité de maîtriser un détenu, de l’empêcher de causer des dommages ou de porter atteinte à lui-même ou à autrui ». Outre qu’aucun document ne mentionne l’autorisation du directeur, l’emploi de la force, le menottage puis l’usage d’entraves ont eu de graves conséquences. Vingt-quatre heures après l’affrontement, un médecin a été amené à constater que M.S.
présentait « un hématome de la paupière gauche, de 2 cm sur 4 cm, un hématome sous l’omoplate gauche, pouvant correspondre à une pression forte lors d’une contention, des traces fugaces de liens au niveau des chevilles ». Jugée prochainement, cette affaire devrait également être l’objet d’une enquête de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. En effet, le sénateur de l’Isère, Louis Mermaz vient de saisir cette instance. (OIP)
La légalité des murets (de séparation) dans les parloirs mise en cause
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S’il constitue un dispositif de séparation permanent entre le détenu et son visiteur, un muret dans un parloir est illégal. C’est ce raisonnement qui a conduit le Tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne), le 5 avril 2007, à annuler une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un détenu resté assis sur le muret le séparant de son visiteur, dans un parloir de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne). Ayant refusé d’en descendre malgré les injonctions du surveillant, le détenu s’était vu sanctionné de sept jours de cellule disciplinaire avec sursis, pour refus d’obtempérer. Le tribunal a jugé la sanction illégale, considérant qu’aucune faute n’avait été commise. Il a en effet rappelé que la décision d’imposer un dispositif de séparation ne peut être justifiée que par des motifs limitativement énumérés dans le Code de procédure pénale par l’article D. 405. Constatant que tous les parloirs de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis comportent un muret de séparation, la juridiction a estimé que « l’existence de ce muret violerait les dispositions de l’article D. 405 du code de procédure pénale cité s’il devait être regardé comme ayant pour objet ou pour effet de séparer le détenu de ses visiteurs ». Aussi, « rien ne s’opposait à ce que l’intéressé pût s’en servir de siège ». Dès lors, l’injonction du gardien n’avait aucune base légale ou réglementaire et le détenu a pu refuser d’obtempérer sans commettre de faute. Cette décision donne plein effet au principe de l’absence de séparation entre les détenus et leurs visiteurs dont le tribunal rappelle à l’administration pénitentiaire qu’il s’impose à elle. Au-delà, le jugement invite à remettre en cause la légalité de l’existence même de
ces murets dans les parloirs. Concrètement et structurellement, n’ont-ils pas toujours pour effet de séparer le détenu de ses visiteurs ? Une note du 3 mars 1983 préconisait déjà la suppression des dispositifs de séparation dans l’ensemble des parloirs. Ils subsistent pourtant dans certains établissements et ont même été prévus au sein de prisons récemment construites, comme à la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne). (OIP)
Sous les pavés... la prison
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Le 9 mai 2007, un étudiant en première année de BTS, âgé de 20 ans, a été condamné par le Tribunal correctionnel de Toulouse (Haute-Garonne) à un mois de prison ferme. Il avait jeté une canette, tombée à côté des policiers, lors des incidents survenus dans la ville après l’élection de Nicolas Sarkozy. Le même jour, dans la même ville, un jeune homme de 29 ans, étudiant en maîtrise des sciences de l’éducation, a été condamné à la même peine. Et toujours pour avoir jeté une bouteille en direction des forces de l’ordre. Dans les deux cas, le procureur de la République avait demandé à ce que ces « actes de violence commis avec armes sur des fonctionnaires de police dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions » soient sanctionnés de peines fermes assorties de mandats de dépôt. Ses réquisitions font écho à celles de la procureure de la République de Lyon (Rhône) qui a demandé, quant à elle, six mois de prison ferme à l’encontre de trois étudiants en sciences politiques. Âgés de 19 et 20 ans, ils étaient poursuivis pour avoir fait tomber sur la voie publique des barrières de chantier (dont une aurait heurté une voiture de police) et s’être opposés avec violence à leur interpellation le soir du second tour. Une condamnation à une telle peine n’est pas sans conséquence sur la poursuite de leurs études. Mais, pour la procureure, peu importe. Ils ont pris « leurs responsabilités en descendant dans la rue de soir-là », estime-t-elle, ajoutant qu’en tant qu’étudiants en sciences politiques, ils « devraient avoir l’intelligence d’analyser sereinement les résultats d’une élection ». Elle n’a été heureusement que partiellement entendue. Le Tribunal correctionnel de Lyon les a condamnés à deux mois de prison ferme. (AFP, Libération, Nouvel Observateur) N°61 Mai-Juin 2007
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dossier
Contrôle extérieur : l’heure du choix Mise en évidence par la Commission Canivet en 2000, la nécessité d’un « regard extérieur » sur les prisons semble enfin s’imposer. À l’occasion de la ratification par la France d’un Protocole des Nations Unies imposant la création d’un « mécanisme national de prévention » des traitements inhumains ou dégradants, les pouvoirs publics réfléchissent au dispositif de contrôle des lieux privatifs de liberté appelé à voir le jour. Pour être en mesure de bannir l’arbitraire du monde carcéral, il est primordial que le contrôleur puisse s’appuyer sur un droit de la prison profondément transformé.
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CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX
L’information a semblé tomber du ciel. Le 19 octobre 2006, Pascal Clément annonce la mise en place d’« une autorité de contrôle extérieure indépendante des prisons ». Dès 2007, cette « structure étatique incontestable » devra instaurer un « contrôle plus exigeant sans doute sur le fonctionnement des détentions, les comportements aussi peut-être des cadres ou des surveillants, les conditions d’exercice de la vie en détention, les conditions d’hygiène ». L’événement est notable, tant « cette ambition pénitentiaire a été, pendant trop longtemps, une succession de discours, de promesses et d’incantations », prend soin de souligner le garde des Sceaux. Le débat est donc relancé. Et avec un écho d’autant plus fort que la totalité des candidats à l’élection présidentielle vont affirmer ou réaffirmer, dans les semaines qui suivent cette annonce, leur volonté de bâtir un dispositif susceptible d’exercer un contrôle effectif des prisons de la République. Et parmi eux, le président nouvellement élu.
Un long chemin de croix La question du contrôle extérieur des prisons est apparue au grand jour le 4 mai 1999, lorsque l’OIP révèle les faits graves survenus pendant trois ans à la maison d’arrêt de Beauvais1. Le scandale est tel qu’à l’initiative de l’association, le 23 juin, plusieurs organisations interpellent les parlementaires pour réclamer l’instauration d’un contrôle indépendant. Le 8 juillet, pour la première fois, un garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, admet « l’insuffisance des mécanismes de contrôle existants au regard des réalités pénitentiaires ». Elle demande à Guy Canivet, alors Premier président de la Cour de cassation, d’animer une commission chargée de faire des « propositions novatrices et ambitieuses ». S’appuyant sur une analyse extrêmement critique de l’état du droit de la prison, son rapport préconise la création d’un dispositif de contrôle constituant « un tout indivisible », mais structuré en trois organes distincts. Chacun doit répondre à l’une des trois fonctions identifiées comme constitutives du contrôle : la « vérification » (des conditions de détention et de l’application effective du statut du détenu), la « médiation » (c’est-à-dire l’examen des requêtes des détenus et le traitement des conflits les opposant à l’administration pénitentiaire) et l’ « observation » (confiée à des citoyens bénévoles afin d’ « instaurer l’indispensable transparence » qui doit permettre d’ « éviter des dysfonctionnements graves »). Par ailleurs, il découle du constat dressé par le groupe d’expert au terme de huit mois de travail, de visites et d’auditions, que l’instauration d’un contrôle efficace suppose l’élaboration préalable d’une loi pénitentiaire. En effet, « un contrôle extérieur, aussi perfectionné soit-il, ne peut pallier les carences du droit, ni celles de son application. Instaurer un contrôle suppose un appareil normatif de qualité qui en constitue l’indispensable cadre de référence », estime la Commission Canivet. Quelques mois plus tard, en juillet 2000, les deux rapports des commis-
sions d’enquête parlementaires reprennent à leur compte le principe d’un contrôle général des prisons. Le 26 avril 2001, le Sénat adopte en première lecture une proposition de loi visant notamment à la création d’ « un contrôle général des prisons ». Rendu public le 18 juillet, l’avant-projet de loi pénitentiaire préparé par le gouvernement Jospin intègre la même perspective. Mais, à l’instar des propositions déposées par la suite par les députés Michel Hunault (6 février 2002) et Marylise Lebranchu (21 juillet 2004), aucun de ces textes ne sera soumis au vote de l’Assemblée nationale.
La pression internationale Cela fait pourtant vingt ans que le Conseil de l’Europe invite ses États membres à s’engager sur ce chemin. Les Règles pénitentiaires européennes de 1987 insistaient déjà sur le fait que « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organismes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques » (règle n°5).2 À son tour, plus de dix ans plus tard, le Parlement européen a enjoint aux États de l’Union Européenne, dans une résulution du 17 décembre 1998, d’élaborer une « loi fondamentale sur les établissements pénitentiaires » et de créer « un organe de contrôle indépendant auquel les détenus puissent s’adresser en cas de violation de leurs droits » . Les normes du Comité européen de prévention de la torture (CPT) relatives à la lutte contre l’impunité recommandent également la mise en place d’inspections « indépendantes de l’institution ». Plus récemment, le 18 décembre 2002, les Nations Unies ont adopté un Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). Selon l’article 1, ce texte « a pour objectif l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent les personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Il vise à compléter le dispositif régional mis en place par la Convention européenne pour la prévention de la torture de 1987, à la fois sur le plan international, en créant un Sous-comité de la prévention, et
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première fois, un garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, admet “l’insuffisance des mécanismes de contrôle existants.
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aménage-
sur le plan interne, à travers un ou plusieurs « mécanismes nationaux de prévention ». Ces derniers auront pour tâche d’« examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté » afin d’« améliorer [leur] traitement ». Ainsi que le rappelle Édouard Delaplace, de l’Association de prévention de la torture (APT), « la France a été très active dans le processus d’adoption du Protocole ». « Mais, ajoute-t-il, sa ratification n’a pas été une priorité pour le gouvernement depuis 2002 ». De fait, il a fallu attendre près de trois ans pour qu’enfin la France se décide à signer le Protocole, le 16 septembre 2005. Quant à sa nécessaire ratification, aucun calendrier n’est actuellement fixé alors que le texte onusien est entré en vigueur le 22 juin 2006 et que les membres du Sous-comité ont été élus par l’Assemblée des États-parties, en l’absence de la France. Il lie à ce jour 34 pays.
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Les errements du ministère de la Justice
Le choix d’un contrôle a minima
© Jack Guez/AFP
La promesse faite par l’ancien gouvernement de présenter un projet de loi avant la fin de la législature n’a pas été tenue. En cause, entre autres, une valse hésitation de longue date sur la question du contrôle des prisons. Le dispositif du rapport Canivet a semble-t-il été rapidement écarté. Motif : « trop lourd ». C’est ce qu’a répondu le 26 janvier 2005 le ministre de la Justice de l’époque, Dominique Perben, à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui avait fait siennes ces préconisations.3 Cependant, la Chancellerie disait envisager « non pas de créer une nouvelle commission de contrôle, mais de renforcer et développer les prérogatives des instances existantes et plus particulièrement celles de la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui exerce déjà des missions de contrôle de l’administration pénitentiaire ». L’hypothèse n’était pas dénuée de fondements. En place depuis 2000, la CNDS dispose d’une bonne connaissance de terrain, et notamment des établissements pénitentiaires. Mais cette idée d’élargir les pouvoirs de la CNDS pour en faire le contrôleur général des prisons a fait long feu. D’ailleurs a-telle été sérieusement envisagée ? Un autre scénario est privilégié suite à la nomination de Pascal Clément, le 2 juin 2005. Celui du Médiateur de la République. Un choix qui témoigne, si besoin était, que le ministère de la Justice n’est pas à un revirement près. La chancellerie « souhaite distinguer clairement les fonctions de médiation et de contrôle », pouvait-on lire dans sa réponse à la CNCDH. Quoi qu’il en soit, à l’inverse de la CNDS, l’expérience de Jean-Paul Delevoye dans le domaine carcéral est notoirement récente. Et qui plus est circonscrite au cadre de la convention qu’il a signé le 16 mars 2005 avec le ministère de la Justice, qui prévoit une permanence d’un de ses délégués au sein d’une dizaine d’établissements pénitentiaires.4
À l’automne 2006, en même temps qu’il se voit confié « le contrôle extérieur et indépendant des prisons », le Médiateur entreprend de consulter « un grand nombre d’acteurs concernés directement par les lieux privatifs de liberté ». Il entend ainsi « discuter de la mise en œuvre » de sa future « mission N°61 Mai-Juin 2007
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le lieu au sein duquel les débats sur la nature du dispositif tout comme l’étendue et les modalités de ses missions seront élaborées.
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de monitoring », qu’il définit comme « une notion qui comprend l’évaluation et le suivi, la notion de contrôle étant sousjacente ». Tellement sous-jacente qu’elle semble avoir disparu bel et bien lorsque, le 4 avril 20075, Jean-Paul Delevoye se déclare « favorable à la mise en place d’une autorité indépendante » qui « doit porter une idée constructive, l’objectif n’étant pas de contrôler pour sanctionner mais de contrôler pour évaluer ». Car, croit-il, il « n’est pas souhaitable que cette nouvelle autorité agisse comme une inspection supplémentaire, s’ajoutant, doublant ou gênant les nombreux contrôles et inspections existants ». Pour lui, ces derniers sont « déjà en place » et « ont le mérite d’exister et de fonctionner ». « Ce mécanisme va mettre sur la table du politique les situations anormales mais ce n’est pas à lui de faire une intervention pour les faire cesser », décrète-t-il alors. En bref, son action se limiterait, « s’appuyant sur les organes existants et les travail de terrain des associations et des ONG » à être « un outil d’évaluation pour interpeller les décideurs politiques et faire bouger les choses ». Une vision angélique de la réalité pour qui a en mémoire les dysfonctionnements récurrents et les atteintes aux personnes parfois gravissimes qui caractérisent le champ clos des prisons. Si cette démarche peut être utile, elle ne saurait prendre la place du contrôle extérieur indépendant dont la situation des quelques centaines de milliers de personnes privées de liberté en prison, dans les locaux de garde à vue, les centres de rétention et zone d’attente, les hôpitaux psychiatriques ou autres prisons militaires, appelle la création. Comme l’analyse le magistrat Eric Senna, « le chantier des prisons commande une ambition d’une toute autre nature. Il ne s’agit pas moins que de faire évoluer les modes de gestion de la population carcérale tout en obtenant des pouvoirs publics les moyens indispensables à la conduite des changements qui s’opéreront sur plusieurs années ». En ce sens, le contrôle « doit constituer l’aiguillon indispensable à l’évolution de la situation carcérale ». L’exemple anglais, dont s’est inspiré la Commission Canivet, montre que c’est non seulement possible mais également souhaitable. Un Inspecteur en chef des prisons, disposant de larges 6 pouvoirs et dont l’influence est « considérable », exerce un contrôle extérieur depuis 1980. Ce dispositif a par ailleurs été complété par un Ombudsman depuis 1994, chargé d’examiner les plaintes des détenus, auxquels s’ajoutent des « Comités de Visiteurs », installés auprès de chaque établissement. En France, « un consensus se dégage sur la nécessité d’instaurer un contrôle des prisons », note Eric Senna, mais « lorsque l’on
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ent des peines
aborde la nature, l’étendue et les modalités de ses missions, il est nettement plus difficile de parvenir à un accord. »
celle à laquelle invite le Protocole en se référant, pour la mise en place du mécanisme national, aux Principes dits de Paris. Ceux-ci prévoient que « la composition de l’institution et la désignation de ses membres […] doivent être établies selon une procédure présentant toutes les garanties nécessaires pour assurer la représentation pluraliste des forces sociales (de la société civile) concernées par la protection et la promotion des droits de l’homme ». Il importe en effet que des décisions aussi lourdes de conséquences que celles relatives au mécanisme ne soient pas le fruit de simples discussions entre ministères. Un tel égarement a eu des effets désastreux en 2001 lorsque fut laissé au ministère de la Justice le soin de se réformer lui-même en élaborant un projet de loi pénitentiaire. Outre qu’elle n’a jamais été une priorité politique de la Chancellerie, la rédaction de ce texte a buté sur l’incapacité de l’administration pénitentiaire à assumer les conséquences des réformes à entreprendre, malgré son accord de principe. Ne nous méprenons pas une seconde fois. Le nouveau gouvernement est à l’heure du choix. Il se trouve que nombreuses sont, en son sein, les personnalités aujourd’hui 8 ministres qui ont donné de la voix pour défendre la dignité élémentaire des personnes détenues. Parfois, depuis des années. Il leur revient, désormais en responsabilité, de peser pour que, quelle que soit l’instance chargée du contrôle, la philosophie du droit de la prison élaborée en 2000 par la Commission Canivet s’inscrive enfin dans la réalité carcérale. Cela suppose que le traitement du détenu soit « conforme aux principes fondamentaux d’un État régi par la prééminence du droit et l’objectif primordial de la garantie des droits de l’homme ». Il ne l’est pas. Cela exige parallèlement que puisse s’exercer « un contrôle efficace de toute immixtion des autorités dans les droits d’un individu, une protection adéquate de celui-ci contre l’arbitraire, et la garantie d’un procès équitable ». Ce n’est pas le cas. C’est l’objet même d’une loi pénitentiaire et d’un contrôle extérieur des prisons que d’inverser la donne. Parce que la volonté de « lever tout soupçon d’arbitraire ou d’injustice dans l’exercice de la violence légitime » est commune à toutes les autorités en charge de la contrainte. Et que l’opacité de tout système clos, comme la prison, « ne peut plus perdurer dans un monde à la perpétuelle recherche de plus de transparence ». La prise en compte de ces nécessités départagera la véritable réforme de son ombre illusoire. Du choix du leurre.
politiques paradoxales La réforme et son ombre illusoire
Jusqu’où les ministères concernés sont-ils réellement prêts à aller en matière de contrôle externe des lieux privatifs de liberté ? Quel est l’avenir de la démarche initiée de concert avec le Médiateur de la République ? Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité au lendemain de l’élection présidentielle. Nicolas Sarkozy ne s’est jamais prononcé explicitement sur l’objet même du Protocole. Quand à Patrick Devedjian,7 en sa qualité de conseiller pour la justice pendant la campagne, il a exprimé les plus grandes réserves sur la place de Jean-Paul Delevoye dans le futur mécanisme. Le dossier a donc toutes les chances de repartir de zéro. Cette opportunité doit être saisie. En tirant les enseignements des turpitudes passées. En premier lieu, la ratification du Protocole par la France doit être immédiate. L’absence de notre pays au sein du Sous-comité de la prévention passe d’autant moins inaperçue que l’instance a commencé à définir son mode d’action et son calendrier de travail. Il est temps que les autorités françaises, capables d’assurer la promotion des grands principes dans le monde, cessent de tergiverser dès lors qu’il s’agit de les appliquer sur son territoire. Et peu importe que cette ratification n’ait pas été précédée par le vote de la loi instituant le mécanisme national de prévention. Le choix de cette façon d’opérer par l’ancien Premier ministre a été motivé par la difficulté prévisible de concilier les intérêts divergents des différents ministères concernés. Las. L’article 17 du Protocole prévoit que le mécanisme doit être mis en place dans l’année qui suit la ratification. Cela laisse largement le temps nécessaire pour le définir puis le mettre en place. En second lieu, par les termes mêmes de son mandat, la CNCDH s’impose pour être le lieu au sein duquel les débats sur la nature du dispositif tout comme l’étendue et les modalités de ses missions seront élaborées. La composition pluridisciplinaire et pluraliste de la Commission tout comme son expérience inestimable sur les questions relatives à la privation de liberté plaident en faveur de ce choix. Les avantages d’une telle démarche sont en outre nombreux. Notamment, comme l’explique Édouard Delaplace, il est en effet très important que « le processus de désignation soit aussi ouvert et transparent que possible et associe l’ensemble des acteurs. D’abord parce qu’il est assez rare qu’une personne, ou même un ministère, soit capable seul de savoir ce qu’il est nécessaire de mettre en place. Ensuite parce que c’est une question de crédibilité et d’efficacité ». Outre, rappelle-t-il, que « la majorité des pays ont procédé ainsi », cette démarche est précisément
‘‘ C’est l’objet même d’une loi pénitentiaire et d’un contrôle
extérieur des prisons que d’inverser la donne.
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Stéphanie Coye et Patrick Marest (1) P our l’ensemble, voir le numéro 13 de Dedans dehors, de mai-juin 1999. (2) n°93, dans les Règles pénitentiaires réactualisées. (3) É tude sur les droits de l’homme dans la prison, adoptée le 11 mars 2004 (4) E n octobre 2006, la généralisation du dispositif est décidée. Elle devrait être effective en 2010. (5) L ieux privatifs de liberté : garantir la dignité. Vers un mécanisme français d’évaluation. Avril 2007. (6) C ommission présidée par Guy Canivet, Amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, La Documentation française, mars 2000. (7) A lain Salles, « Le Médiateur de la République précise son rôle dans le contrôle des prisons », Le Monde, 5 avril 2007. (8) notamment Christine Boutin, Hervé Morin et Martin Hirsch.
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dossier Après huit mois de travail, la Commission Canivet remet son rapport au ministère de la Justice en mars 2000. Sur la base d’une analyse critique sans précédent du droit de la prison, elle estime impérative la création d’un véritable contrôle extérieur et indépendant de l’institution carcérale. Qui suppose que le dispositif instauré soit en mesure de vérifier les conditions de détention et l’application des droits des détenus, d’examiner les plaintes de ces derniers et d’instaurer la transparence derrière les murs opaques des prisons. Rappel du dispositif et de ses principes...
Rapport de la Commission Canivet
En finir avec l’arbitraire En 1999, pour la première fois, un garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, reconnaît « l’insuffisance des mécanismes de contrôle existants au regard des réalités pénitentiaires » et annonce, le 8 juillet, la mise en place d’une commission animée par Guy Canivet, alors Premier président de la Cour de cassation, chargée de réfléchir à l’amélioration du contrôle extérieur. Au terme de ses travaux, rendus publics en mars 2000, ce groupe de travail retire « le sentiment que globalement, le contrôle de l’application du droit dans les prisons se révèle imparfait [et] n’est pas exécuté de la même manière dans les prisons et à l’extérieur. » Selon lui en effet, « toutes les constatations convergent vers l’idée que les prisons connaissent un grand nombre de contrôles, […] mais toutes révèlent aussi que ces contrôles sont souvent effectués a minima […] En sorte qu’il s’agit, trop souvent, d’un contrôle en retrait de celui qui est opéré dans la société “libre”. Comme si les prisons étaient un autre monde largement soustrait à la norme, leur état inéluctable et les détenus des personnes dont les droits ne sont pas pleinement reconnus. » À côté des contrôles existants, qui doivent être « stimulés pour assurer leur effectivité », « un contrôle extérieur s’impose donc », « sorte de référent, qui puisse être à l’origine d’une information ressentie comme objective ».
De larges pouvoirs Pour la commission Canivet, ce contrôle doit, pour être efficace et au vu de la situation, disposer d’un mandat très large. Il doit ainsi vérifier tant « les conditions de détention, notamment en ce qui concerne l’état des locaux » que « l’application effective du statut du détenu ». Il doit en outre « examiner les requêtes de celui-ci » et « permettre le traitement des différends, sources de tensions ». Enfin, le dispositif doit « instaurer N°61 Mai-Juin 2007
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l’indispensable transparence dans ce monde clos pour éviter que des dysfonctionnements graves de l’administration ne soient révélés, comme cela a pu se produire, que plusieurs mois après leur apparition ». Dans ce cadre, un tel contrôle doit évidemment être indépendant du pouvoir politique comme de l’administration pénitentiaire, et avoir « une objectivité reconnue par tous ». Son action doit « obéir à une méthode qui lui assure sa régularité ainsi que son uniformité et conforte l’objectivité de ses résultats », et s’adosser à « un cadre de référence constitué tant par des règles précises que par une politique pénitentiaire préalablement fixée ». La Commission a en effet noté que « le droit de la prison n’a ni l’accessibilité, ni la lisibilité, ni la prévisibilité qu’exigent la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme » et que « le défaut de praticabilité des règles et la trop grande part d’appréciation qu’elles laissent à l’administration sont à l’origine de litiges et de frustrations ». Aussi, l’élaboration d’une « loi pénitentiaire définissant les missions de l’administration pénitentiaire, les droits des détenus et les conditions générales de détention » apparaît au groupe d’experts comme le « préalable à tout contrôle extérieur efficace ». Celui-ci doit en outre « disposer des prérogatives nécessaires à l’accomplissement de ses fonctions ». Ses rapports doivent être publiés afin non seulement « d’informer l’opinion publique sur l’état des prisons ainsi que sur le niveau de réalisation des objectifs », mais aussi « les personnels pénitentiaires comme les détenus sur les constats effectués, les résultats obtenus, les améliorations possibles et les efforts restant à accomplir ». Il doit enfin « amener le ou les organes de contrôle à rendre compte de l’exécution de leur mission » et « constituer, pour le directeur de l’établissement, une aide à la gestion ». Pour être en mesure de répondre à ce mandat, la Commission Canivet s’inspire
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX du modèle anglais et imagine un contrôle constituant « un tout indivisible », mais structuré en trois organes distincts, chacun répondant à l’une des trois fonctions de « vérification », de « médiation » et d’ « observation ».
visites doit faire l’objet d’un rapport, publié avec la réponse du garde des Sceaux. Un rapport annuel sera également rédigé et publié, assorti de recommandations.
Médiation et observation
Un contrôleur général La première fonction est remplie par un contrôleur général des prisons, qui doit plus particulièrement « s’assurer du respect du droit dans la prison et de la réalisation par l’administration des objectifs de ses politiques, nationale et locale ». Il a ainsi pour compétence « le contrôle des conditions générales de détention, de l’état des prisons, de l’application du statut du détenu, des rapports entre administration et détenus, des pratiques professionnelles et de la déontologie des
La Commission Canivet propose ensuite de créer au niveau régional un corps de médiateurs des prisons, chargé des « litiges d’ordre individuel opposant les détenus à l’administration », afin d’y « apporter une solution » et, le cas échéant, de « préciser les points de réglementation présentant des difficultés d’interprétation ». À condition qu’aucune instance judiciaire ne soit déjà chargée de la plainte, les détenus qui n’auraient pas reçu de réponse favorable du directeur à leur demande dans les huit jours suivant leur dépôt pourraient ainsi s’adresser aux
d’un monde clos personnels pénitentiaires, de leur formation, de l’organisation et des conditions de leur travail, de l’exécution des politiques pénitentiaires ». Ce mandat rendant « impératif l’éloignement par rapport à l’établissement contrôlé », il s’exerce au niveau national, par un organisme indépendant dirigé par un haut fonctionnaire de l’État, proposé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et désigné par le Président de la République. Nommé pour six ans au moins et irrévocable, il n’est soumis à « aucun pouvoir hiérarchique » et ne peut « recevoir d’instructions de quiconque ». Assisté d’une vingtaine de collaborateurs, le contrôleur général dispose d’un « pouvoir de contrôle permanent, de visite, de constat d’audition, d’obtention de documents, d’évaluation, d’observation, d’étude, de recommandation et de publication de ses rapports ». À l’image de celles organisées par le Comité européen de prévention de la torture (CPT), trois types de visites sont prévues : des visites « programmées », afin de vérifier de façon approfondie le fonctionnement d’un établissement, des visites « inopinées » faisant suite à la dénonciation d’une situation ou d’un événement, et des visites « de suivi », pour vérifier les mesures prises suite à une précédente venue. Chacune de ces
‘‘ Chaque visite du contrôleur général doit faire l’objet
d’un rapport, publié avec la réponse du garde des Sceaux.
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médiateurs, sous plis confidentiels déposés dans des boîtes aux lettres prévues à cet effet et fermées, collectés quotidiennement. Pour l’instruction des requêtes, ces médiateurs auraient « des pouvoirs de visite, de constat, d’information, d’audition et d’obtention de documents », comprenant notamment le droit de « se faire ouvrir les cellules des détenus même si ceux-ci sont placés au quartier disciplinaire et à l’isolement », de rencontrer toute personne et d’assurer au sein de la prison « toutes permanences qu’ils estiment nécessaires ». Organisés dans des services régionaux de médiation pénitentiaire, correspondant aux régions pénitentiaires, et réunis dans une « Conférence des médiateurs », ils seraient « indépendants, permanents et qualifiés » et ne seraient « soumis à aucun pouvoir hiérarchique ». Ils seraient cependant nommés par le garde des Sceaux, tout comme leurs délégués. Ces derniers, des « citoyens bénévoles » nommés dans chaque prison et réunis en comité, constituent quant à eux l’échelon local. L’objectif ici est de leur confier le rôle d’une « intermédiation » dans les relations des détenus avec l’administration pénitentiaire, mais surtout d’« introduire dans l’établissement pénitentiaire un “regard extérieur” qui permette un contrôle quotidien identique à celui que pratique le citoyen dans la société libre, afin de parvenir à la transparence nécessaire au bon fonctionnement de l’institution ». Ce faisant, les délégués constitueraient un « organe d’information précieux autant pour le contrôleur général que pour les médiateurs ». Ils disposeraient pour cela de « prérogatives de visite, d’audition, de transmission des requêtes des détenus et de saisine du directeur régional ou du ministre de la Justice », sans entrave ni restriction. Ils recevraient même « dès leur entrée dans les lieux, des clés leur permettant de progresser dans les parties communes de la prison ». Stéphanie Coye N°61 Mai-Juin 2007
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dossier Tassadit Imache a été membre de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) pendant six ans, de sa création à janvier 2007. Une expérience qui lui permet de dessiner les contours du contrôle qui lui semble indispensable : un organe « extérieur et indépendant », « qui enquête sur les atteintes aux droits des détenus et s’assure de leur respect », disposant de larges pouvoirs lui permettant non seulement de « procéder à ses propres investigations », mais aussi de s’assurer du suivi des problèmes mis à jour et des améliorations à mettre en œuvre.
Les leçons à tirer de l’expérience de la CNDS Quel contrôle vous semble nécessaire concernant le champ carcéral ? Tassadit Imache : Les prisons sont des lieux dérogatoires au droit commun. Les personnes incarcérées ne disposent donc pas des libertés démocratiques élémentaires, telles que le droit d’expression ou le droit d’association. En outre, elles sont exposées aux dérives de tout milieu clos, à savoir l’arbitraire et le secret. Il est donc indispensable que s’y exerce un contrôle extérieur et indépendant qui enquête sur les atteintes aux droits des détenus et s’assure de leur respect. La CNDS a commencé de mettre en œuvre un tel contrôle, dans les limites définies par son champ de compétence : veiller au respect de la déontologie par les personnels de sécurité, en l’occurrence pour les prisons, les personnels de surveillance. À quels critères doit répondre l’instance de contrôle pour être efficace ? T.I. : Tout contrôle, pour être efficace et crédible, doit s’exercer en dehors de toute pression politique ou institutionnelle. La CNDS est parvenue depuis six ans à tenir cette exigence. La question des moyens qui sont alloués à tout organe de contrôle est de ce point de vue fondamentale. Il est également essentiel que cette instance soit composée de membres en capacité de travailler à plein temps, compétents dans des domaines différents et expérimentés en matière d’investigation. Cela implique un noyau fort de juristes, mais aussi des personnes ayant une expérience professionnelle des problèmes humains et sociaux. Au delà du profil, la motivation des personnes et leur disponibilité réelle sont déterminantes. De quels pouvoirs doit-elle disposer ? T.I. : Il faut être conscient des conséquences d’un contrôle pour les détenus et leurs familles. Aussi doit-il être réel, rigoureux et responsable. S’il apparaît intéressant par exemple de demander des enquêtes à l’inspection des services péniten N°61 Mai-Juin 2007
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tiaires, il est indispensable de procéder à ses propres investigations, car l’administration pénitentiaire a ses angles morts, le poids de son histoire et de sa culture à gérer. Il est évident que doit être facilité l’accès à l’ensemble des acteurs de la vie carcérale ainsi que rendue obligatoire la communication de tous les documents administratifs, notes internes, registre du quartier disciplinaire, procédures des commissions de discipline, contrat de la société privée, etc. Bref, tout ce qui raconte la vie quotidienne d’un établissement et permet de dresser un état des lieux des rapports entre les personnes détenues et l’administration contrôlée. L’instance doit également pouvoir procéder à des visites sans préavis. Un des principes de base, pour toute action menée par un contrôle extérieur, c’est qu’une fois les problèmes mis à jour, il faut être en capacité d’en assurer le suivi. Car la porte se referme derrière le contrôleur, dans sa place privilégiée de visiteur. Enfin, la publicité des avis rendus à l’issue du contrôle est essentielle. Le fait que la CNDS puisse rendre publics ses rapports est en effet déterminant. Là réside son pouvoir effectif, car cette publicité place les responsables politiques et institutionnels sous le regard permanent des citoyens et il est évident que c’est cette pression qui les oblige à se saisir des problèmes. Comment travaille la CNDS ? T.I. : La CNDS enquête sur des faits. Pour ce faire, elle fait des investigations, examine les procédures judiciaires qui lui sont communiquées par la Justice et mène des auditions des plaignants comme des personnels concernés et, au-delà, de toute personne qui pourrait lui apporter des informations en rapport avec les dossiers. Elle émet ensuite des avis et des recommandations qui sont envoyés aux parlementaires qui l’ont saisie et au ministre compétent qui doit y répondre. Tout cela est rendu public, versé au débat en toute transparence. Les réponses des ministres sont très importantes. On peut y lire notamment l’engagement de remédier ou non aux problèmes soulevés, mais aussi évaluer la qualité des mesures prises ou envisagées. La
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX CNDS mène ainsi un dialogue permanent à plusieurs niveaux : avec les responsables politiques et institutionnels concernés et, sur le terrain, avec les professionnels de la sécurité. Quelles sont les limites de ce dialogue ? T.I. : Le dialogue ne se décrète pas, mais il s’est constitué comme une évidence, dans la relation humaine, et nous a apporté des éléments significatifs sur le contexte des manquements, sur ce qui avait pu favoriser les dérives. Les limites de cette démarche pédagogique, c’est l’iniquité de situation des protagonistes : les personnes qui sont victimes de manquements ou d’atteintes à leurs droits en prison ont toutes les difficultés à le faire savoir et à susciter un intérêt pour leur sort dehors. La qualité du dialogue est-elle bonne avec les ministères ? T.I. : Un dialogue existe avec le ministère de la Justice. Il ne nous rejoint pas forcément dans nos recommandations mais répond, point par point, aux avis de la CNDS, sur les manquements et problèmes généraux révélés. Concernant le ministère de l’Intérieur, de 2001 à 2006, période durant laquelle plusieurs ministres se sont succédés, il n’a pas existé de « dialogue » avec la CNDS. La méfiance et une certaine hostilité de ce ministère à l’égard de l’idée d’une autorité indépendante en matière de sécurité, fut-ce sur la question de la déontologie, nuisent à un échange constructif et sérieux. Dans un des dossiers concernant la prison où le GIPN1 était intervenu, nous avons pu constater le « flottement » de l’administration pénitentiaire, une timidité à défendre ses prérogatives et, de fait, un assujettissement regrettable au positionnement du Ministère de l’intérieur. Quelle est l’attitude générale de l’administration pénitentiaire face aux avis de la CNDS ? T.I. : L’administration pénitentiaire a reconnu assez vite la CNDS comme faisant partie, dans sa spécificité de défense de la déontologie, des instances de contrôle, aux côtés de l’inspection des services pénitentiaires. Il n’y a pas eu de contestation de sa légitimité, dès lors qu’une loi l’avait fondée, en aboutissement d’un processus démocratique de débats et de votes au Parlement. Cependant, ce que je retire de mon expérience au sein de la Commission, c’est combien, alors même que les personnels étaient prévenus de notre venue, la perte des repères était telle dans certains établissements, que beaucoup de choses, inacceptables, étaient montrées telles quelles, voire assumées par certains surveillants convaincus de n’avoir pas de comptes à rendre hors les murs.
Un des principes de base, ‘‘pour toute action menée
par un contrôle extérieur, c’est qu’une fois les problèmes mis à jour, il faut être en capacité d’en assurer le suivi.
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L’instance de contrôle doit-elle disposer d’un pouvoir d’injonction ? T.I. : La capacité d’injonction est utile mais, si elle veut atteindre ses objectifs, l’instance ne peut l’envisager qu’en dernier lieu. L’injonction systématique ne ferait que renforcer les défenses, susciter un repli opportuniste sur des corporatismes, mettrait en difficulté ceux qui dans les prisons maintiennent au quotidien des équilibres fragiles entre l’écoute et l’aide aux personnes détenues, ainsi que le dialogue nécessaire avec les personnels de surveillance. Ce serait prendre le risque d’isoler un peu plus les détenus. En tout état de cause, une injonction doit reposer sur les conclusions d’une démarche objective, et non pas sur des considérations honorables mais trop vagues qui seraient à juste titre interprétées par tous, gens du dedans et du dehors, comme une régression par rapport aux acquis en terme de responsabilisation de la société sur cette question importante des prisons, ou une duperie odieuse. L’injonction doit donc être crédible et s’appuyer sur un travail d’observation et d’enquête sérieux, découlant d’une immersion prolongée dans le lieu contrôlé et d’échanges avec tous les acteurs de la vie de l’établissement. Il faut à mon sens, comme la CNDS en a démontré la nécessité, que le dialogue accompagne en permanence la démarche d’investigation consistant à rechercher des informations sur les faits allégués. Est-il facile d’enquêter en prison ? T.I. : Non. D’une part parce qu’il faut donner du temps au détenu dans la rencontre, garder son attention face à quelqu’un qui souvent peine à s’exprimer, est dans la souffrance, la colère ou le ressentiment. Entrer dans une prison pour recueillir le témoignage d’un détenu, c’est déjà soutenir l’idée que sa parole vaut quelque chose. C’est une situation inédite, pour le monde carcéral. D’autre part, règne dans certains établissement un dévoiement de la solidarité professionnelle pour couvrir les abus et les violences et où les surveillants qui veulent affirmer leur professionnalisme, demeurer des citoyens comme les autres, attachés aux valeurs humaines et au respect de la dignité de la personne, se retrouvent isolés, parfois même menacés par leurs collègues. Comment est ressenti par les personnels le recueil de la parole des détenus ? T.I. : L’équité dans la prise en compte des témoignages des détenus et des surveillants peut être ressentie comme une menace, une fragilisation de l’autorité. Tout cela est mal vécu par certains surveillants. Or, entendre les uns et les autres, dans l’échange et la confiance, est indispensable à l’enquête. Demander des comptes sur ce qui se passe en prison c’est rappeler aux surveillants qu’ils ne sont pas exonérés de la responsabilité de leurs actes sous prétexte que la population pénale est difficile. Mais c’est aussi leur offrir un espace de parole, de réflexion, hors du regard de leur hiérarchie. C’est une situation qui met à mal les préjugés, les représentations des places des uns et des autres. Et de fait, les personnels ont bien compris que la CNDS et l’inspection des services pénitentiaires ne jouent pas le même rôle à leur égard. De leur côté, les personnes détenues sont parmi les plaignants les plus vulnérables. Car la vraie difficulté pour elles est de faire N°61 Mai-Juin 2007
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dossier connaître à l’extérieur ce qu’elles vivent derrière les murs, de faire parvenir leur réclamation aux parlementaires qui, avec la Défenseure des enfants pour les mineurs, le Médiateur de la République et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), ont seuls le pouvoir de saisir la CNDS. La CNDS dispose-t-elle d’un pouvoir de sanction ? T.I. : Non, ce n’est pas son rôle. Cependant elle a ce pouvoir important de porter à la connaissance du procureur de la République les faits dont elle estime qu’ils sont susceptibles de constituer une infraction. Concernant les réponses apportées par la Justice, elle ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni ne peut remettre en cause le bien-fondé d’une décision juridictionnelle. Elle considère aussi qu’une absence de sanctions pénales ne dispense pas l’administration informée de problèmes sérieux de s’en saisir et de lancer des procédures disciplinaires. Dans certains dossiers traités par la CNDS, les plaintes des personnes détenues sont cependant toujours en instruction... T.I. : Au-delà du paradoxe apparent, les détenus victimes attendent tout ou beaucoup de la Justice. Or celle-ci est parfois embarrassée de ces attentes : elle est dans la crainte de fra-
La perte des repères était telle ‘‘dans certains établissements, que
beaucoup de choses, inacceptables, étaient montrées telles quelles, voire assumées.
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giliser l’administration pénitentiaire qui a une lourde tâche. La réalité de la Justice, quelquefois, c’est aussi, dans une petite ville de province, cette sociabilité naturelle de notables, entre un directeur de prison, un procureur, un service de gendarmerie, qui va peser dans les suites données aux réclamations. Les seules décisions prises rapidement sont celles faites au nom du maintien de l’ordre dans la prison. On transfère le détenu pour le protéger, on déplace ou on « placardise » un directeur, en cas de problèmes graves avérés. Surtout, l’individu n’existe pas en prison et même lorsque « un cas » scandaleux est enfin connu, reconnu et sanctionné par la Justice, il semble qu’il ne saurait avoir de sens et de portée pour l’ensemble des détenus et être l’occasion de revoir et d’améliorer la situation de tous. Le détenu victime lui-même peut être sacrifié à cette logique. Et en l’absence de poursuites judiciaires, l’institution peut s’estimer dégagée de ses responsabilités, de l’obligation de réagir, de traiter les problèmes révélés.
Le contrôle ouvre la voie de la réforme
Bien plus qu’un simple outil d’évaluation, le contrôle 1 des prisons doit, pour le magistrat Éric Senna , « constituer l’aiguillon indispensable à l’évolution de la situation carcérale ». Il s’agit en effet « d’impulser et d’encadrer une politique de rénovation pénitentiaire ambitieuse qui devra être conduite sur au moins une décennie ».
Vous venez de publier un article titré « la question controversée du contrôle des prisons ». Pourquoi employez-vous ce qualificatif ? E.S. : Un consensus se dégage sur la nécessité d’instaurer un contrôle des prisons mais lorsque l’on aborde la nature, l’étendue et les modalités de ses missions, il est nettement plus difficile de parvenir à un accord. Ce qui devrait nous permettre de sortir de cette impasse, c’est le référentiel européen et les instruments internationaux que la France a signés ou ratifiés. Dans un lieu clos comme la prison où la personne se trouve par essence limitée, restreinte, voire interdite dans l’exercice de ses droits individuels, alors qu’elle est soumise en permanence à l’autorité de l’État, il est paradoxal qu’il n’existe pas d’organisme général tiers chargé de veiller à l’équilibre entre les considérations tenant à l’ordre et la sécurité dans l’établissement et la situation individuelle des détenus. N°61 Mai-Juin 2007
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Le diagnostic posé en 2000 par la Commission animée par le Premier président de la Cour de cassation Guy Canivet est-il toujours d’actualité ? E.S. : Le dispositif de contrôle est toujours cloisonné et sectorisé entre diverses autorités sans relations entre elles et est loin d’être suffisant et efficace. Il est souvent exercé de manière formelle sans être réellement investi par les organes qui en ont la charge. La réunion annuelle de la commission de surveillance par exemple se résume souvent à l’expression d’interrogations ou de suggestions recevant un écho administratif poli. L’inspection des services pénitentiaires est pour sa part rattachée au directeur de l’administration pénitentiaire qui peut seul la saisir et auquel elle adresse exclusivement ses observations et propositions. Quant aux autorités judiciaires, si elles peuvent visiter les établissements de leur ressort, elles ne peuvent adresser des recommandations, et encore moins d’émettre des injonctions. Il est vrai que, depuis 2001, l’intervention de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) est venue compléter le dispositif. Ses avis concernant l’admi-
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX Comment peut-on protéger les personnes qui témoignent ? T.I. : Chaque fois que la CNDS a évalué qu’il existait un risque possible de représailles pour le détenu, parce qu’il avait témoigné, elle a saisi le ministre de la Justice et lui a demandé d’informer l’administration pénitentiaire afin qu’elle se montre vigilante et prenne toutes les dispositions pour assurer la protection nécessaire. Un détenu nous avait écrit pour nous faire part de propos menaçants et de provocations de la part de surveillants. Bien-sûr que le risque de représailles existe. Dans l’état actuel des pouvoirs de la CNDS et de ses moyens, l’augmentation importante des saisines concernant la pénitentiaire mais aussi des autres services de sécurité dont la police nationale, il lui est difficile de s’assurer de l’effectivité de la protection, une fois l’administration avisée. Pour le détenu dont je parle, nous étions retournés le voir dans l’établissement où il avait été transféré et avions recueilli à nouveau son témoignage. Car le passage devant la CNDS est en soi une protection, par la sortie du huis clos, de la confrontation entre le détenu et un ou des agents de l’administration pénitentiaire par l’intervention d’un tiers institutionnel indépendant. Il y a aussi des surveillants qui, s’appuyant sur la formation qu’ils ont reçue, leur engagement professionnel, leur souci des droits de la personne et leur
nistration pénitentiaire, s’ils restent peu nombreux, augmentent d’année en année, au point que la Commission y consacre une part spécifique de son dernier rapport. Son mode de saisine, par l’intermédiaire d’un parlementaire, est cependant assez peu propice à la mise en lumière et au traitement de tous les dysfonctionnements. Quel contrôle préconisez-vous ? E.S. : Comme l’a rappelé Guy Canivet, les missions d’un contrôle général sont doubles et ne se confondent pas. D’une part, elles portent sur la surveillance de la politique péniten tiaire réellement mise en œuvre dans les prisons. D’autre part, elles consistent à mettre en cohérence la multitude de textes qui régissent le milieu pénitentiaire et à vérifier l’application concrète du droit en prison. Le contenu du contrôle doit ainsi porter autant sur la surveillance de l’état, de l’organisation et du fonctionnement des établissements que sur les conditions de vie des détenus. Que pensez-vous de l’annonce du garde des Sceaux de confier ce contrôle au Médiateur de la République ? E.S. : Il n’entre pas dans les fonctions actuelles du Médiateur de la République de contrôler l’activité de l’administration et d’en surveiller son activité. Parviendra-t-il à formuler des injonctions à son égard et à entreprendre une mise en cohérence de toutes les législations pénitentiaires ? À ce jour, le Médiateur propose principalement la mise en place d’un outil d’évaluation pour interpeller les décideurs politiques. Le chantier des prisons commande une ambition d’une toute autre nature. Il ne
respect des valeurs humaines, n’ont pas accepté « l’omerta » qui pesait dans leur établissement où s’étaient produits des faits graves. La Commission a salué dans un dossier difficile « le courage et l’éthique » de ces personnels. Ils doivent être soutenus et protégés par leur administration. Le gouvernement a envisagé un temps de faire de la CNDS le contrôleur général des prisons. Des discussions ont-elles eu lieu à ce sujet ? T.I. : Je sais effectivement que le ministère de la Justice a émis cette hypothèse dans sa réponse à l’étude sur les droits de l’homme dans la prison réalisée par la CNCDH en 2004. Mais, sous la Présidence de Pierre Truche, donc jusqu’en novembre 2006, la CNDS n’a jamais été contactée par le gouvernement sur ce point. Il n’y a donc pas eu débat au sein de la CNDS, ce qui ne veut pas dire que ses membres ne se sont pas interrogés ou ne s’interrogent pas encore sur le sens de cette absence de sollicitation. La CNDS n’a pas non plus été auditionnée par le Médiateur de la République sur la question du contrôle général des prisons. S’agit-il d’une mise à l’écart ? Propos recueillis par Stéphanie Coye (1) D ans un avis du 5 octobre 2004, la CNDS a dénoncé l’usage « inutile » et « injustifié » fait, le 16 mars 2004, par le GIPN d’un pistolet paralysant (Taser) sur une personne détenue dans une cellule de la prison des Baumettes, à Marseille (Bouches-du-Rhône).
s’agit pas moins que de faire évoluer les modes de gestion de la population carcérale tout en obtenant des pouvoirs publics les moyens indispensables à la conduite des changements qui s’opéreront sur plusieurs années. Ce contrôle doit constituer l’aiguillon indispensable à l’évolution de la situation carcérale. Il doit donc disposer de moyens suffisants, d’une autorité politique affirmée, lui permettant d’impulser et d’encadrer une politique de rénovation pénitentiaire ambitieuse qui devra être conduite sur au moins une décennie, et être accompagnée de mesures concrètes et d’application immédiate. Enfin, si tous les lieux privatifs de liberté doivent faire l’objet d’un contrôle extérieur, une dispersion des interventions liée à la multiplicité des lieux me semble de nature à pouvoir nuire à l’efficacité du contrôle général des prisons. Quelles doivent être les caractéristiques de l’instance de contrôle ? E.S. : Face à une administration fortement structurée et hiérarchisée et pour conduire efficacement une surveillance globale des prisons s’attachant à tous les aspects de la vie en détention, il apparaît indispensable de se doter d’un contrôle extérieur centralisé et unique disposant d’une vue d’ensemble et doté de moyens budgétaires propres. Un certain nombre de garanties d’indépendance et de qualification sont également requises. Le contrôle doit être exercé par une autorité indépendante et extérieure, nommée en Conseil des ministres, pour une période suffisamment longue (cinq ou six ans), dotée d’un budget propre et de membres et de personnels qualifiés.
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dossier Quels doivent être ses pouvoirs ? E.S. : Le contrôleur et son équipe doivent avoir un libre accès aux prisons et aux détenus et pouvoir se faire communiquer toutes pièces utiles à leur mission. L’instance doit disposer d’un pouvoir de dénonciation auprès du procureur de la République, si des faits portés à sa connaissance laissent présumer l’existence d’une infraction, et auprès des autorités hiérarchiques, pour des faits de nature disciplinaire. Elle doit pouvoir également alerter les pouvoirs publics sur les dysfonctionnements constatés lors de ses visites. Enfin, elle doit être dotée d’un pouvoir de proposition de modification de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence. Quelles doivent être les mesures d’application immédiates ? E.S. : Un audit comportant un état des lieux prison par prison doit être établi, de manière détaillée et approfondie, car les problèmes ne sont pas les mêmes partout. Les solutions à y apporter s’intégreront dans un plan pluriannuel avec un suivi des réalisations. Les chefs d’établissement doivent en effet disposer des moyens nécessaires pour répondre aux recommandations formulées par le contrôleur général. Il n’est pas non plus possible de faire l’économie de dispositifs d’inspection internes. La Commission Canivet estimait nécessaire l’élaboration d’une loi pénitentiaire préalablement à l’instauration d’un contrôle. Partagez-vous cette idée ? E.S. : Il faut rappeler qu’il existe actuellement une échéance qui oblige les pouvoirs publics à mettre en place ce contrôle après la ratification par la France du Protocole additionnel de la Convention des Nations Unies qu’elle a signé en septembre 2005. L’élaboration d’une loi pénitentiaire est nécessaire mais là, une fenêtre s’entrouvre, il ne faut pas la laisser se refermer. Quel serait le lien entre le contrôleur général et les différentes autorités judiciaires ? E.S. : L’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Il entre dans ses missions réservées de contrôler les restrictions en la matière. Le procureur et le juge pénal sont en contact quotidien avec la ou les prisons de leur circonscription et connaissent les réalités carcérales et la population prise en charge. Certains juges sont mêmes spécialisés dans les domaines de l’exécution et de l’application des peines, dans de véritables services structurés au sein des tribunaux de grande instance. Se priver du travail d’expertise de magistrats judiciaires ne me paraît pas raisonnable. Le contrôle à créer devra donc disposer d’une autorité morale incontestée et de liens avec les juridictions. Parallèlement, une redéfinition des contrôles confiés aux autorités judiciaires, avec la mise en place d’articulations avec le contrôle général, permettra de garantir une réelle amélioration de l’efficacité du suivi de l’ensemble des contrôles. Propos recueillis par Stéphanie Coye
(1) Conseiller à la Cour d’appel de Montpellier et chargé d’enseignement à la Faculté de droit, il est l’auteur de « La question controversée du contrôle des prisons », paru dans Actualités juridiques Pénal, avril 2007. N°61 Mai-Juin 2007
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Lieux privatifs de
l’ONU en
Qu’est-ce que le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture ? Édouard Delaplace : Il s’agit d’un instrument adopté en décembre 2002 par l’Assemblée générale des Nations Unies visant à prévenir, par un système de visites des lieux de détention, la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Protocole crée à cette fin une instance internationale, le Sous-comité de prévention de la torture, et des « mécanismes nationaux de prévention » que doivent mettre en place tous les États parties. Sont concernés tous les lieux où des personnes sont privées de liberté : prisons, commissariats, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention, etc. En quoi ces visites permettent-elles de prévenir la torture ? E.D. : Le Protocole a été pensé dans les années 1980, avec pour modèle celui de la Croix-Rouge. L’idée est qu’un organisme de visite peut, par son expertise et son regard extérieur, aider les autorités à améliorer la situation des personnes privées de liberté. En entrant dans un lieu de détention, il peut entendre ce que les gens ont à dire, contrôler la façon dont les personnes sont traitées, identifier les problèmes, vérifier les allégations de torture et de mauvais traitements de visu. Il peut aussi évaluer l’application de la Convention contre la torture dans le pays, notamment en ce qui concerne la lutte contre l’impunité, la formation des personnels, les méthodes d’interrogatoires, etc. Sur cette base, l’instance de contrôle peut faire des recommandations, dont on peut espérer qu’elles seront mises en œuvre par les autorités. Comment doivent se dérouler ces visites pour être efficaces ? E.D. : Les différents types de visites mises en place par le Comité européen de prévention de la torture (CPT) peuvent servir de modèle pour le Sous-comité : des visites régulières, de deux ou trois semaines selon la taille du pays, permettant de rencontrer tous les acteurs et de visiter plusieurs types de lieux, avec une délégation importante ; puis des visites de suivi pour vérifier la mise en œuvre ou non des recommandations ; enfin des visites ad hoc, parce qu’il faut réagir rapidement lorsqu’une situation dégénère ou qu’une personne en particulier est en danger. À quelle fréquence doivent-elles avoir lieu ? E.D. : L’idée est que l’organe national de visites, parce qu’il est présent sur le territoire, peut être actif tous les jours. Il est
liberté
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX
quête de contrôle En décembre 2002, les Nations Unies ont adopté un Protocole instaurant un système de visites des lieux de détention, au niveau international et national, afin de prévenir la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Édouard Delaplace, juriste à l’Association de prévention de la torture (APT), nous expose les enjeux de sa mise en œuvre, à la lumière de l’expérience des premiers États à l’avoir ratifié.
souhaitable qu’il puisse se rendre régulièrement, idéalement une fois par an, dans chaque lieu de détention, mais cette fréquence sera fonction des ressources dont il dispose et de sa propre appréciation des situations. S’il juge par exemple que dans un commissariat ou une maison d’arrêt, la situation n’est pas satisfaisante, il peut s’y rendre tous les jours jusqu’à ce qu’elle s’améliore. Si l’instance observe un traitement inhumain ou dégradant, que peut-elle faire ? E.D. : Le Sous-comité travaille dans un cadre de confidentialité, ses rapports ne seront donc pas publics, sauf si les États en prennent l’initiative, comme cela se fait pour le CPT. Nous souhaiterions que cela fonctionne ainsi. Cela permet de travailler avec plus de transparence et d’associer davantage la société civile nationale à la mise en œuvre des recommandations. Il faudrait pour cela que les premiers États qui seront visités aient cette démarche, pour instaurer une coutume. Si la coopération n’est pas satisfaisante, le Sous-comité peut également demander au Comité contre la torture de faire une déclaration publique. Pour ce qui est du mécanisme national, le Protocole laisse entière liberté aux acteurs locaux pour apprécier quelle est la meilleure stratégie. Confrontée à une situation grave, à des conditions de détention désastreuses ou à des cas de torture ou de mauvais traitements, l’instance nationale peut considérer qu’il est préférable de travailler dans un cadre confidentiel ou, au contraire, qu’il faut faire un communiqué de presse, une dénonciation ou un rapport public. C’est à sa libre appréciation, selon ce qui lui semble le plus approprié en fonction de la situation, du contexte national, de sa façon de travailler… Mais cette approche a ses limites. Le CPT par exemple n’arrive pas à se faire entendre sur un certain nombre de points comme la surpopulation ou les mesures de sécurité... E.D. : Le système repose sur l’idée de coopération. Si les autorités ne veulent pas entendre les recommandations, elles
ne les entendront pas, et le système s’écroule. La présence continue d’une instance nationale change cependant un peu la donne car il sera plus difficile pour un État de lui faire la sourde oreille, qu’au CPT. D’autres acteurs, et notamment les ONG, peuvent aussi prendre le relais et utiliser les moyens à leur disposition pour faire état des problèmes rencontrés en matière de coopération et faire pression sur les autorités. Il n’était pas possible de doter ces mécanismes d’un pouvoir d’injonction ? E.D. : Ce n’était pas envisageable pour le Sous-comité. Ouvrir les lieux de détention à un organisme indépendant n’était pas une idée qui allait de soi. Le processus de négociation a duré plus de 10 ans. Si le Protocole avait en plus prévu un pouvoir d’injonction ou de dénonciation publique, il n’aurait probablement pas abouti. Le faire accepter par les États nécessitait qu’ils aient la garantie initiale que cela ne se retournerait pas contre eux. Pour les mécanismes nationaux, c’est différent. Il faut être très clair sur le fait que les exigences du Protocole - l’accès à l’information, à tous les lieux de détention, à toutes les personnes détenues, la possibilité d’avoir des entretiens sans témoin - sont des minima que les États doivent respecter de manière scrupuleuse. Mais rien ne les empêche d’avoir une approche nettement plus ambitieuse et de mettre en place une instance dotée de larges pouvoirs. Le Protocole ne fait par exemple pas référence à des pouvoirs d’enquêtes. Certains États ont cependant choisis de donner à leur dispositif national ces prérogatives. Où en est la mise en œuvre du Protocole ? E.D. : À ce jour, une cinquantaine d’États l’ont signé et 34 l’ont ratifié, mais seuls huit ont désigné formellement des mécanisN°61 Mai-Juin 2007
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dossier mes nationaux : le Costa Rica, l’Estonie, la Grande-Bretagne, le Mali, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, la République Tchèque et la Slovénie. Nous devrions cependant passer à une quinzaine dans les semaines qui viennent. Les pays qui avaient ratifié le Protocole avant son entrée en vigueur, le 22 juin 2006, disposaient en effet d’un an, à partir de cette date, pour le mettre en place. C’est le cas par exemple de l’Argentine, de l’Espagne ou du Mexique. D’autres États parties, ou qui envisagent de l’être, se sont aussi engagés dans un processus de désignation. Comment expliquez-vous que la France n’ait pas encore ratifié le Protocole ? E.D. : La France a été très active dans le processus d’adoption du Protocole, mais sa ratification n’a pas été une priorité pour le gouvernement depuis 2002. Le ministère des Affaires étrangères l’a encouragé au moment de l’adoption, mais le processus s’est arrêté. Il a fallu que la société civile fasse pression pour qu’il se passe quelque chose. Et encore, on ne peut pas vraiment dire qu’il se soit passé grand-chose. Comme beaucoup de pays européens, la France a longtemps estimé aussi que l’existence du CPT devrait suffire. Existe-il un modèle de mécanisme national ? E.D. : Non. Le Protocole fixe des règles minimales mais chaque État doit trouver sa propre solution, en fonction de la situation, de ses structures administrative et politique, de la culture existante. En République Tchèque, il s’agit d’une instance unique confiée au Défenseur du peuple. En Nouvelle-Zélande, plusieurs ont été désignées, sur une base thématique (détention juvénile, prison…). Cette multiplicité existe aussi en Grande-Bretagne, mais les inspections préexistaient. L’important est surtout que le processus de désignation soit aussi ouvert et transparent que possible et associe l’ensemble des acteurs. D’abord parce qu’il est assez rare qu’une personne, ou même un ministère, soit capable seul de savoir ce qu’il est nécessaire de mettre en place. Ensuite parce que c’est une question de crédibilité et d’efficacité. Au moment où ils vont être visités, les responsables du lieu de détention doivent connaître l’instance et avoir le sentiment d’avoir été consultés lors de sa création. De la même manière, si la société civile a été associée au processus de désignation, elle pourra travailler plus efficacement avec le contrôleur. La majorité des pays ont procédé ainsi. Le Mexique a par exemple organisé une série de quatre séminaires sur deux ans, auxquels participaient des représentants de la société civile et des différentes instances gouvernementales. Les instances mises en place répondent-elles aux garanties du Protocole ? E.D. : La mise en œuvre du Protocole au niveau national n’est pas très satisfaisante. Aucun des choix effectués par les États ne correspond parfaitement aux exigences du Protocole. L’insuffisance des ressources notamment est très problématique. Au Mali par exemple, le budget pour l’année 2007 est de 6 000 euros... Et ce n’est pas seulement un problème du Sud. En Suisse, le modèle prévu à l’heure actuelle ne prévoit pas de secrétariat permanent. En Allemagne, il n’y aura que cinq membres. En Pologne ou en Estonie, certaines instances exisN°61 Mai-Juin 2007
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‘‘ Le processus de désignation doit être aussi ouvert et transparent que possible et associer l’ensemble des acteurs.
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tantes ont été désignées, mais leur staff n’a pas été augmenté pour faire face aux nouvelles missions. Un autre problème est la question de l’indépendance, qui peut être limitée de mille et une façons. La création de l’instance doit être inscrite dans une loi, si possible constitutionnelle, pour empêcher que son mandat puisse être modifié du jour au lendemain sous prétexte qu’un rapport n’est pas satisfaisant. Quant à ses membres, ils doivent bénéficier d’une indépendance fonctionnelle. Si certains sont des fonctionnaires dépendant d’un ministère, cela pose un vrai problème. Enfin, on constate une tendance générale à privilégier pour les membres un profil de juriste. Or, d’autres expertises sont requises, comme des médecins, des psychiatres, d’anciens policiers, des personnes ayant travaillé dans le domaine pénitentiaire… C’est un travail exigeant, physiquement et psychologiquement, de visiter des prisons, rencontrer des gens détenus. Ce n’est pas la même chose que d’élaborer une législation dans son bureau. En France, le Médiateur de la République préconise une structure légère d’une trentaine de personnes dont cinq chargées des visites. Qu’en pensez-vous ? E.D. : Si seulement cinq personnes sont chargées des visites, cela me semble notoirement insuffisant. Il devra alors faire appel à des experts comme consultants, pour étoffer sensiblement les visites. Mais je ne connais pas les détails. Les seules informations que je possède sont qu’il prévoit un budget de trois millions d’euros, une équipe de trente personnes et jusqu’à 1 000 jours de visites par an. Par rapport aux autres pays d’Europe occidentale, c’est plutôt satisfaisant, même si cela ne veut pas dire que c’est la panacée. Votre guide déconseille aux États de confier les visites et l’examen des plaintes aux mêmes institutions. Pourquoi ? E.D. : Ce double mandat rend difficile l’intervention et la visite. Les responsables et personnels des administrations et les personnes privées de liberté n’auront pas les mêmes attentes, ni les mêmes attitudes, face à un organe chargé d’évaluer les conditions de détention ou d’examiner les plaintes. Il est donc important de distinguer clairement les mandats. Dans les pays qui font malgré tout ce choix, comme la France, il va falloir créer des distinctions très nettes entre le Médiateur-médiation et le Médiateur-contrôle. À défaut, les confusions créées seront dommageables pour tout le monde. Assumer cette dernière mission nécessite également une conversion culturelle au sein de la Médiature et la mise en place d’une façon de travailler tout à fait différente. Propos recueillis par Stéphanie Coye
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX
Le contrôle extérieur des prisons françaises proposé par la Commission Canivet1 était largement inspiré par le modèle anglais. Et pour cause, ce pays s’est doté d’un dispositif unique en Europe en capacité de demander des comptes à l’administration pénitentiaire et d’apporter la transparence nécessaire au monde clos des prisons.
Le modèle anglais comme horizon ? Comme la plupart des pays, l’Angleterre dispose d’une inspection interne au Service des prisons. Mais son originalité, et sa force, résident surtout dans un dispositif de contrôle extérieur et indépendant, progressivement créé et renforcé, aujourd’hui extrêmement complet. Les différentes fonctions – de vérification des conditions de détention et de l’application du droit, d’enquêtes et de règlements des litiges et d’observation – ont ainsi été attribuées à trois organismes, distincts mais se renforçant les uns les autres : l’Inspecteur en chef, l’Ombudsman et les Comités de visiteurs.
Un système multi-pôles La création de l’Inspecteur en chef des prisons remonte à 1980, après qu’un rapport eut, en 1979, préconisé la création d’un corps d’inspecteurs extérieur à l’administration pénitentiaire. Cette instance est en charge du contrôle, par le biais de visites, de la relation existant entre les personnels pénitentiaires et les détenus. Un mandat large qui comprend tant l’application du droit, que le traitement des détenus, la mise en œuvre de la mission de réinsertion, les conditions de détention, de santé et d’hygiène, la gestion de l’établissement, l’état des bâtiments, etc. Nommé pour cinq ans par le gouvernement, l’Inspecteur en chef s’appuie sur une équipe de 41 personnes. Disposant de larges pouvoirs, lui et ses collaborateurs peuvent entrer à tout moment dans n’importe quel établissement, avoir accès à tout document administratif ou encore s’entretenir avec quiconque. L’Ombudsman existe quant à lui depuis 1994. Son instauration fait également suite à un rapport qui avait souligné la nécessité « incontestable » d’ « avoir une personne ou un organisme indépendant chargé d’examiner les griefs » des détenus à l’encontre de l’administration pénitentiaire. Depuis 2004, il a également compétence pour enquêter sur tous les décès survenus en détention, en foyers de probationnaires et dans les lieux de détention des immigrants. Nommé lui aussi pour cinq ans,
il dispose d’une équipe de 85 salariés, qui peuvent, comme les membres de l’inspection, se rendre dans n’importe quel établissement, entendre et correspondre avec tout détenu ou surveillant et obtenir communication de toute documentation, sans que l’administration ne puisse lui opposer un quelconque secret. Enfin, les « Comités de Visiteurs » sont installés auprès de chaque établissement. Composés de 12 à 20 personnes bénévoles, ils ont pour mission de s’assurer du traitement des détenus et de l’état des établissements pénitentiaires et de leur administration, ainsi que de la dimension de médiation. Ils peuvent pour cela visiter, à tout moment, n’importe quelle partie de l’établissement dont ils ont la charge et s’entretenir confidentiellement avec les détenus et les membres du personnel.
Une transparence exemplaire L’existence de ces Comités de Visiteurs symbolise à elle seule une tradition anglaise qui veut que la communauté toute entière soit associée et participe au contrôle des prisons. Ils se définissent d’ailleurs eux mêmes comme « les yeux et les oreilles du public ». Dans ce même esprit, les Inspecteurs et Ombudsmen ne sont pas seulement choisis à l’extérieur de l’administration pénitentiaire, ils sont aussi, et surtout, issus de la société civile. L’actuelle Inspectrice en chef des prisons, Anne Owers, est par exemple une ancienne directrice d’une ONG de défense des droits de l’homme et de promotion de réformes judiciaires. Tout comme l’Ombudsman, Stephen Shaw, qui a dirigé pendant 18 ans l’association Prison Reform Trust. Cette origine constitue une garantie certaine de leur indépendance, et apporte une liberté de ton parfaitement visible dans leurs rapports. En outre, l’information des citoyens sur la situation des prisons entre de façon explicite dans les missions de ces instances. Le caractère public de leurs observations et recommandations joue un rôle fondamental en la matière. L’ensemN°61 Mai-Juin 2007
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dossier ble est d’ailleurs publié et rendu accessible au plus grand nombre, notamment sur Internet2, qu’il s’agisse des rapports de visites ou d’enquêtes, des réponses des administrations, du suivi des recommandations, des rapports annuels, etc. L’Inspecteur, l’Ombudsman ou les Comités de visiteurs sont enfin libres d’intervenir dans les médias et d’organiser des conférences de presse, lorsqu’ils veulent dénoncer certaines situations. Et ainsi exercer toute pression jugée utile sur les autorités.
Une influence certaine…
assurer un suivi effectif et l’audience dont il bénéficie font qu’un grand nombre de ses recommendations sont suivies d’effets.
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En 2000, la Commission Canivet créditait l’Inspecteur et l’Ombudsman d’une « influence considérable ». Présentant le premier comme « un instrument de la modernisation des prisons » en Angleterre, le rapport relevait que son action avait « notamment permis de ramener à un niveau convenable les prisons pour mineurs qui étaient dans un grand état de délabrement, certaines prisons pour femmes dans lesquelles 85 % des surveillants étaient des hommes, ainsi qu’une très grande prison de Londres dont l’Inspecteur [...] avait, à raison de son état déplorable, refusé d’effectuer le contrôle dans un premier temps. » Au fil des années, celui-ci a en effet développé une méthode de travail extrêmement précise et efficace. Chaque visite s’appuie ainsi sur un guide de 210 pages qui permet à ses services de vérifier l’application ou non des droits et normes dans chaque domaine et dans chaque établissement. Ses rapports sont ensuite transmis aux autorités de l’établissement, qui doivent décider d’un plan d’action dans un délai de deux mois. Si l’Inspecteur ne dispose pas de pouvoir d’injonction, sa capacité à assurer un suivi effectif et l’audience dont il bénéficie font cependant qu’un grand nombre de ses recommandations sont suivies d’effets. De son côté, l’Ombudsman permet le règlement de nombreux litiges entre les détenus et l’administration pénitentiaire (gestion des biens et de l’argent, préparation à la sortie, sécurité, violences, etc.). En 2006, ses services ont reçu pas moins de 4 466 plaintes, dont 40 % ont été reconnues comme éligibles et traitées. Selon le rapport Canivet, « 95 % de ces recommandations sont acceptées par l’Administration, le directeur général ayant pris l’engagement de les suivre sauf circonstances exceptionnelles ». Les actions conjointes des deux instances renforcent en outre leurs portées respectives. Sur la question du suicide notamment, comme le souligne le rapport 2005-2006 de l’Inspecteur, ses recommandations en matière de prévention commes les enquêtes menées désormais systématiquement par l’Ombudsman sur les décès en détention ont certainement joué un rôle non négligeable dans la baisse importante du nombre de suicides observée ces dernières années.
effet en capacité que de réaliser une vingtaine de visites de ce type par an, alors que l’Angleterre compte plus de 139 établissements. Quant à l’Ombudsman, son dernier rapport annuel fait état de ses difficultés à répondre aux requêtes des détenus dans le délai prévu de 12 semaines. Ensuite, toutes les recommandations ne sont pas suivies d’effets et de nombreuses prisons restent dans un état déplorable. Une situation qui avait conduit le précédent Inspecteur, David Ramsbotham, à dénoncer dans son rapport annuel de 2001 3 le fait qu’il était considéré par le ministère de l’Intérieur non pas « comme un rapporteur indépendant et objectif de faits, mais comme une inconfortable présence dont l’indépendance doit être réduite ». Surtout, doit être relativisé leur pouvoir d’influence sur l’évolution des politiques pénales et pénitentiaires. La question de la détention des femmes en est un exemple. Si la spécificité de leurs problèmes et la nécessité de mettre en œuvre des mesures particulières sont aujourd’hui largement reconnues, l’Inspecteur regrette dans son rapport annuel 2005-2006 qu’aucune ligne budgétaire ou politique claire n’ait pour autant été développée. Par ailleurs, alors que depuis des années tant l’Inspecteur que l’Ombudsman dénoncent la surpopulation des établissements pénitentiaires, les lois aboutissant à une augmentation des entrées en détention et de la durée des peines n’ont cessé de se succéder, entraînant une augmentation de 20 % de la population carcérale en cinq ans. Sans pour autant être décisif, leur rôle s’avère cependant indispensable, y compris sur la question pénale. Les actions menées depuis des années, notamment de dénonciation et de sensibilisation de la population, ne sont en effet sans doute pas étrangères aux annonces qui viennent d’être faites par le tout nouveau ministre de la Justice, visant à stopper l’inflation carcérale notamment par une meilleure utilisation des alternatives pour les peines de moins d’un an ou par la limitation des possibilités de réincarcération en cas de manquements aux obligations des libérations conditionnelles.
… mais relative
(1) C f. page 14-15.
Bien qu’éminemment positif, notamment en comparaison de la situation française, ce bilan nécessite cependant d’être nuancé. En premier lieu, l’Inspecteur ne parvient toujours pas à atteindre l’objectif d’une visite approfondie de chaque établissement tous les cinq ans. Ses effectifs ne sont en N°61 Mai-Juin 2007
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‘‘ La capacité de l’inspecteur à
Stéphanie Coye et Galatée de Laubadère
(2) h ttp://inspectorates.homeoffice.gov.uk/hmiprisons/ et http://www.ppo. gov.uk/ (3) J usqu’à présent, le Service des prisons était rattaché au Home Office, équivalent du ministère de l’Intérieur. Un ministère de la Justice vient cependant d’être créé, afin notamment de rassembler l’ensemble des moyens du système judiciaire.
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX
Après l’instauration du contrôle en Belgique
Le principe... et la réalité La Belgique s’est récemment dotée d’une loi pénitentiaire instaurant un contrôle externe des prisons. Sur le papier, le dispositif est ouvert à tout citoyen intéressé par la question et fait figure de modèle. En pratique, il souffre encore de nombreuses insuffisances, dues notamment au manque de professionnalisation, mais surtout au peu d’empressement manifesté par le gouvernement pour faire appliquer la nouvelle législation.
À l’instar de la situation qui prévaut en France, l’organisation de l’exécution des peines privatives de liberté en Belgique renvoie à une nébuleuse normative faite essentiellement d’arrêtés et de circulaires au contenu mouvant. Source d’insécurité juridique, cette absence de cadre législatif solide est toutefois en voie d’être comblée depuis le 12 janvier 2005, date à laquelle fut votée une loi de principes relative à l’administration pénitentiaire ainsi qu’au statut juridique du détenu. Outre qu’il fixe les droits des plus de 9 000 détenus du Royaume, ce texte aborde tous les aspects de la détention : capacité d’accueil des prisons, conditions de travail, accès aux soins et à la sécurité sociale, régime disciplinaire, loisirs, relations familiales... Par ailleurs, une quinzaine d’articles organisent le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires ainsi qu’une procédure spécifique de plainte contre les décisions de placement ou de transfèrement.
Une loi pénitentiaire en mal d’application L’adoption de la loi pénitentiaire belge, dite « Loi Dupont »1, est le résultat d’un long et tortueux processus de réforme qui s’est
Plus de 10 ans après ‘‘la “Commission Dupont”, seules quelques dispositions disparates de la loi pénitentiaire sont en application.
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étalé sur plus de dix ans. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est ému en août 2004 de cette lenteur, s’affirmant « préoccupé par le fait que, près de sept ans après la création de la Commission Dupont, l’État partie n’a toujours pas modernisé sa législation pénitentiaire ».2 Qui plus est, adoption n’est pas synonyme d’application. Une cinquantaine d’arrêtés royaux devant encore être votés, seules quelques dispositions disparates sont actuellement en application. « Vu l’ampleur de la tâche, il a été décidé de procéder à l’entrée en vigueur de la loi de principes par phases »3 s’est d’ailleurs défendu le gouvernement belge dans sa réponse au Comité européen de prévention de la torture (CPT) qui l’interrogeait sur la date effective de mise en œuvre de la « Loi Dupont ». Celleci demeurant lettre morte pour l’essentiel, c’est donc toujours le pouvoir exécutif, ministre ou administration, qui organise presque exclusivement la matière de l’exécution des peines, y compris en ce qui concerne le contrôle extérieur des prisons.
Contrôle et droit de plainte Jusqu’en 2003, existait auprès de chaque établissement pénitentiaire une commission administrative en charge de la surveillance du traitement des détenus. Dès 1994, le CPT émit de vives critiques à l’égard du fonctionnement de ce type de structures. Une démarche renouvelée neuf ans plus tard par le Comité contre la torture des Nations Unies qui recommanda « d’améliorer le système de supervision des établissements pénitentiaires en assurant le remplacement des commissions administratives par des organes plus efficaces ».4 La loi de principes a répondu très largement à ces critiques en créant N°61 Mai-Juin 2007
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dossier des instances de contrôle externes et indépendantes de l’administration pénitentiaire et en reconnaissant aux détenus un « droit de plainte ». Pour la Commission Dupont, seule l’association de ces deux axes pouvait garantir les « droits des détenus dans un contexte institutionnel caractérisé par une considérable absence de liberté et par une forte dépendance des détenus, d’une part, et par la structure organisationnelle propre à la prison, d’autre part, contexte dans lequel les intérêts juridiques individuels risquent d’être subordonnés aux intérêts de l’établissement et au primat de la tranquillité, de la sécurité et de l’ordre ». Concrètement, la loi prévoit la création, au niveau national, d’un Conseil central de surveillance pénitentiaire chargé d’exercer « un contrôle indépendant sur les prisons, sur le traitement réservé aux détenus et sur le respect des règles les concernant ». Ce Conseil se saisit soit d’office, soit sur demande du ministre de la Justice à qui il doit adresser ses avis. Il rédige un rapport annuel, rendu public, compilant ses observations et ses recommandations. Au plan local, sont instituées des Commissions de surveillance compétentes pour une ou plusieurs prisons. Outre le contrôle du régime de détention et des dispositions applicables, elles sont investies d’une mission de médiation entre le directeur et les détenus. Chaque Commission doit désigner parmi ses membres un « commissaire du mois » chargé d’organiser une permanence hebdomadaire à disposition des personnes incarcérées. Tant les membres du Conseil que ceux des Commissions ont librement accès à tous les lieux d’un établissement et à tous les documents s’y rapportant, y compris ceux contenant des informations personnelles. Ils ont en outre la possibilité de s’entretenir confidentiellement, par oral ou par écrit, avec les détenus. Par ailleurs, la loi prévoit que chaque Commission de surveillance constitue en son sein une Commission de plaintes auprès de laquelle tout détenu peut introduire un recours contre toute décision prise à son encontre. Quant à lui, le Conseil central se dote d’une Commission d’appel qui examine les recours exercés contre les décisions des Commissions de plaintes.
Les premiers pas Rendu public à l’automne 2006, le premier rapport annuel du Conseil central synthétise l’ensemble des observations réalisées par les différentes commissions. Même s’il s’est longtemps fait attendre, ce rapport a permis d’interpeller l’opinion et les autorités concernées sur un grand nombre de dysfonctionnements. Le Conseil a par exemple fait remarquer que « dans la majorité des établissements, l’équipement de base de la cellule est en bon état pour autant que la cellule soit utilisée par le nombre de détenus prévu ». Et de préciser que
avec la pratique ‘‘de Renouant réformes par voie administrative, le ministère de la Justice a, au travers d’un arrêté du 4 avril 2003, court-circuité la loi de principes avant son adoption. N°61 Mai-Juin 2007
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« ce n’est certainement pas le cas pour la plupart des maisons d’arrêt, confrontées à une surpopulation chronique. Ainsi, dans certaines prisons (Jamioulx, Forest, Verviers), des cellules occupées par deux ou trois détenus ne comptent qu’une seule chaise ». Le rapport a également relevé que « certaines cellules des prisons d’Hoogstraten, de Turnhout, de Forest et de Tournai ne possédaient pas l’équipement sanitaire nécessaire. Dans ces établissements, une partie des détenus sont obligés de faire leurs besoins dans un seau hygiénique dans un coin de la cellule et souvent en présence d’un codétenu ». « Il est évident que cette situation est avilissante », estime le Conseil, qui formule en conclusion une série de recommandations auxquelles les autorités concernées ne sont pas tenues de répondre. Le gouvernement en place s’est toutefois engagé sur plusieurs points lors de réunions associant le ministère de la Justice, les membres du Conseil central et tous les présidents des diverses Commissions. Il est cependant trop tôt pour apprécier l’effectivité et la réalité de ces engagements.
Un dispositif encore incomplet Si le dispositif de contrôle prévu en Belgique ne correspond pas exactement à celui élaboré en France par la Commission
« Les modalités de mises Qui compose les Commissions de surveillance ? Les membres des Commissions sont des citoyens. Chacune doit comprendre au moins un magistrat, un médecin et un avocat. Pour le reste, elles sont ouvertes à tous. Par pragmatisme, nous n’avons pas voulu formaliser les règles de recrutement car les personnes qui se proposent sont moins nombreuses que les places disponibles. Ce sont souvent les présidents de Commission eux-mêmes qui sont amenés à procéder au recrutement et les critères sont davantage liés à une volonté d’investissement, un intérêt pour la question, plutôt qu’à une compétence ou un savoir-faire. Certains établissements ne disposent d’ailleurs pas encore de Commissions. Parmi celles existantes, certaines ne sont pas vraiment opérationnelles faute d’avoir pu recruter des membres à la fois qualifiés et bénévoles. Elles fonctionnent donc comme elles peuvent, incomplètes ou sujettes à un important turn-over. Les personnes y participant à titre bénévole, il n’est pas possible d’être trop exigeant quant à leur investissement. Celui-ci est cependant remarquable. Comment fonctionnent-elles ? Dans un premier temps, les membres des Commissions sont invités à découvrir le milieu pénitentiaire et installer un climat de confiance avec les personnels. Ensuite, le travail de vigilance doit s’effectuer. Il s’agit d’avoir un oeil sur tout. Cela nécessite de prendre le temps de discuter avec les détenus, de les rencontrer en cellule. Les membres doivent avoir accès à tout et peuvent rencontrer tout le monde mais il ne suffit pas de le dire pour que ce soit effectif. La tâche des Commissions
CONTROLE EXTERIEUR : L’HEURE DU CHOIX Canivet5, il distingue néanmoins les trois fonctions essentielles que sont la « vérification », la « médiation » et l’« observation ». Malheureusement, cette architecture ne semble devoir qu’être partiellement mise en œuvre. En effet, renouant avec la pratique de réformes par voie administrative, le ministère de la Justice a, au travers d’un arrêté du 4 avril 2003, court-circuité la loi de principes avant son adoption par le Parlement. Il a certes créé le Conseil central et les Commissions de surveillances mais en les amputant des Commissions de plainte et d’appel. Qui plus est, alors même qu’il était initialement motivé par la nécessité de professionnaliser les commissions administratives, l’arrêté ne prévoit que l’indemnisation des frais de déplacement et de séjour des contrôleurs et non de leurs travaux. En contradiction avec la préconisation de la Commission Dupont. De fait, le contrôle des établissements pénitentiaires repose exclusivement sur les épaules de bénévoles. Or, les différentes missions qui leur sont confiées requiert un tel investissement que l’on peut raisonnablement douter de la mise en pratique de la Commission de plainte telle que prévue par la loi du 12 janvier 2005. Une professionnalisation des membres semble donc pour le moins inévitable. Suite aux critiques émises contre le libellé de certaines dispositions de l’arrêté qui portaient atteinte au caractère indépendant des organes de contrôle, un nouvel
arrêté a rectifié le tir en 2005 mais est resté totalement silencieux sur les questions du droit de plainte et de la professionnalisation. Dans son premier rapport annuel, le Conseil central fait à ce propos remarquer que les organes de surveillance « ne disposent, par exemple, de quasi aucun soutien matériel pour effectuer leurs missions telles qu’elles sont décrites dans la réglementation actuelle et future ». Au contraire de la France, le cadre législatif instaurant le contrôle des prisons existe bel et bien en Belgique. Ambitieux sur le papier, inachevé en pratique, il s’y exerce cependant de façon très parcellaire. Témoignant de la nécessité d’une double volonté politique, celle de prévoir un tel dispositif mais aussi celle de le mettre en œuvre. Julien Nève (1) d u nom du professeur de droit chargé en 1996 de la rédaction de l’avant-projet (2) C omité des droits de l’homme, Quatre-vingt-unième session, Observations finales, 12 août 2004. (3) R éponse du Gouvernement de la Belgique au rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) relatif à sa visite en Belgique du 18 au 27 avril 2005. (4) C onclusions et recommandations du Comité contre la torture : Belgique, CAT/C/CR/30/6, mai 2003. (5) C f. article p. 14-15.
en œuvre n’ont pas été réfléchies » Des bénévoles peu nombreux, sans connaissance du monde carcéral et en équilibre précaire face à l’administration pénitentiaire. Pour Marie-Sophie Devresse, membre du Conseil central de surveillance, les difficultés auxquelles sont confrontées les commissions locales reflètent le manque de réflexion préalable à leur mise en œuvre et la nécessité d’une démarche de professionnalisation. est très complexe, car apparaître comme trop à l’écoute des détenus ou dénoncer des situations ou des personnels comportent un risque, celui de rendre ensuite très difficile l’accès à l’établissement. Il est impossible d’entrer en prison en adoptant une dynamique guerrière. Un équilibre doit être trouvé et c’est ce qui est le plus difficile, me semble-t-il. Pour l’instant, c’est laissé à la diligence de chacun. Or, les gens qui rentrent dans les prisons n’ont pas de formation, et le milieu pénitentiaire est un milieu dur. L’ouverture des prisons aux citoyens est importante mais le manque de professionnalisation me fait être assez critique sur le mode de fonctionnement des Commissions. Que le contrôle soit une responsabilité donnée à la société civile, pourquoi pas, mais à condition de fournir aux intéressés les moyens d’exercer cette mission. Le contrôle a été pensé au niveau du principe mais les modalités de mises en œuvre n’ont pas été réfléchies. Justement, dans le rapport du Conseil central de surveillance, on peut lire que certaines Commissions de surveillance « se sentent trop peu soutenues dans l’exécution de leurs missions »… Des travaux des Commissions remontent un certain nombre d’informations qui sont parfois liées à des situations tragiques.
Hormis les cas les plus graves, il est impossible que toutes débouchent sur une interpellation du ministère. Le Conseil a donc pour tâche de synthétiser et de construire des dossiers thématiques. Cela engendre deux difficultés. D’une part, le travail du Conseil a pour effet de raboter tout ce qui fait la spécificité des établissements. D’autre part, les gens de terrain qui sont face aux détenus et à leurs demandes sont parfois découragés. Ils interpellent mais rien ne bouge très rapidement. Le Conseil fait un travail d’interpellation et de pression au niveau du cabinet du ministre de la Justice et de ses services, notamment via les rencontres mensuelles avec le directeur de l’administration pénitentiaire. Mais cela donne lieu à des prises de décision dont la visibilité n’est pas toujours évidente. Dans ces conditions, pensez-vous que les Commissions des plaintes pourront être instituées ? Non, car leur mise en place requiert des financements, une formation des membres et un éclaircissement des textes sur ce qu’on attend réellement des acteurs de terrain, ce que seront leurs prérogatives, etc. La professionnalisation est absolument nécessaire pour les Commissions des plaintes. Il nous faut des garanties en termes de moyen et de formation avant toute mise en place. Propos recueillis par Julien Nève N°61 Mai-Juin 2007
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en actes Intimités (temporairement) retrouvées La sociologue Cécile Rambourg, enseignant-chercheur à l’École nationale d’administration pénitentiaire, a conduit une enquête sur les conséquences, pour les détenus et les personnels de l’administration pénitentiaire, de l’expérimentation d’unités de visites familiales (UVF) dans les prisons de Rennes et de SaintMartin-de-Ré. Les bénéfices tirés de ces ouvertures par les uns et les autres sont nombreux : restauration d’un espace d’intimité pour les personnes détenues, enrichissement de la relation avec la famille, rencontre dans un espace de relations sociales normales, ou presque. Les UVF permettent ainsi l’accroissement des visites du conjoint et des enfants des hommes et femmes détenus. Les unités de visite familiales sont gérées par des surveillants volontaires et spécialisés, qui, eux aussi, témoignent de l’évolution de leur travail : en percevant la personne détenue non plus seulement par le prisme de relations, parfois conflictuelles, en détention, mais comme une personne responsable inscrite dans des relations familiales et amicales ordinaires. « L’UVF, c’est un autre métier et ça change notre rapport au travail, aux détenus […] Les UVF donnent beaucoup d’enseignement sur le détenu et sur le reste […], on n’a pas la même vision quand on travaille en détention que quand on travaille aux UVF. Même si le détenu est affreux en détention, aux UVF, on voit que ça fait du bien aux familles de le voir, [...] ça change notre approche et ça peut ouvrir les yeux au détenu », témoigne un surveillant. C’est pourquoi, explique Cécile Rambourg, « les UVF contribuent à une réduction des tensions contradictoires et des incertitudes dont souffrent le métier de surveillant et les agents qui l’exercent. La détention et les parloirs sont vécus par les personnes détenues comme des lieux de contrainte et de réduction de l’espace, de l’espace personnel, de la liberté d’échange et de mouvement : quadrillage des espaces, contrôle des déplacements, réglementation du temps, surveillance, promiscuité, absence d’intimité, etc. Aussi, l’absence de surveillance, l’intimité et la liberté de mouvement dans les UVF, sont-elles particulièrement mises en avant et appréciées ». Ces avancées ont leurs limites. D’abord parce que les UVF ne réduisent pas la distance N°61 Mai-Juin 2007
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entre le lieu de détention et le lieu de résidence du visiteur, qui est, rappelle l’enquête, un facteur désastreux de destruction des liens personnels. Ensuite, parce que la vigilance doit être constante pour éviter que les modalités d’octroi de ces visites conservent leurs critères légaux et ne soient pas prises dans le jeu disciplinaire du fonctionnement de la prison. En témoigne ce dialogue entre un directeur et un chef de détention portant sur la nécessité de réduire à 6 heures la durée de la visite familiale d’un détenu suite à une infraction disciplinaire : (chef de détention) : « Excusez-moi monsieur le directeur, mais moi je le redescendrais à 6 heures. » (directeur) : « Il n’y a pas de multiples sanctions, il en a déjà eu à la commission disciplinaire pour son comportement en détention, aux UVF, il a eu une prise de bec avec le surveillant. » (chef de détention) : « Oui, mais le redescendre à 6 heures pour les autres aussi, ça se voit. Là, ça veut dire que quoi qu’on fasse, ça change rien pour les UVF. » (directeur) : « Faites plutôt courir le bruit auprès des autres détenus qu’avec sa sanction, il a perdu trois mois et qu’au lieu d’avoir une UVF trois mois après, il ne l’a que six mois après. » (chef de détention) : « Moi, je dis qu’en plus des dix jours de QD [quartier disciplinaire] qu’il a fait, il devrait redescendre à 6 heures pour les UVF. » (directeur) : « On ne peut pas multiplier les sanctions, et la privation d’UVF n’est pas une sanction disponible pour les procédures disciplinaires. » Éclairant. Enfin, et peut-être surtout, comme le rappelle l’auteure en conclusion, « pour positif que le bilan puisse être, notamment en matière de préparation à la sortie, il ne doit pas conduire à une interprétation trop simple qui substituerait, à terme, les UVF aux permissions de sortir ou aux aménagements de peine. Cette vigilance est nécessaire puisque les UVF, qu’elles soient regardées sous l’angle du respect des droits des détenus, de l’amélioration des conditions de détention ou d’une plus-value des moyens et des modalités de préparation à la sortie, n’occultent pas cependant la question, toujours prégnante, de l’allongement des peines, de la réalité des périodes de sûreté et de l’absence de perspectives de sortie pour les condamnés à perpétuité. » Cécile Rambourg, Les Unités de visite familiale, Nouvelles pratiques, nouveaux liens, Dossiers thématiques, CIRAP, 2007, 102p., www.enap.justice.fr
EN ACTES
Droits comparés
L’autre enfermement
Issu de sa thèse de doctorat, l’ouvrage de droit comparé franco-allemand sur la protection des droits des détenus que publie Isabelle Mansuy est fondamental à double titre. D’abord par le contraste qu’il met en évidence entre une situation française où la vie des détenus n’est pratiquement pas régie par la loi, mais par des règlements intérieurs divers, au mépris de la hiérarchie des normes juridiques, et un droit allemand qui, conçu dans les décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale, s’est donné comme objectif de donner un cadre législatif définissant les droits des personnes privées de liberté. Ensuite, par la confrontation de ces législations différentes à la réalité de la protection des droits. En effet, comme l’explique son préfacier, le professeur Michel Fromont, si l’écart entre les deux pays « est grand sur le plan théorique », « sur le plan pratique, [il est bien] moindre ». En premier lieu parce que la place des circulaires administratives a été réduite, mais non éliminée dans le fonctionnement juridique des prisons allemandes. Ensuite et surtout, parce que, en France comme en Allemagne, et pardelà les différences de textes, le conflit entre l’exercice de la mission de sécurité, la volonté de consacrer la fonction de resocialisation et la nécessité de protéger les personnes contre l’arbitraire est non seulement resté vivant, mais a toujours été réglé au profit exclusif de la sécurité, « véritable objectif de la détention ». C’est pourquoi, si « on ne peut nier que la reconnaissance d’un véritable statut à la personne détenue ne peut qu’améliorer son quotidien et limiter les risques d’abus et les effets désocialisants de l’incarcération », le droit comparé incite à porter le questionnement à la limite même des capacités du droit à transformer le monde carcéral : « Prendre acte que la prison ne peut être totalement démocratique, qu’elle comporte nécessairement certaines atteintes aux droits et que son existence ne peut se justifier que dans un but de neutralisation oblige à réfléchir plus profondément aux personnes auxquelles elle doit s’adresser et pour lesquelles la société est prête à accepter un seuil inférieur de garantie des droits ».
« L’asile ou hôpital psychiatrique protège en réalité la société de ses déviants. Comme la prison, il exclut par l’enfermement ». C’est pour cela que Jacques Lesage de la Haye, ancien prisonnier et militant anticarcéral au sein du Comité d’action des prisonniers, devenu psychologue et toujours dans l’action, s’est penché sur l’histoire d’une autre lutte : celle qui a permis d’entamer, sinon d’achever la suprématie de la réclusion asilaire dans le fonctionnement de la psychiatrie. Son Histoire de l’antipsychiatrie est d’autant plus riche que, au-delà du tableau séculaire de l’appréhension de la folie par les sociétés, elle mêle étroitement réflexion théorique sur les formes et les limites des modes de contestation de l’enfermement, et récit de l’expérience de l’auteur comme psychologue au sein de l’hôpital de VilleEvrard. Celui-ci parle, à son arrivée au début des années 70, de « choc terrible » en face du fonctionnement de l’institution. Dès lors, à distance parfois hostile des psychiatres, il tente d’ouvrir des possibilités nouvelles de dialogues et d’activités au sein de l’hôpital : comité de loisirs, réunion de musique, groupes de yoga, groupes de discussion, organisation de sorties. De ces expériences, souvent conflictuelles avec le fonctionnement de l’institution, parfois difficiles avec des patients violents, Jacques Lesage de la Haye tire des leçons qui sont autant de décalages par rapport à la conception commune de la folie et de la nécessité de l’enfermement. Par exemple, que « les patients sont moins fous que les soignants ne le pensent. Ils sont capables de respecter une règle et de la faire respecter par le groupe ». Ainsi, il jette les bases d’une approche non plus seulement individuelle et médicale mais collective et politique de la thérapie : « Donner une dimension à la thérapie psychopolitique, c’est savoir traiter le patient à l’hôpital et en ville, remettre en cause l’institution violente, ne pas privilégier l’abord psychologique par rapport aux données sociales, lutter à l’intérieur de l’hôpital comme en ville ». C’est pourquoi, conclut-il, « nous avancerons à pas de géants lorsque les patients participeront à l’établissement du diagnostic, des projets thérapeutiques, du traitement, de la post-cure et du retour à la vie active, stable et paisible ». Et, qui sait, si cette politique « du désir et de la liberté » trouvait quelques applications, peut-être écrira-t-on, dans quelques années, l’histoire de la mort de la prison.
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Isabelle Mansuy, La protection des droits des détenus en France et en Allemagne, L’Harmattan, 2007, 371p., 30 euros.
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Jacques Lesage de la Haye, La Mort de l’asile, histoire de l’antipsychiatrie, Editions du Monde libertaire, 2006, 211 p., 10 euros
en actes
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LETTRES OUVERTES
L’expérience du néant « La première chose qui m’a frappé quand je suis “tombé” (l’expression populaire est révélatrice), c’est le fait d’être inoccupé à longueur de journée. Je ne m’attendais pas à avoir à faire face, après le choc de l’incarcération, à l’oisiveté. Le détenu, dépouillé de tout, est dans la situation paradoxale d’être complètement livré à lui-même et d’être à la fois pieds et poings liés, totalement dépendant de l’administration, privé de tout moyen de communication et de bien d’autres “petites choses” que de la simple liberté. L’oisiveté n’est-elle pas ce qu’on peut proposer de pire aux détenus, déjà déconstruits par leur exclusion de la société ? […] Ne croyez-vous pas qu’il importerait plutôt, en visant dès le départ sa réinsertion, que le détenu soit plutôt considéré comme un adulte qui peut assumer ses responsabilités et non comme un moins que rien, tout au plus comme un numéro d’écrou ? L’évolution de ces dernières années ne me semble malheureusement pas aller dans ce sens, puisque les règlements s’enrichissent régulièrement de nouvelles interdictions (concernant l’équipement matériel ou vestimentaire ou concernant les possibilités de mouvement ou d’activités), sans parler de la multiplication des fouilles et autres mises à nu imposées aux détenus alors que les principaux acteurs du trafic que ces fouilles sont censées empêcher, continuent imperturbablement leur “business” […]. Sur un plan purement administratif, que signifie le fait qu’un contrat puisse être signé sans que le déte-
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nu en ait copie et que soit présenté comme obligatoire une cotisation à une association socioculturelle qui pratique un impôt de solidarité pour le moins contestable ? Que signifie le fait qu’une notification officielle ne soit pas remise en mains propres au détenu et que le greffe de l’administration pénitentiaire refuse systématiquement d’en faire une copie (même les travailleurs sociaux n’ont bien souvent pas accès au dossier) ? Que signifie le fait qu’à une question posée par écrit (c’est une modalité pourtant imposée par l’administration) aux responsables de la détention, il ne soit fait aucune réponse ou que, au mieux, celle-ci soit griffonnée sur la lettre du détenu ? […]
impossibilité de téléphoner (ce qui est possible en centre de détention), portes des cellules fermées (alors que je disposais de la clé de ma cellule en centre de détention) et une ambiance évidemment beaucoup plus coercitive. Le cas des autres détenus étant similaire, j’en conclus que l’administration n’accorde aucune attention à ces considérations de parcours carcéral, alors qu’elles ont un effet très direct sur le maintien des liens familiaux dont l’administration dit vouloir tenir compte, et également sur l’application des peines, puisque les conditions d’obtention des permissions et de la conditionnelle sont moins favorables en maison d’arrêt qu’en centre de détention. […]
Le parcours carcéral, dans le sens des différents établissements fréquentés, donne lieu, lui aussi, à un sérieux problème de cohérence et donc de lisibilité. La logique (et la réglementation) voudrait que la maison d’arrêt soit réservée aux prévenus et aux courtes peines. Mon propre parcours montre que les choses sont moins logiques dans la réalité et non dénuées d’une certaine dose de perversité. Après avoir été envoyé en centre de détention quelque mois après mon jugement, je suis actuellement à nouveau en maison d’arrêt en attente de place pour un centre de détention auquel je suis théoriquement affecté en raison d’une demande de rapprochement familial. J’ai le sentiment d’être parqué, vivant assez mal la régression, en termes de condition de détention, que représente un retour durable en maison d’arrêt : parloirs très limités,
Vivre en prison, c’est faire l’expérience du néant. C’est vivre dans un lieu où tout est fait pour vous faire sentir que vous n’êtes rien. C’est l’antichambre de la mort : certains ne le supportent pas. Pour y survivre, il y a plusieurs stratégies, conscientes ou non, que les détenus mettent en œuvre. Insouciance et “je m’en foutisme” sont assez répandus chez les plus immatures, qui donnent l’impression (illusoire ?) d’être là comme ils seraient dans un club de vacances. La drogue est la porte de sortie pour un certain nombre, qu’elle soit licite ou non. Pour la plupart des autres, il s’agit d’attendre que ça passe […]. Pour quelques uns, c’est dans un approfondissement spirituel qu’ils se maintiennent à flot […] » Philippe, détenu en centre pénitentiaire, décembre 2006.
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rapport 2005 : les conditions de détention en France
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OIP/ La Découverte, 2005, 288 p., 20 (hors frais de port)
Commandes Les ouvrages de l’OIP 66 rapport 2005 : les conditions de détention en France 66 rapport 2003 : les conditions de détention en France 66 le guide du prisonnier 66 le guide du sortant de prison La revue Dedans dehors 66 n° 28 « à l’écoute des violences carcérales » 66 n° 29 « loi pénitentiaire : le renoncement » 66 n° 30 « prison asile : le dépotoir de la psychatrie » 66 n° 31 « prison : l’ambivalence des candidats » 66 n° 32 « mineurs : désignés coupables » 66 n° 33 « détenus : précarité sociale et fragilité familiale » 66 n° 34 « toxicomanies : sortir du dogme répressif » 66 n° 35 « liberté d’expression : faire sauter la chape de plomb » 66 n° 36 « bracelet électronique : le miroir aux alouettes » 66 n° 37 « nombre record de détenus : contre la préférence carcérale » 66 n° 38 « rapport Warsmann. alternatives : l’occasion manquée » 66 n° 39 « les prisons françaises en 2003 une descente aux enfers » 66 n° 40 « dix ans après la réforme : la santé toujours incarcérée » 66 n° 41 « loi Perben 2 : vers un raz-de-marée carcéral ? » 66 n° 42 « les dix ans du code pénal : le grand enfermement » 66 n° 43 « rapport CNDS : des pratiques archaïques et médiévales » 66 n° 44 « droits dedans : pour la reconnaissance des droits des détenus » 66 n° 45 « prison : quelle réforme vaut la peine ? » 66 n° 46 « vieillir et mourir en prison » 66 n° 47 « prison : peine du pauvre, pauvre peine » 66 n° 48 « récidive, récidivistes : ne pas se tromper de débat » 66 n° 49 « sécurité renforcée en prison : la fabrique de violences » 66 n° 50 « le rapport Burgelin : le risque de peines de folie » 66 n° 51 « sida en prison : prévenir la maladie, libérer les malades » 66 n° 52 « étrangers en prison : aux confins de l’absurde » 66 n° 53 « nouvelles prisons : du pareil au pire » 66 n° 54 « politiques pénale et pénitentiaire : l’Europe en éclaireur » 66 n° 55 « travail des détenus : à bout de souffle » 66 n° 56 « réforme de la détention provisoire : l’occasion gâchée » 66 n° 57 « affirmer la primauté de l’objectif de réinsertion » 66 n° 58/59 « états généraux de la condition pénitentiaire » 66 n° 60 « les alternatives sortent de l’ombre » 66 n° 61 « contrôle extérieur : l’heure du choix » 66 la série 2001 (du 23 au 28) 66 la série 2002 (du 29 au 34) 66 la série 2003 (du 35 au 40) 66 la série 2004 (du 41 au 46) 66 la série 2005 (du 47 au 52) 66 la série 2006 (du 53 au 58-59) Tous les prix comprennent les frais de port. Pour l’étranger, nous consulter.
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le guide du prisonnier, OIP/ La Découverte, 2004, 576 p., 24 (hors frais de port)
le guide du sortant OIP/ La Découverte, 2006, 416 p., 22 (hors frais de port)
Dedans dehors n°61
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L’OIP en région Les coordinations régionales mènent leur action d’observation et d’alerte au sujet de tous les établissements pénitentiaires de la région concernée, en lien avec les groupes et correspondants locaux présents : Pour contacter les coordinations régionales : Région Ile-de-France François Bès 31, rue des Lilas 75019 Paris 01 44 52 87 95 fax : 01 44 52 88 09 francois.bes@oip.org
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Les groupes et correspondants locaux assurent l’observation et l’alerte de la (les) prison(s) présente(s) dans leur ville, en lien avec les coordinations régionales et le secrétariat national : Pour les contacter vous pouvez joindre le secrétariat national : contact@oip.org ou 01 44 52 87 90 Aix-en-Provence, Agen (Eysses), Aiton, Amiens, Angoulême, Arras, Avignon, Bapaume, Bayonne, Bédenac, Béthune, Bois d’Arcy, Bonneville, Bourg-en-Bresse, Chambéry, Douai, Dunkerque, Fleury-Mérogis, Fresnes, Grenoble (Varces), Laon, Le Puy-en-Velay, Lille, Longuenesse, Lyon, Marseille, Maubeuge, Meaux, Melun, Metz,Nancy, Nanterre, Nîmes, Niort, Osny, Paris La Santé, Poissy, Poitiers, Privas, Rennes, Rochefort, Saintes, Saint-Etienne SaintMartin-de-Ré, Saint-Quentin-Fallavier, Toulon,Toulouse (Seysses), Valence,Valencienne, Versailles, Villefranche-sur-Saône, Villepinte.
Qu’est-ce que l’OIP ? Considérant que l’emprisonnement est une atteinte à la dignité de la personne, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), juridiquement créée en janvier 1996, agit pour la défense des droits fondamentaux et des libertés individuelles des personnes détenues. Que fait l’OIP ? Concrètement, l’OIP dresse et fait connaître l’état des conditions de détention des personnes incarcérées, alerte l’opinion, les pouvoirs publics, les organismes et les organisations concernées sur l’ensemble des manquements observés ; informe les personnes détenues de leurs droits et soutient leurs démarches pour les faire valoir ; favorise l’adoption de lois, règlements et autres mesures propres à garantir la défense de la personne et le respect des droits des détenus ; favorise la diminution du nombre de personnes détenues, la limitation du recours à l’incarcération, la réduction de l’échelle des peines, le développement d’alternatives aux poursuites pénales et de substituts aux sanctions privatives de liberté. Comment agit l’OIP ? Organisation indépendante des pouvoirs publics, l’OIP ne sollicite aucun mandat ou subvention du ministère de la Justice, s’interdit de prendre part à l’action d’aucun gouvernement, de soutenir aucun parti politique ou de prendre position à l’occasion de toute consultation électorale. Pour faciliter la mise en œuvre de ses objectifs, l’Observatoire suscite la création de coordinations régionales et de groupes locaux en charge de l’observation d’un lieu de détention et composés exclusivement de membres de l’OIP.