‘Saisir la réalité’’
Entretien avec Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté
Suicides en détention : 2008, l’année critique Nouvelles réformes pénales, nouveaux tours de vis sécuritaires Prisons de sécurité « supermax » aux USA : la dérive disciplinaire
Observatoire international des prisons Section française
5 € N°66 Novembre 2008
EDITORIAL
À nos lecteurs Dedans Dehors n’a pas paru pendant plusieurs mois. Ce qui exige pour le moins des excuses de notre part et des explications. Elles sont multiples. D’abord, le contexte particulier des prisons françaises, marqué depuis le début de cette année par une aggravation notable des conditions de vie derrière les murs et par une succession d’événements dramatiques. L’essentiel de l’énergie et du temps du secrétariat national de l’OIP a dû être mobilisé pour répondre aux sollicitations de plus en plus nombreuses des détenus, de leurs proches, mais aussi des médias. Ensuite, l’actualité du processus d’élaboration et de présentation de la loi pénitentiaire. Ce texte n’a pas seulement subi maints reports de la part du gouvernement, il a aussi considérablement varié dans son contenu au fils des mois. Ce qui a largement complexifié la démarche d’analyse de ses tenants et aboutissants à laquelle nous nous étions astreints, et a rendu impossible toute publication de nos commentaires, certains s’avérant obsolètes au moment même où ils étaient prêts à paraître. La situation actuelle semble s’être enfin stabilisée, même si le projet de loi adopté en conseil des ministres au cœur de l’été n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, où il a été déposé. L’annonce d’un examen au premier trimestre de 2009 sera-t-elle suivie de plus d’effet que les précédentes ? Nul ne sait. Mais, ce que nous savons en revanche maintenant avec certitude, c’est tout ce qu’il faut renoncer à attendre - et au contraire redouter - de la réforme promue par le ministère de la Justice. Bien loin des engagements - pourtant minimalistes - pris par Nicolas Sarkozy auprès des États généraux de la condition pénitentiaire, Rachida Dati réussit en outre le tour de force de prendre le contre-pied absolu de la lettre et de l’esprit des règles pénitentiaires européennes. Qu’il soit proposé au Parlement un texte qui entend vider de toute substance effective les droits des détenus et offrir un cadre légal à la dérive sécuritaire de l’administration pénitentiaire choque l’entendement. Nous y reviendrons longuement dans les prochains Dedans Dehors, au travers de plusieurs dossiers consacrés aux enjeux d’une réforme des prisons digne de ce nom et à l’analyse de ce projet de loi pénitentiaire. Le prochain numéro abordera ainsi les conditions matérielles de détention (surpopulation, encellulement individuel, maintien des condamnés en maisons d’arrêt, etc.) ainsi que le volet pénal de la loi pénitentiaire (alternatives et aménagements de peine). Seront traitées ensuite les questions de réinsertion (travail, formation professionnelle, support d’engagement, etc.) et de santé (somatique et psychiatrique). Enfin, un dernier numéro sera consacré aux thématiques touchant à la classification des détenus selon leur dangerosité, la différenciation des régimes de détention, les dispositifs de contrainte et de sécurité et le disciplinaire. En attendant, celui que vous avez entre les mains revient sur l’actualité des derniers mois. Nous vous souhaitons une bonne lecture. À très bientôt ! La rédaction de Dedans Dehors Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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SOMMAIRE 3 Actu « Saisir la réalité », entretien avec Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté Suicides en détention : 2008, l’année critique Suicide d’une personne psychotique au quartier disciplinaire : La Cour européenne condamne la France Nouvelles réformes pénales, nouveaux tours de vis sécuritaires Parcours d’un paraplégique incarcéré : Handicap en souffrance 17 De facto : La famille d’un détenu tenue dans l’ignorance de son état critique ; Examen médical intime sous l’œil d’un surveillant ; Enterrement définitif des grâces présidentielles ; L’Académie de médecine réclame l’application stricte et immédiate de la loi de 1994 ; etc.
22 Entretien
Prisons de sécurité « supermax » aux USA, la dérive disciplinaire, entretien avec Lorna Rhodes, sociologue américaine
24 En droit Le Conseil d’État encadre les fouilles intégrales répétées… ; et annule partiellement le décret sur l’isolement ; Une voie de recours ouverte pour les DPS ; Isolement abusif : la justice indemnise un détenu
DEDANS DEHORS publication bimestrielle de la section française de l’Observatoire international des prisons, association loi 1901, 7 bis, rue Riquet, 75019 Paris, Tél.: 01 44 52 87 90, Fax: 01 44 52 88 09, e-mail : contact@oip.org Internet : http://www.oip.org Directrice de la publication : Martine Joanin Rédaction en chef : Stéphanie Coye et Patrick Marest Rédaction : Jean Bérard, Carolina Boe, Stéphanie Coye, Patrick Marest, Hugues de Suremain. Secrétariat de rédaction : Stéphanie Coye, Anne Fellmann, Pascale Poussin. Identité graphique : MG., L.D.<dlaranjeira@caramail.com> Maquette : Claude Cardot/Vélo Photos : Nicole Crémon, Sébastien Sindeu. Remerciements à : Agence VU, Editing, L’oeil public Impression : Imprimerie Expressions 2-GP, 10 bis, rue Bisson, 75020 Paris Tél. : 01 43 58 26 26 ISSN : 1276-6038 numéro CPPAP en cours Diffusion sur abonnement au prix annuel de 30 € Prix au numéro : 5 € Couverture : Olivier Aubert
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contrôleur général des lieux de privation de liberté
« Saisir la réalité de lieux qui ne livrent pas toujours leurs secrets » Jean-Marie Delarue est le premier contrôleur général des lieux de privation de liberté. La qualité et l’autorité des travaux de la Commission de suivi de la détention provisoire qu’il présidait depuis 2000 auguraient de sa volonté de créer une institution soucieuse de son indépendance et de l’efficacité de ses actions. Nommé en juin dernier, opérationnel depuis juillet, il présente sa conception du contrôle et le sens de sa démarche. Pouvez-vous expliquer ce qu’est votre institution ? Jean-Marie Delarue : Le contrôleur général des lieux de privation de liberté doit vérifier, notamment par le biais de visites, que chaque personne qui n’est pas libre – c’est-à-dire les détenus, mais aussi les personnes gardées à vue, les étrangers retenus, les malades hospitalisés en milieu psychiatrique – est traitée avec dignité. C’est-à-dire qu’elle n’est ni l’objet de la part du personnel, quel qu’il soit, de comportements contraires à ses droits essentiels, ni victime du fonctionnement de ces lieux ou des règles qui y sont applicables. Et cela, même dans les endroits où elle se trouve momentanément – par exemple, pour les détenus, le quartier d’isolement, l’atelier s’ils travaillent, l’hôpital où ils sont soignés, etc.
étant, à mes yeux, autant de points d’appui à des réformes substantielles. En effet, ma conviction D.R. profonde est qu’on ne saurait en rester pour la prison, ou pour les autres établissements où l’on n’est pas libre, à la situation actuelle. Pour parvenir à ces recommandations, je tiens compte évidemment de toutes les informations dont je dispose, en particulier les saisines des détenus, des malades, des étrangers, etc. Mais je les tire surtout des visites, qui constituent pour moi la source essentielle. Il faut parvenir évidemment, à l’occasion de chaque visite, à saisir la réalité de ces lieux qui ne livrent pas toujours leurs secrets.
Quel est l’intérêt de votre institution par rapport aux contrôles existants ? J.-M. D. : La nouveauté de cette institution réside dans son indépendance. Les établissements pénitentiaires sont déjà l’objet de contrôles, mais aucun de ceux-ci ne se fait dans une totale liberté vis-à-vis des autorités publiques, à l’exception de certaines institutions telles que le Médiateur de la République. En outre, mon rôle n’est pas seulement de régler les conséquences du mal qui serait survenu, mais surtout de le prévenir, autrement dit de faire évoluer la prison, l’hôpital, le centre de rétention, le commissariat, pour qu’ils présentent les garanties d’un traitement humain des personnes. Le contrôleur général adresse pour cela aux autorités politiques des recommandations, celles-ci
Vous pensiez au départ que le « handicap majeur » du contrôleur serait d’« obtenir des informations fiables et vérifiables sur ces lieux ». Est-ce effectivement le cas ? J.-M. D. : Sans doute ces secrets n’ont pas tous été levés au cours des visites que nous avons déjà effectuées. Mais j’ai la conviction que nous avons progressé depuis notre toute première visite en juillet. Et sans prétendre à la perfection, j’espère que nous saisissons l’essentiel. Quoiqu’il en soit, je veux clairement dire ici que la vérité, si elle doit être établie, passera par la confiance que nous ferons les uns et les autres, détenus comme personnels, pour nous dire leur vie, avec ce qu’elle a de souffrance, de difficultés, de révolte aussi. Je sais que, sur ce point, la privation de liberté n’est pas avare. Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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« Ma conviction profonde est qu’on ne saurait en rester pour la prison à la situation actuelle. » Comment procédez-vous lors des visites ? J.-M. D. : La méthode élaborée comporte quelques éléments qui sont pour moi décisifs. Le premier est la possibilité pour le contrôleur d’aller où il veut, sans être accompagné, de se faire communiquer tous les documents qu’il souhaite obtenir, sans que l’administration puisse refuser, à toute heure, à toute époque, éventuellement sans prévenir. Le deuxième est le temps : il faut en effet passer du temps, c’est-à-dire plusieurs jours, à plusieurs, dans un établissement pour en connaître la réalité ; et si les choses sont plus compliquées que prévu, nous restons davantage ; sur ce point, nous sommes soumis au seul calendrier de la recherche de la vérité. Le troisième est le processus contradictoire : nous sommes libres d’entendre qui nous voulons, de manière absolument confidentielle, et nous sommes par ailleurs tenus au secret professionnel. Par conséquent, à chaque visite, nous entendons tous ceux qui souhaitent évidemment être entendus ; c’est pour cette raison que nous demandons à la direction, lorsqu’elle est prévenue quelques jours à l’avance, d’avertir les personnes privées de liberté de notre venue. Sous réserve de leur accord, nous entendons également les personnes qui ne l’ont pas demandé, quelle que soit leur situation, ainsi que, toujours confidentiellement, les membres du personnel, des personnes extérieures (pour les prisons des visiteurs, des médecins,
des membres des familles venant au parloir, etc.), de manière à nous faire une idée plus précise. Ceux que nous entendons doivent être suffisamment nombreux pour que notre source d’information, que nous gardons évidemment secrète, ne puisse être identifiée : c’est la seule manière de pouvoir parler librement. Ce que nous disent les uns et les autres sert ensuite à voir et comprendre les lieux et leur fonctionnement. Les contacts peuvent d’ailleurs se prolonger au-delà de la visite, par de nouveaux entretiens ou des correspondances supplémentaires. Enfin, le quatrième élément est l’élaboration par nous de grilles d’analyse qui nous aident à ne rien oublier dans une visite. Adaptées à chaque type d’établissement, elles nous permettent de faire une description méthodique des lieux, de manière très précise, et de parvenir à un constat parfaitement « neutre » de leur état et de la vie qui s’y déroule. Cette méthode n’est cependant pas figée et se perfectionnera au fil de notre expérience. Comment avez-vous constitué votre équipe ? J.-M. D. : J’ai souhaité avoir des personnes ayant des expériences concrètes et différenciées des lieux que le contrôle général doit visiter. C’est la raison pour laquelle au sein de l’équipe, la moyenne d’âge est relativement élevée et les opinions diverses. Mais tous sont tenus aux mêmes exigences de méthode et de
contrôleur, mode d’emploi Jean-Marie Delarue a été nommé pour six ans contrôleur général en juin 2008. Âgé de 63 ans, ce conseiller d’État a été notamment le collaborateur des ministres socialistes Jacques Delors et Michel Delebarre, Délégué interministériel à la Ville ou encore Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’Intérieur. Au moment de sa nomination, il était président de la Commission nationale de suivi de la détention provisoire. Son équipe est constituée de 12 contrôleurs à temps-plein et de 10 vacataires, parmi lesquels des personnels pénitentiaires, un commissaire de police, un officier de gendarmerie, des magistrats, des médecins, des membres d’associations, etc. Sa mission consiste, aux termes de la loi du 30 octobre 2007 (n°2007-1545), à « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux ». Ce qui implique, aux yeux de Jean-Marie Delarue, à la fois de vérifier qu’elles sont traitées avec dignité, mais également de prévenir les atteintes à leurs droits, en faisant évoluer les lieux privatifs de liberté pour qu’ils présentent les garanties d’un traitement humain. Il peut pour cela visiter l’ensemble des lieux privatifs de liberté (établissements pénitentiaires, Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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locaux de garde à vue, centres de rétention et zones d’attente, hôpitaux psychiatriques, etc.), entendre toute personne et demander communication de tout document. À l’issue de ces visites, un rapport et des recommandations sont envoyés aux autorités, que le contrôleur peut rendre publics s’il l’estime nécessaire. Peuvent lui écrire toute personne physique (personne détenue, proche, avocat, intervenant, etc.), ainsi que toute personne morale agissant dans le domaine des droits de l’homme, sur tout problème mettant en cause les droits de la personne (transfert, travail, soins, etc.), à l’exception de ceux relevant d’une procédure pénale ou d’une décision judiciaire. Le contrôleur peut ensuite s’autosaisir des dysfonctionnements sur lesquels il a été informé, soit par le biais de visites, soit en prenant contact avec les autorités pour régler le problème. Les informations sont également classifiées pour affiner sa connaissance des établissements. Son adresse provisoire est 35 rue Saint-Dominique, 75007 Paris, puis, à compter du 20 décembre : 16 quai de la Loire, 75019 Paris. Les personnes détenues peuvent lui écrire sous pli fermé, sans qu’un quelconque contrôle puisse être exercé par l’administration pénitentiaire.
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déontologie strictes. Je le leur ai dit. Ils savent que c’est la condition de leur maintien au sein du contrôle général. Sur ce point, les contrôleurs issus de l’administration pénitentiaire ne se distinguent pas des autres. Tenus au même secret professionnel, ils doivent inspirer la même confiance, d’autant plus que nous prenons la précaution d’entendre nos interlocuteurs toujours à deux contrôleurs. Les propos qui se sont tenus ne peuvent être ni trahis, ni édulcorés. En tout, une vingtaine d’équivalents temps plein permettent de composer quatre équipes opérant simultanément sur différents points du territoire. Leur nombre et leur composition diffèrent pour chaque visite. J’y vois une garantie d’acuité du regard et de l’ouïe et aussi une garantie dans l’établissement des rapports. Combien allez-vous effectuer de visites ? J.-M. D. : Nous avons fait des prévisions de l’ordre de 150 visites par an, tous établissements confondus. Mais je sacrifierai ce nombre au temps nécessaire dans chaque établissement pour en avoir une idée aussi exhaustive que possible. Il est possible que, par conséquent, si nous passons plus de temps dans chaque établissement, nous revoyions l’objectif un peu à la baisse. En même temps, il faut assurer un nombre de visites pour voir toutes les personnes qui souhaitent nous rencontrer et faire des recommandations suffisamment précises et générales. Donc l’objectif sera défini au fil des mois en tenant compte de cette double exigence. Vous êtes vous inspiré d’autres contrôles existant, en France ou ailleurs ? J.-M. D. : Il n’est pas question de perdre du temps, de refaire le monde. Nous avons donc évidemment tenu compte des expériences d’organismes qui ont existé avant nous – je pense au Comité européen de prévention de la torture – mais aussi de celle d’associations qui ont déjà beaucoup travaillé dans le domaine, telle que, pour la prison, l’OIP. Mais, bien entendu, chacun poursuit un but différent, et notre méthode doit servir aux buts pour lesquels nous avons été institués. Si nous nous aidons de l’expérience des autres, nous ne sommes donc pas tenus de faire pareil. Les associations sont également un élément majeur de la connaissance que je dois avoir des établissements. Par conséquent, j’ai pris contact avec la plupart d’entre elles pour que nous trouvions, dans le respect strict de l’indépendance de chacun – pas d’instrumentalisation surtout – les moyens d’enrichir le travail du contrôleur général. Comment votre institution est-elle accueillie par les administrations que vous contrôlez ? J.-M. D. : Dans le mois qui a suivi ma nomination, j’ai pris contact avec les différents ministres concernés afin de m’assurer que les administrations me laisseraient travailler en toute liberté. Tous se sont engagés sur ce point. Je voulais aussi m’assurer qu’ils me donneraient, comme prévu, accès à tous les documents dont je pouvais avoir besoin ; j’ai obtenu les mêmes garanties. Enfin, j’avais besoin dans leur entourage immédiat d’un correspondant avec lequel je pourrais entrer en relations aussi souvent que
nécessaire. Je l’ai obtenu partout. À cet égard, l’administration pénitentiaire ne se distingue pas des autres. Je reçois tout ce dont j’ai besoin. Et au niveau local ? J.-M. D. : Jusqu’alors, à quelques détail près, la venue des contrôleurs n’a suscité aucune réserve, et nous avons été accueillis dans les conditions que nous souhaitions. Et si des difficultés devaient surgir, la loi me donne les moyens de les régler. Dans toutes les prisons où la visite avait été programmée quelques jours à l’avance, l’information avait été donnée aux détenus et des demandes d’entretien existaient. Il est vraisemblable cependant que nous allons renforcer cette information. Nous y réfléchissons. Prévenez-vous systématiquement de votre venue ? J.-M. D. : Nous n’avons pas encore fait de visites totalement inopinées, mais les délais pour avertir de notre venue ont été dans plusieurs cas très réduits. L’intérêt d’annoncer à l’avance les visites est d’une part de pouvoir demander des documents à l’autorité gestionnaire, d’autre part d’exiger d’elle qu’elle prévienne, dans le cas de la pénitentiaire, les détenus et les surveillants de notre venue. Et cette double dimension est importante. Pour le second aspect, parce qu’elle facilite les contacts qui sont la source d’informations essentielle ; pour le premier, parce qu’elle nous aide à définir l’approche que nous devons avoir de l’établissement, à éviter de nous y rendre « à l’aveugle ». Mais, bien entendu, dans le cours de la visite, il faut rester absolument ouvert à toute évolution dans le questionnement. Je n’écarte cependant rien dans ce domaine et n’exclus nullement une visite inopinée. À chaque situation sa solution.
« Le contrôleur peut aller où il veut, sans être accompagné, se faire communiquer tous les documents qu’il souhaite, à toute heure, à toute époque, éventuellement sans prévenir. » Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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« Plus les contacts entre personnes privées de liberté et contrôleur général se banaliseront, mieux les choses se passeront. » Vous avez prévu d’envoyer un rapport aux administrations afin qu’elles puissent corriger les erreurs. Quel est l’intérêt de cette démarche ? J.-M. D. : Un rapport préliminaire est effectivement envoyé deux à trois semaines après une visite à l’établissement. Purement factuel, il vise à parfaire le contradictoire en permettant de corriger telle ou telle donnée matérielle qui ne serait pas conforme à la réalité : sur la surface d’une pièce, le nombre de manifestations socio-culturelles, etc. Mais il ne contient aucune appréciation de fond. Il n’engage le contrôle général que sur la description des lieux, mais nullement sur leur fonctionnement et la manière dont les uns et les autres le vivent. Autrement dit, il s’agit d’éviter les erreurs de fait et non pas de remettre en cause les opinions portées par les personnes entendues – qu’il n’appartient pas d’ailleurs, cela va de soi, à la direction de connaître. Les appréciations faites par le contrôle général sont en revanche incluses dans le rapport définitif, que nous envoyons aux ministres intéressés, pour recueillir leurs observations avant, nous-mêmes, de publier éventuellement des recommandations. Qui peut saisir le contrôleur, et comment ? J.-M. D. : Toute personne physique et toute personne morale dont l’objet est de défendre les droits de l’homme, sans besoin, au contraire d’autres institutions de passer par l’intermédiaire d’un député ou d’un sénateur. En clair, n’importe qui peut me saisir. La personne qui n’est pas libre évidemment, en premier lieu ; à cet égard, je rappelle que le code de procédure pénale a été modifié de telle sorte que la correspondance des détenus adressée au contrôle général ne peut être ouverte, même si je n’ignore pas certaines difficultés. Peuvent envoyer aussi des courriers d’alarme les membres de la famille, un avocat, un visiteur, un enseignant exerçant dans une prison, ou même un détenu au profit d’un autre détenu. Aucune forme particulière n’est nécessaire. Notre adresse doit être connue et diffusée : 35 rue Saint-Dominique, 75007 Paris ; à compter du 20 décembre, 16 quai de la Loire, 75019 Paris. Dans quels cas peut-on vous saisir ? J.-M. D. : Peut faire l’objet d’une saisine tout ce qui met en cause les droits de la personne. Ce peut être la séparation de la vie familiale (affectation) ; le délai d’attente pour obtenir une libération conditionnelle ; les conditions de travail en détention ; l’insuffisance de soins, etc. Je reprends là les thèmes principaux du courrier que nous recevons. Je pense aussi à la saisine d’une parente d’un détenu qui n’avait pas accès au parloir parce qu’une prothèse cardiaque l’empêchait de passer sous le portique de sécurité. En revanche, le contrôle général ne peut pas interférer avec une procédure pénale, ni contester – il y a des voies de recours pour cela – les décisions d’un juge. Notre objet essentiel, c’est la vie – pour les établissements pénitentiaiDedans Dehors N°66 Novembre 2008
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res – en détention et le contact avec l’extérieur : le dedans et le dehors, par conséquent. Que faites-vous de ces saisines ? J.-M. D. : Nous avons à en faire trois choses. En premier lieu, régler le problème posé si cela est possible, en relation avec toutes les personnes utiles, en général la direction de l’établissement. Ensuite, enregistrer les éléments qui nous sont ainsi donnés comme informations sur la vie de l’établissement qui est en cause. À terme, ces éléments seront un des motifs qui déclencheront une visite – ne serait-ce que parce que des détenus nous écrivent leur souhait de rencontrer un contrôleur, et je n’ai pas envie de décevoir cette attente. Enfin, chercher dans ce cas individuel ce qui témoigne d’un dysfonctionnement plus général : je reprends l’exemple de cette femme qui ne pouvait pas passer le portique de sécurité ; si on règle son problème, la question de l’accès au parloir de familiers handicapés à un titre ou à un autre doit être réglé lui aussi. Que faites-vous en cas de situations graves ? J.-M. D. : Pour les situations graves et urgentes, il faut évidemment les traiter plus rapidement. Mais sans modifier la méthode. Si une lettre fait état de dysfonctionnements graves, évidemment la visite aura d’autant plus de chances de se produire, éventuellement sans préavis. Pour l’instant, nous avons été saisis de faits inacceptables plus souvent au cours des visites que par courrier. Je n’écarte a priori aucune démarche qui serait nécessaire. Il faut cependant mettre à part le cas de violences qui surviendraient de la part des personnels. Il existe à cet égard une institution particulière, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui règle ce genre de dossiers. Je me suis déjà rapproché de celle-ci pour que celui de nous deux qui est saisi à tort renvoie le dossier à l’autre. Quelles précautions prenez-vous pour protéger les personnes qui vous écrivent ? J.-M. D. : Comme je l’ai dit, il faut prendre certaines précautions pour que la personne soit libre de nous dire, oralement ou par écrit, ce dont elle est victime. J’y suis très attaché : toute personne peut intervenir pour une autre ; le courrier est confidentiel, et je peux venir vérifier qu’il l’est effectivement ; les visites doivent me renseigner, à terme, sur les suites à donner ou non aux échanges de courrier ; les intervenants extérieurs peuvent témoigner auprès de moi. Chaque dossier que nous recevons est traité séparément et laisse une trace, de manière rigoureusement confidentielle. Nous savons à quel moment nous avons été saisis d’une difficulté. À partir de là, nous sommes prêts à reprendre le contact à chaque instant, avec la personne ou avec toute autre qui la représente. Et s’il faut faire une visite particulière et rapide dans un établissement pour vérifier que les choses se passent
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bien, nous le ferons. Plus les contacts entre personnes privées de liberté et contrôleur général se banaliseront, mieux les choses se passeront. Quelles sont vos premières appréciations ? J.-M. D. : Nous venons d’envoyer aux ministres responsables nos premiers rapports et ils ont un délai de plusieurs semaines pour nous répondre. Je ne peux donc, avant qu’ils aient produit leurs observations, faire connaître nos constatations et recommandations. Ce que je peux dire sur la prison, comme chacun peut en faire le constat, c’est que la situation reste difficile et douloureuse, non seulement du fait de la surpopulation, qui aggrave évidemment de manière très sensible les difficultés du fonctionnement pénitentiaire, mais aussi compte tenu du fait que ce qu’on dépeint parfois comme une évolution positive de l’incarcération concerne en réalité une marge des personnes incarcérées. Je suis attentif évidemment à ceux qui ne bénéficient d’aucune prestation, à ceux qui ne sortent pas de leur cellule, aux « sorties sèches », à ceux qui n’ont pas de visite, à ceux qui protestent à travers leur corps. Plusieurs événements graves ont eu lieu dans différents établissements depuis votre prise de fonction. Enquêtezvous sur ces faits ? J.-M. D. : Le premier s’est produit au centre de rétention de Vincennes, qui a brûlé en partie le dimanche 22 juin dernier. La solution de ces évènements, qui ne sont pas dans leur origine immédiate le fruit d’un dysfonctionnement de l’administration mais tout au contraire le résultat d’une protestation des étrangers retenus, revient aux responsables du centre. En revanche, ces évènements m’intéressent en ce qu’ils témoignent d’un sentiment de colère, de frustration, de souffrance. C’est pourquoi il me revient d’analyser aussi précisément que possible les causes moins immédiates de leur survenue. J’ai donc demandé un document au préfet de police – qui me l’a fourni – mais, conformément au processus contradictoire que j’évoquais tout à l’heure, j’ai demandé à d’autres sources (associative, personnes présentes ce jour-là dans le centre) leur description du déroulement de l’incendie et surtout de ses causes. Toutes ces sources m’ont été précieuses. Elles m’aident à enrichir la connaissance que j’ai des lieux ; je m’en servirai lors d’une visite ou à l’occasion d’une saisine écrite. Ce travail n’est donc pas un élément d’utilisation immédiate que je pourrai publier, mais quelque chose d’indispensable à la vision que l’on doit avoir du lieu en cause. Lors de votre nomination, vous disiez vouloir communiquer largement sur vos observations mais, depuis, vous avez laissé entendre que seules les recommandations d’ordre général seraient rendues publiques. Qu’en est-t-il ? J.-M. D. : La question de la publicité des rapports de visite n’est pas tranchée. Mais je souhaite pour ma part beaucoup de transparence de notre travail, pour autant bien entendu que le secret professionnel n’est pas en cause. Le contenu du rapport annuel reprendra évidemment les rapports de visite et mettra sans doute
l’accent sur tel ou tel thème d’ordre général. Les cas particuliers ne me paraissent pas devoir en faire l’objet, sauf à compromettre la discrétion qui s’impose. Mais, je l’ai dit, dès lors qu’une situation individuelle reflète une difficulté plus large, une attention et une publicité particulière lui sera donnée. Interviendrez-vous dans les débats sur la loi pénitentiaire ? J.-M. D. : La loi pénitentiaire est une occasion de mettre ces questions en débat, mais il n’appartient pas au contrôleur général de prendre position sur ses défauts ou ses mérites. C’est la responsabilité politique du gouvernement. En revanche, des recommandations qui seront faites à l’avenir se déduira la lecture que je fais de la réalité pénitentiaire. C’est par ces recommandations que je me dois d’être un acteur de l’évolution nécessaire de cette réalité. Propos recueillis par Stéphanie Coye
une institution en sursis ? Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a-t-il une durée de vie limitée ? La question se pose depuis que la loi sur la réforme des institutions, votée cet été, a créé un Défenseur des droits des citoyens, chargé de recueillir les réclamations de « toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ». L’instauration de cette institution reprend une proposition du « Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République », qui estimait que la multiplication des autorités administratives indépendantes entraînait « une dilution des responsabilités qui est par elle-même préjudiciable aux droits des citoyens ». Aussi préconisait-il de leur substituer une instance unique. Ce qu’a fait la loi sur la réforme des institutions. Selon l’exposé des motifs de ce texte, son « périmètre d’intervention sera déterminé selon une approche pragmatique et progressive », mais d’ores et déjà était émise la possibilité que soient reprises, « dans un premier temps », outre les attributions du Médiateur de la République, celles « du contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la commission nationale de déontologie de la sécurité ». Depuis, face au tollé suscité, le gouvernement a fait partiellement marche arrière. Sans apporter de garanties concernant la Commission nationale de déontologie de la sécurité, Rachida Dati a affirmé que, pour ce qui est du contrôleur, la question de sa fusion avec le Défenseur des droits des citoyens ne se poserait qu’« à la fin du mandat [de Jean-Marie Delarue] ». Un sursis de six ans, donc. (OIP)
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Suicides en détention
2008, l’année critique 2008 sera sans conteste une année noire. Au 20 novembre, une centaine de suicides avaient en effet déjà eu lieu dans les prisons françaises depuis le 1er janvier, dont trois adolescents (cf. page suivante). Autant d’événements dramatiques pour ces personnes, pour leurs proches, pour leurs codétenus et pour les personnels, mais qui sont pourtant minimisés par la Chancellerie. Lors de son audition par la Commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances de 2009, le 28 octobre dernier, Rachida Dati s’est ainsi inscrite en faux contre « l’impression qu’on est dans des pics de suicides jamais atteints ». « Ce n’est pas vrai » a-t-elle expliqué. « On a connu pire malheureusement », citant le « pic de suicides extrêmement important » de 1999, « en 2000 également, en 2002… ». Et d’ajouter : « le suicide a diminué depuis cinq ans. C’est important de le rappeler ». Face à cette succession d’imprécisions et de contrevérités, il est tout aussi important de se remettre en mémoire plusieurs points. C’est en 1996 qu’ont été dénombrés 138 suicides, chiffre record. Si une baisse est bien intervenue entre 2003 et 2006 (passant de 120 suicides à 93), elle a malheureusement laissé place à une nouvelle phase de hausse. L’année 2007 s’est close avec 96 suicides et on sait malheureusement déjà que le total de 2008 lui sera largement supérieur. Annoncé en décembre 2003 au moment de la remise du rapport de Jean-Louis Terra, chargé d’une mission sur la prévention du suicide en milieu carcéral, 2 l’objectif d’une diminution de 20 % en cinq ans des suicides ne sera donc pas atteint. On attendait de la Chancellerie une réponse à la hauteur de l’enjeu et de la souffrance exprimée par ces gestes. Il n’en est rien.
Une politique de prévention des suicides indigente En réaction, trois mesures ont été prises par la ministre de la Justice. Ou plutôt faudrait-il dire reconduites, car elles existent déjà depuis des années. La première est la mise en œuvre de « rondes Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Alors même que le nombre de suicides est reparti à la hausse, la vague de décès survenus au début de l’automne illustre les insuffisances et les carences de la politique de prévention mise en œuvre depuis cinq ans. Le constat dressé par le commissaire européen aux droits de l’homme va même plus loin. Pour lui, « le nombre élevé de suicides dans les prisons françaises est un symptôme des déficiences structurelles du 1 système pénitentiaire ».
spéciales pour surveiller des détenus particulièrement fragiles » ; la deuxième est de « mettre un détenu avec un autre », parce qu’ainsi « la personne se sent moins seule » ; la troisième, enfin, est « l’interphonie à l’intérieur des cellules », dont Rachida Dati a souligné l’intérêt après une visite de Fleury-Mérogis (Essonne). « L’interphonie est extrêmement importante, notamment pour que le codétenu puisse appeler en cas de difficultés, parce que ça n’existait pas », a-t-elle expliqué devant la Commission des lois, ajoutant qu’elle « va être développée et généralisée dans pratiquement tous les établissements ». Une telle réponse, qui revient à une absence de réponse, révèle que ni la ministre, ni la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) n’ont pris la réelle dimension du problème. Sans compter que des démarches comme le doublement des cellules ou, dans une moindre mesure, l’interphonie, reviennent à rendre le codétenu responsable de la sécurité d’un autre, en lieu et place de l’État, ce qui est inacceptable. Si un enseignement doit être tiré de l’évolution du nombre des suicides sur les dernières années, c’est bien que la politique de prévention menée n’est pas suffisante et que ces résultats sont éminemment fragiles. Du rapport de Jean-Louis Terra, la DAP n’a retenu que certaines propositions, telles que la systématisation pour les arrivants de « l’évaluation du potentiel suicidaire et la vérification de sa réalisation », la formation des professionnels et bénévoles intervenant en détention, ainsi que « l’évaluation des formations sur le repérage et la gestion de la crise ». 3 Il n’avait pourtant pas manqué d’alerter l’administration pénitentiaire sur la faiblesse de telles dispositions prises
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© Nicole Crémon
isolément. « La surveillance spéciale, expliquait-il par exemple, ne peut à elle seule réduire le nombre des suicides ». Certaines mesures, comme celles recommandant « la recherche d’alternatives au quartier disciplinaire », l’interdiction d’y placer « les personnes détenues en crise suicidaire » ou l’instauration d’un « examen psychiatrique » destiné à « vérifier que les troubles qui motivent le placement au quartier disciplinaire ne sont pas dus à une crise suicidaire », sont restées sans suite, pour des considérations sécuritaires.
Traiter les causes Au risque de demeurer sans effets notables et durables sur le nombre de suicide, la politique de prévention ne doit plus seulement concentrer ses efforts sur l’évitement du passage à l’acte, mais bien plutôt sur les causes de ce dernier. Prévenir efficacement le suicide nécessiterait en effet d’agir sur le mal-être et de prendre en compte la souffrance des détenus, de les restaurer en tant que personne humaine et non pas comme de simples numéros d’écrou, de leur donner de l’espoir. Dès 1998, une circulaire de l’administration pénitentiaire avait d’ailleurs rappelé que, pour être « légitime et efficace », une politique de prévention ne doit pas seulement chercher à « contraindre le détenu à ne pas mourir » via l’intensification de sa surveillance, mais « à le restaurer dans sa dimension de sujet et d’acteur de sa vie ». Jean-Louis Terra avait également insisté sur ce point. Comme il l’avait expliqué, toute démarche de prévention ne peut que s’avérer inopérante sans l’instauration d’un « cadre de détention qui préserve la dignité du détenu », de façon à ce que s’établisse un « climat
propice aux confidences sur leur souffrance pour tous les détenus ». Il faut donc « réduire au maximum le stress et l’anxiété des personnes détenues notamment grâce à de bonnes relations entre les détenus et le personnel pénitentiaire, à des conditions de vie décentes, à l’assurance de ne pas être brutalisés, au maintien des liens familiaux ». Soit autant de « possibilités d’amélioration [qui] sont limitées par la surpopulation carcérale ». Un an après, la CNCDH avait à son tour préconisé la mise en œuvre d’une « politique de prévention déterminée » s’appuyant sur « le rapprochement des conditions d’existence en prison de celles du milieu libre, seule façon de permettre aux personnes détenues les plus fragiles de limiter leur sentiment d’exclusion ou de disqualification et de maintenir une certaine maîtrise sur le cours de leur vie ». Tout cela est cependant impossible dans un contexte de surpopulation endémique, avec les effets mécaniques que l’on connaît sur les conditions de détention des détenus et sur la mise en œuvre de l’objectif de réinsertion assignée à la peine. Le durcissement pénal, qui aboutit à systématiser l’emprisonnement et à allonger les peines, au-delà même désormais de leur durée légale, ne peut également qu’aggraver le désespoir au sein de la population détenue. Peu à peu en effet, la page ouverte avec l’abolition de la peine de mort, qui permettait à tous les détenus d’avoir l’espoir de sortir un jour de prison, se tourne. Sans parler du nombre de plus en plus important de personnes souffrant de troubles mentaux en détention (dépression, toxicomanie, troubles de la personnalité, psychoses, etc.), ce qui est le premier facteur de risque de suicide. Dans un tel contexte, les prisons ne peuvent que rester « mortifères », pour reprendre le terme utilisé par la CGT pénitentiaire dans un tract du 10 octobre.
Le suicide, une maladie « contagieuse » ? Face à l’augmentation des suicides, la direction de l’administration pénitentiaire et la Chancellerie ont pour leur part trouvé une autre cause : la couverture des suicides par les journalistes ! « Je dis aussi de manière assez claire : l’aspect médiatique n’est pas négligeable. Il faut quand même le dire » a déclaré Rachida Dati lors de son audition par les députés de la Commission des lois. Ainsi, les médias seraient en partie responsables des suicides. En leur donnant trop d’écho, ils alimenteraient le phénomène. Les « procès médiatiques », explique-t-on, « provoquent des suicides ». D’ailleurs, durant celui de Michel Fourniret, « on a eu 16 suicides, […] que des délinquants sexuels, des pédophiles ». Pour finir de convaincre, un communiqué du professeur Jean-Louis Terra, qui continue de travailler avec la DAP depuis son rapport, a été publié sur le site du ministère de la Justice le 24 octobre. Il y parle d’une « contagion suicidaire », « constatée et démontrée », parmi les détenus, ce qui peut « les influencer dans la réalisation, ou non, de leur geste ultime », expliquant que, « si les grandes causes du suicide sont les souffrances personnelles, le geste peut être freiné ou précipité par des facteurs extérieurs, comme la façon dont les suicides sont relatés ». Il en appelle donc aux médias pour qu’ils fassent « acte de prudence dans les messages transmis », les exhortant à jouer « un rôle positif » dans la prévention du suicide « en expliquant les facteurs de risque et les recours possibles en cas de détresse psychique majeure ». L’administration pénitentiaire a donc déciDedans Dehors N°66 Novembre 2008
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dé de ne plus communiquer sur ce sujet. Ce qui ne devrait pas changer grand-chose dans la réalité, vu qu’elle ne le faisait déjà pas auparavant. Rares sont les suicides qui ont été révélés par ses services et il a fallu un communiqué de l’OIP réclamant que leur nombre soit rendu public pour que l’administration daigne faire savoir que 87 étaient survenus à la date du 9 octobre depuis début 2008. Le rapport de l’Inspection des services pénitentiaires diligenté au quartier mineur de Metz après les suicides et tentatives survenus dans cet établissement comme celui de la Commission centrale de suivi des actes suicidaires, également demandés, sont, eux, restés confidentiels. Cette mise en cause des médias est pratique. Elle permet d’une part de stopper la couverture médiatique qui a suivi la vague de suicides d’octobre et qui met à mal l’image que l’administration met tant de soins à rehausser ces derniers mois. Elle permet d’autre part de faire peser sur d’autres (en l’occurrence les associations et les médias qui font état des suicides en détention) les responsabilités, et d’épargner en la matière celles des politiques pénales et pénitentiaires. Ce faisant, elle ne fait cependant que conforter l’opacité qui règne sur ce sujet.
La nécessité d’une réflexion extérieure Pourtant, comme l’a souligné la députée socialiste Annick Le Loch dans une question écrite du 11 novembre 2008, « une réflexion doit être menée, en toute transparence, sur les raisons de cette situation […]. Cette question […] doit être traitée avec la transparence qui s’impose, en définissant les contours d’une meilleure prise en charge des détenus présentant une fragilité psychologique et, de manière plus générale, en renforçant l’ac-
cès aux soins en milieu carcéral notamment par l’affectation des moyens nécessaires ». Récemment, l’Inserm 4 a également fait une proposition très intéressante : que la France se dote « d’une institution analogue à celle des coroners » afin de disposer, pour chaque suicide, « d’une enquête conduite par un enquêteur (officier public au Québec) extérieur, rôdé à l’exploration de la causalité dans tous les milieux ». « De ce fait, explique l’institut, les administrations auraient seulement à se préoccuper de la mise en œuvre des recommandations qui leur sont faites, et ne seraient pas à la fois juge et partie ». Selon l’organisme en effet, « en souhaitant à la fois rechercher ce qui s’est réellement passé, sans oser mettre à jour réellement le potentiel de prévention et à la fois protéger les acteurs et les institutions, la mission devient impossible. Personne ne peut adopter simultanément ces postures sans le risque de n’atteindre aucun objectif totalement ». De telles institutions existent dans d’autres pays européens, comme par exemple en Angleterre. Pourquoi pas en France ? Stéphanie Coye (1) Memorandum de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, faisant suite à sa visite en France du 21 au 23 mai 2008, 20 novembre 2008. Nous reviendrons sur ses constats dans le prochain numéro de Dedans Dehors. (2) Jean-Louis Terra, Prévention du suicide des personnes détenues, Évaluation des actions mises en place et propositions pour développer un programme complet de prévention, Rapport de mission, ministère de la Justice et du ministre de la Santé, décembre 2003. (3) Note de l’administration pénitentiaire du 4 juillet 2005. (4) Institut national de la santé et de la recherche médicale, « Application de l’autopsie psychologique aux suicides survenus en détention », Dans Autopsie psychologique, 2008, pp.47-54.
Quelle prévention du suicide pour les mineurs ? Trois adolescents se sont suicidés cette année dans les prisons françaises. Le premier est survenu à l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu, dans le Rhône, le 2 février dernier. Incarcéré le 17 décembre 2007 pour deux mois, Julien supportait très mal l’enfermement et avait fait deux tentatives de suicide. Le second a eu lieu au quartier mineur du centre pénitentiaire de Metz-Queuleu (Moselle) dans la nuit du 6 au 7 octobre. Nabil était incarcéré depuis quelques jours, pour une peine de six mois pour trafics de stupéfiants et conduite sans permis. Trois autres tentatives de suicides avaient eu lieu les jours précédents, qualifiées de « chantages » par les personnels et la garde des Sceaux. Le troisième suicide est également le fait d’un adolescent incarcéré à Metz, mais qui avait été transféré à Strasbourg (Bas-Rhin). Le 9 octobre, Nordine, âgé de 16 ans, s’est pendu dans sa cellule. C’est la troisième fois qu’il attentait à sa vie depuis son incarcération. Il est décédé quelques jours plus tard à l’hôpital. De ces événements, Rachida Dati dit en avoir tiré « deux conséquences ». La première est que « lorsque sa garde à vue est prolongée ou lorsqu’une peine d’emprisonnement ferme est prononcée à son encontre, Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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le mineur doit obligatoirement être présenté à un magistrat », car « l’un des deux mineurs qui se sont suicidés avait été condamné à six mois d’emprisonnement et n’avait pas comparu à l’audience […] Il avait été interpellé dans une cave par les gendarmes [et] n’a pas été présenté à un magistrat ». Aussi a-telle « signé, le jour même, un décret, qui a été publié dès le lendemain, aux termes duquel tout mineur doit désormais être présenté à un magistrat avant d’être incarcéré » (décret n° 2008-1040 du 9 octobre 2008). La deuxième mesure, prise « avec Roselyne Bachelot-Narquin », la ministre de la Santé, est l’élaboration d’« une grille d’évaluation des risques suicidaires » spécifique aux mineurs, ainsi que l’installation, « dans chaque prison pourvue d’un service médical, d’un médecin référent dédié aux mineurs pour évaluer l’état sanitaire du jeune incarcéré ». L’« étude comparative » réclamée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, afin de « mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus », attendra donc. De même que les réflexions sur le sens et l’utilité de l’incarcération pour ces jeunes. (OIP)
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Maintenu au QD après plusieurs tentatives de suicide, un détenu se pend « On pensait qu’il était plutôt dans une démarche de chantage ». C’est ce qu’a expliqué le service médical du centre pénitentiaire de Maubeuge (Nord) pour justifier qu’aucune décision n’a été prise pour sortir un jeune homme du quartier disciplinaire, malgré plusieurs gestes auto-agressifs. Ce détenu de 28 ans a fini par se pendre le 23 mai et est décédé à l’hôpital Calmette de Lille une semaine après. Il avait été placé au quartier disciplinaire trois jours auparavant, pour purger une sanction de 30 jours, dont 10 avec sursis, suite à des insultes et menaces envers un personnel remontant aux 29 et 30 mars 2008. Soit quasiment deux mois après les faits. Ce délai particulièrement long pour un passage en commission de discipline serait dû à la mise en place de la procédure, a-t-il été précisé à la famille. J.L. n’était pas repéré comme suicidaire par les services pénitentiaires et médicaux de l’établissement. Entre le 20 et le 23 mai, il a cependant manifesté sa détresse à plusieurs reprises. Quand sa famille est venue le voir à l’hôpital, elle a d’ailleurs constaté de nombreuses entailles sur ses bras et a retrouvé dans les poches de son pantalon de petits bouts de papier où il était inscrit : « Je voudrais voir le médecin, j’ai mal à la nuque. Si je dois faire ma peine comme ça et bien je m’accroche » ; « Docteur, je me suis pendu avant-hier et j’ai très mal à la nuque. Aidez-moi ». « C’est malheureux à dire, mais [les automutilations] c’est très commun », s’est défendu le service médical, en précisant que le détenu « n’était pas demandeur de soins psychiatriques », mais qu’il « avait été vu par la psychologue et le psychiatre » et était « suivi quotidiennement ». Avant de conclure, « on s’est trompé, c’est un échec pour tout le monde ». (OIP)
En grande souffrance, un homme se suicide après son incarcération Il n’aura supporté son retour en prison que quelques heures. Incarcéré le 6 mars 2008 au matin à la maison d’arrêt parisienne de la Santé, un jeune homme particulièrement fragile s’est pendu le soir même, vers 19 heures. L’ayant placé en garde à vue deux jours plus tôt suite à une violente altercation avec son ami, les forces de l’ordre ont alors découvert qu’il était en état d’évasion depuis le 4 juillet 2005, date à laquelle il n’avait pas réintégré le centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet (Var) à l’issue d’une permission de sortir. La prison, il connaissait. Selon son père, il l’avait vécu « comme un enfer ». Son homosexualité, lui avait-il raconté, lui avait valu durant toute sa détention violences et insultes. Son avocate avait alerté le juge d’instruction en février 2004. « L’homophobie exprimée tant par certains sur-
veillants que par la plupart des détenus, écrivait-elle alors, l’oblige à rester 24 heures sur 24 en cellule ». Il n’osait plus sortir en promenade, et n’avait « accès ni au sport ni au service scolaire ». En avril 2005, il avait tenté de se suicider. Le 4 juillet suivant, alors qu’il s’apprêtait à sortir en permission pour un entretien de recherche d’emploi, il avait été violemment agressé par un détenu. Son père raconte qu’« il avait tout le côté droit du visage marqué, un hématome qui allait de la tempe à la mâchoire. Il m’a dit : “Papa, quoiqu’il arrive, je n’y retournerai pas.” ». Avant son interpellation, le 6 mars 2008, le jeune homme a ingéré une quinzaine d’anxiolytiques, ce qui a nécessité son hospitalisation durant sa garde à vue. Un médecin estime que le geste est « impulsif, sans intention suicidaire », mais repère un « trouble de la personnalité » et note sa tentative de suicide en 2005 au Pontet. Incarcéré le lendemain, le jeune homme n’est vu ni par l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), ni par le service médico-psychologique régional (SMPR) de la maison d’arrêt, qui n’ont du reste pas été informés de l’incarcération d’un détenu fragile. L’administration pénitentiaire affirme qu’elle ne disposait pas d’indications sur l’état psychologique du jeune homme. La mention « entrant retour hospi » qui figurait sur sa fiche pénale n’a visiblement pas attiré son attention. (OIP, Libération)
Chronique d’un suicide annoncé C’est un énorme gâchis, un de plus. Un homme de 22 ans, père de deux enfants, s’est suicidé au centre pénitentiaire d’AvignonLe Pontet (Vaucluse) le 13 septembre. L’administration pénitentiaire était pourtant au fait de ses intentions suicidaires. « Dans chacune de ses lettres et à chaque fois que j’allais le voir au parloir, explique son père, il disait qu’il voulait en finir et j’en avais prévenu toute l’administration. J’en veux beaucoup au directeur, il connaissait la situation ». Le jeune homme était désespéré car il était persécuté par d’autres détenus. D’après son père, « il était roué de coups » et se faisait voler « toute sa nourriture mais aussi les 400 € que je lui donnais chaque mois ». Selon sa concubine, l’homme avait « demandé à plusieurs reprises de changer de bâtiment pour échapper aux attaques dont il était victime et à chaque fois, on nous a dit qu’il n’y avait pas de place ». Le parquet avait également été alerté – à trois reprises – sur les violences qu’il subissait. Les courriers étaient restés sans réponse. Selon le substitut du Procureur, « l’administration avait pris au sérieux ces requêtes puisque ce détenu était sous surveillance la nuit, la direction de la prison lui avait mis un codétenu pour ne pas qu’il soit seul et il était suivi par la commission de prévention des suicides ». La famille dénonce pour sa part une « non-assistance à personne en danger ». C’est le second fils que les parents perdent dans cet établissement, et le onzième suicide de détenus survenu dans l’établissement depuis son ouverture il y a cinq ans. (La Provence) Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Suicide d’une personne psychotique au quartier disciplinaire
La Cour européenne condamne la France Deux ans après une première condamnation, la France vient d’être de nouveau vertement rappelée à l’ordre par la Cour européenne des droits de l’homme pour le traitement inhumain et dégradant qu’elle fait subir aux détenus souffrant de troubles mentaux et qui a abouti au suicide d’une personne psychotique placée au quartier disciplinaire.
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ans un arrêt du 16 octobre 2008, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de condamner « à l’unanimité » la France pour le suicide de Joselito Renolde, une personne détenue psychotique qui s’est pendue le 20 juillet 2000 alors qu’elle se trouvait au quartier disciplinaire (QD) de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines). 1 C’est la seconde fois en deux ans que la Cour de Strasbourg sanctionne le traitement infligé en prison aux personnes souffrant de troubles mentaux. Dans la première affaire, 2 l’instance avait considéré que le maintien en détention d’un homme souffrant de troubles psychiatriques « sans encadrement médical [...] approprié » le soumettait « à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention », et constituait de ce fait « un traitement inhumain et dégradant ». Dans ce second dossier, les juges estiment là encore que les autorités n’ont pas pris les mesures nécessitées par l’état de santé mentale du détenu (notamment une hospitalisation) et violé ainsi l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui leur impose de protéger « le droit de toute personne à la vie ». Par ailleurs, la Cour considère que la sanction de quartier disciplinaire infligée à Joselito Renolde constitue en l’espèce une peine ou un traitement inhumain et dégradant, en violation de l’article 3 de la même Convention.
Défaut de soins et sanction maximale Ce placement au « mitard » pour une durée de 45 jours avait été prononcé le 5 juillet 2000, suite à l’agression commise la veille par le détenu sur une surveillante. L’homme se trouvait à ce moment-là au service médico-psychologique régional (SMPR), après avoir tenté, deux jours auparavant, de se suicider. Ce geste auto-agressif, les propos incohérents qu’il tenait et les halluciDedans Dehors N°66 Novembre 2008
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nations qu’il semblait avoir avaient conduit le surveillant de service à faire appel aux urgences psychiatriques qui avaient diagnostiqué une « bouffée délirante aiguë ». Outre l’affectation au SMPR, il s’était vu prescrire un traitement neuroleptique. Selon la CEDH, l’obligation positive de protection des personnes pesant sur l’État implique cependant que « les autorités, qui sont en présence d’un détenu dont il est avéré qu’il souffre de graves problèmes mentaux et présente des risques suicidaires, prennent les mesures particulièrement adaptées en vue de s’assurer de la compatibilité de cet état avec son maintien en détention », ou « tout le moins lui assurer des soins médicaux correspondant à la gravité de son état ». Or, « l’opportunité de son hospitalisation dans un établissement psychiatrique ne semble jamais avoir été discutée ». Par ailleurs, les médicaments lui étaient distribués pour plusieurs jours et sans que le personnel médical ne s’assure de leur prise quotidienne. Selon les conclusions de l’autopsie, Joselito Renolde ne les avait pas pris depuis trois jours. Or, estiment les juges, certaines maladies mentales comme la psychose doivent donner lieu à des modalités de traitement particulières dès lors qu’elles « comportent, pour les personnes qui en souffrent, des risques particulièrement élevés ». Dans son arrêt, la Cour s’est dite également « frappée par le fait » qu’il « se soit vu infliger la sanction maximale », sans qu’il ne soit tenu « aucun compte […] de son état psychique, bien qu’il ait eu, lors de l’enquête sur l’incident, des propos incohérents et qu’il ait été qualifié de “très perturbé” ». Or, rappellent les juges, « le placement en cellule disciplinaire isole le détenu, en le privant de visites et de toute activité, ce qui est de nature à aggraver le risque de suicide lorsqu’il existe ». En l’espèce, la Cour a observé qu’« il ressort du dossier que Joselito Renolde a éprouvé angoisse et détresse pendant cette période, comme en témoigne la lettre écrite à sa sœur le 6 juillet 2000, où il disait être à bout et comparait sa cellule à une tombe, en se représentant crucifié ». Elle a
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logiquement estimé « qu’une telle sanction n’est pas compatible avec le niveau de traitement exigé à l’égard d’un malade mental et que cette sanction constitue un traitement et une peine inhumains et dégradants ».
Le difficile parcours des familles devant la justice Avant de saisir la juridiction de Strasbourg, la sœur de Joselito Renolde avait porté plainte devant la justice française, mais une ordonnance de non-lieu avait été rendue, le juge ayant estimé qu’aucune faute n’avait été commise. Cette affaire est symptomatique de la difficulté des familles à faire reconnaître les responsabilités en cas de suicide d’un détenu. La justice pénale française se refuse en effet à mettre en cause le personnel pénitentiaire (cf. ci-dessous). Dans un autre dossier, une famille vient d’obtenir, le 20 octobre 2008, après dix ans de combat, la condamnation de l’État pour le suicide d’un des leurs à la maison d’arrêt d’Osny (Val-d’Oise). Incarcéré le 8 mars 1998, l’homme, âgé de 45 ans, s’était pendu dans sa cellule une semaine après. Atteint d’une profonde dépression, il n’avait vu aucun médecin depuis son arrivée et n’avait pu se voir prescrire ses antidépresseurs. En novembre 2000, sa mère avait porté plainte, mais l’exdirectrice de la prison avait bénéficié d’un non-lieu. La famille s’était alors tournée vers la justice administrative, qui a estimé
l’administration pénitentiaire fautive. Les mentalités sont cependant peut-être en train d’évoluer. Pour la première fois en effet, un juge d’instruction a décidé en avril dernier le renvoi devant le tribunal correctionnel d’un directeur de prison pour « homicide involontaire ». Le suicide était survenu en 1999 au quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de la Santé, à Paris. Le détenu avait déjà tenté de mettre fin à ses jours quelques mois auparavant, alors qu’il avait été placé une première fois au quartier disciplinaire. Il présentait en outre « un trouble ancien de la personnalité, connu sous le terme “état borderline”, correspondant à une prédisposition majeure à un geste suicidaire », ont noté les experts psychiatres mandatés par l’instruction, qui a par ailleurs montré que cet « état » était connu du personnel. 3 Il a été dès lors reproché au directeur de l’époque, Alain Jego, de n’avoir pas pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher le drame, et notamment d’avoir laissé au détenu sa ceinture, avec laquelle il s’est pendu. Il reste désormais à espérer que l’administration pénitentiaire tire enfin les conséquences de ces suicides et de ces poursuites, notamment en s’interdisant de placer en quartier disciplinaire des détenus fragiles sur le plan psychologique. Stéphanie Coye (1) Affaire Renolde c. France, n° 5608/05, 16 octobre 2008. (2) Affaire Rivière c. France, n° 33834/03, 11 juillet 2006. (3) Ondine Millot, « Détenu suicidé : pourquoi la justice poursuit l’exdirecteur de la Santé », Libération, 22 avril 2008.
Suicide à Saint-Martin-de-Ré, non-lieu du parquet Les défaillances des services pénitentiaires et sanitaires semblent flagrantes. Et pourtant. Le parquet de la Rochelle (Charente-Maritime) a décidé le 20 octobre de clôturer l’enquête sur le suicide d’un détenu survenu trois mois plus tôt, le 25 juillet 2008, au quartier disciplinaire (QD) de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré. Selon le substitut du Procureur, il n’y a en effet « rien qui justifie de retenir une responsabilité pénale dans ce dossier ». Au vu de l’état de santé du détenu, on ne peut pourtant que s’interroger sur la pertinence de son placement au QD. Quatre jours avant son décès, Lahcen E., âgé de 28 ans, subit une intervention chirurgicale à l’Unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Bordeaux (Gironde). Après son opération, il se montre très agité et agressif, au point de menacer un médecin avec une lame de rasoir. Son hospitalisation est alors écourtée, le détenu est transféré le 23 juillet à maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan et placé préventivement au QD. La fiche de liaison établie par l’UHSI décrit pourtant le patient comme ayant « très mal vécu son hospitalisation – très anxieux voire agressif ». Devant la commission de discipline, le 25 juillet au matin, Lahcen déclare par ailleurs qu’« il avait la lame de rasoir pour se suicider, qu’il est à bout, qu’il ne supporte plus ses conditions de déten-
tion [...]. Que lorsqu’il a agressé le médecin, il n’était pas dans son état normal, à cause des médicaments ». Il est sanctionné de 20 jours de QD, dont 10 avec sursis. Le médecin de la maison d’arrêt n’émet aucune contre-indication. Le jour même, Lahcen est transféré dans son établissement d’origine, à SaintMartin-de-Ré, où il est immédiatement conduit au QD. Selon le témoignage d’un surveillant, le jeune homme se plaint d’intenses douleurs, se montre très agité et demande à voir un médecin. Aucun n’étant présent, le personnel pénitentiaire contacte les services d’urgence, qui renvoient vers un médecin de ville, puis vers le médecin-chef de l’établissement à son domicile, mais sans succès. À 18h15, la direction prend finalement la décision de suspendre la sanction, mais une demi-heure plus tard, lorsque la porte de la cellule est ouverte, Lahcen est déjà mort. En décembre 2003, le professeur Jean-Louis Terra, chargé d’une mission sur la prévention du suicide en milieu carcéral, avait expliqué dans son rapport que « les détenus dont la crise suicidaire prend le masque de l’agressivité ne peuvent pas être mis au quartier disciplinaire sans risquer d’accélérer la progression de leur détresse ». Cinq ans après, on ne peut que déplorer la non-prise en compte de cette recommandation. (OIP) Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Ces dernières semaines ont été marquées par une accélération des réformes en matière pénale. Le gouvernement concrétise la loi sur la rétention de sûreté en ouvrant le premier centre, mais s’attaque également à deux nouveaux chantiers : la justice des mineurs et les codes pénal et de procédure pénale. Les objectifs sont clairs : s’affranchir des principes « anachroniques » de l’ordonnance de 1945 et poursuivre l’asservissement du droit répressif au populisme sécuritaire.
Nouvelles réformes pénales
nouveaux tours de Le centre de rétention prêt à accueillir ses premiers retenus Moins de neuf mois après son vote, la loi sur la rétention de sûreté peut désormais être mise en œuvre. Ses décrets d’application sont en effet parus au journal officiel du 5 novembre 2008. Jusqu’à présent, une personne pouvait faire l’objet, une fois sa peine purgée, d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, pendant un temps limité. Désormais, ces mesures peuvent être prolongées par une surveillance de sûreté qui peut être indéfiniment renouvelée, et, dans le cas où la personne ne respecterait pas les obligations qui lui ont été imposées, elle pourra être placée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Le lendemain de la publication de ces décrets, Rachida Dati a d’ailleurs visité le premier de ces centres, au sein de l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), qui doit ouvrir d’ici la fin de l’année. Dans une interview parue dans Le Parisien du 30 septembre, la garde des Sceaux a indiqué que « 77 personnes condamnées […] entrent dans le champ d’application de la loi, dont une cinquantaine fait l’objet d’une surveillance renforcée au regard de leur dangerosité », avant d’ajouter que « la situation de six d’entre eux sera réexaminée l’an prochain ». Par ailleurs, un nouveau projet de loi a également été présenté en Conseil des ministres le jour de la parution des décrets, qui complète la loi de février 2008, en prévoyant par exemple qu’une personne, renvoyée en prison parce qu’elle n’a pas respecté les obligations de sa surveillance judicaire, pourra être, à sa libération, placée en surveillance de sûreté, ou que les conditions et obligations de la surveillance de sûreté peuvent être modulées en fonction du comportement de la personne. Ont été également introduites dans le texte les réserves du Conseil constitutionnel, et notamment un article rappelant que « le placement en rétention de sûreté d’une personne après l’exécution de sa peine suppose que l’intéressé ait été mis en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d’une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée ». L’inflation législative s’arrêtera-t-elle là ? Ce n’est pas sûr. Selon le journal L’Express, le président de la RépuDedans Dehors N°66 Novembre 2008
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blique se serait montré très insatisfait du texte présenté par sa garde des Sceaux le 5 novembre, qu’il considère « light », et bien en dessous de ses engagements de campagne. 1
Les mineurs bientôt jugés dès 12 ans ? La réforme de la justice des mineurs était un autre élément du programme de Nicolas Sarkozy. « Je réformerai l’ordonnance de 1945 » car « le premier problème de sécurité qu’il nous reste aujourd’hui à résoudre, c’est l’affaire des mineurs. Un mineur de 2006 n’a rien à voir avec un mineur de 1945 », déclarait-il dans l’émission « À vous de juger » du 30 novembre 2006. Deux ans plus tard, dans la même émission, Rachida Dati annonçait qu’une loi serait présentée au Parlement en 2009, la justifiant par les mêmes arguments que ceux utilisés par son mentor. « Le texte qui est applicable aux mineurs délinquants n’est plus opérationnel » a ainsi expliqué la garde des Sceaux. « Il est de 1945, pour des mineurs au lendemain de la guerre. On a des mineurs de 2008, qui commettent des actes de délinquance de 2008. » C’est-à-dire « des violeurs, des gens qui commettent des enlèvements, des trafics de produits de stupéfiants, des gens qui brûlent des bus dans lesquels il y a des personnes. […] Il est important de faire cesser cette spirale ». Pour ce faire, elle a installé une commission, le 15 avril dernier, présidée par André Varinard, professeur de droit à l’université Jean-Moulin LyonIII. Les conclusions auxquelles cette commission parviendra à l’issue de ses travaux semblent cousues de fil blanc. C’est du moins l’inquiétude exprimée publiquement par plusieurs syndicats de magistrats et éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) le 11 juillet dernier. Tous sont sortis catastrophés de leur audition par la Commission qui, selon eux, s’acheminerait vers « la création d’un tribunal correctionnel spécial pour les multirécidivistes de 16 à 18 ans » ou encore la généralisation des « peines automatiques » afin de « rendre la prison inévitable pour certaines infractions ». À peine un mois après l’installation de la Commission, dans une interview au journal très conservateur Valeurs actuelles du 23 mai, André Varinard avait également
ACTU indiqué réfléchir à l’âge de la responsabilité pénale des mineurs, c’est-à-dire à partir duquel ils peuvent être soumis au droit pénal, citant en exemple « nos voisins qui ont déjà fixé cet âge », celui-ci pouvant « varier entre 10 ans pour le Royaume-Uni et 16 ans pour le Portugal, avec un âge de 12 ans qui apparaît comme une sorte de moyenne acceptable ». Dans le système actuel, le mineur âgé de 10 ans ne peut être responsable pénalement ; entre 10 et 13 ans, il peut l’être s’il est « capable de discernement », mais ne peut encourir que des mesures éducatives ; au-dessus de 13 ans, sa responsabilité est engagée, mais est atténuée, avec pour conséquence la réduction de moitié des peines encourues. Plus récemment, lors de l’inauguration de la
lisées ces dernières années, Rachida Dati a expliqué qu’il fallait aller encore plus loin, par exemple « se demander si la victime ou son représentant ne doit pas être entendu au moment de l’examen de la demande d’aménagement. C’est important de mesurer le traumatisme des victimes avant d’ordonner une mesure de semi-liberté ». Quant aux propositions concernant la lutte contre la récidive, « la loi pénale doit poser des principes clairs, simples et efficaces », a-t-elle expliqué, à l’image de ce qu’a fait l’actuel gouvernement avec la loi sur les peines planchers, celle sur la rétention et celle à venir sur les mineurs, qui « doivent guider [les] travaux [du Comité] ». Les voilà prévenus, et nous aussi. Stéphanie Coye
vis sécuritaires nouvelle école de la PJJ le 10 octobre, Rachida Dati a précisé que la justice des mineurs allait être « recentrée sur le cœur de sa mission : faire acte d’autorité et sanctionner ». Jusqu’à présent, il s’agissait avant tout de protéger, d’assister, de surveiller, d’éduquer et, « lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l’exigent », de sanctionner, sans perdre de vue l’approche éducative. Un renversement de perspective qui consterne au plus haut point l’Unesco. Du coup, l’organisme onusien a pris l’initiative de publier sur son site Internet les points de vue d’acteurs de terrain et de personnalités, afin d’ouvrir « un vaste débat » visant à faire contrepoint aux travaux de la Commission.
De nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale en 2009 Dans le cadre de la « révision générale des politiques publiques », qui vise principalement à rationaliser les dépenses de l’État, un autre énorme chantier a par ailleurs été initié : réformer le Code pénal et celui de procédure pénale dans un double objectif. Le premier est la « réduction de la demande adressée à la justice, à chaque fois que c’est possible, par la mise en place de mesures pour prévenir les conflits en développant d’autres moyens qu’un recours au juge ». Le second est une « simplification » de la procédure pénale, considérée comme étant « inutilement complexe », tout en permettant de « garantir encore davantage le respect des droits », des accusés comme des victimes, et « améliorer l’efficacité des tribunaux ». Installant le 14 octobre un Comité de réflexion chargé de lui remettre ses propositions d’ici le 1er juillet 2009, 2 la garde des Sceaux a incité ses membres à « aller vers cette évolution nécessaire du Code pénal sans tabou et avec toute liberté de pensée », mais n’a pas manqué de leur indiquer leur feuille de route. Outre rendre le droit « plus cohérent et plus lisible » et « renforcer les droits de la défense », il s’agira de créer « des outils efficaces pour lutter contre la récidive et la délinquance » et de définir « une meilleure prise en compte des droits des victimes », notamment dans l’application des peines. Après avoir rappelé que d’importantes réformes ont déjà été réa-
(1) « Dati : les raisons d’une disgrâce », Ludovic Vigogne, L’Express, 12 novembre 2008. (2) Présidé par Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des communautés européennes et ancien président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), de décembre 2006 à décembre 2007.
Face à la rétention de sûreté, les psychiatres appellent à la désobéissance Une centaine de psychiatres ont déclaré publiquement le 10 novembre 2008 leur refus de participer au dispositif de rétention de sûreté prévu par la loi du 25 février, et lancé une pétition contre ce qu’ils appellent la « perpétuité sur ordonnance ». Selon eux, cette loi fait non seulement rupture dans la tradition juridique, mais également « rupture dans la tradition et l’éthique médicales » puisque la médecine, dont la mission est « de porter secours et de soigner », « se trouve ici instrumentalisée dans une logique de surveillance et de séquestration ». « C’est l’expertise médico-psychologique, rappellent les médecins, qui devient l’élément clé du dispositif pour décider de cette mesure de sûreté », ce qui est « une mystification car il est faux que l’on puisse prédire, pour un individu donné, les actes à venir ». Parmi les premiers signataires figurent, outre de nombreux praticiens pénitentiaires, le président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique Didier Sicard, l’expert psychiatrique Daniel Zagury, le professeur de santé publique Antoine Lazarus, etc. « Parce que la psychiatrie n’est pas l’affaire des seuls psychiatres », ces auteurs invitent désormais « chacun, concerné par ce refus » à signer l’appel. http://www.pratiquesdelafolie.org/petition/petition.php
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Parcours d’un paraplégique incarcéré
Handicap en souffrance Déplacé d’une prison à l’autre durant plus d’un mois, un homme paraplégique a été soumis à des conditions de détention incompatibles avec son handicap. Une situation à laquelle il ne cesse de se heurter depuis son incarcération, et qui a valu à la France une condamnation par la Cour européenne.
D
urant plus d’un mois, un détenu paraplégique – O.V. – a été ballotté d’établissements en établissements, connaissant dans chacun d’eux des conditions de détention attentatoires à sa dignité, avant de regagner le centre de détention de Liancourt (Oise) où il était précédemment affecté. Les locaux de ce dernier ne répondent pourtant pas aux normes d’accueil d’une personne handicapée. Une expertise ordonnée par le tribunal administratif d’Amiens (Somme) le 7 février 2007 a en effet relevé « l’exiguïté » de sa cellule (7,20 m²) qui « ne permet pas de se mouvoir facilement », « la literie [qui] n’est pas conforme », un couloir d’accès « n’autorisant pas […] d’y faire demi-tour », des pentes d’accès beaucoup trop raides, etc. Cette procédure avait conduit l’administration pénitentiaire à proposer à O.V., « en réparation du préjudice », une indemnisation de 4 000 euros et son affectation à la maison d’arrêt de Sequedin (Nord). Transféré le 5 août, O.V. est effectivement placé dans une cellule adaptée. Du moins dans un premier temps car, le 1er septembre, la direction décide de le placer à l’isolement. Elle le soupçonne d’avoir organisé un mouvement collectif qui, bien que constituant une infraction disciplinaire, ne lui a pas valu de procédure disciplinaire. Dans les heures qui suivent, un médecin demande la levée de la mesure, la considérant incompatible avec son état de santé. Le lendemain, O.V. est donc sorti d’isolement, mais est transféré à la maison d’arrêt de Loos (Nord), dans une cellule totalement inadaptée à son état. Durant quatre jours, il ne peut se laver et ne se déplace qu’avec de grandes difficultés, l’étroitesse de l’embrasure des portes ne permettant pas le passage de son fauteuil. Une nouvelle fois, le service médical intervient et établit, le 3 septembre, un certificat attestant que son « état de santé […] rend incompatible son maintien en détention Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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à la maison d’arrêt de Loos », lequel est « susceptible d’entraîner une détérioration rapide et sérieuse de son état de santé ». Il est donc retourné à Liancourt.
Aucune solution, aucune perspective Depuis son incarcération en 2002, O.V. a été soumis à plusieurs reprises à de telles conditions de détention et a effectué de nombreux recours pour faire reconnaître les atteintes aux droits et à la dignité qu’il subissait. La Cour des droits de l’homme de Strasbourg lui a donné raison en concluant dans un arrêt du 23 mars 2007 à la « violation de l’article 3 » de la Convention européenne, qui proscrit les peines et traitements inhumains ou dégradants, notamment « à raison de l’impossibilité pour O.V. de circuler par ses propres moyens dans la prison de Fresnes ». Dans une lettre au garde des Sceaux en date du 24 juillet 2008, demandant le transfert d’O.V. à Sequedin, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille parle, elle, d’une « dérive procédurière », tout en reconnaissant qu’O.V. y « a été encouragé […] par la lenteur de l’administration à prendre en compte le handicap ». Elle précise que « l’impasse dans laquelle O.V. est en train de conduire la direction de l’établissement de Liancourt risque de conduire très rapidement à la prise de décision (placement à l’isolement) nécessaire mais génératrice d’un préjudice réel à l’endroit d’OV qui […] se trouverait alors de facto privé de commodités nécessaires à son état et de toutes les activités ». Enfin, le courrier souligne qu’« O.V. dont la fin de peine approche (prévue en 2010) ne comprend pas les rejets successifs de demandes de suspension de peine ». La dernière déposée a été rejetée le 20 juin 2008, le juge de l’application des peines ayant considéré que O.V. ne souffrait « d’aucune pathologie engageant son pronostic vital et que son état de santé n’est pas non plus durablement incompatible avec son maintien en détention ». Selon le magistrat, « à supposer que les locaux du centre pénitentiaire de Liancourt soient inadaptés [...], cette inadaptation ne doit pas être assimilée à l’incompatibilité d’un maintien en détention ». L’homme reste donc en prison. Dans une situation dont rien ne laisse à espérer qu’elle évoluera favorablement. Et certainement pas du fait du projet de loi pénitentiaire, le problème des personnes handicapées n’étant pas même abordé. Stéphanie Coye
de facto
La famille d’un détenu tenue dans l’ignorance de son état critique
C
’est en se rendant au parloir que la grand-mère a appris la nouvelle. Son petit-fils, âgé de 23 ans et incarcéré au centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier (Isère), se trouvait hospitalisé dans un état critique, depuis trois jours déjà. Personne n’avait prévenu la famille. Retrouvé dans le coma après avoir tenté de se suicider en avalant des médicaments dans la nuit du 14 au 15 juin 2008, le jeune homme avait été conduit au service médical intensif du centre hospitalier Lyon-Sud. Souffrant d’une embolie pulmonaire consécutive à son geste autoagressif, il a ensuite dû être hospitalisé 10 jours au sein de l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Lyon. Tout cela, les parents ne l’ont appris qu’avec les plus grandes difficultés. Le surveillant qui a averti la grand-mère n’a en effet pas donné d’informations sur les raisons, la date et le lieu de l’hospitalisation. Les parents du jeune homme ont tenté, en vain, de joindre le centre pénitentiaire et le service social, avant d’appeler, par déduction, le centre hospitalier Lyon-Sud et d’obtenir, après plusieurs coups de téléphone, confirmation de la présence de leur
Examen médical intime sous l’œil d’un surveillant
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La coloscopie est l’un des examens les plus intimes qui puissent exister. Il consiste en effet à observer l’intestin d’un patient grâce à une sonde insérée par l’anus. Le caractère éminemment personnel et sensible de cet acte médical n’a pourtant pas empêché un surveillant du centre de détention de Val-deReuil (Eure) de rester dans le local hospitalier où il était pratiqué. Une présence qui, outre qu’elle est totalement contraire au principe de la confidentialité des soins, s’apparente
fils. Interrogée le 25 juillet 2008 sur les raisons de ce dysfonctionnement, la direction de l’établissement explique que l’information de la famille en cas de tentative de suicide « dépend de la gravité de l’acte », et qu’en l’occurrence, elle n’a pas souvenir « de tentative de suicide très inquiétante au cours des derniers mois ». Elle a en outre indiqué que « l’alerte ne relève pas de la responsabilité du chef d’établissement mais incombe au juge d’instruction lorsque la personne ayant tenté de mettre fin à ses jours n’est pas condamnée ». Sauf que le magistrat instructeur n’a été averti de la situation que le 17 juin par la direction de l’établissement, par télécopie, après que la famille l’ait été par le service des parloirs. L’article D.427 du Code de procédure pénale prévoit pourtant que la proche famille doit « être immédiatement informée » en cas de décès, de maladie ou d’accident grave. C’est également ce à quoi invitent les Règles pénitentiaires européennes, que l’institution carcérale française se vante tant de mettre en œuvre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le chemin est encore long pour y parvenir. (OIP)
à un traitement attentatoire à la dignité du patient, et particulièrement humiliant. La coloscopie avait été prescrite par l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) qui estimait que le patient, un homme de 55 ans, développait possiblement un cancer du côlon. Le 18 juillet 2008, il a donc été extrait vers le centre hospitalier intercommunal d’Elbeuf. Le patient ayant demandé à ne pas avoir d’anesthésie générale mais seulement locale, le surveillant assurant la garde statique a tenu à rester dans la pièce durant tout l’examen. Il avait ainsi, selon le personnel soignant, nécessairement vu sur l’intéressé. Le Comité de prévention contre la
torture du Conseil de l’Europe (CPT) a pourtant rappelé aux autorités françaises, dans son rapport d’octobre 2006, que « tous les examens/consultations/soins médicaux de détenus doivent toujours s’effectuer hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin concerné dans un cas particulier – hors de la vue du personnel d’escorte ». Cette pratique reste cependant loin d’être rare. Gageons que les services compétents de l’administration pénitentiaire et du ministère de la Santé auront pris les mesures nécessaires pour éviter à cet homme de la subir une fois encore, une nouvelle coloscopie étant programmée prochainement. (OIP) Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Enterrement définitif des grâces collectives
L
’opposition de Nicolas Sarkozy aux grâces collectives n’était un mystère pour personne. Il en avait fait part lors de la campagne présidentielle et refusait depuis de les utiliser. Visiblement, cela n’était pas suffisant. Pour s’assurer que ses successeurs ne pourront plus exercer ce droit, le projet de loi sur la modernisation des institutions présenté par son gouvernement a prévu de le limiter aux seuls cas individuels, en l’encadrant davantage. Les sénateurs ont refusé, mais les députés ont suivi la volonté du Président et ont eu le dernier mot. Christian Vanneste, député UMP, a en effet argué qu’il était « nécessaire […] de limiter le droit de grâce à des cas individuels, car il serait parfaitement injuste que ce droit ne serve qu’à la “gestion hôtelière des prisons” ». Un point de vue partagé par le rapporteur du texte pour la Commission des lois, le député UMP Jean-Luc Warsmann, qui a déclaré que le droit de grâce collectif était « une drogue que
L’Académie de médecine réclame l’application stricte et immédiate de la loi de 1994
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Réunis en séance thématique le mardi 21 octobre 2008, les membres de l’Académie nationale de médecine ont adopté des « conclusions » sur « La santé en prison », dans lesquelles ils demandent « avec insistance l’application stricte et immédiate de la loi du 18 janvier 1994 ». Premier point dénoncé par l’institution présidée par le professeur Marc Gentilini : le fait que, près de 15 ans après la promulgation de la loi, « la prise en charge des détenus n’a toujours pas rejoint celles des autres citoyens ». « Le statut du détenu prime toujours sur celui du malade », notent en effet les académiciens, et « le fonctionnement de l’institution carcérale constitue trop souvent un frein à la mise en place de l’objectif de la réforme : offrir une qualité et une continuité de soins équivalentes à ceux dispensés à l’ensemble de la population ». Les membres dénoncent ensuite pêle-mêle « des carences graves de l’hygiène, individuelle et collective », « l’absence de permanence médicale la nuit Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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notre système s’administrait pour limiter l’inflation carcérale ». Quelques rares voix ont bien tenté de faire entendre raison à la majorité, en vain. Le député socialiste Jean-Yves Le Bouillonec a fait ainsi valoir que ce droit permet une « décompression des effectifs […] quasi vitale ». Le député UMP et ancien garde des Sceaux Pascal Clément a également tenté de plaider pour que soit attendue « l’ouverture des 10 000 places supplémentaires ». Il a été aussitôt accusé d’être « pour la gestion hôtelière ». « Il s’agit d’hommes, ne l’oublions pas ! », s’est-il insurgé. Des hommes, et des femmes, qui vont être ainsi de plus en plus nombreux à se voir maintenus dans une situation qualifiée de traitement inhumain et dégradant par le Conseil de l’Europe. Mais face à la volonté de Nicolas Sarkozy, président de la République – et jusqu’au 31 décembre du Conseil de l’Union européenne –, l’argument ne semble pas avoir eu de poids. (OIP)
et le week-end », « la transgression fréquente du secret médical », etc. Mais c’est « l’insuffisance de prise en charge psychiatrique » qui retient le plus leur attention car, expliquentils, elle est « à l’origine, pour une large part, des désordres actuels ». Selon eux, « les soins mentaux sont inadaptés face à une demande croissante », le suivi psychiatrique est « insuffisant ou nul » pendant la période de détention et « absent à la sortie ». Face à ce bilan, l’Académie « demande que des décisions soient prises en vue d’une amélioration immédiate de la prise en charge sanitaire des détenus », et « suggère » trois propositions. La première vise à « la mise en place d’un tutorat animé par des bénévoles, en liaison avec les services médicaux- sociaux, proposé dès avant la sortie et assurant le suivi de celui-ci ». La deuxième consiste en « une révision de la formation des experts psychologiques et psychiatriques », car leurs « avis sont déterminants pendant l’incarcération, lors du procès et sur la durée de l’enfermement ». La troisième, beaucoup plus controversée au sein de la profession, promeut « la création d’un statut du “médecin pénitentiaire” précisant sa place entre les représentants de l’ordre judiciaire et pénitentiaire et les hôpitaux de rattachement ». Enfin, face à ce qui constitue selon elle une « dégradation de la
situation actuelle dans les prisons », l’Académie « réclame d’urgence une concertation de tous les acteurs concernés ». Au vu de la place laissée au ministère de la Santé dans l’élaboration du projet de loi pénitentiaire, on ne peut malheureusement que douter de l’écoute dont bénéficiera cet appel. (OIP)
Gestion disciplinaire de la maladie mentale à Saint-Martin-de-Ré
5 L’homme souffrait d’une maladie psychiatrique et avait fait une tentative de suicide. Autant dire que la question de son maintien en détention pouvait être posée… Pas pour l’administration pénitentiaire, qui l’a placé successivement au quartier disciplinaire puis à l’isolement. M.S., âgé de 26 ans, y a été retrouvé pendu le 5 novembre 2008. Il est décédé deux jours plus tard au Centre hospitalier de la Rochelle. Incarcéré à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime), cet homme souffrait d’une pathologie psychiatrique lourde, notamment un syndrome délirant avec des bouffées d’agressivité, pour laquelle il prenait quotidiennement un
de facto
de facto traitement et avait déjà fait l’objet d’hospitalisations d’office. Selon un intervenant, il était fréquemment prostré, faisait l’objet de brimades de la part de certains codétenus et réclamait d’être à nouveau hospitalisé. En dépit de sa pathologie, le jeune homme était placé à l’isolement depuis presque trois semaines. Auparavant, le 11 octobre, il avait été placé au quartier disciplinaire pour avoir agressé un surveillant à l’arme blanche, sans lui occasionner de blessures. Le médecin responsable de l’UCSA (unité de consultations et de soins ambulatoires) et un médecin psychiatre avaient alors jugé que son état n’était pas incompatible avec la sanction. Ce n’est qu’au bout de six jours qu’un psychiatre a estimé que la sanction devait être levée. Il avait alors été placé au quartier d’isolement. Début octobre, des faits similaires étaient déjà survenus. Muni d’un couteau, M.S. avait couru après un surveillant, sans l’atteindre. Il avait été placé au quartier disciplinaire où il avait déjà tenté de se suicider. Contacté le 19 novembre par la coordination régionale Poitou-Charentes de l’OIP-SF, la direction de l’établissement n’a pas voulu s’exprimer sur ce sujet. (OIP)
Dati anesthésie la grogne syndicale
5 Les syndicats pénitentiaires ont finalement obtenu satisfaction, du moins partiellement. Après plusieurs semaines de menaces de blocage et de négociations, Rachida Dati a accepté la tenue de groupes de travail, la création d’un bureau d’action sociale et la réalisation d’audits de chaque établissement pénitentiaire. Elle s’est également engagée à ce que, en fonction des résultats de ces derniers, des moyens soient débloqués. Le bras de fer avait commencé le 23 septembre, lorsque, pour la première fois depuis 2002, les trois principaux syndicats de personnels – l’UFAP, FO et la CGT – s’étaient coalisés en une « unité syndicale », affirmant se faire « l’écho d’une colère immense chez les agents unanimes dans le sentiment d’être oubliés et rejetés par les politiques ». Leur premier communiqué dénonçait « l’incohérence de la politique pénale, la surpopulation carcérale, l’insalubrité et la fragilité des établissements, la violence
et l’insécurité grandissantes, les réformes menées à la va-vite sans moyens (RPE,…) », ainsi que leurs conditions de travail. Face à l’« état d’abandon généralisé » des prisons, l’unité syndicale exigeait « dans l’urgence absolue, la tenue de véritables états généraux sur le métier et les conditions de travail des personnels de surveillance », menaçant « dans le cas contraire » d’une mobilisation. Le lendemain, Rachida Dati avait cependant rejeté la demande, affirmant qu’elle n’était « pas pour des états généraux infinis », que « le débat [avait] lieu depuis un an déjà sur les conditions pénitentiaires » et qu’il se poursuivrait à l’occasion du vote de la loi pénitentiaire. Des propositions ont finalement été faites aux syndicats le 20 octobre, lors d’une réunion au cabinet de la garde des Sceaux, mais sans elle. Ressentant son absence comme du « mépris », les syndicats les avaient rejetées, demandant à ce « que la ministre prenne acte de la souffrance des personnels dans les prisons et garantisse des moyens supplémentaires dont on voit l’urgence après les drames récents ». Tentant de se rattraper, Rachida Dati leur avait écrit le soir même pour leur propo-
Quand la pénitentiaire détient abusivement
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rois affaires de détention arbitraire ont défrayé la chronique ces derniers mois. Celle qui a fait couler le plus d’encre met en cause le célèbre procureur de la République de Nice (Alpes-Maritimes), Éric de Montgolfier, ainsi que l’ancien directeur de la maison d’arrêt de la ville. Soupçonnés tous deux d’avoir contribués à maintenir abusivement en détention un voleur de bijoux, ils ont été mis en examen pour « atteinte à la liberté individuelle ». L’affaire remonte à 2003. Le 13 janvier, un juge des libertés et de la détention avait décidé de ne pas prolonger la détention provisoire, mais l’homme était pourtant resté incarcéré. Quelques jours plus tard, il était mis en examen pour un autre vol. La deuxième affaire, pour laquelle un greffier et un surveillant de la maison d’arrêt de Nantes (Loire-Atlantique) ont été renvoyés en correctionnelle le 2 octobre dernier, a failli aboutir à l’expulsion d’un homme, en juillet 2006. Celuici, en situation irrégulière, était en détention provisoire depuis quinze mois. Finalement condamné par le tribunal correctionnel
à un an de prison, sa libération s’imposait, mais la levée d’écrou n’a eu lieu qu’une quinzaine d’heures plus tard. Entre-temps, la police des frontières s’était déplacée jusqu’à l’établissement et l’avait pris immédiatement en charge à sa sortie pour le placer en centre de rétention. Son avocate a porté plainte et l’homme a pu être libéré. Il a obtenu depuis un titre de séjour. La troisième affaire concerne un jeune détenu de 24 ans qui aurait dû être libéré le 4 juin dernier. Le juge chargé de l’instruction de son dossier avait décidé que la détention provisoire n’était plus justifiée. Mais l’administration pénitentiaire l’a semble-t-il « oublié » pendant treize jours. C’est ce qu’explique l’avocate du jeune homme, en rappelant que « le fait par un agent de l’administration pénitentiaire de recevoir ou retenir une personne sans mandat, jugement ou ordre d’écrou établi conformément à la loi, ou de prolonger indûment la durée d’une détention, est puni de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende ». (OIP, AFP, Le Figaro) Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Comparution chaîne aux pieds
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e 28 octobre 2008 à 13h30, un homme a dû comparaître les pieds entravés, devant la quatrième chambre correctionnelle du tribunal de Lyon (Rhône) chargée de le juger. Pour répondre aux questions de la Cour, il a dû ainsi s’avancer à la barre, en progressant par petits pas, les chaînes traînant au sol. Seules les menottes lui ont été ôtées par les forces de l’ordre pendant le temps de sa comparution, pour être aussitôt remises ensuite. Interpellé par courrier par l’OIP, le Procureur général près la Cour d’appel a affirmé qu’il s’agissait d’un « excès de zèle d’un
ser de les voir le 7 novembre. Une date jugée trop tardive. Le 21 octobre, elle s’était donc résolue à appeler les trois secrétaires généraux et leur fixait une rencontre le lendemain à 8 h 30, au cours de laquelle elle a réitéré les propositions faites, s’engageant en outre à présider elle-même les groupes de travail, à ce qu’ils soient animés par une personnalité extérieure et à ce que les moyens soient débloqués en fonction du résultat des audits des établissements. Les syndicats sont sortis satisfaits de ce rendez-vous, affirmant dans un communiqué du 22 octobre que « la ministre s’est enfin rendue compte de la gravité et de l’urgence de la situation dans les établissements ». Le mot d’ordre pour le blocage des prisons prévu le 13 novembre a donc été levé, dans l’attente de la mise en œuvre des engagements de la garde des Sceaux. (OIP)
Trente heures d’attente pour une hospitalisation, faute d’escorte
5 À qui revient la responsabilité d’escorter les détenus à l’hôpital ? Cette question est au cœur d’un conflit qui oppose depuis des années la direction de la maison d’arrêt de Chambéry, en Savoie, et les forces de l’ordre locales. Un désaccord qui aurait pu avoir des conséquences très graves, au mois de juin 2008. Une femme souffrant de problèmes cardiaques a en effet dû attendre une trentaine d’heures entre la décision médicale de la Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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gendarme », qu’il était « effaré » et n’avait « jamais vu ça de [sa] carrière ». Il a poursuivi en expliquant que, même dans le cas de personnes « éminemment dangereuses » – ce qui, en l’espèce, ne lui semblait pas être le cas –, « on renforce simplement les forces de police présentes dans la salle ». Le courrier précisait également que le président de l’audience avait indiqué ne pas avoir remarqué que le prévenu était entravé, car il était « plongé dans ses dossiers ». Le Procureur a « donné des instructions » afin que cette situation ne se renouvelle pas. (OIP)
conduire à l’hôpital et le moment où elle a été effectivement mise en œuvre. Souffrant depuis plusieurs jours de douleurs thoraciques, Mme C.S. avait été sujette, le samedi 21 juin en fin de matinée, à des troubles importants du rythme cardiaque. Aucun médecin n’était présent au sein de l’établissement, comme tous les week-ends. C’est donc le Centre 15 et SOS médecins qui sont intervenus, ainsi que les pompiers vers 13 heures. Au vu des résultats des premiers examens réalisés sur place et des symptômes présentés, décision a été prise d’hospitaliser C.S. pour réaliser des examens complémentaires et écarter tout risque. Mais aucune escorte n’a pu être mise en place. C.S. est donc restée à la prison. Jusqu’à ce que SOS médecins intervienne de nouveau, le lendemain, et que la femme soit enfin conduite à l’hôpital, vers 22 heures. Contactée par téléphone le 10 juillet 2008, la direction interrégionale des services pénitentiaires « confirme qu’il y a bien eu un problème » sans vouloir « émettre de commentaires plus particuliers ». Elle précise toutefois que « lorsqu’il y a un problème, elle est active et entend trouver des solutions aux éventuels dysfonctionnements en cause ». Un point de vue que ne partage pas le commissariat de police, qui affirme pour sa part que l’administration pénitentiaire, invoquant « des problèmes d’effectifs », « ne remplit pas les charges d’extractions médicales qui lui incombent ». Quant à la préfecture, elle assure « être sensible à cette situation », que « ces problèmes sont gérés au cas par cas » et que, « en outre, le préfet organise depuis des années des réunions de concertation entre les partenaires
pour essayer de trouver une solution ». Le problème rencontré par Mme C.S. n’est en effet ni isolé, ni récent, et touche un grand nombre d’établissements. En juin 2001, l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale des affaires sociales en parlaient déjà comme d’un « problème lancinant » dans leur rapport sur « L’organisation des soins aux détenus ». Les ministères de l’Intérieur et de la Justice n’ont pu s’accorder depuis. En guise de solution, les sénateurs viennent de proposer, dans le cadre de leur examen de la loi de finances 2009, que les forces de l’ordre facturent à l’administration pénitentiaire le coût des escortes. (OIP)
Deux mois pour remplacer un poste de radio… disparu au cours d’une fouille
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Il aura fallu plus de deux mois de démarches auprès des autorités pénitentiaires, et la menace d’une plainte pour vol, pour que A.B., détenu à la maison d’arrêt de Fresnes (Valde-Marne), obtienne enfin le remplacement de son poste de radio. C’est pourtant à l’occasion d’une fouille de sa cellule que l’objet avait disparu le 6 février 2008. Un surveillant lui aurait alors dit qu’il lui avait emprunté et qu’il le lui rendrait dans quelques minutes. Deux jours plus tard, le poste ne lui avait toujours pas été restitué. Après plusieurs plaintes au chef de détention et à la directrice de la 2e division, celle-ci le reçoit enfin en audience
de facto
de facto le 8 avril. La disparition remonte déjà à plus de deux mois, mais, comme l’explique la direction dans un courrier du 15 avril 2008, ce n’est qu’à ce moment-là que « des recherches [sont] entreprises au sein des différents services pour retrouver cet appareil ». En guise d’explication, on lui dit que le surveillant aurait signalé le mauvais état du poste de radio qui aurait été placé à la fouille, où il n’a jamais été retrouvé. N’en pouvant plus d’attendre, A.B. fait alors savoir qu’il entend déposer une plainte pour vol et en informe son avocat. Quelques jours plus tard, un poste de radio neuf lui est remis. Selon la direction de la maison d’arrêt, les « investigations » n’ont pas permis de retrouver la radio disparue, d’où la mise en œuvre d’« une procédure amiable ». (OIP)
Christine Boutin lance une expérimentation pour le logement des sortants de prison
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L’annonce a été faite à la presse le 24 septembre : sept préfets vont expérimenter un projet visant à améliorer les conditions de sortie de prison des détenus dépourvus d’hébergement. L’initiative en revient à la ministre du Logement, Christine Boutin, qui a estimé qu’il était de sa responsabilité de « pourvoir à cette question et de contribuer ainsi à la lutte contre la récidive ». L’expérimentation doit durer de six mois à un an, avant d’être étendue à l’ensemble du territoire. Elle concerne pour le moment les départements des Bouches-duRhône, de Charente, de l’Essonne, de LoireAtlantique, du Puy-de-Dôme, du Rhône et des Yvelines, qui sont « tous volontaires », selon la ministre. Le 13 novembre, celle-ci s’est rendue dans le Puy-de-Dôme pour présenter le dispositif mis en place et qui consiste en la mise à disposition, dans un premier temps, de deux appartements à Clermont-Ferrand et à Riom pouvant accueillir en tout trois détenus. D’ici la fin du premier semestre 2009, 13 appartements devraient être à disposition. Dans l’Essonne, seules cinq places sont pour le moment prévues, alors que près de 10 000 personnes sortent chaque année de FleuryMérogis. Sur l’ensemble du territoire, ce sont quelques 100 000 détenus qui sont libérés tous les ans, dont 20 000 sans solution d’hébergement. Le début d’un long chemin pour la ministre du Logement. (AFP, Le Point)
Moins de prison !
Un détenu en attente d’une transplantation cardiaque réincarcéré Le gouvernement ne cesse de clamer sa volonté d’aménager les courtes peines. Dans la pratique, l’écart reste cependant grand entre les discours et leur mise en œuvre. Un homme a par exemple été réincarcéré le 16 octobre 2008 au centre pénitentiaire de Marseille (Bouches-du-Rhône) pour effectuer un reliquat de peine de trois mois et quelques jours, et ce en dépit des risques sanitaires auxquels l’expose la détention. Âgé d’une trentaine d’années, A.M. est en effet atteint d’une cardiomyopathie nécessitant une greffe de cœur pour laquelle il est en attente, et d’une maladie génétique l’exposant à une forme grave d’anémie en cas d’ingestion de certains aliments ou médicaments. C’est pourquoi il bénéficiait d’une suspension de peine pour raison médicale depuis le 10 décembre 2007. Prononcée après deux mois de détention dans la même prison, la décision avait été motivée par les malaises répétés du jeune homme et l’impossibilité « de l’extraire de l’établissement pénitentiaire dans des délais utiles » en cas d’aggravation subite de son état de santé. Cette décision a cependant été révoquée le 7 octobre dernier par la juge de l’application des peines (JAP) de Draguignan (Var), sur la base d’un nouveau rapport d’expertise concluant que, en dépit de la menace d’une « décompensation imprévisible », l’état cardiaque de A.M. « est durablement compatible avec une incarcération, sous réserve qu’il bénéficie d’un suivi régulier et d’un accès facile vers un contact médical à toute heure du jour et de la nuit ». Selon le service médical du centre pénitentiaire, cet impératif est cependant intenable car « rien n’a changé » depuis la précédente incarcération d’A.M. Une extraction dans des délais utiles demeure impossible en cas d’arrêt cardiaque, ou de la possibilité de bénéficier d’un greffon. De même qu’un accès continu au service médical, en raison de l’arrêt de la permanence des soins après 18h30. Une mesure de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique aurait pu être envisagée, comme le permet le Code de procédure pénale. La JAP a cependant privilégié la proposition faite par le procureur de la République d’accorder une libération conditionnelle pour raisons médicales, avant de se rendre compte, lors de la rédaction du jugement, qu’A. M n’était pas dans les délais pour en bénéficier d’une telle mesure. Il lui restait une dizaine de jours de détention à effectuer avant d’atteindre la mi-peine. Il a donc été réincarcéré. (OIP)
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Prisons de sécurité « supermax » aux USA
La dérive disciplinaire Depuis trois décennies, les États-Unis construisent des prisons de sécurité maximale, dites « supermax », de plus en plus nombreuses. L’anthropologue américaine Lorna Rhodes a observé de l’intérieur ces prisons. 1 Elle montre que, loin de ne concerner que les criminels d’exception au nom desquels elles sont construites, ces prisons constituent le système disciplinaire d’une incarcération de masse.
Comment sont nés les « supermax » ? L.R. : L’idée d’un enfermement solitaire remonte à Bentham 2 et au projet du Panoptique : une prison dans laquelle les détenus, seuls en cellule, sont soumis à une surveillance visuelle constante. Aux États-Unis, vers 1830, il y avait des institutions de ce type, où les prisonniers devaient garder le silence. Ces prisons d’enfermement solitaire ont été abandonnées, notamment parce que les prisonniers devenaient fous. Le confinement solitaire a disparu jusqu’à la toute fin des années 1970, où il a fait un retour spectaculaire. Comment peut-on décrire la vie dans une prison de sécurité maximale, dite supermax ? Lorna Rhodes : Du point de vue de l’administration, l’intérêt des supermax est de garder les prisonniers séparés les uns des autres, et séparés du personnel. Donc les détenus sont seuls dans des cellules individuelles, dont tous les meubles sont scellés au sol, et qui sont fermées par des portes opaques. Les portes sont trouées pour que les prisonniers puissent passer leurs mains et être menottés alors qu’ils sont encore en cellule. Les prisonniers ne sortent que pour faire du sport, seuls dans une petite pièce, ou prendre une douche. Ils sont enfermés 23 heures sur 24. Les portes des douches ont aussi des trous permettant de menotter la personne, de sorte que ses mains ne sont jamais libres hors de sa cellule. Deux surveillants sont toujours avec elle, un de chaque côté. Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Comment expliquer ce tournant ? L.R. : C’est une réponse aux émeutes qui se sont produites dans les années 1970, en même temps qu’un effet de balancier suite au mouvement des droits civiques et des changements qu’il a entraînés. Ce retour de bâton carcéral est une partie d’un virage conservateur plus général, mené par l’administration Reagan, appuyé notamment sur la déclaration de guerre à la drogue, comme fondation d’un régime d’incarcération de masse. Concrètement, le régime supermax a vu le jour au pénitencier fédéral de Marion, dans l’Illinois, en 1983. La prison de Marion était le théâtre de violences de plus en plus nombreuses. Alors l’administration a tout fermé. Les prisonniers ont été enfermés dans leur cellule, et n’en sont plus jamais sortis. Ils ont été soumis à une surveillance intensive, des équipes d’intervention ont été mises en place. L’administration a créé de fait le régime supermax, sans lui donner ce nom, et sans réforme légale.
ENTRETIEN ACTU
« Les prisonniers ont été enfermés dans leur cellule, et n’en sont plus jamais sortis. L’administration a créé de fait le régime supermax, sans lui donner ce nom, et sans réforme légale. » Comment les prisons supermax se sont-elles répandues ? L.R. : Il y a eu plusieurs facteurs. D’abord le gouvernement fédéral a un certain prestige, et les administrations pénitentiaires des États ont vu dans ce système un élément de prestige. Elles ont aussi considéré qu’il s’agissait d’une opportunité pour réduire la violence et la peur à l’intérieur de leurs prisons. Elles ont également vu dans les supermax une manière de dire à l’opinion publique que certains détenus étaient des personnes très dangereuses, « les pires des pires », comme dit le discours politique. Pour partie, c’est lié à l’ensemble des changements qui ont frappé les États-Unis dans les années 1980 : la mondialisation, la perte de nombreux emplois et de la sécurité financière pour des pans entiers du pays. Dans l’État de Washington (au Nord-Ouest des États-Unis), par exemple, il existait une importante industrie du bois. Quand cette industrie a disparu, l’industrie des prisons est devenue un substitut. En ce sens, la production de l’emprisonnement, c’est la production d’une forme d’État-providence comme réponse au déclin de l’économie. Un autre argument économique veut qu’il existe un énorme complexe industriel, relié à d’autres industries militarisées, et qui construit les prisons, les équipements de la prison, leurs systèmes informatiques. Il y a des connections, que personne ne pointe avec précision, entre la législation des États et le lobbying de cette industrie. Enfin, le développement des supermax répond à une très forte préoccupation née dans les années 1980, qui est l’appréhension du risque, en particulier celui causé par le profil des « prédateurs sexuels » et des tueurs en série, et tous les crimes qui produisent de la peur du crime et de la criminalité. Qui va en supermax ? L.R. : Il est très difficile de savoir combien de personnes exactement sont détenues en supermax, car ce régime existe à la fois dans des prisons spécifiques et dans des parties de prisons ordinaires. Aujourd’hui, il semble qu’il concerne au moins 20 000 personnes. Contrairement à la représentation politique qui présente les « supermax » comme la réponse adaptée aux plus grands criminels, les supermax accueillent des détenus essentiellement pour des raisons qui tiennent à la discipline de la prison, dont un grand nombre pour l’accumulation de fautes disciplinaires mineures. Une première catégorie de détenus est composée de personnes qui ont menacé, attaqué ou tué un membre du personnel ou un autre détenu, ou vendu de la drogue. Les malades mentaux forment une seconde catégorie. Parfois, les gens sont déjà malades lorsqu’ils sont emprisonnés : ils ne peuvent pas se plier aux règles de la prison, ou se comportent de manière imprévisible. Ils finissent donc par accumuler les problèmes et les infractions. Enfin, une dernière catégorie de détenus est volontaire pour aller en supermax. Certains pour leur protection, comme les anciens policiers, ou des hommes jeunes, incarcérés pour la première fois, qui ont peur des autres
prisonniers, ne veulent pas le montrer et ne savent pas exactement comment se protéger. Ils provoquent une bagarre dès qu’ils arrivent et finissent en supermax. D’autres parce qu’ils sont les auteurs de crimes spectaculaires et très médiatisés. Combien de temps les détenus restent-ils en supermax ? Comment en sortent-ils ? L.R. : Parfois l’administration utilise les supermax pour une ségrégation temporaire, par exemple pour des personnes qui se sont battues dans la cour de promenade ou au terrain de sport. Elle place tous les détenus impliqués en supermax. Puis les sépare en les envoyant dans des prisons différentes. Mais d’autres fois, les prisonniers changent de catégorie et deviennent, en tant que personnes, des prisonniers de haute sécurité. Ils peuvent alors rester en supermax pour plusieurs mois, jusqu’à deux à trois ans. Et quelques uns pour de nombreuses années. Dans l’État de Washington, lors de mon enquête, dix à vingt personnes étaient en supermax depuis plus de cinq ans. Il est aussi courant que les personnes fassent des allers-retours entre les régimes de détention. Ils ne peuvent pas gérer le retour en détention ordinaire, parce que l’un des effets du supermax est l’intolérance aux autres personnes. Quel est le bilan des supermax ? L.R. : Certains détenus deviennent fous. C’est une conséquence prévisible de l’isolement, même s’il est très difficile de savoir combien de personnes elle concerne. Par ailleurs, personne n’a idée sur ce que deviennent les gens une fois libérés, c’est une étude qui devra être faite. La théorie de l’administration est que les supermax sont un moyen efficace pour diminuer la violence, par la neutralisation d’une partie des détenus. C’est le même argument que celui en faveur de l’incarcération en général. Mais c’est seulement une neutralisation temporaire, qui tend à faire oublier que d’autres solutions sont possibles. En Angleterre, j’ai visité une prison conçue comme une communauté thérapeutique, ouverte dans les années 1960, où sont envoyés les prisonniers violents. Dans cette prison, les unités sont régies comme des entités démocratiques, où les personnes votent sur la gestion de leur propre unité. Les détenus ont des relations très différentes avec les surveillants et l’administration. Ils ont des groupes thérapeutiques, des réunions communautaires auxquelles les surveillants prennent part. Ce type d’établissement est désormais loin d’avoir le vent en poupe. Aujourd’hui, l’Angleterre a construit une prison conçue sur le plan des supermax américains. Propos recueillis par Jean Bérard et Carolina Boe (1) Lorna A. Rhodes, Total Confinement: Madness and Reason in the Maximum Security Prison, University of California Press, 2004. (2) Le Panoptique, écrit en 1780, a été réédité en France en 2002, aux Éditions Mille et une nuits, Paris. Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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Après l’avancée entérinée en décembre 2007 par le Conseil d’État, qui a restreint un peu plus le champ des mesures d’ordre intérieur, ces derniers mois ont de nouveau été marqués par des décisions jurisprudentielles de grandes importances concernant l’isolement, les fouilles intégrales répétées ou encore le statut de « détenu particulièrement signalé ». Explications…
Isolement,
Les dernières avancées Le Conseil d’État annule partiellement le décret sur l’isolement
en droit
Saisi d’un recours de l’OIP contre un décret du 21 mars 2006 sur l’isolement, le Conseil d’État a, le 31 octobre 2008, rendu en formation solennelle un arrêt important (n° 293785), qui vient renforcer la protection des droits fondamentaux des personnes détenues. Tout d’abord, la haute juridiction administrative a censuré deux dispositions du texte. La première annulation concerne le placement à l’isolement des mineurs, justifiée par l’absence de « garanties suffisantes » en termes de respect des droits de l’enfant. Le Conseil d’État a en effet jugé que, si une mesure d’isolement peut être appliquée à un mineur, la Convention de New York sur les droits de l’enfant (articles 3-1 et 37) fait « obligation d’adapter [leur] régime carcéral […] dans tous ses aspects pour tenir compte de leur âge ». En conséquence, et « compte tenu des fortes contraintes qu’il comporte », explique la haute assemblée, « un régime d’isolement ne peut être rendu applicable aux mineurs sans que des modalités spécifiques soient édictées pour adapter en fonction de l’âge, le régime de détention, sa durée, les conditions de sa prolongation et notamment le moment où interviennent les avis médicaux ». Or, le décret du 21 mars 2006 ne fait pas de distinction entre détenus majeurs et mineurs. La seconde annulation vise l’isolement judiciaire, que peut ordonner un magistrat à l’égard d’une personne placée en détention provisoire. Suivant l’argument soulevé par l’OIP, le Conseil d’État a considéré que le décret fixait des règles de procédure pénale, lesquelles relèvent, selon la Constitution, du domaine de la loi et non d’un simple décret. Par ailleurs, le Conseil d’État a considéré que l’isolement judiciaire violait la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme en ce que la mesure prise par le juge d’instruction ne peut faire l’objet d’un recours effectif. S’agissant de l’isolement administratif, si les juges estiment que le décret ne méconnaît pas, par lui même, l’interdiction des traitements inhumains et dégradants (article 3 de la Convention européenne) et l’obligation d’assurer un traitement humain de la personne détenue (article 10-1 du Pacte international relatif aux droits civils et Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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politiques), ils affirment que ce pourrait être le cas de mesures individuelles, dont ils soulignent qu’elles sont susceptibles d’être déférées au juge, et notamment par la voie du référé. L’arrêt comporte ainsi une invitation en direction des juridictions à se montrer moins sévères dans leur appréciation des conditions d’octroi du référé. Ensuite, l’arrêt vient reconnaître la possibilité de faire valoir les objectifs d’insertion attachés à la peine, consacrés par l’article 707 du code de procédure pénale (CPP) et l’article 10-3 du Pacte international, à l’appui de recours dirigés contre des décisions individuelles. Á cet égard, il souligne qu’« une mesure d’isolement a vocation à avoir un caractère provisoire tout en ne portant pas atteinte aux contacts qu’est susceptible de maintenir le détenu dans la perspective de son élargissement et de sa réinsertion ultérieure ». De même, s’il a rejeté l’argument selon lequel le dispositif en tant que tel ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention européenne, le Conseil d’État indique qu’« une mise à l’isolement pourrait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au respect de l’intégrité de la personnalité des détenus que les stipulations précitées ont notamment pour objet de sauvegarder ». Ce faisant, le Conseil entérine une interprétation constructive des exigences de la Convention européenne. Enfin, l’OIP invoquait également le fait que l’article 728 du CPP – qui prévoit qu’« un décret détermine l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires » et sur lequel l’administration s’est fondée pour instituer le régime de l’isolement administratif – n’habilitait pas expressément l’administration à définir un régime aussi attentatoire aux droits des détenus. L’OIP faisait valoir que seul le législateur pouvait prendre de telles règles. Cet argument a donné lieu à une position particulièrement importante du Commissaire au gouvernement, qui a estimé que l’article 728 du CPP était inconstitutionnel dans la mesure où le
en droit
fouilles et DPS
de la jurisprudence
© Sébastien Sindeu
législateur ne peut valablement confier au pouvoir réglementaire le soin de fixer les règles affectant les droits fondamentaux. Cet article ayant été introduit par le législateur et le juge administratif ne pouvant se prononcer sur la constitutionnalité des lois, ni le Commissaire, ni le Conseil d’État n’ont pu en tirer de conséquences immédiates. Ils n’en ont pas moins saisi l’occasion de rappeler le législateur à ses devoirs. Un rappel particulièrement bienvenu à l’approche de l’examen de la loi pénitentiaire.
… et encadre les fouilles intégrales répétées Jusqu’à huit fouilles intégrales par jour, avec obligation de se dénuder et de se mettre à quatre pattes, le tout avec enregistre-
ment vidéo. Les mesures imposées par les Équipes régionales d’intervention et de sécurité de l’administration pénitentiaire à deux détenus comparaissant devant la Cour d’assises de Pau (Pyrénées-Atlantiques) en avril 2008 sont absolument délirantes. C’est pourquoi, saisi en référé sur ces faits, le Conseil d’État a tenu, dans une décision du 14 novembre, à fixer les conditions dans lesquelles les détenus peuvent être soumis à des fouilles corporelles intégrales. Tout en admettant que « les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l’application à un détenu d’un régime de fouilles corporelles intégrales répétées », le Conseil d’État a considéré que de telles pratiques ne pouvaient être mises en œuvre qu’à une « double condition ». La première est qu’il existe des « suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers » ; la seconde est « qu’elles se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes ; qu’il appartient ainsi à l’administration de justifier de la nécessité de ces opérations de fouille et de la proportionnalité des modalités retenues ». Le Conseil d’État ne s’est pas explicitement prononcé sur le cas spécifique de ces détenus car la condition d’urgence requise dans le cadre du référé n’était plus réunie au moment où il a pris sa décision, le procès étant achevé depuis longtemps. À l’époque de leur comparution devant la Cour d’assises, les détenus avaient saisi le juge administratif de Pau pour faire annuler le régime de fouilles qu’ils subissaient, mais le magistrat s’était déclaré incompétent, dans une ordonnance du 14 avril 2008, au motif erroné que les mesures de sécurité mises en œuvre étaient indétachables du procès d’assises, alors même qu’elles relèvent de la compétence du chef d’établissement. Saisi en cassation, le Conseil d’État a donné tort au magistrat palois. Une décision qui arrive malheureusement bien tardivement pour les plaignants, mais qui ne manquera pas d’intéresser les parlementaires, le projet de loi pénitentiaire n’envisageant nullement d’encadrer strictement l’usage de la fouille. La Cour européenne a toutefois été saisie de cette affaire sur le fondement des articles 3 Dedans Dehors N°66 Novembre 2008
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« une mesure d’isolement a vocation à avoir un caractère provisoire tout en ne portant pas atteinte aux contacts qu’est susceptible de maintenir le détenu dans la perspective de son élargissement et de sa réinsertion ultérieure » (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée) et 13 (droit à un recours effectif).
Une voie de recours ouverte pour les DPS
en droit
Pour la première fois en France, une juridiction administrative a reconnu que l’inscription au répertoire des « détenus particulièrement signalés » (DPS) était une mesure faisant grief, et est à ce titre susceptible de recours. La décision a été prise par la Cour administrative d’appel de Paris le 22 mai 2008 (n°05PA00853). Elle examinait le recours déposé par un homme qui avait fait l’objet d’une inscription au répertoire des DPS par décision du garde des Sceaux du 11 décembre 2003 et en demandait l’annulation. Le requérant soutenait que cette mesure avait pour conséquence d’aggraver son régime de détention par la surveillance qui lui était imposée (conditions des fouilles, extractions, etc.), mais également d’empêcher son transfert en centre de détention ainsi que toute possibilité d’aménagement de sa peine. Á l’appui, il avait produit notamment une ordonnance d’un juge de l’application des peines lui expliquant que son statut de DPS constituait un obstacle à un projet de réinsertion. En premier instance, le tribunal administratif de Paris avait cependant estimé, le 15 décembre 2004, qu’un tel classement était une mesure d’ordre intérieure, non susceptible de recours devant la juridiction administrative. Il avait ainsi suivi une jurisprudence du Conseil d’État, remontant
au 12 novembre 1986. Au cours de l’audience du 6 mai 2008, le Commissaire du gouvernement a pour sa part invité la Cour d’appel à revenir sur cette position. Citant les trois arrêts pris par le Conseil d’État en décembre concernant les déclassements d’emplois, les transferts et les rotations de sécurité (cf. Dedans Dehors, n° 65, avril 2008), il a expliqué que la haute juridiction administrative avait fait une avancée supplémentaire dans sa jurisprudence, notamment en reconnaissant l’importance des « effets potentiels et indirects » des décisions, et non pas seulement leurs effets réels et immédiats. Suivant ces conclusions, la Cour administrative a considéré que, « eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets directs et indirects […] une telle décision constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et non une mesure d’ordre intérieur ». La Cour a estimé que la mesure était soumise à l’obligation de motivation. Or, en l’espèce, la décision ne comportait ni la référence sur le fondement duquel elle a été prise, ni « aucun élément de fait permettant […] de la contester en connaissance de cause ». La Cour l’a donc annulée. L’homme n’en bénéficiera pas car il a depuis été libéré. Il avait cependant décidé de poursuivre son action, « par principe » et pour les autres personnes qui subissent le même traitement. Si la décision de la Cour administrative est validée par le Conseil d’État, plusieurs centaines de personnes pourront à leur tour contester leur inscription à ce fichier. Stéphanie Coye et Hugues de Suremain
Isolement abusif : la justice indemnise un détenu Quatre milles euros. C’est la somme accordée par la Cour administrative d’appel de Paris le 5 juin 2008 (n°07PA00126) à un homme, condamné à perpétuité et incarcéré depuis septembre 1984, qui avait été placé à l’isolement en juillet 1999 à la suite d’une tentative d’évasion, et n’en était sorti que le 18 août 2004, sur ordonnance du juge des référés de Paris. Le tribunal administratif de Paris avait confirmé le jugement le 12 mai 2005 et annulé les décisions de placement en date du 15 mars et du 25 mai 2004. Une autre décision d’isolement, en date du 28 décembre 2003, avait été annulée par le tribunal administratif de Dijon, puis par la Cour administrative d’appel de Lyon en 2007. L’homme avait alors présenté une demande de réparation à l’administration pénitentiaire, qui lui avait proposé 2 200 euros. En première instance, par une décision du 2 novembre 2006, le tribunal admi-
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nistratif de Paris avait condamné l’État à lui payer la somme de 1 000 euros. Lors de l’audience d’appel, le Commissaire au gouvernement a estimé que l’isolement n’était plus justifié à partir de juillet 2000, l’administration pénitentiaire n’ayant apporté aucun élément montrant qu’il voulait s’évader à cette date. Pour évaluer le préjudice, le Commissaire a proposé de prendre en compte la perte de rémunération, en raison de l’impossibilité d’exercer une activité rémunérée, et l’atteinte à sa santé psychique, attestée par des certificats médicaux, et a recommandé une indemnisation à hauteur de 15 000 euros. La Cour administrative a pour sa part estimé que l’isolement ne s’était plus justifié qu’à compter du mois de décembre 2003, c’est-à-dire à la date de la décision annulée la plus ancienne, et a apprécié le préjudice à 4 000 euros. (OIP)
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le guide du prisonnier, OIP/ La Découverte, 2004, 576 p., 24 (hors frais de port)
le guide du sortant OIP/ La Découverte, 2006, 416 p., 22 (hors frais de port)
Dedans dehors n°65
Bulletin à renvoyer à OIP, section française, 7 bis, rue Riquet 75019 Paris
Nom .................................................................................... Prénom ........................................................ Profession ............................................................ Organisme ...................................................... Adresse .................................................................................................................... Code postal . .......................... Ville ......................................................................................................................................... Tél. . .................................................................. Fax .................................................................. e-mail ........................................................................................................................................................................... Je suis membre du groupe local de ............................................................................................ Je vous adresse un chèque de ................................. € à l’ordre de l’OIP-SF
ADRESSES
Pour tout renseignement sur les activités de l’OIP en France : OIP section française 7 bis, rue Riquet 75019 Paris tel : 01 44 52 87 90 fax : 01 44 52 88 09 e-mail : contact@oip.org site : www.oip.org
Pour témoigner et alerter sur les conditions de détention en France : Permanence juridique Marie Crétenot : 01 44 52 87 94, marie.cretenot@oip.org Elsa Dujourdy : 01 44 52 87 96, elsa.dujourdy@oip.org 7 bis, rue Riquet 75019 Paris
L’OIP en région Les coordinations régionales mènent leur action d’observation et d’alerte au sujet de tous les établissements pénitentiaires de la région concernée, en lien avec les groupes et correspondants locaux présents : Pour contacter les coordinations régionales : Région Ile-de-France François Bès 7 bis, rue Riquet 75019 Paris 01 44 52 87 95 fax : 01 44 52 88 09 francois.bes@oip.org
Région Nord-Pas-de-Calais Anne Chereul 70, rue d’Arcole - BP 211 59018 Lille Cedex 09 61 49 73 43 06 63 52 10 10 anne.chereul@oip.org
Région Poitou-Charentes Barbara Liaras 8, bd du maréchal de Lattre de Tassigny 86000 Poitiers 06 22 90 27 60 barbara.liaras@oip.org
Région Rhône-Alpes Céline Reimeringer 57, rue Sébastien Gryphe 69007 Lyon 09 50 92 00 34 fax : 09 55 92 00 34 celine.reimeringer@oip.org
Les groupes et correspondants locaux assurent l’observation et l’alerte de la (les) prison(s) présente(s) dans leur ville, en lien avec les coordinations régionales et le secrétariat national : Pour les contacter vous pouvez joindre le secrétariat national : contact@oip.org ou 01 44 52 87 90 Aix-en-Provence, Agen (Eysses), Aiton, Amiens, Angoulême, Arras, Avignon, Bapaume, Bayonne, Bédenac, Béthune, Bois d’Arcy, Bonneville, Bourg-en-Bresse, Chambéry, Douai, Dunkerque, Fleury-Mérogis, Fresnes, Grenoble (Varces), Laon, Le Puy-en-Velay, Lille, Longuenesse, Lyon, Marseille, Maubeuge, Meaux, Melun, Metz,Nancy, Nanterre, Nîmes, Niort, Osny, Paris La Santé, Poissy, Poitiers, Porcheville, Privas, Rennes, Rochefort, Saintes, Saint-Etienne, Saint-Martin-de-Ré, Saint-Quentin-Fallavier, Toulon, Valence,Valencienne, Versailles, Villefranche-sur-Saône, Villepinte.
Qu’est-ce que l’OIP ? Considérant que l’emprisonnement est une atteinte à la dignité de la personne, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), juridiquement créée en janvier 1996, agit pour la défense des droits fondamentaux et des libertés individuelles des personnes détenues. Que fait l’OIP ? Concrètement, l’OIP dresse et fait connaître l’état des conditions de détention des personnes incarcérées, alerte l’opinion, les pouvoirs publics, les organismes et les organisations concernées sur l’ensemble des manquements observés ; informe les personnes détenues de leurs droits et soutient leurs démarches pour les faire valoir ; favorise l’adoption de lois, règlements et autres mesures propres à garantir la défense de la personne et le respect des droits des détenus ; favorise la diminution du nombre de personnes détenues, la limitation du recours à l’incarcération, la réduction de l’échelle des peines, le développement d’alternatives aux poursuites pénales et de substituts aux sanctions privatives de liberté. Comment agit l’OIP ? Organisation indépendante des pouvoirs publics, l’OIP ne sollicite aucun mandat ou subvention du ministère de la Justice, s’interdit de prendre part à l’action d’aucun gouvernement, de soutenir aucun parti politique ou de prendre position à l’occasion de toute consultation électorale. Pour faciliter la mise en œuvre de ses objectifs, l’Observatoire suscite la création de coordinations régionales et de groupes locaux en charge de l’observation d’un lieu de détention et composés exclusivement de membres de l’OIP.