OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS / SECTION FRANÇAISE
N°100 / JUIN 2018 / 7,50 €
LA PRISON PAR LES PRISONNIERS Les personnes détenues prennent la plume
SOMMAIRE p. 4 La prison par les prisonniers - Les détenus prennent Publication trimestrielle de la section française de l’Observatoire international des prisons association loi 1901, 7 bis, rue Riquet, 75019 Paris, Tél. : 01 44 52 87 90, Fax : 01 44 52 88 09 e-mail : contact@oip.org Internet : www.oip.org Directrice de la publication Delphine Boesel Rédaction en chef Laure Anelli Rédaction, remerciements à : toutes les personnes détenues qui ont contribué à ce numéro Iconographie Pauline De Smet Contributions bénévoles (recherches, transcriptions et traductions) Alice Collinet / Alexandra Delage Jeanne Du Tertre / Mireille Jaegle Chloé Redon / Claire Simon Secrétariat de rédaction Laure Anelli / Marie Crétenot Pauline De Smet / Cécile Marcel Identité graphique Atelier des grands pêchers atelierdgp@wanadoo.fr Maquette Maël Nonet, agence Barberousse barberousse-communication.fr © Photos et illustrations, remerciements à : Bernard Bisson / Grégoire Korganow / CGLPL Ernest Pignon-Ernest / à toutes les personnes détenues dont les dessins figurent dans ces pages
Et à Divergence-images Impression Imprimerie ÇAVA Expressions 114 rue de Meaux, 75 019 Paris Tél. : 01 43 58 26 26 ISSN : 1276-6038 Diffusion sur abonnement au prix annuel de 30 € CPPAP : 1119 G 92791
la plume
p. 6 Ce qui doit changer
CONDITIONS DE DÉTENTION p. 7 L’Arrêt public p. 8 Premières impressions p. 12 Sommeil d’enfant p. 13 Inventaire non-exhaustif des conditions de vie en maison d’arrêt Une journée en prison : le contrôle et le vide La promenade, seule activité garantie Les maux de la prison (Ré)veilleurs de nuit La prison
p. 14 p. 16 p. 18 p. 22 p. 22
RECETTES DU TAULARD p. 23
ÉDITO LA LOI DE LA PRISON p. 20 p. 28 p. 30 p. 33
Le code des détenus Arbitraire partout, justice nulle part « Tout est fait pour que vous craquiez » Un mitard en hiver
DIGNITÉ EN PRISON p. 34 Fouilles à nu : l’humiliation p. 36 Comme des bêtes en cage p. 39 « Ils sont en train de nous déshumaniser »
SENS DE LA PEINE p. 40 p. 42 p. 43 p. 44 p. 45
La prison a-t-elle du sens ? Prison et récidive La prison, un temps de réflexion ? Les longues peines ou la désocialisation organisée 0 : 49
NUMÉRO 100 : PLACE AUX DÉTENUS par CÉCILE MARCEL,
directrice de l’OIP-SF A-t-on le droit de s’exprimer quand on a soi-même enfreint la loi ? Peut-on donner son avis, dire ses souffrances, pire, se plaindre de son sort, quand on n’a pas respecté les règles, que l’on a porté atteinte à quelqu’un ou quelque chose ? Est-il tout simplement permis de se raconter, de rappeler qu’on existe, quand la société a choisi de vous exclure, de vous couper du monde ? La vérité, au-delà du droit, c’est que nous faisons bien peu de cas de la parole des prisonniers. Les enfermer, c’est aussi un moyen de ne plus les voir, de ne plus les entendre. Derrière les barreaux, on attend d’eux qu’ils fassent profil bas. S’ils prennent la parole, celle-ci est au mieux considérée comme sujette à caution, le plus souvent comme illégitime. Quand bien même ils souhaiteraient s’exprimer, les détenus ont souvent l’impression de crier dans le désert. « Nous sommes considérés comme des moins que rien, sans aucun droit. Juste celui de se taire, d’écrire et de ne pas avoir de réponse », raconte dans ce numéro une personne incarcérée depuis six ans. Confrontés au silence de l’institution, ils peuvent encore tenter de dépasser les murs pour se faire entendre au dehors. Mais le droit d’expression est, en prison, limité, soumis à la censure, parfois tout simplement foulé au pied. « J’ai peur que ce courrier trouve la corbeille, ce n’est pas rare », nous écrit l’un d’eux. Pour ce numéro 100 de Dedans Dehors, nous avons donc choisi de donner la parole à ceux du dedans et d’être leur porte-voix vers le dehors. Car si cette revue a vocation à parler de la prison, qui mieux que les personnes détenues pour le faire ? Elles disent ici leur quotidien, racontent les règles de la prison – souvent éloignées de celles du droit –, mettent des mots sur leurs souffrances – physiques et mentales – et livrent leurs réflexions sur le sens de cette peine. Des textes qui disent davantage leur désespoir que leur envie de révolte. Mais parler quand on refuse de vous entendre, n’est-ce pas déjà un acte de révolte ? Une révolte pacifique, un moyen de se réhabiliter en tant que sujet de droit et qu’être humain. Un appel surtout, auquel nous ne pouvons continuer à rester sourds.
Les détenus prennent la plume
LA PRISON PAR LES PRISONNIERS Le dedans qui parle au dehors, dans un numéro écrit entièrement par des personnes détenues, pour le grand public. Afin de décrire de l’intérieur, par ceux qui la vivent, la réalité carcérale : c’est le projet que nous défendons dans ces pages, à l’occasion du 100e Dedans Dehors. par OIP-SF
P
Pas loin d’un demi-siècle après la création du Groupe d’information sur les prisons, qui s’était donné pour mission de « faire savoir ce qu’est la prison » par la voix des premiers concernés, force est de constater que la prison reste marquée, aujourd’hui encore, par une extrême opacité. Et qu’exprimer publiquement ses idées demeure, pour les prisonniers, un acte transgressif. Un beau projet donc que ce numéro exceptionnel – dans une démarche, il faut le souligner, dont l’OIP ne revendique ni la primeur, ni l’exclusivité. (1) Les personnes détenues voient en effet leur liberté individuelle entravée. En l’état actuel des textes, « la sortie
On pense notamment ici à L’Envolée, au Passe-Murailles du Genepi, à l’émission radiophonique « Ras les murs », sur Radio Libertaire et, plus récemment, au Syndicat pour la protection et le respect des prisonniers.
(1)
(2) Décret n° 2013368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires.
des écrits faits par un détenu en vue de leur publication ou de leur divulgation sous quelque forme que ce soit » nécessite l’autorisation des services pénitentiaires, « tout manuscrit produit en détention » pouvant en outre « être retenu pour des raisons d’ordre » (2). Aussi, envoyer un texte à des fins de publication sans l’accord de l’administration pénitentiaire revient à enfreindre un interdit. Et expose à des sanctions. C’est pourtant ce qu’ont fait l’ensemble des personnes détenues qui ont répondu à notre appel à contribution pour la rédaction de ce numéro (lire ci-dessous). Une cinquantaine : c’est plus que nous n’aurions espéré !
AVIS AUX LECTEURS Pour réaliser ce numéro, nous avons, entre le 19 mars et le 30 avril
démarche inhérente à tout travail d’édition, ils ont aussi, pour
2018, glissé un appel à contributions dans nos courriers habituels
certains, été coupés, retravaillés, avec la volonté et le souci de ne
de réponse aux sollicitations de personnes détenues. Différents
pas trahir l’expression et les pensées de leurs auteurs. Nous espé-
thèmes, dont elles avaient la liberté de s’affranchir, leur était pro-
rons y être parvenus et profitons de cette tribune pour les remer-
posés : « Avant la prison », « Dignité et droits en prison », « Consé-
cier de leur confiance.
quences de la prison sur le corps et l’esprit », « La loi de la prison »,
La démarche ne prétend ni à l’exhaustivité ni à la représentati-
« Contenu, sens et fonction de la peine », « Le détenu et la société ».
vité. Le principe même du recours à l’écriture exclut d’emblée une
Ces thèmes les ont diversement inspirés, comme le reflète le contenu
grande partie de la population détenue : 11 % sont illettrés, 27 %
de ce numéro. Quelques textes proviennent également de courriers
échouent au bilan de lecture. 48 % n’ont aucun diplôme et 80 %
qui nous ont été envoyés dans d’autres contextes.
ne dépassent pas le niveau CAP. Sans même parler d’illettrisme,
Pour la protection des contributeurs, nous avons choisi de les
pour des personnes peu diplômées, le sentiment d’illégitimité
anonymiser. Tous ne se retrouvent pas dans ces pages, la place
peut conduire à renoncer à prendre la plume. Le point de vue des
aurait manqué. Les textes ont donc été sélectionnés pour propo-
femmes détenues – très minoritaires en détention – n’est pas non
ser une diversité de sujets, de points de vue et de styles. Dans une
plus ici représenté.
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© Ernest Pignon-Ernest
LA PAROLE CONFISQUÉE Donner la parole aux personnes détenues, c’est aussi l’occasion de rappeler qu’en prison, cette parole est au mieux contrôlée, souvent confisquée et disqualifiée. Tous les courriers, à l’exception de ceux échangés avec certaines autorités administratives et judiciaires, peuvent être lus. Les correspondances téléphoniques sont écoutées. Les demandes, aussi basiques soient elles, se perdent souvent dans la machine administrative ou se heurtent au silence d’une institution qui considère qu’elle n’a pas de compte à rendre, encore moins à ceux dont elle a la charge. Il n’existe pas, pour les détenus, de moyen de porter des revendications, pas de canaux permettant de s’exprimer collectivement sur les problèmes en détention, d’espace de dialogue ou de concertation. Ni syndicat, ni association ou comité de représentants. Plus encore, toute action collective, même pacifique, relève de la faute disciplinaire. Des détenus sont ainsi régulièrement sanctionnés, officiellement ou officieusement, pour avoir signé une pétition ou refusé de remonter de cour de promenade (3) – seul moyen à leur disposition pour exprimer leur mécontentement. De quoi nourrir encore un peu plus le sentiment de frustration et d’injustice à l’égard de l’institution. Combien encore de colères rentrées jusqu’à l’explosion avant que ne soit enfin instaurés des espaces d’expression ? Ce qui est vrai pour les détenus l’est aussi pour tous ceux qui travaillent ou interviennent en détention (4). Les personnels pénitentiaires sont en effet soumis à un devoir de réserve tel qu’ils doivent « s’abstenir en public, qu’ils soient ou non en service, de tout acte ou propos de nature à déconsidérer le corps auquel ils appartiennent ou à troubler l’ordre
(3) Le 3 juillet 2017, une trentaine de détenus des Baumettes ont refusé de remonter de cour de promenade afin de « voir le personnel de direction et obtenir certaines revendications », explique le compte-rendu d’incident rédigé par un personnel pénitentiaire. La sanction est immédiatement tombée : les deux supposés meneurs ont fait l’objet d’un transfert.
Une conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation également secrétaire départementale de la CGT SPIP 65 a ainsi, en décembre 2016, écopé de sept jours d’exclusion avec sursis pour avoir commenté, dans les colonnes du quotidien L’Humanité, certaines modalités de la mise en œuvre de la prévention de la radicalisation.
(4)
Décret n°66-874 du 21 novembre 1966.
(4)
public » (5). Une conception extensive de l’obligation de réserve traditionnellement imposée aux fonctionnaires qui s’applique également aux intervenants extérieurs, professionnels ou bénévoles, ou encore aux prestataires privés, et à laquelle l’administration pénitentiaire doit son surnom de « Petite muette ».
LA PRISON PAR LES PRISONNIERS Dans ces pages, les personnes détenues nous parlent de la prison telle qu’elles la vivent. Elles se souviennent de leur arrivée. Racontent la première nuit entre les murs ; le bruit, les odeurs, la perte de repères, le sentiment de claustration et d’isolement, la peur, le soulagement, parfois, de trouver humanité et soutien auprès de certains gardiens et codétenus. Décrivent le quotidien dans cet univers de contrainte, un quotidien trop souvent fait de vide ; de rapports de force, que ce soit face à l’administration ou entre détenus. Confient le délabrement du corps, l’altération des sens, la perte des capacités physiques et mentales, souvent liée à la prise de médicaments qui abîment autant qu’ils aident à tenir. Racontent l’infantilisation, la soumission extrême à l’institution. Et disent surtout le sentiment d’arbitraire face à une administration omnipotente ; d’impuissance et d’impunité face aux atteintes aux droits qu’ils peuvent subir. La prison peut-elle, dans ces conditions, être un temps de reconstruction ? Ils sont peu nombreux à le penser. Sous leur plume, c’est avant tout un lieu de souffrance et de violence qui est décrit. La peine peut-elle alors avoir un sens pour ceux à qui elle est infligée ? Et pour la société ? JUIN 2018 / DEDANS-DEHORS N°100
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CE QUI DOIT CHANGER Les personnes détenues devraient pouvoir s’exprimer publiquement à moins que des raisons impérieuses ne s’y opposent (protection des victimes, des autres détenus et du personnel). La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion d’affirmer que « le maintien du calme, de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement » * n’était pas un argument suffisant pour s’y opposer. La confidentialité des courriers (entrants comme sortants) devrait être respectée, « sauf s’il existe une © Ernest Pignon-Ernest raison spécifique de soupçonner que son contenu pourrait être illégal », comme s’accordent à le dire les règles pénitentiaires européennes et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, auquel cas le courrier devrait être ouvert en présence de son destinataire. Les mouvements pacifiques ne devraient plus pouvoir être réprimés : les dispositions sanctionnant toute « action collective de nature à perturber l’ordre de l’établissement » devraient être supprimées, afin d’autoriser les personnes détenues à signer une pétition par exemple, ou tout autre mode de revendication autorisé par le droit commun.
ñ
Intervention d’Ernest Pignon-Ernest en 2012 à la prison SaintPaul, à Lyon, après sa fermeture.
* Arrêt SRG contre la Suisse, 21 juin 2012.
Les dispositions de droit commun devraient s’appliquer s’agissant des publications autorisées en détention. Des espaces et outils d’expression collective devraient être instaurés dans tous les établissements pénitentiaires, afin de permettre notamment la résolution de conflits. « Le bon ordre dans tous ses aspects a des chances d’être obtenu lorsqu’il existe des voies de communication claires entre toutes les parties », relèvent les règles pénitentiaires européennes (RPE). Les personnes détenues devraient se voir reconnaître le droit d’association ainsi que de se syndiquer.
L’ADMINISTRATION CENSURE CE QUI SORT, MAIS AUSSI CE QUI RENTRE « Les personnes détenues ont accès aux publications écrites et
tions : lorsqu’une publication avait fait l’objet d’une saisie dans les
audiovisuelles. Toutefois, l’autorité administrative peut interdire
trois derniers mois, ou lorsqu’elle contenait des menaces « précises »
l’accès des personnes détenues aux publications contenant des
contre la sécurité des personnes ou celle des établissements péni-
menaces graves contre la sécurité des personnes et des établisse-
tentiaires – la décision relevant alors du garde des Sceaux. Avec ce
ments ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l’en-
texte, les directeurs d’établissements n’ont plus obligation d’en
contre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire
référer à qui que ce soit pour suspendre ou interdire une publica-
ainsi que des personnes détenues. » (1) Lorsque cet article de la loi
tion. C’est ainsi que certaines directions d’établissement peuvent
pénitentiaire a été présenté à l’Assemblée nationale, en 2009, des
refuser la diffusion de la revue Dedans Dehors auprès des personnes
parlementaires ont soulevé que cette disposition permettrait
dont elles ont la garde, comme c’était encore le cas de la maison
« l’interdiction de diffusion en milieu carcéral de journaux ou revues
d’arrêt de Saint-Brieuc en 2013.
faisant état de scandales relatifs, par exemple au comportement de surveillants, ceux-ci pouvant s’estimer diffamés » (2). Auparavant, ce type d’interdiction ne pouvait être imposé que dans deux situa-
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(1)
Article 43 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
(2)
Assemblée nationale, compte rendu intégral, deuxième séance du jeudi 17 septembre 2009.
L’Arrêt public — Par Alain Térieur
Quand je me suis ponté, j’avais les bracelets, La maison poulaga n’avait pas été gaie. La lourde à la zonzon, fermée par un maton, M’embastillait dare-dare sans même un picaillon. Puis vint la fouille à poil, ce qui m’énerve encore, Maté par un péquin qui reluque mon corps. Enfin un grand frimeur qui ne sait dire bonjour Entreprend d’établir ma carte de séjour. Empreintes digitales et objets à la « fouille » J’en ai déjà ma claque et j’en ai plein les (c)ouilles. Puis c’est « les arrivants » en cellule monoplace, Le SPIP, le médical, sans oublier la classe. Le lendemain matin, direction détention, Après être reçu par un « grand-chef » maton. Celui-ci vous annonce « fumeur ou non-fumeur ? » Vous optez pour fumer mais n’êtes pas d’humeur. « Diplômes obtenus ? » Vous énoncez la liste, Mais pressé d’aboutir et à bout d’arguments, Il prit la décision et écrivit « néant ».
Le paquetage est lourd dans un grand sac poubelle, On comprend tout de suite avec quelle attention On sera pris en compte, on coupera nos ailes. Après la traversée, escorté d’un maton, On arrive en cellule, normal c’est occupé. On prend le lit du bas des deux superposés. Le jeune est très sympa et tout irait au mieux, Mais n’appréciant pas la compagnie d’un vieux, Il demande à changer, ce qui ne tarda point, Passa juste à côté avec un gars rouquin. Puis vint un Espagnol d’origine gitane Qui en français parlé, bavait en filigrane. Il fallut lui écrire ses courriers personnels Afin qu’il corresponde avec sa damoiselle, Car en français écrit il était nul à chier, À l’école en effet n’était jamais allé. Le bonheur a voulu qu’il fût vite libéré, Une semaine après il était relâché Car un cousin à lui a bien voulu payer La caution que le juge avait recommandée.
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CONDITIONS DE DÉTENTION Lorsque l’on est confronté à la prison pour la première fois, les premiers jours sont particulièrement difficiles. Les nouveaux arrivants éprouvent avec force toute la violence inhérente à la privation de liberté, renforcée par les conditions de vie souvent très dures en maison d’arrêt.
PREMIÈRES IMPRESSIONS LE BRUIT ET L’ODEUR Ce qui m’a marqué la première fois, c’est l’odeur de la prison. Le parfum sur vos habits est masqué par cette odeur. L’air est tout aussi particulier, comme s’il vous agressait. On dirait qu’on suffoque, tant l’atmosphère est pesante. On vous fait de suite une fouille à nu pour vous rappeler que désormais, vous n’avez plus de secret. Auparavant, on vous a retiré votre pièce d’identité pour mettre un numéro à côté de votre nom : vous n’êtes plus l’enfant de la République, mais le fils de ce bas monde. Pourtant je suis toujours dans mon pays… Faut croire qu’il existe en France un lieu où vous n’êtes plus rien. Le premier jour, rendez-vous avec le SPIP qui contactera votre famille, votre banque, votre bailleur. Votre autonomie est anéantie : toute votre vie est désormais entre les mains d’une seule personne, la ou le CPIP (conseiller(ère) pénitentiaire d’insertion et de probation), qui fera toutes les
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démarches à votre place. Vous verrez aussi un chef de détention qui vous expliquera les règles de fonctionnement. Il vous demandera si vous prenez de la drogue ou autres médicaments pour savoir si vous entrez dans la case « détenus plus ou moins fragiles ». Comme si on allait être entier face à un homme qu’on connaît à peine… Vous rencontrez aussi le médical qui vous demandera si vous avez des maladies ou si vous avez besoin de cachets pour dormir, pour soigner le stress et l’angoisse. Comme s’il fallait faire planer les gens pour qu’ils ne se rendent pas compte de ce qui les entoure. On devrait pourtant pouvoir faire face. Alors pourquoi craignent-ils que l’on ne s’adapte pas ? C’est bien parce que la rudesse est extrême. Moi, je suis gitan. Se retrouver seul face à sa gamelle au milieu des cris d’alerte, de souffrance de toutes causes… Au début, vous vous demandez ce que peuvent bien signifier
CONDITIONS DE DÉTENTION ces hurlements qui vous glacent le sang. Parfois, on croirait entendre un homme qui supplie son bourreau de ne pas le tuer. On découvre en fait que ce sont des souffrances dues à des addictions en tous genres. La première nuit, vous découvrez l’œilleton. Son bruit lorsqu’il frotte sur sa monture, la lumière qui s’allume à toutes les rondes. Vous découvrez qu’on vous observe même quand vous dormez. Je pense à ma famille, à mon enfant qui avait besoin que je l’embrasse avant de dormir. Cette nuit-là, on se dit : « S’il était là, je l’embrasserais encore plus fort. »
Très vite, on ne pense plus très loin, on n’est plus sûr que du moment présent. On ressent un décalage énorme avec l’année où vit la civilisation : dehors vit, et nous on est enfermés. On pense que le lieu n’est pas du tout digne de notre époque. On fait des mèches avec de l’huile et des morceaux de serpillère [pour faire chauffer les repas], tel un homo sapiens qui frotterait deux silex pour faire du feu. Ces pièces rudimentaires, ces murs dépeints, qui s’effritent, les structures et l’immobilier qui tombent en lambeaux… Aucune maison hantée ne peut simuler cette atmosphère. — S. H.
“
© Grégoire Korganow / CGLPL
Ce qui m’a impressionné, ce qui m’a donné des bouffées d’angoisse n’étaient pas les barreaux à la fenêtre doublés d’un caillebotis : non, c’était l’absence de poignée à la porte. Je ne pouvais pas sortir de ces 9 m2... Il faut s’imaginer vivre suspendu à l’ouverture de la porte par les surveillants, à n’importe quel moment de la journée. – J. V.
” L’ENVIE D’EN FINIR Lorsque le mot « incarcération » a été évoqué pour la première fois, j’ai pleuré comme un gosse. C’était dans la voiture de police (avoir les menottes pour la première fois, c’est dur aussi). Arrivée devant la porte de la maison d’arrêt. Après être passé devant des centaines et des centaines de fois, j’allais découvrir ce qui se passe de l’autre côté de ce haut mur. Les portes automatiques, les ordres, le relevé d’empreintes, les fouilles, le mot « gamelle », les heures de fermeture des portes, très tôt... Je traîne ce foutu paquetage (c’est pire qu’à l’armée) et on m’ouvre la cellule où se trouvent déjà deux types habitués à faire du trou, qui m’expliqueront plus tard les démarches à suivre (un voyageur et un renoi). À peine arrivé, ils vous sautent dessus pour le tabac et les premières questions fusent. Parmi elles, l’une me restera en mémoire : « Pourquoi t’es là ? » Vous êtes mal à l’aise, car en prison, personne n’aime les histoires de viol. Vous essayez malgré tout de trouver les bons mots, sans prononcer le mot viol. Je me
rappelle avoir commencé par : « C’est une histoire de couple, ma femme et moi, violence avec arme… » La première nuit, j’ai bien dormi, épuisé par quarante-huit heures de garde à vue. Les suivantes ont été très dures. Vous pensez à votre famille, à vos enfants (ils avaient 12 et 15 ans à l’époque), vous vous repassez les scènes… Vous réfléchissez et la question principale est : « Pour combien de temps ? » Vous savez quand vous rentrez, mais jamais quand vous sortez. Beaucoup de questions restent sans réponse, et votre avocat commis d’office ne vient pas vous revoir tout de suite. Vous attendez, des jours, des semaines, des mois… Vous dormez très mal, entre les odeurs (les douches sont tous les trois jours), les ronfleurs, ceux qui regardent la télé toute la nuit, ceux qui vous enfument ou qui téléphonent, tard dans la nuit, avec leur portable… Et puis les surveillants qui vous testent, qui vous parlent mal, certains jouent les cow-boys.Je suis arrivé un soir vers 21 h. J’ai ressenti dégoût de la vie, honte. J’ai eu envie d’en finir dès les premiers jours. — P. L.
CHOC CARCÉRAL Mon entrée à la maison d’arrêt de Nanterre demeure un vague souvenir car j’étais en état de choc face à ce que j’avais commis. C’est deux ou trois jours après que j’ai ressenti le choc carcéral : je n’arrivais pas à accepter cette nouvelle vie. Le fait de demeurer dans cet espace clos, avec une atmosphère bien particulière, a déclenché en moi un comportement névrotique. J’étais tellement agité que je me suis dit que cela allait fatalement me déclencher un cancer. J’ai été mis sous anxiolytiques. Tout ce dont je me souviens, c’est que je suis tombé avec un jeune détenu, très gentil, qui m’a
appris la première chose : faire mon lit, installer l’alaise (un tissu bleu avec sa fermeture éclair) puis installer les draps en faisant des nœuds à la tête et aux pieds de l’emplacement du matelas. Après quatre ans passés à la maison d’arrêt de Nanterre, j’ai été transféré à Fresnes pour intégrer le CNE [centre national d’évaluation]. Ce fut un nouveau choc, car je n’avais encore jamais connu les entraves aux pieds, qui me renvoyaient l’image des criminels américains dans les films. J’entends encore un détenu qui était à côté de moi dire : « Pourquoi on me met ça, à moi ? J’ai tué personne ! » — L. P. JUIN 2018 / DEDANS-DEHORS N°100
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ENTRE APPRÉHENSION ET SOULAGEMENT C’est la première fois que je suis incarcéré. J’ai 38 ans et je n’aurais jamais pensé passer un jour par la case « prison ». J’avais beaucoup de préjugés avant d’arriver. Un mélange de séries américaines et de mauvaises informations télévisuelles. La tenue orange pour tout le monde, la douche commune, le réfectoire où tout le monde mange en même temps, les gros balèzes qui font de la muscu dehors pendant la promenade, etc. J’appréhendais beaucoup « la loi du plus fort », devoir me battre pour ma survie, alors que je devais déjà me battre pour ma liberté. Je suis arrivé en maison d’arrêt en soirée après deux jours de garde à vue et j’avais peur d’être soumis au même traitement en prison. J’ai rencontré un « ancien » en salle d’attente et il m’a pris sous son aile. Il s’est montré aussi rassurant que sympathique. Après une douche bien chaude, nous avons été conduits en cellule avec notre matelas et notre paquetage. Nous avons été placés avec deux autres personnes (plus âgées que nous, avec une « expérience » carcérale). Après avoir fait connaissance avec nos compagnons de cellule, nous être installés, les « anciens » ont répondu à toutes mes questions et m’ont donné de précieux conseils sur la vie en prison (comportement avec les surveillants et les autres détenus, rythme de vie, etc.). La nuit a été courte car nous avons beaucoup parlé et au moment du coucher, je n’arrêtais pas de penser à ma fille et ma femme. Pas de bisous et de câlins du soir pour l’une et l’inquiétude, le sentiment de solitude et de manque pour l’autre. Le fait de dormir par terre n’a pas tellement aidé, mais étant le plus jeune de la cellule, je n’ai pas pu accepter les propositions de chacun de prendre ma place. Le premier jour fut chargé : rencontre avec le chef du bâtiment, visite médicale, briefing avec un surveillant pour les règles d’usage en prison. On fait nos premières demandes écrites : rencontre avec son CPIP, demande de travail ou inscription à l’école, demande d’inscription aux cultes. On a un peu l’impression d’être du bétail. On se déplace en groupe, on est appelé chacun notre tour, on attend le prochain déplacement. Bref, on se retrouve seul au milieu d’inconnus dans un endroit inconnu en se demandant constamment ce qui nous attend. Mais les surveillant(e)s font un travail formidable. Ils se montrent patients, rassurants, respectueux, et nous font comprendre qu’ils ne sont pas là pour nous juger. Nous sommes traités en humains et non en criminels. J’ai fini la journée avec un mélange d’appréhension et de soulagement : l’appréhension car on rencontre des gens énervés et le soulagement car on a deux repas par jour (même si ce n’est pas bon, ça nourrit) et on remarque que
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le personnel pénitentiaire fait tout son possible pour que notre « séjour » soit le plus supportable possible. Mais, le plus frappant, c’est que je me sentais vraiment prisonnier. On va d’un couloir à un autre couloir, de sa cellule à une autre salle fermée, avec des barreaux partout. Et les seules vues sur l’extérieur donnent sur la « promenade » ou les autres bâtiments de la prison. Depuis la promenade, on peut voir un bout d’immeuble. Je le regardais en me disant que, finalement, la vie continuait à l’extérieur de ces murs. Personne ne se doute que je suis là et, après tout, pourquoi quelqu’un s’en soucierait-il ? Ce sentiment d’impuissance m’a tenu pendant longtemps, car nous n’avons aucun moyen de prévenir ceux qu’on aime et de les rassurer. — L. P.
CONDITIONS DE DÉTENTION SIX FOIS PLUS DE SUICIDES EN PRISON En prison, un détenu se suicide tous les trois jours. 113 en 2016. Et bien plus essayent. Chaque jour, trois personnes attentent à leur vie. Le choc carcéral fait partie des périodes à haut risque, pour ceux qui le vivent pour la première fois comme pour ceux qui connaissent déjà la prison, pour qui ce peut être « la fois de trop ». D’autres moments sont particulièrement sensibles : les fêtes de fin d’année, l’été, l’approche du jugement, l’après-verdict, le placement au quartier disciplinaire, ou encore l’imminence de la sortie. À caractéristiques socio-démographiques égales (âge, sexe), on se suicide six fois plus en prison qu’en population générale (1). Cela s’explique par les caractéristiques des personnes incarcérées (qui souffrent plus fréquemment de troubles psychiques), la situation de privation de liberté qui est la leur et par les conditions dans lesquelles la peine se déroule. Outre les conditions matérielles de détention (promiscuité, délabrement, etc.), le déficit de communication et la déliquescence du lien social sont notamment pointés du doigt par les chercheurs. Car « faute d’autonomie, de moyens de se faire entendre ou de perspectives, les détenus retournent contre eux la violence de l’enfermement et de la condamnation » (2). – OIP-SF
(1) G. Duthé, A. Hazard, A. Kensey, J-L. Pan Ké Shon, « Suicides en prison : la France comparée à ses voisins européens », Populations & Sociétés, n° 462, Ined, décembre 2009. (2) A. Chauvenet, « Les prisonniers : construction et déconstruction d’une notion », Pouvoirs n° 135, novembre 2010.
“
Le plus difficile à vivre, dans les premiers jours et les premières semaines, c’est la coupure brutale avec vos proches : pas de contact téléphonique, pas de parloir, les courriers sont bloqués… Inquiétude des deux côtés. Toute la famille souffre de l’incarcération. – S. A.
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« L’IMPRESSION D’ENTRER DANS MON TOMBEAU » 11 h 30. Escorté par le PSIG [Peloton de surveillance et d’intervention de la Gendarmerie], j’arrive devant le centre pénitentiaire. Une porte immense et blindée me fait face. Une impression horrible me prend aux tripes : je m’apprête à entrer dans un froid, sinistre et immense cimetière. Dans lequel on ne pénètre pas facilement, et d’où l’on sort encore moins. Après deux sas de contrôle, quatre portes blindées et une grille, mise à nu devant un, deux ou trois individus pour une fouille vestimentaire et à corps réglementaire. Prise d’empreintes. Papiers, bijoux et identité retirés. Une photo est prise. Puis une carte m’est remise : y figurent ma photo et un numéro, mon numéro d’écrou. C’est une carte de circulation, ma nouvelle carte d’identité. Arrivée en cellule : à peine en ai-je franchi le seuil que la lourde porte blindée se referme violemment contre l’épaisse charnière en acier. Puis clac ! Clac ! La serrure qui fait deux
tours. Clac ! Clac ! Et clac ! Clac ! Le verrou du haut puis celui du bas se ferment bruyamment, me donnant la forte impression qu’une pierre tombale se referme sur moi, comme si j’étais mort, dans une tombe. Ma tombe. Un peu déboussolé, je me dirige vers la fenêtre face à moi. Je l’ouvre comme pour reprendre mon souffle et j’aperçois au loin une autoroute. En voyant les voitures défiler telle la vie qui continue, je me prends à envier profondément leurs occupants et commence à réaliser que ce tombeau va être mon nouveau chez moi, et pour bien des années... Dans mon lit, impossible de dormir, entre l’agitation intérieure et les coups, les insultes, les hurlements de désespoir et les cris de SOS ou d’animaux qui proviennent des autres cellules d’isolement et du quartier disciplinaire, tout proche... Je me suis senti désespéré, abattu, abandonné, mais également plein de colère, de remords et de tristesse. — Anonyme JUIN 2018 / DEDANS-DEHORS N°100
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Sommeil d’enfant — Par Y. R.
À mon arrivée en prison, à la Santé, j’ai été placé en cellule avec trois autres types. À 21 ans, j’étais le plus jeune. Il y avait Nas, 31 ans, Jacinto, la quarantaine passée, et Mamad, un trentenaire. En arrivant, je me suis présenté tout en installant mes affaires sur le lit qui restait disponible. Nas préparait à manger pour l’ensemble de la cellule... Quelques heures plus tard, après avoir fait connaissance avec tous les membres de la cellule, le plus ancien d’entre eux s’aventure dans un discours moralisateur et maladroit à mon égard et conclut en disant : « T’inquiète, en prison on dort comme un bébé. » Cette phrase m’a marqué. Des jours, des semaines, puis des mois passèrent. J’étais partie intégrante de la cellule. Nous avions chacun nos habitudes et nous connaissions celles des uns et des autres. Mamad aimait bien lire quelques passages religieux avant de s’endormir. Nas passait de longs moments à faire
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l’amoureux au téléphone avec une vedette de la chanson qu’il fréquentait et Jacinto, quant à lui, tentait désespérément de retenir sa femme, avec qui il avait des enfants, qui ne supportait plus l’incarcération de son mari et s’éloignait de plus en plus. Il m’arrivait de l’entendre sangloter en pleine nuit ; sûrement attendait-il que nous dormions tous. Un beau jour, bien des mois plus tard, Mamad nous quitta. Il fût libéré, comme ça, alors qu’il ne s’y attendait pas du tout. Quelques heures plus tard, nous avons accueilli un nouveau détenu. Il s’appelait Ahmed et devait avoir 35 ans. Ahmed s’installa, Nas, notre cuistot attitré, nous prépara le repas. Lors du dîner, on questionna un peu Ahmed sur les raisons de son séjour en prison. Après avoir fait plus ample connaissance avec notre nouveau colocataire, Jacinto lui sortit : « Une fois qu’on est en prison, il ne peut rien nous arriver de pire, et c’est pour ça qu’en taule, tu dormiras comme un bébé. » Oui mais voilà, ce que Jacinto oublia de dire, c’est que comme un bébé, en prison, tu te réveilles toutes les deux heures pour pleurer.
CONDITIONS DE DÉTENTION
INVENTAIRE NON-EXHAUSTIF DES CONDITIONS DE VIE EN MAISON D’ARRÊT Réservées aux personnes en attente de jugement ou condamnées à de courtes peines, les maisons d’arrêt sont les prisons les plus touchées par la surpopulation. Dans certains établissements anciens, les conditions de vie sont particulièrement éprouvantes.
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par R. M.
Dans la maison d’arrêt où je suis détenu, je partage ma cellule avec un codétenu et dispose de 3 m2 d’espace vital. La cellule n’est pas équipée de VMC, les toilettes ne sont pas cloisonnées jusqu’au plafond et n’ont pas de porte. Je dois manger à 1 m 50 du WC et les odeurs stagnent dans la cellule. Je me sens rabaissé de devoir faire mes besoins en présence d’un codétenu. La cellule est sombre du fait de la pose de caillebottis et du système de barreaudage. Les fenêtres ne sont pas étanches. La table mesure 90 cm, soit 45 cm par personne, c’est peu pour les repas. Au sein de cet établissement, on ne perçoit ni rouleaux de papier toilette ni sac poubelle. On doit cantiner. On reçoit une éponge et deux flacons d’eau de javel par mois. Cependant, le kit de nettoyage se donne rarement, il faut le demander. Dans la cour de promenade, il n’y a pas de banc pour s’asseoir, pas non plus d’urinoir ou WC. On ne peut pas jouer au foot
ou au ballon durant la promenade, et il n’y a pas de barre de traction. Le préau est trop petit pour abriter les personnes détenues. On n’a pas le droit de disposer de journaux ou de lire en promenade. Tous les jours, il y a sondage des barreaux à partir de 14 h, y compris le week-end. Impossible de faire une sieste, d’écouter la télé ou de lire. Je suis non-fumeur et on m’a mis avec un fumeur. L’encellulement individuel devrait être respecté en maison d’arrêt. En matière de soins dentaires, le dentiste intervient une demijournée par mois. Pour le dermatologue, on a cinq mois d’attente, même en cas d’urgence. L’établissement ne dispose pas d’un montecharge et encore moins d’ascenseur. Il n’y a que des escaliers. Or l’école, l’unité sanitaire, la bibliothèque, la salle de musculation et la salle de culte se situent au deuxième étage. Les personnes à mobilité réduite incarcérées n’y ont donc pas accès. On m’a refusé une copie du règlement intérieur. n
DES CONDITIONS DE DÉTENTION QUI VARIENT SELON L’ÉTABLISSEMENT Le parc carcéral français se compose de 186 établissements pénitentiaires, d’une très grande diversité de taille, architecture, ancienneté, etc. Parmi eux, 82 sont des maisons d’arrêt et 50 comportent des quartiers « maison d’arrêt » *. Ils abritent la majorité de la population détenue (68,4 %) et sont les plus surpeuplés, avec un taux moyen d’occupation de 139 % (au 1er janvier 2018). Les établissements pour peine, parmi lesquels il faut distinguer les centres de détention (censés être orientés vers la réinsertion) et les maisons centrales (au niveau de sécurité renforcé) ne sont pas touchés par la surpopulation. L’encellulement individuel y est davantage respecté, et dans les établissements les plus récents,
les personnes disposent de toilettes et douches individuelles en cellule. Le problème dans ces établissements est moins l’insalubrité que la raréfaction des rapports humains, la façon dont ils sont conçus limitant les interactions entre prisonniers mais aussi entre prisonniers et personnels pénitentiaires. Ainsi, une personne détenue au centre de détention de Rennes-Vezin écrivait à l’OIP : « Cette prison est neuve mais la chaleur humaine y est quasi inexistante contrairement à une ancienne prison (Évreux) où j’ai été incarcéré il y a dix ans. » – OIP-SF * Selon le tableau de bord 31 octobre 2016 de l’administration pénitentiaire.
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Depuis 20 ans, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) fait connaître l’état des conditions de détention en France, défend les droits et la dignité des prisonniers et contribue au débat public par un travail rigoureux d’éclairage et d’analyse des politiques pénales et pénitentiaires, au cœur des problématiques de notre société.
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