CARNET DE VIGNE OMNIVORE 1 CUVテ右 RE
LES 200 VINS 100 % RAISIN
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Sylvie Augereau n’est pas qu’une journaliste, observatrice pointue et confirmée. Elle est avant tout un passeur (pas un hasard si elle habite d’ailleurs la Maison du passeur en bordure de Loire), une sentinelle vigilante de la qualité et de l’intégrité. Tout comme elle a su m’éveiller à cette vigne nouvelle, elle parviendra sans aucun doute à vous faire boire différemment. Vos gosiers s’en trouveront soudain chamboulés. Et comme je le fais à présent, vous ne pourrez que la remercier pour la qualité de son travail et sa belle complicité. Luc Dubanchet
SOMMAIRE CARNET DE VIGNE 1RE CUVÉE
ÉDITO 005 LES EXTRAS 010 IN THE VIGNES AGAIN 024 ALSACE 026 BOURGOGNE 036 CHAMPAGNE 070 JURA 080 LANGUEDOC 090 LOIRE 124 PROVENCE-CORSE 182 RHÔNE 194 SUD-OUEST 220 HORS-LIMITES 237 CARNET DES CAVISTES 244 INDEX DES VIGNERONS 252 INDEX DES DOMAINES 254
ÉDITO VOUS NE BOIREZ PLUS JAMAIS COMME AVANT La galerie de portraits qui suit dévoile des hommes bons. Les plus mûrs ont creusé un sillon alternatif au progrès productiviste. Les plus jeunes défrichent un terrain stérilisé par des décennies de chimie. Il n’y en a pas un sur cent, mais pourtant ils se multiplient. En marge d’une viticulture qui berce le consommateur sous une façade bucolique, ils disent ce qu’ils font et font ce qu’ils disent. En face d’une politique qui les veut plus gros et plus contrôlables, ils se font petits et autonomes. En conflit avec des banques qui ne misent pas un euro sur l’engagement écologique, ils bataillent constamment. Ils sont souvent bio, parce que c’est le chemin du bon. Parfois sans soufre, parce que ce peut en être l’issue. Quelquefois biodynamistes, parce que la dégustation leur en ouvre l’appétit. La tendance actuelle les cataloguera « nature » sans avoir préalablement défini les règles du jeu. Si le cahier des charges interdit les levures de vinification en sachet et limite les doses de sulfite au minimum digestible, alors les voilà estampillés. Mais l’étiquette ne fait pas le moine. Disons qu’ils sont seulement « matures ». Comme le fruit, juste à point, qui porte en lui le vin. S’il faut leur attribuer une religion, c’est celle du dehors. Si on les cherche, c’est là qu’on les trouvera. Ils vendangent manuellement quand le coût de la main d’œuvre a fait plier l’immense majorité du pays. Ils labourent et piochent quand la France s’affiche premier consommateur européen de pesticides. Ils balancent des hectolitres à l’égout plutôt que de se noyer dans la pharmacopée œnologique. Ce Carnet de vigne vient vous chanter la ballade des gens heureux, passionnés. Un pas dans leur univers et vous ne boirez plus jamais comme avant. Il faut parfois le faire de côté, prendre les chemins de traverse, lâcher les belles appellations aux vins dormants, oublier les repères qui vous ont été inculqués, fuir les autoroutes sécurisées, esquiver les vignes bétonnées, se perdre pour se retrouver. Ce Carnet de vigne ne vous aidera donc pas à remplir des caddies de bouteilles standardisées pour attendre leur hypothétique vieillissement dans le noir. Face aux flots de vins rendus muets pour mieux durer, notre sélection a tenté de dire la luminosité d’un fruit tiré par les racines et tenu par la pierre. Combien de temps cela peut-il vieillir ? Aussi longtemps que vous résisterez à l’envie de l’ouvrir. Sylvie Augereau
LES PRINCIPES DU CARNET La sélection Composé d’un seul et unique membre, le jury ne prétend pas imposer un goût, juger ce qu’un vigneron V a fait d’une année A dans une parcelle P, ni noter une bouteille B ouverte à un instant T. Sylvie Augereau a appris en baignant dans le raisin qu’on sait qu’on ne sait jamais et que les aléas de la dégustation sont impénétrables. Ce Carnet de vigne tente plutôt de dire le cheminement, l’éthique de chaque vigneron dans sa vigne… et de décrire au plus près le vin qui en naît.
Les prix Traduits par une fourchette, de la plus « petite » cuvée à la plus « élaborée ». Pour certains, elle est élastique : les liquoreux périlleux récoltés par tris ridicules justifient des investissements. Dans chaque région, le foncier fera aussi la différence. Mais toujours, il faut entendre les coûts supplémentaires qu’engendrent les pratiques manuelles et naturelles conditionnées par de petits rendements. Mais en achetant, vous encouragez aussi l’emploi, la conscience écologique et la préservation d’un patrimoine qui s’effiloche. Boire devient soudain plus léger !
Où acheter ? Ce Carnet va justement vous donner soif. En cas d’urgence, reportez-vous à la longue liste de diffuseurs qui le clôt. Car si cette philosophie se multiplie dans la vigne, elle fait aussi des petits chez les cavistes dans tous les recoins de France. Mais ce Carnet va aussi vous donner envie de rencontrer ces vignerons. Alors prenez rendez-vous. Certains ne répondront pas, ils sont aux vignes. D’autres ouvriront leurs bras et vous n’aurez plus envie d’en sortir.
Comment lire le Carnet ? Ces portraits dessinent l’âme qui se cache dans chaque bouteille. Le profil du vigneron vous en dira plus sur la silhouette du vin. Le cheminement éthique, le travail en vigne, l’ancrage au pays conditionnent son potentiel. La mise au point sur une cuvée traduit les pratiques de cave et l’assemblage de celles-ci. « Le + » apporte un éclairage supplémentaire sur un cépage, une technique ou une touche humoristique. L’« Écosystème » renvoie à une autre bonne adresse : bien souvent un jeune vigneron qui se lance, parfois un hommage à un plus sage ou bien encore à un cuisinier qui met le nez au vin.
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Extras Ils sont six à l’unanimité. Six figures pour dire une viticulture préservée, respectueuse du sol et des hommes. Suivre leur exemple, c’est s’obliger à faire bien meilleur. Et à ne boire que du bon!
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EXTRA VIGNERON Ce prix couronne une tête qui émerge du vignoble français et incarne l’esprit Omnivore. Vigneron nature par nature, parce qu’il n’envisage pas son métier autrement que dans une absolue intégrité, le lauréat file en cave la métaphore du fruit intact. 100 % raisin. On ne lui a rien ajouté. On ne lui a rien enlevé.
Éric Pfifferling Domaine de l’Anglore (Tavel) • P. 218
Pourquoi Éric Pfifferling ?
Ce qu’il faut retenir 1. Le froid Les caissettes de vendange sont placées en container frigo afin que les fermentations appellent de subtiles levures qui travaillent à basse température et esquivent les bactéries qui interviennent plus haut. 2. La « carbo » Les grappes macèrent entières, sous la protection de gaz carbonique pour éviter le soufre et aller chercher une gamme aromatique plus complexe encore.
Goûtez seulement, vous comprendrez. Rien qu’à poser le nez sur le verre, le Rhône s’échappe vers des contrées inexplorées, là-haut, la tête au frais. Avalez la première gorgée, elle appelle déjà la suivante. Puis écoutez. Éric Pfifferling est capable de parler de tout autre chose que de vin. Mais quand le sujet est lancé, le vigneron s’anime. Épanoui, il se réjouit d’avoir découvert un monde meilleur à travers cette joyeuse clique de passionnés de vins nature. Engagé, il dénonce les salissures de l’homme sur son environnement. Militant, il ne garde aucun secret parce qu’on lui a transmis à lui aussi. Intransigeant, il a le souci de chaque minutieux détail qui fait la différence. Intuitif, il goûte et regoûte ses jus pour les pousser toujours plus loin. Fragile, il remet sans cesse son travail en cause et tremble en ouvrant ses bouteilles. Mais surtout, Éric Pfifferling écoute plus qu’il ne parle. Du vieil ouvrier viticole au vigneron tant admiré, chaque rencontre nourrit l’homme et le pousse vers de nouvelles aventures. Dès son premier millésime, Éric a joué sans le filet du soufre. Le périlleux 2002 ne s’y prêtait pourtant guère. Les suivants se sont enchaînés sans faillir. Sous chaque bouchon, la preuve d’un vin plus digeste, libéré de la pesanteur tannique et ouvert sur un monde aromatique insoupçonné. Et avec ça, il ne sera pas Extra ?
EXTRA RÉVÉLATION C’est le prix de l’avenir et de la jeunesse. Il dit notre attachement à une nouvelle génération de vignerons qui ne prétend pas inventer mais régénère le vignoble et lui promet des lendemains qui chantent.
Cyril Fahl Domaine du Rouge-Gorge (Latour-de-France) • P.112
Pourquoi Cyril Fahl ? Cyril Fahl n’a pas d’étiquette, il n’applique pas de recette, mais vous saurez bientôt que la sienne est une des plus belles du Sud. Il s’est bâti tout seul, en commençant par trimer pour les autres. En Loire tout d’abord, puis en Roussillon, parce que les vignes là-bas sont encore accessibles… si on veut se donner la peine d’y grimper. À Latour-de-France, en plein Jajakistan, il a ouvert une brèche dans de grands terroirs oubliés. Quelques jeunes sont venus gonfler l’armée de terre, sac au dos et sécateur entre les dents. Dans un objectif de vie similaire, ils ont grappillé de vieilles parcelles jusqu’à un équilibre d’autonomie. Une nouvelle façon de repeupler le vignoble et de partager la terre. Cyril plafonne à cinq hectares qu’il cultive tel un jardin, « comme un amoureux », piochant un peu en biodynamie, fouinant les vieux livres d’avant l’agriculture intensive, cheminant dans son bon sens à lui, trouvant son équilibre. Le végétal l’a aussi, à force de prévention. « On court après les maladies au lieu de s’occuper de la vigne. » Le raisin lui sourit. « Je veux l’attraper en vie, avant l’affaiblissement des maturités, l’affalement. » Les vins gardent la gnaque et le vigneron n’en perd pas une miette. Dans son chai de poupée, il les traite en porcelaine, y touche à peine et esquive l’extraction. De la dentelle de soleil.
Ce qu’il faut retenir 1. Le raisin On n’invente pas le vin. Entre un blanc de macabeu juste sauvé d’un passé chimique et celui d’une vigne dont Cyril s’occupe depuis des années, il y a un monde. Le grand vigneron derrière aura beau faire, la complexité et le nerf du dernier disent tout autre chose. 2. Le bois Ceux de Cyril ne marquent pas. Le travail méticuleux du petit tonnelier répond à celui du vigneron.
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EXTRA DÉFRICHEUR Tous les vignerons de ce Carnet le sont à leur façon. Ils démaquisent un vignoble qui s’est oublié dans la facilité et confondu dans le mensonge. Quand les écoles continuent à fabriquer de petits chimistes et des sommeliers formatés, ceux-là réinventent leur métier.
Anselme Selosse Champagne Jacques Selosse (Avize) • P.78
Pourquoi Anselme Selosse ?
Ce qu’il faut retenir 1. Les levures Elles font le vin, et particulièrement le champagne, même si la région les préfère dociles en sachet. Anselme les cultive au pied des vignes et va jusqu’à réintroduire dans les barriques l’écume des raisins pressés. 2. La minéralité Elle conditionne la fraîcheur du vin. Le champagne va la chercher dans ses retranchements à force de digérer ses lies.
Dans une Champagne où rien ne sert de courir puisque tout est vendu d’avance, Anselme Selosse continue les fouilles. Là où on demande officiellement aux vignerons de produire plus, il fait moins parce que le vin n’est pas possible autrement. Là où on fabrique un produit pour répondre à une cible, il s’essaie à de nouvelles méthodes de vinification pour l’emmener encore ailleurs et déstabiliser les palais « éduqués ». La méthode Solera, qui ajoute à chaque nouveau millésime une base de vieux vin qui le « civilise », a donné la profonde cuvée Substance. L’an dernier, il a aligné quelques barriques au-dehors pour s’essayer à l’oxydation du rancio. Anselme Selosse est toujours plus loin que là où on l’attend. L’effervescence, c’est dans sa tête. Et c’est contagieux : le vigneron d’Avize fait des petits alentour. Jérôme Prévost a appris chez lui. Bertrand Gautherot s’est lancé grâce aux encouragements d’Anselme et un nouveau nez pointe : Olivier Collin, à Congy. Parce que le défricheur prépare le terrain pour les autres, fait le nid de vignerons épanouis qui éclosent un peu partout en France. Celui de Marcel Lapierre en Beaujolais a déjà une solide assise. Celui de Thierry Puzelat en Touraine s’agrandit encore. Celui du Sud-Ouest se propage autour de Bernard Plageoles… Parce que ce vin-là ne s’apprend pas dans les écoles et que ces aventuriers-là ont besoin d’un peu de solidarité.
EXTRA MILITANT Parce que le paysage viticole français est en crise, parce que l’agroalimentaire file un mauvais coton tissé par les plus gros, les petits ont du mal à se faire entendre. Quelques voix s’élèvent parfois. Celle-là résonne plus fort que les autres.
Michel Issaly Domaine de la Ramaye (Gaillac) • P.225
Pourquoi Michel Issaly ? Michel Issaly navigue entre son petit monde de 5 hectares de vignes et l’univers impitoyable du grand syndicalisme. Une fois par semaine, il monte à la capitale pour changer de casquette puis il s’en retourne à Gaillac pour ne pas perdre la tête qui est dessous. Mais là, ça ne tourne pas bien rond. Les vignes s’arrachent, les caves ferment, les types plient. Alors le ton monte et l’accent Issaly se fait pointu. « Ce n’est pas dans les fibres du vigneron de composer. Dans ma cave, je ne mens pas, sinon je ne vends pas. » Pas d’ENA, pas de FNSEA, pas de modelage, brut de décoffrage. Dans les couloirs des ministères, ça n’est pas toujours bienvenu. Michel ira pourtant de plus en plus souvent : il s’apprête à prendre la présidence des Vignerons Indépendants de France (VIF). Regroupant 38 000 exploitations, 53 % de la viticulture, les VIF portent le flambeau du vigneron artisan et ils ont probablement un rôle à jouer dans un monde viticole en pleine mutation. La viticulture avait jusqu’ici échappé à la certification d’entreprise, mais elle menace .« La certification ne valide pas le terroir. On va nous dire demain que l’Appellation se fait avec tel et tel outil. D’une obligation de résultat, on passe à une obligation de moyens. Tous les vignerons ne pourront pas s’y plier et le risque est grand de normaliser. »
Ce qu’il faut retenir 1. AOC Ce dernier bastion de la qualité des vins français est en danger. Parce que les vignerons en ont oublié les devoirs pour en abuser des droits, le système a besoin d’un sérieux ravalement. 2. Vin de Table Beaucoup des vignerons de ce Carnet s’autodéclassent désormais dans cette catégorie parce que la majorité ne comprend plus leur intégrité.
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EXTRA COMPAGNON DE ROUTE Les vignerons s’entourent parfois de têtes chercheuses pour percer les mystères du ciel et de la terre. Ils analysent les sols, apportent des solutions naturelles à ses déséquilibres et constituent désormais une sérieuse alternative au tout chimique.
Claude Bourguignon Laboratoire d’analyse microbiologique des sols (LAMS) Is-sur-Tille (Côte-d’Or)
Pourquoi Claude Bourguignon?
Ceux qu’il faut retenir 1. François Bouchet Récemment décédé et trop vite oublié, cet Angevin a converti et accompagné les premiers biodynamistes français. 3. Pierre Masson Il concocte des préparations biodynamiques et enseigne leur pratique dans les fermes, les jardins et les vignes. 3. Jacques Mell Il suit aussi les pas biodynamiques de nombreux domaines, comme celui de Marcel Lapierre en Beaujolais, La Tournelle dans le Jura…
On appelle Claude Bourguignon de la terre entière, pour savoir comment la réanimer. L’INRA l’a viré parce qu’il affirmait que 90 % des sols étaient morts. À la RomanéeConti, on se fie à lui depuis des années. « La France est le deuxième consommateur mondial de pesticides. Ce sont les mêmes qui fabriquent les médicaments pour les plantes malades et les remèdes pour les malades qui les mangent. » Claude Bourguignon dénonce et apporte la preuve du néant en creusant les sols bétonnés par les désherbants. Pas d’air : pas de racine ! Elles restent en surface, gorgent le raisin d’eau et les engrais qu’on balance pour pallier la vie du sol décimée par la chimie accentuent encore cette soif. « La plante se salinise. C’est la même histoire que les excès de phosphore chez nos enfants. Ils ne l’assimilent pas, deviennent hyperactifs et allergiques. » Le raisin manque de sucre. Il pourrit. On le traite alors aux anti-Botrytis. On assassine donc les champignons du sol, les levures qui font les parfums, le terroir qui fait notre identité et on est alors obligé de levurer les vins avec les mêmes sachets que les types à l’autre bout de la Terre. « Le vin, le fromage, le saucisson… tous les grands produits de terroir sont des produits fermentés. » Si on coupe le lien qui les identifie à leur source, celui qui assure cette transformation, on scie la branche sur laquelle on a mis des siècles à faire un nid.
EXTRA CAVISTE Ils sont les relais indispensables d’un vin qui raconte une histoire déroutée des sentiers battus. Ils connaissent le chemin de chaque vigneron et l’empruntent souvent. Ils sont le GPS de cette nouvelle viticulture.
Olivier Labarde La Part des Anges (Nice)
Pourquoi Olivier Labarde ? Olivier Labarde est un coureur de fond(s). Le sien, voilà huit ans qu’il le tient, avec désormais 600 références dans les rayons. Pas un de voilé. De la technique et de l’obstination. Un peloton de classiques pour rassurer et une échappée vers un peu plus de liberté. On n’enlève pas les roulettes aux Niçois si facilement. « On ne pousse pas, on ne prêche pas une paroisse, on fait seulement goûter et les gens se laissent aller. » Les voilà dopés ! À la capitale, où il a commencé aux côtés de Cyril Bordarier, du Verre Volé (Xe), ce qui se boit clairement s’écoule plus facilement. En province, il faut mener campagne. Mais le pays commence à être bien ravitaillé. Toulouse est sérieusement quadrillé par des passionnés comme Éric Cuestas et le duo de Vinea. Troyes a ses Crieurs, Reims son Verre de l’Ange, Rennes La Cave du Sommelier et l’Arsouille et même les petites villes s’éveillent. Philippe Quesnot a truffé les rayons de son Spar de Grasse de vins nature. Xavier Plégade secoue Narbonne. Julien Pougnant convertit Saumur. Et ça marche ! Olivier Labarde vient même d’ouvrir une succursale à Nice : il a confié Vinivore (eh oui !) à son fidèle Bonaventure Blankstein, qui ne désemplit pas (le bistrot, pas le bonhomme).
Ce qu’il faut retenir 1. La formule On peut manger tous les midis et y dîner les vendredi et samedi, la bouteille sur table est au prix de la cave ! 2 Les adresses La Part des Anges 17 Rue Gubernatis (04 93 62 69 80) Vinivore 32 Avenue de la République (04 93 26 90 17)
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Mark Angeli 126 Stéphane Bernaudeau 127 Didier Chaffardon 128 Antoine Chéreau 129 Benoît Courault 130 Olivier Cousin 131 Patrick Desplats et Sébastien Dervieux 132 Richard Leroy 133 Jean-Christophe Garnier 134 Christine et Joël Ménard 136 Agnès et René Mosse 137 Eddy et Mileine Oosterlinck 138 Jo Pithon 139 Nicolas Reau 140 Pierre Beauger 141 Patrick Bouju 142 Stéphane Majeune 144 Catherine et Pierre Breton 145 Hervé et Isabelle Villemade 146
Philippe Alliet 147 Étienne De Bonnaventure et Gérard Marula 148 Thierry Michon 149 Christian et Nathalie Chaussard 150 Éric Nicolas 152 Jean-Pierre et Noëlla Robinot 153 Stéphane Cossais 154 Éric Gougeat 155 Lise et Bertrand Jousset 156 François Chidaine 157 Guy Bossard 158 Jocelyne et Jo Landron 159 Sébastien Riffault 161 Antoine Foucault 162 Romain Guiberteau 163 Sébastien Bobinet 164 Charly et Nady Foucault 165
Thierry Germain 166 Nicolas Joly 167 Éric Morgat 168 Claude et Julien Courtois 169 François Blanchard 170 Michel et Béatrice Augé 172 Joël Courtault 173 Olivier Lemasson 174 Pascal Potaire 175 Jean-Marie et Thierry Puzelat 176 Catherine Roussel et Didier Barrouillet 177 Pascal Simonutti 178 Christian Venier 180 Émile Hérédia 181
153 150 152
Angers 167 168 128
Nantes
132 137 133 139 158 159
136 134 138 126 129
145
164 127131
162 165 163
166
148
147
170 140 149
Paris
Chartres
LOIRE La Loire sort parfois de son lit. Ça s’appelle une crue. Ici, on n’en parle guère au masculin parce qu’on ne s’est jamais trop pris au sérieux. La Loire a toujours été difficile à vendre et les terres y restent abordables. Voilà pourquoi on s’y remue. La jeunesse monte le son. 181
Blois 178 154-7
Tours
176 180
146 174
172 130173 175 177
169
161
Bourges
Clermont-Ferrand 141 142
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LOIRE ANJOU MARK ANGELI
L’Anjou démon ? LE + Les jeunes. Mark Angeli adore les jeunes. Il les préfère petits. Son truc, c’est de les installer sur deux ou trois hectares, un idéal d’autonomie. Et il rattrape au vol ceux qui ont du mal à décoller. Il partage les expériences et les clients. Aujourd’hui, Mark vend bien son vin. Quand y en a pour un, y en a pour tous !
LE VIGNERON Mark Angeli nargue ses voisins. Son malin plaisir, c’est d’aller vendanger en robe de bure et petit panier d’osier les vignes qui bordent la départementale. Il faut dire que dès le début, on l’a pris pour un fou. Tout en bas, en Provence, il faisait le maçon. Ici, il s’est improvisé vigneron et personne du cru ne l’a briefé. Alors il aborde la vigne sans préjugé et remet en question les « traditions ». Il abandonne les fils de palissages, plante en foule (sans rang, à une densité infernale de 40 000 pieds à l’hectare) et en franc de pied (pas de greffe sur le bois américain). Ces derniers, rattrapés par le phylloxera, viennent d’être arrachés. Mais le combat continue et la biodynamie en reste le nerf. Il la propage alentour et rend les voisins meilleurs. LA BOUTEILLE Rosé d’un jour. Traduisez Rosé d’Anjou mais la vieille tradition locale perdue dans l’ivresse du sucre ajouté ne reconnaît plus les siens quand il vient seulement du raisin. La contre-étiquette dénonce : « Inutile de présenter ce vin à l’agrément. Sa couleur infamante et son manque chronique de typicité (= chaptalisation + SO2 ) lui interdisent systématiquement le sésame. » Lui a ouvert la voie à une belle tripotée de vignerons qui s’engagent désormais dans ce rosé ensoleillé. Mais d’Angeli, il faut aussi goûter les blancs. Tous !
Ecosystème. Mark chaperonne Cyril Le Moing qui fait déjà bien bon alentour, à Martigné-Briand. Tél. : 02 41 59 19 83
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De 9 à 48 € Mark Angeli • Ferme de la Sansonnière • 49380 Thouarcé Tél. : 02 41 54 08 08
LOIRE ANJOU STÉPHANE BERNAUDEAU
Petit mais costaud LE VIGNERON Stéphane Bernaudeau est le commis de Mark Angeli. Les deux commères passent le plus clair de leur temps ensemble, aux vignes. Et là, les potins, ça y va ! Les jours non ouvrés, Mark vient même faire le maçon chez Stéphane. Il a son mercredi. Et comme une belle occasion a fait le larron, il le passe dans ses vignes à lui. En biodynamie aussi ? « Faut ben ! Et comme on fait les préparats ensemble, quand y en a pour les 7 hectares de Mark, y en a pour 8 avec le mien ! » Au début, Stéphane n’était pas spécialement bio et tout. « C’est en travaillant que tu réalises que ça change. Et puis tu te prends au jeu et tu as vite fait de passer ta vie dans les vignes. Après avoir ébourgeonné, tu y retournes pour enlever les entre-cœurs, la vigne respire et tu n’en sors plus. »
LE + 500. Ce n’est pas une coupe de jean mais une des mamelles de la biodynamie. La bouse de corne est une préparation glissée dans une corne et enterrée tout l’hiver. Quatre grammes dynamisés dans 40 litres d’eau suffisent à un hectare. « C’est un stimulant du sol qui le rend plus vivant grâce aux bactéries. »
LA BOUTEILLE Les Nourrissons. C’est la première parcelle de Stéphane, héritée du départ d’un sacré énervé angevin : Éric Calcut. Des vieilles vignes de chenin sur schiste qui secouent même le maître. L’élève suit les préceptes, mais balance sa sauce à lui. « Y a rien à faire. Un vin ressemblera toujours au bonhomme qui l’a fait. » Stéphane élève longtemps et finit mieux ses sucres que Mark. « Y a un truc qui nous échappe. » Il s’est aussi calmé sur le bois neuf. « Si c’est pour attendre 10 ans avant de les boire, autant la paix ! »
Ecosystème. « Laurent et Nadège Herbel viennent de prendre des vignes à Rochefort-sur-Loire, c’est déjà bon. » Tél. : 02 41 52 27 39 De 6 à 18 € Stéphane Bernaudeau • 14 rue de l’Abondance • 49540 Martigné-Briand 127 Tél. : 02 41 50 33 38
LOIRE ANJOU DIDIER CHAFFARDON
Attention, chenin méchant ! LE + Les poils. Didier Chaffardon a gardé de sa Savoie natale un air montagnard, limite oursin. Il n’y est pas resté parce que les vignes pentues de là-bas sont trop difficiles à cultiver en bio et parce qu’il a croisé sur sa route le satané Mark Angeli qui l’a ramené au pays. Merci.
LE VIGNERON Didier Chaffardon a longtemps œuvré dans l’ombre. Au Domaine des Charbottières, il a essuyé deux propriétaires. Désormais, c’est lui ! Du moins pour un tiers : il n’en a repris que trois hectares, « pour commencer », michenin, mi-cabernet. L’Angevin parfait. Ses terroirs culminent en plein « Anjou noir », celui des schistes, de l’ardoise qui ne permet pas toujours des rouges faciles à boire et qui enveloppe les blancs… Il eut pu faire là-dessus des vins stressés (c’est l’écueil des années chaudes sur ces terroirs), mais fut sauvé par les marnes ostracées qui couvrent la sombre roche mère. Pardon ? Ostra quoi ? « Ce sont des coquilles d’huîtres et des argiles très fines qui libèrent l’eau gentiment. » Ah ! On boit aussi du rouge sur les coquillages ? LA BOUTEILLE Vin de Table. C’est le triste lot de nombre de ces vignerons minoritaires qui émergent d’un océan huileux de vins standardisés. L’Anjou Rouge de Didier n’a pas l’appellation. Trop fin, trop gourmand. Même punition pour son Cabernet d’Anjou : la « tradition » veut qu’on chaptalise à outrance pour arriver à un cabernet sucraillon. Didier Chaffardon a simplement laissé les raisins mûrir longtemps pour ne travailler que sur leur sucre à eux. Voilà du rosé de cabernet comme on n’en a jamais bu : la grenadine des grands ! Et le blanc Isidore… Encore !
Ecosystème. Pascal Quenard, lui, est resté en Savoie. Il y trace de beaux sillons à Chignin. Tél. : 04 79 28 09 01
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De 8 à 17 € Didier Chaffardon • Clabeau • 49320 Saint-Jean-des-Mauvrets Tél. : 06 86 60 98 69 • chaffardon.d@wanadoo.fr
LOIRE ANJOU ANTOINE CHÉREAU
Boire et déboires LE VIGNERON Antoine Chéreau est arrivé en Anjou avec la meilleure volonté du monde. Il savait qu’il y avait là un terroir qui restait dans ses moyens, modestes. Il avait appris en Bourgogne ce qu’il ne fallait pas faire mais goûté aussi ce qu’il aurait aimé. Alors il s’est installé en bio sur 14 hectares et a mis du temps à revendre la machine à vendanger qui dormait dans la cour. En cave, il se débrouillait comme un chef. Dehors, il travaillait pour dix afin de remettre les sols en place. La tête dans le cep. « Je pensais que si on faisait bon, ça se vendrait tout seul. Mais non. Les vins, on les faisait naturellement, mais on n’a pas su développer des marchés qui auraient pu les comprendre. Il aurait peut-être fallu plus de temps. » Les banques n’ont rien laissé.
LE + Les banques. Le bon sens n’est pas près des bios et bien loin des vignerons en général, sauf en Champagne, où on veut bien ne pas prendre de risques. Ici, le Crédit Lyonnais a envoyé en préretraite son responsable agricole et les dossiers ont été vite liquidés. On a exigé d’Antoine qu’il rembourse ses emprunts sur le champ.
LA BOUTEILLE Les Pierres. Mais le vin est là et les derniers millésimes confirment la qualité gagnée dès le premier 2000. De purs gamays, en macération carbonique, de la Creuzette aux déclinaisons de chenin, tout est bon. Le premier blanc n’est pas assez cher. Le deuxième, élevé 18 mois, non plus. La Cuvée des Pierres confirme : le chenin en prise directe avec le bon schiste fissuré dans le bon sens qui laisse plonger la vigne et ne tient pas l’eau. Le vin s’y pose.
Ecosystème. Stéphane Przezdziecki se lance à Saint-Lambert-du-Lattay. Domaine des PZ. Tél. : 06 08 93 47 14 De 4,50 à 28 € Antoine et Céline Chéreau • Domaine du Roy René • 49750 Chanzeaux Tél. : 02 41 78 32 32 • domaine.roy.rene@wanadoo.fr
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LOIRE ANJOU JEAN-CHRISTOPHE GARNIER
Bandit de grand chenin LE VIGNERON Jean-Christophe Garnier était sommelier. Il a engrangé les macarons jusqu’à s’en écœurer et basculer de l’autre côté du verre, au vert. Ça aurait pu mal tourner, mais Mark Angeli l’a pris sous son aile et l’auréole s’est dessinée. « De toute façon, j’aurais fait bio parce qu’en néophyte, je n’imaginais pas qu’on puisse faire du vin avec autre chose que du raisin bucolique. Mais son travail dans les vignes m’a bluffé, même si tout le monde ne peut pas se permettre cette logique économique. » Dès son premier millésime, 2002, Jean-Christophe s’est mis à trier. Trop. Il n’y avait guère de vin. En 2003, le raisin a gelé. 50 % de récolte en moins. « Aujourd’hui, je ne dissèque plus les grappes et je m’en tiens aux blancs secs. » On s’y accroche. LA BOUTEILLE Triple sec. Jean-Christophe en a trois : un
générique, qui ouvre déjà grand le chenin, un Berguignon sur les schistes chauds de Saint-Lambert et un Dreuillée sur une parcelle plus froide qui balance pas mal de cailloux. Mais son nouveau truc, c’est le pétillant naturel et il a trouvé le sens de la bulle. Ça explose en rosé et ça fait avaler sans y penser des sucres qui ne pèsent plus et n’ont plus besoin de soufre pour être stabilisés. Maxi-buvabilité et extra-onctuosité préservée car il n’est pas dégorgé (les lies ne sont pas expulsées).
Ecosystème. Claude Pichard a hébergé les premières barriques de Jean-Christophe. Il s’y entend aussi au Clau de Nell, à Ambillou-Château. Tél. : 02 41 59 35 29 De 6,50 à 14 €
LE + SO4. C’est le numéro de porte-greffe (sur lequel on colle le cépage) que fuient les bons vignerons. Les moins scrupuleux en ont planté partout dans les années 60 à 80 parce qu’il produisait à outrance. « Mais la vigueur attire les maladies et il faut le saquer pour que le raisin se tienne. »
134 Jean-Christophe Garnier • Rue du Val d’Hyrôme • 49750 Saint-Lambert-du-Lattay Tél. : 02 41 78 90 28
Lyon
C 197
Saint-Étienne
Le Puy-en-Velay 201
Gren
198
200
199
196
Valence
Privas
Montélimar
204 202 205
210 216 213
217 207208
Alès
206 209 212
Nîmes
219
218 211
Avignon
RHÔNE Le Rhône pèse quelques fois, ceux-là le font plus aérien. Le Rhône accroche parfois, ceux-là le font plus suave et n’écorchent pas le raisin. S’il pleut sur le Rhône, ceux-là ne gardent que le soleil. Des vertiges du Nord aux surprises ardéchoises, ces vignerons sortent le Rhône de son lit.
Thierry Allemand Jean-Michel Stéphan René-Jean Dard et François Ribo Alain et Maxime Graillot Jean-Louis Chave Hervé et Béatrice Souhaut Gilles Azzoni Jérôme Jouret Gérald et Jocelyne Oustric Guy Jullien François et Frédéric Alary
196 197 198 199 200 201 202 204 205 206 207
Marcel et Marie Richaud Laurent Charvin Michèle Aubéry-Laurent Vignerons d’Estézargues Bertrand et Claudie Cortellini Antoine Joly Yann et Sylvain Rohel Philippe Viret Jérôme Bressy Eric Pfifferling Christian Vache
208 209 210 211 212 213 214 216 217 218 219
RHÔNE HERMITAGE JEAN-LOUIS CHAVE
La vie en Hermitage LE + L’accord perdu. « On va sur des vins de cracheurs. Ils ont du mal à s’accrocher à la cuisine. S’il n’y a plus le dialogue mets-vins à table, on fait des vins de dégustation. Je veux faire des vins de buveurs. »
LE VIGNERON Hermitage. Chave. Dernier étage. Tout le monde descend du nuage. Un grand terroir et l’humilité d’un grand homme pour le faire parler sans s’immiscer dans sa conversation. Limpide comme son vin, le vigneron a des convictions. « Bien sûr qu’il faut être bio dehors. Évidemment qu’il faut être nature dedans. Ce qui ne serait pas juste, c’est qu’on ne pioche pas alors qu’on en a les moyens. » Jean-Louis Chave parle rarement à la première personne. Des générations ont fait la maison et le patrimoine de sélections massales de syrah se plante pour les prochaines. Ici, on s’inscrit dans le temps. On en prend pour élever le vin longtemps. On le porte en conscience qu’il lui faudra encore une décennie pour éclore. Et on en prend chaque jour la mesure pour qu’il ne pèse pas dans le vin qui viendra. LA BOUTEILLE Hermitage rouge. Pas de chichis chez Chave. On sort un saint-joseph, un hermitage blanc et un hermitage rouge. Pourtant, chaque climat est isolé : argiles, silices, loess, poudingue, granits vivent leur élevage en solitaire jusqu’à l’assemblage unitaire. Chacun chante distinctement mais le collectif d’appellation est une vocation : « On est Hermitage avant d’être Chave. » Au final, « ce qui ne va pas » sera écarté, seul le cœur du chœur sera gardé. Et là : musique ! Les parfums, les couleurs et les volumes se répondent. On pose son verre pour s’en remettre, on le reprend et voilà qu’il vous emmène encore ailleurs… Replay !
Ecosystème. Michel Chabran (Pont-de-l’Isère) et Jean-Louis Chave sont proches, liés solidement. Tél. : 04 75 84 60 09
200
De 25 à 160 € • Gérard et Jean-Louis Chave 37 avenue de Saint-Joseph • 07300 Mauves Tél. : 04 75 08 24 63
RHÔNE NORD SAINT-JOSEPH ET ARDÈCHE HERVÉ SOUHAUT
Ardèche fraîche LE VIGNERON Hervé Souhaut tâtonnait de la biologie avant de rencontrer sa femme. Beau-papa avait un bout de vignes. L’envie trottait d’y toucher jusqu’à ce qu’un vigneron du Beaujolais (Pierre-Marie Chermette), croisé sur une plage en été, les mit dans le bain. Il les immergea même en son pays où coulait le Lapierre et le Pacalet. Voilà. C’était ce vin-là qu’il voulait faire. Hervé rempila donc les études et fit l’apprenti une année chez les fameux voisins, Dard et Ribo. Il s’en revint enfin au village familial, derrière les nobles coteaux de Saint-Joseph, pour s’inventer un domaine en 1993. À Arlebosc, il ne restait qu’un dixième des vignes sur pied dans les années 70. Il a planté, grapillé du raisin et sérieusement participé à les préserver.
LE + Connivence. Hervé est de mèche avec René-Jean Dard : « Mon prof, mon pote. » C’est chez lui que les vins du négoce des Champs Libres sont élevés. Le binôme a soulevé de jolis terroirs à Saint-Péray et en Ardèche (Vin de Pays) et en sort deux belles bouteilles.
LA BOUTEILLE Le Gamay. À l’écart des grandes syrahs, juste en bas, subsistent quelques pieds du cépage beaujolais. Et la géologie du coin n’en est pas très éloignée non plus (le double mouvement effondrement-surrection est à l’origine des deux terroirs). Les premières émotions viniques d’Hervé ne l’ont donc pas quitté. Il les rend avec quelques heures de soleil en plus. Mais il donne aussi dans la syrah et en récolte une jolie parcelle sur Saint-Joseph : Sainte-Épine fait face à Hermitage et n’a pas grand-chose à lui envier.
Ecosystème. La cantine des vignerons du coin est à Tain. Fabien Louis fait bistro-cave aux Terrasses du Rhône. Tél. : 04 75 08 40 56 De 8 à 20 € • Béatrice et Hervé Souhaut Domaine Romaneaux-Destezet • Les Romaneaux • 07410 Arlebosc Tél. : 04 75 08 57 20 • http://romaneaux.destezet.free.fr
201
RHÔNE SUD CÔTES-DU-RHÔNE YANN ET SYLVAIN ROHEL VINUMENTIS
Driving winemakers LES VIGNERONS 100 000 kilomètres à l’année, hors
catégorie chez SFR, huit domaines à suivre, quand ses collègues jonglent avec 50 ou 100 clients. Yann Rohel a perdu l’usage commun de son diplôme d’œnologue. « À la fac, on nous formate pour être médecin, pharmacien, assureur et pédiatre. Il faut vacciner le gamin et vendre la liste de médicaments sur l’ordonnance. On demande à l’œnologue de garantir un vin loyal et marchand. Idéalement, de décrocher une médaille. » Lui avale la route et se pose chez les vignerons comme chez lui. Il passe la journée en cave, visse les tuyaux, nettoie les cuves et y installe même les siennes. Avec son frère Sylvain (photo), il a monté un sage négoce en 2004. LA BOUTEILLE Les Ceps Mercenaires. Voilà le dernier
long-métrage des frères Rohel, épaulés désormais par Andrea le Tchèque. Ça se passe sous le soleil du Rhône, à Rochegude. Là, ils se sont attaqués aux raisins de Serge Chapotton, qui voulait ravaler son ranch : 1 300 hectolitres à vinifier sans levures en sachet ni sulfites en bonbonne. Leur cuve à eux a été réalisée sans trucage et le trio grenache-carignan-syrah joue le fruit grand écran. Le troisième jeudi de novembre, il ne faut pas rater non plus la sortie de leur BoJo.
Ecosystème. Jean-Baptiste Selles est un poulain talentueux du Beaujolais, au Domaine du Coteau de Bel Air, à Chiroubles. Tél. : 06 87 74 18 47 De 6 à 11 € • Yann et Sylvain Rohel
214 Vinumentis • 24 avenue du Prado • 13006 Marseille Tél. : 04 91 90 67 09 • www.vinumentis.com
LE + Vin nature. Yann a une sobre définition des vins nature : des levures naturelles et un minimum de soufre. Mais l’œnologue a peur des fougueux candidats à la vinaigrerie : « On ne doit pas faire des vins nature à tout prix. On se fout des levures et du soufre à partir du moment où on ne les sent pas. »
Bergerac
233 234
Bordeaux
232
235 236
Noyer le Bordelais dans le Sud-Ouest, est-ce provoquer ? Géographiquement, non. Historiquement, non plus. Marmande Humainement, certainement. 231 On aura beaucoup plus de mal à trouver le vigneron bordelais, entre les propriétaires, le winemaker, l’œnologue, l’attaché de presse, le maître de chai, le chef de culture…
A
Mont-de-Marsan
Auc
Bayonne 230
Pau Tarbes
229
Aurillac
SUD-OUEST 222
Cahors
Rodez
Agen
ch
228 226 225 224
Albi
Toulouse
Matthieu Cosse et Catherine Maisonneuve Cathy et Jean-Mary Le Bihan Marc Penavayre Michel Issaly Myriam et Bernard Plageoles Patrice Lescarret Thérèse et Michel Riouspeyrous
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Yvonne Hégoburu Elian Da Ros Hélène et David Barrault Claire Laval et Dominique Técher Grégoire et Bénédicte Hubau André Chatenoud Pascal Delbeck
230 231 232 233 234 235 236
SUD-OUEST FRONTON MARC PENAVAYRE
Grand gourou de la négrette LE + L’enquête négrette. Marc le traque. « Les Américains nous l’ont emplafonné : ils l’appellent black pinot californien ! Il est aussi allé le chercher sur l’île de Ré et prépare avec Robert Plageoles une expédition aux sources. « Mais il semblerait qu’elles soient en Irak, alors on va patienter… »
LE VIGNERON Malgré son nom, Fronton n’a pas toujours droit aux lauriers des caveurs de flacons. Ça n’atteint pas la belle humeur de Marc Penavayre qui en glisse dans ses bouteilles et en propage alentour pour le bien des voisins qui ne le comprennent pas toujours. « Ils disent : il faut faire le plein ! Mais le plein de quoi ? Quand mes cuves sont vides, ils posent plus de questions. Je les renvoie à la vigne. » Cette année, Marc passait à la certification bio. Gel, grêle, mildiou, le moment était mal choisi. Pire, il a fini au lit. « Mes gars venaient me raconter les dégâts. Je n’ai pas flanché, aussi pour ne plus leur en faire bouffer. J’ai deux types en or qui adhérent à fond. Il y en a qui fuient quand le patron lâche la chimie : Jean-Bernard Larrieu (Clos Lapeyre, Jurançon) vient d’en faire les frais. » LA BOUTEILLE La Négrette ! C’est le mot magique qui fait lever les bras de Marc au ciel. Il en met partout. Parce qu’il n’y en a qu’ici. « C’est typiquement inféodé à Fronton. Il y en avait partout, mais c’est tellement casse-couilles que tout le monde l’a abandonné. Il attrape toutes les maladies et ne supporte pas la médiocrité ! Au-dessus de 40 hectolitres à l’hectare, faut oublier. » Le sien laisse des souvenirs. « Son seul défaut, c’est le manque d’acidité. Mais sa masse tannique la fait toujours rebondir. »
Ecosystème. Philippe Teulier. C’est le copain qui fait des merveilles sur les sols rouges de Marcillac, au Domaine du Cros à Goutrens. Tél. : 05 65 72 71 77
224
De 5 à 12 € Marc Penavayre • Château Plaisance • 31370 Vacquiers Tél. : 05 61 84 97 41 • www.chateau-plaisance.fr
EXTRA MILITANT
Tête de prunelard
SUD-OUEST GAILLAC MICHEL ISSALY
LE VIGNERON « Chez nous, le vin en vrac se vend moins cher que l’eau. » Michel Issaly a compris dès son installation que l’avenir ne sera pas au prêt-à-porter mais à la haute couture. En reprenant le domaine de son père, il n’en a gardé qu’un tiers : « Celui qui faisait de la bouteille, les vieux cépages sur les vrais terroirs. Je voulais perpétuer la démarche de mon père, le travail des sols, les petits rendements. Sur le vrac, ce boulot n’était surtout pas rentable. » Aujourd’hui, Michel s’éclate sur 4,80 hectares et se régale « avec une clientèle capable de mettre 20 euros dans le vin et de le comprendre. » Mais il ne se contente pas de cultiver son jardin : Michel milite et embarque avec lui les Vignerons Indépendants. Il sera bientôt président de ce regroupement de 53 % de la viticulture française.
LE + Le syndicalisme à visage humain. Michel Issaly est tombé dedans depuis longtemps. Au début, c’était l’histoire d’une ou deux réunions. « Mais comme je ne comprenais pas tout, j’ai voulu apprendre. » Voilà comment les gars de l’ENA ont parfois du fil à retordre avec un type qui parle plus manuel que mécanique, plus raisin que marketing, plus petit que gros.
LA BOUTEILLE Le Grand Tertre. Mêlé pour demi de cépage prunelard, le Grand Tertre a le profil robuste du sport local. Ce raisin rare figure parmi les plus vieux cépages de Gaillac et pourrait bien redorer le blason de l’appellation. La profondeur noire de son jus fermenté était déjà vantée au XVe siècle. Il suffit d’y mettre le nez pour s’en assurer. Version réconfort, on peut aussi le poser sur le Vin de l’Oubli pour ne jamais le lever. Ce vin de voile (la tradition des vins oxydatifs, comme dans le Jura ou à Jerez, revient ici aussi) hisse haut les couleurs.
Ecosystème. La Falaise, à Cahuzac-sur-Vère, est la cantine des vignerons de Gaillac. Guillaume Salvan a avancé avec eux. Symbiose. Tél. : 05 63 33 96 31 De 8 à 45 € • Sylviane et Michel Issaly Domaine de la Ramaye • Sainte-Cécile-d’Avès • 81600 Gaillac Tél. : 05 63 57 06 64 • www.michelissaly.com
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SUD-OUEST GAILLAC MYRIAM ET BERNARD PLAGEOLES
Autant emporte le vin LES VIGNERONS Trois générations de Plageoles ont suffi
à déterrer Gaillac. Le fragile vignoble de 2000 ans s’oubliait dans l’histoire des autres, cédant à l’uniformisation. « Mon grand-père a été le premier à faire des bouteilles sur l’appellation. Il me sortait de l’internat pour l’aider à greffer. » Robert Plageoles a battu la campagne jusqu’à y exhumer ses racines moribondes. Tous les vieux cépages qui ont fait Gaillac constituent aujourd’hui le musée vivant Plageoles. Le prunelard dense, le duras profond, l’ondenc cristallin, le verdanel rarissime… Bernard Plageoles fait sa révolution contre l’uniformisation et la bêtise humaine qui saborde notre identité vinique. No passaran. Ferran tout petat ! LA BOUTEILLE Mauzac Nature. Le mauzac, c’est Gaillac.
Gaillac, c’est le mauzac. Si les primes d’arrachage des années 60 ont eu raison de sa domination, les Plageoles, l’ont décrété premier plan. Ils en cultivent les veilles variétés en rose, en vert, en gris, en noir, en roux, en jaune et déclinent les vins du sec au doux. Mais le plus plageolesque est effervescent : on enferme le vin avant la fin de la fermentation pour que les levures aient encore un peu de sucre à manger et qu’elles dégagent un pétillement naturel. Un truc multiséculaire qui fait des apéros intergénérationnels.
Ecosystème. Les Bras sont liés aux Plageoles. À chaque fin de vendange répond la fin de saison qui se fête au domaine avec tout le staff de Laguiole. Tél. : 05 65 51 18 20 De 7 à 30 €
LE + Le vent d’autan. Les Plageoles sont aussi papes des liquoreux. Ils laissent longtemps les raisins confire sur les vignes et ont inventé un espace fabuleux pour les déshydrater encore. Les grappes d’ondenc sont étalées sur des clayettes dans de longs tunnels orientés au vent d’autan. Ce jus rare fait le fabuleux Vin d’Autant.
226 Myriam et Bernard Plageoles • Les Tres Cantous • 81140 Cahuzac-sur-Vère Tél. : 05 63 33 90 40 • myriam.plageoles@wanadoo.fr