Carnet Omnivore 2011

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OMNIVORE 100 % JEUNE CUISINE

CARNET 2011


EN COUVERTURE : Rasmus Kofoed, Geranium (Copenhague)


SOMMAIRE CARNET DE ROUTE

ÉDITO 005 LES PRINCIPES DU CARNET 006 LES OMNIVORISÉS 008 LES MILLÉSIMÉS 028 LES INFLUENCEURS 072 LES DÉFRICHEURS 106 LES ICONOCLASTES 138 LES REBELLES 186 LES TERRIENS 218 LES URBAINS 252 LES AUBERGISTES 290 LES NÉOCLASSIQUES 342 INDEX DES CHEFS 405 INDEX DES RESTAURANTS 408 INDEX PAR VILLE 411



ÉDITO

THINK FOOD C’EST MODERNE Et ça s’emballe, ça s’emballe. Depuis l’an dernier, la cuisine, la bouffe, les plats partout, everywhere dans les livres et les magazines, sur les écrans télé et les ordinateurs, dans les blogs, sites, réseaux sociaux et même supermarchés en têtes de gondole. Les marques s’arrachent les têtes toquées, les foodistes redemandent des cours et des trucs, les branchés parlent du dernier resto d’Inaki comme s’il s’agissait du dernier Araki, la France reprend une louche de patrimoine à l’Unesco et tout le monde entonne le couplet cuisine. Tout ça mijote dans une même marmite, sans se méfier des goûts cramés, des DLC dépassées, des écœurements et des sur cuissons. Jusqu’où ira-t-on ? Sans doute trop loin, c’est le propre de tout mouvement de foule et de toute mode. D’ici là, tentons encore un peu de penser la cuisine. En délirant récemment avec une consœur sud-américaine (big up Sao Paulo), nous avons ainsi accouché du concept de Think Food dont le slogan pourrait être : “Think first, cook after”. Ça a l’air crétin – ça l’est d’ailleurs à partir d’un certain degré d’alcool – mais plus qu’un concept, c’est un appel au calme : pensez/pensons d’abord la cuisine avant de la faire, de se précipiter sur la dernière tendance, le dernier ingrédient

trendy, la dernière assiette ou évolution technique à avoir absolument dans son restaurant. ADN Pensons, globalement, la cuisine, la technique, les sens, les notions d’identité culinaire, de cuisson, d’environnement et tiens même pourquoi pas de client ? Souvenons-nous que la cuisine n’est décidément pas un acte neutre, qu’elle implique beaucoup plus qu’un mode de consommation ou de plaisir, mais fait véritablement partie de l’ADN humain, de notre identité, histoire, avenir. Ça mérite sans doute de se poser un peu, de laisser en suspens couteau, fourchette et appétit vorace pour imaginer ce que nous mangeons aujourd’hui et demain. Ce Carnet Omnivore 2011 a fait peau neuve pour coller au plus près de ces expériences culinaires. Nous relatons ainsi un peu moins de 200 instants de cuisine vécus depuis quelques mois en France et en Europe. Au-delà d’une simple chronique culinaire, ces pages, ce qu’elles contiennent, contribuent à leur manière à penser la cuisine. Read first, cook after. Mais en attendant, mangeons ! Luc Dubanchet



MILLÉSIMÉS


GILLES & LÉO BÉNARD

22 rue du Plateau, 75019 Paris Tél. : 01 42 38 18 65 Fermé le dimanche

QUEDUBON PARIS XIX

CUISINE BISTROACTIVE // ATMOSPHÈRE DESIGN & COOL // AVEC AMIS // PRIX MOYEN 40 € NOTRE VOISINE RAQUEL CARENA P.86 NOTRE COMPLÉMENT INAKI AIZPITARTE P.74 NOTRE CONTRAIRE WILLIAM LEDEUIL P.164

OÙ DORMIR AVEC CHÂTEAUX & HÔTELS COLLECTION

Le Standard Design Hôtel 29 rue des Taillandiers 75011 Paris. Tél. :01 48 05 30 97

UN AIR DE FAMILLE Vendredi 19 novembre 2010, dîner. On fourre le pif au dessus de la carafe pour recevoir un pinot puissant mais qu’on imagine tout en souplesse avant même de l’avoir attaqué. Gilles Bénard ausculte les trombines, fait durer le suspens, considère qu’on a mérité ou pas ce vin du soir et verse enfin le Beaune de Jean-Claude Rateau que la pintade “Mieral excellence” attendait. Ça pourrait être un scénario d’Audiard. La gouaille, le verbe, la malice sont les attributs de Quedubon. Bistrot-cave, où l’inverse, d’élégance et de bon sens tout en haut de Paris. Bénard, l’anar, a popularisé depuis vingt ans les vins nature dans la capitale. Ramulaud c’était lui. Planté, revendu. Et le revoici, plein de discours aussi captivants (le vin, les livres, la psychanalyse, mais surtout l’homme) que les nourritures envoyées de plus en plus assurément par Léo (forcément !), le fils de même pas trente ans. Parainnage. Léo prend peu à peu le pouvoir, assure à tour de rôle la salle. Quand il ne parle pas, il cuisine. Et c’est un grand, bon, savant cuisinier, inspiré par Raquel Carena et Inaki Aizpitarte. Le Baratin et le Chateaubriand : on fait pire marraine et parrain pour cuisiner des encornets fraîchissimes et énormes, farcis et grillés avant une échine de cochon fermière rôtie au pimentons et aux légumes grillés. Un air de famille au goût de reviens-z’y. Et d’ailleurs, sitôt partis (enfin à 1 h du matin, tout de même le temps d’un, deux, trois derniers verres), on y retourne. Comme l’un des plus beaux bistrots de Paris. 30 MILLÉSIMÉS

PRÉSENCE Le resto, c’est l’homme. Comme la vigne et tout ce qui de près ou de loin touche à notre intimité, à ce que nous mangeons. Gilles Bénard, son immense gueule, sa folle joie de vivre et de communiquer – mais que cache-t-il bon sang ? –, sa finesse sous ses fausses rustreries est la figure emblématique du restaurateur d’aujourd’hui : maître des lieux sachant accueillir, bousculer et aimer ceux qui viennent poser leurs fesses chez lui. Prends-en de la graine !


MILLÉSIMÉS 31


BJÖRN FRANTZEN & DANIEL LINDEBERG

FRANTZEN / LINDEBERG STOCKHOLM �SUÈDE�

Lilla Nyagataan 21, 11128 Stockholm, Suède Tél. : +46 820 85 80 // www.frantzen-lindeberg.com Fermé dimanche et lundi

CUISINE LÉGUMIÈRE // ATMOSPHÈRE HAPPY FEW & COOL // AVEC AMIS & BUSINESS // PRIX MOYEN 150 € NOTRE VOISIN FREDRICK ANDERSSON P.188 NOTRE COMPLÉMENT PASCAL BARBOT P.76 NOTRE CONTRAIRE ARNAUD LALLEMENT P.162

LABO AUBERGISTE Mercredi 27 novembre 2010, dîner. Sachez-le, vous êtes assis dans un restaurant historique de la new wave nordique. Les places, une petite vingtaine, n’ont guère augmenté depuis que Fredrick Andersson avait ouvert ici, au début du millénaire, le très radical, “Mistral”. Il y souffle toujours une brise des grands espaces mais, avec l’arrivée le 1er février 2008 de Björn Frantzen et Daniel Lindeberg, l’heure est plutôt à la douceur. À la rassurante étrangeté où la puriste intransigeance nordique rencontrerait une sorte de séduction passardienne (Daniel y a longtemps bossé). Écrin magique, plus intimiste qu’introspectif, la cuisine visible depuis la microscopique salle en gageure de transparence, au même titre que le “non menu” présenté d’office aux clients, longue liste d’ingrédients susceptibles de se retrouver dans votre assiette. Os de saint-jacques. Du noble et du pas du tout, des rebondissements d’assonances – comme dans la chefd’œuvresque moelle fumée minute et sa fondue patate/ oignon à la réglisse, feuilles de cresson Atsina et balsamique de 25 ans, de l’acidulé dans le fumé. Obsession du détail borderline : le foie gras râpé comme de la bonite sur un bœuf grillé à basse température ou ce bouillon “d’os de saint-jacques” pour imbiber le tartare au citron vert de souvenances sylvestres de cèpes et sous-bois. La claque de l’élégance, d’une sensualité presque scientifique – d’où la friction des contraires qui produit tout le sens (et le sentiment immense) de ce labo d’aubergistes du troisième millénaire absolument hors pair. 44 MILLÉSIMÉS

METS/VINS Certes, les prix ne font rigoler personne (“la lune” de Mark Angeli à 110 € ) mais John Lacotte sommelier touche-à-tout d’extraction frenchie a réponse à tout. Et sait canaliser la maïeutique de ce restaurant dont le dépouillement booste l’audace : un dessert/non dessert à la frontière du salé et du sucré, du pain perdu à la fondue d’oignons et parmesan grillé, avant le bœuf d’anthologie, qui dit mieux ?


MILLÉSIMÉS 45



INFLUEN CEURS


YVES CAMDEBORDE

7-9 Carrefour de l’Odéon, 75006 Paris Tél. : 01 44 27 07 97 // www.hotelrsg.com Ouvert tous les jours

LE COMPTOIR DU RELAIS PARIS VI

CUISINE BISTRONOMIQUE AUTHENTIQUE // ATMOSPHÈRE BACHIQUE // AVEC AMIS // PRIX MOYEN 50 € MON VOISIN WILLIEM LEDEUIL P.164 MON COMPLÉMENT SÉBASTIEN DE LA BORDE P.310 MON CONTRAIRE PASCAL BARBOT P.76

OÙ DORMIR AVEC CHÂTEAUX & HÔTELS COLLECTION

Le Clos Médicis 56 rue Monsieur-Le-Prince 75006 Paris. Tél. : 01 43 29 10 80

MASTER CLASSE Jeudi 9 décembre 2010, dîner. “Si on allait chez Camde ?” C’est toujours le cri du cœur, l’envie de retrouver le souffle chaud de la Régalade, le coude à coude, la générosité. Camdeborde, l’ADN de nos vraies gourmandises, le fil d’une cuisine démocratique tiré depuis son départ du Crillon au milieu des années 90 et son envol comme aubergiste – on ne disait pas bistronomie. Depuis, Camdeborde n’a pas changé. Le gars simple et bon qui ne peut s’empêcher de vous éreinter l’omoplate quand il vous parle, drôle, joyeux, ne se prenant jamais au sérieux. Même à Masterchef sa mine grave un peu forcée n’a berné personne et en a fait le chouchou. Alors il faut être patient pour venir souper de cette humanité. Une place au Relais s’attend, se mérite le temps de faire monter l’envie. Et d’arriver sans avoir peur un instant d’être déçu. Bœuf-seiche. Car Camde est avant tout un créateur intuitif (il rejetterait “créateur” mais tant pis) qui sait vivre l’époque sans trahir sa base : le goût. On le retrouve, puissant, dans une raviole de homard impeccable de netteté, le crustacé cuit à la perfection – le chef avoue sans rougir se les faire livrer décoquillés – souligné de quelques pousses de roquette. Les grosses saint-jacques fortement marquées, fondent sous la dent dans un bouillon de panais, crosnes et radis noir avant le bœuf et cannellonis à l’encre de seiche. Vif, gourmand, plein d’énergie. On ressort évidemment ivres de vin dans le froid parisien. Mais avec Camdeborde, était-il envisageable de s’en retourner à jeun ? 84 INFLUENCEURS

PRÉSENCE Malgré la télévision et les dizaines de sollicitations, il se débrouille toujours pour être là. Et comme le monde est bien fait, les matchs de rugby tombent le week-end, permettant ainsi au supporter Camdeborde de rejoindre les stades du Tournoi des Six Nations sans faire défection à sa maison. Immense travailleur, dévoué entièrement à son restaurant, il incarne bien les valeurs du chef-patron, pour une fois pas galvaudées et mensongères. Chapeau Camde !




DÉFRI CHEURS



162 île de Fédrun, 44720 Saint-Joachim Tél. : 02 40 88 53 01 // www.mareauoiseaux.com Fermé lundi midi

ÉRIC GUÉRIN

LA MARE AUX OISEAUX SAINT�JOACHIM

CUISINE LUDIQUE // ATMOSPHÈRE OISELLERIE // AVEC AMOUR & AMIS // PRIX MOYEN 60 € OÙ DORMIR AVEC CHÂTEAUX & HÔTELS COLLECTION

La Mare aux Oiseaux 162 Île de Fédrun, 44720 Saint-Joachim. Tél. : 02 40 88 53 01 Saint-Christophe Place Notre-Dame, 44500 La Baule. Tél. : 02 40 62 40 00

P.246 PHILIPPE VÉTELÉ MON VOISIN P.228 CHRISTOPHE DUFAU MON COMPLÉMENT P.248 BENOÎT WITZ MON CONTRAIRE

L’ENFANT DES MARAIS Mercredi 10 novembre 2010, déjeuner. Rien ne l’arrête. Ni les chausse-trappes d’un métier qui ne supporte pas la réussite, ni les financements qu’il convient de trouver pour avoir les moyens de ses envies/ambitions. Et c’est ainsi qu’est sorti de terre cette année une nouvelle Mare aux oiseaux. Les murs ont été poussés et rendus translucides pour accueillir la nouvelle salle de restaurant que des suites et un Spa sont également venus accompagner. Éric Guérin se promène dans son petit domaine préservé, attentif au moindre détail, sourire du bâtisseur, apparente sérénité. Et ça fait plaisir de le voir ainsi heureux, rescapé d’une jeune génération qui s’est un peu perdue par vanité. Lui a gardé ses rêves et des épaules solides. Perturbations. Sa cuisine ne fait d’année en année que tracer une route de plus en plus nette, recentrée tout en conservant sa capacité de perturbation, de too much (un ormeau cocktail orange venant dézinguer un foie gras au grué de cacao déjà en équilibre) qui fait aussi le charme de Guérin. Surtout quand l’assemblage fonctionne à plein comme cette poulette coupée en fin carpaccio cuit au dernier moment par une émulsion de butternut, tout comme les saint-jacques qui l’accompagnent. Immense ping-pong de saveurs purement jouissives dues à des produits de premier ordre comme le pigeon impressionnant de tendreté, là encore confronté à la saint-jacques et au foie gras. Une cuisine no limit au plaisir prolongé par cette impression d’être au bout d’un monde, celui émouvant et plein d’humour d’Éric Guérin.

TRONCHE DE VEAU Bien sûr, à la Mare aux oiseaux, il ne faut pas s’attendre à trouver un plat de bistrot aussi simple. La tête de veau (photo ci-contre) façon Guérin se retrouve compressée entre de fines lamelles d’encornets, de radis, et de pomme. Le gélatineux se tranche d’iode et d’acidité, rebondit sur le terreux d’une betterave à la texture de mayonnaise et le croquant des noix de macadamia. Comme chaque fois, le sourire aux lèvres, on finit ce plat sans demander son reste.

DÉFRICHEURS 129



ÉRIC GUÉRIN

LA MARE AUX OISEAUX SAINT�JOACHIM


Ce n’est qu’un aperçu du Carnet Omnivore 2001 Commandez le sur www.omnivore.fr 22 euros (frais de port inclus)


OMNIVORE

100 % JEUNE CUISINE

CARNET

2011 9 782953 865004

22 €

ISBN : 978-2-01-237614-4 23-21-7614-01-3

Le Carnet Omnivore est un guide de restaurants indépendant. Réalisé et écrit par des journalistes professionnels, il est depuis sept ans l’accompagnateur de la Jeune cuisine. Une cuisine d’auteurs, contemporaine, qui va puiser ses racines dans le territoire proche et son imagination dans un partage mondial des connaissances et des techniques. Vous ne voyez pas vraiment ? Lisez ce Carnet Omnivore et vous comprendrez.


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