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opéra d'europe
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operanationaldurhin.eu
Dossier pédagogique
Saison 2015-2016
En deux mots Elina Makropoulos vit depuis 337 ans grâce à un élixir de vie que lui a donné son père et qui lui apporte la jeunesse éternelle. Mais les effets de la magie s’estompent peu à peu et la jeune femme doit rapidement en retrouver la formule secrète…
Spectacle enregistré par
ˇ Opéra en trois actes de Leosˇ Janácek ˇ Livret du compositeur, d’après Karel Capek Créé au Théâtre national de Brno le 18 décembre 1926
STRASBOURG Opéra di 7 février 15 h ma 9 février 20 h sa 13 février 20 h ma 16 février 20 h je 18 février 20 h MULHOUSE La Filature sa 27 février 20 h
« L’opéra selon Robert Carsen » Conférence par Thierry Santurenne Strasbourg, Librairie Kléber sa 6 février 17 h entrée libre
Direction musicale Marko Letonja Mise en scène Robert Carsen Réalisation de la mise en scène Laurie Feldman Décors Radu Boruzescu Costumes Miruna Boruzescu Lumières Robert Carsen et Peter Van Praet Dramaturgie Ian Burton Emilia Marty Ángeles Blancas Gulín Albert Gregor Raymond Very Dr Kolenatý Enric Martinez-Castignani Vitek Guy de Mey Krista Sophie Marilley Jaroslav Prus Martin Bárta Janek Enrico Casari Hauk-Šendorf Andreas Jaeggi Le Machiniste Peter Longauer Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg © 1926 by Universal Edition A.G. Wien
Langue : tchèque surtitré en français et en allemand Durée approximative : 2 h, entracte après l’acte II Conseillé à partir de 9 ans
Spectacle enregistré par
Contacts Flora Klein • tél + 33 (0)3 68 98 75 21 • courriel • fklein@onr.fr Hervé Petit • tél + 33 (0)3 68 98 75 23 • courriel • hpetit@onr.fr Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg Photo Nis & For
Argument Acte I - Prague, 1922 Le rideau se lève sur le cabinet de Maître Kolenaty, dans lequel le clerc Vitek et Albert Gregor s’entretiennent à propos du procès qui oppose sa famille à celle du baron Prus. Ce dernier aurait eu, voilà bientôt cent ans, un fils illégitime avec la chanteuse Elliana MacGregor, dont descendraient tous les Gregor. Mais les origines de cette affaire sont si lointaines qu’il n’est personne aujourd’hui pour s’en souvenir. Entre Krista, la fille de Vitek. Elle est encore sous le choc d’avoir entendu la veille Emilia Marty, la plus grande cantatrice au monde. Krista est d’autant plus bouleversée qu’elle est elle-même actrice et chanteuse. Lorsque l’avocat revient à son bureau en compagnie de la célèbre cantatrice, celle-ci semble étrangement connaître les détails de cette histoire. Elle affirme que le baron Prus a eu un fils, appelé Ferdinand MacGregor et que sa mère était bel et bien la chanteuse Elliane MacGregor. Elle promet d’apporter la preuve du lien de parenté entre les deux hommes, à condition que Maître Kolenaty accepte de lui retrouver de vieux documents auxquels elle semble beaucoup tenir.
Acte II Jaroslav Prus monte sur la scène vide d’un théâtre d’opéra, accompagné de son fils Janek, de sa fiancée Krista et de Gregor. Celle-ci, en entendant une femme de ménage et un machiniste parler du talent d’Emilia Marty, assure à Janek que la cantatrice est si fascinante que tout homme tombe amoureux d’elle au premier regard. La chanteuse fait alors son entrée de fort méchante humeur. Elle refuse les bijoux que Gregor lui offre, se moque ouvertement de Janek, puis évoque de manière étrange des cantatrices mortes depuis plus d’un siècle comme si elle les avait personnellement connues. Alors qu’elle signe un autographe à Krista? intervient le Comte Hauk-Sendorf, qui croit reconnaître en Emilia une gitane, Eugenia Montez, avec qui il a eu une liaison il y a bien longtemps. Emilia imite alors avec une ressemblance troublante les gestes de cette femme, que pourtant elle n’a pu avoir connu. Tous les personnages sont ensuite congédiés par la cantatrice à l’exception de Jaroslav Prus. Ce dernier lui parle de la mystérieuse Elliana MacGregor. Il est fasciné par le mystère qui entoure cette femme et explique avoir retrouvé certaines de ses lettres dans lesquelles elle ne signait que EM. Or, ces initiales pourraient tout aussi bien signifier Elliana MacGregor, Eugenia Montez, Emilia Marty, ou même Elina Makropoulos. Il a en effet découvert que c’est sous le nom de Makropoulos que la naissance d’un enfant, Ferdinand, a été déclarée le même jour que celle du prétendu fils du baron Prus. Les documents découverts contiennent également une enveloppe, qu’il n’a pas encore ouverte. Emilia propose de la lui acheter mais ce dernier refuse et se retire, tandis qu’entre Gregor. La cantatrice repousse à nouveau ses avances et celui-ci menace de la tuer quand elle lui demande de dérober la lettre de Prus. Puis Emilia s’endort et Gregor s’en va. À son réveil, Janek est auprès d’elle. Elle lui demande de voler les documents à son père et alors que le jeune homme, fasciné par Emilia, est sur le point d’accepter, Prus qui a tout entendu le chasse de la pièce. Il promet à Emilia qu’en échange de ses faveurs, il lui remettra l’enveloppe tant convoitée.
Acte III Prus et Emilia sont dans une chambre d’hôtel. Ils viennent de passer la nuit ensemble et comme convenu, il lui remet l’enveloppe, que la cantatrice s’empresse d’ouvrir. Il est fâché parce que le marché ne lui a pas apporté satisfaction et se plaint qu’Emilia se soit donnée à lui à contre cœur. On apporte ensuite un message à Prus, lui apprenant que son fils unique Janek s’est suicidé par amour pour Emilia. Prus est désespéré mais la jeune femme ne semble pas affectée par le décès du jeune homme et refuse de se sentir responsable de son acte. Le Comte Hauk-Sendorf entre et propose à la chanteuse, qu’il confond toujours avec son ancien amour, de fuir avec lui. Entrent alors Gregor, Kolenaty, Vitek, Krista et un médecin qui emmène le vieil homme. Kolenaty révèle que la lettre et l’autographe de Krista ont tous deux été écrits par la même personne. Il demande à Emilia une explication et si celle-ci tente dans un premier temps de se soustraire à leurs questions, elle finit par raconter son histoire. Son nom est en réalité Elina Makropoulos. Née en Crête en 1575, elle est la fille de Hieronymus Makropoulos, médecin à la cour de Rodolphe II. Son père avait fabriqué un élixir de vie pour l’empereur, qui au dernier moment demanda au médecin de faire boire la potion à sa fille, afin d’en tester les effets. Mais Rodolphe II se rendit compte qu’il ne vivrait jamais assez longtemps pour juger de son efficacité et, de rage, jeta Hieronymus Makropoulos en prison. L’homme mourut enfermé, mais Elina, elle, avait fuit avec la formule du breuvage magique. Elle vécut ainsi pendant plusieurs siècles, changeant régulièrement d’identité, mais conservant toujours les mêmes initiales : EM. Elle avait laissé la lettre contenant la formule secrète chez le seul homme qu’elle n’ait jamais aimé : Ferdinand Prus. Mais les effets de l’élixir ne durant que trois cents ans, il lui fallait retrouver la formule pour prolonger sa jeunesse. Alors que Kolenaty s’insurge contre cette histoire invraisemblable, Emilia perd connaissance. Lorsqu’elle retrouve ses esprits, elle avoue que cette existence trop longue ne lui convient plus, que la vie n’a plus de sens si elle est éternelle et que sa longévité lui a fait perdre son âme. Elle remet le parchemin à Krista qui le jette au feu tandis qu’Elina Makropoulos s’effondre, morte.
Quelques mots sur l’œuvre à la recherche d’un sujet d’opéra dont il puisse écrire lui-même le livret, notamment pour éviter de connaître à nouveau des démêlés avec ses collaborateurs, Janáček assiste le 10 décembre 1922 à la dernière comédie de Karel Čapek, l’un des inventeurs de la littérature de science-fiction, au théâtre Vinohrady de Prague. Même si les deux hommes se connaissent et se respectent – le dramaturge ayant assisté, encore lycéen, à une représentation de Jenůfa à Brno en 1905 –, cela n’empêche pas ce dernier de se faire un peu prier pour lui consentir le droit d’adapter son ouvrage, peu convaincu d’une transposition à l’opéra. Janáček obtient finalement un accord en septembre 1923 – au prix d’un contrat très avantageux pour l’auteur – et se met au travail. Comme à son habitude, il met près de deux ans à élaborer sa première ébauche, la laisse reposer plusieurs mois avant de finaliser la composition en décembre 1925. De nouvelles négociations avec les éditions Universal, son éditeur viennois, cherchent à revenir sur l’accord passé avec Čapek afin de défendre un peu mieux les intérêts du compositeur. Et une version allemande est également envisagée pour assurer la diffusion internationale. Elle donne d’ailleurs lieu à de longues tractations avec Max Brod, pourtant fin connaisseur de l’œuvre du compositeur, qui se solde par une version peu satisfaisante aux yeux de ce dernier et finit par brouiller les deux amis. Janáček s’étant permis un certain nombre de libertés vis-à-vis de la pièce, Max Brod avait tenté d’infléchir quelque peu le livret notamment au dernier acte où l’on est plongé dans une vraie atmosphère de tragédie contrairement à la « comédie » originale. La création a lieu à Brno, ville d’adoption du compositeur, le 18 décembre 1926. C’est d’ailleurs la dernière création à laquelle il assistera. Et c’est un vrai succès, confirmé par sa première pragoise en 1928. Čapek reconnaît sans difficulté l’excellente adaptation de son ouvrage. Mais la diffusion internationale peine à se propager : Berlin en 1929 sans aucune reprise pendant trente ans, Vienne en 1938, Londres en 1946, San Franciso en 1966. Pas d’entrée au répertoire de l’Opéra de Paris durant tout le XXe siècle mais tout de même une création française dans les années 1960. Contrairement à ses autres ouvrages, ce qui frappe dans la partition de L’Affaire Makropoulos, c’est son austérité. On assiste à une sorte de « parole chantée » où la musique suit au plus près les dialogues. Comme une récitation rapide et continue, où la mélodie et le rythme cherchent à rendre compte des inflexions du discours, le tout néanmoins porté par une orchestration d’une grande richesse. Un procédé d’une vraie modernité. Seul le monologue final d’Emilia Marty semble renouer avec la tradition des grandes scènes lyriques et plonge subitement l’opéra dans une expressivité inattendue qui perdure jusqu’à la tombée du rideau et la mort de l’héroïne. L’ouvrage a été donné pour la première fois à l’OnR en 1994 sous la direction de Rudolf Krečmer et dans la mise en scène de Bernard Sobel. Il a été repris en 2011 sous la baguette de Friedemann Layer et avec Robert Carsen comme metteur en scène, dans le cadre du cycle Janáček initié par Marc Clémeur. C’est cette production qui est reprise.
Lettre de Čapek à Janáček, le 27 février 1923 « J’ai une trop haute opinion de la musique – et de la vôtre en particulier – pour l’imaginer liée à une pièce au style aussi familier, aussi peu poétique et aussi verbeux que mon Affaire Makropoulos. Je crains que vous ne songiez à toute autre chose, quelque chose de mieux, que ce que ma pièce offre vraiment – à part son personnage de trois cents ans… Néanmoins, cher Maître, rien ne vous empêche, sans tenir compte de ma pièce, d’imaginer une intrigue dont l’axe, le centre, serait, dans un cadre plus approprié, une vie de trois cents ans et ses souffrances. Après tout ce n’était pas ma propriété : vous pourriez la baser sur Ahasvérus (le juif errant), la sorcière du conte de Langer (dans la collection Assassins ou Rêveurs) ou même Mlle Makropoulos, et aménager l’action complètement indépendamment, comme bon vous semble, exactement comme vous me l’avez dit en fait. Vous n’auriez pas besoin alors de la longue discussion au sujet du procès, de la recette perdue et de son emploi, etc. Mon texte devrait être réellement modifié et il vaudrait peut-être mieux alors ne pas vous y tenir et établir vos propres conditions. Je le répète : je ne considère pas l’histoire d’une personne éternelle, ou de trois cents ans, comme ma propriété littéraire et je ne vous empêcherai donc pas de l’utiliser comme bon vous semble. »
à écouter, à voir > Sir Charles Mackerras, Orchestre philharmonique de Vienne, Elisabeth Söderström (Emilia Marty), Peter Dvorsky (Albert Gregor), Vladimir Krejcik (Vitek), Decca, 1979 > Christoph Marthaler (msc.), Esa-Pekka Salonen (dir.), Orchestre philharmonique de Vienne, Angela Denoke (Emilia Marty), Raymond Very (Albert Gregor), Peter Hoare (Vitek), Unitel Classica, 2012, DVD
La définition musicale des émotions L’Affaire Makropoulos ne comprend ni air, ni duo, ni ensemble, ni chœur, ni interlude orchestral développé, ni volonté particulière d’effets. Janáček leur a préféré une orchestration très riche et a écrit des dialogues à la fois fluides et laconiques. Le compositeur s’est attaché dans L’Affaire Makropoulos, et dans ses opéras de manière générale, à traduire le plus précisément et justement possibles les émotions des personnages. Il a ainsi tenté avec succès de définir musicalement l’état psychologique de ses héros à travers l’intonation de leur voix. L’auteur assure d’ailleurs s’être tourné vers l’opéra car cette forme est, selon lui, la plus à même de mettre la parole en musique et de montrer l’influence qu’a l’état psychologique du personnage sur l’intonation de la voix. Ce travail musical et rythmique très élaboré n’a d’autre sens que celui de rechercher inlassablement un instant de vie, une émotion. Janáček s’est ainsi longtemps tourné vers les pièces réalistes pour composer ses opéras, pensant que ce genre dramatique l’aiderait à trouver l’émotion juste et vraie. Mais il décida plus tard d’écrire lui-même ses livrets, le théâtre en prose lui semblant encore trop artificiel.
La création en 2010 à l’OnR
© Alain Kaiser
Le décor Le décor de L’Affaire Makropoulos est un décor dans un décor, une mise en abyme qui montre la scène d’un théâtre, dont les murs en briques sont constitués pars de grands panneaux montés sur châssis. Afin de réaliser ces panneaux, une matrice a été réalisée puis un moule. Des plaques de PVC ont été appliquées sur ce moule et thermoformée (par effet de chaleur) pour leur donner l’aspect de la brique.
Ces plaques sont ensuite assemblées sur des châssis en bois. Puis mises en peinture. Les détails de patine des murs (effets de salissure, de salpêtre, etc.) sont obtenus pas des mélanges de peinture et d’enduits, puis soumis au séchage.
Le spectacle commence à la Scala de Milan, lors de la première de Turandot, dont l’action se déroule en Chine. Aussi réalise-t-on une toile peinte qui représente un décor chinois traditionnel. La photo qui sert de modèle a été agrandie détail par détail. Par exemple, pour le feuillage de l’arbre, le peintre a utilisé différents « tampons » en forme de feuille qui, reproduits de nombreuses fois, donne l’aspect souhaité.
Séquence pédagogique par Laurence Grauwet, professeur d’éducation musicale Les extraits cités dans cette étude musicale sont extraits du CD : Leos Janáček,Vec Makropulo, Sir Charles Macckerras, Vienna Philarmonic, DECA,1971 • Notions à aborder : - La récitation rapide et continue, notation mélodique du langage parlé, du dialogue - Le matériau mélodique ou l’importance des thèmes dans l’œuvre de Janáček - L’échelle modale, gamme par tons, gamme pentatonique - Le procédé d’écriture : la variation d’un thème - L’intervalle de quarte, récurrent dans cet opéra - Les ostinatos - La viole d’amour (instrument sensiblement équivalent à l’alto) 1. Analyse du prélude (Cd 1, plage 1, durée : 5’ 30), tempo andante • Notions à aborder : - La forme qui est élaborée à partir d’éléments musicaux thématiques changeants ou invariants. - Les contrastes et les répétitions nous conduisent d’une partie à une autre. - La notion d’espace • À noter : Le matériau mélodique de tout l’opéra est élaboré à partir de thèmes principaux dont trois sont exposés dès le prélude. Le prélude de L’Affaire Makropoulos peut être découpé en plusieurs séquences : A. Introduction (de 0 à 0’18) • Atmosphère fébrile et périlleuse avec un démarrage « dans le vif du sujet » • Nuance fortissimo, mouvements mélodiques très rapides des cordes (triples croches), accents très marqués aux timbales • Éléments de langage : intervalle de quarte (cuivres, timbales), ostinato B. Partie a (de 0’18 à 1’09) Exposition du thème 1 (la solitude de Marty) au caractère lyrique, joué par les cordes et les vents. À remarquer : les phrases répétitives de la flûte piccolo qui apportent une impression d’agitation et d’éclairage de par son registre aigu. C. Partie b • Exposition du thème 2 (de 1’10 à 1’25) : sorte de fanfare annoncée par un appel des timbales jouant sur un effet de spatialisation (cor, trompette, timbales en coulisses), de jeu de nuances ; rythme pointé très affirmé, motif mélodique (trombone et cor) en triolets de doubles croches. • Exposition du thème 3 (de 1’26 à 1’46) : il ressemble au thème 1, mais les accords arpégés de la harpe et sa fin de phrase permettent de le différencier du premier. D. Partie c (de 2’1 à 2’54) Nous retrouvons le thème 3, joué par les violons puis repris par les cors, agrémenté des appels (cuivres, timbales en quartes). Cette partie prend une coloration plus dramatique (à partir de 2’ 54). E. Partie b’ De nouveau, nous entendons le thème 2 (de 3’42 à 3’50) puis le thème 1 (3’51), repris de manière plus amplifiée et passionnée.
F. Partie a’ Reprise du thème 3 (4’31), point culminant du prélude, intensité dramatique avec la présence en arrière-plan des timbales. G. Coda (à partir de 5’) À noter les trilles qui marquent la fin de la Coda et introduisent l’Acte I. 2. Repérages auditifs A. Acte I • Notions à aborder : - La couleur : caractériser les différentes voix des chanteurs solistes en fonction des personnages - Les instruments à vent de l’orchestre - Le phrasé - Le rythme en augmentation ou en diminution - Les procédés musicaux au service de l’émotion et de l’action • Écoute 1 : dialogue entre Vitek et Albert Gregor (CD 1, plage 2, jusqu’à 2’) Le thème de l’affaire entre Albert Grégor et Jaroslav Prus est repris par l’orchestre avec des changements de tonalité. • Écoute 2 : dialogue entre Emilia Marty et le Dr Kolenaty (CD 1, plage 4, de 0 à 4’04) - Écouter le thème lié au personnage du Dr Kolenaty, très présent dans ce passage, joué par des instruments de l’orchestre (basson, cordes graves, violons, trompette, cors), mais également à la fin de l’acte (trompette bouchée) et dans la dernière scène de l’opéra (trompette et contrebasse). À noter : son phrasé staccato et les sauts de quinte de sa courte mélodie. - La ligne mélodique des interventions de Konelaty est élaborée à partir de notes « pivot » répétées, le rythme étant choisi par le chanteur. - La rapidité du débit vocal rappelle le langage parlé, l’orchestre intervenant parfois comme une ponctuation en « circulant » parmi et entre les phrases des chanteurs solistes. - La sonorité de la viole d’amour (exemple à 5’55), utilisée également au début du deuxième acte et au troisième acte à la fin de l’opéra. • Écoute 3 : fin de l’Acte I, dialogue entre le Dr Kolenaty, Emilia Marty et Jaroslav Prus (CD 1, plage 7) La découverte des documents dans le bureau de Prus. L’atmosphère est ici caractérisée par une tension grandissante : mouvement tourbillonnant des clarinettes et des cordes, phrases courtes des chanteurs solistes, registres aigus et ascendants, thèmes récurrents (ceux de l’avocat et du refus), dont le rythme est diminué ou augmenté, apportant une forme d’instabilité. Ce passage, au début entrecoupé de silences, devient à la fin un mouvement ininterrompu en crescendo. B. Acte II • Notions à aborder : - Le chromatisme - Les intervalles de quinte et de septième - Discours musicaux continus ou discontinus - Musique « savante » et musique « populaire » N.B. : Il serait intéressant de faire aussi écouter le thème d’Ellian MacGregor, qui revient sous diverses formes à l’évocation des documents liés à EM, lors des conversations entre Jaroslav Prus et Emilia Marty. • Écoute 4 : entrée du personnage de Hauk-Sendorf, dialogue avec Emilia Marty (CD 1, plage 10 jusqu’à 2’) Hauk-Sendorf se souvient avec émotion d’Eugenia Montez, la gitane qu’il aimait. - Les pleurs de Hauk-Sendorf sont symbolisés par des triples croches aux cordes, l’utilisation du chromatisme et par une mélodie fantasque attribuée au violon solo.
- Évocation de la gitane : timbre des castagnettes et rythme répétitif et dansant, quintes parallèles aux violons, mélodie aux hautbois, accélération. C. Acte III • Notions à aborder : - Trilles, trémolos - Temps lisse / temps strié - Les variations de timbre sur la même phrase mélodique (thème) - Les contrastes de densité • Écoute 5 : dialogue entre Jaroslav Prus et Emilia Marty (CD 2, plage 1, de 3’ 42 à 5’25) Jaroslav Prus annonce la mort de Janek à Emilia Marty, laquelle reste insensible. Atmosphère tragique et pesante : trilles, nuance fortissimo, motif, alternance des modes majeur et mineur, ostinato des cuivres, impression de dissonance (intervalle de septième en tension). • Écoute 6 : CD 2, plage 3 Extrait du passage du procès, après la révélation du nom d’Elina Makropoulos. - Ce passage, d’abord instrumental, commence fortissimo, joué par les trompettes, repris deux fois pour intensifier l’effet de surprise, le suspens étant entretenu par les trilles des cordes. - Le phrasé staccato, les échanges très vifs des chanteurs solistes nous entrainent vers une progression rythmique accélérée ou stoppée par endroits, afin de mettre des mots en relief. Le matériau mélodique tourne autour de notes « pivot » de manière insistante. • Écoute 7 : CD 2, plage 4 jusqu’à 2’ 10 Après le malaise d’Emilia Marty, vieillissement progressif et apaisement de celle-ci. Après un passage orchestral très dense et répétitif, le personnage d’Emilia Marty réapparaît, tel un fantôme. On entend alors, successivement, à partir du thème de la lassitude (opposition temps strié précédemment / temps lisse) : - un solo de violon très aigu accompagné par les cuivres graves - la viole d’amour accompagnée par des notes tenues, petit crescendo - tout l’orchestre, le jeu retenu des timbales, caractère lyrique (ligne mélodique ascendante et liée) - le cor anglais, la harpe et la viole d’amour, qui accompagnent le chant de Marty - le thème repris de manière émouvante aux violons (trémolos des cordes) - un chœur d’hommes et le thème joué au cor. 3. Remarques complémentaires et prolongements A. Éducation musicale « Janáček utilise la langue tchèque et le parler populaire comme éléments musicaux soulignant l’expression et la musicalité des voix, le rythme et la coupure des phrases. Janácek recueille, avant Bartók et Kodaly, les témoignages folkloriques de son pays ; il mène, avant Messiaen, des recherches sur les chants d’oiseaux, les cris d’animaux et les bruits de la nature. » L’opéra, Éditions Nathan, page 45 B. Interdisciplinarité • Âme tchèque et superstition • Prague et l’empereur Rodolphe • Portraits de cantatrices : déformation, description d’un portrait, vieillir ou rajeunir un portrait • Identité et histoire du costume • Histoire du costume à travers les siècles • Mythes et désir d’éternité, élixir de vie • Thème du Fantastique • Intrigues judiciaires • Franz Kafka et la littérature fantastique
Leos ˇ Janácek ˇ Compositeur Leoš Janáček est né le 3 juillet 1854 à Hukvaldy en Moravie, d’un père instituteur et organiste. Il obtient son diplôme et devient en 1872 lui-même instituteur et maître de musique. En 1874 et 1875, il suit les cours de l’école d’orgue de Prague où il rencontre en 1874 celui qui deviendra son ami, Antonín Dvorák, puis il exerce à Brno comme professeur de musique et chef de chœur. Suite pour orchestre est composée en 1877. L’année suivante, il entre au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, compose Idyla pro smycce (Idylle pour orchestre à cordes). En 1879, il travaille au Conservatoire de Leipzig, puis, en 1880, au Conservatoire de Vienne. De 1880 à 1904, il est professeur de musique à l’École Normale de Brno, de 1886 à 1902, il enseigne le chant au lycée et dirige l’école d’orgue de 1881 à 1919. Il se marie en 1881. Le couple a deux enfants, qui meurent. Les parents se séparent en 1916. Il compose son premier opéra, Šárka, en 1887. Secrétaire du département morave des études folkloriques de Prague en 1885, il crée les Valašské tance (Danses moraves) en 1888-1890 et un ballet, Rákós Rákóczy, en 1891. On retrouve l’influence directe de ses études dans les opéras qui suivent : Pocátek románu (Le Début d’un roman) en 1891 et Její pastorkyna (Leur Fille nourricière), connu sous le titre de Jenůfa, en 1904. Il s’engage dans le mouvement social contre la monarchie. Sa sonate 1. X. 1905 Z ulice (Dans la rue) est un hommage à un ouvrier abattu à Brno. Il met en musique des poèmes d’inspiration socialiste de Petr Bezruc et fustige la petite bourgeoisie tchèque dans l’opéra Výlety páne Brouckovy (Les Excursions de Monsieur Broucek). Il compose sa rhapsodie pour orchestre Tarass Boulba en 1915 - 1918 et le cycle de mélodies Journal d’un disparu en 1917 - 1919. La fondation de la République tchécoslovaque en 1918 lui redonne de la vigueur. La composition de ses plus grands succès s’enchaîne : l’opéra Kát’a Kabanová (1919 - 1921) d’après L’Orage d’Ostrovski, une réflexion sur la société bourgeoise, Bystroušky (1921 - 1923), La Petite Renarde rusée, qui exprime l’authenticité et la vitalité de la nature, L’Affaire Makropoulos (1923 - 1925) dont il adapte lui-même le livret, La Messe glagolitique en 1926, sur des textes en vieux bulgare et l’opéra De la maison des morts en 1927 - 1928, d’après Dostoïevski. Il meurt à Ostrava en Moravie, le 12 août 1928.
© Alain Kaiser, OnR
Biographies Marko Letonja Direction musicale Le chef slovène est directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg depuis 2012 et directeur artistique de l’Orchestre Symphonique de Tasmanie. De 1991 à 1993, il est directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Slovénie et est invité sur les scènes internationales : Wiener Symphonikern, Münchner Rundfunk Orchester, orchestres de Stuttgart, Munich, Hambourg. Il dirige La Dame de pique à Genève, Roméo et Juliette à Rome, Nabucco à Dresde, Il dissoluto allolto/Sancta Susanna, L’Affaire Makropoulos et Les Contes d’Hoffmann à la Scala de Milan, La Cenerentola à Montpellier, Rigoletto à Perth, Madama Butterfly à Berlin (Staatsoper) et La Traviata (Deutsche Oper), Pagliacci et Cavalleria Rusticana et Le Vaisseau fantôme à Cagliari. Il vient de diriger Medea à Genève et La Dame de pique à Vienne où il retournera pour Boris Godounov. À l’OnR, il a dirigé Die Walküre (2008), Götterdämmerung (2011), Der Rosenkavalier, Der ferne Klang (2012), De la maison des morts (2013), Der fliegende Holländer (2014) et La Dame de pique (2015). Ses projets comprennent notamment Boris Godounov à Vienne.
robert Carsen Mise en scène Né au Canada, il a réalisé à l’invitation de Marc Clémeur à l’Opéra de Flandre des cycles Janáček et Puccini. Il est invité par toutes les scènes lyriques internationales. Ses productions comprennent Dialogues des carmélites, Les Fêtes vénitiennes, Platée (à l’Opéra Comique), Die Zauberflöte (Baden-Baden et Paris), Don Giovanni, Falstaff, The Turn of the Screw (Vienne), L’Amour des trois oranges (Berlin), Ariadne auf Naxos (Munich), Rinaldo, Le Couronnement de Poppée à Glyndebourne, Iphigénie en Tauride (San Francisco, Londres et Madrid), La Traviata (Venise), le Ring de Wagner (Cologne, Venise, Shanghai, Barcelone). Il met en scène les comédies musicales telles que Candide, My Fair Lady et Singing in the Rain au Châtelet, Moscou, Scala de Milan… À l’OnR il a mis en scène Richard III de Battistelli (2009), un cycle Janáček, La Bohème, Tosca, Rigoletto et La Dame de pique (juin 2015).
Prolongements pédagogiques
Arts du langage > Livret traité comme un roman policier, les intrigues judiciaires > Mythe et désir d’éternité (éternelle jeunesse), élixir de vie > Thème du Fantastique (Frank Kafka et la littérature fantastique par exemple) > Description du ou des portraits de l’héroïne en fonction de son évolution à travers les siècles > âme tchèque et superstition
Arts du son > Notation mélodique du langage parlé : rythme et musicalité suivant la fluidité de la langue tchèque et le parler populaire
> L’apport du folklore et des musiques populaires dans la musique savante (Bartok ou Kodaly par exemple) > L’Ouverture de L’affaire Makropoulos comme résumé de l’opéra en lien avec la mise en scène > Langage : échelles modales, gammes par tons et pentatoniques > Orchestration et rôle de l’orchestre dans les opéras de Janáček > Motifs récurrents bien identifiables liés aux personnages, ostinatos > Pratique musicale autour du Slam (rythme et musicalité)
Arts du visuel, arts du quotidien, mise en scène > Les somptueux décors et costumes de l’opéra au fil des actes > Le costume à travers avec les siècles, en lien avec les époques traversées par l’héroïne au cours de l’opéra, identité et costume
> Le portrait de la cantatrice (vieillir ou rajeunir, déformer un portrait), notion de portrait dans les beaux-arts
Arts de l’espace > La ville de Prague
Projets transversaux > Le portrait
Arts plastiques, Français, Danse/ EPS, Langues, Histoire, SVT, éducation musicale, Mathématiques (proportions, nombre d’or), Philosophie, éducateurs et COP (estime de soi), etc.