Opéra national du Rhin Sept./Oct. 2021
Entretien Natalie Dessay
Musique Franz Schubert
Histoire L’Opéra de Strasbourg a 200 ans
Cinéma There Will Be Blood
Littérature Hans Christian Andersen
Le magazine, nº15
Éditorial
Briser la glace
2 Entretien
Natalie Dessay. Rencontre avec la chanteuse et comédienne, invitée à Strasbourg pour un nouveau Café lyrique.
8 Le coin de l’histoire
L’Opéra de Strasbourg a 200 ans. Retour sur deux siècles d’une histoire mouvementée.
12 Portfolio littéraire
Hans Christian Andersen. Portrait et extraits choisis du grand conteur danois.
24 Une histoire sans fin La Reine des neiges. Panorama des œuvres liées au personnage créé par Andersen.
26 Ciné-club
There Will Be Blood. Quand un film sur la famille, le pétrole et la religion rencontre un opéra inédit de Verdi : Stiffelio.
30 Face à une œuvre
Sabine Devieilhe & Alexandre Tharaud. Le duo se raconte à travers un coup de cœur pour une œuvre d’art.
32 Top 3
Franz Schubert. Trois pièces musicales du compositeur autrichien à écouter au moins une fois dans sa vie.
34 Rencontres
Partage d’anecdotes et d’émotions avec huit artistes du Chœur de l’OnR.
36 Retour sur…
La Mort à Venise, Madame Butterfly & Le Lac des cygnes à l’OnR.
42 Brèves 44 Calendrier
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Après les chaleurs de l’été, il peut paraître étrange de se rendre dans nos théâtres pour y découvrir un opéra transi de froid, portant le beau titre de Reine des neiges. Et pourtant, par la magie de la musique, voilà soudain qu’un givre poétique pénètre nos oreilles, que le bruit sourd des pas dans la neige déploie sa magique harmonie. La musique de Hans Abrahamsen a cette immense qualité : elle nous transporte littéralement. Dans les lointaines étendues nordiques, éclairées de leurs lumières si particulières ; et dans de profondes régions émotionnelles. Cette musique éminemment matérielle, qui peut faire penser aux poèmes symphoniques du Finlandais Sibelius, a une dimension plastique presque tangible. C’est pour cela qu’elle est si facile à appréhender et qu’elle sait trouver le chemin de nos cœurs. Car cette Reine des neiges, premier opéra du grand compositeur danois, mis à l’honneur par le festival Musica, exhale une émotion à fleur de peau dès ses premières mesures. Laquelle se retrouve dans le spectacle grandiose qu’ont imaginé le metteur en scène James Bonas et l’artiste d’animation Grégoire Pont. Qui a dit que la musique contemporaine laissait insensible ? Il en va de même avec les partitions de Franz Schubert, maître de la miniature, dont se sont emparé quinze danseurs-chorégraphes de notre Ballet pour un spectacle où l’émotion suinte de pièces certes courtes, mais chargées de sens. L’émotion, c’est aussi la grande affaire de Giuseppe Verdi, qui sait la faire jaillir d’une simple courbe mélodique, d’une généreuse ligne vocale : on en veut pour preuve son Stiffelio, chef d’œuvre injustement méconnu que l’OnR présente en création française. C’est avec la conviction que ces émotions non seulement nous rassemblent, mais aussi nous mettent en état de penser, que nous avons élaboré cette nouvelle formule du Magazine de l’OnR. Celui-ci évoquera désormais nos spectacles grâce à des éclairages indirects, à travers des contenus originaux et typiques d’un journal périodique. Lesquels apportent de manière attractive des éléments d’information et de réflexion afin d’accompagner votre venue dans nos salles, par le biais d’un grand entretien avec une personnalité médiatique, de pages historiques, d’un portfolio littéraire, d’évocations cinématographiques et de portraits de groupe permettant de mieux connaître les artistes permanents de l’OnR. Notre souci constant : montrer combien l’opéra ou la danse tissent des liens entre les êtres humains, ainsi qu’entre les cultures savantes et populaires. À travers ces pages, nous voulons ainsi nourrir votre relation à l’OnR. Et ce faisant, créer un peu de connivence entre vous et nous. Autrement dit : briser la glace ! Alain Perroux, directeur général de l’OnR
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Natalie Dessay © Simon Fowler OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Entretien
Natalie Dessay Entre légèreté et gravité Après avoir chanté dans les plus grands opéras du monde, Natalie Dessay a quitté la scène lyrique en 2013. Elle multiplie depuis avec succès les projets, aussi bien au théâtre qu’en concert. Elle participe en octobre au second « Café lyrique » de la saison organisé à Strasbourg par l’Opéra national du Rhin sur le thème « L’opéra, est-ce du théâtre ? ». Rencontre avec une grande artiste aux multiples facettes, qui manie comme personne la franchise, l’humour et le second degré. Par Louis Geisler Vous avez dit adieu au monde de l’opéra en 2013, avec une ultime Manon au Théâtre du Capitole à Toulouse, là où vous aviez commencé votre carrière. Depuis, vous avez sorti plusieurs albums consacrés à la chanson française et américaine, joué dans des comédies musicales et des pièces de théâtre, multiplié les récitals, animé une émission de radio… Finalement, il y a un aspect de votre vie professionnelle qui ne change pas : vous n’arrêtez jamais.
Ce n’est pas une question de courage. Dès que j’ai eu vingt ans et que j’ai commencé à apprendre à chanter, j’ai toujours dit que je m’arrêterai à la cinquantaine pour jouer au théâtre. Il faut le savoir : je fais des projets à très long terme, sur trente ans ! Exactement à l’inverse des hommes politiques… À quatre-vingt ans, j’espère bien jouer Oh les beaux jours de Samuel Beckett (Rires) !
Durant ma carrière lyrique, j’étais très souvent loin de chez moi. Maintenant, tout se passe en France. Ça change énormément ma vie et la rend beaucoup plus légère. Et puis, aujourd’hui, je gagne beaucoup moins et ça change tout : à l’opéra, j’étais très bien payée, alors qu’au théâtre, ce n’est pas la même bière et il faut multiplier les projets pour pouvoir gagner sa vie (Rires) ! Plus sérieusement, une fois qu’on a goûté à la liberté, on a envie de s’enivrer avec elle.
Vous bousculez souvent les règles établies, dans un monde et une société qui aiment les étiquettes et cantonner les artistes à une seule discipline…
Oui, mais maintenant il y a beaucoup de gens qui font deux ou trois activités en même temps. C’est une chose un peu plus courante et admise. Je ne suis pas la seule dans ce cas. Je ne suis ni une révolutionnaire, ni une avant-gardiste : je n’ai pas ce courage-là. Je suis le mouvement des gens qui n’ont pas qu’un seul métier dans la vie. Sans parler seulement des artistes : il y a beaucoup de personnes qui changent de métier en cours de route, quel que soit le domaine. Et finalement, je continue à raconter des histoires, sous différentes formes.
Il faut beaucoup de courage pour décider d’arrêter un métier, et de le quitter par la grande porte. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Entretien Ça, ce n’est pas sûr ! Mon personnage dans Hilda est plus pathétique qu’autre chose. Bien sûr, elle peut faire mal, mais c’est terriblement humain. D’une manière générale, à part chez les psychopathes, le mal absolu n’existe pas – à la limite, même chez les psychopathes, on pourrait se demander pourquoi et comment ils sont devenus ainsi. Il ne s’agit pas d’un monstre auto-engendré, sinon, ça serait trop facile. Cette pièce parle de rapports humains et de ce que l’argent des uns et la précarité des autres peut engendrer.
Qu’est-ce qui vous anime ? On a l’impression d’un besoin viscéral de liberté en vous.
Je suis un peu ivre de cette liberté nouvelle. Et j’ai maintenant du temps pour mener à bien d’autres projets, liés à la musique ou au théâtre, et qui me tiennent à cœur. Je suis une personne besogneuse, j’ai besoin de beaucoup répéter, de passer du temps sur le métier, pour me sentir légitime de présenter quelque chose sur scène. Le fait de ne plus être par monts et par vaux, dans ce sacerdoce que représentait l’opéra, me donne plus de temps pour préparer chaque projet qui m’intéresse.
Vous serez également en octobre à l’Opéra national du Rhin pour participer au second « Café lyrique » de la saison. Il s’agit d’un nouveau type de rencontre et d’échange avec le public, imaginé sur le modèle des cafés-philo. Le thème de ce débat est : « L’opéra, est-ce du théâtre ? » C’est une question sur laquelle, j’imagine, vous avez un avis bien tranché.
Chaque nouveau projet doit avoir un sens humain et artistique pour vous.
À l’opéra, j’étais assignée à un répertoire, par ailleurs très beau. Mais je n’avais pas le choix : j’avais une voix qui me prédisposait automatiquement à un certain type de rôles. Et cela m’a un peu pesé. Aujourd’hui, tout est beaucoup plus ouvert. Par exemple, j’ai pu décider de chanter avec Michel Legrand ou de faire un album avec des chansons de Claude Nougaro. Je ne suis plus obligée d’être là où on m’attend. Ce ne sont pas des choses attendues. On ne me dit plus : « Oui, ça c’est pour ta voix. » Cela me laisse beaucoup plus de liberté. Quant au théâtre, ce qui me plaît, c’est que je joue des rôles qui correspondent à la femme que je suis aujourd’hui. Je ne suis pas obligée d’être une jeune première parce que ma voix m’impose de chanter ce genre de personnages.
L’opéra est une certaine forme de théâtre, mais ce n’est pas non plus vraiment du théâtre. C’est différent du théâtre parlé, dans la mesure où le temps, à l’opéra, nous est compté. C’est là toute la différence : la marge de manœuvre est très petite à l’opéra, car tout est déjà pré-décidé d’une certaine façon. Au théâtre, c’est à nous de recréer la musique. La marge créatrice et interprétative est beaucoup plus grande. Et puis, l’acte de chanter sur une scène d’opéra est tellement athlétique que le corps est toujours mobilisé d’une certaine façon. C’est un mouvement qui va vers l’extérieur, forcément. Au théâtre, c’est l’inverse : l’acteur doit d’abord recevoir quelque chose et se laisser traverser par le texte. Le chant est un geste technique, qui ne laisse que peu de place à la fragilité. Or, cette fragilité est très intéressante chez un acteur. Un chanteur doit être un guerrier, alors qu’un acteur doit être un enfant. L’un est trapéziste, l’autre funambule : c’est lorsqu’il est au bord de tomber que ça devient très fort.
À la rentrée, vous serez au Théâtre national de Strasbourg pour une pièce intitulée Hilda, écrite par Marie NDiaye et mise en scène par Élisabeth Chailloux. Vous allez jouer le personnage de Madame Lemarchand : on est très loin d’un rôle de jeune première…
Effectivement ! J’adore dire que j’ai envie de jouer les « vieilles dernières » (Rires) ! mais ce n’est pas tout à fait le cas ici. C’est le rôle d’une bourgeoise vampirique. On découvre qu’elle a des circonstances atténuantes, mais sa souffrance est l’occasion pour elle de se nourrir des autres pour survivre.
Une autre différence, c’est le temps consacré aux répétitions scéniques, une phase du travail que vous aimez beaucoup, plus longue au théâtre qu’à l’opéra.
C’est la première fois que vous jouez un rôle de « méchante », à part peut-être celui de la Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart – mais d’ailleurs, est-elle vraiment méchante ? OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Oui, mais c’est nécessaire. À l’opéra, il faut être efficace. Il y a peu de temps pour chercher, car ce n’est pas le but. Au théâtre, on n’a pas d’autre choix que, dans un premier temps, ne pas être
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Entretien
« Le chant est un geste technique, qui ne laisse que peu de place à la fragilité. Or, cette fragilité est très intéressante chez un acteur. Un chanteur doit être un guerrier, alors qu’un acteur doit être un enfant. L’un est trapéziste, l’autre funambule : c’est lorsqu’il est au bord de tomber que ça devient très fort. »
© Simon Fowler
efficace. C’est un aspect que je trouve extrêmement intéressant, qui nécessite un temps autre. Le chant demande une énorme préparation solitaire en amont des répétitions. Au théâtre, le travail commence véritablement quand on est tous ensemble. Il y a quelques mois, votre maison de disque a publié un coffret de trente-trois CD et dix-neuf DVD avec l’intégralité de vos enregistrements d’opéra effectués entre 1996 et 2010. Qu’avez-vous ressenti en tenant entre vos mains cet objet qui retrace quatorze années de votre carrière ?
J’étais très contente ! J’ai juste un petit regret : ils n’ont pas mis mes airs de concert de Mozart… C’est probablement ce que j’ai fait de mieux. Ce n’est pas vraiment des airs d’opéra, même si jadis ils étaient intégrés dans des représentations. J’aurais dû y penser et leur demander. Dans ce coffret, on retrouve vos interprétations de Lucia, Olympia, Manon, Morgana, Lakmé, Ophélie et bien d’autres. Certains de ces personnages, comme Gilda, vous ne les avez jamais incarnés sur scène. Pour quelle raison ?
Je ne trouvais pas le personnage de Gilda très intéressant et je ne me sentais pas de l’interpréter sur scène alors que, musicalement, c’est une partition magnifique. Mais cela ne me suffisait pas. C’est pareil pour Sophie dans Le Chevalier à la Rose de OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Entretien Richard Strauss. J’ai joué deux représentations à Vienne, puis je n’ai pas voulu recommencer. Je ne m’y reconnaissais pas. Mais je peux me tromper : j’ai vu ces deux personnages très bien interprétés. Cela dépend aussi des spectacles et des metteurs en scène.
pour moi, anthologique. Je ne fonctionne pas en termes de rôles, je fonctionne en termes de productions. J’ai fait La Traviata avec Jean-François Sivadier et Laurent Pelly : après ces deux expériences fortes, cela n’avait aucun sens pour moi de refaire dix ou quinze autres spectacles où il risquait de ne rien se passer d’intéressant sur scène.
Indépendamment des mises en scène auxquelles vous avez participé, quels sont les rôles qui vous ont le plus marquée ?
Il y a quelques années, vous disiez vous battre contre votre voix. Récemment, vous avez déclaré dans un journal être réconciliée avec elle.
Ce n’est jamais indépendamment de la mise en scène. Un rôle absolument génial dans une mauvaise production, c’est l’horreur. Alors que d’autres peuvent se révéler très intéressants dans une bonne production. Prenons l’exemple de Marie dans La Fille du régiment : a priori, sur le papier, c’est n’est pas un rôle très palpitant, mais dans la mise en scène de Laurent Pelly, il devient,
Chacun a un rapport très différent à sa voix. Il y a des gens qui aiment leur voix. Leontyne Pryce avait coutume de dire – et on la comprend ! – qu’elle adorait le son de sa propre voix. Je trouve ça génial. Je n’ai pas cette chance. Mon rapport à ma voix, comme avec tout le reste d’ailleurs, est plus compliqué.
© Simon Fowler OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Entretien
« L’opéra est une expérience physique et pulsionnelle qui n’a rien à voir avec les autres expériences musicales. Le fait de recevoir l’orchestre et les voix en direct, sans le filtre de l’amplification et du micro, c’est une chose qui ne se compare à rien d’autre. Souvent, on n’imagine pas à quel point cela peut être bouleversant, sans même parler de mise en scène ou de l’aspect visuel d’un spectacle. C’est aussi ça qui est beau et extraordinaire à l’opéra. »
Est-ce que vous vous sentez épanouie maintenant, malgré cela ?
Je trouve la vie difficile. C’est compliqué de vieillir pour une femme, probablement plus que pour un homme. Je ne fais pas partie de ces gens qui, à la cinquantaine, se sentent heureux et épanouis comme jamais. Je vois la mort s’approcher : cela me trouble… et c’est un euphémisme. Et pourtant, vous avez beaucoup ri durant cet entretien. C’est votre remède à la mélancolie ?
Oui, j’ai beaucoup d’humour à part ça ! (Rires) On combat la mélancolie en faisant semblant que ce n’est pas sérieux ! Pour finir, que diriez-vous pour inciter de nouveaux publics à oser « franchir le pas de la porte » pour découvrir le monde de l’opéra ?
Une grande partie du public ne connaît pas l’opéra, n’a pas envie d’y aller et pense que ce n’est pas pour lui. Il ne faut forcer personne. Comme pour aller au musée ou au théâtre, il faut avoir une certaine curiosité pour se rendre à l’opéra. Il faut aussi avoir les moyens financiers, même si je tiens à préciser que les prix de certains concerts, comme ceux de Madonna, sont bien plus chers que l’opéra – je le sais, puisque je suis allée la voir en concert à Paris en 2020 : elle n’a malheureusement pas pu danser car elle avait mal aux genoux… J’invite cependant tout le monde à aller au moins une fois dans sa vie à l’opéra. Il faut un minimum de curiosité et de préparation. Tosca, Madame Butterfly ou La Flûte enchantée sont de bons titres pour commencer. Il faut aussi que la mise en scène soit bonne : si, pour la première fois, on tombe sur un Rigoletto qui se passe dans l’univers de La Planète des singes – comme c’est vraiment arrivé à certains de mes collègues en Allemagne – on n’a plus jamais envie d’y retourner ! Cependant, après avoir dit cela, il est important de rappeler que l’opéra est une expérience physique et pulsionnelle qui n’a rien à voir avec les autres expériences musicales. Le fait de recevoir l’orchestre et les voix en direct, sans le filtre de l’amplification et du micro, c’est une chose qui ne se compare à rien d’autre. Souvent, on n’imagine pas à quel point cela peut être bouleversant, sans même parler de mise en scène ou de l’aspect visuel d’un spectacle. C’est aussi ça qui est beau et extraordinaire à l’opéra. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Retrouvez dans la programmation :
Café lyrique avec Natalie Dessay L’opéra est-ce vraiment du théâtre ? Strasbourg, Café de l’Opéra Dim. 19 sept.
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11h
Opéra de Strasbourg, depuis la place Broglie © Nis&For, 2021 OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Le coin de l’Histoire
Les 200 ans d’un théâtre qui brave le temps Le 23 mai 1821, le théâtre de la place Broglie ouvrait ses portes pour la première fois. Il fête cette année ses deux cents ans en toute discrétion, deux siècles d’une histoire belle et mouvementée. Par Alain Perroux
Tranquillement allongé au bord de la place Broglie, l’Opéra de Strasbourg est un bâtiment auquel les habitants sont attachés, car il symbolise le passé pluriel de la ville, sa riche histoire et un dynamisme culturel qui ne date pas d’hier. Après avoir traversé incendies, bombardements, travaux divers, changements de régimes, guerres et annexions, il continue de défier le temps et fête ses deux cents ans en 2021. C’est le moment de lui rendre l’hommage qu’il mérite. Au XVIIIe siècle, un théâtre en bois se dressait sur la place Broglie, ancienne grange d’avoine devenue « Opernhaus » en 1701 afin d’y représenter des opéras. Mais au fil des décennies, la salle se révèle de moins en moins adaptée. Dès 1765, des projets de nouvelle construction fleurissent. Tant et si bien qu’après l’incendie de l’Opernhaus le 31 mai 1800, l’édification d’un nouveau bâtiment est vite décidée. On lance un concours, remporté par l’architecte Casimir Robin qui est ingénieur des ponts et chaussées pour le département du BasRhin. Quatre ans plus tard, la première pierre d’une salle qui porte le nom de « Théâtre Napoléon » est posée. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Mais le projet est plusieurs fois remodelé. Les travaux traînent en longueur, ils dureront dix-sept ans. Car Robin a mal évalué les coûts du nouveau bâtiment. Mécontents, les représentants de la ville veulent confier les travaux à Pierre-Valentin Bouthors. Des querelles d’architecte s’ensuivent. En 1811, les plans sont revus par Charles Berigny. Puis en 1812, à peine nommé architecte de la Ville de Strasbourg, Nicolas Jean Villot modifie les plans de Berigny et conçoit la façade néo-classique, avec ses six augustes colonnes doriques, édifiée en 1818. C’est lui qui commande au sculpteur Landolin Ohmacht la réalisation des six statues des muses qui se dressent sur la terrasse de son imposant portique. En 1821, le bâtiment est enfin achevé. Napoléon étant déchu (il vient de mourir à Sainte-Hélène), on le rebaptise « Théâtre français » et on l’inaugure le 23 mai avec des représentations de la pièce La Promenade du Broglie de Philippe Jacques Fargès-Méricourt et de l’opéra La Fausse Magie d’André Grétry. La salle tourne dès lors à plein régime – des travaux de réfection sont déjà nécessaires en 1831. Vingt ans plus tard, l’avocat
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Le coin de l’Histoire et jurisconsulte Jean-Guillaume-Louis Apffel fait une donation à la ville de Strasbourg qui permet d’envisager de grands travaux. Restaurée et agrandie, la salle rouvre ses portes le 14 septembre 1854. Ses espaces intérieurs auront dès lors l’apparence qu’on leur connaît aujourd’hui. Mais le 10 septembre 1870, le théâtre ne résiste pas aux bombardements. Que reste-t-il ? « Quatre murs noircis et lézardés, une énorme et épaisse colonne de fumée », si l’on en croit Gustave Fischbach. Sans oublier les six muses du fronton, miraculeusement préservées. Dans la ville devenue allemande, les autorités décident de reconstruire le théâtre à l’identique. Inauguré une nouvelle fois le 4 septembre 1873, le bâtiment porte désormais le nom de « Théâtre impérial concédé à la Ville de Strasbourg » (Kaiserliche concessionierte Theater zu Strassburg). Treize ans plus tard, la Ville reprend le contrôle du bâtiment, qui devient désormais le « Stadt-Theater zu Strassburg », et décide de faire des travaux d’agrandissement : c’est en 1888 qu’on lui adjoint sa rotonde sur la façade arrière, au bord de l’Ill. À la fin du siècle, l’électricité vient remplacer l’éclairage au gaz. Et la situation financière de l’établissement, qui a toujours été problématique, se dégrade dangereusement. En 1910, le compositeur Hans Pfitzner, qui dirigeait le Conservatoire depuis deux ans, est nommé directeur de l’Opéra. Il engage comme assistant le jeune Wilhelm Furtwängler, puis un autre chef prometteur : Otto Klemperer. Pfitzner démissionne en 1916 – il s’est fait de nombreux ennemis à cause de son intransigeance. Puis la défaite allemande précipite le destin du théâtre, qui redevient français et rouvre le 8 mars 1919 avec des représentations de Samson et Dalila de Saint-Saëns. Paul Bastide, son directeur, va reconstituer une troupe de chanteurs français, rebâtir le répertoire et inviter de grands artistes issus des deux côtés de la frontière. Richard Strauss ou Hermann Scherchen viennent notamment diriger des opéras à Strasbourg. Lorsque l’Alsace redevient allemande, le théâtre poursuit son activité et connaît une nouvelle modernisation en 1941 : sa cage de scène se voit dotée des équipements les plus modernes de l’époque et son plateau accueille une scène tournante. Hans Rosbaud en est alors le directeur. Après 1945, Paul Bastide revient ! Dans les décennies suivantes, le théâtre résiste à la lente érosion du public en Alsace. Jusqu’à ce OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
que, sous l’impulsion du compositeur Marcel Landowski, directeur de la musique au ministère entre 1966 et 1974, les trois villes alsaciennes unissent leurs forces pour fonder l’Opéra du Rhin. Le bâtiment de Broglie unit dès lors sa destinée à celle d’autres théâtres de la région, à Mulhouse et Colmar. Mais il demeure le centre de production de l’Opéra du Rhin (devenu national en 1998). La suite de cette histoire, nous vous la raconterons à l’automne 2022, quand nous célébrerons les cinquante ans de cette institution jadis pionnière, aujourd’hui modèle. Terminons juste cette « biographie » du bâtiment dont nous célébrons aujourd’hui les deux siècles d’existence, en ajoutant qu’après une dernière grande campagne de restauration et de mise aux normes en 1965, le Théâtre municipal (que l’on appelle aujourd’hui « Opéra de Strasbourg ») continue d’arborer fièrement sa salle à l’italienne, avec ses ors et ses pourpres, l’atmosphère plus lumineuse de son foyer et son parvis qui, pendant quelques mois, a servi d’abri aux lycéens privés de cantine. Ses équipements ont vieilli et font l’objet d’une profonde réflexion quant à leur avenir. Une réfection lourde semble inéluctable… à moins d’un changement d’affectation. Mais aucune décision n’est encore prise par la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg, qui demeurent propriétaires des murs. Reste le charme suranné du grès rose et jaune de ses murs extérieurs, la modestie de son apparence, sa silhouette à la fois imposante et discrète, promesse de soirées d’opéra, de danse et de théâtre en alsacien qu’il continue de cultiver avec l’obstination des vieux messieurs ayant voué leur vie à une même vocation. Puissent ses deux cents ans apporter la promesse d’une régénérescence que ce vieillard aimable a amplement méritée ! Retrouvez dans la programmation : RÉCITAL
Stéphane Degout Lieder et mélodies de Mahler, Berg, Schumann, Pfitzner, Poulenc et Fauré Strasbourg, Opéra Sam. 18 sept.
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20h
Le coin de l’Histoire 1800 Incendie le 31 mai du théâtre en bois de la place Broglie, ancienne grange d’avoine devenue « Opernhaus » en 1701. 1821 Le nouveau « Théâtre français » est inauguré le 23 mai avec des représentations de la pièce La Promenade du Broglie de Philippe Jacques Fargès-Méricourt et de l’opéra La Fausse Magie d’André Grétry. 1870 Le théâtre est gravement bombardé le 10 septembre durant la guerre franco-prussienne mais les statues de son fronton sont épargnées. Le bâtiment est reconstruit à l’identique par les autorités allemandes. 1965 Dernière grande campagne de restauration et de mise aux normes du bâtiment et de ses équipements.
Opéra de Strasbourg, depuis le quai Schoepflin © Nis&For, 2021
Hans Pfitzner : quand un compositeur dirigeait l’Opéra de Strasbourg Dans la longue liste des personnalités qui ont marqué l’histoire de l’Opéra de Strasbourg, celui de Hans Pfitzner (1869-1949) mérite un éclairage. Les six ans pendant lesquels le musicien allemand dirigea l’institution ont en effet coïncidé avec une période très dynamique de la vie musicale strasbourgeoise. Elle a aussi été décisive dans la carrière du compositeur. Né à Moscou, formé à Francfort, Pfitzner atteint la stabilité professionnelle lorsqu’il est nommé à Strasbourg, où il compose son opéra le plus fameux : Palestrina, créé à Munich en 1917. La défaite allemande de 1918 sera vécue comme un drame par l’artiste et avivera son nationalisme forcené. Chantre de l’âme allemande, Pfitzner passera les décennies suivantes à s’opposer aux nouveaux courants musicaux et à se compromettre avec le régime nazi – même s’il n’adhérera jamais au parti et que Hitler se méfie de lui, le considérant comme un demi-juif. Aujourd’hui que le temps a fait son œuvre, on redécouvre avec fascination les questionnements esthétiques de son Palestrina et la délicate intériorité de ses lieder. Après le récital de Matthias Goerne en mai dernier, celui de Stéphane Degout en septembre offre l’occasion d’entendre quelques-uns de ces bijoux à (re)découvrir d’urgence. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Animation pour l’opéra La Reine des neiges © Grégoire Pont OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Portfolio littéraire Hans Christian Andersen « Il se serra de toutes ses forces contre Gerda, qui riait et pleurait de plaisir de retrouver enfin son compagnon. Ce groupe des deux enfants, qu’on eût pu nommer l’Amour protecteur et sauveur, offrait un si ravissant tableau, que les morceaux de glace se mirent à danser joyeusement, et, lorsqu’ils furent fatigués et se reposèrent, ils se trouvèrent figurer le mot “Éternité”, qui devait donner à Kay la liberté, la terre entière et des patins neufs. » — La Reine des neiges (1844)
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Portfolio littéraire
Andersen : le conte de sa vie La musique si particulière des contes écrits par Hans Chistian Andersen accompagne depuis le XIXe siècle des générations d’enfants et d’adultes à travers le monde. Ses œuvres, mainte fois adaptées sur scène ou au cinéma, sont l’un des fils rouges de la nouvelle saison lyrique de l’Opéra national du Rhin. Portrait d’une vie singulière, avec ses joies et ses peines, aux allures de conte de fées. Par Louis Geisler
La métamorphose d’un vilain petit canard
l’auteur était lui-même conscient et fier : « Ma vie est un beau conte de fées, riche et heureux. » (Le Conte de ma vie, 1855). Rien ne semblait prédestiner ce petit garçon pauvre et complexé, souvent moqué à l’école, à devenir de son vivant le Danois le plus célèbre du monde, si ce n’est son immense envie de reconnaissance littéraire et son besoin d’être aimé. Andersen naît le 2 avril 1805 à Odense sur l’île de Fionie. Sa mère est alors une blanchisseuse de quarante ans, mariée depuis seulement deux mois avec un cordonnier de vingt-cinq ans. Il grandit dans une grande pauvreté : ils sont quatre à vivre dans une seule pièce. Il se passionne pourtant pour le théâtre et les arts. Suite au décès de son père et au remariage de sa mère, il décide de quitter sa ville natale pour s’installer à Copenhague, dans un quartier mal famé fréquenté par des prostituées : il n’a que quatorze ans mais veut tenter sa chance à la capitale. Le destin commence d’ailleurs à lui sourire. Il bénéficie du soutien de riches protecteurs, notamment celui de la famille de Jonas Collin, membre du Théâtre royal, qui le prend sous son aile. Cette aide lui permet de faire des études
« Il était une fois un grand auteur nommé Hans Christian Andersen qui vivait au Danemark. Il ne s’agit pas de l’histoire de sa vie, mais d’un conte de fées sur ce grand conteur d’histoires ». C’est sur ce préambule que s’ouvre le film musical Hans Christian Andersen et la Danseuse (simplement intitulé Hans Christian Andersen en version originale), sorti sur les écrans américains en novembre 1952 et réalisé par Charles Vidor, cinéaste d’origine hongroise qui a immortalisé quelques années plus tôt Rita Hayworth en femme fatale absolue dans Gilda (1946). Le film suit les aventures d’un cordonnier danois qui fascine les enfants grâce à ses histoires et se met à écrire un ballet pour la danseuse dont il est tombé amoureux. C’est l’un des plus gros succès du box-office américain l’année de sa sortie et il reçoit six nominations aux Oscars. Son caractère fantaisiste crée néanmoins une grande polémique au Danemark, où les autorités auraient préféré une œuvre fidèle à la biographie de l’écrivain. Si ce film ne suit pas la vie réelle d’Andersen, il en capte néanmoins l’essence extraordinaire, dont OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Portfolio littéraire – il reprend le chemin de l’école à vingt ans, ses camarades n’en ont que douze – puis ses premiers voyages à l’étranger. Il rêve de théâtre, de roman et de poésie. C’est presque par simple amusement qu’il publie en 1835 les Contes racontés aux enfants, qui contiennent notamment La Princesse au petit pois et Le Briquet. Le succès qu’ils rencontrent, notamment à l’étranger, surprend Andersen lui-même qui n’attachait pas d’importance particulière à ce genre littéraire. Les recueils et nouvelles histoires se succèdent, Andersen devient célèbre dans le monde entier et parcourt toute l’Europe pour satisfaire son besoin de voyage et rencontrer les plus grands écrivains et compositeurs de son temps. À la fin de sa vie, il est un « monument vivant » du Danemark – malgré quelques détracteurs qui se moquent des souscriptions organisées pour lui ériger des statues –, invité régulier de la famille royale dont il reçoit les honneurs, jusqu’à sa mort en 1875.
qui accompagne sur un plan politique la naissance du concept de nation. Ce « nationalisme romantique » trouve ses origines dans la traduction et la publication entre 1760 et 1763 par l’écrivain écossais James Macpherson de poèmes gaéliques qui auraient été composés au IIIe siècle par le barde celte Ossian – il semblerait que Macpherson ait adapté librement des poèmes véritablement rattachés au cycle ossianique. Cette redécouverte a un grand retentissement au Royaume-Uni et au-delà sur le continent. Ossian devient l’égal d’Homère et il est l’un des poètes préférés de Napoléon aussi bien que du jeune Werther imaginé par Goethe. Pour la nouvelle génération préromantique, la culture celtique devient une alternative à la filiation avec l’Antiquité gréco-romaine dont se réclament les artistes néoclassiques et qui a profondément marqué l’imaginaire européen depuis la Renaissance. Les guerres napoléoniennes (1802-1815) accentuent cette tendance : les peuples vaincus se constituent par réaction en proto-nations et cherchent à affirmer leur indépendance culturelle face à cette France impériale tentaculaire, en remontant le plus loin possible dans leurs traditions pour forger des épopées nationales, socles d’une identité en train de se construire. Dans Une nouvelle philosophie de l’histoire (1774), le philosophe allemand Johann Gottfried von Herder (1744-1803) s’insurgeait déjà
L’Europe à l’heure des contes
Andersen n’est pas le seul auteur à mettre par écrit et publier des contes dans la première moitié du XIXe siècle. Cet engouement autour des récits populaires, tant de la part de leurs auteurs que du public, s’inscrit dans un mouvement général de valorisation des traditions, du folklore et des particularismes culturels de chaque peuple européen,
Andersen et l’opéra La musique, et l’opéra en particulier, ont toujours fasciné Andersen. À son arrivée à Copenhague en 1818, il tente notamment de devenir chanteur. Il prend des cours auprès du ténor italien Giuseppe Siboni, fondateur de l’Académie de musique de Copenhague et directeur du Théâtre royal danois mais, après des débuts prometteurs, il est obligé de renoncer après la mue de sa voix. En 1838, il rencontre la soprano Jenny Lind (1820-1887), surnommée le « rossignol suédois », au moment où celle-ci fait un retour triomphal au Danemark, après plusieurs mois de silence et avoir suivi l’enseignement technique de Manuel García à Paris pour sauver sa voix, prématurément abîmée par les excès d’une carrière commencée sur scène à l’âge de dix ans. Cet amour platonique – et non réciproque – lui inspire plusieurs contes, dont Le Rossignol et l’Empereur de Chine, mis en musique en 1914 par Igor Stravinsky, et L’Ange. Certains de ses biographes voient également dans cet amour déçu l’une des origines possibles du personnage de la Reine des neiges et de son cœur de glace. Il écrira à propos de la cantatrice : « Aucun livre, ni personnalité n’a exercé une plus noble influence sur mon travail de poète que Jenny Lind. Elle m’a ouvert les portes du sanctuaire de l’art. » OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Portfolio littéraire contre l’hégémonie linguistique française, les idées des Lumières et leur prétention à l’universel. Dans le sillage de sa pensée, les auteurs Clemens Brentano (1778-1842) et Achim von Arnim (1781-1831) publient Des Knaben Wunderhorn (Le Cor merveilleux de l’enfant, 1805-1808), qui rassemble un millier de chants populaires germaniques (Volkslieder), certains composés au Moyen Âge. Ce sont eux qui encouragent les frères Jakob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859) Grimm à collecter des récits de tradition orale. La première édition de leurs Contes de l’enfance et du foyer (1812) rassemble quatre-vingtsix histoires provenant de Hesse, qui leur ont été rapportées par Dorothea Viehmann – femme cultivée présentée à tort par les deux frères comme une paysanne, pour rendre leur projet encore plus authentique – et les familles huguenotes Wild et Hassenpflug. À chaque réédition de leurs Contes, les frères Grimm n’hésitent pas à aménager leurs histoires et à en inventer parfois, pour plaire au goût de leur public, tout en se revendiquant d’une tradition ancestrale « purement allemande ». Néanmoins, les contes suspectés – à raison – d’avoir une origine française sont entièrement remaniés ou supprimés du recueil, comme Le Chat botté et La Barbe bleue. D’autres auteurs mènent un travail comparable de collecte et de diffusion de contes traditionnels pour célébrer les racines et le folklore propres à leurs cultures nationales, notamment Alexandre Afanassiev (1826-1871) en Russie, Peter Christen Asbjørnsen (1812-1885) et Jørgen Moe (1813-1882) en Norvège ou encore Joseph Jacobs en Angleterre (1854-1916) un peu plus tard.
contes : « Enfant, ma plus grande joie a été d’entendre des contes, une grande partie reste encore bien vivante dans mon souvenir et certains ne sont que peu connus ou pas du tout. » Outre ses souvenirs d’enfance et ses lectures, la composition de ses contes est influencée par ses nombreux voyages à travers l’Europe ainsi que par une observation attentive de la vie quotidienne. Lorsqu’il écrit La Petite Fille aux allumettes (1845) à partir d’une gravure sur bois représentant une enfant avec un paquet d’allumettes, il est l’hôte du duc d’Augustenborg et vit dans l’opulence, mais se souvient par contraste de l’existence misérable de sa grand-mère, obligée de mendier dans les rues pour survivre dans sa jeunesse, ainsi que d’une petite fille à Odense qui s’abritait souvent dans le renfoncement situé entre la maison de ses parents et de celle attenante. Andersen revendique la dimension autobiographique de certains contes « vécus » comme L’Escargot et le Rosier, né d’une dispute avec son protecteur et ami Jonas Collin lors d’un voyage à Rome. Pour d’autres, l’influence des événements de sa vie sur son écriture semble plus inconsciente mais bien réelle selon les commentateurs de ses œuvres. Il est ainsi tentant de rapprocher ses nombreuses déconvenues amoureuses avec les baisers glaçants de la Reine des neiges et la fascination qu’elle exerce sur le petit Kay, comme une sirène. La Petite Sirène (1837), justement, est soumise à de nombreuses interprétations biographiques : l’amour douloureux et impossible de la Petite Sirène pour son prince serait une sublimation de l’amour contrarié d’Andersen pour Édouard Collin – le fils de Jonas –, à sa bisexualité plus ou moins refoulée et à son renoncement aux relations sexuelles. De même, Le Vilain Petit Canard (1842), rejeté par tous mais triomphant finalement en magnifique cygne blanc, renverrait aux différents épisodes de sa vie : son enfance compliquée, ses échecs au théâtre, notamment de sa pièce L’Oiseau dans le poirier (1842) et sa revanche sur un destin sombre qui semblait déjà tout tracé – le personnage humble qui accède aux plus hautes destinées est d’ailleurs un thème récurrent dans son œuvre. La vie d’Andersen ressemble bien à un conte de fées mais avec ses ombres et ses fêlures. C’est sans doute cette part autobiographique et incarnée, se profilant entre les lignes, qui rend ses contes si sincères et touchants, nous invitant à les relire et à y revenir sans cesse, quel que soit notre âge.
L’homme derrière les contes
La démarche littéraire assumée d’Andersen est cependant différente : ce n’est pas un collecteur ni un folkloriste mais bien un inventeur de contes, qui, certes, s’appuie sur d’authentiques histoires et motifs populaires scandinaves, mais mélangés à son imaginaire et à des sources d’inspiration d’autres horizons culturels, comme Les Contes des mille et une nuits dont il était très friand. Andersen a passé son enfance à écouter les histoires racontées par les blanchisseuses de l’hospice pour femmes où sa mère travaillait. Ces récits, il les a intégrés dans son propre univers artistique et poétique pour les faire siens. Il écrit ainsi en exergue de son récit Le Fantôme (1830), repris plus tard dans ses recueils de OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Portfolio littéraire 1805 Naissance d’Andersen à Odense, ville située sur l’Île de Fionie, dans une famille très pauvre mais qui va le plonger dès son plus jeune âge dans l’univers des contes et des récits populaires. 1818 Encore adolescent, il quitte sa ville natale pour partir à la conquête de Copenhague. Cette émancipation restera toute sa vie un événement important, célébré en grande pompe par ses amis cinquante ans plus tard avec une grande cérémonie. 1835 Premières publication des Contes racontés aux enfants. Le succès est aussi inattendu que fulgurant. Andersen va régulièrement publier de nouveaux recueils et écrire 164 contes durant sa carrière. 1875 Honoré par tout le Danemark durant les dernières années de sa vie, Andersen s’éteint le 4 août d’un cancer du foie. Il est enterré dans le caveau de la famille Collin qui l’a toujours soutenu depuis son arrivée à Copenhague. La Petite Sirène, illustration d’Edmund Dulac (1882-1953).
Louis Geisler est dramatuge. Il collabore régulièrement avec l’Opéra national du Rhin et le Festival d’Aix-en-Provence.
L’Europe artistique d’Andersen Andersen a la passion des voyages. Durant sa vie, il aura passé en tout plus de neuf ans en dehors du Danemark à sillonner l’Europe. Ses voyages sont une source d’inspiration mais surtout de rencontres et, parfois, d’amitiés avec les plus grands artistes de son époque : Victor Hugo, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac et Alphonse de Lamartine dans le salon de Virginie Ancelot à Paris, Adelbert von Chamisso en Allemagne, Charles Dickens à Londres, Richard Wagner en Suisse, etc. Il aime particulièrement se déplacer en train – le réseau ferré est alors en plein essor – dont il évoque les sensations et les plaisirs dans un passage du Bazar d’un poète, récit d’un long voyage de neuf mois durant lesquels il a parcouru l’Allemagne, l’Italie, la Grèce et les Balkans, jusqu’à atteindre Constantinople. Malgré de nombreuses sollicitations, il ne traversera jamais l’Atlantique en raison de sa santé déclinante à partir des années 1870, malgré son extrême popularité aux États-Unis. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Hans Christian Andersen (1805-1875). OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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La Reine des neiges Depuis qu’il a été blessé par les éclats d’un miroir maléfique, le petit Kay, jadis si joyeux, ne voit plus le monde qu’à travers un voile de laideur. Cette noirceur a attiré l’attention de la terrifiante Reine des neiges qui l’a enlevé afin de l’établir dans son royaume de glace. Pour sauver son ami, la petite Gerda s’est lancée dans une aventure à travers le monde qui finit par la conduire jusqu’aux contrées les plus reculées des terres polaires. Les murailles du château étaient faites de neige amassée par les vents, qui y avaient ensuite percé des portes et des fenêtres. Il y avait plus d’une centaine de salles immenses. La plus grande avait une longueur de plusieurs milles. Elles étaient éclairées par les feux de l’aurore boréale. Tout y brillait et scintillait. Mais quel vide et quel froid ! Jamais il ne se donnait de fêtes dans cette royale demeure. C’eût été chose facile que d’y convoquer pour un petit bal les ours blancs, qui, la tempête servant d’orchestre, auraient dansé des quadrilles dont la gravité décente eût été en harmonie avec la solennité du lieu. Jamais on ne laissait non plus entrer les renards blancs du voisinage ; jamais on ne permettait à leurs demoiselles de s’y réunir pour babiller et médire, comme cela se fait pourtant à la cour de bien des souverains. Non, tout était vaste et vide dans ce palais de la Reine des neiges, et la lumière des aurores boréales qui augmentait, qui diminuait, qui augmentait de nouveau, toujours dans les mêmes proportions, était froide ellemême. Dans la plus immense des salles, on voyait un lac entièrement gelé, dont la glace était fendue en des milliers et des milliers de morceaux ; ces morceaux étaient tous absolument semblables l’un à l’autre. Quand la Reine des neiges habitait le palais, elle trônait au milieu de cette nappe de glace, qu’elle appelait le seul vrai miroir de l’intelligence. Le petit Kay était bleu et presque noir de froid. Il ne s’en apercevait pas. D’un baiser la Reine des neiges lui avait enlevé le frisson ; et son cœur n’était-t-il pas d’ailleurs devenu de glace ? Il avait OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
dans les mains quelques-uns de ces morceaux de glace plats et réguliers dont la surface du lac était composée. Il les plaçait les uns à côté des autres en tout sens, comme lorsque nous jouons au jeu de patience. Il était absorbé dans ces combinaisons, et cherchait à obtenir les figures les plus singulières et les plus bizarres. Ce jeu s’appelait le grand jeu de l’intelligence, bien plus difficile que le casse-tête chinois. Ces figures hétéroclites, qui ne ressemblaient à rien de réel, lui paraissaient merveilleuses ; mais c’était à cause du grain de verre qu’il avait dans l’œil. Il composait, avec ces morceaux de glace, des lettres et parfois des mots entiers. Il cherchait en ce moment à composer le mot Éternité. Il s’y acharnait depuis longtemps déjà sans pouvoir y parvenir. La Reine des neiges lui avait dit : « Si tu peux former cette figure, tu seras ton propre maître ; je te donnerai la terre toute entière et une paire de patins neufs. » Il s’y prenait de toutes les façons, mais sans approcher de la réussite. « Il me faut faire un tour dans les pays chauds, dit la Reine des neiges. Il est temps d’aller surveiller les grands chaudrons. (Elle entendait par ces mots les volcans l’Etna et le Vésuve.) La neige de leurs cimes est peut-être fondue. » Elle s’élança dans les airs. Kay resta seul dans la vaste salle de plusieurs milles carrés. Il était penché sur ses morceaux de glace, imaginant, combinant, ruminant comment il pourrait les agencer pour atteindre son but. Il était là, immobile, inerte ; on l’aurait cru gelé. En ce moment, la petite Gerda entrait par la grande porte du palais. Des vents terribles en défendaient l’accès. Gerda récita sa prière du soir, et les vents se calmèrent et s’assoupirent. L’enfant pénétra dans la grande salle ; elle aperçut Kay, le reconnut, vola vers lui en lui sautant au cou, le tint embrassé en s’écriant : « Kay ! cher petit Kay, enfin je t’ai retrouvé ! » Lui ne bougea pas, ne dit rien. Il restait là, roide comme un piquet, les yeux fichés sur ses morceaux de glace. Alors la petite Gerda pleura de chaudes larmes ; elles tombèrent sur la poitrine de Kay, pénétrèrent jusqu’à son cœur et en fondirent la glace, de sorte que le vilain éclat de verre fut emporté avec la glace dissoute.
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Il leva la tête et la regarda. Gerda chanta, comme autrefois dans leur jardinet, le refrain du cantique : « Les roses fleurissent et se fanent. Mais bientôt nous reverrons la Noël et l’Enfant Jésus. » Kay, à ce refrain, éclata en sanglots ; les larmes jaillirent de ses yeux et le débris de verre en sortit, de sorte qu’il reconnut Gerda et, transporté de joie, il s’écria : « Chère petite Gerda, où es-tu restée si longtemps, et moi, où donc ai-je été ? » Regardant autour de lui : « Dieu, qu’il fait froid ici ! dit-il, et quel vide affreux ! » Il se serra de toutes ses forces contre Gerda, qui riait et pleurait de plaisir de retrouver enfin son compagnon. Ce groupe des deux enfants, qu’on eût pu nommer l’Amour protecteur et sauveur, offrait un si ravissant tableau, que les morceaux de glace se mirent à danser joyeusement, et, lorsqu’ils furent fatigués et se reposèrent, ils se trouvèrent figurer le mot Éternité, qui devait donner à Kay la liberté, la terre entière et des patins neufs. Gerda lui embrassa les joues, et elles redevinrent brillantes ; elle baisa les yeux, qui reprirent leur éclat, les mains et les pieds où la vie se ranima, et Kay fut de nouveau un jeune garçon plein de santé et de gaieté. Ils n’attendirent pas la Reine des neiges pour lui réclamer ce qu’elle avait promis. Ils laissèrent la figure qui attestait que Kay avait gagné sa liberté. Ils se prirent par la main et sortirent du palais […]. Hans Christian Andersen La Reine des neiges « Septième histoire : Le palais de la Reine des neiges », 1844 Traduction : Ernest Grégoire et Louis Morland (1876)
La Petite Fille aux allumettes Ce conte est l’un des plus émouvants et tristes d’Andersen. Il évoque la misère sociale la plus noire qu’il a vécue et observée. La vie de cette petite fille est aussi brève que celle d’une allumette qui se consume. Le froid qui la fauche est la clé d’un repos doux et éternel.
Portfolio littéraire Comme il faisait froid ! La neige tombait et la nuit n’était pas loin ; c’était le dernier soir de l’année, la veille du jour de l’an. Au milieu de ce froid et de cette obscurité, une pauvre petite fille passa dans la rue, la tête et les pieds nus. Elle avait, il est vrai, des pantoufles en quittant la maison, mais elles ne lui avaient pas servi longtemps : c’étaient de grandes pantoufles que sa mère avait déjà usées, si grandes que la petite les perdit en se pressant de traverser la rue entre deux voitures. L’une fut réellement perdue ; quant à l’autre, un gamin l’emporta avec l’intention d’en faire un berceau pour son petit enfant, quand le ciel lui en donnerait un. La petite fille cheminait avec ses petits pieds nus, qui étaient rouges et bleus de froid ; elle avait dans son vieux tablier une grande quantité d’allumettes, et elle portait à la main un paquet. C’était pour elle une mauvaise journée ; pas d’acheteurs, donc pas le moindre sou. Elle avait bien faim et bien froid, bien misérable mine. Pauvre petite ! Les flocons de neige tombaient dans ses longs cheveux blonds, si gentiment bouclés autour de son cou ; mais songeait-elle seulement à ses cheveux bouclés ? Les lumières brillaient aux fenêtres, le fumet des rôtis s’exhalait dans la rue ; c’était la veille du jour de l’an : voilà à quoi elle songeait. Elle s’assit et s’affaissa sur ellemême dans un coin, entre deux maisons. Le froid la saisit de plus en plus, mais elle n’osait pas retourner chez elle : elle rapportait ses allumettes, et pas la plus petite pièce de monnaie. Son père la battrait ; et, du reste, chez elle, est-ce qu’il ne faisait pas froid aussi ? Ils logeaient sous le toit, et le vent soufflait au travers, quoique les plus grandes fentes eussent été bouchées avec de la paille et des chiffons. Ses petites mains étaient presque mortes de froid. Hélas ! qu’une petite allumette leur ferait du bien ! Si elle osait en tirer une seule du paquet, la frotter sur le mur et réchauffer ses doigts ! Elle en tira une : ritch ! comme elle éclata ! comme elle brûla ! C’était une flamme chaude et claire comme une petite chandelle, quand elle la couvrit de sa main. Quelle lumière bizarre ! Il semblait à la petite fille qu’elle était assise devant un grand poêle de fer orné de boules et surmonté d’un couvercle en cuivre luisant. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Le feu y brûlait si magnifique, il chauffait si bien ! Mais qu’y a-t-il donc ! La petite étendait déjà ses pieds pour les chauffer aussi ; la flamme s’éteignit, le poêle disparut : elle était assise, un petit bout de l’allumette brûlée à la main. Elle en frotta une seconde, qui brûla, qui brilla, et, là où la lueur tomba sur le mur, il devint transparent comme une gaze. La petite pouvait voir jusque dans une chambre où la table était couverte d’une nappe blanche, éblouissante de fines porcelaines, et sur laquelle une oie rôtie, farcie de pruneaux et de pommes, fumait avec un parfum délicieux. Ô surprise ! ô bonheur ! Tout à coup l’oie sauta de son plat et roula sur le plancher, la fourchette et le couteau dans le dos, jusqu’à la pauvre fille. L’allumette s’éteignit : elle n’avait devant elle que le mur épais et froid. En voilà une troisième allumée. Aussitôt elle se vit assise sous un magnifique arbre de Noël ; il était plus riche et plus grand encore que celui qu’elle avait vu, à la Noël dernière, à travers la porte vitrée, chez le riche marchand. Mille chandelles brûlaient sur les branches vertes, et des images de toutes couleurs, comme celles qui ornent les fenêtres des magasins, semblaient lui sourire. La petite éleva les deux mains : l’allumette s’éteignit ; toutes les chandelles de Noël montaient, montaient, et elle s’aperçut alors que ce n’était que les étoiles. Une d’elle tomba et traça une longue raie de feu dans le ciel. « C’est quelqu’un qui meurt, » se dit la petite ; car sa vieille grand’mère, qui seule avait été bonne pour elle, mais qui n’était plus, lui répétait souvent : « Lorsqu’une étoile tombe, c’est qu’une âme monte à Dieu. » Elle frotta encore une allumette sur le mur : il se fit une grande lumière au milieu de laquelle était la grand’mère debout, avec un air si doux, si radieux ! « Grand’mère s’écria la petite, emmène-moi. Lorsque l’allumette s’éteindra, je sais que tu n’y seras plus. Tu disparaîtras comme le poêle de fer, comme l’oie rôtie, comme le bel arbre de Noël. » Elle frotta promptement le reste du paquet, car elle tenait à garder sa grand’mère, et les allumettes répandirent un éclat plus vif que celui du jour. Jamais la grand’mère n’avait été si grande ni si
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belle. Elle prit la petite fille sur son bras, et toutes les deux s’envolèrent joyeuses au milieu de ce rayonnement, si haut, si haut, qu’il n’y avait plus ni froid, ni faim, ni angoisse ; elles étaient chez Dieu. Mais dans le coin, entre les deux maisons, était assise, quand vint la froide matinée, la petite fille, les joues toutes rouges, le sourire sur la bouche…. morte, morte de froid, le dernier soir de l’année. Le jour de l’an se leva sur le petit cadavre assis là avec les allumettes, dont un paquet avait été presque tout brûlé. « Elle a voulu se chauffer ! » dit quelqu’un. Tout le monde ignora les belles choses qu’elle avait vues, et au milieu de quelle splendeur elle était entrée avec sa vieille grand’mère dans la nouvelle année. Hans Christian Andersen La Petite Fille aux allumettes, 1845 Traduction : Ernest Grégoire et Louis Morland (1876)
Le Vilain Petit Canard Un petit animal rejeté, chahuté et sans défense devenu l’un des plus beaux cygnes de la création : de tous les contes d’Andersen, Le Vilain Petit Canard est sans doute celui qui résume le mieux sa vie et sa carrière. Un soir que le soleil se couchait glorieux, toute une foule de grands oiseaux superbes sortit des buissons ; le canet n’en avait jamais vu de semblables : ils étaient d’une blancheur éblouissante, ils avaient le cou long et souple. C’étaient des cygnes. Le son de leur voix était tout particulier : ils étendirent leurs longues ailes éclatantes pour aller loin de cette contrée chercher dans les pays chauds des lacs toujours ouverts. Ils montaient si haut, si haut, que le vilain petit canard en était étrangement affecté ; il tourna dans l’eau comme une roue, il dressa le cou et le tendit en l’air vers les cygnes voyageurs, et poussa un cri si perçant et si singulier qu’il se fit peur à lui-même. Il lui était impossible d’oublier ces oiseaux magnifiques et heureux ; aussitôt qu’il cessa de les apercevoir, il plongea jusqu’au fond, et, lorsqu’il remonta à la surface, il était comme hors de lui. Il ne savait comment s’appelaient ces
Portfolio littéraire oiseaux, ni où ils allaient ; mais cependant il les aimait comme il n’avait encore aimé personne. Il n’en était pas jaloux ; car comment aurait-il pu avoir l’idée de souhaiter pour lui-même une grâce si parfaite ? Il aurait été trop heureux, si les canards avaient consenti à le supporter, le pauvre être si vilain ! Et l’hiver devint bien froid, bien froid ; le caneton nageait toujours à la surface de l’eau pour l’empêcher de se prendre tout à fait ; mais chaque nuit le trou dans lequel il nageait se rétrécissait davantage. Il gelait si fort qu’on entendait la glace craquer ; le canet était obligé d’agiter continuellement les jambes pour que le trou ne se fermât pas autour de lui. Mais enfin il se sentit épuisé de fatigue ; il ne remuait plus et fut saisi par la glace. Le lendemain matin, un paysan vint sur le bord et vit ce qui se passait ; il s’avança, rompit la glace et emporta le canard chez lui pour le donner à sa femme. Là, il revint à la vie. Les enfants voulurent jouer avec lui ; mais le caneton, persuadé qu’ils allaient lui faire du mal, se jeta de peur au milieu du pot au lait, si bien que le lait rejaillit dans la chambre. La femme frappa ses mains l’une contre l’autre de colère, et lui, tout effrayé, se réfugia dans la baratte, et de là dans la huche à farine, puis de là prit son vol au dehors. Dieu ! quel spectacle ! la femme criait, courait après lui, et voulait le battre avec les pincettes ; les enfants s’élancèrent sur le tas de fumier pour attraper le caneton. Ils riaient et poussaient des cris : ce fut un grand bonheur pour lui d’avoir trouvé la porte ouverte et de pouvoir ensuite se glisser entre des branches, dans la neige ; il s’y blottit tout épuisé. Il serait trop triste de raconter toute sa misère et toutes les souffrances qu’il eut à supporter pendant cet hiver rigoureux. Il était couché dans le marécage entre les joncs, lorsqu’un jour le soleil commença à reprendre son éclat et sa chaleur. Les alouettes chantaient. Il faisait un printemps délicieux. Alors tout à coup le caneton put se confier à ses ailes, qui battaient l’air avec plus de vigueur qu’autrefois, assez fortes pour le transporter au loin. Et bientôt il se trouva dans un grand jardin où les pommiers étaient en pleine floraison, où le sureau répandait son parfum OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
et penchait ses longues branches vertes jusqu’aux fossés. Comme tout était beau dans cet endroit ! Comme tout respirait le printemps ! Et des profondeurs du bois sortirent trois cygnes blancs et magnifiques. Ils battaient des ailes et nagèrent sur l’eau. Le canet connaissait ces beaux oiseaux : il fut saisi d’une tristesse indicible. « Je veux aller les trouver, ces oiseaux royaux ; ils me tueront, pour avoir osé, moi, si vilain, m’approcher d’eux ; mais cela m’est égal ; mieux vaut être tué par eux que d’être mordu par les canards, battu par les poules, poussé du pied par la fille de basse-cour, et que de souffrir les misères de l’hiver. » Il s’élança dans l’eau et nagea à la rencontre des cygnes. Ceux-ci l’aperçurent et se précipitèrent vers lui les plumes soulevées. « Tuez-moi, » dit le pauvre animal ; et, penchant la tête vers la surface de l’eau, il attendait la mort. Mais que vit-il dans l’eau transparente ? Il vit sa propre image au-dessous de lui : ce n’était plus un oiseau mal fait, d’un gris noir, vilain et dégoûtant, il était lui-même un cygne ! Il n’y a pas de mal à être né dans une basse-cour lorsqu’on sort d’un œuf de cygne. Maintenant il se sentait heureux de toutes ses souffrances et de tous ses chagrins ; maintenant pour la première fois il goûtait tout son bonheur en voyant la magnificence qui l’entourait, et les grands cygnes nageaient autour de lui et le caressaient de leur bec. De petits enfants vinrent au jardin et jetèrent du pain et du grain dans l’eau, et le plus petit d’entre eux s’écria : « En voilà un nouveau ! » et les autres enfants poussèrent des cris de joie : « Oui, oui ! c’est vrai ; il y en a encore un nouveau. » Et ils dansaient sur les bords, puis battaient des mains ; et ils coururent à leur père et à leur mère, et revinrent encore jeter du pain et du gâteau, et ils dirent tous : « Le nouveau est le plus beau ! Qu’il est jeune ! qu’il est superbe ! » Et les vieux cygnes s’inclinèrent devant lui. Alors, il se sentit honteux, et cacha sa tête sous son aile ; il ne savait comment se tenir, car c’était pour lui trop de bonheur. Mais il n’était pas fier. Un bon cœur ne le devient jamais. Il songeait à la manière dont il avait été persécuté et insulté partout, et voilà qu’il les
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entendait tous dire qu’il était le plus beau de tous ces beaux oiseaux ! Et le sureau même inclinait ses branches vers lui, et le soleil répandait une lumière si chaude et si bienfaisante ! Alors ses plumes se gonflèrent, son cou élancé se dressa, et il s’écria de tout son cœur : « Comment aurais-je pu rêver tant de bonheur, pendant que je n’étais qu’un vilain petit canard. Hans Christian Andersen Le Vilain Petit Canard, 1842 Traduction : Ernest Grégoire et Louis Morland (1876)
La Petite Sirène Ce célèbre conte se prête à de nombreuses analyses et interprétations, tant ses thèmes complexes – le poids du silence imposé, la souffrance cachée, l’amour impossible, le sacrifice et le désir d’immortalité – s’enchevêtrent dans un récit poignant. Le jour de la noce de celui qu’elle aimait, elle devait mourir et se changer en écume. La joie régnait partout ; des hérauts annoncèrent les fiançailles dans toutes les rues au son des trompettes. Dans la grande église, une huile parfumée brûlait dans des lampes d’argent, les prêtres agitaient les encensoirs ; les deux fiancés se donnèrent la main et reçurent la bénédiction de l’évêque. Habillée de soie et d’or, la petite sirène assistait à la cérémonie ; mais elle ne pensait qu’à sa mort prochaine et à tout ce qu’elle avait perdu dans ce monde. Le même soir, les deux jeunes époux s’embarquèrent au bruit des salves d’artillerie. Tous les pavillons flottaient, au milieu du vaisseau se dressait une tente royale d’or et de pourpre, où l’on avait préparé un magnifique lit de repos. Les voiles s’enflèrent, et le vaisseau glissa légèrement sur la mer limpide. À l’approche de la nuit, on alluma des lampes de diverses couleurs, et les marins se mirent à danser joyeusement sur le pont. La petite sirène se rappela alors la soirée où, pour la première fois, elle avait vu le monde des hommes. Elle se mêla à la danse, légère comme une hirondelle, et elle se fit admirer comme
Portfolio littéraire un être surhumain. Mais il est impossible d’exprimer ce qui se passait dans son cœur ; au milieu de la danse elle pensait à celui pour qui elle avait quitté sa famille et sa patrie, sacrifié sa voix merveilleuse et subi des tourments inouïs. Cette nuit était la dernière où elle respirait le même air que lui, où elle pouvait regarder la mer profonde et le ciel étoilé. Une nuit éternelle, une nuit sans rêve l’attendait, puisqu’elle n’avait pas une âme immortelle. Jusqu’à minuit la joie et la gaieté régnèrent autour d’elle ; elle-même riait et dansait, la mort dans le cœur. Enfin le prince et la princesse se retirèrent dans leur tente : tout devint silencieux, et le pilote resta seul debout devant le gouvernail. La petite sirène, appuyée sur ses bras blancs au bord du navire, regardait vers l’orient, du côté de l’aurore ; elle savait que le premier rayon du soleil allait la tuer. Soudain ses sœurs sortirent de la mer, aussi pâles qu’elle-même ; leur longue chevelure ne flottait plus au vent, on l’avait coupée. « Nous l’avons donnée à la sorcière, dirent-elles, pour qu’elle te vienne en aide et te sauve de la mort. Elle nous a donné un couteau bien affilé que voici. Avant le lever du soleil, il faut que tu l’enfonces dans le cœur du prince, et, lorsque son sang encore chaud tombera sur tes pieds, ils se joindront et se changeront en une queue de poisson. Tu redeviendras sirène ; tu pourras redescendre dans l’eau près de nous, et ce n’est qu’à l’âge de trois cents ans que tu disparaîtras en écume. Mais dépêche-toi ! car avant le lever du soleil, il faut que l’un de vous deux meure. Tue-le, et reviens ! Vois-tu cette raie rouge à l’horizon ? Dans quelques minutes le soleil paraîtra, et tout sera fini pour toi ! » Puis, poussant un profond soupir, elles s’enfoncèrent dans les vagues. La petite sirène écarta le rideau de la tente, et elle vit la jeune femme endormie, la tête appuyée sur la poitrine du prince. Elle s’approcha d’eux, s’inclina, et déposa un baiser sur le front de celui qu’elle avait tant aimé. Ensuite elle tourna ses regards vers l’aurore, qui luisait de plus en plus regarda alternativement le couteau tranchant et le prince qui prononçait en rêvant le nom de son épouse, leva l’arme d’une main tremblante, et… la lança loin dans les OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
vagues. Là où tomba le couteau, des gouttes de sang semblèrent rejaillir de l’eau. La sirène jeta encore un regard sur le prince, et se précipita dans la mer, où elle sentit son corps se dissoudre en écume. En ce moment, le soleil sortit des flots ; ses rayons doux et bienfaisants tombaient sur l’écume froide, et la petite sirène ne se sentait pas morte ; elle vit le soleil brillant, les nuages de pourpre, et au-dessus d’elle flottaient mille créatures transparentes et célestes. Leurs voix formaient une mélodie ravissante, mais si subtile, que nulle oreille humaine ne pouvait l’entendre, comme nul œil humain ne pouvait voir ces créatures. L’enfant de la mer s’aperçut qu’elle avait un corps semblable aux leurs, et qui se dégageait peu à peu de l’écume. « Où suis-je ? demanda-t-elle avec une voix dont aucune musique ne peut donner l’idée. — Chez les filles de l’air, répondirent les autres. La sirène n’a point d’âme immortelle, et elle ne peut en acquérir une que par l’amour d’un homme ; sa vie éternelle dépend d’un pouvoir étranger. Comme la sirène, les filles de l’air n’ont pas une âme immortelle, mais elles peuvent en gagner une par leurs bonnes actions. Nous volons dans les pays chauds, où l’air pestilentiel tue les hommes, pour y ramener la fraîcheur ; nous répandons dans l’atmosphère le parfum des fleurs ; partout où nous passons, nous apportons des secours et nous ramenons la santé. Lorsque nous avons fait le bien pendant trois cents ans, nous recevons une âme immortelle, afin de participer à l’éternelle félicité des hommes. Pauvre petite sirène, tu as fait de tout ton cœur les mêmes efforts que nous ; comme nous tu as souffert, et, sortie victorieuse de tes épreuves, tu t’es élevée jusqu’au monde des esprits de l’air, où il ne dépend que de toi de gagner une âme immortelle par tes bonnes actions. » Et la petite sirène, élevant ses bras vers le ciel, versa des larmes pour la première fois. Les accents de la gaieté se firent entendre de nouveau sur le navire ; mais elle vit le prince et sa belle épouse regarder fixement avec mélancolie l’écume bouillonnante, comme s’ils savaient qu’elle s’était précipitée dans les flots. Invisible, elle embrassa la femme du prince, jeta un sourire à l’époux, puis monta avec les
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autres enfants de l’air sur un nuage rose qui s’éleva dans le ciel. Hans Christian Andersen La Petite Sirène, 1837 Traduction : Ernest Grégoire et Louis Morland (1876)
Retrouvez dans la programmation : OPÉRA
La Reine des neiges Strasbourg, Opéra 15, 17, 21 sept. Dim. 19 sept. Mulhouse, La Filature Ven. 1er oct. Dim. 3 oct.
20h 15h 20h 15h
CONCERT
Passion de la petite fille aux allumettes Strasbourg, Église Saint-Paul Dim. 26 sept. 17h Mulhouse, Temple Saint-Etienne Dim. 10 oct. 17h FILM
Les Souliers rouges Date
Strasbourg, Cinéma Odyssée à venir RÉCITAL
Stéphane Degout Strasbourg, Opéra Sam. 18 sept.
20h
HEURE LYRIQUE
Conte d’Andersen Strasbourg, Opéra Sam. 30 avr.
19h
Animation pour l’opéra La Reine des neiges © Grégoire Pont OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Une histoire sans fin
La Reine des neiges Voleuse d’enfant et générale d’armée, la Reine des neiges est un être maléfique inventé par Hans Christian Andersen au milieu du XIXe siècle. Maléfique, mais indéniablement fascinant, puisqu’elle a fait l’objet de nombreuses adaptations, plus ou moins fidèles, et a conquis l’imaginaire du monde entier, jusqu’à devenir aujourd’hui une jeune femme « libérée, délivrée », icône d’une nouvelle génération en quête d’acceptation. Par Louis Geisler 1
La Reine des neiges, conte de Hans Christian Andersen (1844) La Reine des neiges est un personnage inquiétant, vivant dans un immense palais de glace éclairé seulement par de spectaculaires aurores boréales. Chaque hiver, elle se rend en ville sur son char pour déclencher des tempêtes et effrayer les enfants. Un jour, elle enlève le petit Kay et l’emmène dans son royaume. Ses baisers transforment le garçonnet qui ne ressent plus le froid et devient obsédé par la symétrie parfaite des flocons de neige. Tout le monde le croit mort, sauf son amie d’enfance, Gerda, qui part à sa recherche. Son périple à travers le monde est l’occasion d’une série de rencontres et d’histoires enchâssées les unes dans les autres, un peu comme dans Les Contes des mille et une nuits qui ont bercé l’enfance chaotique d’Andersen. 2
Le Monde de Narnia, cycle romanesque de C. S. Lewis (1950-1956) Avec Le Seigneur des anneaux de Tolkien, les sept romans du Monde de Narnia (The Chronicles of Narnia) font partie des œuvres emblématiques de la littérature fantastique anglo-saxonne du milieu du XXe siècle – plus de 100 millions d’exemplaires vendus, traduits dans quarante-sept langues. En partie inspiré par la Reine des neiges, le personnage de Jadis, surnommé la Sorcière blanche, OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
prend le contrôle de ce monde enchanté en déclenchant un hiver d’une centaine d’années et en transformant ses opposants en statue de pierre. C’est l’actrice Tilda Swinton qui lui prête ses traits dans la dernière adaptation cinématographique en date (2005-2010) de la saga du britannique C. S. Lewis, produite par les studios Disney. 3
Lumekuninganna, film de Marko Raat (2010) Pour son quatrième film, le réalisateur estonien Marko Raat imagine une transposition contemporaine du conte d’Andersen sous la forme d’une histoire d’amour transgressive et délétère, unissant une femme mûre, riche et mourante – elle doit vivre dans le froid pour ralentir le cancer qui la ronge – avec un jeune lycéen encore vierge qui, dans sa fascination pour elle, en oublie l’existence du monde réel.
succès du film incite les studios Disney à revenir aux origines de certains de leurs « méchants » comme Maléfique (la mauvaise fée de La Belle au bois dormant incarnée par Angelina Jolie dans Maleficent) ou Cruella, pour donner a posteriori une justification à leurs agissements. 5
The Huntsman : Winter’s War, film de Cédric Nicolas-Troyan (2016) Ce blockbuster aux effets visuels impressionnants propose un crossover entre l’univers d’Andersen et celui des frères Grimm. La Reine des neiges prend ici le nom de Freya (Emily Blunt), en référence à la déesse scandinave. De jeune femme fragile, elle devient une souveraine impitoyable après la mort de sa fille nouveau-née, tuée par les manigances de sa sœur aînée Ravenna (Charlize Theron), puissante sorcière et belle-mère narcissique de Blanche-Neige.
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Frozen, film d’animation des studios Disney (2013) Très ancrée dans la culture populaire russe, La Reine des neiges fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques en Union soviétique. Le film d’animation réalisé par Lev Atamanov (1957) rencontre un grand succès au Japon. Il marque profondément Hayao Miyazaki qui en reprend certains aspects pour son film Princesse Mononoké (1997) tandis qu’une série animée voit le jour sur les ondes de la NHK (2005-2006) à partir du conte original. Les studios américains ne sont pas en reste. Dès les années 1930, Walt Disney envisage de porter à l’écran La Reine des neiges, avant d’y renoncer devant la difficulté technique de représenter le jeu complexe des flocons sensés constituer son corps et ses vêtements. Cette idée ressurgit régulièrement mais se heurte au traitement du personnage, envisagé comme une antagoniste dangereuse et solitaire. Le scénario développé pour Frozen change la donne : la reine maléfique devient la princesse Elsa qui doit vaincre ses peurs pour maîtriser ses pouvoirs et sauver sa sœur Anna, inspirée par la Gerda d’Andersen. L’immense
The Snow Queen, opéra de Hans Abrahamsen (2019) La Reine des neiges a fait l’objet de plusieurs adaptations lyriques et chorégraphiques. Pour son premier opéra, le compositeur danois Hans Abrahamsen s’est naturellement tourné vers l’une des œuvres les plus célèbres de son pays natal. Proche du conte original, l’opéra est créé en danois en Copenhague en octobre 2019 puis en anglais à Munich le 21 décembre de la même année – et jour du solstice d’hiver. C’est cette dernière version qui est présentée dans une mise en scène inédite en ouverture de la nouvelle saison de l’OnR.
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Retrouvez dans la programmation : OPÉRA
La Reine des neiges Strasbourg, Opéra 15, 17, 21 sept. Dim. 19 sept. Mulhouse, La Filature Ven. 1er oct. Dim. 3 oct.
20h 15h 20h 15h
Ciné-club
There Will Be Blood Cette nouvelle saison, l’Opéra national du Rhin et le Cinéma Odyssée déroulent une programmation « Entre deux O », où quelque films choisis résonnent avec les ouvrages programmés à l’OnR. D’où l’étrange association d’un film américain avec un mélodrame italien du XIXe siècle, Stiffelio, de Giuseppe Verdi Par Paul Nardi
Quel rapport entre There Will Be Blood, film américain de Paul Thomas Anderson sorti en 2007, et Stiffelio, opéra de Giuseppe Verdi créé en 1850 ? D’abord un lien thématique. Le film de PTA (surnom-acronyme du réalisateur depuis ses premiers succès, notamment Magnolia en 1999) raconte l’histoire d’un destin et d’une rivalité. Le destin, c’est celui de Daniel Plainview, chercheur d’or reconverti en roi du pétrole dans l’Amérique du début du XXe siècle. Cet homme sans scrupule, qui adopte un orphelin pour mieux ferrer les investisseurs sous ses airs de père respectable, n’hésite pas à tuer ceux qui se mettent en travers de son insolente réussite. Son destin est scellé le jour où il décide d’acheter un terrain pétrolifère appartenant à une famille de fermier. L’un des fils est pasteur : Eli Sunday s’oppose d’abord à la vente du terrain, puis finit par l’accepter après avoir obtenu de l’entrepreneur qu’il lui laisse une parcelle de terrain et finance l’église nouvelle qu’il souhaite y construire. Le film décrit les destins parallèles de ces deux fanatiques : le capitaliste sans foi ni loi, tour à tour baptisé puis humilié par l’orgueilleux homme de foi. OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
L’histoire se termine mal et contient son lot de scènes violentes. Le titre, de toute façon, annonçait la couleur : « There Will Be Blood » – « Il y aura du sang » ! Mais la violence n’est pas seulement physique. Elle imbibe des rapports humains rugueux et la confrontation des âmes. À côté de ce film implacable, le Stiffelio de Verdi pourrait passer pour une fable bien élevée. Pourtant, il recèle aussi une vraie violence, psychologique autant que physique. On y retrouve une figure de pasteur sévère, dirigeant d’une poigne de fer la communauté dont il a la charge, et entouré de fanatiques comme le vieux Jorg ou encore Stankar, père de son épouse Lina. Il y a certes une rivalité dans Stiffelio, mais elle est amoureuse : le pasteur Stiffelius refuse longtemps de se rendre aux évidences qui s’offrent à ses yeux et qui désignent l’adultère dont sa femme s’est rendue coupable. Comme un Othello renversé, Stiffelio refuse longtemps de voir la culpabilité de sa femme. Mais quand il l’affronte enfin, il laisse se déverser un torrent de violence. Contre son rival provoqué en duel (mais tué finalement par un autre) et surtout contre son épouse,
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Ciné-club
« C’est parce qu’il y a une vraie puissance visuelle dans le film de PTA que certaines images de ce dernier ont influencé Bruno Ravella et Hannah Clark, respectivement metteur en scène et scénographe de la nouvelle production de Stiffelio présentée par l’OnR. »
malmenée et répudiée. L’univers de passions violentes, de comportements extrêmes qui est celui du melodramma italien impressionnait les spectateurs du XIXe siècle de la même manière que les films imposants de PTA marquent ceux du XXIe. Le cinéaste a un sens du souffle filmique. Il s’est toujours affirmé comme un véritable metteur en scène, un « auteur » maîtrisant les codes de la narration cinématographique aussi brillamment que Verdi savait manier l’art de mettre en musique et en scène les situations mélodramatiques dont son public était friand. Et c’est parce qu’il y a une vraie puissance visuelle dans le film de PTA que certaines images de ce dernier ont influencé Bruno Ravella et Hannah Clark, respectivement metteur en scène et scénographe de la nouvelle production de Stiffelio présentée par l’OnR. La nouvelle église qu’Eli Sunday construit sur une colline herbeuse a en effet inspiré la grande maison de bois que la scénographe anglaise a imaginée. Les parois de planches au naturel, arborant la fière simplicité des évangélistes fuyant toute fioriture, et la croix qui se découpe dans ce bois brut (gage d’effets de lumière poétiques) est inspirée du film qui contient déjà une dimension théâtrale, laquelle se trouve tout naturellement retranscrite à l’opéra. Reste que, contrairement au film – et à la plupart des opéras de Verdi – Stiffelio se termine bien. Dans son émouvante scène finale, le pasteur jadis enragé finit par accorder le pardon à son épouse. Alors qu’il commente la parabole de la femme adultère, Stiffelio aperçoit sa femme dans la foule des fidèles venus écouter son prêche dominical. Et sans lui adresser la parole directement, il laisse entendre que le verbe sacré est venu apaiser les passions de son cœur : « E la donna perdonata s’alzò. » – « Et la femme, pardonnée, se releva. » Tout opéra de Verdi pourrait porter ce titre tragique : There Will Be Blood. Mais dans Stiffelio, cette attente anxieuse est déjouée de belle manière. Dans la lumière purificatrice des passions apaisées.
Retrouvez dans la programmation : FILM
There Will Be Blood Date
Strasbourg, Cinéma Odyssée OPÉRA
Stiffelio Strasbourg, Opéra 12, 14, 16, 19 oct. Dim. 10 oct. Mulhouse, La Filature Dim. 7 nov. Mar. 9 nov.
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à venir
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Ciné-club
There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson © Walt Disney Studio
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Face à une œuvre
Sabine Devieilhe & Alexandre Tharaud À l’occasion de leur venue à l’Opéra national du Rhin pour leur récital « Nuit d’étoiles », la soprano Sabine Devieilhe et le pianiste Alexandre Tharaud, évoquent une œuvre qui les touche particulièrement. Une autre façon de se raconter, grâce à l’art.
Sabine Devieilhe, La Croix des Fiancés La Croix des Fiancés, Belgique, 1931
« En guise d’œuvre d’art, j’ai choisi un petit monument : la Croix des Fiancés, qui se trouve dans les Hautes Fagnes de Wallonie. J’ai découvert cette croix si simple en faisant des recherches lorsque je préparais le cycle des Banalités, afin de comprendre l’un des poèmes d’Apollinaire mis en musique par Poulenc (que je chanterai lors de mon récital à Strasbourg). Les Fagnes forment une vaste lande marécageuse, à cheval entre la Belgique et l’Allemagne. Le 23 janvier 1871, deux jeunes gens OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
venant à Jalhay, François et Marie, doivent franchir ces Fagnes pour aller se marier à Xhoffraix, en Prusse, une marche de plus de trois heures. Or on est en janvier, la neige et le brouillard vont perdre les amants. Deux mois plus tard, on retrouve leurs corps ensevelis. Dans le corsage de Marie, un mot laissé par François : “Marie est morte, et moi je vais le faire”. En hommage à ces pauvres amants, une croix a été érigée à l’endroit où ils ont été retrouvés. Elle célèbre le pouvoir de l’amour. »
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Face à une œuvre La Forêt bleue, 2013. © Jean-François Spricigo, Galerie Camera Obscura Paris
Alexandre Tharaud, La Forêt bleue de Jean-François Spricigo « Le bleu de cette forêt est naturel : il n’y a aucun filtre. La photo a été prise à 2 000 mètres d’altitude, à 6h du matin. C’est ce qui lui a donné cette couleur étrange. Les branches des arbres sont de différentes tailles et vont dans tous les sens. Une pureté et une perfection apaisantes se dégagent de ce joyeux chaos. Cette photo me ressemble : j’ai besoin d’une forme de confusion pour me recentrer. Jean-François Spricigo photographie la nature comme des visages. Je vois dans cette photo comme un visage avec de belles rides, tendrement abîmé par le temps. C’est émouvant de regarder et d’avoir chez soi l’œuvre d’un ami. On peut passer un mois sans lui prêter attention, et puis tout d’un coup, c’est elle qui nous regarde et nous pose la main sur OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
l’épaule. Madeleine Milhaud, la veuve du compositeur, m’a confié que, toute sa vie, elle a voulu être un édredon pour son mari : quelque chose de léger et qui tient chaud. Pour moi, c’est ça aussi être un ami. » Retrouvez dans la programmation : RÉCITAL
Sabine Devieilhe & Alexandre Tharaud Strasbourg, Opéra Lun. 11 oct.
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Top 3
Franz Schubert Schubert a marqué à jamais l’histoire de la musique de son empreinte romantique. Malgré sa mort à trente-et-un ans, il a composé plus de mille pièces et exploré toutes les formes musicales avec la même quête d’absolu. (Re)découvrez trois de ses œuvres cultes, à écouter au moins une fois dans sa vie. Par Louis Geisler 1
Sur les traces de Barry Lindon Au cinéma, la musique est tout aussi essentielle que l’image pour susciter une émotion forte chez les spectateurs. Pour s’en convaincre, il suffit de constater avec quel soin Stanley Kubrick choisissait les musiques des bandes-sons de ses films, très souvent issues du répertoire classique – on se souvient notamment du poème symphonique de Richard Strauss Ainsi parlait Zarathoustra qui accompagne dans 2001, l’odyssée de l’espace (1968) l’alignement de la Terre avec le Soleil et la Lune, l’aube de l’humanité et la renaissance finale, ou encore des œuvres de Beethoven, interprétées au synthétiseur, qui ponctuent sans cesse Orange mécanique (1971). Dans Barry Lindon (1975), Kubrick fait intervenir exactement à la moitié de son film le deuxième mouvement Andante con moto du Trio en mi bémol majeur pour piano et cordes nº 2, op. 100 (D. 929) composé par Schubert en 1827. Son thème mélancolique, lancinant et implacable, aux allures de marche funèbre, s’inspire d’une chanson populaire scandinave, Se solen sjunker (« Vois le soleil décliner »), découverte à Vienne par Schubert lors d’un concert du ténor suédois Isak Albert Berg. Ce mouvement lent imprime son rythme à la scène de séduction entre Barry et Lady Lyndon au cours d’une partie de cartes puis au clair de lune, et préfigure les souffrances de leur mariage malheureux. Il ressurgit dans la scène finale du film, comme un souvenir qui viendrait hanter les pensées d’une Lady Lyndon OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
vieillissante. Outre Barry Lyndon, ce trio apparaît dans de nombreux films, notamment Le Docteur Mabuse de Fritz Lang (1922), La Pianiste de Michael Haneke (2001) ou Le Congrès d’Ari Folman (2013). 2
Rêveries et mélancolie d’un promeneur solitaire Avec son Voyage d’hiver (Winterreise, D. 911), Schubert compose l’un des sommets de l’art intime du lied, ce genre musical germanique qui consiste en un poème chanté par une voix accompagnée d’un piano ou d’un petit ensemble instrumental. Dans les dernières années de sa courte vie, il est miné par la syphilis qui le ronge lentement, l’ombre écrasante de Beethoven, des succès en dents de scie et le pressentiment d’une fin imminente. Durant l’année 1827, il découvre le recueil de poèmes Wanderlieder – Die Winterreise de Wilhelm Müller – poète à l’origine de son précédent cycle de lieder, La Belle Meunière (Die schöne Müllerin, D. 795, 1823) – et y trouve la matière idéale pour sublimer en musique son infinie tristesse. S’ils ne forment pas un récit linéaire, les vingt-quatre lieder du Voyage d’hiver évoquent l’errance dans des paysages enneigés d’un amoureux éconduit, faisant ses adieux à la vie – l’hiver symbolisant ici la mort et le repos éternel. Le cycle s’ouvre sur un lied intitulé « Gute Nacht » (« Bonne nuit ») et s’achève sur l’image d’un vieux joueur de vielle chahuté par des chiens, allégorie pathétique et dramatique de l’artiste romantique torturé qui se débat contre lui-même, dans l’indifférence générale.
ou « Je vous salue Marie », en référence aux premières paroles de l’ange Gabriel venu annoncer à la Vierge la future naissance du Christ. Composé en 1825, le « Ellens Gesang III », sixième partie du cycle de l’Hymne an die Jung frau, op. 52 (D. 839, nº 6), est un chant inspiré par le poème La Dame du lac (1810) de l’écrivain britannique Walter Scott – sans rapport avec la légende arthurienne – dans lequel une certaine Ellen Douglas demande à la Vierge Marie son secours, au beau milieu d’une guerre de clans entre différentes familles écossaises : « Ave Maria ! Douce vierge Écoute la prière d’une jeune femme, De ce rocher immobile et sauvage Ma prière doit être emportée vers toi. Nous dormons en sûreté jusqu’au matin, Même si des hommes sont encore si cruels. Ô vierge, vois le chagrin d’une jeune femme, Ô mère, entends un enfant suppliant ! » Il arrive néanmoins que le texte latin de la prière chrétienne remplace les paroles originales en allemand, donnant ainsi un caractère sacré à ce lied profane.
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Prière de la Dame du lac L’Ave Maria est probablement l’une des œuvres les plus célèbres de Schubert, tant elle a été reprise par de nombreux artistes (Beyoncé, Nina Hagen, Céline Dion, Mylène Farmer, etc.) et utilisée lors de funérailles, notamment celles de Johnny Hallyday. Ce lied sur un texte allemand n’est pourtant pas un chant religieux, même s’il partage les premiers mots latins de la prière de miséricorde des Chrétiens – « Ave Maria »
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Retrouvez dans la programmation : DANSE
Danser Schubert au XXIe siècle Strasbourg, Opéra 12, 13, 14 oct. Colmar, Théatre 21, 22 oct.
20h 20h
Top 3
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Trio pour piano et cordes nº2 2
Voyage d’hiver 3
Ave Maria
Franz Schubert (1797-1828). OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Rencontres
Le Chœur de l’OnR
Venus des quatre coins du monde, chacun avec une personnalité et un parcours différents, les artistes du Chœur de l’Opéra national du Rhin dirigés par leur chef Alessandro Zuppardo présentent chaque année des opéras et des concerts au public alsacien. Rencontre avec huit d’entre eux, pour évoquer ensemble leur métier et leur passion. de musicologie, nous avons préparé le Requiem de Mozart. Au moment où je suis montée sur la scène de la salle Poirel à Nancy, je me suis dit que c’était ça que je voulais faire.
Roman Modzelewski basse ( uruguay )
Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir chanteur ? Ma mère était pianiste, mon père chantait en amateur. Ils m’ont fait partager l’amour de la musique. Je me souviens de la première fois où je suis allé au Théâtre Colón à Buenos Aires pour Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach : c’était merveilleux. Quel compositeur vous touche particulièrement ? Verdi… ça me touche en plein cœur, notamment son opéra Simon Boccanegra ! Quel est votre événement « coup de cœur » de la nouvelle saison de l’OnR ? Carmen que j’ai déjà eu l’opportunité de chanter deux fois au Théâtre Colón à Buenos Aires et à Oman. On m’a dit que cette mise en scène était très belle et agréable pour le chœur, j’ai hâte de voir ça.
Quel aspect de votre métier vous plaît le plus ? Le partage d’émotion avec le public. Quand on arrive à toucher une personne, c’est qu’on a réussi. Ce retour, on peut l’avoir plus facilement par la parole quand on chante tout seul. Quand on est dans un chœur, c’est le soulagement après les applaudissements qui procure cette même émotion. Quel est votre événement « coup de cœur » de la nouvelle saison de l’OnR ? Carmen, sans hésiter. Je l’ai déjà chanté plusieurs fois, donc c’est forcément un coup de cœur. Tout le monde peut reconnaitre les morceaux. Un opéra, plus on l’écoute, plus on l’aime. Je conseille donc toujours aux personnes d’écouter l’œuvre avant de venir.
Sangbae Choi ténor (corée du sud)
Clémence Baïz soprano ( france)
Quel déclic vous a conduit à devenir chanteuse ? Au cours de ma scolarité, j’ai pris des options musique et puis, avec le chœur OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Quel événement vous a conduit à devenir chanteur ? En 1990, je regardais la finale de la coupe du monde de football à la télévision et il y a eu un concert des trois ténors Domingo, Pavarotti et Carreras. Je me suis dit : « C’est magnifique, je veux faire ça ! », et à dix-neuf ans, j’ai commencé des études musicales.
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Quel aspect de votre métier vous plaît le plus ? Quand je chante, je me sens vivant. Le travail quotidien et régulier, mais le fait que chaque jour soit différent. La rencontre avec des nouveaux metteurs en scène… et mon moment préféré : être sur scène ! Quel est votre événement « coup de cœur » de la nouvelle saison de l’OnR ? Je vais interpréter un petit rôle dans Stiffelio et j’ai hâte de commencer les répétitions. Je connais beaucoup d’opéras de Verdi mais Stiffelio sera une découverte.
Laurence Hunckler mezzo - soprano ( france)
Racontez-nous un souvenir marquant vécu sur la scène de l’OnR. Il y a eu Don Carlo de Robert Carsen qui m’a fait progresser dans la compréhension de l’importance du costume. Le chœur devait représenter la rigidité de l’Église telle qu’elle est décrite dans cet opéra. On avait donc des chapes de sept kilos. C’était d’abord une souffrance physique mais aussi le meilleur moyen d’ancrer cette rigidité dans nos corps. Parlez-nous d’un compositeur que vous aimez particulièrement. Luciano Berio avec notamment le cycle des Folk Songs car c’était une grande émotion de découvrir autre chose que l’écriture classique. C’est ce qui répond à mon besoin personnel d’ouverture et à l’envie
Rencontres de mélanger des musiques profanes, populaires et sacrées. Quel aspect de votre métier vous plaît le plus ? La vibration en moi, autour de moi et avec les autres. Chanter, c’est d’abord une vibration, c’est ce qui me fait me lever le matin. Toute chose a une vibration et je pense qu’elle est un reflet de notre vérité intérieure.
Laurent Roos ténor ( france)
Quel événement vous a conduit à devenir chanteur ? Quand j’étais au lycée, je suis venu voir à l’OnR plusieurs spectacles dont Rigoletto ainsi que des ballets : je savais, qu’un jour, je serais ici sur cette scène. Quel est votre meilleur souvenir sur la scène de l’OnR ? La mise en scène de David McVicar de Gotterdämmerung, pour la manière dont on nous a demandé de nous investir : il fallait chercher l’énergie au fond de nous-mêmes, aussi bien vocalement que scéniquement. C’était un combat de chaque instant pour être au top. Parlez-nous d’un compositeur et d’une œuvre que vous aimez particulièrement. Wagner, et surtout le cycle de la Tétralogie. Même s’il n’y a pas beaucoup de chœur dedans, uniquement dans Die Gotterdämmerung, je suis très attaché à ces œuvres. Je suis un wagnérien dans l’âme !
Stella Oikonomou mezzo - soprano (grèce)
Quel événement vous a conduit à devenir chanteuse ?
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
Lors d’un week-end de formation avec l’ensemble des chefs scouts de Grèce, j’ai apporté ma guitare. Un soir, je me suis retrouvée à chanter en duo avec une autre fille et c’est elle qui m’a proposé de passer une audition dans un cadre professionnel. Parlez-nous d’un opéra ou compositeur que vous aimez particulièrement. C’est Verdi ! Je ne sais pas pourquoi mais on s’aime lui et moi. Il a très bien écrit pour la voix d’alto et avec lui tout semble facile. Le texte et la musique sont vraiment au service l’un de l’autre d’une façon naturelle, sans avoir à réfléchir à la technique vocale. Quel est votre événement « coup de cœur » de la nouvelle saison de l’OnR ? J’attends impatiemment Les Oiseaux de Walter Braunfels. Je reviens à mes racines, puisque le compositeur grec Mános Hadjidákis avait écrit une musique sur la comédie d’Aristophane dont est inspiré l’opéra et j’aimerais pouvoir comparer.
Daniel Dropulja basse (allemagne)
Quel déclic vous a conduit à devenir chanteur ? Il y avait un chœur dans mon école et une amie m’a proposé de l’y rejoindre. Notre chef de chœur m’a proposé de participer au chœur d’enfants de l’Opéra de Stuttgart pour une production de L’Enfant et les sortilèges. Quelles œuvres vous touchent particulièrement ? J’adore Verdi et les compositeurs russes car j’y suis attaché de par mes racines balkaniques. Mon rôle préféré est celui de Figaro : j’aime le personnage et il correspond à ma voix. Quel est votre événement « coup de cœur » de la nouvelle saison de l’OnR ?
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J’attends avec impatience West Side Story et la version de concert de l’opéra Roméo et Juliette avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et Joyce Di Donato, mais je crois que je ne pourrai pas participer aux deux !
Karine Bergamelli soprano ( france)
Quel déclic vous a conduit à devenir chanteuse ? J’ai toujours chanté depuis que je suis petite. C’est un parcours qui s’est construit petit à petit, j’ai notamment fait six ans à la Haute école de musique de Berlin et je suis revenue à Strasbourg en tant que Jeune voix du Rhin, ancien nom des artistes de l’Opéra Studio. Quel est votre meilleur souvenir sur la scène de l’OnR ? L’opéra Theodora de Haendel. On a énormément travaillé car on avait un geste sur chaque mot avec au moins une dizaine de chœurs. C’était très intense mais c’est ce que j’aime : beaucoup de travail et de présence sur scène. Quel est votre événement « coup de cœur » de la nouvelle saison de l’OnR ? Le concert La Marseillaise pour tout le monde, je demande à voir et je pense que c’est le genre d’événement qui nous fait dire : « C’était bien, on devrait faire ça plus souvent ». Et évidemment Carmen qui sera marquant.
Propos recueillis par Zoé Broggi et Lucie Damé
Titre courant
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Retour sur…
La Mort à Venise Benjamin Britten DIRECTION MUSICALE
Jacques Lacombe MISE EN SCÈNE
Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil Février 2021 © Klara Beck
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Retour sur…
Madame Butterfly Giacomo Puccini DIRECTION MUSICALE
Giuliano Carella MISE EN SCÈNE
Mariano Pensotti Juin 2021 © Klara Beck
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Titre courant
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Titre courant
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Retour sur…
Le Lac des cygnes Piotr Ilitch Tchaïkovski CHORÉGRAPHIE
Radhouane El Meddeb Juin 2021 © Agathe Poupeney
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
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Brèves
Enfin ! Le Ballet de l’Opéra national du Rhin a repris la route pour une tournée de deux dates en Italie. La version du Lac des cygnes de Radhouane El Meddeb – récemment donnée à Mulhouse pour la réouverture de La Filature – était sur les scènes de Brescia et Pavie les 20 et 22 juin derniers.
à un groupe d’élèves du collège Erasme pour découvrir les métiers techniques du spectacle vivant ainsi que les métiers techniques de l’énergie. À la suite d’une visite des espaces dédiés à la peinture, à la menuiserie et aux effets spéciaux permettant de découvrir en avant-première les décors de Madame Butterfly, des collaborateurs d’ENGIE ont présenté à leur tour leur quotidien. Deux artistes de l’Opéra Studio de l’OnR, Néstor Galván et Eugénie Joneau, ont également participé à cette visite et ont interprété des airs du répertoire pour compléter ce parcours d’initiation et de sensibilisation.
* * * Le festival Musica se déploie du 16 septembre au 10 octobre. En écho à La Reine des neiges, il donne à entendre Schnee d’Abrahamsen (18 sept.). Et on ne manquera pas la gigantesque installation-performance d’Alexander Schubert, Asterism, et sa forêt enchantée ! (Théâtre du Maillon, 17 sept.)
* * * Après quinze années au sein de la compagnie dont trois années en tant que soliste, Thomas Hinterberger entame sa reconversion et s’engage dans une formation de kinésithérapeute. Les trois représentations du Lac des cygnes de Radhouane El Meddeb, en juin dernier à La Filature, ont clôturé sa belle carrière au sein du Ballet de l’OnR. * * * Le lundi 10 mai 2021, l’OnR, en partenariat avec ENGIE, a ouvert ses ateliers de construction des décors OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
prometteur en intégrant l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence cet été. Centre international de perfectionnement et de création artistiques au cœur du Festival, l’Académie est un véritable tremplin professionnel pour les artistes qui y sont sélectionnés.
* * * Après deux saisons passées à l’Opéra Studio où elle a été particulièrement remarquée dans le rôle d’Oberto dans Alcina de Haendel présentée à l’OnR en mai et juin derniers, la jeune soprano Clara Guillon poursuit son parcours
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Calendrier Septembre
Strasbourg
Ven. 10 Sam. 11 Mar. 14 Mer. 15 Ven. 17 Ven. 17 Sam. 18 Sam. 18 Sam. 18 Dim. 19 Dim. 19 Dim. 19 Mar. 21 Sam. 25 Dim. 26 Jeu. 30
Opéra 19h
Heure Lyrique / Rentrée en musique Heure Lyrique / Rentrée en musique Rencontre autour de La Reine des neiges La Reine des neiges Asterism La Reine des neiges Asterism Avec mon cous(s)in / Bébés chanteurs Récital / Stéphane Degout Cafés lyriques Asterism La Reine des neiges La Reine des neiges Avec mon cous(s)in / Bébés chanteurs Passion de la petite fille aux allumettes Coulisses Studio / Danser Schubert au XXI siècle
Mulhouse
Colmar Comédie 15h
Librairie Kléber 18h Opéra 20h Maillon Opéra 20h Maillon Opéra 11h Opéra 20h Café de l’Opéra 11h Maillon Opéra 15h Opéra 20h Comédie 11h Église Saint-Paul 17h CCN 18h30
Octobre Ven. 1er Dim. 3 Mer. 6 Sam. 9 Sam. 9 Sam. 9 Dim. 10 Dim. 10 Dim. 10 Lun. 11 Mar. 12 Mar. 12 Mer. 13 Mer. 13 Jeu. 14 Jeu. 14 Sam. 16 Sam. 16 Mar. 19 Mar. 19 Mer. 20 Jeu. 21 Ven. 22 Mar. 26 Jeu. 28 Sam. 30 Dim. 31
La Reine des neiges La Reine des neiges Mercredi découverte / Schubert pour danser Avec mon cous(s)in / Bébés danseurs Rencontre autour de Stiffelio Librairie Kléber 18h Répétition publique / Danser Schubert au XXI e siècle Cafés lyriques Café de l’Opéra 11h Stiffelio Opéra 15h Passion de la petite fille aux allumettes Récital / Sabine Devieilhe Opéra 20h Stiffelio Opéra 20h Danser Schubert au XXI e siècle Mercredi découverte / Chanter Verdi en chœur Opéra 14h Danser Schubert au XXI e siècle Stiffelio Opéra 20h Danser Schubert au XXI e siècle Heure Lyrique / Verdi, cet inconnu Opéra 11h Stiffelio Opéra 20h L’Université de la danse / Les Ailes du désir Université 12h30 Stiffelio Opéra 20h Heure Lyrique / Verdi, cet inconnu Danser Schubert au XXI e siècle Danser Schubert au XXI e siècle Classe ouverte Rencontre autour des Ailes du désir Librairie Kléber 18h Les Ailes du désir Opéra 20h Les Ailes du désir Opéra 15h
Avec le soutien financier du ministère de la Culture Direction régionale des affaires culturelles du Grand-Est, de la Ville et Eurométropole de Strasbourg, des Villes de Mulhouse et Colmar, du Conseil régional Grand Est et de la Collectivité européenne d’Alsace. Directeur de la publication Alain Perroux Directrice de la communication, du développement et des relations avec les publics Elizabeth Demidoff-Avelot Rédacteur en chef Louis Geisler Iconographie et secrétariat de rédaction Julien Roide Conception graphique Twice studio Illustrations Maïté Grandjouan Impression Ott Imprimeurs Magazine imprimé à 15 000 exemplaires Licences Cat. 2 – PLATESV-D-2020-007052 Licences Cat. 3 – PLATESV-D-2020-007055
OnR, le magazine nº15 Septembre/octobre 2021
La Filature 20h La Filature 15h La Sinne 14h La Sinne 11h La Sinne 19h
Temple Saint-Étienne 17h
La Sinne 20h La Sinne 20h La Sinne 20h
Comédie 15h Théâtre 20h Théâtre 20h CCN 10h
Mécènes Supporters Banque CIC Est, R-GDS, Rive Gauche Immobilier Associés Electricité de Strasbourg, ENGIE Direction Institution France et Territoires, Groupe Yannick Kraemer, Humanityssim, Seltz ConstructionsHôtel Cinq Terres Amis Avril, Caisse des dépôts Partenaires Café de l’Opéra, Cave de Turkheim, Champagne Moët et Chandon, Chez Yvonne, Cinéma Vox, Kieffer Traiteur, Les fleurs du bien… Artisan fleuriste, Parcus, Weleda Fidelio Les membres de Fidelio, Association pour le développement de l’OnR
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Partenaires institutionnels BNU-Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, Bibliothèques idéales, Cinéma Odyssée, Espace Django, Festival Musica, GoetheInstitut Strasbourg, Haute école des arts du Rhin, Institut Culturel Italien de Strasbourg, Librairie Kléber, Maillon, Musée Würth France Erstein, Musées de la Ville de Strasbourg, POLE-SUD, CDCN, TNS-Théâtre national de Strasbourg, Université de Strasbourg Partenaires médias 20 Minutes, ARTE Concert, Alsace 20, Canal 32, Coze, DNA – Dernières Nouvelles d’Alsace, France 3 Grand Est, France Bleu Alsace, France Musique, L’Alsace, My Mulhouse, Moselle tv, Or Norme, Pokaa , Radio Accent 4, Radio Judaïca, RTL2, Szenik.eu, Top Music, Vosges tv
Comment s’abonner ou prendre des billets cet été ?
À Strasbourg De nombreuses formules d’abonnement sont disponibles jusqu’au 6 septembre 2021. Souscription des abonnements à la billetterie de l’Opéra. Lundi-vendredi 12h30-18h30. Renseignements au 0825 84 14 84 ou caisse@onr.fr Fermeture de la billetterie du 12 juillet au 22 août inclus (souscriptions par courrier ou sur operanationaldurhin. eu pendant cette période). Ouverture de la billetterie mardi 7 septembre 2021 à 10h. Souscription de certaines formules d’abonnement possible jusqu’à fin septembre dans la limite des places disponibles.
À Mulhouse Souscription des abonnements à la billetterie de La Filature. Mardi-samedi 13h30-18h30 Renseignements au 03 89 36 28 28 ou billetterie@ lafilature.org Fermeture de la billetterie du 24 juillet au 17 août inclus (souscriptions par courrier ou sur operanationaldurhin. eu pendant cette période). Ouverture de la billetterie mardi 31 août 2021 à 13h30 Souscription des abonnements possible jusqu’à fin septembre dans la limite des places disponibles. Toutefois à partir du 31 août le maintien des places fixes ne sera plus possible.
À Colmar Souscription des abonnements à la caisse du Théâtre municipal de Colmar Lundi 14h15-18h Mardi et jeudi 10h-12h et 14h15-18h Mercredi 10h-12h Vendredi 10h-12h et 14h15-18h Renseignements au 03 89 20 29 02 ou reservation.theatre@ colmar.fr Fermeture de la caisse du 14 juillet au 23 août 2021 inclus (souscriptions par courrier ou sur operanationaldurhin.eu pendant cette période). Ouverture de la billetterie mardi 14 septembre 2021 Souscription des abonnements possible jusqu’à fin septembre dans la limite des places disponibles.
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