OnR LeMag #5

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LE MAG

OPÉRA NATIONAL DU RHIN SEPTEMBRE > NOVEMBRE 2018

opéra

il barbiere di siviglia

Gaieté, fougue et passion pour ouvrir la nouvelle saison de l’Opéra national du Rhin avec la nouvelle production du chef-d’œuvre de Gioacchino Rossini. opéra

pelléas et mélisande

Pour le centenaire de Claude Debussy, le plus important compositeur français du siècle dernier, l’Opéra national du Rhin vous propose Pelléas et Mélisande, une œuvre capitale qui a marqué toute la musique depuis sa création en 1902. danse

spectres d’europe

Bruno Bouché, directeur artistique du Ballet de l’Opéra national du Rhin, propose avec Fireflies sa très attendue première chorégraphie pour ses danseurs dans une soirée dont le deuxième volet est la reprise de La table verte de Kurt Jooss. événement

Venez découvrir des univers poétiques multiples avec le spectacle Singing Garden et le concert du Marquis de Sade et participez à des rencontres où le mot d’ordre est le partage des passions. récital

christianne stotijn

Avec The Poet’s Echo, la mezzo-soprano néerlandaise vous emmène sur les pas de poètes mis en musique par des compositeurs anglais et américains.

STRASBOURG • MULHOUSE • COLMAR

prélude !


DÎNER sur

SCÈNE

Savourez un dîner gastronomique et festif, accompagné de nombreuses surprises musicales, sur la scène de l’Opéra, avec les artistes de l’Opéra Studio, des Chœurs et du Ballet de l’Opéra national du Rhin.

Strasbourg Opéra jeudi 23 mai 19 h 30 vendredi 24 mai 19 h 30 samedi 25 mai 19 h 30 Renseignements / Réservations Réservez en ligne : fidelio.onr.fr Direction de la communication et du mécénat +33 (0) 3 68 98 75 34 / 43 • fidelio@onr.fr


édito

SOMMAIRE

Pour terminer en beauté cet été, nous vous proposons de démarrer notre saison avec le sourire aux lèvres et dans une ambiance festive et ouverte à tous.

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La nouvelle production du Barbiere di Siviglia de l’irrésistible Rossini – dans une mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau et sous la direction musicale de Michele Gamba – devrait vous réjouir, avec son ouverture et ses airs qui sont parmi les plus connus de l’histoire de l’opéra. Dans le cadre des différents rendez-vous de notre Prélude ! à la saison 2018-2019, vous aurez l’occasion non seulement d’échanger avec Bruno Bouché et moi-même sur nos passions communes pour la création dans différents lieux « horsles-murs » afin de permettre des rencontres inattendues entre les publics, mais aussi de vous aventurer à la découverte de musiques actuelles pour que notre théâtre résonne d’autres univers artistiques. Ainsi Singing Garden sera une soirée à surprises, dans et devant notre Opéra à Strasbourg où s’associeront musique contemporaine, vidéo, danse et DJ sous la houlette de Philippe Arlaud. Avec le concert exceptionnel du Marquis de Sade, c’est le rock français des années 1980-2000 qui fait son retour pour un événement co-organisé par Musica, Ososphère et l’OnR.

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Au cours des mois d’octobre et de novembre, deux grands événements attireront certainement votre attention. Vous allez tout d’abord découvrir, avec Fireflies, la très attendue première création de Bruno Bouché pour les danseurs qu’il dirige depuis plus de dixhuit mois dans une soirée intitulée Spectres d’Europe. Ce sera ensuite à l’ensorcelant Pelléas et Mélisande de Debussy sous la direction du chef d’orchestre Franck Ollu de vous faire frémir. Des problèmes de sécurité liés au décor de la production que nous avions à cœur de vous faire découvrir nous ont contraints à modifier notre programmation. Nous vous invitons par conséquent à découvrir une autre production de Pelléas et Mélisande, dans la mise en scène du fascinant Barrie Kosky, directeur de la Komische Oper de Berlin, artiste parmi les plus brillants et créatifs de sa génération que nous comptions vous faire découvrir la saison prochaine seulement mais que nous nous réjouissons, compte tenu de ces circonstances imprévues, d’inviter pour ses débuts à l’Opéra national dès cet automne. Un très beau récital de la mezzo-soprano néerlandaise Christianne Stotijn, des midis lyriques avec les chanteurs de l’Opéra studio, des activités pour le jeune public, plusieurs rencontres avec les artistes dans le cadre des « Scènes ouvertes » complètent encore le projet artistique des trois premiers mois de la saison 2018-2019 comme vous allez le découvrir dans les pages qui suivent. Je vous souhaite à tous une superbe saison en notre compagnie. EVA KLEINITZ

Une maison d’opéra dans la cité

Conversation entre Cécile Striebig-Thévenin,

Eva Kleinitz & Bruno Bouché

Prélude !

Une ouverture de saison festive

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Marquis de Sade Entretien avec Philippe Pascal et Frank Darcel Singing Garden Entretien avec Philippe Arlaud

Il barbiere di Siviglia

15 La nuance et la passion Entretien avec Michele Gamba 18 L’emprise des sens Entretien avec Pierre-Emmanuel Rousseau

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Pelléas et Mélisande

23 Flux et reflux, l’intemporelle

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modernité de Debussy Entretien avec Franck Ollu L’implacable mécanique de l’effroi et de l’extase Entretien avec Barrie Kosky

Spectres d’Europe

Pour une poétique des lueurs Entretien avec Bruno Bouché

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Midis lyriques de l’OnR

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Christianne Stotijn

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Vite dit

Récital

40 Calendrier Directrice de la publication Eva Kleinitz Rédacteur en chef Christian Longchamp Directrice de la communication Mélanie Aron Conception graphique la fabrique des regards / Muriel Waerenburgh Iconographie la fabrique des regards / Lise Bruyneel Secrétariat de rédaction Julien Roide Impression Ott Imprimeurs Journal imprimé à 15000 exemplaires Licences 2-1055775 et 3-1055776 ISSN : 2556-5397 Photo couverture : Thomas Jackson, Leaves no. 1, Napanoch, série emergent behavior, New York, 2011



UNE MAISON D’OPÉRA DANS LA CITÉ ENTRETIEN CÉCILE STRIEBIG-THÉVENIN, EVA KLEINITZ & BRUNO BOUCHÉ Propos recueillis à Colmar le 5 juin 2018

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encontre à Colmar entre Cécile Striebig-Thévenin, Présidente de l’OnR, Eva Kleinitz, Directrice générale et Bruno Bouché, Directeur de la danse. Cécile Striebig-Thévenin, adjointe à la culture de la ville de Colmar a pris la présidence de l’OnR le 2 mai dernier. En cette belle matinée ensoleillée, elle accueille Eva Kleinitz et Bruno Bouché à la Mairie de Colmar pour une conversation à trois sur cette magnifique institution qu’est l’OnR, l’importance de la culture dans la société et sur la passion nécessaire à la création des spectacles destinés à tous les publics de Strasbourg, Mulhouse et Colmar.

nières représentations d’Eugène Onéguine et nous nous projetons évidemment vers la prochaine. Il nous a semblé, à Bruno et à moi, qu’il serait intéressant de nous entretenir avec vous, chère Cécile, chère Présidente, et de partager nos échanges avec les lecteurs de notre magazine. Votre rôle et vos responsabilités au cours des prochains mois seront en effet importants, pour nous comme pour tous les collaborateurs de l’OnR, ainsi que pour le public. Que représente cette présidence pour vous ? Cécile Striebig-Thévenin : La présidence de l’OnR est tournante. Elle permet à chacune des trois villes du syndicat intercommunal d’avoir, à tour de rôle, un regard un peu plus appuyé sur la Maison et c’est évidemment un honneur ! E.K. : Bruno et moi avons eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de parler de nos parcours personnels, de la trajectoire qui nous a amenés à la danse et à l’opéra, alors que nos parents n’étaient ni danseurs ni musiciens. Vous avez manifesté, nous l’avons noté depuis nos prises de fonction à l’OnR, un grand amour pour la

culture et l’opéra en particulier. Pouvez-vous nous préciser à quand remonte votre intérêt pour la musique et l’art lyrique ? C.S.-T : Mes parents étaient de grands amateurs de

jazz : Glenn Miller, Dave Brubeck… Ma découverte de l’opéra est venue beaucoup plus tard, au moment de mes études à Strasbourg. J’habitais chez ma marraine, mélomane, et on commençait la journée en écoutant Mozart ou la Callas. Mon oreille s’est formée peu à peu. Je me rappelle aussi, petite, être allée au théâtre de la Sinne avec ma grand-mère qui fut elle aussi, en son temps, présidente de l’Opéra du Rhin et adjointe à la culture de la ville de Mulhouse. E.K. : C’est formidable ! C’est donc une affaire de famille !... C.S.-T. : C’était une grand-mère un peu distante, qui

n’avait pas le goût de la transmission mais lorsque je séjournais chez mes grands-parents à Mulhouse, elle m’emmenait aux concerts auxquels elle se rendait. C’était une initiation un peu en pointillés, discontinue et progressive. Devenue enseignante, j’ai eu envie

<< Présentation de la saison 2018-2019 par Eva Kleinitz et Bruno Bouché dans la salle Bastide de l’Opéra à Strasbourg, le 20 avril 2018. De gauche à droite : Charles Desservy, Directeur du pôle création de la Drac, Cécile Striebig-Thévenin, alors encore vice-présidente de l’OnR, Eva Kleinitz, directrice générale de l’OnR, Bruno Bouché, directeur artistique du Ballet de l’OnR, et Alain Fontanel, président de l’OnR jusqu'au 30 avril 2018. © Klara Beck

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Eva Kleinitz : La première saison s’achève avec les der-


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d’initier mes élèves à la musique. Lorsque les enfants découvrent l’art lyrique, ils sont souvent très étonnés. Cela passe parfois par des rires, car ce sont des voix qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre, mais au bout de quelques semaines, ils arrivent à les associer à des images, à des émotions. Ce fut pour moi l’occasion de leur donner les bases que je n’avais pas reçues plus jeune.

de janvier dernier, m’a aussi impressionnée par son histoire tragique, la beauté de la musique et des décors qui débordaient d’inventivité, ce qui en faisait une production très moderne. B.B. : Y a-t-il un rôle que vous aimeriez incarner, dont vous vous sentez proche ? C.S.-T : Oh, non ! Je garde une certaine distance, parce

E.K. : Il faut préciser en effet que vous n’êtes pas seule-

ment Adjointe à la culture du Maire de Colmar, vous êtes aussi enseignante… C.S.-T : Oui, mais pas à plein temps. Le matin je suis à l’école, et l’après-midi, quand j’ai fini de corriger mes cahiers et de préparer ma classe, je suis en AG, en réunion, en rendez-vous… E.K. : C’est un rythme intense ! Une question difficile

et très personnelle : avez-vous un opéra préféré ? Un personnage qui vous touche tout particulièrement ?

que je ne me sens pas capable d’incarner les rôles interprétés par les chanteurs, ou par les danseurs. Je me rends compte que c’est une telle discipline, un tel travail que, non, je n’aurais pas la prétention d’affirmer que je me sentirais en mesure d’incarner un personnage. Les artistes véhiculent tellement d’émotions sur scène – je pense au ballet Chaplin de Mario Schröder. J’ai été bouleversée par ce spectacle. Cette sensibilité-là est vraiment très difficile à transmettre… Les musiciens, mais plus encore les voix, les grands chœurs, peuvent me tirer des larmes… E.K. : Les danseurs et les chanteurs sont comme des

C.S.-T : Salomé de Richard Strauss dans la mise en scène

d’Olivier Py est une des productions qui m’a le plus marquée. Sans doute à cause de l’histoire, des décors d’un grand esthétisme et très ingénieux, de la mise en scène ambitieuse. Werther de Massenet, au mois

Werther de Jules Massenet, mise en scène de Tatjana Gürbaca © Klara Beck

sportifs de haut niveau. Je compare volontiers une grande chanteuse à Steffi Graff ou à Neymar. Comme pour Ronaldo qui doit marquer son but, le public attend « la » note aiguë. C’est la pression et l’entraînement de toute une vie.


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C.S.-T : En tant que spectateur, on le

comprend très bien pour les danseurs, peut-être un peu moins pour les chanteurs ; et pourtant, c’est une discipline absolument incroyable de sportifs de haut niveau qui permet de créer des émotions extraordinaires et uniques. Tout spectacle vivant provoque une émotion que la télévision ou un enregistrement n’égalera jamais… E.K. : Et toi Bruno, quel est le personnage

qui t’a le plus marqué à l’opéra ?

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B.B : J’ai été bouleversé par notre récente production de Werther. J’avais déjà vu The Heart of My Heart de Gil Carlos Harush © Agathe Poupeney précédemment Jonas Kauffmann dans À vrai dire, il est difficile à ce stade de vraiment faire le le rôle-titre à Paris. Je me suis senti très proche de ce bilan de cette première saison, tellement de choses se sentiment d’absolu auquel je n’avais pas réussi à adhésont passées. Mais quand j’y réfléchis, c’est sans doute rer à travers le personnage du roman de Goethe, Les la création de Gil Carlos Harush The Heart of My Heart Souffrances du jeune Werther, trop romantique pour dans le programme Plus loin l’Europe : Israël que je moi. Mais incarné ici sur le plateau, cela m’a vraiment conserverai comme un grand moment d’intensité et profondément touché. J’ai vraiment pu m’identifier à de risque avec un processus de création qui a vraiment Werther dans sa quête d’absolu… Et toi Eva ? touché et transformé les danseurs. E.K. : C’est toujours évidemment la production d’opéra C.S.-T : J’ai de la difficulté à avoir du recul par rapport aux sur laquelle on est en train de travailler qui me vient derniers spectacles que j’ai vus… Hier soir, par exemple, à l’esprit, je ne peux donc pas ne pas penser à Eugène j’ai découvert Les 7 Péchés Capitaux… Décidément, le Onéguine de Tchaikovski. Mais l’opéra qui depuis dernier spectacle est forcément celui qui reste présent à longtemps occupe une place à part pour moi et qui l’esprit. Ce spectacle était foisonnant, cette proposition est mon véritable opéra préféré, c’est Die Frau ohne alliait musique, chant, danse, théâtre, cabaret, et même Schatten (La Femme sans ombre) de Richard Strauss. sport avec des moments de boxe sur le ring ! C’est une œuvre exceptionnelle. Pour la danse, j’avoue que j’aurais très envie, si vous me permettez de rêver, E.K. : Au terme de cette première saison, si chacun d’être dans un ballet de Sidi Larbi Cherkaoui, qui de nous se trouvait doté à l’instant d’une baguette travaille maintenant non seulement avec des danseurs, magique qui lui permettrait d’agir sur l’avenir de qui doivent chanter et parler, mais aussi avec des l’Opéra national du Rhin, quels seraient vos vœux ? acteurs. Oui, participer, sous sa direction, à l’invention de nouvelles formes serait sans doute merveilleux. C.S.-T : Avec cette baguette magique, sans devoir Revenons à la réalité et à la fin de cette première saison. se soucier de budget, on rénoverait des salles de Bruno, qu’est-ce qui a été le plus marquant pour toi au spectacle pour qu’elles soient confortables, spacieuses, cours des derniers mois ? Est-ce qu’un moment crucial climatisées et on amènerait tout le monde à fréquenter pour le ballet te vient à l’esprit ? au moins une fois l’Opéra avant l’âge adulte ! B.B : Bien que le résultat de Chaplin me réjouisse, tout E.K. : Bruno et moi savions déjà, avant notre arrivée, comme évidemment la réception enthousiaste du puquels étaient les problèmes de vétusté du bâtiment de blic, ce n’est pas ce moment de la saison que je gardel’Opéra de Strasbourg. Mes prédécesseurs ont déjà rai. Il a certes mobilisé beaucoup de travail, d’énergie, beaucoup travaillé le sujet, – cela ne date pas d’hier ! avec la présence de tous les danseurs du Ballet sur le C’est un thème qui a plus de trente ans ! Tout le monde plateau, mais c’était une entrée au répertoire : nous ici est impacté, la programmation, le public, les artistes, savions où nous allions, nous connaissions l’objectif.


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Avec cette baguette magique, sans devoir se soucier de budget, on rénoverait des salles de spectacle pour qu’elles soient confortables, spacieuses, climatisées et on amènerait tout le monde à fréquenter au moins une fois l’Opéra avant l’âge adulte ! – Cécile Striebig-Thévenin

les techniciens, les forces vives de la Maison, et toute notre activité est tributaire et conditionnée par cet avis de non-conformité. C’est un problème majeur auquel nous faisons face. Il n’est plus possible d’attendre, une décision doit être prise. B.B : Je partage totalement l’avis d’Eva. Il est crucial d’agir au plus vite pour l’avenir de cette institution. E.K. : La ville de Colmar a la chance d’accueillir les

jeunes talents de demain, l’Opéra Studio de l’OnR. En tant qu’adjointe à la culture de votre magnifique ville, quel regard portez-vous sur cette présence de jeunes artistes talentueux ? C.S.-T : L’Opéra Studio à Colmar est vraiment un atout,

une chance, une perle représentative de l’OnR. Cela permet de nombreux échanges avec, entre autres, les scolaires. Je parlais tout à l’heure de ce vœu vertueux de faire que chaque enfant puisse assister à un opéra ou à un ballet avant ses 18 ans. Je pense que l’Opéra Studio est un lien indispensable, il permet une proximité précieuse, notamment pour les enseignants. Les Colmariens savent que l’Opéra Studio est sur place, ils sont très attentifs à l’avenir professionnel des jeunes chanteurs. Un lien s’établit avec les habitués qui suivent leur carrière. Ce sont des artistes à valoriser absolument : ils permettent cette vie culturelle ancrée dans notre ville, en lien avec la pédagogie et le monde

enseignant. À Mulhouse, je pense que c’est pareil avec le Ballet. Il a une place privilégiée, et les danseurs ont forcément un lien très particulier avec les Mulhousiens… B.B : Oui bien sûr ! Plus que jamais je suis convaincu que c’est une richesse extraordinaire d’avoir ces trois villes et leurs habitants associés au destin de notre institution. E.K. : Je pense qu’il est important de souligner que nous nous nourrissons de la spécificité de chaque ville. Et notre ancrage dans chacune d’elle est différent. Il arrive que certaines actions se fassent à Mulhouse et jamais à Strasbourg, ou inversement. Des initiatives ne sont proposées qu’à Colmar. Dans un monde idéal, c’est-àdire sans les problèmes de trafic ou les retards des trains, il ne faut une heure pour se rendre de Strasbourg à Colmar, pas beaucoup plus de 20 minutes pour relier Colmar à Mulhouse !

C.S.-T : Nous sommes très gâtés et nous ne nous en ren-

dons pas forcément compte. Quand certains spectateurs à Colmar me demandent pourquoi on ne présente pas tous les opéras dans notre ville, je leur réponds que le théâtre n’est pas dimensionné pour recevoir certains spectacles et que Strasbourg n’est qu’à une heure de route ! Les abonnés colmariens sont conduits en bus aux spectacles à la Filature s’ils le souhaitent ou peuvent se rendre à Mulhouse en voiture en moins d’une demi-heure. Tout est entrepris dans nos 3 villes pour faciliter et encourager l’accès à la culture. Nous proposons une offre culturelle de qualité, d’une grande modernité et d’une grande diversité. On découvre aussi, avec Eva Kleinitz, une programmation totalement différente, une proposition originale, qui ouvre de nouveaux horizons. Avec Bruno, nous sommes entrés dans la modernité. Je nous félicite d’avoir choisi ce duo. Il y a toujours une part d’incertitude et de chance quand un jury se réunit et doit retenir un candidat. On arrive, à la fin de cette première saison, à se dire que nous avons fait un très bon choix. E.K. et B.B : Merci ! E.K. : Avez-vous une curiosité particulière pour l’un des spectacles de la saison prochaine ? C.S.-T : Je suis intriguée – curieuse – de savoir comment

on pourra traiter (sans doute avec modernité ?) La Divi-


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E.K. : Vous parliez des voix tout à l’heure : dans La Divisione del Mondo nous aurons quatre contre-ténors, ce qui est extrêmement rare ! Ce sera un peu une histoire sur trois générations, avec Jupiter le grand-père, Vénus et les autres dieux, les parents et les petits enfants incarnés par de très jeunes chanteurs. B.B : Moi je suis très curieux de Beatrix Cenci que je ne

connais pas, hormis par la pièce d’Antonin Artaud qui est très forte. Le Pavillon d’or m’a fortement marqué et j’ai hâte de découvrir tout ce qui se prépare dans le cadre d’ARSMONDO ARGENTINE. Pas plus tard que ce matin, j’ai parlé avec le chef d’orchestre de Maria de Buenos Aires. Tout se met en place pour ce grand voyage ! C.S.-T : Oui, et ce sera un très beau voyage ! E.K. : La saison prochaine, j’attends avec impatience la

création de Bruno, Fireflies. Les premiers ateliers avec les danseuses ont eu lieu hier et je suis très curieuse du processus de création. Le ballet a maintenant un artiste associé, Daniel Conrod. C’est très intéressant qu’un chorégraphe cherche un artiste associé à la fois écrivain et dramaturge : un homme des mots. C’est un concept nouveau.

B.B : Oui, on est dans des échanges de matériaux, dans

des questions-réponses, mais aussi dans des recherches iconographiques avec des plasticiens. Fireflies (lucioles en anglais) s’inscrit dans le projet d’artiste associé en résidence de Daniel Conrod. Les danseurs peuvent-ils être ces petites zones lumineuses, en tout cas de résistance poétique dans ce monde ? C’est la question qu’on se posera sur plusieurs saisons avec le projet « La vie des lucioles ». C.S.-T : Je suis aussi sensible au fait qu’on aille chercher le public non immédiatement captif, pour lequel il faut développer de nouvelles initiatives, des stratégies. Beaucoup de mini-formats ont été mis en place pour inviter les gens à entrer dans le monde de l’opéra et du ballet. B.B : On imagine développer sur Colmar beaucoup de

projets dans ce domaine qui nous est cher. C.S.-T : Il me tient vraiment à cœur d’aller chercher les

publics jeunes. C’est le sens de mon engagement en politique. Au travers de la culture, on va vers les gens, on essaie de les convaincre, on les écoute, on ne fait pas toujours de miracles, mais en tous cas on essaye ! Je suis heureuse de pouvoir agir, à mon échelle, pour enrichir la vie culturelle de mes concitoyens et répondre à leur envies. E.K. : C’est une très belle manière de terminer notre conversation !

Les 7 péchés capitaux de Kurt Weill / Arnold Schönberg, mise en scène de David Pountney © Klara Beck P. 6 – 7

sione del Mondo, une œuvre du XVIIe siècle ; l’histoire me semble riche de rebondissements, j’ai hâte de voir comment elle sera mise en scène.


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En collaboration avec plusieurs partenaires, l’ouverture de saison de l’Opéra national du Rhin est festive, regorge de surprises, de rencontres avec des imaginaires poétiques singuliers qui font se côtoyer littérature, hiphop, rock, Rossini et musique contemporaine.

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prélude DU 9 SEPTEMBRE AU 18 OCTOBRE 2018

! Un voyage dans la saison Eva Kleinitz, directrice de l’Opéra national du Rhin, et Bruno Bouché, directeur du Ballet, vous invitent à venir découvrir en leur présence la saison 2018/2019 lors d’un rendez-vous chaleureux auquel participeront danseurs, chanteurs de l’Opéra Studio, ainsi que les Chœurs de l’OnR (à Strasbourg).

MULHOUSE La Sinne di 7 octobre 11 h

… sur l’Opéra national du Rhin sans jamais oser le demander... Le Point d’Eau, un nouveau partenaire de l’OnR, invite Eva Kleinitz et Bruno Bouché, pour évoquer librement le fonctionnement au quotidien de notre institution, la programmation, les projets et les envies en compagnie de chanteurs de l’Opéra Studio et de danseurs du Ballet. Entrée libre

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OSTWALD Le Point d’Eau di 30 septembre 15 h

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COLMAR Théâtre je 4 octobre 18 h

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STRASBOURG Opéra di 16 septembre 11 h

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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir…


OPÉRA KEIN LICHT / INTERVIEW

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! Singing Garden

STRASBOURG Opéra ma 25 septembre 20 h je 27 septembre 20 h

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HIP-HOP’ERA Un battle de danse

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Telle une boule magique, ce sont de multiples visages que vous découvrirez lors de cette soirée inclassable qui associe musiques contemporaine et électro, tango revisité, danse et vidéo, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Opéra. Le metteur en scène Philippe Arlaud orchestre ce Singing Garden auquel participent de nombreux artistes d’horizons différents, une forme de fête poétique dans un jardin qui ne sera pas qu’imaginaire… ( » p. 12).

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Un danseur de ballet sur des airs de hip-hop ? Un danseur hip-hop sur des airs d’opéra ? Une arabesque face à une coupole ? L’Espace Django accueille une rencontre inédite entre des danseurs aux styles et aux parcours différents, mais pourtant si proches : le Hip-Hop de la compagnie Illusion Crew et des danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin. Entrée libre

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Malice, fougue et gaieté voici ce que nous offrent Figaro, Almaviva et la belle Rosina avec la nouvelle production du chef-d’œuvre de Gioacchino Rossini. Certains des plus beaux airs de l’histoire de l’opéra, des situations rocambolesques et une énergie virevoltante, le tout emmené par deux jeunes artistes, le chef d’orchestre Michele Gamba et le metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau. N’hésitez pas et prenez un billet direct pour Séville ! ( » p. 14).

AVEC MON COUS(S)IN À L’OPÉRA

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STRASBOURG Opéra du mardi 18 au vendredi 28 septembre

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STRASBOURG Espace Django sa 29 septembre 19 h

Il barbiere di Siviglia

Au cœur de la musique Musique de Rossini et de quelques autres... À la découverte de l’orchestre et du chant au plus près des artistes. Une expérience rare et inoubliable pour les enfants.

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MULHOUSE La Filature dimanche 7 & mardi 9 octobre

Marquis de Sade

Séances scolaires

Orchestre philharmonique de Strasbourg Chanteurs de l’Opéra Studio Direction musicale Corinna Niemeyer

COLMAR Théâtre ma 9 octobre 10 h 30 & 14 h 15

MULHOUSE La SInne ma 16 octobre 10 h 30 & 14 h 15

STRASBOURG Salle Ponnelle je 18 octobre 10 h & 14 h 15

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Mythique formation des années 19802000 au rock sombre et envoutant, le groupe rennais Le Marquis de Sade est de retour à Strasbourg à l’invitation de L’Ososphère, du festival Musica et de l’Opéra national du Rhin pour un unique concert événement dans la salle de l’Opéra ! ( » p. 14).

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STRASBOURG Opéra di 23 septembre 20 h


MARQUIS DE SADE, L’INCROYABLE RETOUR ENTRETIEN PHILIPPE PASCAL & FRANK DARCEL Retrouvez cet entretien avec Éric Genetet dans Or Norme et ornorme.fr

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Vous revenez à Strasbourg, 38 ans après votre dernier concert ici, avez-vous conscience d’avoir bousculé toute une génération ? Philippe Pascal : Depuis un an, oui. C’est très étonnant. Nous n’en avions absolument pas conscience avant. Pour nous, c’était une affaire classée. Peu de groupes se réclament de Marquis de Sade. On n’a pas fait école. Cette longue absence, pour votre public, c’est quasiment du sadisme ! Frank Darcel : C’est surréaliste de remonter sur scène, si longtemps après. Parfois, je regarde le batteur, je me demande si c’est bien nous. Les autres musiciens ont eu des vies en dehors de la musique. Pour eux, on voit bien que c’est comme un matin de Noël.

© Richard Dumas

eformé à l’origine pour un soir, le groupe mythique de la fin des années 1970 Marquis de Sade a finalement accepté quelques rares invitations, dont celle de Musica, l’Ososphère, et l’Opéra national du Rhin. Comme le dit le chanteur Dominique A : « C’est l’histoire d’un geste suspendu. 36 ans après avoir été coupé dans son élan, il a toutefois repris sa trajectoire, sans avoir perdu de sa grâce, ni de sa nécessité », alors que pour Thierry Danet le patron de l’Ososphère, « MDS constitue un projet majeur dans l’histoire des musiques électriques en France ». Rencontre avec Philippe Pascal et Frank Darcel, les deux leaders d’un groupe de légende, avant ce spectacle évènement programmé le 23 septembre à l’Opéra. Philippe, vous n’aviez pas rechanté depuis plus de quinze ans, les premières répétitions vous ont ému aux larmes ! PP : Je me demandais si la musique tenait encore debout. On s’est retrouvés dans une maison un peu glauque de la banlieue de Rennes, on a fait Who Said Why ? Et effectivement, j’étais terriblement ému de constater que cela marchait encore. Vous avez préparé ce concert au Liberté (Rennes) en 2017 en pensant vraiment qu’il serait le seul ? PP : Oui, c’est pour cela que nous avons projeté des vidéos, pour en dire un peu plus que la musique, pour expliquer ce qui nourrissait Marquis de Sade en 1979/1980. Comme la jauge était limitée, on s’autorise quelques concerts supplémentaires, mais ce n’était pas prémédité. On ne s’attendait à rien, on a été surpris de l’engouement que cela a provoqué.


PRÉLUDE ! / MARQUIS DE SADE

quelque chose de personnel. Avant d’être « pour » quelque chose, Marquis de Sade est « contre ». Par principe ? PP : Par principe, oui. Systématiquement. FD : On n’a jamais essayé de copier. Si l’on composait de nouveaux titres, il faudrait essayer de retrouver une fibre personnelle, c’est le plus compliqué, car pour le moment, on joue sur des acquis. Vous pensez à enregistrer un nouvel album ? FD : On y travaille, de loin. PP : Je ferai tout pour, mais il n’y a aucune assurance.

Le soir de votre retour, il y avait un peu de nostalgie ? PP : C’était une espèce de messe, mais on n’était pas dans la recréation d’un monde perdu. FD : C’est comme si l’on retrouvait une vieille voiture. On enlève la capote, on monte dedans et on constate qu’elle roule encore. PP : Et elle ronronne mieux que jamais. Marquis de Sade était et est redevenu une machine de guerre qui prend le public à bras le corps, et qui essaye d’imposer ses morceaux bizarrement arrangés.

Pendant votre vie, que représentait Marquis de Sade ? Un fardeau, un beau souvenir, c’était quoi ? FD : Cela dépendait des moments. Pendant les années 80, on sentait qu’il y avait pas mal de regrets, chez nous aussi sans doute. Dans les années 90, le groupe a disparu, les jeunes musiciens n’en avaient rien à faire. PP : Même si notre ombre était envahissante. FD : Oui, mais on parlait moins de nous, on n’était plus d’actualité comme dans les années 80. À un moment, on oublie aussi… Au point de s’oublier soi-même ? PP : Oui. Tout à fait. Vraiment ?

Oui, car vous n’avez jamais rien fait comme les autres, musicalement ! PP : Cela ne sert à rien de répéter en moins bien ce que font les autres, nous avons toujours essayé de faire

DISCOGRAPHIE

PP : Avec une volonté délibérée de s’oublier, d’oublier

une partie de soi, et d’oublier cette période. FD : Et là, du coup, avec ce retour inattendu, c’est rede-

venu valorisant de repenser à tout ce que l’on a fait.

MARQUIS DE SADE STRASBOURG Opéra di 23 septembre 20h

1981 : RUE DE SIAM (EMI)

2017 : 16/09/17 (LADTK)

PRIX : 35 €

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1979 : DANTZIG TWIST (EMI)


SINGING GARDEN, LE JARDIN EXTRAORDINAIRE ENTRETIEN PHILIPPE ARLAUD Par Hervé Lévy

© plainpicture / amanaimages / IDC

É

vénement protéiforme se déroulant dans l’Opéra et sur la place Broglie – organisé dans le cadre du Festival Musica, en partenariat avec L’Ososphère –, Singing Garden mêle répertoire contemporain, tango revisité et musiques électro, rassemblant danseurs du Ballet, chanteurs des Chœurs et de l’Opéra Studio, membres de l’Ensemble Linea, DJs… Maître de cérémonie de cette soirée inclassable, Philippe Arlaud (mise en espace, éclairages et projections vidéo) est un complice de longue date de l’Opéra national du Rhin, où il a notamment déjà monté Der fliegende Holländer, Tristan und Isolde et Un ballo in maschera.

Comment décrire l’esprit irriguant ce surprenant Singing Garden ? C’est une idée qui a germé l’été dernier, au cours d’une conversation avec Eva Kleinitz, la directrice de l’Opéra national du Rhin, celle d’une fête de rentrée permettant de faire bouger les lignes, de retourner l’opéra comme un gant en proposant une soirée en deux parties – dedans et dehors – et en mixant les genres et les publics. Elle commence de manière traditionnelle pour se poursuivre à l’extérieur avec une after, illustrant à la fois l’ouverture de l’Opéra sur la ville et la porosité entre les différents genres musicaux. Ce Singing Garden débute avec la création française de l’œuvre éponyme de Toshio Hosokawa, véritable jardin japonais sonore… Le décor d’Il barbiere di Siviglia sera légèrement reculé, l’orchestre placé devant un cyclo : pour cette œuvre,

comme pour les deux suivantes (signées Unsuk Chin et Francisco Alvarado), j’ai souhaité des interventions discrètes, choisissant de travailler la lumière, de la ciseler. Pour la création mondiale de la pièce pour contrebasse et ensemble de Francisco Alvarado, j’ai simplement le désir que des danseurs reprennent, comme dans un théâtre d’ombres, les gestes du musicien qui forment une fascinante chorégraphie. Arrive Manifesto de David Lang : l’œuvre marquet-elle une rupture dans la soirée, passant d’un mode contemplatif à une véritable narration ? D’une certaine manière, oui. Un tulle tombe, une pluie d’enveloppes s’abat sur la scène dans le même temps. Les chanteurs d’un chœur d’hommes en ouvrent certaines. Elles contiennent des phrases simples, les rêves un peu désespérés de types qu’on sent terriblement seuls, imaginant une femme fidèle, une femme qui rirait à


PRÉLUDE ! / SINGING GARDEN

leurs plaisanteries, etc. etc. Ce sont des messages trouvés sur Internet, à la fois drôles et tragiques. Pas étonnant que David Lang ait composé la BO de Youth de Paolo Sorrentino ! Seront ensuite assemblés des extraits de Rhondda Rips It Up! d’Elena Langer créé au Welsh National Opera, il y a quelques mois : y retrouve-t-on l’essence de cette œuvre célébrant les suffragettes et le centième anniversaire du droit de vote des femmes au Royaume-Uni et en Irlande ? Ce sont uniquement des fragments qui ne permettent pas réellement de raconter une histoire : j’ai voulu retourner la situation dans une pochade en forme de clin d’œil, montrant des hommes fuyant comme une nuée de moineaux, des hommes du XXIe siècle, penauds, qui ne savent plus dans quel sens il faut aller, ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Sur scène, ils se retrouvent démunis, paumés en marcel, slip kangourou et chaussettes, au milieu des femmes.

Que vont-ils y découvrir ? Un immense jardin ! Jusqu’à l’obélisque, l’espace urbain sera recouvert de gazon. Nous nous servirons également des arbres de la place – auxquels seront adjointes d’autres plantes – pour créer un rideau végétal. Ce sera un pique-nique géant, où les spectateurs pourront boire et manger, se coucher sur l’herbe, regarder les danseurs évoluant sur une plate-forme posée sur les escaliers (mais aussi parmi le public), danser et écouter les DJs placés de part et d’autre de la colonnade où se déploieront des vidéos. Qu’allez-vous projeter ? Je travaille sur la mémoire de la place, ressuscitant en vidéo le Vater Rhein : fontaine aujourd’hui installée à Munich (elle a été échangée en 1929 avec le Meiselocker posé place Saint-Étienne, NDLR), elle choquait les Strasbourgeois sortant de l’Opéra, puisque cette allégorie du fleuve leur montrait ses fesses ! On le retrouvera dansant le tango, faisant écho aux danseurs du Ballet filmés puis, au fil de la soirée, les images glisseront vers l’abstraction. Quel est le substrat musical de cette after en extérieur ? Nous sommes partis de l’Argentine, pays auquel sera consacré la seconde édition du FESTIVAL ARSMONDO en 2019, proposant une variation sur le tango, mais un tango aux résonances contemporaines comme celui du groupe Gotan Project. Il s’agit d’une navigation passant par le tango afro – renouant avec les origines du genre – pour évoluer vers un tango électro, puis se métamorphosant en une électro débridée avec les DJs.

SINGING GARDEN PREMIÈRE PARTIE :

Toshio Hosokawa, Singing Garden, 2002 [Création française] Unsuk Chin, Akrostichon – Wortspiel, 1991 - 93 Francisco Alvarado, pièce pour contrebasse et ensemble [Création mondiale ] Elena Langer, extraits de Rhondda Rips It Up!, 2018  [ Création francaise ] David Lang, Manifesto, 2015 DEUXIÈME PARTIE :

Danseurs du Ballet de l’OnR / DJ / jeunes chorégraphes Dans le cadre du festival Musica, en partenariat avec L’Ososphère Direction musicale Claire Levacher Mise en espace, éclairages, projections Philippe Arlaud Costumes Andrea Uhmann Direction des Chœurs Sandrine Abello Opéra Studio Vincent Monteil Chant (Unsuk Chin) Yeree Suh Chant (Elena Langer) Claire Péron *, Anaïs Yvoz * * Solistes de l’Opéra Studio Chœurs de l’OnR Ballet de l’OnR Ensemble LINEA

STRASBOURG Opéra ma 25 septembre 20h je 27 septembre 20h PRIX : 25 € (tarif jeune -26 : 8 €) P. 12 – 13

La seconde partie de la soirée se déroule dehors : par quel moyen avez-vous assuré la sortie du public et la transition entre les deux espaces ? J’ai choisi d’utiliser l’accordéoniste présent dans Rhondda Rips It Up! : à l’image du célère joueur de flûte de Hamelin des frères Grimm, il va entraîner en musique les spectateurs sur la place Broglie.


© plainpicture plainpicture/Distinctimage/Julie / Mark Owen de Waroquier

LES INVITÉS

il barbiere di siviglia


IL BARBIERE DI SIVIGLIA / GIOACCHINO ROSSINI Commedia en deux actes Livret de Cesare Sterbini / Créé le 20 février 1816 au Teatro Argentino de Rome

LA NUANCE ET LA PASSION ENTRETIEN MICHELE GAMBA, CHEF D’ORCHESTRE Par Stéphane Lelièvre

A

ncien élève d’Antonio Pappano et Daniel Barenmoin, Michele Gamba est un jeune chef italien parmi les plus doués de sa génération. Ses engagements récents à Milan, Rome, Berlin ou Stuttgart n’ont fait qu’accroître l’intérêt pour sa direction sensible et précise. Avec la nouvelle production du chef-d’œuvre de Rossini, il fait ses débuts à l’Opéra national du Rhin à la tête de l’Orchestre symphonique de Mulhouse.

comporte. La spécialisation vient après la maîtrise d’un socle de connaissances que tout musicien doit posséder. Vous avez été l’assistant de différents chefs. Qu’est-ce que le fait de fréquenter les grands chefs d’orchestre au plus près de leur travail vous a apporté, par rapport à une formation académique ? L’un des chefs qui m’ont le plus apporté est sans aucun doute Daniel Barenboim, précisément pour son approche globale des choses : qu’il soit un musicien génial, chacun le sait. J’ai bien sûr beaucoup appris à ses côtés sur un plan technique, mais pas seulement. Le voir répéter avec un orchestre est une chose extraordinaire, parce que ses compétences s’étendent à chaque instrument, dont il semble connaître toutes les particularités, toutes les richesses qu’il recèle. Mais au-delà de la pure technique, le plus passionnant est de voir comment il parvient à faire partager, à communiquer une idée, une conception de la musique, qui est aussi finalement une vision du monde. La musique n’est pas un à-côté de la vie, elle en fait partie intégrante. Et Daniel Barenboim m’a d’ailleurs affirmé plus d’une fois avoir énormément appris de la vie par la musique. C’est sans doute la leçon la plus précieuse qu’il m’ait donnée : la nécessité d’inscrire la P. 14 – 15

Vous avez eu une formation très complète et très diversifiée  : vous avez étudié la philosophie, la composition, le piano, la musique de chambre, le lied… En quoi est-ce intéressant, pour un chef d’orchestre, d’avoir pu bénéficier d’une formation à ce point variée, et même pluridisciplinaire ? C’est plus qu’intéressant, c’est essentiel : j’ai effectivement cette chance d’avoir pu travailler plusieurs disciplines, mais aussi, au sein même du monde musical, d’avoir bénéficié d’une formation extrêmement complète. Il me semble que c’est indispensable pour un chef d’orchestre, mais n’est-ce pas le cas pour tous les musiciens ? Tout comme un chef ne saurait concentrer toute son attention sur la seule virtuosité de la baguette, un vrai pianiste ne saurait se confondre avec un simple « athlète du clavier » ! Connaître l’art de la composition, en particulier, permet de mieux appréhender une partition. En réalité, tout a son importance et peut s’avérer utile : savoir comment est construite telle symphonie, connaître « la grammaire » de la musique, avoir des connaissances sur l’art de l’orchestration… Mon rêve serait de savoir jouer de tous les instruments. Hélas, je ne joue que du piano ! Le plus important me semble-t-il, avant d’être pianiste, chef d’orchestre, chanteur, c’est d’être véritablement musicien, dans toutes les dimensions que ce terme


OPÉRA IL BARBIERE DI SIVIGLIA / MICHELE GAMBA

musique dans le monde qui nous entoure, et dans une conception nécessairement humaniste de ce monde. Votre répertoire est très éclectique : Rossini, Mozart, Tchaïkovski, Verdi, Bellini, Giordano etc. Souhaitezvous conserver cet éclectisme, ou aimeriez-vous vous spécialiser dans un type de répertoire ? Il est pour moi très important de rester éclectique. Il y a bien sûr des collègues musiciens et/ou musicologues qui travaillent sur les spécificités de tel ou tel répertoire et l’interprétation qu’on doit en faire, et nous nous

Vous parlez remarquablement le français, et vous avez plusieurs fois dirigé en France. Y a-t-il des liens particuliers qui vous attachent à ce pays ? J’ai toujours aimé la France et j’aurais d’ailleurs aimé étudier en France. Je suis heureux, en tant qu’Italien, de me sentir un peu votre « cousin » ! J’ai beaucoup d’admiration pour la culture et la musique françaises. Tout serait à citer : les mélodies de Fauré ou de Ravel, les œuvres symphoniques de Debussy, la musique de Boulez, la variété classique, sans parler de votre art culinaire… Il me semble que l’écriture vocale et orchestrale des compositeurs français, dans sa spécificité, constitue une vraie réponse, très pertinente, à l’écriture musicale allemande. Ne serait-ce que pour cela, elle mérite toute notre attention. J’ai déjà dirigé le répertoire symphonique de Ravel ou Debussy, le concerto pour violon de Dutilleux, celui pour violoncelle… J’ai également beaucoup aimé diriger Les Pêcheurs de perles. Mais il y a encore tant de belles œuvres qui me séduisent : la musique formidable de Chabrier, Rameau et ses Boréades,… J’espère que l’avenir me permettra d’aborder ce magnifique répertoire !

Les difficultés de cet opéra résident moins dans l’exécution de telle ou telle page que dans la recherche d’un équilibre très délicat (...) Trop de lenteur entraîne une lourdeur hors de propos; mais trop de vitesse, de précipitation, et tout semble s’autodétruire ! Tout est affaire de précision et d’exactitude : c’est à se demander en fait si Rossini n’est pas finalement plus suisse qu’italien !

devons de prendre en compte leurs recherches pour notre propre interprétation. Mais ces indispensables connaissances historiques, philologiques, ne doivent pas conduire à une forme de « fanatisme » : il est important pour moi d’inscrire ces connaissances dans une vision de la musique et de l’art plus complète, et je suis personnellement très heureux de pouvoir passer de Mozart à Rossini, Wagner, Schönberg ou Berio !

De Rossini, vous avez déjà dirigé Armida, qui est un opera seria et L’occasione fa il ladro, qui est une farce, une « burletta per musica ». La différence serio/buffo, chez un même compositeur, influe-telle sur votre façon de diriger ? Les opere serie et les opere buffe nécessit ent p our moi deux approches totalement différentes. Les opere serie, tels Armida ou plus tard Otello, présentent une gravité, des couleurs tout à fait spécifiques. En travaillant Armida, j’ai découvert une écriture quasi avant-gardiste, avec certaines pages extrêmement difficiles à interpréter. Dans les ouvrages sérieux, on a plus d’une fois l’impression que Rossini cherche à reculer les limites de son écriture et à ouvrir de nouvelles voies, expéri-menter, faire des propositions novatrices. Les difficultés propres au Barbiere (et au Rossini buffo en général) sont d’un autre ordre : elles


OPÉRA IL BARBIERE DI SIVIGLIA / MICHELE GAMBA

Travailler à l’opéra, plus que dans toute autre forme d’art, c’est travailler en équipe. Oui, rien ne se fait sans discussions, concertations, échanges de point de vue. Prenons la question de l’orne-mentation par exemple : l’équipe réunie pour les représentations de l’Opéra national du Rhin est très jeune. Aujourd’hui, les jeunes chanteurs arrivent en général avec un niveau de préparation remarquable, et je suis ravi d’entendre leurs propositions pour les variations. J’arrive bien sûr avec mes propres idées, mes propres conceptions, mes choix de tempi, mais tout se construit collectivement, sur la base d’une confiance mutuelle. Je ne souhaite pas imposer quoi que ce soit, il faut que tout soit le fruit d’un travail d’équipe afin que chacun y trouve son compte et se sente bien dans les choix finalement arrêtés. C’est particulièrement important lorsqu’on interprète Rossini, si exigeant, si difficile à chanter !

Il est aussi indispensable pour moi de confronter ma vision de l’œuvre avec celle du metteur en scène. Il faut bien sûr évoquer certains points pratiques : ce qui est trop difficile à effectuer pour un chanteur, en termes de distance par rapport à la fosse, par exemple. Mais le plus important réside dans notre lecture de l’œuvre et notre façon de la traduire, moi en musique, lui en images. Prenons par exemple l’aspect buffo du Barbier : il faut réfléchir ensemble à cette notion de comique, savoir jusqu’où on peut aller pour rester dans le buffo sans verser dans le ridicule. Il faut aussi trouver un équilibre entre le rythme qui est celui de la musique et le rythme du spectacle théâtral : sur ce plan-là, PierreEmmanuel Rousseau est un partenaire très appréciable, dans la mesure où il est non seulement mélomane mais aussi musicien : il lit et surtout il comprend parfaitement la musique ; tout se fait sur le plateau par rapport à, ou en tenant compte de la musique. C’est assez rare, et extrêmement précieux ! P. 16 – 17

résident moins dans l’exécution de telle ou telle page que dans la recherche d’un équilibre très délicat. Prenons par exemple le final du premier acte : la clé de sa réussite réside dans le fait de trouver la formule qui permettra de doser, de trouver les quantités exactes – que ce soit au niveau des tempi, des dynamiques… – pour construire efficacement le climax. Trop de lenteur entraîne une lourdeur hors de propos ; mais trop de vitesse, de précipitation, et tout semble s’autodétruire ! Tout est affaire de précision et d’exactitude : c’est à se demander en fait si Rossini n’est pas finalement plus suisse qu’italien ! D’une manière générale, quel que soit l’opéra qu’on dirige à la scène, il faut être attentif au côté humain et physiquement possible des choses. Il ne faut pas prendre systématiquement pour références les enregistrements réalisés en studio, qui donnent à entendre des performances pas toujours réalisables au théâtre, en raison des contraintes de la scène. Il faut composer avec la mise en scène, les interprètes dont on dispose, trouver le tempo qui sera à la fois confortable pour les artistes et fidèle à l’action dramatique véhiculée par les mots et la musique. Il est également indispensable d’accorder une grande importance aux nuances, apportées tant par la musique que par les mots. L’attention aux mots est d’ailleurs essentielle, et sur ce point, la fréquentation du lied ou de la mélodie constitue une aide très précieuse. L’approche de la musique chantée par le texte, qu’il soit français, allemand ou italien est la même : ce n’est pas parce qu’on travaille le répertoire italien ou qu’on chante Rossini que l’attention aux mots doit être moindre.

© D.R.


L’EMPRISE DES SENS ENTRETIEN PIERRE-EMMANUEL ROUSSEAU, METTEUR EN SCÈNE Par Stéphane Lelièvre

© Charlotte Rousseau

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our son adaptation à l’opéra de la comédie de Beaumarchais, le jeune Gioacchino Rossini a conçu une composition géniale qui place Il barbiere di Siviglia, depuis sa création en 1816, parmi les œuvres les plus connues du répertoire et les plus appréciées par le public. Afin que s’associent au mieux toutes les pièces de ce modèle de précision où dialoguent humour, amour et vaudeville, Pierre-Emmanuel Rousseau fait appel à tous ses talents, lui qui se charge non seulement de la mise en scène, mais aussi des décors et des costumes de ses spectacles.

Avec Il barbiere di Siviglia, vous mettez en scène une œuvre tirée d’un classique de la littérature française. Comment abordez-vous un opéra avant de le travailler ? Par le biais du texte ou de la musique ? La musique, sans hésitation. Souvent à l’opéra le texte n’est qu’un prétexte, le vrai message est véhiculé par la musique, et c’est elle notamment qui caractérise les personnages. J’écoute l’œuvre, énormément, c’est une véritable immersion ! Ensuite, mon travail devient essentiellement visuel ; le texte ne vient qu’après. Ma démarche est donc plus sensitive qu’intellectuelle. Mais c’est tout à fait personnel, plusieurs de mes collègues, a contrario, lisent beaucoup : le livret, les textes sources, des documents sur la genèse de l’œuvre, etc. Je les lis également, bien sûr, mais je m’aperçois qu’il s’agit pour moi plus d’un plaisir personnel et intellectuel que d’une démarche qui aura un impact réel sur ma mise en scène. De tous les documents que je peux consulter, ceux qui me sont vraiment utiles sont les sources littéraires des livrets quand elles existent : très souvent, les librettistes doivent simplifier les choses, et les textes originaux peuvent comporter des clés de lecture : tel passage, supprimé dans le livret, fait le lien entre deux éléments de l’action ; telle réplique

de Figaro nous le montre bien plus corrosif, vindicatif que dans le livret de Sterbini,… Le message social ou politique est plus fort chez Beaumarchais, et je souhaite en garder quelque chose dans ma mise en scène. Almaviva n’est pas qu’un bellâtre amoureux. Le Comte agit avec un sentiment de totale impunité, et semble prêt à dire à tout moment : « Je peux faire ce que je veux, c’est mon droit ! ». Son pendant actuel pourrait être un héritier de grande fortune, complètement oisif et faisant des paris ou se jetant des défis (« Cette femme m’appartiendra ! ») par pur désœuvrement. Il ne faut pas oublier ce que deviendra le Comte dans Le Mariage de Figaro ! Quant à Figaro, il s’inscrit dans la grande lignée des Sganarelle et autres valets de Molière, tout en étant plus subversif encore, et plus libre : il n’a pas d’attaches, il monnaie son histoire… Une comparaison avec le Leporello de Don Giovanni tourne vite à son avantage : en tant que meneur de jeu, il est en permanence en avance sur les autres personnages, et est surtout totalement libre. Il peut à tout moment arrêter de tirer les ficelles de l’action s’il le souhaite, et abandonner les personnages à leur sort. C’est sans doute ce côté extrêmement libre qui a dû paraître si subversif aux spectateurs de 1775, lors de la création de la pièce…


OPÉRA IL BARBIERE DI SIVIGLIA / PIERRE-EMMANUEL ROUSSEAU

Vous réaliserez, comme à votre habitude, les décors et les costumes du spectacle. Est-ce important pour vous ? J’aime avoir une vision holistique du métier : j’ai besoin de créer mon espace, de savoir précisément et dès le début ce que m’apportera cette perspective faussée, la présence de telle porte, tel plan incliné… De la même façon, mes costumes sont toujours signifiants, jusque dans leurs détails. Un exemple pour Il Barbiere : la soie du fond de jupe de Rosina est carmin, tout comme la veste d’Almaviva, ou encore les boutons de sa soutane lorsqu’il revient déguisé pour la leçon de musique. Les costumes et les décors participent pleinement de la narration. J’aurais du mal à arriver dans un espace que je n’ai pas pensé, créé, pour y régler simplement la direction d’acteurs. J’essaie de proposer un univers complet dont chaque élément contribue à la construction d’un tout cohérent. Peutêtre est-ce orgueilleux de ma part ? C’est en tout cas plus facile et plus rassurant pour moi, sauf à trouver un jour un collègue avec qui l’entente artistique serait parfaite ! Mon Barbiere sera bien ancré dans l’Espagne

du XVIIIe siècle et respectera, dans un premier temps du moins, certains codes classiques et plus ou moins attendus… pour mieux s’en affranchir par la suite. J’aime assez cette idée de la subversion dans le classique ! Le décor sera unique : nous sommes dans un palais dont le premier étage s’est effondré, Rosina est enfermée au rez-de-chaussée. Pour y accéder, il faut franchir nombre de grilles et d’obstacles divers… J’ai souhaité réaliser un espace très clos, fermé sur lui-même, pour mettre en relief le véritable emprisonnement subi par Rosina. Certains éléments du décor, certains accessoires viennent bien sûr apporter des ouvertures sur l’extérieur et une forme de respiration au spectacle : les fenêtres, un paravent, un bassin empli d’eau auprès duquel se trouve Rosina pendant son air… La décrépitude du palais de Bartolo peut quant à elle être mise en perspective avec l’effondrement de ses certitudes et de son propre univers.

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Mon Barbiere sera bien ancré dans l’Espagne du XVIIIe siècle et respectera, dans un premier temps du moins, certains codes classiques et plus ou moins attendus... pour mieux s’en affranchir par la suite. J’aime assez cette idée de la subversion dans le classique !


OPÉRA IL BARBIERE DI SIVIGLIA / PIERRE-EMMANUEL ROUSSEAU

Une fois vos conceptions de l’œuvre et de sa mise en scène arrêtées, comment travaillez-vous avec les artistes ? C’est sur le plateau que tout se joue, et lorsque je travaille sur une production, j’ai énormément de mal à quitter le théâtre. J’y passe mes journées… Se confronter au plateau, c’est collaborer avec tous les acteurs du spectacle : pas seulement les interprètes, mais aussi les éclairagistes, les machinistes, les accessoiristes…

toutes les répétitions, y compris celles des scènes dans lesquelles ils n’interviennent pas. Un exemple parmi d’autres : que fait Rosina dans sa chambre avant le « Una voce poco fa » ? Qu’entend-elle de ce qui se passe dans la rue ? de la dispute du Comte avec le chœur ? du duo avec Figaro ? Ce sont des points importants en ceci qu’ils vont en partie conditionner son apparence, sa physionomie lors de son entrée en scène. Et on ne peut en discuter efficacement que si l’interprète assiste aux répétions des premières scènes ! Cette façon de travailler est également indispensable pour que les personnages secondaires prennent une réelle épaisseur, pour qu’on puisse raconter leur histoire, rendre compte de leur vécu. Berta ne doit pas donner l’impression de n’être là que pour faire quelques apparitions sporadiques et chanter son air du dernier acte !

J’assiste à toutes les répétitions musicales. Les premières sont particulièrement importantes: elles permettent de découvrir les chanteurs, leur personnalité, leurs forces, leurs fragilités. Je souhaite également que les chanteurs assistent à toutes les répétitions, y compris celles des scènes dans lesquelles ils n’interviennent pas.

Je crois par-dessus tout au travail d’équipe, particulièrement pour les œuvres comiques qui mettent en œuvre une mécanique implacable, à laquelle chacun apporte une pièce. Sur ce plan, le rôle d’un machiniste peut être tout aussi important que celui du chanteur : dans une scénographie un peu complexe, comportant des changements par exemple, ceux-ci doivent être musicaux, c’est-à-dire correspondre au temps musical. Un dysfonctionnement à ce niveau serait fatal à la réussite de la scène ! De même, le travail avec les musiciens commence très tôt. L’une des particularités de l’opéra réside dans sa direction nécessairement bicéphale. Comme dans L’Aigle à deux têtes de Cocteau, s’il manque une tête, l’autre meurt. J’assiste à toutes les répétitions musicales. Les premières sont particulièrement importantes : elles permettent de découvrir les chanteurs, leur personnalité, leurs forces, leurs fragilités. Je souhaite également que les chanteurs assistent à

Pour ce Barbier, vous allez collaborer avec une équipe de jeunes chanteurs. Travaille-ton différemment avec de jeunes interprètes et des chanteurs chevronnés ? On peut rencontrer des personnalités agréables, faciles, difficiles chez les uns comme chez les autres. Il peut en revanche s’avérer plus difficile pour un interprète familier d’un rôle de le faire adhérer à votre vision du personnage, s’il a pris l’habitude d’en proposer une tout autre conception. Ainsi pour un Don Pasquale sur lequel j’ai travaillé récemment, il n’a pas été simple pour l’interprète du rôle-titre de faire apparaître la dimension touchante du personnage, à laquelle je tenais absolument : il était trop habitué à n’en livrer qu’une interprétation exclusivement bouffe. Même si les situations de Bartolo et de Don Pasquale présentent évidemment des similitudes, les personnages ne sont pas superposables. Alors que Bartolo est foncièrement cynique, Don Pasquale est un naïf, qui ne comprend pas ce qui se passe et reste persuadé que Sofronia l’aime… Une des clés de la réussite d’un spectacle réside dans le fait, pour les chanteurs, d’accepter ou non d’entrer dans l’univers que propose le metteur en scène. Vous êtes également metteur en scène de théâtre, et vous avez même commencé par travailler essentiellement le théâtre parlé. Le théâtre chanté apporte-til une difficulté, des contraintes supplémentaires au metteur en scène ?


OPÉRA IL BARBIERE DI SIVIGLIA / PIERRE-EMMANUEL ROUSSEAU

SYNOPSIS Dans la chaleur de Séville, le comte Almaviva, sous différentes identités, cherche à s’approcher au plus près de la belle Rosina que son tuteur, le docteur en médecine Bartolo, enferme, surveille, épie, en tenant tout homme à distance car il n’a qu’une idée en tête : l’épouser au plus vite. L’inattendue apparition de Figaro, jeune homme audacieux et plein d’esprit, barbier de Bartolo, est une aubaine pour Almaviva. Ensemble ils envisagent les plans les plus audacieux pour convaincre Rosina de s’éloigner de son étouffant tuteur et lui permettre de vivre librement une passion amoureuse avec Almaviva lequel, depuis qu’il l’a aperçue à Madrid, en est littéralement obsédé. Leur dialogue amoureux est né sous le balcon de Rosina lorsqu’Almaviva, déguisé en jeune musicien désargenté, lui a chanté une sérénade qui a fait mouche. Immédiatement la jeune femme a cherché à lui répondre favorablement mais, surprise par Bartolo, son attitude a nourri la jalousie extrême du docteur acariâtre. Sous les traits d’un soldat ivre ensuite, Almaviva pénètre dans le palais de Bartolo, y crée une grande confusion et réussit, avant de se faire expulser, à échanger quelques mots avec la jeune femme : assurément les deux sont amoureux, la machination contre Bartolo doit continuer. Elle se poursuit sur un rythme endiablé. Secrets et révélations, surprises et quiproquos se succèdent jusqu’à ce que face au notaire corrompu, Basilio, Figaro prétende que Rosina est sa nièce et qu’il tient à la marier au comte Almaviva. Bartolo arrive trop tard, accepte finalement de voir sa pupille lui échapper et bénit à contre-cœur cette union.

***

IL BARBIERE DI SIVIGLIA GIOACCHINO ROSSINI [ NOUVELLE PRODUCTION ] Coproduction avec l’Opéra de Rouen - Normandie

Direction musicale Michele Gamba Mise en scène, décors, costumes Pierre-Emmanuel Rousseau Lumières Gilles Gentner Le comte Almaviva Ioan Hotea Figaro Leon Kosavic Rosina Marina Viotti Bartolo Carlo Lepore Basilio Leonardo Galeazzi Berta Marta Bauzà Fiorello Igor Mostovoi Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse En langue italienne, surtitrage en français et en allemand

STRASBOURG

MULHOUSE

Opéra

La Filature

ma 18 septembre 20 h je 20 septembre 20   h sa 22 septembre 20 h lu 24 septembre 20   h me 26 septembre 20   h ve 28 septembre 20 h

di 7 octobre 15  h ma 9 octobre 20   h

PRIX : de 6 à 90 €

SCÈNES ES OUVERT

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation Rencontre au Club de la presse avec l’équipe artistique lu 17 septembre 18 h Entrée libre P. 20 – 21

Des contraintes, certainement, mais je les vis plus comme une facilité : une fois que l’on a accepté le timing musical imposé par la musique, les choses peuvent se mettre en place. Au théâtre, c’est le metteur en scène qui crée son timing, et c’est une sensation qui peut être vertigineuse. Le timing musical, à l’opéra, peut parfois paraître non naturel. Mais c’est ce qui est stimulant, et à vrai dire, très beau : comment raconter une histoire, comment renouer avec une forme de vérité par le biais d’un medium complètement artificiel ? Cette vérité est essentiellement d’ordre émotionnel et non intellectuel : on pleure à l’opéra parce qu’on touche directement au sensible. Il est infiniment plus rare de pleurer au théâtre : la langue seule, si elle peut être vectrice d’émotions, induit tout de même avant tout une dimension réflexive et intellectualisante. La musique touche au domaine de l’inconscient et de l’émotion. C’est sans doute pour cela que tous, nous avons un besoin vital de musique, quelle qu’elle soit.


© Marie plainpicture/Distinctimage/Julie Leroux / Millennium ImagesdeUKWaroquier

LES INVITÉS

pelléas et mélisande


PELLÉAS ET MÉLISANDE / CLAUDE DEBUSSY Drame lyrique en cinq actes Livret de Maurice Maeterlinck / Créé le 30 avril 1902 à l’Opéra Comique à Paris

FLUX ET REFLUX, L’INTEMPORELLE MODERNITÉ DE DEBUSSY ENTRETIEN FRANCK OLLU, CHEF D’ORCHESTRE Entretien conduit par Mathieu Schneider

L

orsque le chef d’orchestre André Messager créa en 1902 Pelléas et Mélisande, le premier et unique opéra de Claude Debussy, les critiques ne manquèrent pas de fuser, à commencer par celles des musiciens qui voyaient la marque d’une évidente décadence. Le public, lui, fut plus modéré, peut-être séduit par la sensualité de l’œuvre et fasciné par un nouveau type de déclamation. Entre théâtre et opéra, entre tradition et modernité, Pelléas reste, de nos jours encore, inclassable. Franck Ollu, qui dirigera l’Orchestre philharmonique de Strasbourg à l’Opéra national du Rhin, nous donne son avis sur cet ouvrage singulier. livret (la fontaine, les cheveux, la forêt, la mer…) sont autant d’éléments qui renvoient à des représentations collectives et personnelles que Debussy met en mouvement dans sa musique. Toutes ces images musicales suggérées par le texte sont ce qui fait le miracle de l’œuvre. Sur quoi repose cette prosodie si particulière à Debussy ? La prosodie chez Debussy cherche d’abord ce que j’appellerais la « tonalité de la langue », c’est-à-dire à tenir compte de ses caractéristiques musicales. Le français est une langue qui, contrairement à l’allemand ou à l’italien, n’a ni accent tonique marqué, ni saut mélodique appuyé. Elle ne dessine pas de mélodie au sens habituel du terme, et pourtant elle n’est que mélodie. Elle n’a pas de rythme formellement identifiable, et pourtant elle ne fait jamais se succéder des voyelles identiques. Debussy a parfaitement ressenti ces paradoxes, et les a traduits dans une écriture P. 22 – 23

Debussy raconte avoir été séduit, en lisant le Pelléas de Maeterlinck, par sa langue « évocatrice ». Il a alors conçu un tout nouveau type d’écriture vocale, à michemin entre la déclamation théâtrale et le chant lyrique. Pour vous, se situe-t-il entre la déclamation wagnérienne et le sprechgesang de Schönberg ? Ou bien ouvre-t-il les portes d’un autre univers ? Debussy disait lui-même qu’il n’avait pas écrit Pelléas d’après Wagner, mais après Wagner. Je ne pense donc pas pertinent de vouloir le rattacher à l’esthétique allemande. Pelléas n’est pas le lointain cousin de Tristan ou de Parsifal. Debussy cherche au contraire, dans la tradition française qui remonte au moins à Rameau, et certainement même à Lully, à mettre en valeur le texte et à faire entendre par la musique tout ce qu’il ne dit pas. Lorsqu’il qualifie la prose de Maeterlinck d’« évocatrice », il désigne justement cet espace de liberté propre au compositeur qui se situe au-delà du texte et dans lequel il se crée son propre imaginaire. Les nombreux symboles qui parsèment le


OPÉRA PELLÉAS ET MÉLISANDE / FRANCK OLLU

Je crois que vous avez bien formulé l’enjeu de Pelléas pour un chef d’orchestre. La partition de Debussy fourmille d’indications d’expression et de tempo. Ralentir par-ci, presser par-là, retenir, animer, serrer, élargir… La tentation est vocale tout à fait nouvelle, faite de nombreuses notes grande de suivre ces indications à la lettre et de modurépétées, d’inflexions mélodiques inhabituelles et ler sans cesse le tempo. De même, au sein d’une phrase, d’une rythmique alternant binaire et ternaire. Le texte parfois même d’un mot, on ressent le besoin de laisser reste toujours intelligible, ce un peu de temps au chanteur qui constituait pour lui un ou, au contraire, de presser objectif absolu. C’est pour ces légèrement. Ma position est SYNOPSIS deux raisons que sa musique d’adopter un rubato dans une est « anti-lyrique ». Elle ne mesure stricte. C’est-à-dire que Au sein d’une forêt, le prince Golaud, égaré, gomme pas le texte au profit si je vole quelques fractions de découvre une jeune femme, seule, mystéde la musique. Au contraire, secondes à une mesure, je les rieuse qui semble venue d’ailleurs, dont il elle cherche à écrire une rends à la suivante. Je respecte tombe immédiatement amoureux et qu’il musique qui rende le texte en tout cas le cadre rythmique emmène avec lui. À son arrivée au château naturel, limpide et qui, en général. d’Allemonde, elle découvre une famille remême temps, lui donne ce pliée sur elle-même avec le patriarche Arkel, magnifique halo imaginaire. Comment arrivez-vous à faire Pelléas, jeune frère de Golaud, leur mère comprendre cette souplesse Geneviève, et un enfant, Yniold, que Golaud Vous parlez de musique aux musiciens et aux chana eu d’un précédent mariage. La beauté « anti-lyrique ». Est-ce à dire teurs ? et l’étrangeté de Mélisande captivent, fasque Debussy a abandonné la Pour arriver à se libérer d’une cinent. Dans ce huis-clos du bout du monde, mélodie ? contrainte, il faut d’abord Pelléas décide un jour de fuir après avoir Vous grossissez un peu le trait, l’avoir parfaitement intégrée. compris qu’il est incapable de résister aux mais dans un sens vous n’avez Je commencerai donc les rédésirs que fait naître Mélisande. Mais elle lui pas tort. La mélodie chez pétitions en demandant aux confie qu’elle ressent pour lui ce qu’il éprouve Debussy, comme chez Wagner, interprètes la plus grande pour elle. Golaud les surprend alors qu’ils se déplace du chant vers précision rythmique. Une sont enlacés. Ivre de jalousie, il tue son frère l’orchestre. Debussy a rajouté fois que la partition est sue et et blesse mortellement la jeune femme qui de nombreux intermèdes qui maîtrisée, on peut travailler meurt peu après sans que Golaud ait pu mettent dans l’atmosphère l’interprétation, c’est-à-dire le apprendre de Mélisande si l’enfant – une du drame, un peu comme sens que l’on donne à la mupetite fille – qu’elle vient de mettre au monde les décors sur scène. C’est sique par les libertés que l’on est le sien ou celui de son frère… dans ce pouvoir évocateur prend, sciemment et de made l’orchestre et dans ses nière toujours mesurée et par*** lignes mélodiques que se cimonieuse. niche le lyrisme. Sa musique devient alors un permanent Quels sont pour vous les chefs numéro d’équilibriste entre d’orchestre qui font autorité ? un chant dépourvu de sa sève mélodique, mais nourri J’avoue avoir un faible pour la version historique de de la tonalité de la langue, et un orchestre au rôle Roger Désormière de 1941, une version dans laquelle éminemment expressif. la diction du français est un modèle absolu du genre. Je rêverais de pouvoir en faire autant aujourd’hui. Et vous êtes, en quelque sorte, le funambule… Quant à celle d’Abbado en 1990, elle me convainc Comment maintenez-vous l’équilibre ? Vous tenezpar la souplesse du tempo, du chant et de l’orchestre. vous à une battue régulière qui donnerait un cadre On y sent une grande élasticité. Enfin, je ne renierai bien clair à ce jeu subtile entre l’orchestre et les voix ? jamais ce que Boulez a fait de cette partition, car il a su Ou cherchez-vous au contraire à vous en extraire ? trouver ce qui est au cœur de cet opéra : la sensualité.


OPÉRA PELLÉAS ET MÉLISANDE / FRANCK OLLU

couleur sombre à la musique, qui renforce le mysticisme dont Pelléas est empreint. Ce mysticisme s’exprime aussi dans une nature omniprésente et suggestive (forêt, fontaine, grotte…) qui s’exprime par la voix des quatre cors. L’orchestre constitue donc l’imaginaire symboliste, parfois même fantasmagorique du drame debussyste. Vous parlez de symbolisme, mais on dit plus souvent de la musique de Debussy qu’elle est impressionniste, par analogie avec les peintres dont il était contemporain. Jugez-vous cette catégorie pertinente ? Je me méfie des catégories. Le terme impressionniste renvoie à une technique de peinture qu’il est difficile de transposer en musique. En revanche, dire de Pelléas qu’il nous donne à entendre les impressions du texte de Maeterlinck me semble déjà plus juste. Proust disait dans Du côté de chez Swann qu’un roman réussi est un roman dans lequel il ne resterait plus que l’impression des personnages. Dans Pelléas, il me semble que la structure des personnages disparaît derrière ce qu’ils disent et chantent et que l’orchestre ne laisse plus paraître que leur empreinte sonore, la marque qu’ils impriment dans le paysage. En ce sens, peut-être, pourrait-on parler d’impressionnisme. P. 24 – 25

L’orchestre de Pelléas n’est pas bien différent dans sa composition de celui des contemporains de Debussy. Et pourtant, il sonne tout autrement. À quoi cela tient-il ? L’orchestre de Pelléas est traité comme un orchestre de chambre. Debussy n’utilise par exemple pas les trompettes et les trombones pour renforcer les tuttis, mais pour leur timbre. D’ailleurs, à la fin de l’opéra, il fait appel aux trompettes en fa, un instrument qu’on entend assez rarement à l’orchestre. Sonnant une quinte plus bas que la trompette classique, elles donnent une

Dans Pelléas, il me semble que la structure des personnages disparaît derrière ce qu’ils disent et chantent et que l’orchestre ne laisse plus paraître que leur empreinte sonore, la marque qu’ils impriment dans le paysage.

© Jean-Jacques Ollu

Une chose frappe à la lecture de la partition : l’omniprésence des triolets. Je me suis demandé si ce n’était pas une astuce trouvée par Debussy pour contrecarrer l’hégémonie de l’accent métrique (particulièrement marqué dans les rythmes binaires) et égaliser les notes. Partagez-vous cette analyse ? Vous avez sûrement raison. Mais cela n’explique pas pourquoi on trouve tout autant de triolets dans La Mer, un ouvrage qui ne s’appuie pas sur un texte. J’ai une lecture plus poétique de ces triolets, qui évoquent pour moi le flux et le reflux de la mer. Debussy était fasciné par la mer, que l’on trouve sous différentes formes dans son œuvre : l’eau, les vagues, les marées, les ondoiements. Ces mouvements sont suggérés par les triolets, et plus généralement par une musique écrite par vagues, dans un ambitus assez réduit (peu de registres très graves ou très aigus, peu de passages tonitruants à l’orchestre). Le son de l’orchestre fait parfois l’effet de caresses, comme si l’orchestre cherchait à faire sentir à l’auditeur la sensualité des cheveux de Mélisande.


OPÉRA PELLÉAS ET MÉLISANDE / FRANCK OLLU

Quel type de voix faut-il pour suggérer l’empreinte d’un personnage ? Je préfère des chanteurs qui viennent de la tradition de la mélodie française, ou du lied, car ils ne sont pas tentés de chercher à tout prix la puissance que requièrent les grands ouvrages italiens ou allemands contemporains de celui de Debussy. Par ailleurs, vous l’aurez compris, la prosodie de Pelléas est très proche de la déclamation, ce qui nécessite de recourir à des chanteurs qui ont un sens naturel du théâtre, une très bonne diction et qui maîtrisent à la perfection la langue française avec toutes ses subtilités : les e tantôt muets tantôt prononcés, les diérèses… Au moment de diriger Pelléas à Covent Garden en 1969, Boulez a écrit un long article dans lequel il y voit le « miroir d’une culture transfigurée », mais aussi les germes de la modernité. Que reste-t-il de Debussy aujourd’hui ?

La musique de Debussy est pour moi intemporelle, tout comme le sont les figures quasi mythologiques d’Arkel, de Pelléas, de Golaud et de Mélisande. On mentionne souvent Schönberg comme l’inventeur de la modernité musicale. C’est vrai dans le sens où il a mis au point un nouveau langage qui a bouleversé la composition musicale. Il a fait une véritable révolution en inventant le dodécaphonisme. Pour ce qui est de Debussy, je parlerai plutôt d’une évolution du langage musical, plus particulièrement dans le développement du spectre harmonique, qui donne à sa musique un éclat nouveau et inhabituel. En ce sens, Debussy continue le travail commencé par Wagner et entre également dans la modernité. Et au final, je pense que Boulez aura été plus influencé par la musique de Debussy que par celle de Schönberg. La musique de Debussy est intemporelle comme celle de Bach par exemple. Et Pelléas est intemporellement moderne car il fait partie des plus beaux opéras jamais écrits, toutes périodes confondues. Il est l’œuvre d’un compositeur de génie.

CENTENAIRE DE LA DISPARITION DE CLAUDE DEBUSSY Les concerts de l’Orchestre symphonique de Mulhouse et de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG

Olivier Garban violoncelle Isabelle Kuss-Bildstein contrebasse Elisabeth Vincequanat piano Nathalie Gaudefroy soprano

Samedi 13 octobre 17 h

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MULHOUSE Concert symphonique # 1

Strasbourg, CMD *

Dimanche 14 octobre 17 h

Claude Debussy Suite bergamasque Syrinx, pour flûte solo Children’s Corner Ragtimes (Arrangements

Strasbourg, CMD *

Vendredi 12 & samedi 13 octobre 20 h

Claude Debussy Suite bergamasque

Mulhouse, La Filature, Grande salle

(transcription C. Ladrette)

Maurice Ravel La valse Concerto pour piano en sol Majeur Denis Gougeon À l’aventure ! Claude Debussy La mer

de G. Lecointe) Denis Riedinger, Norbert Jensen, Stephan Fougeroux, Olivier Pélégri, Grégory Massat, percussions, Ing-Li Chou flûte Frédéric Schalck comédien

Dimanche 14 octobre 11 h Strasbourg, CMD *

Claude Debussy Quatuor à cordes en sol mineur Gabriel Fauré La Bonne Chanson Ernest Chausson La Chanson perpétuelle Claude Debussy Trois Chansons de Bilitis (Textes de Pierre Louÿs) Thomas Gautier violon Tiphanie Trémureau violon Angèle Pateau alto

* Cité de la musique et de la danse

Maurice Ravel Sonatine en trio pour flûte, violoncelle et harpe (transcription Carlos Salzedo)

Camille Saint-Saëns Quatuor à cordes n° 1 en mi mineur

Claire Boisson violon Christine Larcelet violon Benjamin Boura alto Juliette Farago violoncelle Pierre-Michel Vigneau harpe Sandrine François flûte

Jeudi 8 novembre 20 h Strasbourg, PMC, Salle Érasme *

Claude Debussy Prélude à l’après-midi d’un faune Maurice Ravel Concerto en sol Arnold Schönberg Pelléas et Mélisande

Jacques Lacombe, direction Pascal Rogé, piano

Concert symphonique #2 Vendredi 23 & samedi 24 novembre 20 h Mulhouse, La Filature, Grande salle

John Williams Star Wars : Suite pour orchestre (extraits) Claude Debussy Nocturnes Gustave Holst Les Planètes Jacques Lacombe, direction Chœur de Haute-Alsace, Bernard Beck, direction

Concerts décentralisés Vendredi 9 novembre 20 h Durmenach, Église SaintGeorges

Samedi 10 novembre 20 h Hirtzfelden, salle polyvalente Wolfgang Amadeus Mozart Concerto pour flûte et harpe K.299 Symphonie n°41 « Jupiter » K.551 Claude Debussy Danses sacrée et profane Petite suite Jacques Lacombe, direction Anaïs Gaudemard, artiste associée, harpe Nora Hamouma, flûte

Musique de chambre Jeudi 8 novembre 19 h Historial franco-allemand du Hartmannswillerkopf

Claude Debussy Quatuor à cordes Op.10 Maurice Ravel Quatuor à cordes Op.35 Michel Demagny, Laurence Clément, violons Clément Schildt, alto Americo Etseves, violoncelle


OPÉRA PELLÉAS ET MÉLISANDE / BARRIE KOSKY

L’IMPLACABLE MÉCANIQUE DE L’EFFROI ET DE L’EXTASE ENTRETIEN BARRIE KOSKY, METTEUR EN SCÈNE Par Johanna Wall

D

manière de jouer. Je pense que Debussy avait en tête quelque chose de très intime, de très privé, à demi chanté, à demi parlé. Un monde musical chuchoté, délicat, absolument naturel. Les deux autres projets dramatiques inachevés de Debussy reposaient sur deux nouvelles d’un auteur qui passe pour un maître du roman d’épouvante : Edgar Allan Poe … Le paysage psychologique dans Pelléas me fait toujours penser à Edgar Allan Poe : alternance abrupte de l’effroi et de la beauté, ou leur lien indissoluble – parfois à l’intérieur d’une même mesure. L’effroi, la beauté et l’érotisme se côtoient tout aussi abruptement dans les peintures de Francis Bacon. À la différence des arts graphiques ou de la littérature, cette proximité est rare dans l’opéra. Dans les tableaux de Bacon il y a aussi ces espaces restreints et, à l’intérieur, une seule figure parmi une foule de gens. J’ai demandé à Klaus Grünberg de concevoir un monde claustrophobe à la Poe/Bacon. Il eut l’idée d’un lieu dans lequel personne

P. 26 – 27

Pour cette nouvelle production de Pelléas et Mélisande, vous vous limitez, au niveau des décors, à l’essentiel… Je ne voulais ni mer, ni portes, ni tour, ni longue chevelure tombante. Je ne voulais absolument pas de meuble sur la scène. Une simple illustration du texte de Maeterlinck risque vite d’apparaître prétentieuse. Lorsque j’ai travaillé sur Tristan et Isolde avec mon scénographe Klaus Grünberg, ce fut tout de suite clair : tout, mais pas d’eau sur la scène, car la mer c’est l’orchestre ! C’est la même chose pour Pelléas. En outre, les personnages décrivent absolument tout ce qu’ils entendent et voient. Tout ce qu’on place à l’identique sur la scène est moins fort que ne le sont le texte et la musique. Des décors surchargés risquent de donner aux chanteurs la dimension de nains. Nous sommes partis d’une réflexion sur le caractère intimiste de l’œuvre et sa structure musicale différenciée, raffinée et fragile, dans laquelle chaque double-croche, chaque silence entre deux quarts de temps comptent. Ce qui doit aussi s’exprimer en langage corporel et dans la

© Jan Windszus

es problèmes techniques et de sécurité insolubles ont obligé l’Opéra national du Rhin à modifier sa programmation. C’est une autre production de l’extraordinaire Pelléas et Mélisande de Debussy qui vous est ainsi proposée. À la faveur de ce changement, vous allez faire la connaissance avec l’imaginaire et la vision de Barrie Kosky, l’un des plus talentueux metteurs en scène actuels qui a su faire par ailleurs de la Komische Oper qu’il dirige depuis plusieurs années – où ce spectacle a été créé – « la » maison d’opéra de la capitale allemande et l’une des scènes européennes les plus passionnantes grâce à son ambition, l’originalité de sa programmation et un humour décapant…


OPÉRA PELLÉAS ET MÉLISANDE / BARRIE KOSKY

ne peut entrer ni sortir de son propre gré, seulement aller et venir – un motif important de l’opéra : Mélisande surgit de nulle part de manière inattendue ; Pelléas annonce plusieurs fois qu’il veut partir ; un bateau arrive et repart. Naître et mourir. L’espace scénique étrangement réduit renferme tous ces éléments : la mécanique du temps ou, si l’on préfère, du destin, un memento mori. Alors que les peintures de Francis Bacon ont une forte présence ne serait-ce que par la densité des couleurs, l’espace scénique de Klaus Grünberg est complétement noir… Les protagonistes deviennent des sculptures de théâtre, des corps soumis à des effets de lumière et mus par le mouvement de plateaux tournants. L’attention est entièrement dirigée vers les corps, le texte et la musique. Dans cet espace, la question « Qu’y-a-til de l’autre côté ? » ne se pose pas. L’espace fonctionne comme un rituel selon son propre mécanisme. En même temps, on reconnaît dans les personnages des frères, des amants, des mères, des grandspères, des petits-enfants – une constellation familiale. Des êtres humains comme des plaies béantes, dans lesquelles on répand du sel. Culpabilité, haine de soi – les traumatismes familiaux sont pour moi des thèmes centraux.

trahir. Il faut faire sentir l’horreur, non la montrer. Car si on la montre explicitement, que ce soit par le décor, le costume ou l’action théâtrale, on glisse soit dans le cliché surréaliste soit dans l’abstraction prétentieuse. Or ni le texte ni la musique ne sont cela. L’œuvre fait appel à l’insaisissable, à l’onirique… Pierre Boulez parle d’un mouvement de flux et reflux entre le réalisme le plus implacable et l’onirisme le plus impalpable … En cela, je suis entièrement d’accord avec lui ! L’œuvre porte en soi autant de violence cachée que de violence déclarée, de menace de violence que d’actes de violence. Ce sont des scènes vitreuses, qui volent en éclats en laissant apparaître les fissures. Contrairement aux phrases wagnériennes en développement continu, Debussy aspirait à un théâtre musical articulé avec précision, dont le chant suit les inflexions de la langue parlée.

© Jan Windszus

Pelléas et Mélisande contient tout l’éventail des sentiments humains: lutte contre l’inexplicable, jalousie et violence, effroi, peur, extase. Une œuvre encore aujourd’hui on ne peut plus provoquante.

… et la représentation de l’horreur qui les accompagne … Bien entendu. Quel péché a-t-on commis ici ? Quel viol brutal ? Quel inceste ? Qui a frappé qui ? Et qui a assisté à la scène ? Qui aime qui et qui n’a pas protégé qui ? Pourquoi ne peuvent-ils pas se quitter ? Cependant, donner des réponses claires aux questions que soulève l’œuvre, c’est la

Selon Debussy, le compositeur d’aujourd’hui doit « chercher après Wagner et non pas d’après Wagner »… De fait, on trouve dans la musique de Debussy de nombreuses traces de Wagner  : des souvenirs, des échos du XIXe siècle, à partir desquels Debussy, au travers de l’instrumentation et du langage harmonique, a créé quelque chose d’entièrement nouveau. Debussy comprenait Wagner et l’admirait. Il y a des passages, en particulier au quatrième acte, dont la structure rappelle fortement Tristan et Isolde. La différence significative se trouve dans la fragmentation de la ligne vocale chez Debussy, un procédé qui ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de l’opéra : le post-wagnérisme. C’est le début d’un langage musical radicalement nouveau – celui du XXe siècle. Le Pelléas et Mélisande de Debussy se distingue de tous les opéras qui ont été écrits à cette époque. Un petit rocher isolé au milieu de l’océan opératique. Même si on décèle dans l’œuvre de nombreuses influences musicales, l’histoire de l’opéra ne connaît qu’un avant Pelléas et un après Pelléas. Je pense qu’aujourd’hui encore tout compositeur français se mesure à l’aune de cette œuvre.


OPÉRA PELLÉAS ET MÉLISANDE / BARRIE KOSKY

À la suite de la réception très partagée de Pelléas et Mélisande lors de sa création, le directeur du théâtre Albert Carré a rendu hommage aux spectateurs de la quatrième galerie, qui les premiers corrigèrent l’hostilité de ceux assis au premier balcon ainsi que du public de la répétition générale : « Le public non-professionnel s’est laissé toucher »… Très juste ! Aussi par les merveilleuses petites scènes qui sont souvent coupées. Le petit Yniold jouant à la balle qui observe un troupeau de moutons rentrant au bercail. Golaud et Pelléas qui pénètrent dans une sombre grotte puis en ressortent. Pas plus de deux ou trois minutes de musique exceptionnelle pour dépeindre les abîmes insondables de l’être. Debussy décrit des émotions crues. Au début, Mélisande veut vraiment aimer Golaud. Golaud ne la force à rien et elle ne veut pas le blesser. Elle le trouve sympathique et fascinant. Il lui ressemble : deux êtres brisés. Mais elle rencontre Pelléas et découvre les affinités qui les unissent. Pelléas et Mélisande sont comme deux oiseaux. Pelléas est lui aussi handicapé sur le plan affectif, mais il est entièrement innocent. Il est le seul qui ne mente pas. Il ne sait tout simplement pas mentir. C’est ce qui rend sa mort – de surcroît par la main de son propre frère – si tragique. Il est important d’analyser jusqu’au bout ces caractères. Ce que beaucoup de productions ne font pas. Les personnages sont antipathiques, froids et insensibles – totalement à l’encontre du fond musical de l’œuvre. Pelléas et Mélisande contient tout l’éventail des sentiments humains : lutte contre l’inexplicable, jalousie et violence, effroi, peur, extase. Une œuvre encore aujourd’hui on ne peut plus provoquante. Une œuvre qui doit nous laisser avec un sentiment d’effroyable tristesse, sinon on a fait quelque chose de faux.

PELLÉAS ET MÉLISANDE CLAUDE DEBUSSY [ NOUVELLE PRODUCTION À L’ONR ]   Production Komische Oper Berlin & National Theater Mannheim

Direction musicale Franck Ollu Mise en scène Barrie Kosky Décors et lumières Klaus Grünberg Collaboration aux décors Anne Kuhn Costumes Dinah Ehm Pelléas Jacques Imbrailo Mélisande Anne-Catherine Gillet Golaud Jean-François Lapointe Geneviève Marie-Ange Todorovitch Arkel Vincent Le Texier Yniold Chanteur du Tölzer Knabenchor Un médecin, Un berger Dionysos Idis Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg En langue française, surtitrage en français et en allemand

STRASBOURG Opéra ve 19 octobre 20   h di 21 octobre 15   h ma 23 octobre 20   h je 25 octobre 20   h sa 27 octobre 20   h

Traduit de l’allemand par Catherine Debacq-Groß

ve 9 novembre 20  h di 11 novembre 20  h

PRIX : de 6 à 90 € MIDI LYRIQUE

Chanteurs de l’Opéra Studio Fêtes Galantes Verlaine mis en musique par Debussy (» page 36) STRASBOURG

COLMAR

Opéra, Salle Bastide

Foyer du Théâtre

sa 17 novembre 11h

lu 26 novembre 12h30

SCÈNES ES OUVERT

« Bonsoir Maestro ! » avec Franck Ollu sa 13 octobre 18 h Opéra, Salle Bastide Rencontre à la Librairie Kléber avec des artistes de la production je 18 octobre à 18 h

Extraits d’un entretien réalisé avant la première de cette production de Pelléas et Mélisande au Komische Oper Berlin à l’automne 2017.

MULHOUSE La Filature

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation avec le soutien de

fidelio association pour le développement de l'Opéra national du Rhin

P. 28 – 29

« Mesdames et Messieurs, voici mon Pelléas et Mélisande. Je vous prie d’oublier que vous êtes chanteurs », déclara Debussy aux chanteurs à la première répétition de la création de l’œuvre. Avec Pelléas, c’est hop ou top ! Beaucoup de chefs d’orchestre font l’erreur de traiter les lignes vocales comme des voix orchestrales. Tout se fond alors en un grand legato uniforme et ça devient absolument barbant ! Lentement, vite, forte, piano – cela tout chanteur à peu près professionnel le domine. Ce qu’il faut faire, au cours des répétitions, c’est isoler chaque ligne vocale pour découvrir comment la musique exprime le texte et les états d’âme. En vérité, les chanteurs ne doivent jamais sombrer dans la musique. Au contraire ! Ils doivent surfer au-dessus, même quand la musique est d’une grande beauté. Ils ne doivent en aucun cas se baigner dans la musique comme dans une soupe tiède de poireaux-pommes de terre. Je veux une bouillabaisse épicée au-dessus de laquelle les chanteurs font des claquettes.


© plainpicture / Jean Marmeisse

spectres d’europe


SPECTRES D’EUROPE FIREFLIES / BRUNO BOUCHÉ Pièce pour l’ensemble de la compagnie. LA TABLE VERTE / KURT JOOSS Pièce pour 16 danseurs, création en 1932 au Théâtre des Champs-élysées, Paris

POUR UNE POÉTIQUE DES LUEURS ENTRETIEN AVEC BRUNO BOUCHÉ Par Solène Souriau

L

a première soirée du Ballet de l’Opéra national du Rhin porte un titre intrigant, voire alarmant qui dit bien dans quel contexte de crise humaniste et politique nous nous retrouvons, nous, Européens, depuis quelques années, avec une aggravation notable au cours des derniers mois, qui fait émerger des fantômes de la nuit de l’Histoire. Si la fameuse Table verte de Kurt Jooss, ballet expressionniste créé en 1932 à Paris, est un réquisitoire contre les errements de l’époque, la première création, très attendue, de Bruno Bouché pour les danseurs qu’il dirige depuis plus d’une année, Fireflies, est une forme d’appel à la résistance poétique, une invitation à tourner son regard vers la beauté et la survivance des lucioles dans un monde qui ne sait plus les voir et à accueillir avec générosité et courage le réel qui nous entoure pour que les spectres se désagrègent. sociétés du XXe siècle et délivre un message symbolique fort : le sort des peuples se trouve dans les mains de seulement quelques individus. Représentée au Théâtre des Champs-Élysées à Paris en juillet 1932, à l’aube de la montée du nazisme en Allemagne, cette pièce véhicule un poids historique très puissant. La programmer, c'est poser une question importante à la danse : est-elle encore un moyen de questionner notre société ? Une pièce de ballet peut-elle être un moyen de résistance ? Très vite après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, Kurt Jooss a préféré quitter l’Allemagne plutôt que d’expulser les juifs de sa compagnie. Ses choix politiques et cette pièce incarnent une résistance face au pouvoir en place. Quel est le sens du titre de la soirée : Spectres d’Europe, qui associe la pièce de Kurt Jooss et votre création Fireflies ? Avec ce titre, j’aimerais poser un état des lieux de notre continent aujourd’hui et de son héritage. Il pèse sur ce « vieux continent » un passé politique et le terme de P. 30 – 31

Pour inaugurer la saison 2018/2019, vous avez choisi de reprendre La Table verte de Kurt Jooss, pièce qui n’a pas été dansée par le Ballet de l’Opéra national du Rhin depuis 2004. Pourquoi avoir choisi de remonter ce ballet emblématique de la danse expressionniste allemande ? À travers cette pièce, la nouvelle saison s’ouvre sur une conscience européenne plus politisée qu’avec le programme « Grands Chorégraphes Européens » qui questionnait une ligne esthétique. Spectres d’Europe pose la danse comme un possible regard critique sur le présent. Structuré en six tableaux, le ballet de Kurt Jooss met en scène dix hommes en costume, cachés derrière des masques. Ils décident de l’ordre du monde, installés autour d’une table qui rappelle les tables des salles de casino. Leurs gestes, très codifiés, sont volontairement caricaturaux et donnent une image grotesque du pouvoir. La forme cyclique de la pièce (le premier et dernier tableau se font écho) souligne l’absurdité du fonctionnement politique des


DANSE SPECTRES D’EUROPE / BRUNO BOUCHÉ

« spectre » renvoie à ce qu’il nous reste de ce passé et comment il influence le présent. Le personnage principal de La Table verte est La Mort, spectre qui traverse la pièce et hante les décisions humaines. On retrouve l’idée de spectre dans un contexte plus « lumineux », dans ma création. « Fireflies » signifie lucioles en anglais : ces insectes luminescents qui se font de plus en plus rares . Je vois ces lucioles comme des « trouées de lumières », des rhizomes luminescents, des spectres phosphorescents qui habitent le ciel nocturne. Il y a également une référence à la Divine Comédie de Dante : les petites lucioles représentent certaines âmes des damnées qui peuplent les bolges de l’enfer, derniers spectres des vivants. Outre le titre, comment la pièce Fireflies fait-elle référence à Pasolini ? Il est vrai que Pasolini me fascine depuis longtemps. J’ai découvert il y a déjà quelques années, la métaphore des lucioles qu’il utilise dès 1941 dans une lettre à son ami d’enfance Franco Farolfi. Pasolini mentionne déjà à cette époque ces insectes à travers un souvenir marquant et rend compte de cette dichotomie trouble entre lumière et obscurité. Trente-quatre ans après, jour pour jour en 1975, dans un article pour le quotidien Corriere della Sera, il parle de « la disparition des lucioles ». Phénomène qu’il reprend comme allégorie à la disparition d’une culture populaire amputée par le fascisme et qui a laissé place à un système consumériste et capitaliste. Cette vision du Pasolini polémiste des années soixantedix et surtout les conclusions qu’il tire de ce constat sont radicalement pessimistes. Je ne partage pas entiè-

rement ce pessimisme et adhère plutôt à la critique positive qu’en fait Georges Didi-Huberman dans La Survivance des lucioles. Dans cet essai, il tente de nous faire voir que, même dans ce monde de plus en plus complexe, les lucioles n’ont pas totalement disparu. Si nous changeons nos points de vue, nous pouvons les voir réapparaître à d’autres endroits et les percevoir comme des actes fragiles et intermittents de résistance poétique. La création de Fireflies est en quelque sorte un questionnement chorégraphique de cet essai de Georges Didi-Huberman. Comment s’articule le film de Pasolini La Séquence de la fleur de papier – La sequenze del fiore di carta (1969) avec la création Fireflies ? Le court métrage de Pasolini superpose la déambulation d’un jeune homme insouciant dans les rues de Rome et des images montrant les atrocités de la guerre. Ce n’est pas particulièrement la guerre comme sujet qui m’intéresse, mais davantage l’innocence au coeur de ce court métrage, représenté par Ninetto Davoli. Dans le film, une voix interpelle le personnage et dit : « Écoute-moi ou tu cours à ta perte. L’innocence est une faute, les innocents seront condamnés, ils n’ont plus le droit de l’être. Je ne peux pas pardonner le regard béat de l’innocent parmi l’injustice de la guerre, les horreurs et le sang. » Fireflies pourrait poursuivre ce court métrage et imaginer une vie après l’innocence. Peut-être que la joie pleine de cette conscience tragique pourrait-être une réponse, un peu comme la lumière des lucioles, aussi éphémère et intermittente soit-elle.


DANSE SPECTRES D’EUROPE / BRUNO BOUCHÉ

Le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman tente de nous faire voir que, même dans ce monde de plus en plus complexe, les lucioles n’ont pas totalement disparu. Si nous changeons nos points de vues, nous pouvons les voir réapparaître à d’autres endroits et les percevoir comme des actes fragiles et intermittents de résistance poétique.

Fireflies © Tsuneaki Hiramatsu

P. 32 – 33

Photogrammes du film La sequenza del fiore di carta de Pier Paolo Pasolini, 1969


DANSE SPECTRES D’EUROPE / BRUNO BOUCHÉ

Quels sont les rapprochements et divergences avec votre dernière pièce Undoing World, créée en 2017 à l’Opéra de Paris ? Après Undoing World, qui traitait des migrations extérieures comme intérieures, je n’arrive pas à séparer mes problématiques artistiques et chorégraphiques de questions plus larges sur notre place dans le monde, en tant qu’artiste et en tant que citoyen. Fireflies est aussi au coeur du projet de Daniel Conrod qui sera artiste associé au Ballet de l’Opéra national du Rhin à partir de janvier 2019 et m’accompagne en tant que dramaturge sur cette création. Le titre de sa résidence « La vie des lucioles » propose un travail plus long afin d’écrire une dramaturgie de la compagnie à travers la vie des artistes d’un ballet au XXIe siècle et à partir du territoire où se trouvent nos lieux de travail et de vie. Sur quels thèmes travaillez-vous pour cette création ? En-dehors de Pasolini et Didi-Huberman, j’ai eu envie de faire La Table verte, 1932 © Photo d’Albert Renger-Patzsch. confiance à la danse et aux corps de mes artistes qui dès les preKurt Jooss Archives / Deutsches Tanzarchiv Köln. miers ateliers m’ont rendu cette confiance. Cela m’autorise à ouvrir vraiment le travail et être à l’écoute de ce que leur physicalité propose en studio. Nous cherchons beaucoup en silence, j’observe aussi comment une phrase chorégraphique se modifie dans la transmission d’un danseur à un LA TABLE VERTE KURT JOOSS autre. J’ai besoin du corps de l’autre ________________ pour créer. Quels sont les avantages de créer pour une compagnie que l’on dirige depuis maintenant plus d’un an ? Après cette première saison, je connais maintenant mieux les artistes de la compagnie et, grâce aux liens que nous avons tissés, je les sens engagés dans ma création. Ils me font confiance et cette confiance me porte. Diriger le Ballet de l’Opéra national du Rhin m’a également donné l’envie de créer une véritable pièce de compagnie : le désir d’encourager ce qui fait corps entre nous en inventant une communauté d’artistes.

Créé le 3 juillet 1932 au Théâtre des ChampsÉlysées à Paris, La Table verte de Kurt Jooss (1901-1979) est l’un des ballets qui ont marqué l’histoire de la danse du XXe siècle. Dans cette œuvre engagée, l’artiste allemand développa un langage chorégraphique inspiré, notamment, des danses macabres médiévales – des gravures de Hans Holbein et de la Lübecker Totentanz, suite de peintures de grands formats de la Marienkirche de Lübeck, détruites en 1942 lors d’un bombardement – tout comme des gravures de Georg Grosz imprégnées par les combats de la Première guerre mondiale. Sur une musique de Fritz Cohen, Kurt Jooss voulut dénoncer les horreurs de la guerre, l’absurdité des hommes de pouvoir au moment où le nazisme était en passe de devenir la première force politique en Allemagne. La Table verte connut très vite un grand succès international, devint une œuvre majeure de la danse expressionniste et entra dans le répertoire de nombreux ballets sur plusieurs continents. Elle est considérée également aujourd’hui comme une matrice du « Tanztheater » qui est devenu, avant tout grâce à Pina Bausch, l’un des mouvements majeurs de la danse contemporaine depuis les dernières décennies du siècle passé.


Danse

L’ATELIER 2e édition : les artistes d’un Ballet au XXIe siècle

FIREFLIES / BRUNO BOUCHÉ [CRÉATION]

Pièce pour l’ensemble de la compagnie Chorégraphie Bruno Bouché Musique Jean-Sébastien Bach, Sufjan Stevens, Nicolas Worms Dramaturgie Daniel Conrod Costumes Thibaut Welchlin Piano Maxime Georges Lumières Tom Klefstad LA TABLE VERTE / KURT JOOSS [REPRISE RÉPERTOIRE]

Pièce pour 16 danseurs Création en 1932 au Théâtre des Champs-Élysées, Paris

Livret, chorégraphie Kurt Jooss Musique F. A. Cohen Pianos Maxime Georges, Vérène Rimlinger Costumes Hein Heckroth Lumières, masques Hermann Markard Ballet de l’Opéra national du Rhin

MULHOUSE Studios du Ccn ma 16 au ve 26 octobre

Semaine de recherche en studios avec les artistes du CCN/Ballet de l’OnR

je 11 octobre 20  h ve 12 octobre 20 h sa 13 octobre 20  h COLMAR Théâtre sa 3 novembre 20   h di 4 novembre 15  h STRASBOURG Opéra ma 13 novembre 20   h ve 16 novembre 20   h sa 17 novembre 20   h di 18 novembre 15   h

PRIX : de 6 à 25 €

« Prologue » introduction de 15 min., 30 min. avant chaque représentation Université de la danse MULHOUSE Ccn je 27 septembre 19h STRASBOURG Université de Strasbourg ma 6 novembre 12h30 Coulisses studio Répétition publique MULHOUSE La Sinne ve 5 octobre 19 h

MULHOUSE

ma 23 octobre • Centre chorégraphique national Le Banquet de Daniel Conrod et des artistes du CCN/Ballet de l’OnR sa 27 octobre Journée de rencontres et débats publics • « Les devenirs des artistes de Ballet » Claude Agrafeil, Pierre Pontvianne, Harris Gkekas Modéré par Irène Filiberti • « Politique culturelle et création ? » Brigitte Lefèvre, Didier Deschamps Modéré par Laurent Vinauger • « Accompagner les artistes d’aujourd’hui » Eva Kleinitz, Joëlle Smadja Modéré par Bruno Bouché • Lecture performance de Nicolas Worms et Daniel Conrod On ne sauve pas le monde, livre écrit suite à une résidence dans le cadre de “La dramaturgie des mutations” à la MC93

En partenariat avec

Programme détaillé à partir de septembre. En collaboration avec la Kunsthalle, le Musée des Beaux-arts, La Sinne

À suivre également sur operanationaldurhin.eu et pole-sud.fr et sur nos réseaux sociaux @operadurhin • @polesudstrasbourg

P. 34 – 35

MULHOUSE La Sinne

SCÈNES ES OUVERT

« L’Atelier » est l’espace alternatif où se construit l’identité du CCN / Ballet de l’OnR pour les années à venir. Cette seconde édition, en partenariat avec POLESUD CDCN, va questionner la place d’un artiste de Ballet au XXIe siècle. Durant une semaine, les artistes chorégraphiques du Ballet travailleront en studio, à Mulhouse, afin d’ouvrir des pistes de réflexion sur ce sujet. Pour clôturer cette semaine, une journée de rencontres et de débats publics se tiendra le samedi 27 octobre, en collaboration avec des lieux tels que la Kunsthalle, le Musée des Beaux-arts et le Théâtre de La Sinne. Des invités aborderont de larges sujets lors de conférences : qu’est-ce qu’implique de créer une pièce avec des danseurs de Ballet ? Quels sont les devenirs des danseurs une fois leur carrière au sein d’un Ballet achevée ? Et, plus important encore, que signifie être danseur au sein d’un Ballet aujourd’hui ?


LES INVITÉS

LES MIDIS LYRIQUES DE L’OPÉRA NATIONAL DU RHIN ODYSSÉE MUSICALE Des chanteurs grecs de l’OnR et du Conservatoire (HEAR) rendent hommage aux compositeurs grecs : Mikis Theodorakis, Manos Hatzidakis, Nikos Gounaris... sur des textes des poètes : Yannis Ritsos, Odysséas Elytis, Nikos Gatsos.... Dans le cadre de la Semaine Culturelle Hellénique, sous le Haut Patronage de la Représentation Permanente de la Grèce auprès du Conseil de l’Europe et de la Ville de Strasbourg

Dionysos Idis basse Eleni Kontogianni soprano Georges Bakalidis piano Ensemble Notias (bouzouki, guitare, violoncelle)

Le grand ténor péruvien, superbe interprète de Mozart et Rossini, transmet son expérience et son savoir aux artistes de l’Opéra Studio. En partenariat avec l’Institut culturel Italien dans le cadre de l’anniversaire Gioacchino Rossini

Artistes de l’Opéra Studio STRASBOURG Opéra, Salle Bastide sa 27 octobre 14  h 30 Entrée libre

VIVA ROSSINI !

STRASBOURG Opéra, Salle Ponnelle sa 20 octobre 11  h

À l’occasion de la restitution du travail accompli par les jeunes chanteurs de la masterclasse d’Ernesto Palacio, nous célébrons l’anniversaire de la disparition de Rossini à travers ses plus grands airs et ensembles extraits de ses opéras.

Photo de la mannequin retouchée.

COLMAR Foyer du Théâtre lu 22 octobre 12 h 30

BOUTIQUE WOLFORD 15 rue de la Mésange 67000 Strasbourg Tél: 03 88 22 70 64 wolford.com

MASTERCLASSE ERNESTO PALACIO

STRASBOURG Opéra, Salle Bastide sa 3 novembre 11  h COLMAR Foyer du Théâtre je 8 novembre 12 h 30

FÊTES GALANTES Verlaine inspire à Debussy ses plus belles mélodies. Clair de lune, Mandoline, Ariettes oubliées, Fêtes galantes Anaïs Yvoz soprano Claire Péron mezzo-soprano Tristan Blanchet ténor Jean-Christophe Fillol baryton-basse Manon Parmentier piano STRASBOURG Opéra, Salle Bastide sa 17 novembre 11 h COLMAR Foyer du Théâtre lu 26 novembre 12 h 30


RÉCITAL CHRISTIANNE STOTIJN

CHRISTIANNE STOTIJN MEZZO-SOPRANO

& JOSEPH BREINL

STRASBOURG Opéra samedi 20 octobre 20  h

PRIX : de 6 à 48 €

ON AVEC M )IN

COUS(S

Avec mon cous(s)in dimanche 21 octobre 15  h

© Joost van den Broek

christianne stotijn

PIANO

The Poet’s Echo Charles Ives, Benjamin Britten, Samuel Barber, Aaron Copland,

P. 36 – 37

Peter Lieberson, Leonard Bernstein, Amy Beach



»» vite dit »» *!* En juin, Bruno Bouché a reçu le prix de la « Personnalité chorégraphique de l’année » par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de la danse et de la musique pour le formidable travail qu’il mène à la direction du Ballet de l’Opéra national du Rhin depuis son arrivée.

passionnants où Claude Debussy est à l’honneur (» p. 26). >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Lenski dans la

viennent d’intégrer le Ballet de l’Opéra national du Rhin. Il s’agit de la Polonaise Maja Parysek, de l’Allemande Maria-Sara Richter, de l’Espagnol Hector Ferrer, de l’Israélien Shlomi Schlomo et du Japonais Brett Fukuda. Bienvenue à eux !

production d’Eugène Onegin qui a clôturé la saison dernière de l’OnR, le ténor Liparit Avetysan sera présent sur de grandes scènes allemandes au cours des prochains mois dans les rôles du Duc dans Rigoletto et d’Edgardo dans Lucia di Lammermoor à Dresde avant d’interpréter Rodolfo dans la nouvelle production de La Bohème de la Komische Oper de Berlin dans la mise en scène de Barrie Kosky dont l’OnR présente en octobre et en novembre Pelléas et Mélisande.

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*!* Cinq jeunes danseurs

*!* Après une reprise estivale de son spectacle Face à la mer, pour que les larmes deviennent des éclats de rire créé au Festival d’Avignon 2017, le chorégraphe Radhouane El Meddeb poursuit, au cours de l’automne, la préparation de ce grand événement pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin que sera le nouveau Lac des cygnes dont la première aura lieu à Strasbourg le 10 janvier. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Le chef d’orchestre Jacques Lacombe a pris les rênes de l’Orchestre symphonique de Mulhouse cet été. Au cours de l’automne, avant de diriger ses musiciens pour la « recréation » de Barkouf ou un chien au pouvoir de Jacques Offenbach dans la mise en scène de Mariame Clément, il propose une série de concerts aux programmes

*!* Au cours du mois d’octobre, la metteuse en scène Nicola Raab, qui a présenté sa vision de Francesca da Rimini à l’Onr la saison dernière, a sa première de Jenufa de Leoš Janáček au Greek National Opera d’Athènes. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Marie-Eve Signeyrole, qui mettra en scène Don Giovanni à l’OnR en fin de saison, reprend en novembre à l’Opéra de Dijon, sa production de Nabucco, créée à l’Opéra de Lille avec beaucoup de succès il y a quelques mois. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Christophe Rousset, qui sera de retour à l’OnR à la tête de ses Talens Lyriques en février et mars 2019 pour la nouvelle production de La divisione del mondo de Giovanni Legrenzi, a une tournée nord-américaine au mois d’octobre. Il y interprètera

dans des lieux prestigieux, comme claveciniste, deux programmes d’œuvres de François Couperin dont il est l’un des plus grands connaisseurs. De retour en Europe, il reprendra ensuite en version de concert, avec son orchestre, au Château de Versailles, à la Cité de la musique, au Theater an der Wien à Vienne et au Théâtre de Caen, l’opéra Tarare d’Antionio Salieri. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Au mois de novembre, le directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja, dirige la reprise de la production du metteur en scène David Hermann de Vec Makropulos de Leoš Janáček à la Deutsche Oper de Berlin. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Nous attirons votre attention une fois encore sur la situation de l’artiste russe Kirill Serebrennikov (voir le dossier que nous lui avions consacré dans OnRLeMag3) dont l’assignation à résidence vient d’être à nouveau prolongée. Ce grand metteur en scène de théâtre et d’opéra, cinéaste remarquable – son dernier film Leto a été acclamé lors du Festival de Cannes 2018 – subit depuis bientôt une année les affres de la justice russe. En l'absence de tout procès, il lui est interdit depuis une année d’assumer ses responsabilités à la tête du Centre Gogol dont il est le directeur artistique. Plus grave encore, cette situation l’empêche cruellement de poursuivre ses projets personnels en raison d’une atteinte inadmissible à sa liberté d’expression. N’oublions pas Kirill ! #FreeKirill P. 38 – 39

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calendrier Informations communiquées sous réserve de modifications

STRASBOURG

MULHOUSE

COLMAR

SEPTEMBRE di lu ma je sa di lu ma me je je ve sa di

16 17 18 20 22 23 24 25 26 27 27 28 29 30

Un voyage dans la saison Opéra 11 h Rencontre autour du Barbiere Club Presse 18 h Il barbiere di Siviglia Opéra 20 h Il barbiere di Siviglia Opéra 20 h Il barbiere di Siviglia Opéra 20 h Marquis de Sade Opéra 20 h Il barbiere di Siviglia Opéra 20 h Singing Garden Opéra 20 h Il barbiere di Siviglia Opéra 20 h Université de la danse / Spectres… Singing Garden Opéra 20 h Il barbiere di Siviglia Opéra 20 h Hip-Hop’éra Battle de danse Espace Django 19 h Un voyage dans la saison Point d’eau 15 h

Ccn 19 h

OCTOBRE me je ve di di ma je ve sa sa je ve sa sa di di lu ma je sa sa sa me

03 04 05 07 07 09 11 12 13 13 18 19 20 20 21 21 22 23 25 27 27 27 31

Mercredi découverte / À la barre Ccn 14 h 30 Un voyage dans la saison Répétition publique / Spectres… Sinne 19 h Un voyage dans la saison Sinne 11 h Il barbiere di Siviglia Filature 15 h Il barbiere di Siviglia Filature 20 h Spectres d’Europe Sinne 20 h Spectres d’Europe Sinne 20 h Spectres d’Europe Sinne 20 h Bonsoir Maestro ! Franck Ollu Opéra 18 h Rencontre autour de Pelléas Kléber 18 h Pelléas et Mélisande Opéra 20 h Midi lyrique / Odyssée musicale Opéra 11 h Récital Christianne Stotijn Opéra 20 h Avec mon cous(s)in / Christianne Stotijn Opéra 11 h Pelléas et Mélisande Opéra 15 h Midi lyrique / Odyssée musicale Pelléas et Mélisande Opéra 20 h Pelléas et Mélisande Opéra 20 h « L’Atelier » : Rencontres et débats publics Sinne & autres Masterclasse Ernesto Palacio Opéra 14 h 30 Pelléas et Mélisande Opéra 20 h Classe ouverte Ccn 10 h

Théâtre 18 h

Théâtre 12 h 30

NOVEMBRE sa sa di ma me je ve di ma ma me ve sa sa di lu

03 03 04 06 07 08 09 11 13 13 14 16 17 17 18 26

Midi lyrique / Viva Rossini ! Opéra 11 h Spectres d’Europe Spectres d’Europe Université de la danse / Spectres… US 12 h 30 Mercredi découverte / À vos masques… Opéra 14 h 30 Midi lyrique / Viva Rossini ! Pelléas et Mélisande Filature 20 h Pelléas et Mélisande Filature 15 h Classe ouverte Opéra 12 h 45 Spectres d’Europe Opéra 20 h Mercredi découverte / VidéOpéra Opéra 14 h 30 Spectres d’Europe Opéra 20 h Midi lyrique / Fêtes galantes Opéra 11 h Spectres d’Europe Opéra 20 h Spectres d’Europe Opéra 15 h Midi lyrique / Fêtes galantes

Kléber Librairie Kléber, Salle Blanche 1 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg US Université de Strasbourg 4 rue Blaise Pascal, Strasbourg

Théâtre 20 h Théâtre 15 h

Théâtre 12 h 30

Théâtre 12 h 30


DÎNER des

INITIÉS

Vivre une soirée d’exception Être initié aux secrets du théâtre Sentir l’ambiance du plateau Respirer l’atmosphère des coulisses Poser le pied sur scène avant le lever de rideau Savourer un dîner dans un salon privé Assister au spectacle aux meilleures places La formule comprend : • la découverte de la scène et des coulisses avant le lever de rideau • un dîner 3 services dans un salon privé • des places en 1e catégorie avec programme du spectacle • une coupe de champagne à l’entracte servie dans un salon privé • l’accès gratuit au parking Formule ouverte aux entreprises et aux particuliers à partir de 10 personnes, en amont de la représentation de votre choix. Représentations de l’Opéra national du Rhin dans la grande salle de l’Opéra de Strasbourg ou à la Filature à Mulhouse

Renseignements / Réservations operanationaldurhin.eu (Rubrique soutenir l’Opéra) +33 (0) 3 68 98 75 34 • Marie-Odile Molina momolina@onr.fr



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