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dossier pédagogique saison 2013-2014

ˇ LeoŠ Janácek

De la maison des morts Z Mrtvého Domu, Opéra en trois actes Livret du compositeur, d’après le roman de Fedor Dostoïevski Edition critique de Sir Charles Mackerras et John Tyrrell

nouvelle production

En deux mots Sous le régime tsariste, au XIXe siècle, Goryantchikov, opposant au régime, est prisonnier politique dans un camp en Sibérie. Il se prend d’amitié pour Aljeja. On apprend comment leurs compagnons d’infortune en sont arrivés là. Une intrusion dans le monde du bagne.

Contacts Flora Klein • tél + 33 (0)3 88 75 48 54 • courriel • fklein@onr.fr Hervé Petit • tél + 33 (0)3 88 75 48 79 • courriel • hpetit@onr.fr Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg Photo Nis & For

www.operanationaldurhin.eu


Direction musicale Mise en scène Décors Costumes Lumières Dramaturgie

Alexandr Petrovitch Gorjantchikov Aljeja Filka Morosov (Luka Kuzmitch) Le grand forçat Le petit forçat Le commandant Le très vieux forçat Skuratov Tchekunov Un forçat Kedril + Une voix Chapkine Chichkov Tcherevin

Marko Letonja Robert Carsen Radu Boruzescu Miruna Boruzescu Robert Carsen, Peter Van Praet Ian Burton Nicolas Cavallier Pascal Charbonneau Peter Straka Adrian Thompson Enric Martinez-Castignani Patrick Bolleire Rémy Corazza Andreas Jäggi Peter Longauer Jean-Gabriel Saint-Martin Gijs Van der Linden Guy de Mey Martin Bàrta Philip Sheffield

Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg Universal Edition A.G., Vienne

STRASBOURG

MULHOUSE

ve 27 septembre 20 h di 29 septembre 15 h ma 1er octobre 20 h je 3 octobre 20 h sa 5 octobre 20 h

ve 18 octobre 20 h di 20 octobre 15 h

Opéra

La Filature

Langue : tchèque surtitré en français et en allemand Durée approximative : 1 h 45 Conseillé à partir de 13 ans : collège et lycée

rencontre

avec Marko Letonja et Robert Carsen animée par Marc Clémeur Strasbourg Opéra je 26 septembre 18 h 30 entrée libre


l’argument Dernier des neuf opéras composés par Leoš Janáček, De la maison des morts est créé de façon posthume en avril 1930. Souvenirs de la maison des morts, le roman de Fedor Dostoïevski (1821-1881), qui décrit son expérience du bagne, sert de base au livret traduit et adapté par le compositeur, ouvrage dans lequel l’écrivain raconte sa propre expérience du bagne.

Acte I Dans la cour d’un bagne de Sibérie, au XIXe siècle Dans une ambiance pesante, quelques prisonniers sortent de leur baraque et vont se laver, certains tourmentent un aigle blessé, deux d’entre eux se disputent. Un certain Gorjantchikov, prisonnier politique, fait son entrée dans le camp, encore vêtu de ses habits civils. Le Commandant ordonne de le faire raser et enchaîner, et lui recommande de bien se tenir. Il répond en annonçant qu’il est prisonnier politique, ce qui courrouce le Commandant, qui le fait fouetter. Seul Aljeja semble s’émouvoir du châtiment. Les tortionnaires de l’aigle ironisent sur le « Tsar des forêts » qu’ils asticotent. Le Commandant ordonne à tous de se mettre au travail. On les entend se lamenter sur leur sort. Skouratov, un des prisonniers, entonne un chant populaire sous les moqueries de Louka. Il raconte qu’il a été cordonnier à Moscou, se met à danser jusqu’à l’épuisement. Louka explique pourquoi il est ici. Soldat, il a été brutalisé par son commandant et, dans un accès de colère, il lui a planté un couteau dans le ventre. Gorjantchikov apparaît, le corps meurtri par les cent coups de fouet qu’il a subis.

Acte II Un an plus tard Le soleil décline sur la rivière Irtych qui borde le camp. Un groupe de prisonniers répare un bateau sur la berge. Gorjantchikov interroge Aljeja au sujet de sa sœur, qui lui répond qu’elle doit être morte de honte suite à sa déportation. Gorjantchikov propose alors à Aljeja de lui apprendre à lire et à écrire, ce qu’il accepte avec joie. Le soir-même doit avoir lieu une représentation de théâtre pour le jour de fête. Le Pope, le Commandant, quelques officiels et les gardes s’installent à une table dressée à leur attention tandis que des prisonniers achètent un peu de nourriture. Skouratov se lamente et les prisonniers lui demandent de raconter son histoire. Il est tombé un jour amoureux de Louisa, une belle Allemande qui en pinçait aussi pour lui. Mais la mère de la jeune fille l’a promise à un riche Allemand que Skuratov a tué. Voilà que commence la pièce, jouée par des prisonniers : Le Jeu de Kedril et de Don Juan. La pièce : « Don Juan est sur le point de mourir mais, bravant les diables qui l’entourent, veut accomplir trois aventures avant son trépas. Séduisant Elvire, il tue ensuite son chevalier servant, repousse la femme d’un cordonnier qu’il estime trop laide et s’attaque à l’épouse d’un pope, quand les diables reviennent à la charge et l’emportent. Suit la pantomime de La Belle Meunière. Dès que son mari est parti, la belle reçoit ses amants. Un voisin, qui se cache sous la table à l’arrivée du greffier, greffier qu’elle cache dans un coffre à l’arrivée du brahmane, brahmane qui se réfugie dans un sac au retour du meunier. Ce dernier trouve les deux premiers et les chasse et quand le déguisement du brahmane tombe apparaît Don Juan, qui tue le meunier et entraîne sa femme dans une valse. Les diables font à nouveau leur apparition et se précipitent sur lui. » Le rideau tombe. Gorjantchikov se retrouve seul à boire du thé avec Aljeja tandis que les prisonniers se dispersent. L’un deux rencontre une prostituée. Un autre s’approche d’Aljeja et de Gorjantchikov, les soupçonne de bénéficier de privilège et finit par blesser Aljeja en lui lançant un baquet.

Acte III Scène 1 À l’infirmerie du camp, Aljeja est alité. Gorjantchikov lui rend visite. Louka se meurt, Tchekunov s’en prend à lui. Un vieux prisonnier se lamente. Chapkine conte son histoire : cambriolant un riche marchand, le commissaire qu’il a pris sur le fait lui a tiré une oreille au point de lui arracher. Skuratov délire et appelle sa Louisa qu’il a tuée d’un coup de pistolet. Chichkov a épousé Akoulina qui avait été soi-disant déshonorée par un certain Filka. Elle lui a avoué avoir toujours aimé ce dernier, aussi Chichkov l’a égorgée. On annonce la mort d’un prisonnier. Chichkov reconnaît en lui Filka et insulte son cadavre. Appelé par un garde, Gorjantchikov doit laisser Aljeja. Scène 2 - Dans la cour du bagne, le soleil brille Gorjantchikov arrive, le Commandant, ivre, s’excuse de l’avoir fait fouetter et lui annonce que grâce à sa mère qui a intercédé pour lui, il est gracié. Aljeja est désespéré. Gorjantchikov lui parle pour le réconforter. L’aigle blessé, qui a retrouvé de la vigueur, s’envole.


Le roman de Dostoïevsky

« Souvenirs de la maison des morts »

Le roman édité en 1862 a été commencé en 1855, après cinq années d’emprisonnement. Le début du roman propose une description de la « maison des morts » :

La description du bagne

« Notre maison de force se trouvait à l’extrémité de la citadelle, derrière le rempart. Si l’on regarde par les fentes de la palissade, espérant voir quelque chose – on n’aperçoit qu’un petit coin de ciel et un haut rempart de terre, couvert des grandes herbes de la steppe. Nuit et jour, des sentinelles s’y promènent en long et en large ; on se dit alors que des années entières s’écouleront et que l’on verra, par la même fente de palissade, toujours le même rempart, toujours les mêmes sentinelles et le même petit coin de ciel, non pas de celui qui se trouve au-dessus de la prison, mais d’un autre ciel, lointain et libre. Représentez-vous une grande cour, longue de deux cents pas et large de cent-cinquante, enceinte d’une palissade hexagonale irrégulière, formée de pieux étançonnés et profondément enfoncés en terre : voilà l’enceinte extérieure de la maison de force. D’un côté de la palissade est construite une grande porte, solide et toujours 1891 un bagne dans les mines de Nertchinsk en Sibérie fermée, que gardent constamment des factionnaires, et qui ne s’ouvre que quand les condamnés vont au travail. Derrière cette porte se trouvaient la lumière, la liberté ; là vivaient des gens libres. En deçà de la palissade on se représentait ce monde merveilleux, fantastique comme un conte de fées : il n’en était pas de même du nôtre – tout particulier, car il ne ressemblait à rien ; il avait ses mœurs, son costume, ses lois spéciales : c’était une maison morte-vivante, une vie sans analogue et des hommes à part. C’est ce coin que j’entreprends de décrire. Quand on pénètre dans l’enceinte, on voit quelques bâtiments. De chaque côté d’une cour très vaste s’étendent deux constructions de bois, faites de troncs équarris et à un seul étage : ce sont les casernes des forçats. On y parque les détenus, divisés en plusieurs catégories. Au fond de l’enceinte on aperçoit encore une maison, la cuisine, divisée en deux chambrées ; plus loin encore se trouve une autre construction qui sert tout à la fois de cave, de hangar et de grenier. Le centre de l’enceinte, complètement nu, forme une place encore dans la journée, si les soldats de garde sont défiants et habiles à compter. Tout autour, entre la palissade et les constructions, il reste une assez grande surface libre où quelques détenus misanthropes ou de caractère sombre aiment à se promener, quand on ne travaille pas : ils ruminent là, à l’abri de tous les regards, leurs pensées favorites. Lorsque je les rencontrais pendant ces promenades, j’aimais à regarder leurs visages tristes et stigmatisés, et à deviner leurs pensées. Un des forçats avait pour occupation favorite, dans les moments de liberté que nous laissaient les travaux, de compter les pieux de la palissade. Il y en avait quinze cents, il les avait tous comptés et les connaissait même par cœur. Chacun d’eux représentait un jour de réclusion : il décomptait quotidiennement un pieu et pouvait, de cette façon, connaître exactement le nombre de jours qu’il devait encore passer dans la maison de force. Il était sincèrement heureux quand il avait achevé un des côtés de l’hexagone : et pourtant, il devait attendre sa libération pendant de longues années ; mais on apprend la patience à la maison de force. Je vis un jour un détenu qui avait subi sa condamnation et que l’on mettait en liberté, prendre congé de ses camarades. Il avait été vingt ans aux travaux forcés. Plus d’un forçat se souvenait de l’avoir vu arriver jeune, insouciant, ne pensant ni à son crime ni au châtiment : c’était maintenant un vieillard. […] Quand le crépuscule commençait, on nous faisait rentrer dans la caserne, où l’on nous enfermait pour toute la nuit. Il m’était toujours pénible de quitter la cour pour la caserne. Qu’on se figure une longue chambre, basse et étouffante, éclairée à peine par des chandelles et dans laquelle traînait une odeur lourde et nauséabonde. Je ne puis comprendre maintenant comment j’y ai vécu dix ans entiers. Mon lit de camp se composait de trois planches : c’était toute la place dont je pouvais disposer. Dans une seule chambre on parquait plus de trente hommes. »


Le quotidien à « la maison des morts » « J’éprouvai tout d’abord une répugnance invincible en arrivant à la maison de force, mais, chose étrange la vie m’y sembla moins pénible que je ne me l’étais figuré en route. En effet, les détenus, bien qu’embarrassés par leurs fers, allaient et venaient librement dans la prison ; ils s’injuriaient, chantaient, travaillaient, fumaient leur pipe et buvaient de l’eau-de-vie (les buveurs étaient pourtant assez rares) ; il s’organisait même de nuit des parties de cartes en règle. Les travaux ne me parurent pas très pénibles ; il me semblait que ce n’était pas la vraie fatigue du bagne. Je ne devinai que longtemps après pourquoi ce travail était dur et excessif ; c’était moins par sa difficulté que parce qu’il était forcé, contraint, obligatoire, et qu’on Je ne devinai que longtemps après ne l’accomplissait que par crainte du bâton. Le paysan travaille certainement beaucoup plus que le forçat, car pendant l’été il peine pourquoi ce travail était dur et excessif ; c’était moins par sa difficulté nuit et jour ; mais c’est dans son propre intérêt qu’il se fatigue, son but est raisonnable, aussi endure-t-il moins que le condamné qui que parce qu’il était forcé, contraint, exécute un travail forcé dont il ne retire aucun profit. Il m’est venu obligatoire, et qu’on ne l’accomplissait un jour à l’idée que si l’on voulait réduire un homme à néant, le punir atrocement, l’écraser tellement que le meurtrier le plus endurci que par crainte du bâton. tremblerait lui-même devant ce châtiment et s’effraierait d’avance, il suffirait de donner à son travail un caractère de complète inutilité, voire même d’absurdité. Les travaux forcés tels qu’ils existent actuellement ne présentent aucun intérêt pour les condamnés, mais ils ont au moins leur raison d’être : le forçat fait des briques, creuse la terre, crépit, construit ; toutes ces occupations ont un sens et un but. Quelquefois même le détenu s’intéresse à ce qu’il fait. Il veut alors travailler plus adroitement, plus avantageusement ; mais qu’on le contraigne, par exemple, à transvaser de l’eau d’une tine dans une autre, et vice versa, à concasser du sable ou à transporter un tas de terre d’un endroit à un autre pour lui ordonner ensuite la réciproque, je suis persuadé qu’au bout de quelques jours le détenu s’étranglera ou commettra mille crimes comportant la peine de mort plutôt que de vivre dans un tel abaissement et de tels tourments. Il va de soi qu’un châtiment semblable serait plutôt une torture, une vengeance atroce qu’une correction ; il serait absurde, car il n’atteindrait aucun but sensé. Je n’étais, du reste, arrivé qu’en hiver, au mois de décembre ; les travaux avaient alors peu d’importance dans notre forteresse. Je ne me faisais aucune idée du travail d’été, cinq fois plus fatigant. Les détenus, pendant la saison rigoureuse, démolissaient sur l’Irtych de vieilles barques appartenant à l’État, travaillaient dans les ateliers, enlevaient la neige amassée par les ouragans contre les constructions, ou brûlaient et concassaient de l’albâtre, etc. Comme le jour était très court, le travail cessait de bonne heure, et tout le monde rentrait à la maison de force où il n’y avait presque rien à faire, sauf le travail supplémentaire que s’étaient créé les forçats. Un tiers à peine des détenus travaillaient sérieusement : les autres fainéantaient et rôdaient sans but dans les casernes, intriguant, s’injuriant. Ceux qui avaient quelque argent s’enivraient d’eau-de-vie ou perdaient au jeu leurs économies ; tout cela par fainéantise, par ennui, par désœuvrement. J’appris encore à connaître une souffrance qui peut-être est la plus aiguë, la plus douloureuse qu’on puisse ressentir dans une maison de détention, à part la privation de liberté : je veux parler de la cohabitation forcée. La cohabitation est plus ou moins forcée partout et toujours, mais nulle part elle n’est aussi horrible que dans une prison ; il y a là des hommes avec lesquels personne ne voudrait vivre. Je suis certain que chaque condamné – inconsciemment peut-être – en a souffert. La nourriture des détenus me parut passable. Ces derniers affirmaient même qu’elle était incomparablement meilleure que dans n’importe quelle prison de Russie. Je ne saurais toutefois le certifier – car je n’ai jamais été incarcéré ailleurs. Beaucoup d’entre nous avaient, du reste, la faculté de se procurer la nourriture qui leur convenait ; quoique la viande ne coûtât que trois kopeks, ceux-là seuls qui avaient toujours de l’argent se permettaient le luxe d’en manger : la majorité des détenus se contentaient de la ration réglementaire. Quand ils vantaient la nourriture de la maison de force, ils n’avaient en vue que le pain, que l’on distribuait par chambrée et non pas individuellement et au poids. Cette dernière condition aurait effrayé les forçats, car un tiers au moins d’entre eux, dans ce cas, aurait constamment souffert de la faim, tandis qu’avec le système en vigueur, chacun était content. Notre pain était particulièrement savoureux et même renommé en ville ; on attribuait sa bonne qualité à une heureuse construction des fours de la prison. Quant à notre soupe de chou aigre (chtchi), qui se cuisait dans un grand chaudron et qu’on épaississait de farine, elle était loin d’avoir bonne mine. Les jours ouvriers, elle était fort claire et maigre ; mais ce qui m’en dégoûtait surtout, c’était la quantité de cancrelats qu’on y trouvait. Les détenus n’y prêtaient toutefois aucune attention.


Les trois jours qui suivirent mon arrivée, je n’allais pas au travail ; on donnait toujours quelque répit aux nouveaux déportés, afin de leur permettre de se reposer de leurs fatigues. Le lendemain, je dus sortir de la maison de force pour être ferré. Ma chaîne n’était pas « d’uniforme », elle se composait d’anneaux qui rendaient un son clair : c’est ce que j’entendis dire aux autres détenus. Elle se portait extérieurement, par-dessus le vêtement, tandis que mes camarades avaient des fers formés non d’anneaux, mais de quatre tringles épaisses comme le doigt et réunies entre elles par trois anneaux qu’on portait sous le pantalon. À l’anneau central s’attachait une courroie, nouée à son tour à une ceinture bouclée sur la chemise. Je revois nettement la première matinée que je passai dans la maison de force. Le tambour battit la diane au corps de garde, près de la grande porte de l’enceinte ; au bout de dix minutes le sous-officier de planton ouvrit les casernes. Les détenus s’éveillaient les uns après les autres et se levaient en tremblant de froid de leurs lits de planches, à la lumière terne d’une chandelle. Presque tous étaient moroses. Ils bâillaient et s’étiraient, leurs fronts marqués au fer se contractaient ; les uns se signaient ; d’autres commençaient à dire des bêtises. La touffeur était horrible. L’air froid du dehors s’engouffrait aussitôt qu’on ouvrait la porte et tourbillonnait dans la caserne. Les détenus se pressaient autour des seaux pleins d’eau : les uns après les autres prenaient de l’eau dans la bouche, ils s’en lavaient la figure et les mains. Cette eau était apportée de la veille par le parachnik, détenu qui, d’après le règlement, devait nettoyer la caserne. Les condamnés le choisissaient eux-mêmes. Il n’allait pas au travail, car il devait examiner les lits de camp et les planchers, apporter et emporter le baquet pour la nuit, remplir d’eau fraîche les seaux de sa chambrée. Cette eau servait le matin aux ablutions ; pendant la journée c’était la boisson ordinaire des forçats. »

Fedor Dostoïevski (1821-1881) Considéré comme l’un des plus grands romanciers russes à l’influence toujours inégalée, il est né à Moscou le 11 novembre 1821 et mort à Saint-Pétersbourg le 9 février 1881. Sa mère meurt alors qu’il a 16 ans. Son père, propriétaire de deux villages dont il maltraite les serfs, est assassiné en 1839. Un an plus tôt, Fedor intègre l’École supérieure des Ingénieurs militaires de Saint-Pétersbourg qu’il quitte en 1844 pour se consacrer à l’écriture. Devenu membre des cercles progressistes de Saint-Pétersbourg, il est arrêté pour cette raison et condamné à mort en 1849. Mais la peine est commuée en déportation en Sibérie où il séjourne près de cinq années. Cette expérience est relatée dans Mémoires d’une maison des morts qui fait l’objet de l’opéra De la maison des morts. En 1854, il est libéré et assigné comme officier en Sibérie où il épouse Maria Dmitrievna Issaïeva qui meurt en 1864, tout comme son frère dont il adopte les enfants. Pour subvenir à leurs besoins, il joue, et le jeu devient par ailleurs une addiction. Il se rend en 1862 en Europe occidentale. En 1867, il épouse Anna, qu’il avait engagée comme secrétaire. C’est à ce moment qu’il écrit Crime et Châtiment, L’Idiot, Les Démons, certainement ses œuvres les plus abouties. Il tire ses influences de George Gordon Byron, Honoré de Balzac, qu’il traduit d’ailleurs en Russe dès 1844, Charles Dickens, Victor Hugo ou E.T.A. Hoffmann. Bien sûr, Alexandre Pouchkine et Nicolas Gogol seront pour lui une grande source d’inspiration. Le théâtre de Racine, de Shakespeare, de Schiller et de Molière aussi. Dans ses romans, il évoque des personnages de toutes classes sociales et aux destins variés, parfois les parias : Les Nuits blanches en 1848, Crime et Châtiment en 1866, Le Joueur en 1866, L’Idiot en 1868, Les Possédés en 1871, L’Adolescent en 1875, Les Frères Karamazov en 1879, dans lesquels les personnages voient leur psychologie évoluer au cours des ouvrages, ce qui est nouveau.


1930

année de la création de l’Œuvre Architecture

Littérature

Construction de l’Empire State Building

• Louis Aragon, La Peinture au défi • André Breton, Le Second Manifeste du Surréalisme • Jean Cocteau, Opium • Salvatore Dali, La Femme invisible • Paul Eluard, L’Immaculée Conception, Ralentir travaux, à toute épreuve • Marx Ernst, La Femme 100 tête • Jean Giono, Regain • Hergé, Tintin au pays de Soviets • André Malraux, La Voie royale • Paul Morand, Champion du monde • Wladimir Nabokov, Le Guetteur • José Ortega y Gasset, La Révolte des masses • Luigi Pirandello, Ce soir on improvise, L’Amie de leur femme • Georges Simenon, Le Relais

Art Cinéma • La Nuit est à nous de Henry Roussell, premier film sonore et parlant • Parade d’amour avec Maurice Chevalier et Jeanette Mac Donald • Animal Crackers, film de Victor Heerman avec les Marx Brothers • Der blaue Engel (L’Ange bleu) de Josef von Sternberg avec Marlène Dietrich et Emil Jannings, tiré du roman de Heinrich Mann • Le Cameraman de Buster Keaton • Sous les toits de Paris de René Clair • Hell’s angels de Howard Hugues, avec Jean Harlow • Le Masque de fer de Douglas Fairbanks • À l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone • Le Sang d’un poète de Jean Cocteau • L’âge d’or de Luis Buñuel dont Dali a collaboré au scénario

• Hans Arp, Torses • Pierre Bonnard, La Salle à manger • André Derain, Les Baigneuses

• Otto Dix, La Guerre

Politique • Gandhi insuffle un grand mouvement de désobéissance civile. • Accélération de la collectivisation des campagnes en Union soviétique. La collectivisation forcée des terres entraîne des troubles dans les campagnes. Création des goulags en Sibérie. • Mémorandum français (Aristide Briand) sur la fédération européenne. • Plus de quatre millions de chômeurs en Allemagne. • La Rhénanie est totalement libérée des Alliés. • Le parti nazi d’Adolf Hitler obtient 18,3 % des voix, soit 107 sièges au Reichstag. • La France, dont le président est Paul Doumer, promulgue une constitution pour la Syrie.

• L’architecte Ludwig Mies van der Rohe prend la tête de l’école du Bauhaus à Dessau


la déportation Une définition La déportation est appliquée à des individus faits prisonniers et éloignés de leur lieu de résidence, de leur famille. Déjà sous l’Empire romain, le déporté perdait les droits de cité et ses droits de famille. Ainsi furent déportés de nombreux Gaulois. Elle n’a cessé partout dans le monde depuis. Plus récemment, en Russie, après l’abolition de la peine de mort en 1741, elle s’y est substituée, devenant moyen massif de peupler la Sibérie et l’Asie centrale à l’époque soviétique. Pour l’Empire britannique, elle permettra aussi le peuplement de ses colonies. L’Empire ottoman a procédé en 1915-1916 à une vaste déportation et extermination des Arméniens. La liste des exemples est impressionnante.

La déportation sous le régime nazi Cette organisation a servi au régime nazi à éloigner ceux qu’il considérait comme nuisibles à son fonctionnement et à son idéologie. Ainsi seront déportés des politiques, des asociaux, des homosexuels, des témoins de Jéhovah, et les Juifs et les Tziganes qui, eux, seront voués à l’extermination totale, avec la « solution finale », véritable industrie du crime organisé. Extraits de témoignages de déportés au Struthof, seul camp de déportation nazi situé en France : Source : http://www.struthof.fr/

«

Gaston Charlet : « Tenir », c’était penser : « Quand je sortirai de là », alors qu’on savait n’avoir qu’une chance sur cent d’en sortir. » C’était se dire : « Ils nous le paieront un jour », alors qu’on savait déjà qu’ils ne nous le paieraient jamais. C’était affirmer : « Je n’ai pas faim », alors que la disette vous crochetait l’estomac ; « Je n’ai pas froid », quand on claquait des dents… « Je n’ai pas mal », en regardant les zébrures violettes que les lanières de la schlague avaient marquées sur vos bras et sur vos reins. « Tenir », c’était vouloir résister avec obstination, envers et contre tout, quoi qu’il arrivât, c’était garder sa foi et son moral autant que ses os, et la peau qui les recouvrait ; c’était rester fidèle à l’idéal dont on avait déjà pu mesurer qu’il était le frère jumeau du risque. D’un risque susceptible de conduire au-delà même de la déportation, et qu’entretenait la hantise hallucinante de la mort. « Tenir », enfin, c’était « vouloir durer ». Tous, ou presque tous, ont voulu. Certains ont pu, d’autres pas. Pour ces derniers, le destin sans doute, n’était pas d’accord. » Voir aussi : http://www.crdp-strasbourg.fr/struthof/

»

le goulag Le Goulag est l’organisme central gérant les camps de travail forcé en Union soviétique, à partir de 1934. Par abus de langage, c’est ainsi qu’on a appelé les camps de déportation soviétiques dans l’un desquels Alexandre Soljenitsyne a été interné. Cet écrivain a recueilli dans son ouvrage le plus célèbre, L’Archipel du Goulag, des témoignages de détenus et les siens. Extraits de L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne : « La nature humaine, si elle évolue, ce n’est guère plus vite que le profil géologique de la terre. » « Si, aux intellectuels de Tchekhov qui passaient leur temps à essayer de deviner ce qu’il adviendrait dans vingt, trente ou quarante ans, on avait répondu que, quarante ans plus tard, dans la Sainte Russie, on torturerait les inculpés pendant l’instruction, on leur comprimerait le crâne à l’aide d’un cercle de fer, on les plongerait dans des baignoires d’acide, [….] et, en guise de traitement le plus bénin, on leur infligerait pendant une semaine d’affilée le supplice de l’insomnie et de la soif tout en les battant jusqu’à ce que leur chair ne soit plus qu’une bouillie sanglante, aucune des pièces de Tchekhov ne serait arrivée jusqu’à son dénouement et tous leurs héros auraient pris le chemin de l’asile. »


et aujourd’hui ? Extrait du site ARTE JOURNAL - 17/08/2012 Les Pussy Riot condamnées à 2 ans d’internement Les trois membres du groupe punk Pussy Riot vont passer les deux prochaines années de leur vie dans un camp de travail russe. Un camp, c’est un ensemble de bâtiments (administration, dortoirs des détenus, zone de travail...) entouré de palissades, de barbelés et de miradors, le plus souvent adossé à des villages. Les prisonnières portent un uniforme vert avec leur nom marqué sur la poitrine. Les vêtements personnels sont interdits. Elles ont le droit de téléphoner, en général une fois par mois, et la conversation ne peut dépasser 15 minutes. Elles vivent le plus souvent dans des chambrées de 100 à 120 femmes. La journée, qui commence avec le réveil à 6 h, est marquée par plusieurs rassemblements dehors pour compter les prisonnières. Si la température descend en dessous de -30 degrés, l’appel – qui peut durer une trentaine de minutes – se fait à l’intérieur. Voir aussi : http://russie-libertes.org/2012/08/23/a-quoi-ressemble-un-camp-de-travail-russe/ Image Arte Journal


biographies

Marko Letonja, Direction musicale Le chef slovène se produit, depuis 1991, tant en concert qu’à l’opéra sur les scènes internationales. Il est directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg depuis 2012. Il est aussi directeur artistique de l’Orchestre Symphonique de Tasmanie. Il étudie le piano et la direction à l’Académie de musique de Ljubljana, suit les cours d’Otmar Suitner à Vienne où il obtient ses prix en 1989. De 1991 à 1993, il est directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Slovénie. Rapidement invité sur les scènes internationales, il se produit avec les Wiener Symphonikern, le Münchner Rundfunkorchester, les orchestres de Stuttgart, Munich, Hambourg, effectue une tournée avec l’Orchestre symphonique « Giuseppe Verdi » de Milan, ou accompagne la soprano Nina Stemme avec l’orchestre de l’Opéra de Stockholm. Il est chef permanent et directeur musical de l’Orchestre symphonique et de l’Opéra de Bâle de 2003 à 2006. Il y enregistre également des CD, notamment de l’intégrale des symphonies de Felix Weingartner. Son répertoire vaste et diversifié le conduit sur toutes les scènes lyriques européennes (Berlin, Dresde, Genève, Lisbonne, Milan, Strasbourg). Il est régulièrement invité en Australie et devient principal chef invité de l’Orchestre Victoria de Melbourne. En 2013, il fait ses débuts à l’Opéra de Vienne avec La Dame de pique et retournera en 2015 à la Scala de Milan, où il a dirigé cette saison Les Contes d’Hoffmann. À l’OnR, il a dirigé Die Walküre (2008), Götterdämmerung (2011) et Der Rosenkavalier, le Requiem de Verdi au Zénith et Der ferne Klang (2012). Il est directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.

Robert Carsen, Mise en scène Né au Canada, il est invité par toutes les scènes lyriques les plus prestigieuses. Il a réalisé à l’invitation de Marc Clémeur à l’Opéra de Flandre les cycles Puccini et Janáček et la création de Richard III de Battistelli. Il a conçu la scénographie de l’exposition Bohèmes récemment présentée au Grand Palais (Paris). Ses réalisations récentes comprennent Ariadne auf Naxos à Munich, Berlin et Copenhague, Le Couronnement de Poppée à Glyndebourne, Bordeaux et Vienne, Carmen à Amsterdam, Salome à Madrid, My Fair Lady au Châtelet, Rinaldo d’Haendel au festival de Glyndebourne, Don Giovanni à la Scala de Milan, Lucia di Lammermoor à Zurich et Munich, Mefistofele à Chicago, Houston et Washington, Mitridate à Bruxelles et Vienne, Orfeo ed Euridice à Chicago, Semele à Zurich. En 2012-2013, il met en scène JJR de Fénelon à Genève, Die Zauberflöte à Baden-Baden et sera à l’Opéra de Paris la saison prochaine pour Elektra. On se souvient à l’OnR de ses productions d’Orlando d’Haendel (1997) et du Songe d’une nuit d’été de Britten (1998), de Richard III de Battistelli (2009), de Jenůfa (2010), puis de La Bohème (2011), de Kat’a Kabanova (2012) et de L’Affaire Makropoulos (2011), La Petite Renarde rusée et Tosca (2012).


ˇ Leoš Janácek Leoš Janáček est né le 3 juillet 1854 à Hukvaldy en Moravie, d’un père instituteur et organiste. Il obtient son diplôme et devient en 1872 lui-même instituteur et maître de musique. En 1874 et 1875, il suit les cours de l’école d’orgue de Prague où il rencontre en 1874 celui qui deviendra son ami, Antonín Dvorák, puis il exerce à Brno comme professeur de musique et chef de chœur. Suite pour orchestre est composée en 1877. L’année suivante, il rentre au Conservatoire de Saint-Petersbourg, compose Idyla pro smycce (Idylle pour orchestre à cordes). En 1879, il travaille au Conservatoire de Leipzig, puis, en 1880, au Conservatoire de Vienne. De 1880 à 1904, il est professeur de musique à l’École Normale de Brno, de 1886 à 1902, il enseigne le chant au lycée et dirige l’école d’orgue de 1881 à 1919. Il se marie en 1881. Ils ont deux enfants qui meurent. Le couple se sépare en 1916. Il compose son premier opéra, Šárka, en 1887. Secrétaire du département moravien des études folkloriques de Prague en 1885, il crée les Valašské tance (Danses moraves) en 1888-1890, et un ballet, Rákós Rákóczy, en 1891. On retrouve l’influence directe de ses études dans les opéras qui suivent : Pocátek románu (Le Début d’un roman) en 1891 et Její pastorkyna (Leur Fille nourricière), connu sous le titre de Jenůfa, en 1904. Il s’engage dans le mouvement social contre la monarchie. Sa sonate 1. X. 1905 Z ulice (Dans la rue) est un hommage à un ouvrier abattu à Brno. Il met en musique des poèmes d’inspiration socialiste de Petr Bezruc et fustige la petite bourgeoisie tchèque dans l’opéra Výlety páne Brouckovy (Les Excursions de Monsieur Broucek). Il compose sa rhapsodie pour orchestre Tarass Boulba en 19151918 et le cycle de mélodies Journal d’un disparu en 1917-1919. La fondation de la République tchécoslovaque, en 1918, lui redonne de la vigueur. La composition de ses plus grands succès s’enchaîne : l’opéra Káta Kabanová en 1919-1921, d’après L’Orage d’Ostrovski, une réflexion sur la société bourgeoise, Bystroušky en 1921-1923, La Petite Renarde rusée, qui exprime l’authenticité et la vitalité de la nature, L’Affaire Makropoulos en 1923-1925, dont il adapte lui-même le livret, La Messe glagolitique en 1926, sur des textes en vieux bulgare et l’opéra De la maison des morts en 19271928, d’après Dostoïevski. Il meurt à Ostrava en Moravie, le 12 août 1928.


prolongements pédagogiques

Arts du son

• Un Prélude émouvant et développé • L’orchestration singulière (cloches, scie, chaînes, enclume, crécelle, registres extrêmes des instruments) liée à une écriture musicale hyperactive • Des motifs mélodiques surtout instrumentaux et des couleurs orchestrales récurrentes servant de repères, comme des thèmes • Une musique à l’atmosphère tendue, brutale illustrant la vie du bagne ponctuée de moments plus doux symbolisant l’espoir et la volonté de vivre • Traitement vocal : de longs récitatifs évolutifs • Langage musical et tonalité élargie (utilisation de la dissonance) • Janáček, compositeur tchèque

Arts du langage

• Un livret élaboré d’après le roman de Dostoïevski, Souvenirs de la maison des morts • Le style romanesque de Dostoïevski • Le récit, la narration, l’évocation de personnages du passé et de la vie à l’extérieur de la prison

Histoire-géographie

• L’univers du bagne sibérien (Dostoïevski a lui-même été déporté) et du milieu pénitentiaire, l’oppression et l’humiliation des plus faibles • La Sibérie • Les raisons de la déportation • La Tchékoslovaquie en 1930 • Le monde concentrationnaire • Le sort des prisonniers politiques

Arts du visuel • Portraits des personnages, principalement masculins

Arts de l’espace • Monuments de la ville de Prague


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