dossier pédagogique saison 2011-2012
let’s dance ! ANTONY TUDOR THOMAS NOONE MATHIEU GUILHAUMON
Contacts Flora Klein • tél + 33 (0)3 88 75 48 54 • courriel • fklein@onr.fr Hervé Petit • tél + 33 (0)3 88 75 48 79 • courriel • hpetit@onr.fr Opéra national du Rhin • 19 place Broglie • BP 80 320 • 67008 Strasbourg Photo Nis & For
www.operanationaldurhin.eu
Let’s dance !
En représentation scolaire, seule la pièce « Tea for six (or ten) » de Mathieu Guilhaumon sera présentée.
antony tudor thomas noone mathieu guilhaumon
Durée du spectacle : 1 h environ
22 01 19 02 LA filature THÉÂTRE
MULHOUSE di 22.01 15 h ma 24.01 14 h 30 * ma 24.01 20 h Création en 1936 par le Ballet rambert
le jardin aux lilas
OPÉRA
COLMAR sa 04.02 20 h di 05.02 15 h
STRASBOURG me 15.02 20 h je 16.02 14 h 30 * je 16.02 20 h ve 17.02 20 h sa 18.02 20 h
* représentations réservées aux groupes scolaires réservations : département jeune public
Chorégraphie
Antony Tudor Musique
Poème pour violon et orchestre, op. 25 Ernest Chausson création
many Chorégraphie
Thomas Noone
CRÉATION MUSICALE
Philip Sheppard Création
tea for six (or ten) Chorégraphie
Mathieu Guilhaumon Musique
Henry Purcell décors et Costumes
Christelle Reboulet Ballet de l’OnR
Spectacle présenté avec des musiques enregistrées
danse à l’université Rencontre dansée je 12.01 18 h 30 Mulhouse, Université de Haute-Alsace Gymnase universitaire
me 02.02 18 h 30 Strasbourg, Université de Strasbourg Le Portique
les coulisses du ballet Visite du CCN me 11.01 15 h Mulhouse, Centre chorégraphique
répétition publique sa 19.01 18 h 30 Mulhouse, La Filature Entrée libre (pour tous) Durée : 1 h environ
Durée approximative : 2 h Conseillé à partir de 7 ans : élémentaire, collège et lycée
au sujet du programme Le Ballet de l’OnR met l’île britannique à l’honneur dans un programme qui lui est entièrement dédié. Entre tradition et extravagance, Let’s Dance ! puise dans toutes les richesses de la danse anglaise. À commencer par une référence de la chorégraphie anglo-saxonne, Antony Tudor et son œuvre phare, Le Jardin aux lilas, avec en contrepoint le nouveau talent de la scène anglaise qu’est Thomas Noone pour la création Many. Finalement, c’est un jeune français, Mathieu Guilhaumon, chorégraphe et danseur de la compagnie, qui invitera le public à déguster un Tea for six (or ten).
DP Let’s dance ! 2011-2012 • 3
le jardin aux lilas - Antony Tudor
Création en 1936 par le Ballet Rambert Pièce pour 13 danseurs Durée : 17 minutes Chorégraphie Antony Tudor Musique
Poème pour violon et orchestre, op. 25 Ernest Chausson
Maquettes des costumes du Jardin aux Lilas, Hugh Stevenson
l’argument Lors d’un bal, dans un jardin embaumant le lilas, Caroline, la veille de la célébration de ses noces, un mariage de convenance, veut dire adieu au jeune officier qu’elle aime. Elle découvre que la maîtresse de son futur mari est présente à la fête. Elle se remémore son passé, envisage avec tristesse son avenir et part au bras de celui qui lui est destiné.
présentation Si le ballet anglais exerce aujourd’hui une influence internationale, son histoire est pourtant très récente. Il faut attendre 1928 et la création du Royal Ballet pour voir naître une véritable tradition chorégraphique classique en Angleterre. Parmi les premiers talents alors révélés, Antony Tudor déploie un style nouveau mêlant intensité et délicatesse pour aborder les conflits intérieurs de la société edwardienne. Son Jardin aux lilas en est l’incarnation la plus connue mais aussi la plus difficile à monter. Cette histoire d’amours impossibles donne à voir, ou plutôt dissimule derrière les branches d’un décor fleuri, les émotions de quatre personnages principaux tiraillés entre raison et passion. En arrière-plan, les lilas sont témoins du drame muet d’une soirée d’adieux. Caroline rêve désespérément d’un dernier baiser de l’être aimé, tandis qu’elle est promise à un autre pour satisfaire les ambitions de sa famille. La poésie tout intérieure de ce ballet représente un véritable défi. Au-delà de la technicité de la danse, c’est une atmosphère tissée de nostalgie et d’euphémisme qu’il s’agit de créer. Loin de ses apparences « romantiques » trompeuses, cette pièce reste très actuelle dans son évocation du passage douloureux de l’adolescence à l’âge adulte.
À propos de la musique « La liberté de sa forme n’en contrarie jamais l’harmonieuse proportion. Rien n’est plus touchant de douceur rêveuse que la fin, lorsque la musique, laissant de côté toute description, toute anecdote, devient le sentiment même qui en inspire l’émotion. Ce sont des minutes très rares dans l’œuvre d’un artiste. » Debussy à propos du Poème pour violon et orchestre de Chausson, 1913, Journal de la Société Indépendante de Musique. DP Let’s dance ! 2011-2012 • 4
Le contexte de l’époque évoquée La scène se situe dans l’époque edwardienne, sous le règne court du Roi Edward VII. Ce fils de Victoria dont la longévité explique son long statut d’héritier du trône, règne du 22 janvier 1901 – il a 60 ans à ce moment – jusqu’à sa mort le 6 mai 1910. Considéré comme « l’Oncle de l’Europe », de par ses relations familiales avec nombre de monarques européens, son appartenance à la Maison de Saxe-Cobourg-Gotha n’influence cependant pas les bonnes relations avec une Allemagne naissante et son neveu le Kaiser Guillaume II. L’époque et sa société mêlent à la fois un style post-victorien – on n’efface pas ainsi plus de soixante années de règne de Victoria (1837-1901) – et ses principes rétrogrades, et un style plus détendu apporté par le nouveau roi, dont le passé donne une image bien différente de celle montrée en exemple par sa mère. En effet, en 1861, le prince Albert, son père, blâme le jeune homme âgé de 20 ans à propos d’une liaison à scandale avec une actrice pornographique. L’époux de Victoria meurt de la typhoïde en décembre de cette même année, laissant la reine seule, qui considère son fils comme en partie responsable de la mort de son mari, lui associant également une réputation de frivole et d’irresponsable. La société de l’époque a son vernis, la réalité est différente… et le ballet de Tudor en est en quelque sorte une illustration.
Maquettes des costumes du Jardin aux Lilas, Hugh Stevenson
biographie antony tudor Chorégraphie De son vrai nom William John Cook, Antony Tudor naît (1908) et grandit à Londres. De famille modeste, ses parents veillent à lui donner une solide culture artistique : sa mère lui enseigne le piano, son père l’emmène au théâtre… Il ne découvre la danse qu’à l’âge de 19 ans, après avoir vu Anna Pavlova sur scène. Il décide de prendre des cours auprès de Marie Rambert, une ancienne danseuse des Ballets Russes, et devient son assistant au sein de sa compagnie, le Ballet Club (futur Rambert Ballet). C’est alors qu’il crée ses premières chorégraphies, dont Cross-Garter’s (1931) et deux de ses chefs-d’œuvre, Le Jardin aux lilas (1936) et Dark Elegies (1937). Jusqu’en 1935, il est également danseur au Sadler’s Wells Ballet. Par ailleurs, il travaille aussi pour la comédie musicale ; il règle ainsi les parties dansées de la pièce The Happy Hypocrite (1936), où brille la toute jeune Vivien Leigh. En 1938, avec l’aide d’Agnès de Mille, il fonde sa propre compagnie, le London Ballet, où il crée des œuvres plus légères. Invité à New York par le tout nouveau Ballet Theatre (futur American Ballet Theatre (ABT)) en 1939, il y remonte plusieurs de ses chorégraphies et en crée également de nouvelles, telles Pillar of Fire, qui assurent sa renommée aux États-Unis. En 1950, il est nommé à la tête de l’École de danse du Metropolitan Opera et donne des cours à la Juilliard School. Il continue cependant à créer de nouveaux ballets pour plusieurs compagnies : le NYCB, le Royal Ballet, l’ABT, l’Australian Ballet, le Royal Swedish Ballet… En 1974, il est associé à la direction artistique de l’ABT et occupera ce poste jusqu’à sa mort en 1987. DP Let’s dance ! 2011-2012 • 5
Thomas Noone en répétition, photos Mat Hale
many - Thomas Noone
Création Durée : 25 minutes Chorégraphie Thomas Noone création musciale Philip Sheppard
En accord avec Faber Musci Ltd
présentation Invité par Bertrand d’At pour une création originale, Thomas Noone entend mettre à profit l’expérience d’une compagnie dont la capacité d’adaptation aux styles chorégraphiques les plus variés n’est plus à démontrer. Le BOnR, pour sa part, enrichira une fois de plus sa palette d’interprétations avec une nouvelle touche artistique bien caractéristique. Tranchant résolument avec l’art de l’atténuation « so British » d’Antony Tudor, Thomas Noone impose une danse physique, presque animale, alliant violence et lyrisme sur des rythmes effrénés. « Dans Many, je souhaite développer le thème de l’individu face au groupe, la façon dont chacun cherche à se distinguer tout en restant dépendant du regard des autres. D’où le titre… Eux, le groupe, nous tous. La pièce jouera sur la notion de pluriel dans l’unisson comme dans la cacophonie. C’est une des quêtes essentielles de nos vies. Pour ne pas vivre seul, on cherche à être au moins deux. Le couple, c’est d’ailleurs un concept fondamental en chorégraphie. Quand je ferme les yeux et que j’essaie de me représenter un mouvement, je vois au moins deux personnes. Face au nombre, la toile de fond de cette pièce aura un rôle de premier plan : un portail étroit d’où tout provient et vers où tout converge. Comme si la multitude n’existait pas sans restriction ou isolement . »
Thomas Noone, propos recueillis par Louise Devaine en novembre 2011
À propos de la musique « La création musicale de Philippe Sheppard sera un élément central. Je dois être plutôt « vieux jeu » sur ce point car je ne peux pas imaginer la danse sans musique. Pour moi, c’est le fil directeur d’une chorégraphie. L’atmosphère sonore a un effet presque inconscient sur le public, elle permet de nuancer et d’influencer ce que le spectateur voit. Pour moi, le dialogue avec le compositeur est essentiel, c’est ce qui me permet de créer la danse que j’ai imaginée… »
DP Let’s dance ! 2011-2012 • 6
Thomas Noone, propos recueillis par Louise Devaine en novembre 2011
biographie thomas noone Chorégraphie
Thomas Noone en répétition, photos Mat Hale
Ce nouvel espoir britannique témoigne du rayonnement de l’école anglaise en Europe. Diplômé en géologie par l’Université d’Oxford, Thomas Noone commence la danse à l’école Rambert School de Londres. Sa carrière de danseur démarre avec la compagnie Djazzex à La Haye. Toujours aux PaysBas, il travaille avec Itzik Galili et Reflex Dance avant de partir en Belgique pour collaborer avec Charleroi Danse/Plan K. À Barcelone, il danse pour Rami Levi, la compagnie Metros de Ramón Oller et la compagnie Gelabert-Azzopardi. En 1999, il crée la pièce Still et il gagne le prix Ricard Moragas. Un an plus tard, il gagne le concours Chorégraphique de Madrid avec la pièce Credo. En 2001, il forme sa propre compagnie, la Thomas Noone Dance (TND) et il crée plusieurs chorégraphies : Credo, Loner, Maktub, Triptych, Fútil, Crush-Crease, Mur, Four, Tort, Bound ou encore The Room. Il travaille régulièrement pour des festivals, des théâtres tels que le festival Grec ou le Mercat de les Flors à Barcelone. Comme chorégraphe invité, il crée Within pour la StopGAP Dance Company, Hurt pour la Norrdans, Three Futile Stories pour la Dantzaz, un duo avec Sol Picó pour le Théâtre national de Catalogne et Buit pour le Centre Chorégraphique de Valence (Espagne). En 2010, il chorégraphie Judder pour Verve, la compagnie du Northern School of Contemporary Dance à Leeds, en Angleterre.
DP Let’s dance ! 2011-2012 • 7
tea for six (or ten) - Mathieu Guilhaumon
Création Pièce pour 10 danseurs Durée : 35 minutes Chorégraphie Mathieu Guilhaumon Musique
Henri Purcell
décors et costumes Christelle Reboulet
présentation Autour d’une tasse de thé, Mathieu Guilhaumon se livre à un détournement de symboles. Loin des clichés, le jeune chorégraphe désormais familier des spectateurs alsaciens avec ses créations pour le jeune public, fait surgir sur scène parapluie, couronne, horloge dans toute leur puissance évocatrice. L’Angleterre n’est qu’une toile de fond, un prétexte. Tasse de thé, parapluie, horloge et couronne sont autant de madeleines auxquelles chaque personnage sur scène attache une émotion particulière, provoquant ainsi le déroulement du récit. Parmi ces personnages, un garde ou plutôt un gardien du temple du conservatisme. Impassible, il conservera, un à un, les emblèmes d’une époque révolue et tentera d’en supporter le poids. Ni la musique de Purcell, ni les provocations des autres danseurs ne semblent pouvoir le faire remuer. Cet immobilisme pose autant aux danseurs qu’aux spectateurs la question de la tradition : qu’en faiton ? Que fait-elle de nous ? Faut-il la préserver coûte que coûte ou se laisser entraîner par les vents du changement ?
À propos de la musique
le garde
Pour Mathieu Guilhaumon, la musique est à la fois le point de départ et le « squelette » de la pièce : « Je fonctionne d’abord avec la bande musicale, c’est ce qui me donne les grandes lignes, les dimensions du cadre et de la toile. Il me reste ensuite à y ajouter les couleurs. »* C’est d’ailleurs au cœur de la bande-son que transparaît l’intention du chorégraphe : en glissant malicieusement, entre deux extraits de Purcell, un morceau des Beatles interprété à la manière baroque par une Cathy Berberian déjantée, Mathieu Guilhaumon entend « créer le décalage, faire bouger les limites entre tradition et modernité »*. * Mathieu Guilhaumon, propos recueillis par Louise Devaine en novembre 2011
les décors et costumes Donner corps à ce qui se dessine déjà... Après Danseurs et magiciens (Rêves 6) et Songe... d’une nuit d’été (Rêves 7), le duo Mathieu Guilhaumon - Christelle Reboulet se reforme pour une plongée au cœur du symbolisme anglais. Christelle Reboulet nous livre quelques-uns des secrets de la création. Louise Devaine : Vous avez l’habitude de travailler sur des créations chorégraphiques, comment procède-t-on pour concevoir décors et costumes ex nihilo ? Christelle Reboulet : Au début, le dialogue est primordial. Je prends une tonne de notes. Mon travail, c’est d’essayer de visualiser, de donner forme à ce qui se dessine déjà dans la tête du chorégraphe. On échange beaucoup à ce moment-là. Pour Tea for six (or ten), Mathieu m’a surtout décrit une ambiance et m’a parlé d’objets symboliques qui représenteraient l’Angleterre. Ensuite, j’entame une phase de documentation où je réunis le plus d’images possible. En l’occurrence, j’ai beaucoup étudié les évolutions de l’architecture anglaise. J’ai puisé mes sources d’inspiration autant dans la période moderne, avec par exemple la Glasgow School of Art de Charles Rennie Mackintosh et ses formes quadrillées, que dans l’architecture élisabéthaine, un style très coloré et très géométrique. Dans un troisième temps, je passe à la phase de recherche à la main, je dessine et travaille sur les matières, je fais des propositions jusqu’à trouver un style et une cohérence qui correspondent aux souhaits du chorégraphe. Je n’imagine pas seulement des costumes et décors, mais une ambiance. Dans le cas de Tea for six (or ten), j’ai cherché à effacer les codes de couleur qu’on a tous en tête quand on pense au Royaume-Uni et j’ai choisi de jouer plutôt sur des nuances de gris. Aussi parce que le gris évoque le métal, l’industrie, la dame de fer, et la météo anglaise. Il y aura quand même des couleurs, bien sûr, mais elles seront dans les détails et sur des motifs inspirés de l’architecture britannique, mais aussi du fameux kilt écossais ! (...) LD : Selon vous, quelle est l’histoire de « Tea for six (or ten) » ? CR : Telle que je comprends cette pièce, c’est moins une histoire qu’une succession de scènes ou anecdotes, des fragments de ce que peut évoquer l’Angleterre.
Maquettes des décors, Christelle Reboulet
Propos recueillis par Louise Devaine en décembre 2011. Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le programme du spectacle.
une galerie de personnages so british
ll
rock’n ro
LE GOLFEUR
LE DANDY
DP Let’s dance ! 2011-2012 • 10
LE PUNK
L’écossais
Maquettes des costumes, Christelle Reboulet
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LE trèfle feuilles à quatre
ne victorien
mathieu guilhaumon «Il faut rêver... » Mathieu Guilhaumon, danseur au BOnR et chorégraphe de Tea for six (or ten) nous parle de sa création. Guy Wach : La musique est à l’origine de « Tea for six (or ten) » ? Mathieu Guilhaumon : Bertrand d’At m’a dit : Purcell ! Il y a pire, comme contrainte. J’avais plus de 640 morceaux dans lesquels trouver mon bonheur mais j’adore The Fairy Queen qu’on entend donc beaucoup. Hormis Purcell, j’avais carte blanche, et comme il s’agit d’un spectacle autour de l’Angleterre, j’ai pris comme sujet... l’Angleterre. En y pensant, m’est venue toute une série de clichés, la couronne, le parapluie, sur lesquels je me suis interrogé : et si ces symboles représentaient autre chose ? J’ai montré quelques-uns de ces objets aux danseurs, en leur demandant ce qu’ils évoquaient pour eux. Par exemple, si je vous montre un parapluie, il peut vous rappeler une rencontre sous la pluie à Colmar ou Mulhouse – rien à voir avec l’Angleterre. On a par conséquent une toile de fond très anglaise, la musique, les symboles, mais des successions de scènes qui racontent chacune leur petite histoire avec cet objet, sans en être une illustration. G. W. : Pour donner une chance à l’inattendu ? M. G. : Pour interroger la tradition. Est-elle immuable, ancrée dans le passé et vouée à ne plus jamais bouger ? Ou au contraire, la tradition peut-elle être moderne ? L’Angleterre est intéressante de ce point de vue, c’est un pays très conservateur mais dans lequel sont nés énormément de mouvements, le rock, le punk, comme si la tradition, quand elle est bien ancrée, pouvait servir de catalyseur à la créativité. Avec – et c’est probablement une particularité anglaise –, la capacité pour le conservatisme d’intégrer la modernité, elle-même nourrie par la tradition. Propos recueillis par Guy Wach en décembre 2011. Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le programme du spectacle.
Mathieu Guilhaumon - Biographie
Né en 1979 à Perpignan, il débute sa formation au Conservatoire national de danse de Perpignan puis a l’école de danse Martine Limeul et Matt Mattox de la même ville et a l’Alvin Ailey American Dance Center de New York. Il intègre l’école atelier Rudra Béjart à Lausanne et le Groupe 13, formé par Maurice Béjart. En 2001, il rejoint le Stadttheater Bern Ballet, où il danse les ballets de Félix Duméril, Jiří Kylián, Stijn Cellis et Jo Strømgren, entre autres ; il y chorégraphie également les pièces Entertaining Angels, en 2002, et Le Humane Passioni en 2004, dans le cadre des Soirées Jeunes chorégraphes et assiste la chorégraphie de la comédie musicale Hello Dolly en 2003. Il passe ensuite un an au Ballet Theater Augsburg et participe à une production avec la compagnie Karine Saporta à Paris. Mathieu Guilhaumon intervient depuis 2004 dans différents stages internationaux, assurant les ateliers pratiques autour de la danse. Il rejoint le Ballet de l’Opéra national du Rhin comme danseur en 2006. Dans le cadre de Rêves, programme jeune public du Ballet de l’OnR, il chorégraphie Le Jardin du prince en 2009, il participe à la chorégraphie de Danseurs et magiciens en 2010 et réalise la chorégraphie de Songe... d’une nuit d’été en 2011.
Un thé chez les fous ? « Tea for two » criaient les colporteurs du XVIIIe siècle dans les rues de Londres pour offrir des pots de thé pour deux pences. « Tea for two » reprennent Nanette et Tom dans le musical de 1925, ignorant alors qu’ils transmettraient leur goût pour la boisson chaude à nombre de grands jazzmen. « Tea for six (or ten) » renchérit Mathieu Guilhaumon, toujours plus généreux. Le thé, peut-être plus que n’importe quel spiritueux, traverse les siècles et inspire toujours autant. Parmi les textes les plus connus dédiés au précieux breuvage, le Thé chez les fous de Lewis Carroll, caricature brillante et délirante du thé anglais, est devenu une institution. Aujourd’hui encore, quand on visite le célèbre magasin Harrod’s, le rayon thé est peuplé des personnages Carrolliens : on y découvre Alice, le chapelier et le lièvre de Mars essayant d’introduire un loir dans une théière. Tous les quatre sont entourés d’un amoncellement de services à thé que nul n’a pris la peine de nettoyer ou de ranger, le temps s’étant arrêté sur cinq heures, c’est toujours l’heure du thé et tant pis pour la vaisselle. DP Let’s dance ! 2011-2012 • 11
Derrière des dialogues apparemment absurdes, Lewis Caroll dénonce en fait le ridicule du cérémonial qu’est l’heure du thé à l’époque victorienne. Réglé au geste et à la minute près, répété chaque jour quoiqu’il arrive par toutes les « bonnes » familles anglaises, ce rituel représente à ses yeux une tentative vaine et futile de maîtriser le temps ou le monde qui nous entoure. « “At any rate I’ll never go there again!” said Alice as she picked her way through the wood. “It’s the stupidest tea party I ever was at in all my life!” »1 Pour se moquer de toutes les formes de conventions sociales, Lewis Carroll déploie son récit à coup d’association d’idées et revendique une poétique du « nonsense », forme d’humour typiquement britannique défiant tout ordre logique. C’est un procédé très similaire qu’utilise Mathieu Guilhaumon pour construire sa pièce afin de créer un univers déroutant, désopilant ou simplement stupide… L.D. « Dans tous les cas, jamais je ne reviendrai par ici ! dit Alice en avançant avec précaution à travers bois. C’est le thé le plus imbécile auquel j’aie jamais assisté, de toute ma vie ! » (Les Aventures d’Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll, traduction de Magalie Merle, Librairie Générale Française, 1990)
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Pour aller plus loin • La symbolique des gestes : dans Le Jardin aux lilas, lecture assez lisible de facture « classique » de par la narration et les autres chorégraphies • La pantomime • Le ballet narratif • Analyse de l’histoire du Jardin aux lilas : le mariage arrangé (et forcé), les classes de la société de l’époque, leur équivalent aujourd’hui • Comment pourrait-on « narrer » cette histoire avec des gestes plus actuels ? • Les Aventures d’Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll • L’époque edwardienne • L’époque victorienne • L’architecture anglaise • Le symbolisme anglais • Le thé anglais • Le poids de la tradition