Supplément Classica Massenet

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CLASSICA CLASLE MEILLEUR DE LA MUSIQUE CLASSIQUE ET DE LA HI-FI

Supplément. Ne peut être vendu séparément.

e

11 BIENNALE

MASSENET Opéra Théâtre de Saint-Étienne

Saison 2012-2013


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DITION 11E ÉÉDITION DDUU 20 OOCTOBRE CTOBRE AU 7 DDÉCEMBRE ÉCEMBRE

CENTENAIRE CENTENAIRE DE LA LA MORT MORT DU COMPOSITEUR COMPOSITEUR

CENDRILLON

LE MAGE

OPÉRA

OPÉRA EN VERSIOON O DE CONCERT

Direction musica ca ale Laurentt T al Touche To musicale Mise en scène scèn ne Benjamin Lazar

mondiale RecrÊation mo mond Direction m D Laurent Laur ren Campellone musicale La C Chef chœur Laurent LLaureen Touche de chœur

DU 211 OCT OCT AU 25 OCT OCT C

PENSÉES D’AUTOMNE D’AUTOMNE PENSÉES

SU LEESS PPAS AS DE D TTHAĂ?S HAĂ?S SURR LES

CONNCERT COM MMENTÉ

RÉCITTAL DE MÉLODIES

RÉCITTAL AVE V C ORCHEST E RE

Direction on ett prÊsentation prÊÊsentation Laurent ent C Cam mpellone Orchestre tre S Sym mphonique Saint-É Étieen nne Loire

Ingrid Perruche, Lionel Lhote Piano Laurent Touche

Direction Laur rent Ca a am ampellone Nathalie Manfr nfr r rino, Markuss Werba Werb

M AR 20 NO MAR NOVV 20H

MAR 4 DÉC DÉC 20H 2 MAR

DDIM IM 188 NOV NOOV 15H

JULES MASSENET, JULES MAS MASSENETT, MORCEAUX MORCEAUX CHOISIS CHOISIS MASSENET AUJOURD’HUI, AUJOURD’HUI, HÉRITAGE HÉR ITTAGE A ET POSTÉRITÉ POSTÉRITÉ JEU JEU 25 ET VEN 26 OCT OCT 9H30-17HH

En partenariat partenariat avec la MĂŠdiathèq par èq que de Saint-Étienne nt-Étienne

DU DU 200 OCT OCT AU 7 DÉC DÉC EntrÊe trÊÊe libre

les de Autour dess spectac Auto sp l’OpĂŠra ThÊâtre, ThĂŠ Mass Massenet est Ă l’honneur Ă Saint’ho Sain Étienne (conc (concerts, visites guidĂŠes...) gui

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DDUU 9 AU 111 NNOV OV


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Sommaire Entretien

4

Interview de Vincent Bergeot, directeur de l’OpĂŠra ThÊâtre de Saint-Étienne

Portrait

6

DĂŠcouverte de Jules Massenet et de son Ĺ“uvre, par Jacques Bonnaure, biographe du compositeur

Entretien

Le Mage rĂŠapparaĂŽt! 10

Rencontre avec Laurent Campellone, directeur musical de Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire

Portfolio

12

Une mise en bouche en images du superbe opĂŠra Cendrillon

Histoire

14

Alexandre Dratwicki, directeur artistique de la fondation Bru Zane, ĂŠvoque Le Mage

En marge

15

Une sÊlection d’ÊvÊnements autour de Massenet et de la Biennale : Nathalie Manfrino parle de Thaïs, le point sur les mÊlodies, sur Visions et sur le colloque

CLASSICA : 29, rue de Châteaudun, 75308 Paris Cedex 09 - TÊl. : 01 75 55 10 00 TirÊ à part prÊsent sur une diffusion partielle de Classica

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Édito

RÉDACTION : Directeur de la rĂŠdaction Classica : Bertrand Dermoncourt Directeur de la rĂŠdaction L’Express : Christophe Barbier Direction artistique : Virginie Brenot SecrĂŠtariat de rĂŠdaction : Karine Balourdet RĂŠdaction : Jacques Bonnaure MANAGEMENT : Directeur gĂŠnĂŠral adjoint : Éric Matton Éditeur dĂŠlĂŠguĂŠ : Tristan Thomas Photo de couverture : OTSE - JA Raveyre PUBLICITÉ CLASSICA : Les Échos MĂŠdias, PĂ´le musique, 16, rue du 4-Septembre, 75112 Paris Cedex 02 TĂŠl. : 01 49 53 64 87 Directeur adjoint de la publicitĂŠ : Ludovic Yken - Directrice de clientèle : StĂŠphanie Gaillard PUBLICITÉ L’EXPRESS : Express-Roularta Services Directeur de la publicitĂŠ : Pierre-Étienne Musson Classica est ĂŠditĂŠ par la SociĂŠtĂŠ PrĂŠlude & Fugue, SAS de presse au capital de 30000e. RCS Paris 397743709. 29 rue de Châteaudun 75308 Paris Cedex 09. Principal actionnaire : Groupe Express-Roularta PrĂŠsident du conseil de surveillance : Rik De Nolf Directeur de la publication : Rik De Nolf

A

près vingt-cinq ans et dix Biennales, on peut dire que Massenet, dont on cĂŠlèbre cette saison le centenaire de la mort, s’est enfin honorablement inscrit dans le paysage musical et lyrique. Il y a une quarantaine d’annĂŠes, au cours d’un entracte au Festival de Bayreuth, je discutais avec un jeune dandy et avançais une opinion positive sur le compositeur de Manon. Mon interlocuteur fit une moue effrayĂŠe, s’Êcriant ÂŤ Taisez-vous, vous polluez ! Âť. De telles rĂŠactions seraient aujourd’hui impensables, et on doit en partie cette ĂŠvolution au formidable travail rĂŠalisĂŠ Ă Saint-Étienne et Ă la continuitĂŠ d’actions des responsables de l’OpĂŠra ThÊâtre. Pour cette onzième Biennale, nous vivrons une passionnante dĂŠcouverte, celle du Mage, grand opĂŠra jamais revu depuis cent vingt ans. Cendrillon est plus souvent reprĂŠsentĂŠe depuis quelques annĂŠes et la production de Benjamin Lazar montre la capacitĂŠ de l’OpĂŠra ThÊâtre Ă collaborer avec une institution nationale, l’OpĂŠra-Comique. ThaĂŻs, que nous entendrons dans une version rĂŠduite mais cohĂŠrente, n’est plus tout Ă fait une raretĂŠ non plus. Mais Massenet, ce n’est pas seulement l’opĂŠra. C’est aussi des mĂŠlodies, des pages symphoniques, tout un monde esthĂŠtique dont l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire possède les clĂŠs. Le colloque Massenet qui accompagne la Biennale est devenu au fil du temps un moment capital pour la comprĂŠhension d’une ĂŠpoque, pas si ancienne et pourtant dĂŠjĂ lointaine. Bonne Biennale ! â– OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE I 3


ENTRETIEN

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« Affirmer une identité forte » Le directeur de l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne présente son ambition et ses projets.

Quel est votre état d’esprit au moment où vous prenez en main l’Opéra Théâtre ? ®VB - J’ai la chance de re-

4 I OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE

GIL LEBOIS

prendre le flambeau d’une maison très riche. Durant vingt-cinq ans, Jean-Louis Pichon a mené un travail extraordinaire. C’est lui qui a donné son prestige à notre institution, en particulier en créant la Biennale Massenet, mais pas seulement. Luimême a poursuivi une politique qui avait duré pendant tout le XXe siècle. Massenet a toujours été honoré ici et l’on a pu voir, il y a déjà longtemps, plusieurs de ses œuvres montées dans notre ville au cours de la même saison. Vous imaginez donc bien que

VINCENT BERGEOT, DIRECTEUR DE L’OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE

je ne vais pas interrompre cette longue histoire mais plutôt en écrire de nouvelles pages. J’espère avoir compris l’esprit de la maison, des artistes qui s’y produisent, des musiciens de l’orchestre, des choristes, des décorateurs, des costumiers, et avoir bien évalué la place de l’Opéra Théâtre dans le paysage lyrique français, une place très singulière et intéressante.

Continuerez-vous de produire des œuvres peu connues de Massenet ? ®VB - Depuis l’opéra Ama-

dis, monté, voire recréé, en 1988, l’Opéra Théâtre a représenté la quasi-totalité des opéras rares de Massenet. Il reste encore à découvrir Le Mage – ce sera chose faite le 9 novembre –, Bacchus, qui n’a jamais été revu depuis 1909, Le Portrait de Manon,

qui, lui, est un peu plus connu… Peu à peu, nous aurons fait le tour de l’ensemble des opéras de Massenet. Il faut donc, pour prolonger le travail accompli, élargir notre champ d’investigation autour de ce compositeur, sans le négliger lui-même évidemment. On peut imaginer un vaste projet autour de la musique française de son époque et de ses élèves, dont


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beaucoup ont écrit des opéras aussi négligés que l’étaient naguère les siens. Pour cela, il nous faut nouer divers partenariats. Le premier aura été avec le Palazzetto Bru Zane, qui se charge de l’enregistrement discographique du Mage. Nous devrons également établir des relations avec des musicologues, des spécialistes de la musique de cette époque, afin d’être crédibles, novateurs et d’imposer ainsi une identité incontestable dans le monde de l’opéra. Tout cela doit se faire sans négliger d’autres formes de spectacles et avec l’assentiment du public. Mais je suis confiant sur ce point, car l’Opéra Théâtre a su l’intéresser et le fidéliser. La mission d’un opéra comme le nôtre est également généraliste. Il faudra équilibrer les productions d’ouvrages rares, d’ouvrages du grand répertoire et les productions nou-

velles et de reprises, présentées à un niveau d’excellence. Mais, il n’y a encore pas si longtemps, Massenet passait pour un compositeur négligeable, voire vulgaire, à l’exception de quelques-uns de ses ouvrages. Pouvez-vous corriger cette opinion ? ®VB - Ce combat est sur le

point d’être gagné. Le temps passe et certains ouvrages de Massenet commencent à intégrer le grand répertoire, comme Manon et Werther. Mais il faut soigneusement travailler la mise en scène, l’interprétation vocale, le style orchestral, bref le style, en évitant la routine. Par exemple, Massenet utilisait à l’occasion des instruments rares. Pourquoi ne pas faire dans son domaine ce qui a été si bien fait dans celui de la musique baroque? On comprendrait mieux alors certains traits de sa musique. Je suis persuadé

que Laurent Campellone, notre directeur musical, et les musiciens de l’orchestre seraient intéressés par des recherches allant dans ce sens. Cela ne veut pas dire que l’orchestre va se transformer en un ensemble d’instruments d’époque. Mais il faut se poser de nombreuses questions sur la façon de jouer cette musique, et pas seulement celle de Massenet. La proximité de Lyon n’estelle pas une gêne pour vous? ®VB - Depuis le temps que

les deux maisons coexistent à une soixantaine de kilomètres l’une de l’autre, la preuve est faite que ce n’est pas un problème. Mais, si nous nous contentions d’être un « Opéra de Lyon-bis », si nous n’affirmions pas une identité forte, notre avenir serait compromis. Cela pose des exigences internes. Nous devons conserver, outre l’or-

« Saint-Étienne aime Massenet, Saint-Étienne aime l’opéra ! »

DR

Massenet vu par Maurice Vincent, sénateur de la Loire, maire de Saint-Étienne et président de Saint-Étienne Métropole «Beaucoup disent que la musique de Massenet n’est que légère et divertissante, alors que l’auditeur attentif y perçoit des trésors qui requièrent des interprètes des qualités techniques irréprochables. Aujourd’hui, de nombreuses institutions musicales redécouvrent son œuvre à travers le monde. Comme Massenet, SaintÉtienne mérite que le plus grand nombre s’y intéresse. Nous sommes, en effet, fiers d’affirmer que la métropole est un atelier créatif de premier ordre avec, bien sûr,

chestre et les chœurs, nos ateliers de costumes et de décors, dont la maîtrise est reconnue et recherchée, et qui participent au rayonnement de la maison en nous permettant de nouer des partenariats avec d’autres structures. Depuis mon arrivée à ce poste, je suis déjà entré en relation avec des théâtres allemands, luxembourgeois, anglais. Mais ce type de partenariat n’est pas le seul possible. Il nous faut aussi intéresser les grands médias. France Musique diffusera Le Mage en léger différé et France Télévisions s’intéresse à La Princesse de Trébizonde, d’Offenbach, qui sera donnée en fin de saison. Nous comptons aussi nous décentraliser dans le département de la Loire et la région Rhône-Alpes pour des productions plus modestes qui nous permettraient d’irriguer le territoire. Nous allons prendre la route… ■

de grands équipements, des événements incontournables, un tissu associatif extrêmement étendu… et l’inscription en 2010 au réseau des villes créatives design de l’Unesco (première ville française membre de ce réseau et deuxième ville européenne après Berlin). Saint-Étienne ne pouvait manquer de célébrer le centenaire de la mort de son grand compositeur. Le lien entre la ville et la musique de Massenet ne date pas d’hier, et l’on constate que depuis 1897, pratiquement à chaque saison, un ou plusieurs titres de Massenet sont à l’affiche des théâtres stéphanois. Disonsle, Saint-Étienne aime Massenet, SaintÉtienne aime l’opéra! Et ce goût a toujours été partagé dans notre ville par le plus grand nombre, sans distinction de milieu. L’Opéra Théâtre et la ville de SaintÉtienne seront heureux d’accueillir tous les visiteurs qui viendront fêter Massenet à l’occasion de cette 11e Biennale.»

OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE I 5


DR

PORTRAIT

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MASSENET EN 12 DATES 1842 : naissance à Montaud (Loire) le 12 mai. 1863 : obtient le Prix de Rome. 1878 : professeur de composition au Conservatoire. Élection à l’Académie des beaux-arts. 1881 : Hérodiade à Bruxelles. 1884 : Manon à Paris (Opéra-Comique). 1891 : Le Mage à l’Opéra de Paris. 1892 : Werther à Vienne. 1894 : Thaïs à Paris (Opéra). 1899 : Cendrillon à l’Opéra-Comique. 1902 : Le Jongleur de Notre-Dame à Monte-Carlo. 1910 : Don Quichotte à Monte-Carlo. 1912 : mort à Paris le 13 août.

6 I OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE

Le retour de Massenet Oublié, Massenet ? Certainement pas. Il serait plutôt peu ou mal connu. Récit d’une redécouverte exemplaire.

P

ourquoi rejouer Jules Massenet aujourd’hui ? Après tout, les théâtres représentent-ils souvent des pièces de Jean Richepin ou Georges de PortoRiche, qui furent, à la même époque, les rois de la scène parisienne et qui sont un peu l’équivalent de l’auteur de Manon dans le domaine du théâtre parlé ? Massenet, au contraire d’autres grands compositeurs, a eu durant un siècle la quasi-totalité du milieu musical français contre lui. Au mieux, on le considérait comme un gentil amuseur de midinettes ; au pire, comme l’infamie artistique incarnée, le symbole de la complaisance la plus abjecte, qui se vautrait dans le sentiment avec des moyens musicaux d’une vulgarité inouïe. Ses élèves et collaborateurs eurent pour lui une admiration sans borne et lorsqu’ils en parlaient, c’était avec la ferveur des hagiographes. D’autres ont colporté des anecdotes invérifiables, de bons mots et quelques regrettables contresens, de sorte que l’image du compositeur s’est brouillée, d’autant que l’on ne connaissait qu’une petite partie de son œuvre. On lui prête quelques amours lyriques, on répète qu’il n’aimait pas son prénom et craignait le nombre 13…

Aujourd’hui, la situation a évolué mais reste fragile. On notera que l’Opéra national de Paris a manqué d’imagination en célébrant le centenaire de sa mort avec la seule Manon, que tout amateur d’art lyrique connaissait déjà bien. Heureusement, SaintÉtienne était là ! On peut cependant avancer, non sans une certaine provocation, que si la Biennale Massenet existe, c’est comme un marqueur identitaire socioculturel, pour parler comme un sociologue. Massenet est né à Montaud, petite commune intégrée à Saint-Étienne dès les années 1850. Les « enfants du pays » sont une aubaine pour les politiques culturelles. Joueraiton Ambroise Thomas à Metz s’il n’était pas né à deux pas de la cathédrale ? Et puis, le monde lyrique est quelque peu en panne de programmation. Le répertoire français « tourne » autour de quelques gros titres (Faust, Carmen, Les Contes d’Hoffmann, Werther, Manon…) que l’on ne peut indéfiniment répéter en boucle. Les ouvrages contemporains n’intéressant pas beaucoup les décideurs, il faut bien trouver des nouveautés dans les périodes antérieures. De même que les opéras de Händel et Vivaldi constituent un filon intéressant pour la filière baroque, les opéras de

Massenet (vingt-six titres tout de même !) ont peut-être de l’avenir, et pas seulement à Saint-Étienne.

Au service des mots Mais toutes ces raisons ne sont pas suffisantes, on le voit bien. Existe-t-il donc une motivation positive pour s’intéresser vraiment à Massenet et ne plus seulement le « réhabiliter »? Oui, bien évidemment, mais au prix d’un petit effort intellectuel. Voilà qui surprendra puisque l’on a souvent considéré Massenet comme un auteur facile. On peut initier un ami à l’opéra avec Carmen, Rigoletto ou La Bohème (grands sentiments, beaux airs…), mais ce serait bien plus difficile avec Massenet, même avec ses titres les plus porteurs. Sa musique n’a souvent rien d’immédiat et semble davantage procéder d’un travail scrupuleux et calculé que d’un jaillissement sentimental qui toucherait directement le cœur de l’auditeur. Prenons par exemple un air de Puccini (La Prière de Tosca ou le « Mi chiamano Mimi » de La Bohème). On entend une belle mélodie continue d’une grande suavité, immédiatement plaisante indépendamment de la situation théâtrale. Chez Massenet, l’on sent en revanche une ferme volonté de tra●●●


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CYRILLE SABATIER

Le Jongleur de Notre-Dame, Biennale 2005.

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PORTRAIT

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La Navarraise, Biennale 2011 (à gauche). Manon, Biennale 2009

JA RAVEYRE

(à droite et en bas).

duire le texte et les sentiments du personnage scrupuleusement, au prix d’une invention formelle sans cesse renouvelée et parfois déroutante (un bel exemple, l’air d’entrée de Manon : « Je suis encore tout étourdie ») avec ses incessantes ruptures rythmiques et sa prosodie variée. Une étude approfondie des partitions montre que le compositeur a truffé ses œuvres de références musicales, de signes qui sont autant de clins d’œil indéchiffrables pour certains, délicieux pour les happy few capables de goûter l’habileté de l’artiste. On ne saurait cependant réduire à cela la très complexe esthétique du compositeur. On y trouve parfois des com-

●●●

d’Amadis, qui fut la première redécouverte de la Biennale, en 1988. De tels passages n’ont plus rien à voir avec le style du passé, sans pour autant annoncer déjà la musique du XXe siècle.

L’illusion du réel Il nous est peut-être difficile aujourd’hui d’apprécier une production artistique qui relève essentiellement de l’art, du savoir-faire, et que l’on ne peut analyser d’après l’échelle d’évaluation habituelle selon laquelle une œuvre est « intéressante » si elle est novatrice, et bonne à jeter si elle est rétrograde ou académique. La musique de Massenet perturbe ces boussoles. Est-elle novatrice ? Pas vraiment,

Massenet avait une obsession du renouvellement et de l’évolution, et possédait un sens singulier du théâtre. C’était un visuel. plaisances mais également des pages charmantes, des élans romantiques et même des tableaux entiers d’une terrible force dramatique. Avec le temps, des passages surprenants, comme le premier acte 8 I OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE

quoique toujours inventive. Mais enfin, on aurait du mal à distinguer chez Massenet quelque préfiguration de Schoenberg ou Stravinsky et même, quoiqu’on l’ait souvent avancé, de Debussy. Est-

elle académique et réactionnaire ? Il faudrait alors montrer qu’elle reprend des modes d’écriture des générations précédentes. Gounod? Thomas? Berlioz ? On peut en trouver des traces mais guère plus. Et puis si Massenet était « académique », il faut expliquer pourquoi il n’a cessé de se réinventer. On l’a taxé d’opportunisme, jugeant qu’un homme qui traite des sujets antiques grecs (Ariane), romains (Roma), égyptiens (Cléopâtre, Thaïs), palestiniens (Hérodiade), hindous (Le Mage), médiévaux (Le Jongleur de Notre-Dame, Esclarmonde, Amadis), des contes de fées (Cendrillon), des drames réalistes du XVIIIe siècle (Manon), révolutionnaires (Thérèse), romantiques allemands (Werther), modernes (Sapho, La Navarraise) ne pouvait être sérieux ni tout réussir. On a même avancé que, quel que fût le sujet, il était traité de la même manière, ce qu’une simple étude suffit à démentir. En fait, Massenet avait une obsession du renouvellement et de l’évolution, et possédait un sens singulier du théâtre. C’était un visuel. Dans ses pièces pour piano ou ses suites d’orchestre, jusque dans les mélodies, le théâtre n’est pas loin et ce n’est pas pour rien

que toutes ses suites symphoniques sont intitulées Scènes (alsaciennes, pittoresques dramatiques, napolitaines, hongroises…). La musique lui permettait de donner un corps sensible à ce rêve scénique mais elle ne suffisait pas. Massenet a pensé ses opéras comme une œuvre d’art totale destinée à donner l’illusion du réel. D’où son souci de la mise en scène. Les partitions intègrent des didascalies très précises. Il a souhaité travailler avec les meilleurs décorateurs, il a choisi ses affichistes avec soin. L’exposition présentée la saison dernière au palais Garnier offrait un panorama complet de ces magnifiques affiches qui resteront comme un témoignage majeur de la vie lyrique de la Belle Époque. Rien n’était laissé au hasard et surtout pas les chanteurs, car Massenet surveillait de près ses distributions. Il fut un créateur soucieux, scrupuleux, excellent technicien, précurseur des musiques de films et du théâtre musical dans son souci d’imaginer à chaque instant le geste musical adéquat à la situation dramatique. L’histoire de Massenet, c’est d’abord celle d’une success story où se mêlent le génie personnel, le savoir-faire artistique, le savoir-faire mondain, l’op-


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MASSENET VU PAR UN COMPOSITEUR D’AUJOURD’HUI

Rendez-vous manqué Ce dernier point a déplu à ceux qui envisagent l’art non plus comme une activité sociale bien ancrée dans une époque mais comme un sacerdoce, voire comme une contestation permanente de la société. Prix de Rome à vingt et un ans, reçu à l’Opéra-Comique à vingtcinq, à l’Opéra à trente-cinq, professeur au Conservatoire et membre de l’Institut à trente-six : aucun autre compositeur du XIXe siècle n’aura parcouru aussi vite le cursus honorum. Cela ne prouve rien, diront ses détracteurs, sinon qu’il s’adaptait aux exigences de la société de son temps. Massenet aurait trop cherché à plaire à son public et cela aurait hâté son succès et gâté sa musique. Ici, deux remarques : d’abord, un compositeur de cette époque cherche rarement à déplaire puisque sa fonction sociale est de fournir de l’art à un public qui en demande et à des institutions qui en consomment.

Par ailleurs, si Massenet n’a cherché qu’à plaire, il a plutôt mal atteint son but. Comme Gounod, l’un de ses pères spirituels, ses triomphes furent éphémères. Combien de ses ouvrages se sont-ils maintenus? Tout au plus cinq, dont deux (Manon et Werther) n’ont pas arrêté de « tourner » dans le monde entier depuis plus d’un siècle, et trois (Hérodiade, Thaïs et Don Quichotte) ont fait une assez belle carrière, plus limitée cependant. Sur vingt-cinq titres, avouons que c’est peu. C’est qu’il est arrivé un peu tard. De son vivant même, autour des années 1890, la conception de l’art qu’il avait toujours défendue s’est trouvée peu à peu invalidée et, à sa mort, on avait déjà perdu la clé qui permettait d’ouvrir non l’œuvre mais l’auditeur à sa musique. Pas seulement parce que c’était la musique démodée d’un temps révolu, mais parce que le concept même de création musicale, l’échelle des valeurs musicales avaient changés. On n’aimait plus cet art essentiellement décoratif, lié à l’idéalisme moralisateur de la bourgeoisie triomphante et

d’un style aussi éclectique que celui du palais Garnier dans le domaine architectural. Les coteries d’indystes et debussystes qui imposèrent alors leurs vues, dans le domaine musical, en attendant l’ère des avant-gardes « contemporaines », tout cela ne pouvait que faire oublier Massenet. Ce n’est pas tant que les exigences musicales modernes refusaient une esthétique du plaisir, c’est que cette esthétique ne plaisait plus. Certes, quelques ouvrages restèrent au répertoire, mais souvent interprétés de façon inappropriée, sans le luxe de moyens scéniques que requiert l’émerveillement massenetique. En 1956, lors de la dernière représentation de Thaïs au palais Garnier, on ne comptait guère plus de trois cents spectateurs. Heureusement, de grands chanteurs l’ont défendu à chaque génération : César Vezzani, Georges Thill, Ninon Vallin, Janine Micheau, Alain Vanzo, Joan Sutherland, Placido Domingo, José Van Dam, Renée Fleming, Thomas Hampson, Roberto Alagna, Jonas Kaufmann… Après un siècle, il nous faut rebâtir mentalement tout un système d’évaluation esthétique de cet archiviste de la sensibilité bourgeoise pour retrouver la clé de cet art que l’on croyait facile. On a bien fait ce travail pour les musiques baroques et l’on sait aujourd’hui apprécier un opéra de Campra ou de Marais, ce qui eût été impossible il y a cinquante ans. Alors pourquoi pas Massenet ? ■

JA RAVEYRE

portunisme, le sens de la publicité, la volonté de plaire… Le tout contribuant à créer une belle fortune.

Jacques Bonnaure est l’auteur d’une monographie, Jules Massenet, parue chez Actes Sud dans la collection Classica.

Outre ses œuvres instrumentales, Gérard Condé a composé un opéra (Les Orages désirés) et deux opéras pour enfants. Il a écrit de nombreuses analyses d’ouvrages de Massenet et édité Mes Souvenirs. « Les qualités de sa musique ne sont pas celles que l’on recherche aujourd’hui : elle est claire, intelligible, soucieuse d’immédiateté sans être simpliste. Il n’y a chez lui aucune pose. Il ne met pas son savoir en avant, contrairement à d’autres compositeurs de son temps. Bref, sa musique ne cherche pas à être autre chose que ce qu’elle est. Je suis venu à Massenet assez tard. J’étais allé voir Werther sans connaître l’œuvre et j’ai été surpris de constater le caractère insistant de certaines mélodies. De même pour Manon, je me suis d’abord intéressé aux mélodrames, ces parties récitées sur un fond musical. Et j’ai été étonné de voir la subtilité du rapport entre le texte et la musique. À l’époque, le milieu de la musique contemporaine avait pour lui le plus vif mépris. Je pense que Massenet est pourtant un précurseur. Une partition comme Socrate de Satie vient du dernier Massenet, souvent très dépouillé ; Ravel a avoué l’influence d’un air de Manon sur l’air de l’Enfant dans L’Enfant et les Sortilèges et, plus généralement, Massenet anticipe sur le néoclassicisme du XXe siècle. En tant que compositeur, c’est moins le langage de Massenet qui m’a influencé qu’une de ses qualités, le souci de la transparence, mais aussi des éléments plus techniques comme le sens des transitions, de la préparation de chaque nouvel événement musical. » OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE I 9


CYRILLE SABATIER

ENTRETIEN

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« Du rythme, pas de tunnel » LAURENT CAMPELLONE. Directeur musical de l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Campellone dirigera les représentations du Mage. Vous avez participé au choix du Mage. Pourquoi cette rareté absolue ? ®LC - Aujourd’hui, seuls

quelques ouvrages de Massenet n’ont pas été remontés ou enregistrés. Parmi eux, Le Mage nous a paru être celui qu’il était le plus urgent de tirer de l’oubli. Cet opéra se situe entre Esclarmonde et Thaïs, à une époque particulièrement inspirée de la production de Massenet. La partition est animée d’un 10 I OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE

souffle dramatique continu. Sur une trame très simple et conventionnelle, mais ni plus ni moins que celle des grands opéras de Verdi, Massenet est parvenu à créer une narration moderne et quasi cinématographique. La partition est actuelle autant que peut l’être celle d’un opéra donné à l’Académie nationale de musique. Le problème vient des exigences vocales très tendues. Il semble que ce pointlà ait causé l’échec du Mage

(trente et une représentations en 1891 et puis plus rien) : la distribution ne s’en sortait tout simplement pas. C’est pour cela que nous avons programmé cet opéra dans une version de concert qui met les chanteurs plus à l’aise. Existe-t-il, au sein de l’opéra français, un cas Massenet ? ®LC - Ce qui distingue Mas-

senet de nombreux autres compositeurs français de son temps, c’est que c’est, plus que quiconque, un homme de théâtre. Il a le sens du rythme. Pas de tunnel, ça ne traîne pas. Et plus on avance dans son œuvre, donc vers

des ouvrages qui n’appartiennent pas au grand répertoire, comme Manon ou Werther, plus cette tendance s’accroît. On rencontre ces qualités dans Le Mage, qui ne souffre d’aucune trivialité mais où la musique est sans cesse efficace. Par la suite, cette efficacité s’accroîtra encore, notamment dans Don Quichotte, qui me semble être le chef-d’œuvre absolu du dernier Massenet, avec son modernisme musical (la scène de l’attaque des moulins, c’est du Chostakovitch !), sa maîtrise théâtrale et narrative, et en plus une belle profondeur philosophique. Comment situez-vous Massenet parmi les grands compositeurs européens de son temps ? ®LC - Massenet, curieuse-

ment, me paraît constituer le chaînon manquant entre Verdi et Puccini. Mais ce chaînon est français. Loin de se satisfaire de solutions aca-


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démiques, il semble vouloir tout remettre à plat à chaque nouvel opéra, en essayant des solutions nouvelles, ce qui pose un nombre impressionnant de questions et de problèmes. Quel type de chanteurs faut-il employer ? Quel rapport entre tel ouvrage et tel autre ? Qu’est ce que la voix en France en 1891 ? Comment interpréter une partition qui se trouve à la croisée de plusieurs voies, le wagnérisme, l’opéra lyrique français, le melodramma italien ? Quel son donner à l’orchestre? Par parenthèse, la fin du XIXe siècle voit une grande créativité dans la facture des vents et de nombreux instruments ont disparu, comme le sarrusophone ou des trompettes dans des tonalités inhabituelles. Comment les remplace-t-on ? Heureusement, l’orchestre de Saint-Étienne a maintenant Massenet dans ses gènes et comprend vite les directives précises que je suis amené à donner. Avec Massenet, il se sent chez lui. Comment vous est venu ce goût particulier de l’opéra français ? ®LC - Ce goût pour l’opéra

français m’est venu tôt. J’aime ses qualités, que l’on retrouve dans la littérature et la philosophie, de Montaigne à Camus : une apparence de clarté, d’ordre, de rigueur, qui ne détruit pas la fantaisie, la sensualité surtout. L’opéra français, en particulier au XIXe siècle, est d’une grande force érotique. C’est un peu comme les parcs du château de Versailles : les jardins sont tirés au cordeau mais on s’amuse dans les bosquets ! Pour moi, la trilogie majeure de l’art lyrique français est constituée de Berlioz, Mas-

senet… et Offenbach (dont je dirigerai La Princesse de Trébizonde cette saison à SaintÉtienne). Dans les trois cas, un grande clarté de composition, de la finesse et de la sensualité… Un art tout en séduction, loin de l’idéalisme conceptuel allemand.

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Comment faites-vous travailler l’orchestre ? ®LC - Autrefois, l’orchestre

de Saint-Étienne était surtout un orchestre lyrique, qui donnait quelques concerts symphoniques chaque année. Aujourd’hui, nous avons renforcé ensemble son potentiel symphonique. Nous avons travaillé et joué des œuvres symphoniques très exigeantes de diverses traditions, y compris des symphonies de Bruckner et Mahler. Nous avons effectué un travail technique approfondi et nous continuerons. Du point de vue lyrique, l’orchestre a abordé divers répertoires mais s’est particulièrement bien approprié le répertoire français du XIXe siècle qu’il apprécie, maintenant, beaucoup joué. Mais ce qui me remplit de bonheur, c’est l’engagement mutuel. On ne sent jamais d’esprit de routine. C’est toujours un bonheur de diriger des musiciens qui ont envie de découvrir, de s’améliorer encore, de créer le son de l’orchestre. C’est une chose, en effet, de bien jouer, c’en est une autre de créer un son particulier, de libérer les capacités des musiciens qui composent l’orchestre. J’ai parfois l’impression qu’à chaque concert, à chaque représentation, tout le monde s’engage comme si ce devait être la dernière fois que nous étions, que nous jouions ensemble. ■

CENDRILLONN - MASSENET MASSE - Octobre 2012 Laurent TTouche ouc o he / Benjamin Lazar 11e édition de la Biennale Massenet

LE MAGEE - MASSENET - No Novembre vembre 2012 Laurent Campellone 11e édition de la Biennale Massenet

LE BAARBIER DE SÉVILLEE - ROS ROSSINI - JJanvier/Février anvier/Février 2013 Michieletto Alberto Zedda / Damiano Mic hieletto LA TRAVIATA - VERDI - Mars 2013 Laurent Campellone / JJean-Louis ean-Louis Grinda LA PRINCESSE DE TRÉBIZONDE DEE - OFFENBACH - Mai 2013 Waut Laurent Campellone / W aut KKoeken oeken ... Renseignez-vous ! 04 77 47 83 40 / operatheatredesaintetienne.fr

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PORTFOLIO

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Étincelante Cendrillon La Biennale Massenet reprend l’un des opéras les plus attachants du compositeur dans une mise en scène de Benjamin Lazar, connu pour son travail d’orfèvre sur l’opéra baroque. Retour en images sur un conte de fées… PHOTOS : ELIZABETH CARECCHIO

Pratique Opéra donné au Grand Théâtre Massenet dimanche 21 octobre, à 15 heures; mardi 23 octobre, à 20 heures et jeudi 25 octobre, à 20 heures. Avec, dans le rôle de Cendrillon, Judith Gauthier; du prince charmant, Marie Lenormand; de la fée, Mélanie Boisvert; de madame de la Haltière, Ewa Podles; de Noémie, Caroline Mutel; de Dorothée, Caroline Champy; de Pandolfe, Laurent Alvaro.

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HISTOIRE

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«Pourquoi il faut redonner !» Depuis la fondation du Palazzetto Bru Zane, en 2009, il est vrai que nous avons souvent promu la découverte d’œuvres composées entre Gluck et Berlioz. Il y avait là comme un trou dans la conscience du public et il fallait d’abord montrer que cette période n’avait pas été le vide que nous décrivent trop de livres sur la musique. Nous avons merveilleusement collaboré avec des chefs souvent associés au mouvement baroque. On a vu le résultat avec les productions d’Adrien de Méhul, de La Toison d’or de Catel, bientôt celle d’Atys de Piccinni, de Renaud de Sacchini, de Thésée de Gossec. Nous savions que la musique de la fin du XIXe siècle, début du XXe siècle, requiert d’importants moyens, et il fallait d’abord nous faire connaître des grands orchestres et institutions musicales. C’est chose faite et nous envisageons de soutenir de nouvelles productions lyriques, symphoniques ou chorales de la fin du XIXe siècle. Nous avons des projets plus ou moins avancés pour Herculanum de Félicien David, Henry VIII de Saint-Saëns, Dimitri de Joncières ou Dante de Godard. N’oublions pas que le champ 14 I OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE

DR

Alexandre Dratwicki, directeur artistique du Palazzetto Bru Zane, partenaire de la Biennale Massenet, nous donne ses raisons.

d’activité du Palazzetto Bru Zane s’étend de la fin du XVIIIe siècle à la Première Guerre mondiale au moins. Massenet, quant à lui, nous intéresse vivement. Pour cette année du centenaire de sa

mort, nous soutenons divers colloques et la publication chez Timpani d’un CD de mélodies rares par Sabine Revault d’Allonnes. Pour les concerts et représentations, nous avons successivement proposé Louise de Mézières,

sa cantate pour le Prix de Rome, composée l’année où il n’a pas obtenu le prix et recréée en mai dernier à l’Opéra-Comique; puis Thérèse, donnée l’été dernier au Festival de Radio France et de Montpellier, et enfin Le Mage. Il était évident de monter cet opéra. C’est, avec Bacchus, un des rares à ne pas avoir été redonné depuis sa création, en 1891! Il est intéressant de monter cet ouvrage après Thérèse, composée une quinzaine d’années plus tard. C’est l’exact opposé. Au sobre réalisme de Thérèse s’oppose la grandeur du Mage, qui montre à quel point Massenet a toujours évolué. Il est donné en version de concert car l’important est de laisser une trace discographique qui aura plus d’impact que deux soirées isolées. Pour réaliser les enregistrements dans les meilleures conditions musicales, il vaut mieux se limiter à une version de concert, également moins coûteuse. J’espère que cette première collaboration entre la Fondation et l’Opéra va se transformer en un partenariat de longue haleine. Massenet est un compositeur d’avenir! » ■


EN MARGE

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La Biennale Massenet LE COLLOQUE

La soprano star revient sur son amour pour Massenet.

J

’ai eu un coup de foudre, très jeune, pour la “Méditation” de Thaïs, sans savoir que ce morceau était tiré d’un opéra. Plus tard, quand j’ai connu Thaïs, je me passionnais pour l’égyptolo-

FABIEN BARDELLI

«

gie et l’archéologie antique. J’ai compris qu’un opéra pouvait présenter un intérêt en ce domaine. Comme interprète, j’ai d’abord incarné Manon, que j’ai eu la chance de chanter à Palerme sous la

direction de Michel Plasson. Ce qui me passionne dans Massenet, et qui fait de lui mon compositeur français favori, c’est qu’il pousse l’interprète, au prix d’exigences redoutables, à aller au bout de soi pour exprimer la vérité des sentiments. C’est en cela qu’il annonce les véristes italiens et en particulier Puccini. En même temps, il ménage les voix, les prépare, permet au chanteur de se chauffer avant les moments les plus périlleux. J’ai beaucoup aimé rechercher des raretés pour le récital Méditations. C’est un répertoire passionnant. » ■ Sur les Pas de Thaïs, Nathalie Manfrino en concert à Saint-Étienne (le 4 décembre) et à l’OpéraComique (le 7 décembre) avec le baryton Markus Werba et l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire, dir. Laurent Campellone dans des airs et duos de Thaïs.

Comme lors de chaque Biennale, un colloque réunira autour de la personne et de l’œuvre de Massenet des universitaires venus du monde entier les 25 et 26 octobre. Quatre thèmes seront abordés cette année : ● L’image de Massenet, de son temps à nos jours, à travers la presse, les caricatures. ● Interpréter Massenet, avec une étude de l’évolution stylistique de ses interprétations. ● Mettre en scène Massenet, avec diverses interventions sur la mise en scène, depuis Albert Carré, le charismatique directeur de l’Opéra-Comique, jusqu’à Benjamin Lazar. ● L’héritage musical, où seront étudiés les liens unissant Massenet à Puccini, Reynaldo Hahn, Debussy, Ravel, Messiaen, et les compositeurs contemporains. Les actes de ce colloque seront publiés ultérieurement.

LES MÉLODIES . DE MASSENET . Un concert rend hommage à cette part méconnue de l’héritage.

C

hez Massenet, comme chez la plupart des compositeurs de son époque, la mélodie représente le genre musical le plus intimement ancré dans la vie sociale du temps. Massenet a ainsi composé plus de deux cents mélodies et travaille sou-

De Visions… à Thaïs

JÉRÉMIE KERLING

En 1891, quelques mois avant de se mettre à l’écriture de son opéra Thaïs, Massenet compose un poème symphonique avec soprano solo intitulé Visions. Cette pièce revêt un double intérêt. D’abord elle préfigure bons nombres de thèmes de l’opéra qui suivra (notamment la célèbre “Méditation” et “La Course dans la nuit”). Ensuite, Massenet introduit dans son manuscrit une ligne mélodique constituée de trois notes avec une

indication surprenante : « Cette ligne avec les notes bleues est destinée à la partie d’électrophone. » Cette version avec électrophone n’a jamais été entendue. ■ Jean-Christophe Branger Sur les pas de Thaïs, mardi 4 décembre à Saint-Étienne et vendredi 7 décembre à l’Opéra-Comique.

ERIC MANAS

NATHALIE MANFRINO.

vent sur des textes d’auteurs aujourd’hui oubliés, agissant en archiviste d’une sensibilité bourgeoise qu’il n’avait aucune raison de remettre en cause, puisque tout son savoir-faire artistique visait à créer pour ce public. On ressent, quel que soit le texte, à quel point Massenet se montrait exigeant pour trouver les moyens musicaux les plus justes afin d’exprimer ce que lui inspirait le poème. ■ Ingrid Perruche et Lionel Lhote interpréteront, avec Laurent Touche (piano), des mélodies de Massenet le 20 novembre au Grand Théâtre Massenet de Saint-Étienne. OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE I 15


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