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La modernisation du bordeaux

Par Michael Palij, MW

Les émeutes de Paris et la Révolution française sont désormais bien loin derrière nous, mais une insurrection d’un autre genre se déroule actuellement à Bordeaux. L’éléphant dans la pièce est, bien évidemment, le réchauffement climatique et, à en juger par les raisins secs qui passaient pour des raisins sains sur les vignes en 2022, les changements climatiques sont bel et bien arrivés en Aquitaine. Si les prédictions des modèles s’avèrent exactes, il sera impossible de cultiver du merlot d’ici la fin du siècle. S’il n’existe plus de cépages capables de s’adapter à un climat qui se réchauffe rapidement, Bordeaux ne sera plus. Pourrait-on imaginer un pauillac sans cabernet sauvignon ou un pomerol sans merlot?

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Avant de jeter l’éponge, il convient de rappeler que le bordeaux que nous vénérons tant aujourd’hui est en grande partie une invention de la deuxième moitié du 20e siècle. Dans les années 1930, personne ne parlait du pomerol (l’AOC date de 1936) et la composition des vignobles avant l’arrivée du phylloxéra était fort différente de celle d’aujourd’hui. N’est-il pas étonnant alors que six nouveaux cépages aient été ajoutés au palmarès de Bordeaux (le touriga nacional, le marselan, le castets, et l’arinarnoa pour les rouges, et l’alvarinho et le liliorila pour les blancs)? Par prudence, ces nouveaux venus ne pourront pas représenter plus de 5 % de la surface de plantation et 10 % du mélange final. Du moins, pour le moment. Il est toujours risqué de faire des vagues, surtout lorsque les grands domaines ne peuvent pratiquement pas commettre d’erreur.

Mais ce qui rend ce changement si remarquable, c’est le piédestal sur lequel est placé le bordeaux. La demande pour les grands vins est insatiable. Aussi récemment que 2021, le volume des exportations a augmenté de 9 % et leur valeur a augmenté de 30 % à l’échelle mondiale, et ce malgré l’annus horribilis causée par la pandémie de COVID. Il y a cependant un revers de la médaille aux châteaux crénelés et aux prix stratosphériques. Pour chaque Château Latour, il existe une multitude de domaines qui produisent des vins surévalués et surextraits qui ne dégagent qu’une infime fraction de l’élégante typicité de Bordeaux. Parallèlement, à l’autre bout de la pyramide de l’AC, la superficie des vignes augmente depuis 20 ans et les producteurs ont du mal à joindre les deux bouts. L’AC Bordeaux est vendue comme produit de base et personne n’en achète, pas même les Français. Il semble qu’un changement était nécessaire depuis longtemps et qu’il touche plus que l’encépagement. À partir de la récolte 2020, les rendements autorisés ont été réduits avec un déclassement de 10 % de la production de vin rouge en IGP. Le classement des crus bourgeois est revenu à son ancien système à trois niveaux, les domaines étant classés en fonction de l’excellence de leurs vins. La responsabilité environnementale est également en hausse. Dans toute la région, 90 % des vignobles affirment ne plus utiliser d’herbicides et 60 % des domaines sont certifiés par l’un des nombreux régimes de certification environnementale et, d’ici 2025, il est prévu que 100 % soient certifiés.

Chaque révolution offre des possibilités, et les remparts de Bordeaux s’effritent, mais ne s’écroulent pas. Il est encore possible de trouver des prix avantageux, de même que des vins réellement

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