NOTHING08

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Rédaction Publication Mise en page Gabriel Loisy

Relecture

Elodie Fond Laure Maugeais Maryneige Heller

Copyright NOTHINGMag ©2014 Couverture

EDITO

Claire Jachymiak

Nous écrire contact@nothingmag.fr

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La reproduction même partielle des articles, textes et photographies parus dans ce numéro est interdite sans autorisation écrite préalable du représentant légal. La rédaction n’est pas responsable des textes, illustrations, photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Les documents reçus impliquent l’accord de l’auteur pour leur libre publication. Si vous trouvez des fautes d’orthographe dans les pages de ce numéro, merci de ne pas y prêter attention et de nous en excuser.

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Nous voici au numéro#08 et deuxième de l’année 2014, nous accueillons, ce mois-ci dans nos pages, quatre photographes de talents avec des regards et une approche photographique différente. Ce fut un grand plaisir de mettre en page ces quatre reportages. Nous ouvrons ce numéro#08 avec Claire Jachymiak et son reportage “Les invisibles” sur la fermeture d’une fonderie en Bourgogne: le triste sort de l’industrie française. Ensuite, nous partons en voyage en Chine avec Jimmy Perriault qui nous fait prendre l’air a travers des rencontres au hasard des rues. On continue avec un reportage très intéressant réalisé par Julie Bourges au sujet de femmes qui ont vécu toute leur vie à Paris, dans le même appartement: une tranche de vie, une tranche d’histoire. On termine ce numéro de mars-avril avec une série de photos sur Sarah, une jeune maman qui élève seule sa fille de 2 ans comme 2 millions de femmes en France: “Monoparental(e)” un reportage d’Anne Thomes. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à parcourir ce magazine que j’ai eu à le réaliser.

Bonne lecture


#08 mars - avril // 2014

Sommaire p.02 | Edito p.04 | Photographes p.06 | Claire Jachymiak // Les invisibles p.24 | Jimmy Perriault // Made in China p.40 | Julie Bourges // Une vie Ă Paris p.54 | Anne Thomes // Monoparental(e) p.71 | Nothing et vous

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PHOTOGRAPHES Claire Jachymiak

Jimmy Perriault

Julie Bourges

Anne Thomes

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laire JACHYMIAK est photographe indépendante et vit à Alise-Sainte-Reine (Côte d’Or). Elle fait ses débuts en photographie à New-York en 1993 et suit un cours au Centre International de la Photographie (ICP) avant d’intégrer l’École Supérieure des Arts Appliqués DUPÉRRÉ à Paris de 1994 à 1999. Elle s’installe comme photographe indépendante en 2007 répondant à des commandes corporate et institutionnelles. Son projet personnel intitulé «Les Invisibles» est finaliste du concours de SOPHOT (site dédié à la photographie sociale et environnementale), une sélection de photos est exposée à la Galerie Fait & Cause (Paris) en juillet 2012. Deux photos de ce reportage sont éditées dans le Journal Le Monde du 29 août 2013 accompagnant un article de Dominique Gallois «C’en est fini des pneus qui brûlent» et du mardi 28 janvier 2014 accompagnant un article De.C. «Les usines françaises malades du sous-investissement». Deux autres projets personnels sont en cours: Turkish Delight ou la vie de la famille Cambaz, qui traite de l’immigration en milieu rural et L’orchestre à l’école où les élèves d’une ZEP jouent en orchestre en apprenant la musique par l’oralité et par mimétisme.

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’ai commencé la photo un peu par hasard, pour tuer l’ennui. Au départ comme tout le monde je prenais tout et n’importe quoi sans aucune démarche. Puis en 2008 j’ai commencé à me déguiser avec un masque d’âne et à me mettre en scène dans des situations un peu absurdes et poétiques. J’avais pris cette habitude de me prendre en grand angle et de composer avec beaucoup d’équilibre. On retrouve tout ça aujourd’hui dans mon travail de grands espaces avec un ou deux sujets isolés. Je crois que je ne photographie que ce que je suis et ce que je vis, je me considère comme un funambule des trottoirs, j’erre et j’observe les gens. J’ai gagné quelques concours, dernièrement j’ai été lauréat du concours “Huis clos, le couple” pour le festival Map Toulouse en partenariat avec compétence photo”.

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ée en 1981, Julie Bourges a débuté la photographie en se consacrant à l’actualité et au documentaire après une formation en photojournalisme à l’Emi-CFD. Ses travaux personnels tournent autour de la question de la mémoire et de la transmission. «Une vie à Paris», reportage réalisé en 2006 sur la vie et l’intimité de trois femmes parisiennes de milieux sociaux différents qui habitent depuis plus de cinquante ans dans le même appartement, a été sélectionné pour participer au projet Territoires de fictions. Il a été largement diffusé et exposé en France et en Europe. C’est ensuite avec sa série «Flamencos», coup de cœur Bourse du Talent 2008, que son écriture devient de plus en plus personnelle. Aujourd’hui, tout en assurant des travaux de commande pour la presse et la communication, Julie travaille sur des univers oscillant entre abstraction et onirisme. En 2012, elle achève la série «Umbra» («Ombre», mais aussi «reflet» et «fantôme» en latin), transposition dans l’espace urbain parisien d’un territoire intime, à l’occasion d’une balade nocturne empreinte de mystère et de poésie. Dans son travail en cours, «Les corps absents», elle questionne son rapport à la famille et à ses ancêtres à travers une quête sans nostalgie de la mémoire et des traces. Julie Bourges vit et travaille principalement à Paris. Elle est membre sociétaire de l’agence coopérative Picturetank.

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e suis née en 1985 à Toulouse. Passionnée de photographie depuis la fin de l’enfance, j’en ai fait mon métier en 2008. Grande timide, la photographie est pour moi un moyen privilégié d’aller à la rencontre de personnes que je n’aurais pas croisé autrement. En 2008, mon travail photographique se porte sur la fin de vie avec la série “Le temps suspendu”, résultat de plusieurs mois passés dans un service de soins palliatifs. Plus tard, la série «Minotte» vient questionner le quotidien et l’isolement des personnes âgées. Au fil de mes reportages, l’Humain reste au centre de mon travail car j’aime plus que tout raconter des histoires, partager le quotidien plus où moins difficile, plus ou moins ordinaire des gens que je croise. Je puise mes sujets dans les thématiques sociales qui nous entourent.

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Les Invisibles Claire Jachymiak

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Texte: Jean Jachymiak

orsque la personne mandatée par les créanciers de Bourgogne Fonderie est venue signifier la liquidation judiciaire de l’entreprise, elle aperçut une jeune femme au milieu des cols bleus. Interpellée, celle-ci ne fit pas mystère de ses nom et qualité: Claire Jachymiak, photographe. Il n’en fallait pas plus pour être déclarée persona non grata: la scène se déroulerait à l’abri des regards. Autre verdict : aucune image n’était permise, comme s’il convenait d’ajouter à la peine capitale de la faillite le voile de l’ignorance. En France, aujourd’hui, on vit et on meurt invisible.

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ans un pays où semble s’imposer une économie de l’immatériel, on en oublie que l’écran plat avec lequel on travaille est un produit industriel et qu’il faut encore des usines et des hommes pour le fabriquer. Cependant, la désindustrialisation bat son plein et des centaines de milliers d’emplois ont disparu depuis dix ans. L’impuissance des politiques est telle qu’ils semblent avoir fait le deuil des populations sinistrées. Après les paysans, les ouvriers seront comptés à pertes et profits de la société post-industrielle: «Frères, il faut mourir.» Des «think tanks» se chargent d’en donner la traduction politique aux partis qui se recommandaient encore hier du peuple: barre toute vers les couches moyennes. Par là, ils condamnent les invisibles au «malvote», poussés à la dernière extrémité: plus de quarante pour cent des ouvriers se prononcent dans les sondages pour Marine Le Pen. Stupéfiant retournement de situation: le prolétariat élevé à la dignité de classe élue, celle que Marx et les partis qu’il avait inspirés avaient rendu visible a troqué la révolution contre la réaction. Classe devenue maudite, privée d’avenir, d’autant plus que les impératifs écologiques la rendent infréquentable. En désespoir de cause, la mise en danger de la démocratie semble être pour de nombreux laissés-pour-compte le seul moyen de se faire entendre des élus de la République.

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irconstance aggravante, mais qui ajoute au tableau de la crise sociale et politique, Bourgogne Fonderie est sise dans une discrète bourgade de la Côte d’or, Châtillon-surSeine, loin des métropoles urbaines dont les turbulences ont la faveur des médias. Aussi, l’événement n’a-t-il eu qu’un retentissement local: Le Bien public a porté la nouvelle, dans son édition locale, justement. Les invisibles appartiennent à la périphérie, ce hors-champ des sociétés urbaines, relégués loin du centre qui assure le monopole du visible. Pourtant, la métallurgie a contribué à la richesse de cette région rurale avec la révolution industrielle. Spécialisée dans le moulage de pièces mécaniques en fonte, Bourgogne Fonderie, dont l’origine remonte au XIX ème siècle, a fini par succomber à la concurrence après une existence chaotique depuis le début des années 80, de dépôts de bilan en rachats et plans sociaux. Didier Demizet, le directeur technique, avoue que la rationalité économique purement comptable ignore les hommes. Quant à Patrick Maillard, chef d’atelier, il constate avec amertume : «Aujourd’hui encore, comme par le passé, la guerre nous a rattrapés, elle-ci est économique. Il n’y pas de destructions physiques de villes, d’entreprises, mais d’âmes humaines… Un four de plus s’éteint en France dans la plus grande indifférence.» Que le reportage, qui a fixé dans l’urgence les derniers instants de la fonderie, répare ce tort, on en conviendra. L’attention au réel de la photographie qui retient ce qui est digne d’être montré est évidemment un geste moral, contre la cécité et l’oubli. Dans le monde tellurique d’une fonderie, où l’on a encore affaire aux forces élémentaires (la terre, le feu), vivent des hommes qui s’efforcent de les dompter. Ils ne sont pas encore ces purs esprits tels que pourrait le suggérer faussement l’économie de la connaissance. Ils ont un corps qui affronte la matière. Le montrer pourrait se réduire à un hommage posthume, si cela ne soulevait pas une question d’actualité quand la réussite économique de l’Allemagne semble y répondre par la vitalité de son industrie.

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ais l’image vaut également pour l’émotion qu’elle suscite. Au delà de la beauté plastique qui serait une insulte au drame humain si elle prévalait, des visages s’imposent avec leur humanité, in extremis. Quelques jours après le reportage, le mercredi 30 novembre 2011, cinquante emplois sont sacrifiés. Et derrière l’anonymat de la formule, il y a aussi des noms ou plutôt des prénoms: Eric, Patrice, Jean-Pierre ou Tintin… car, comme le dit Patrick Maillard, porte-parole des invisibles, «chacun s’appelle par son prénom ou son surnom, et par le nom quand on est fâché !». La fraternité pour eux n’est pas un vain mot, ce lien vital que la dureté du travail tisse entre les hommes de même condition. Toutes ces personnes n’occupent pas un emploi, terme bien neutre, mais exercent un métier, souvent transmis de génération en génération : fondeur, noyauteur, décocheur, ébarbeur. Un «métier d’Homme» ajoute Patrick Maillard. en précisant la majuscule pour marquer la dignité de ceux qui, non seulement, participent à la richesse nationale, mais le font à leurs risques et périls: «lorsque ça pète sur la ferraille du moule, c’est la gerbe d’étincelles ou de gouttes de métal liquide qui va nous tomber dessus, on ne sait où, c’est la loi de la gravité qui s’exerce…». Au savoir-faire appris sur le tas et souvent polyvalent, s’ajoute le courage. Une vue superficielle ne comprendra pas que des hommes soient autant attachés à leur labeur, bien éloigné des exigences actuelles de confort et de sécurité : un «sale boulot» comme tous ces métiers manuels aujourd’hui dévalorisés. Pourtant, ils ne se plaignent pas, fait remarquer l’épouse d’un fondeur. Cela n’empêche pas les coups de gueule lorsque le travail dépasse les bornes. On ose à peine prononcer le mot grandiose d’héroïsme qui, cependant, explique leur fierté et l’amour sans servilité d’une tâche qui les grandit. Aussi bien, l’histoire est authentique, quand un homme du sous-sol chargé de déblayer les déchets de la fonderie a vu sonner l’heure de la retraite, il est reparti chez lui, le jour même, avec sa pelle.

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Made in China Jimmy Perriault

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e venais de passer deux semaines dans un temple dans la province du Henan à 800Km de sud ouest de Beijing dans le calme d’une montagne sacrée réglée aux rythmes des prières bouddhistes et du kung-fu. J’étais là parce que je devais faire le vide, j’étais là parce que le vent m’y avait déposé. Quelques mois auparavant je venais de connaître le goût amer de la vie, quand celle ci ce fait faucher par sa grande sœur la mort. C’est à cet instant que j’ai décidé de partir loin et seul avec comme seul compagnon mon appareil. Quand je suis retourné sur Beijing je voulais jouer sur les contrastes, montrer l’authenticité de certains quartiers avec la folie moderniste et la démesure de certaines enseignes de l’autre, mais cela m’a très vite ennuyé, je voulais juste profiter de cet instant de liberté qui m’était donné. Je n’avais qu’une envie marcher à me perdre dans les hutongs où chaque pas laissait apparaître une scène de vie, J’étais là à l’autre bout du monde comme simple spectateur.

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lles ont quatre-vingts ans et elles ont passé toute leur vie dans le même immeuble parisien. Leurs appartements sont imprégnés de leur histoire. Leur espace intérieur nous raconte leur vie. L’empreinte du temps se lit sur leurs mains et sur les murs. Elles ont vu évoluer leur ville, leur quartier, mais chez elle le temps semble s’être arrêté. Mme Bordon habite dans son appartement du XIVème arrondissement depuis 1950. Mme Combelles a emménagé dans son appartement du XVIIème arrondissement il y a 65 ans. Le Petit Hôtel Bourrienne appartient à la famille de Mme Monié depuis 1880. Après sa grande tante et son père, c’est elle qui a repris cette demeure en 1981. Quand l’espace devient mémoire...

Julie Bourges

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Une ie à

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Monoparental(e) Anne Thomes

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elon l’INSEE, Sarah est une famille monoparentale. Elle élève seule sa fille. Comme près de 2 millions de femmes en France. Et Sarah galère, comme près de 2 millions de femmes en France. Car aujourd’hui, élever seul(e) son enfant relève du défi. Sarah est tombée enceinte à 18 ans. “C’est mon copain qui m’a dit que j’étais enceinte. Le médecin m’a dit que ça faisait 5 mois, que je faisais un déni de grossesse. Quelques jours après, mon ventre a grossi d’un coup, et mon copain m’a quitté.” Sans structure familiale solide, Sarah s’est retrouvée dans un foyer pour mères isolées, qui l’a accepté dès les derniers mois de sa grossesse et pour les 3 années à venir. Ensuite il faudra se débrouiller seule. Mais comment ? “J’ai un CAP fleuriste. Quand je vais voir un patron, je suis bien obligée de lui dire que j’ai une fille. Et quand il me demande si j’ai un mode de garde, je suis bien obligée de lui dire non.” Sarah est face à un cercle vicieux: sans mode de garde, elle ne peut pas prétendre à un emploi à temps plein, et sans emploi à temps plein, elle n’a pas les moyens de payer une garderie. Alors Sarah vit des aides qui lui sont accordées. Au total environ 600 euros par mois. 600 euros pour se loger, se nourrir et vivre avec une enfant de 2 ans… Vivre en dessous du seuil de pauvreté, je ne suis pas certaine que cela colle aux rêves que Sarah avait pour ses 20 ans. Forcément, elle n’est pas très optimiste pour l’avenir, mais maintenant le père de Noëlie l’a reconnu, alors Sarah fait un effort avec lui, pour sa fille, pour que peut-être un jour la vie devienne un peu plus facile.

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Claire jachymiak

http://www.clairejachymiak.fr //

Jimmy Perriault

http://jimiphotographe.wix.com/jimiphotographe //

Julie Bourges

http://www.juliebourges.com //

Anne Thomes

http://www.annethomes.com

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