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KEOLIS met en service une navette

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ÎLE-DE-FRANCE

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Keolis met en service

une navette sans opérateur à bord

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L’Autonom Shuttle Evo circule désormais en totale autonomie sur les routes du CNTS et devrait à terme desservir également le futur centre aquatique de Châteauroux Métropole.

PREMIÈRE. La mobilité autonome franchit un nouveau cap en France. Après avoir expérimenté la commande par 5G en Suède, et obtenu le premier service de transport public par navette autonome à Saint-Quentin-en-Yvelines, Keolis expérimente une navette Navya de nouvelle génération sans accompagnateur sur le site du CNTS, à Châteauroux. Olivier Jacquinot

Depuis la cabine de supervision, qui peut être située à des centaines de kilomètres, le superviseur gère un certain nombre de navettes de réseaux différents.

«U ne journée historique… Une première mondiale… Une grande fierté et beaucoup d’émotion… », Jean Ghedira, directeur exécutif Marketing et Nouvelles Mobilités de Keolis, ne cachait pas son enthousiasme lors de la présentation officielle du nouveau service offert par le CNTS (Centre National de Tir Sportif) de Châteauroux : le transport des délégations de tireurs lors des compétitions nationales ou internationales – près de 12 000 personnes par an – du parking principal jusqu’aux différents pas de tir grâce à des navettes circulant en autonomie complète, sans opérateur à bord, avec seulement un superviseur à distance. « Ça peut paraître grandiloquent, mais c’est unique au monde! » Jean Ghedira poursuit : « Ce site, avec une douzaine de véhicules autonomes, a la possibilité de simuler toutes les situations, tous les cas de figure, avec un centre de formation pour les opérateurs et les superviseurs. Notre partenariat avec le CNTS nous permet de gagner beaucoup de temps. »

Ainsi, depuis le 22 juin, Keolis et Navya expérimentent (jusqu’alors sans passager mais désormais pour un service réel de transport) la navette Autonom Shuttle Evo sur un parcours de 1,6 km desservant l’accueil du CNTS et les stands de tir, depuis le parking principal à l’entrée du centre, sur un site fermé donc mais en circulation mixte, intégrant un stop et des priorités à

respecter, avec une vitesse de pointe de 4 m/s, soit plus de 14 km/h. Pour y parvenir, l’infrastructure du lieu a été aménagée avec des éléments de signalisation visuelle comme des panneaux, des blocs de béton sur le bord des voies pour que les navettes puissent se repérer, et des règles de circulation adaptées. Dans le centre de supervision implanté sur le site, quatre écrans et de nombreuses interfaces de contrôle-commande permettent d’assurer la surveillance de l’environnement de la navette, à l’aide d’un flux vidéo en direct, et d’intervenir à tout moment sur le véhicule, notamment en actionnant le bouton d’arrêt d’urgence. Ce bouton « coup de poing » garantit un temps de latence d’une demi-seconde entre le moment où le superviseur l’actionne et celui où la commande est effective sur la navette.

Nouveaux métiers

Toute perte de communication entre le véhicule et le centre de supervision entraîne l’arrêt de la navette ; le superviseur peut gérer en temps réel et concomitamment une flotte de véhicules ; tracer les évènements liés à l’opération et les partager avec les équipes de Keolis et de Navya, ce qui contribue au retour d’expérience et à l’amélioration continue de la solution. « Aujourd’hui, la liaison entre la navette et le centre de supervision est en 4G, d’où ce décalage d’une demi-seconde. Avec la 5G, nous passerons au temps réel », précise Alexandre Flon, directeur de Keolis Châteauroux, à l’origine du partenariat Keolis/CNTS, dont le personnel assure la petite maintenance des navettes et vient se former sur le site. « Nous accompagnons nos conducteurs vers les métiers de demain… », résume-t-il.

Des métiers d’opérateurs (dont le rôle consiste à démarrer le service, s’assurer en amont du bon fonctionnement de la navette et, en cas de problème lors de la circulation du véhicule, à intervenir dans un délai extrêmement court), et des superviseurs qui, derrière les écrans, veillent au bon fonctionnement des véhicules et de leur exploitation. Une dizaine de conducteurs de Keolis Châteauroux sont en cours de formation et d’autres agents, parfois de sociétés concurrentes, viendront à terme se former. « Nous assistons en effet à la naissance de nouveaux métiers », confirme Jean Ghedira. Nouveaux métiers et nouveaux usages. Ou plutôt nouveaux regards sur les usages des véhicules autonomes. Mais, comme l’a souligné par vidéo interposée Anne-Marie Idrac, en charge de la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes, qui dit attendre beaucoup des expérimentations de Châteauroux, « l’autonomie partout, nous en sommes encore loin ! »

Enjeu rural

« On pensait tous que les véhicules allaient devenir totalement autonomes d’un seul coup, rappelle Étienne Hermite, président du directoire de Navya. En fait, ça va être très progressif et graduel, avec des cas d’usage relativement simples, une conduite simple, dans un environnement simple et une vitesse maîtrisée, même si cela reste complexe à développer. Petit à petit, on augmente le domaine d’opération et on a des cas d’usage de plus en plus complexes, afin de rendre un véritable service de transport sur des sites fermés, comme ici où c’est le premier service de transportcollectif Un site parfaitement ciblé Créé en décembre 2019, après les Rencontres du transport gratuit qui se sont tenues à Châteauroux trois mois plus tôt, le Site d’essai des mobilités autonomes est implanté au Centre national de tir sportif (CNTS) de Châteauroux-Déols. Celui-ci est considéré comme la plus complète des installations de tir au monde, puisque les 12 disciplines peuvent y être pratiquées dans des conditions optimales. Le site est une ancienne base militaire de 80 hectares (+ 15 hectares de parcours de chasse) sillonnés par une dizaine de kilomètres de routes, dont cinq ont été cartographiés. Il comporte également de vastes hangars, où les navettes peuvent être testées et les personnels formés même en cas de mauvais temps. « Deux constructeurs mènent ici des essais, Navya et Easymile, explique Emeric Claveau, chef de projet exploitation et maintenance des véhicules autonomes chez Keolis. Cela permet de comparer sur un même site et un même parcours les technologies et les performances des navettes. » Le CNTS accueille régulièrement des compétitions internationales de haut niveau, et postule afin de recevoir des délégations étrangères pour les Jeux olympiques de 2024.

Objectif JO

« Lors des manifestations, nous avons de gros besoins en stationnement, explique Marc Ménessier, directeur du CNTS. Or nous disposons à l’entrée d’un parking de 1 500 places, mais il est distant des stands et de l’accueil. Les navettes autonomes permettent donc d’acheminer les compétiteurs et leurs accompagnateurs jusqu’aux stands. En matière d’image, c’est très valorisant pour tous les partenaires. Et la présence de ces navettes pourrait favoriser notre candidature auprès du comité d’organisation des JO ! » D’une durée d’un an, la convention initiale signée entre Keolis et la Fédération Française de Tir vient d’être renouvelée pour un an (élections à la Fédération obligent), mais devrait à l’avenir s’établir sur des durées plus importantes.

en totale autonomie pour de véritables passagers, mais aussi à échéances assez brèves sur des sites ouverts. » Jean Ghedira acquiesce : « On a commencé par assimiler les navettes électriques aux zones très urbanisées, mais il y a d’autres possibilités. Notamment dans les zones rurales, sur des petites lignes, avec des flux très modestes. » Et de citer l’exemple de la navette de Crest (Drôme),

L’infrastructure du CNTS a dû être aménagée tant pour inciter les visiteurs à la prudence que pour permettre aux navettes de se repérer dans l’espace grâce notamment à des blocs de béton sur le bord des voies.

Dans un environnement rural, l’évolution de la végétation et de la luminosité constitue un défi pour le système de localisation.

qui dessert depuis la gare une zone d’activité distante de 7 km.

« L’enjeu sur des distances importantes, c’est aussi d’augmenter la vitesse de la navette, reprend Étienne Hermite. Dans le monde rural et en périurbain, où les véhicules autonomes pourraient effectivement résoudre le problème du chaînon manquant du transport public, la complexité est technique. Dans un paysage rural, la végétation est par définition changeante. C’est donc plus compliqué pour la technologie de se localiser. » Ainsi, la chute des feuilles en automne perturbe totalement le système de localisation, en raison d’une luminosité différente. Autre exemple : sur le site d’essai de Châteauroux, une ligne droite a été rebaptisée l’avenue des moineaux : l’envol des oiseaux à l’approche de la navette constituant un événement imprévu que les techniciens ont mis quelques jours à identifier. Des incidents qui prêtent à sourire, mais qui constituent autant d’éléments permettant d’avancer. « À Saint-Quentin-en-Yvelines, nous venons de remporter le premier appel d’offre pour une navette autonome circulant en situation réelle, avec jusqu’à trois véhicules circulant en heures de pointe. Nous allons dès février prochain voir comment les navettes s’insèrent dans la circulation, comment elles s’adaptent aux “stop and go“, aux embouteillages… Bref, comment le produit vit, et comment les passagers apprécient le service », poursuit Jean Ghedira. ■

Jean Ghedira, directeur exécutif Marketing et Nouvelles Mobilités de Keolis, Michel Baczyk, trésorier de la Fédération française de tir, Gil Averous, maire de Châteauroux et président de l’agglo, et Etienne Hermite, président du directoire de Navya.

D’immenses hangars – où étaient auparavant remisés des avions militaires puis des porte-chars – permettent de mener les essais et les formations même en cas de mauvais temps.

Une navette nouvelle génération Autonom Shuttle Evo, la navette expérimentée actuellement en autonomie totale au SEMA, peut transporter jusqu’à 15 passagers (11 assis, 4 debout) à une vitesse pouvant atteindre les 25 km/h et dispose d’une autonomie moyenne de 9 heures. Autonom Shuttle Evo exploite des systèmes de guidage et de détection qui associent plusieurs technologies de pointe : Lidars, caméras, GPS RTK, IMU et odométrie. C’est grâce à la fusion des données de ces différents capteurs associés aux logiciels de deep learning que Autonom Shuttle Evo peut se déplacer efficacement sans conducteur, et prendre les décisions les plus adaptées.

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