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MÉCANIQUE ADDICTS
MÉCANIQUE ADDICTS Le Bugatelier
1978 : première attaque du virus. En plus du bac, Christian Schann passe un CAP d’électromécanicien en candidat libre. Dans la foulée, il trouve un job d’été chez Messier Bugatti à Molsheim comme ajusteur. Il y côtoie d’anciens ouvriers du constructeur automobile qui lui font visiter les ateliers Bugatti et découvrir quelques machines de l’époque.
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En 1981, année du centenaire de la naissance d’Ettore Bugatti, des centaines de véhicules de la marque convergent vers Molsheim. Et la musique des moteurs provoque chez Christian Schann une poussée de fièvre. Il se plonge dans la littérature automobile consacrée à Bugatti. Depuis la température n’est pas retombée. Il démarre au même moment une carrière chez Millipore, comme technicien. Elle se terminera en 2010 à la suite d’une restructuration. À 50 ans, il se retrouve sur le marché du travail. Il décide de devenir consultant… Et puis il y a cette grange, vestige du passé agricole de ses beaux-parents à Oberhausbergen : 300 m 2 à aménager pour créer, pourquoi pas, un atelier de réparation dédié aux véhicules de son constructeur préféré.
En 2014, grâce en partie à ses indemnités de départ, il ouvre le « Bugatelier ».Pour l’aider dans son entreprise, il a pu compter sur le soutien du président des « Enthousiastes Bugatti »,
Gérard Burck. Ses premiers clients sont alsaciens, allemands et luxembourgeois. Aujourd’hui ils sont européens... et anglais. Il se fait connaître en parcourant les rassemblements et les rallyes Bugatti en Europe. Depuis, Christian Schann fait une restauration lourde et une demi-douzaine de réparations « plus légères » par an. Essentiellement dans la mécanique, la boiserie et l’électricité. Il n’est pas outillé pour la carrosserie, la peinture et la sellerie, ce sont d’autres métiers.
Chez les collectionneurs, les Bugatti sont les voitures les plus nombreuses à circuler encore aujourd’hui. Autant dire que Christian Schann ne manque pas de travail. « Je vis petitement, précise le mécanicien de l’excellence, mais je vis de ma passion ». Une passion qui l’a conduit à acheter et restaurer sa propre Bugatti, mais « ça me prend du temps, car il faut d’abord que je m’occupe de mes clients !». Il compte aussi sur son fils Antoine qui devrait prendre la relève. Il a 35 ans et le créateur du Bugatelier lui a inoculé le virus.
RENCONTRE INSOLITE
103 Des clients, il en rencontre parfois dans des circonstances particulières. En 1992, Christian Schann repère sur la route une remorque tirée par un tracteur. Il reconnaît un pont et une roue de Bugatti. Il suit l’agricultrice au volant jusqu’à son exploitation et se rend compte que le châssis est également estampillé Bugatti ! Il lui propose de racheter le pont et la roue en lui fournissant une remorque équivalente. Elle accepte. Grâce à un fonds documentaire assemblé patiemment il recrée des pièces dans l’esprit Bugatti et en 2009 lors du rassemblement du centenaire de l’arrivée de Bugatti en Alsace, il fera rouler le châssis à Molsheim.
Mais restaurer une Bugatti d’origine n’est pas à la portée de toutes les bourses, environ 300 000 €.
Antoni Roda, le « motodidacte » MÉCANIQUE ADDICTS
Le papa a occupé le devant de la scène durant des années avec son atelier de contrôle technique. Et puis est venu le temps de la retraite. Le fils qui travaillait en sous-sol a alors pris possession des locaux et l’univers Roda a basculé…
« À part le BEPC, je n’ai pas de diplôme et en plus il ne me servirait à rien ! » Tous ses métiers, Antoni les a appris sur le tas. Et la passion a fait le reste. Quels métiers ? C’est une vraie question. Car ce gaillard de 43 ans en a au minimum une demi-douzaine : il est carrossier, soudeur, peintre, designer, couturier, créateur et graveur …. En fait c’est un touche-à-tout, « il a 10 idées à l’heure et c’est parfois épuisant » reconnaît son épouse Minine. « Son imagination c’est notre gagne-pain ». AU SERVICE D’UNE MARQUE MYTHIQUE … OBJET UNIQUE ET COLLECTOR
Avec le souci du moindre détail et du travail bien fait, il a attiré l’attention du concessionnaire Harley Davidson pour le Grand Est et il est devenu le « customisateur » officiel de la marque. Il travaille donc entre Dijon et Reims mais parfois on l’appelle de Marseille, de Paris ou d’Allemagne. Les puristes de la marque regardent rarement à la dépense mais ils sont très exigeants et ne supportent pas qu’on puisse trahir l’esprit Harley. Antoni Roda a été obligé de recréer des teintes du constructeur américain en fonction des exigences de chaque client (c’est moins le cas aujourd’hui). L’esprit créatif d’Antoni l’emporte sur les codes Harley Davidson. Mais l’esprit « bad boy» est toujours présent. 55% de son chiffre d’affaires est concentré sur l’activité customisation de la carrosserie, des casques et du textile (blouson, tee-shirt) Harley Davidson. Le reste c’est 15% de peinture et carrosserie voitures et 30% de confection de blousons uniques dans l’esprit motard, de création de meubles dans le style « industriel » très tendance
Antoni et Minine Roda
(au départ c’était une démarche pragmatique : « fabriquer ses propres meubles pour l’atelier et le bureau, ça coûte moins cher ! ») et d’accessoires pour l’intérieur (espaces de travail et logement). « Le temps que je passe à façonner une pièce ou à customiser un élément de carrosserie ne compte pas. L’important c’est d’avoir la liberté de créer pour des personnes avec lesquelles j’ai le feeling » dit-il avec conviction. LE FEELING COMME MOTEUR
Le couple insiste sur la « dimension humaine » qu’il donne à son activité. C’est la raison pour laquelle il s’est entouré d’artisans comme un métallier, un sellier, un menuisier qui ont la même approche qu’eux. Des artisans locaux pour la plupart. Quand on entre chez « Nostra Famiglia » on n’est pas dans un garage mais plutôt dans un showroom ou une galerie. C’est un espace qui propose aux clients toute une palette créative d’objets utiles mais toujours, avec un rappel à la marque emblématique Harley Davidson. Un univers fait d’objets usuels au service de la création. Chez les Roda on ne parle pas de modèle économique. Juste de passion. Et ça fait près de 15 ans que ça dure ... que ça marche, enfin que ça roule ! À quand la prochaine paire de chaussures personnalisée estampillée Harley Davidson ?
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Au-delà des apparences MÉCANIQUE ADDICTS
«On s’interdit des choses au lieu d’exister pour soi». C’est un peu le résumé du parcours de Natacha Brand. Se moquer du qu’en-dira-t-on, saisir toutes les opportunités...
Natacha Brand a repris il y a quinze ans Alice Lange, un magasin de lingerie fine qui avait pignon sur rue mais voué à la fermeture faute de successeur et dans lequel elle travaillait depuis un an et demi. La jeune femme, une blondinette d’une vingtaine d’années, enceinte jusqu’aux yeux, savait qu’elle n’avait aucune chance de retrouver du travail. Elle décide de se mettre à son compte et part à la recherche d’un pas-de-porte. Elle jettera son dévolu sur un local rue de l’Outre à Strasbourg. Elle accouche et ouvre le Boudoir dans la foulée.
Natacha Brand
Faisant fi de tous les stéréotypes et autres clichés, elle rêvait depuis l’âge de 16 ans de parcourir l’Ouest américain. Le déclencheur en 2017, un rassemblement Harley Davidson à Bâle où des amis allemands l’avaient entrainée. C’est le coup de foudre. Elle passe son permis en octobre 2017, le réussit en deux mois et aujourd’hui ce petit bout de femme de 49 kg conduit une moto de 270 kg avec laquelle elle parcourt des milliers de kilomètres en Alsace et au-delà. Elle espère, pour ses 40 ans, réaliser son rêve d’ado.
Elle découvre, toujours avec ses mêmes amis, l’ambiance de l’Oktoberfest, le dirndl, tenue traditionnelle, qu’elle porte lors de manifestations traditionnelles outre Rhin et pour compléter cette panoplie, elle s’adonne aussi à la Country, ambiance chère à beaucoup de bikers. Mais les passions atypiques de Natacha Brand ne s’arrêtent pas là. Depuis l’âge de 10 ans elle est fan du Racing Club de Strasbourg et ne ratait aucun match… sauf depuis peu, sa passion pour Harley Davidson semble prendre le pas sur le foot.
« Braver les interdits c’est prouver qu’on peut aller au-delà des apparences. Ne pas se laisser happer par les stéréotypes du quotidien. Je n’ai aucun regret de tous ces choix de vie. Au hasard de mes rencontres il y a toujours eu un déclencheur. Je trouve que juger une apparence plus qu’une personne est réducteur ». Forte d’un BTS en communication et en marketing à n’en pas douter elle continuera sur le chemin de ses rêves.