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LAISSEZ-VOUS RÊVER

DÉVOUEMENT

“ Laissez-vous rêver… ”

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C’est un des clichés les plus forts parmi les centaines publiées lors des derniers mois. C’était dans Libération, le 9 avril dernier.

« Laissez-vous rêver » disent les mots du slogan publicitaire de la SNCF qu’on devine, à l’envers, sur la vitre du TGV. On est évidemment loin de l’injonction marketée, si loin qu’elle nous paraît surgir d’une époque disparue depuis longtemps…

Ce cliché est l’œuvre du photographe Thomas Samson et il a été saisi à la gare d’Austerlitz à Paris, le 1 er avril dernier, alors que ce train sanitaire s’apprêtait à évacuer vers un hôpital du sud-ouest des malades en situation gravissime, intubés, en grave danger de mort.

Sur le brancard qui vient d’être hissé à bord du TGV après de longues minutes de manipulation avec d’infinies précautions, on devine un homme âgé, serti dans un environnement d’appareils et de tuyaux maintenant la vie, coûte que coûte…

Et il y a cette infirmière quasi agenouillée contre la paroi métallique du wagon, la main gantée de latex reposant sur la vitre, et son regard qui ne quitte pas la scène des yeux… L’inscription dans son dos révèle qu’elle appartient au SAMU, elle vient à l’évidence de convoyer le malade du service de réa où il avait été admis jusqu’à cette gare.

Cette infirmière a donc pris le relais, quelques heures plus

tôt, de toute une équipe médicale de la région parisienne qui avait entrepris de préserver cette vie. Durant tout le transfert jusqu’à la gare, on sait que cette femme a veillé avec une attention sans faille pour que tout se passe au mieux. Et là, alors qu’elle sait que le TGV va bientôt quitter le quai, elle veille encore, présente jusqu’au bout, en mission sacrée…

Une fois le train disparu, elle aura sans doute rejoint l’ambulance, lasse, épuisée, encore fébrile…

Qu’est devenu cet homme âgé ? A-t-il vu à travers la fenêtre de sa chambre d’hôpital les jours de soleil d’avril et de mai derniers, a-t-il, depuis, retrouvé les siens ? Et cette infirmière, comment a-t-elle surmonté ces mois où, comme des milliers de soignants, elle a tout donné, puisant au fond d’elle-même les dernières forces qu’elle pensait qu’il lui restait, repoussant ses limites jusqu’à ce « si loin » qu’aucun tableur Excel de la moindre ARS ne pourra jamais calculer puisque l’Humanité a été originellement oubliée dans son programme…

Du train qui va filer à très grande vitesse à ces appareils médicaux sophistiqués qu’il abrite, cette image cumule les symboles de la haute technologie. Mais on finit vite par ne plus les remarquer : on ne voit plus que ces deux êtres humains reliés par le fil invisible de l’altruisme et de la fraternité.

« Laissez-vous rêver » dit le slogan publicitaire…

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