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MAGRIT COULON

MAGRIT COULON Construire un pont avec l’extrême autre côté de l’âge

La crise sanitaire a mis en lumière la situation des EPHAD en France mais aussi en Belgique où ils sont appelés « Homes pour personnes âgées». La jeune metteuse en scène strasbourgeoise Magrit Coulon leur a consacré une pièce de théâtre créée à Liège, quelques jours avant le confinement. Le quotidien « La Libre Belgique » y a vu « la révélation du Festival Factory», une « pépite» dans laquelle il faut plonger pour « y tâter de la vitalité des scènes d’aujourd’hui».

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Magrit Coulon a 24 ans et retrouver cette jeune fille rencontrée enfant à Saint-Thomas est une des joies de ce mois de juin de déconfinement. Discuter avec elle de l’ultime horizon de l’existence humaine est aussi inattendu que tendre et passionnant.

‘‘ Un spectacle pour le prix d’une pinte, quelle chance ! ”

Passée par les Pontonniers où elle a intégré la classe de théâtre, Magrit est devenue Bruxelloise après son inscription à l’Institut Supérieur des Arts du Spectacle et des techniques de diffusion (INSAS). Confidence : elle garde un souvenir enthousiaste de la vie culturelle strasbourgeoise. Les spectacles du TJP, ceux du Maillon et… la carte « Atout Voir ». « Un spectacle pour le prix d’une pinte, quelle chance ! »

« Home » est le fruit de son travail de fin d’études, de sa «vraie tendresse pour les

personnes âgées » et d’une « incompréhension » par rapport à ce lieu de la maison de retraite qui s’inscrit comme une « bulle » hors du temps, bâtie dans la ville mais « hermétique », tenue loin des yeux et des consciences.

De ses parents architectes, Magrit a reçu « un regard sur l’espace » qu’elle a nourri de ses lectures : « Hétérotopies » de Michel Foucault, « Eloges de l’ombre » de Junichorô Tanizaki… « Comment met-on 90 ans d’existence dans une chambre de 15 m 2 ? Que voit-on du monde depuis ces lieux-là ? » interroge le dossier de presse.

L’ENJEU THÉÂTRAL DE « L’ÉTAT DU CORPS »

Avec ses trois jeunes comédiens, Carole Adolff, Anaïs Aouat et Tom Geels, elle a voulu « construire un pont avec l’extrême autre côté de l’âge », « comprendre un autre corps, un autre rythme peu à peu sorti de notre quotidien ». « Nous croisons de moins en moins de personnes très âgées dans nos villes qui vont de plus en plus vite et leur sont devenues dangereuses », souligne la metteuse en scène.

Cette question du rythme fut essentielle. Il leur a fallu l’approcher, l’apprivoiser, l’incorporer

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Home

au fil de «plusieurs mois de visites» dans un home bruxellois, réfléchir à l’enjeu théâtral lié à cet état du corps, tant du point de vue de l’acteur que du spectateur, pour créer un spectacle « d’inspiration documentaire à dimension fictionnelle ».

Les vingt premières minutes scandées par le décompte d’une horloge et marquées de seuls bruits organiques sont « presqu’anthropologiques » : la lenteur des gestes, l’effort qu’ils coûtent, les regards que s’échangent les pensionnaires… Ouvrir un carton de jus de fruit, en remplir un gobelet devient un enjeu, y parvenir est une victoire.

Vêtus de noir, sans artifice de maquillage ou de costume, les comédiens restituent ces moments muets mais pas du tout silencieux dans le vertige des détails, « presqu’en improvisation ».

PRENDRE LA MESURE DE CE QUI S’EST PASSÉ

Les mots interviennent ensuite. Une chanson en playback intimement portée par le comédien avant que ne s’enchainent différentes scènes où le travail des acteurs passe par le corps sans altérer les voix. Se rejouent des fêtes disparues où les gestes se délient, des visites rêvées à défaut d’être vécues, des solitudes.

« Home » est programmé à Toulouse en novembre avant d’entamer une tournée en Belgique et d’être repris en juillet 2021 à Avignon, sur la fameuse scène du Théâtre des Doms.

Magrit espère évidemment le présenter à Strasbourg.

Pour l’heure, elle «n’arrive pas encore à imaginer comment le rejouer» après la crise sanitaire et son impact sur les personnes âgées. Le reportage de Florence Aubenas sur l’EPHAD des Quatre saisons « à huis clos contre le virus » paru le 31 mars dans « Le Monde » l’a bouleversée…. Elle veut se donner le temps de prendre la mesure de ce qui s’est passé.

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