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Fondation Louis Vuitton

c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS

Jean-Luc Fournier Fondation Louis Vuitton – Jean-Luc Fournier

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FONDATION LOUIS VUITTON

Monet et Mitchell : ils se sont enfin rencontrés…

Joan Mitchell, la peintre expressionniste abstraite américaine est née en 1925, à peine deux ans avant la disparition du père de l’impressionnisme, Claude Monet. Et pourtant, magie de l’art et du talent de la directrice artistique de la Fondation Vuitton, l’impressionnante Suzanne Pagé, le vieux lion et la viscérale anticonformiste se sont enfin rencontrés à l’aube de la troisième décennie de ce XXIe siècle. Outre la rétrospective de l’artiste américaine au niveau -1 de la Fondation, le dialogue Monet/Mitchell se dévoile sur les trois niveaux supérieurs du bâtiment et le tout surprend et émerveille…

Avant tout, il faut faire part d’une intense émotion que tous les amateurs d’art qui visiteront la Fondation Vuitton d’ici le 27 février prochain vivront comme un cadeau précieux et incroyable.

Dans la monumentale Galerie 9 de la Fondation, un mur immaculé et immense accueille le majestueux triptyque L’Agapanthe, peint par Claude Monet vers la toute fin de sa vie, à partir de 1914, dans le cadre de ce qu’il a appelé « Les Grandes Décorations ». Monet a fait construire un atelier spécial pour pouvoir créer ces très grands formats dont aucun ne sera jamais montré avant sa mort, douze années plus tard. « Dès lors, il ne représentera plus le monde tel qu’il le voit, mais il imagine un monde de peinture. Produire des œuvres pleines d’harmonie est pour lui une forme de résistance au chaos de la guerre » dit Marianne Mathieu, directrice scientifique du Musée Marmottan Monet qui a contribué à l’événement de la Fondation Vuitton. Oui, il faut sortir les superlatifs pour faire partager l’émotion suscitée par cette œuvre quasi incroyable. Les trois panneaux constituent un triptyque de treize mètres de long pour une hauteur de deux mètres ! Monet a mis dix ans pour le réaliser, modifiant et remodifiant plusieurs fois la composition de ce bassin de nymphéas où domine un mauve lavande d’une infinie douceur…

Mais le plus ahurissant est ailleurs : cette œuvre n’a non seulement jamais été vue par le public français sur le territoire national, mais ses trois éléments ont été réunis par Suzanne Pagé en provenance de trois musées américains différents. Le premier a été expédié par le Saint-Louis Art Museum qui en a fait l’acquisition en 1956. Le second, celui du milieu, est arrivé en provenance du Nelson-Atkins Museum de Kansas City qui en est devenu propriétaire en 1957. Enfin, la troisième partie du prestigieux triptyque a été acquise par le Cleveland Museum of Art en 1960. Tour à tour, se prêtant mutuellement leurs

Joan Mitchell Two pianos

« Oui, il faut sortir les superlatifs pour faire partager l’émotion suscitée par cette œuvre quasi incroyable. »

acquisitions, ces trois institutions ont accueilli la totalité de l’œuvre à la fin des années 1970, avant que la Royal Academy of Art de Londres en fasse de même, en 2016, dans une présentation en U des trois éléments.

Presque un siècle après sa réalisation en France par Claude Monet, L’Agapanthe peut donc enfin être vu à Paris dans son intégrité. C’est évidemment un événement considérable et unique… et le public peut donc enfin admirer sans compter les grands espaces colorés par ces « radeaux de nénuphars » comme le dit Suzanne Pagé « et la grande liberté dans les touches, la subtilité de palette, avec des notes pêche, lavande, roses, lilas. Monet est parti d’une représentation réaliste pour aboutir à un résultat presque abstrait » complète-t-elle.

Enfin, la rencontre…

La prouesse de la reconstitution originelle de L’Agapanthe s’inscrit donc dans le cadre de cette formidable rencontre Monet – Mitchell. La peintre expressionniste abstraite américaine n’avait certes que deux ans quand Claude Monet rendit son dernier soupir, mais, déjà reconnue sur la scène américaine de l’après-Seconde Guerre mondiale, elle s’enticha très vite de Paris en multipliant les aller-retour entre la France et son atelier de Saint Mark’s Place à New York. À l’évidence pour finir de marquer sa farouche indépendance, elle s’installa définitivement dans la capitale française, rue Frémicourt, au début des années soixante.

Elle qui avait toujours tenu à imposer son propre rythme et dicter ses propres règles ne pouvait certes pas ignorer la peinture de Monet, plébiscitée depuis longtemps par les États-Unis qui le considérèrent très tôt comme le précurseur du modernisme américain.

Joan Mitchell avait-elle en tête les conditions d’une rencontre encore plus intime avec Claude Monet quand, en 1968, elle décida de s’établir à Vétheuil, à l’orée de la Normandie, dans une propriété, La Tour, sertie dans une nature si superbe que les paysages qui l’entouraient n’allaient plus jamais cesser ensuite de l’inspirer ?

Le plus extraordinaire est cependant ailleurs : quand les yeux de Joan Mitchell embrassaient les panoramas qui s’offraient à ses yeux, elle fondait alors son regard avec celui de Claude Monet qui, pendant quatre ans, jusqu’en 1881, vécut dans une maison à quelques centaines de mètres en contrebas de la propriété de l’Américaine ! C’est cette magie-là qu’on retrouve sur les murs de la Fondation Vuitton, cette couleur qui interfère en permanence avec la lumière, l’eau dont les effets miroirs sont archiprésents chez les deux artistes (Le bassin aux nymphéas pour lui, la Seine pour elle) et surtout, bien sûr, les grands formats (depuis toujours pratiqués pour elle et enfin affrontés à la fin de sa vie, pour lui).

Quand on sait cela, on est en permanence à la recherche de cette complicité à des décennies de distance et souvent, elle saute aux yeux. C’est plus qu’émouvant de voir leurs paysages se fondre dans ces océans de couleurs, tout en douceur chez Monet avec l’application de frottis monochromes, beaucoup plus brutalement chez Mitchell dont les touches énergiques ont scandé l’ensemble de l’œuvre.

Cette expo unique ne doit pas être ratée. On a envie de dire « Merci Mme Pagé » d’avoir su diriger notre regard vers la magie du travail de ce couple improbable, mais si formidablement réuni… c

Claude Monet Nympheas, 1910/1918

MONET-MITCHELL

Jusqu’au 27 février 2023 Fondation Louis Vuitton 8 Av. du Mahatma Gandhi Paris (16e)

Tél. : 01 40 69 96 00

En période de vacances scolaires : du lundi au jeudi de 9h à 21h ainsi que les samedis et dimanches. Le vendredi de 9h à 23h.

Accès : Navette (payante) au départ du haut de l’avenue de Friedland (face au n° 44), près de l’Étoile.

Billetterie : www.fondationlouisvuitton.fr

Entrée de 5 € à 16 € Billet famille panachable.

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