2 minute read
LES CACAOCULTEURS VEULENT UNE PART DU GÂTEAU
Voilà 20 ans que les géants du chocolat parsèment leurs rapports de durabilité de promesses d’augmenter les revenus des cacaoculteur.trice.s. Des vœux restés pieux quand on sait que l’industrie se taille toujours la part du lion des plus de 100 milliards de dollars qu’elle génère chaque année. En Côte d’Ivoire, le projet Bite to Fight d’Oxfam est sur le point de réaliser une petite révolution et de prouver que le chocolat peut réellement être durable.
Sur les terres du premier producteur mondial de cacao, plus de la moitié des 600 000 cacaoculteur.trice.s que compte officiellement la Côte d’Ivoire vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 34 euros par mois. Pourtant, il y a 20 ans, les 6 industriels du chocolat qui contrôlent 95% du marché s’étaient engagés à rendre le secteur durable. Plus de déforestation. Fini le travail des enfants. Et ils réitéraient sans relâche la vague promesse de « faire prospérer les communautés » qui produisent l’or brun.
Si les multinationales ont remporté le pari de la communication, la réalité demeure, elle, quasiment inchangée. « On est face à un paradoxe », observe Bart Van Besien, chargé de plaidoyer pour la filière cacao chez Oxfam Belgique. « Les multinationales dépensent des millions pour leurs projets de durabilité et font des milliards de bénéfices sur le dos des producteurs qu’elles paient au prix le plus bas qu’elles peuvent obtenir ». L’évidence s’impose d’elle-même : payer un prix d’achat plus élevé est le meilleur moyen de permettre aux agriculteur.trice.s de vivre décemment.
Les coopératives, fer de lance d’un cacao durable
C’est exactement cet objectif que les 1000 membres de la coopérative CPR Canaan, qui produisent le cacao utilisé dans la fabrication du chocolat Bite to Fight d’Oxfam, ont la ferme intention d’atteindre. Son directeur, Armand Kouassi, fait un bilan lucide du projet lancé il y a trois ans avec Oxfam, visant à combler le fossé qui sépare les membres de la coopérative d’un revenu vital.
« Leurs conditions de vie se sont améliorées. Grâce aux primes Fairtrade et celle apportée par Oxfam, nous pouvons mieux rémunérer nos membres et réduire notre dépendance aux fluctuations du prix des fèves sur le marché international », dit-il. En effet, Oxfam verse à la coopérative une prime qui s’élève actuellement à 1068 dollars par tonne de cacao produite, par-dessus le prix minimum Fairtrade fixé à 2400 dollars la tonne et en complément d’une prime Fairtrade de 240 dollars la tonne.
Pratiquer une agriculture vertueuse
Est-ce suffisant pour vivre dignement ? Pas encore, d’après Julien Tayoro N’guessan, agronome, fils de planteur et chargé du projet Bite to Fight en Côte d’Ivoire. « Le revenu vital doit permettre aux familles de se nourrir, se loger, avoir accès à l’éducation et aux soins de santé. Nous n’y sommes pas encore, mais j’ai confiance. Nous sommes déjà parvenus à doubler, parfois tripler la production des cacaoculteurs en améliorant les techniques agricoles », s’enthousiasme-t-il.
Pour y parvenir, CPR Canaan peut compter sur des coachs, qui se rendent chez les planteur.euse.s tous les deux jours. Appolinaire Blibi Gala fait partie des cinq coachs employés par la coopérative. « Je leur enseigne comment protéger les cacaoyers des ravageurs et produire des engrais naturels pour éviter de devoir en acheter. On est présent à toutes les étapes, notamment lors de la cueillette des cabosses. C’est important car une récolte tardive entraîne des risques de pourriture des fèves et une récolte précoce diminue le rendement », dit-il. Et cela fonctionne. Francis Kwandjo Guesan, dont la plantation s’étale sur à peine deux hectares peut en témoigner : « Avant, je produisais 700 kilos de cacao par an. Maintenant d’octobre à juin, je fais trois tonnes ! ». Et tout ceci, sans couper d’arbres et sans avoir recours à des pesticides industriels. Une petite révolution, en opposition totale avec le modèle classique de production qui consiste à déforester, planter du cacao, épuiser les sols avec des pesticides puis abandonner la parcelle. Et recommencer.