Communication Efficace pour les Scientifiques
Pierre Boulet Pierre.Boulet@lifl.fr http://www.lifl.fr/~boulet
Présentations orales : préparation Résumé. Les présentations orales utilisant des transparents projetés comme aide visuelle sont très souvent soporifiques alors qu’elles ont souvent un enjeu important. Nous donnons ici des conseils basés sur la façon dont l’être humain perçoit les différents stimuli pour construire des présentations efficaces. La démarche se décompose en 3 grandes étapes : les questions préliminaires à se poser impérativement, la structuration du discours pour une efficacité optimale et seulement ensuite la conception des supports visuels. Une prise en compte même partielle de ces conseils devrait améliorer sensiblement l’efficacité de vos présentations.
L
par powerpoint est un des maux les plus répandus chez les auditeurs de conférences scientifiques. Combien de personnes participant à des conférences ne vont pas écouter les exposés ou le font d’une oreille très distrète, certaines dormant au fond de la salle. Pour la personne qui présente ses travaux, c’est dramatique. En effet, l’impact d’une telle présentation est quasiment nul alors qu’elle y a passé beaucoup de temps et a payé souvent cher l’inscription à la conférence, sans compter le voyage. Comment remédier à ce problème et transmettre efficacement un message à chaque présentation ? Ce n’est que récemment qu’est apparu un mouvement de pensée qui contredit les règles habituelles désastreuses sur les transparents du genre mettre 7 items de 7 mots chacuns par transparent. Nous allons voir dans ce document des conseils donnés par des spécialistes de la communication, des sciences cognitives et du design graphique sur les différentes étapes de la préparation d’une présentation orale. La méthode proposée repose principalement sur celle décrite par Abela dans [1] et reprise sur le site web associé 1 . Les livres [2, 3, 5, 8] donnent aussi d’excellents conseils sur l’ensemble du processus de préparation de la présentation, des questions initiales à la réalisation des supports visuels alors que les livres [4,6,9] sont plus particulièrement dédiés à la conception de ces supports visuels. On peut décomposer en 3 grandes étapes la préparation d’une présentation orale : les questions préliminaires dont les réponses sont cruciales à l’efficacité de la présentation, la phase de structuration du discours et seulement pour finir la conception des supports visuels. Abordons les maintenant dans cet ordre. 1. http://www.extremepresentation.com/
1. Questions préliminaires Les premières questions à se poser concernent l’audience : – à qui vais-je parler ? – qu’est ce qui les empêche de dormir ? – pourquoi viennent-ils voir ma présentation ? En effet, quel intérêt y a-t-il à donner une présentation devant une qudience qui n’en attend rien ? C’est du temps perdu pour tout le monde. Ayant identifié les réponses à ses questions, on doit maintenant se poser la question du message central. Si les auditeurs ne devaient retenir qu’un point, quel serait-il ? Enfin, la troisième question indispensable à se poser est « de quel support visuel ai-je besoin pour faire passer mon message à cette audience particulière ? » Selon les circonstances (en particulier quand on s’adresse à un petit nombre de personnes), il sera bien plus efficace de proposer un support écrit que les gens liront et qui servira de support à une discussion que d’utiliser des transparents. On pourra aussi montrer des objets physiques ou faire des démonstrations (de logiciels par exemple). Ce n’est qu’un fois qu’on a répondu à toutes ces questions qu’on peut aborder le contenu de la présentation.
2. Structure de la présentation Les conseils donnés dans les cours précédents concernant la construction d’une argumentation et la structuration du document écrit ne s’appliquent que partiellement dans le cas des présentations. En effet, il faut ici parler non seulement à la partie logique du cerveau des auditeurs mais aussi à leurs émotions. Le message n’en sera que plus mémorable. En plus, ça
permettra de garder leur attention au delà des 10 minutes fatidiques au delà desquelles l’attention chute brutalement [7]. Il faut donc préparer des exemples concrets, des anecdotes ou encore des analogies en plus des éléments plus rationnels (démonstrations, mesures, statistiques, etc). Une présentation étant foncièrement synchrone, c’est vous qui décidez de l’ordre et du rythme de progression, pas les auditeurs. Il est donc très important de rendre cet ordre simple, clair et mémorable. Un découpage en 3 parties est optimal, comme pour la classique pièce de théâtre en 3 actes. Et pour faciliter à la fois la mémorisation et l’attention des auditeurs, il faudra raconter une histoire, c’est-à-dire une séquence d’étapes conduisant à la résolution d’un problème (concernant les auditeurs, bien sûr). Abela propose d’une part la structure suivante pour chaque étape : situation, complication, résolution, exemple (SCoRE) ; et d’autre part l’enchainement des étapes en se posant à chaque fois la question « quelle est la complication la plus vraissemblable ensuite ? » Tout ce processus de structuration du discours se fait de façon analogique, avant toute utilisation d’un logiciel de conception de transparents.
3. Design graphique des transparents Si vous avez décidé d’utiliser des transparents projetés comme aide visuelle, il faut avant tout que
ces transparents aident les auditeurs à comprendre le message (et non vous servent de prompteur). Une clé de la lutte contre la mort par powerpoint est la prise en compte de la réalité suivante : on ne peut pas lire un texte et écouter un discours en même temps ! Les supports visuels doivent donc être le plus graphique possible. Les mots-clés pour la réalisation de ces supports sont simplicité et créativité. Les conseils donnés précédemment sur les illustrations graphiques et la typographie s’appliquent ici totalement. Tout dans les transparents doit servir au message, en particulier la mise en page. Abela propose 36 mises en pages qui renforcent le message d’un transparent (voir document joint). On trouvera d’autres conseils sur cet aspect du design graphique dans [4, 9]. Un bon transparent doit être compréhensible très vite et de façon non ambigüe. Un titre sous forme d’une courte phrase devra expliquer ce qu’il y a sur le transparent et pourquoi ce point est important pour le message central. Les détails seront donnés oralement ou éventuellement à l’aide d’un support papier le plus détaillé possible. Enfin, tout ce processus est itératif et il est bon, comme pour un document écrit, de vous laisser le temps de repasser sur chaque étape de la conception pour améliorer votre présentation. Plus une présentation est importante, plus il faut la préparer longuement, anticipez donc !
Références [1] Abela (Andrew). – Advanced Presentation by Design: Creating Communication that Drives Action. – Pfeiffer, 2009. http://www.extremepresentation.com/book/. [2] Alley (Michael). – The Craft of Scientific Presentations, Critical Steps to Succeed and Critical Errors to Avoid. – Springer, 2003. [3] Doumont (Jean-Luc). – Trees, maps, and theorems. Effective communication for rational minds. – Principiæ, 2009. http://www.treesmapsandtheorems.com/. [4] Duarte (Nancy). – slide:ology, the art and science of creating great presentations. – O’Reilly, 2008. [5] Gallo (Carmine). – The Presentation Secrets of Steve Jobs: How to Be Insanely Great in Front of Any Audience. – McGraw-Hill, 2009. [6] Kosslyn (Stephen M.). – Clear and to the Point, 8 Psychological Principles for Compelling PowerPoint Presentations. – Oxford University Press, 2007. [7] Medina (John). – Brain Rules: 12 Principles for Surviving and Thriving at Work, Home and School. – Pear Press, 2008. http://brainrules.net/. [8] Reynolds (Garr). – Prezentation Zen: Simple Ideas on Presentation Design and Delivery. – New Riders Publishing, 2008. [9] Reynolds (Garr). – Presentation Zen Design: Simple Design Principles and Techniques to Enhance Your Presentations. – New Riders Publishing, 2009.