Cours de communication avancee pour les scientifiques

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Pierre Boulet

Communication Efficace pour les Scientifiques

Pierre.Boulet@lifl.fr http://www.lifl.fr/~boulet

Structuration des documents Résumé. Quand vient le temps d’écrire un article ou une thèse, une fois l’argumentation construite et les expériences menées, il faut construire le plan du document dans le but de faire passer un message, de mettre en valeur une contribution. Nous proposons ici des méthodes de structuration du document et discutons des éléments primordiaux pour une lecture rapide du document : le titre, le résumé, l’introduction et la conclusion.

B

 de lecteurs ne liront que le titre de votre document, parmi eux, certains liront le résumé ; si celui-ci les intéresse, ils liront ensuite l’introduction et la conclusion ; et seulement quelques-uns liront le corps de votre document, en commençant par les titres de sections. Les éléments de structuration du document ont donc été cités dans la phrase précédente par ordre d’importance décroissante. C’est pourquoi votre message, contribution ou proposition doit apparaître dans chacun d’eux de manière à chaque fois un peu plus détaillée. C’est donc en gardant en tête la façon dont sont lus les documents scientifiques que nous allons successivement étudier l’organisation générale du document, la rédaction du titre et du résumé et finalement celle de l’introduction et de la conclusion.

1. Plan du document Un document facile à lire et à comprendre est basé sur une histoire. Pour raconter une telle histoire, c’est-à-dire un enchaînement logique de concepts, d’idées menant à une conclusion, il convient d’avoir réfléchi d’abord à l’argumentation supportant la proposition du document. En effet, si cette argumentation est correctement construite, il ne reste plus qu’à agencer les raisons, preuves, et autres éléments logiques de celle-ci dans un ordre qui en facilite la compréhension. 1.1. Choix du plan

Dans certaines disciplines, un plan standard est imposé sous la forme Introduction – Matériel et méthodes – Résultats – Discussion – Conclusion. Dans

Conseil : plans à éviter. Voici 4 plans (tirés de [2]) qui ne permettent pas une réflexion originale. Suivre la structure du problème posé. Une structuration qui suit littéralement le texte du sujet de recherche proposé peut laisser penser que vous n’avez pas de contribution originale. Se contenter de résumer vos sources. Il faut au moins une analyse personnelle de ces sources. Structurer selon les sujets de vos données. Il est toujours préférable d’organiser ses données selon des catégories analytiques venant d’une étude personnelle. Décrire chronologiquement ses recherches. Il ne faut pas raconter comment on a trouvé la proposition mais la justifier.

ce cas, vous n’avez guère le choix quant à la structuration de votre document. Et même si ce n’est pas le cas, il s’agit d’une structuration classique qui peut très bien convenir à votre propos comme illustré dans [1–3, 5]. Vous pouvez utiliser la méthode suivante (proposée dans [2]) pour construire le plan du document : 1. rassembler les connaissances, les définitions et les conditions nécessaires pour comprendre la substance de l’argumentation ; 2. trouver le meilleur ordre pour les justifications (raisons et preuves). Voici quelques principes issus de [2,5] qui partent des connaissances de vos lecteurs et les amènent progressivement


dans votre argumentation : – de l’ancien au récent, – du court et simple au long et complexe, – du moins contestable au plus contestable, – selon l’enchaînement logique des justifications (des preuves aux raisons et à la proposition ou l’inverse), – en partant d’un exemple simple avant d’introduire les détails. La seule règle absolue à respecter est de toujours se poser la question « que doivent savoir les lecteurs pour comprendre ce qui vient ensuite ? » Notez que ces principes s’appliquent aussi bien au corps du document qu’à chacune de ses section.

3. Vérifier la cohérence des thèmes. Dans l’introduction du document, identifier les concepts clés et les tracer dans tout le document. Puis faire la même chose pour chaque section. Détecter les concepts clés de l’introduction n’apparaissant pas dans le corps du document ou l’inverse. Construire des titres de section les plus spécifiques possibles. 4. Recommencer. Analyser et vérifier l’argumentation

3. placer les reconnaissances et les réponses, si possible là où les lecteurs pourraient les relever ;

1. Identifier l’argumentation. Y a-t-il corrélation entre la structure du document et celle de l’argumentation ? Les concepts identifiés lors de l’analyse de l’organisation générale formentils une argumentation ou juste une juxtaposition ?

4. placer les principes de raisonnement.

2. Évaluer la qualité de l’argumentation.

Conseil : pour commencer à écrire. Comment démarrer l’écriture d’une section quand on est devant la page blanche ? Il n’y a pas des milliers de structures élémentaires dans les textes. Selon [3], dans des articles scientifiques, on en trouve principalement quatre : des définitions, des comparaisons ou des contrastes, des énumérations et des liens de causes à effets... Il vous suffit donc de choisir la combinaison de ces approches qui convient à votre sujet et de vous mettre à écrire !

(a) Vos preuves sont-elles fiables et clairement connectées à votre proposition ? (b) Votre proposition est-elle suffisamment qualifiée ? (c) Votre rapport ressemble-t-il plus à une dispute entre compétiteurs ou à une discussion entre collègues intelligents ? (d) Quels principes de raisonnement avezvous passé sous silence ?

2. Titre et résumé 1.2. Vérification et révision

Une fois une structure mise en place et un premier brouillon écrit, il est utile de le critiquer et de le réviser en se plaçant dans la peau du lecteur. Une méthode pour faire cela consiste à prendre la démarche systématique du lecteur en partant des éléments généraux et en allant vers le particulier comme suit. Analyser et réviser l’organisation générale

1. Analyser le cadre du document : l’introduction et la conclusion. Rechercher dans chacune une phrase qui précise votre proposition. 2. Identifier les sections principales du corps de l’article, leur introduction et les phrases décrivant leur proposition. Vérifier l’enchaînement des sections.

Le lecteur n’est pas forcément intéressé par la même chose que vous [4]. En général l’auteur s’intéresse principalement au comment alors que les lecteurs sont plutôt intéressés par le quoi et le pourquoi. Il est donc important de placer d’abord ces deux éléments, en particulier dans le résumé, et de placer le comment dans la suite, le corps du document dont nous venons de parler. Il est donc important de placer les informations importantes aussi près du début du document que possible : – décrire le contexte de la contribution ; – expliciter la proposition ; – expliquer son originalité et son importance ; – la justifier. Le titre et le résumé sont donc les éléments les plus importants du document, les premiers à être lus, par conséquent les plus difficiles à écrire et ceux qui doivent être révisés en dernier...


l.ecteurs . uteurs a

.grand public

Un titre doit être informatif et refléter fidèlement le contenu de l’article. Il doit donc être suffisamment précis. Si les lecteurs retrouvent les mots du titre comme des concepts clés de l’article, ils auront l’impression que le document répond bien à leurs attentes. Une autre des fonctions principales des titres est l’indexation. Utilisez donc des mots qui permettent à un moteur de recherche de trouver votre article. Le résumé est soumis aux mêmes contraintes que le titre : il doit être informatif, décrire précisément le contenu de l’article et se prêter à l’indexation. Il doit de plus pouvoir être lu indépendemment de l’article et être le plus court possible (généralement moins de 200 à 250 mots – ce paragraphe fait environ 100 mots). On doit y trouver le contexte de l’étude, le problème, la proposition et les points clés de l’argumentation. Enfin, il doit pouvoir être lu par des non spécialistes. On recommande en général d’y éviter les citations, les mathématiques et les abréviations. Une structure détaillée du résumé, organisée en couches concentriques, est proposée dans [4] : . .Contexte . .pourquoi maintenant ? . .Besoin . .pourquoi vous ? . .Tâche . .pourquoi nous ? . . .Objet . .pourquoi ce document ? . .Résultats . .quoi ? . .Conclusion . .et alors ? . .Perspectives . .quoi ensuite ?

3. Introduction et conclusion Après le titre et le résumé, l’introduction et la conclusion sont les éléments les plus importants de tout document. L’introduction doit motiver les lecteurs à lire le document complet avec un problème qui les intéresse et la conclusion doit leur donner un sens de l’importance de votre contribution à la résolution de ce problème. 3.1. Introduction

Une introduction contient pratiquement toujours les 3 éléments suivants : 1. des informations de contextes qui établissent une base de connaissances stable ; 2. la définition précise du problème comprenant les conditions de ce problème et leurs conséquences ;

3. votre proposition de réponse à ce problème. Vous pouvez en donner le principe ou juste promettre une solution qui sera détaillée dans la conclusion. Optionnellement vous pouvez inclure une brève revue des solutions existantes ou un résumé de votre argumentation. Pour finir dans certaines communautés on s’attend à ce que votre introduction se termine par un plan du reste du document. Il sera alors préférable de rédiger ce plan plutôt que de faire une simple énumération de ses sections. 3.2. Conclusion

La conclusion est l’occasion de regrouper tous les arguments déployés dans le corps du document et d’en déduire une ou plusieurs propositions. C’est aussi l’endroit où on en réaffirme l’importance. Le plan de la conclusion reprend les mêmes éléments que ceux de l’introduction mais dans l’ordre inverse : 1. la proposition, dans sa version la plus complète et détaillée ; 2. un rappel du problème et de son importance, vous pouvez ajouter ici une autre conséquence de votre proposition qui renforce son impact ; 3. un appel à plus de recherches, ce qui rétablit le flot de la discussion avec les lecteurs.

Nous avons donc étudié ici comment structurer un document de recherche en fonction des habitudes de lecture des scientifiques. Les éléments les plus importants sont dans l’ordre le titre, le résumé, l’introduction, la conclusion et les titres de sections. Il faut donc leur apporter une attention proportionnée. Cette étape de structuration s’appuie sur la construction de l’argumentation qui a été étudiée au cours précédent et s’attache à rendre le plus clair possible la proposition et ses justifications, à intéresser le lecteur et à lui faire prendre conscience de l’importance de la contribution. On peut tout à fait reprendre la structure générale d’un document (résumé suivi des détails) pour chaque niveau de structuration du document : chapitres, sections, sous-sections, paragraphes comme proposé dans [4]. On écrit ainsi des documents fractals permettant de multiples niveaux de lecture, et donc de s’adresser dans un même document à plusieurs types de lecteurs.


Références [1] Booth (Vernon). – Communicating in Science, Writing a scientific paper and speaking at scientific meetings (second edition). – Cambridge University Press, 1993. [2] Booth (Wayne C.), Colomb (Gregory G.) et Williams (Joseph M.). – The Craft of Research (third edition). – The University of Chicago Press, 2008. [3] Davis (Martha). – Scientific Papers and Presentations (second edition). – Elsevier Academic Press, 2005. [4] Doumont (Jean-Luc). – Trees, maps, and theorems. Effective communication for rational minds. – Principiæ, 2009. http://www.treesmapsandtheorems.com/. [5] Zobel (Justin). – Writing for Computer Science (second edition). – Springer, 2004.


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