Chapitre 6 : la phase actuelle de la révolution nationale démocratique, le programme général de communistes et les élections 6.1. D’où vient la RDC et où elle se trouve aujourd’hui ? 6.2. La phase actuelle de la révolution nationale démocratique et le programme général des communistes. 6.3. Quelles forces politiques existent aujourd’hui au Congo ? 6.4. Quelques réflexions à l’occasion des élections qui auront lieu en 2011
6.1. D’où vient la RDC et où elle se trouve aujourd’hui ?
1. Entre 1885 et 2006 la RD Congo n’a connu que deux très brèves périodes de souveraineté réelle. C’est sous le gouvernement Lumumba entre le 30 juin et le 14 septembre 1960 et entre le 17 mai 1996 et le 2 août 1998 sous le gouvernement de Mzee Kabila.
2. Depuis les élections en 2006 la RDC a reconquit une grande partie de sa souveraineté politique, mais le pays reste toujours soumis à une certaine tutelle et ingérence économique et politique de la part de la « communauté internationale » qui est dominée par l’impérialisme étasunien et européen, à travers l’action du FMI, de la Banque Mondiale et du MONUSCO.
3. Après 75 années de colonialisme, 36 années de dictature néocoloniale, 5 ans de guerre d’agression, 7 années de tutelle partielle sur le pays et après tant d’années de lutte pour la liberté du peuple congolais, le rapport du PNUD (programme des Nations-Unies pour le développement) note qu’en 2007 le produit national brut (PNB) était de 9 milliards de dollars. Cela fait 0,69 % du PNB de toute l’Afrique. Or la RDC occupe 7,7 % de la surface de l’Afrique et la population congolaise forme 6,9 % de la population africaine.
4. Le budget du gouvernement congolais a évolué comme suit : de 1,8 milliard d’euros en 2008, 2,9 milliards d’euros en 2009 et 5,6 milliards d’euros en 2010. C’est une évolution importante vers le haut, or il faut se rendre compte que cela implique des moyens très très faibles que le gouvernement congolais peut dépenser. Si l’on compare avec la population, cela implique que le gouvernement a en 2010 la possibilité de dépenser 81,6 euros par Congolais pour construire des routes, payer les fonctionnaires, les soldats, financer les secteurs de l’agriculture, l’enseignement, la santé, etc.. Par contre : le gouvernement rwandais dispose de 104 euros par habitant en 2010, le gouvernement français dispose de 4.050 euros par habitant. Les États-Unis ont 8.645 euros par habitant.
5. Mzee L.D. Kabila disait toujours : « nous avons le malheur d’être assis sur des mines et des
richesses » En effet, c’est à cause de son positionnement stratégique et de ses richesses naturelles que les périodes de souveraineté réelle ont été très brèves et rares en RDC et que la souveraineté y est très difficile à sauvegarder.
6. Nous prenons les deux citations suivantes comme preuve. 1°) William Mennen , ancien Sous-Secrétaire d’État américain en 1965 : « La première et peut-être la plus importante donnée de base sur le Congo est que ce pays est le cœur géographique et stratégique de l’Afrique. Ce qui se passe au Congo exerce le plus grand impact sur tous ses voisins et le reste de l’Afrique. Pour ces raisons le contrôle du Congo a été et demeure le point d’appui cherché par beaucoup. Les États-Unis sont intéressés par tout ce qui se passe au Congo. » 2°) Bill Richardson, envoyé spécial du Président Clinton pour l’Afrique centrale, en 1998 : « La République démocratique du Congo est d’une importance stratégique capitale pour les États-Unis en Afrique. La RDC offre d’immenses possibilités au niveau de son développement économique et d’investissements américains : elle concentre sur son territoire 13 % des réserves mondiales hydro-électriques, 28 % des réserves mondiales de cobalt, 18 % des réserves mondiales de diamant industriel, 6 % des réserves mondiales de cuivre, de la terre agricole fertile et, enfin, la moitié de la forêt tropicale en Afrique. »
7. C’est pour dire que les défis de défendre la souveraineté de la RDC, de gagner la paix totale et définitive et de réaliser un développement économique important garantissant une prospérité réelle pour la population, sont des défis énormes et cela demande une lutte de longue haleine qu’il faut mener avec un grand sens de réalité et de compréhension pour les rapports de forces avec nos convoiteurs à chaque étape.
6.2. La phase actuelle de la révolution nationale démocratique et le programme général des communistes.
8. Ensemble avec la chute de l’apartheid, la révolution du 17 mai 1997 est un mijlpaal dans l’histoire du continent africain. Dans un contexte très défavorable pour la révolution au niveau mondiale, a un moment qu’après le renversement du socialisme en Union Soviétique, certains prêchaient la victoire définitive du capitalisme sur le socialisme, l’impérialisme a reçu deux grands coups de massue dans son système néo-coloniale en Afrique. La chute de la dictature mobutiste a annoncé une nouvelle ère, l’ère de la révolution nationale démocratique. Les différents systèmes politiques qui ont existés depuis lors (le gouvernement révolutionnaire du Président Laurent Désire Kabila, le gouvernement nationaliste du 16 janvier 2001 à 2003 du Président Jospeh Kabila, le gouvernement d’union nationale sous tutelle internationale de 2003 à 2006, le gouvernement nationaliste depuis 2006,) sont tous supérieue du point de vue de l’anti-colonialisme et de la démocratie à la dictature mobutiste.
9. La révolution nationale démocratique veut obtenir l’indépendance, la souveraineté et la démocratie populaire que Mzee Kabila défendait. C’est une révolution qui oppose au tribalisme et régionalisme, l’esprit panafricaniste et internationaliste. C’est une révolution qui veut développer les moyens de production en RDC et en finir avec le simple rôle de fournisseur de matières premières au profit des impérialistes. C’est enfin la révolution qui poursuit le but d’une société sans l’exploitation et l’oppression de l’homme par l’homme.
10. Le combat pour la révolution nationale démocratique est un combat de longue durée qui se place dans un contexte historique et mondial. Après la chute du socialisme en Europe de l’Est, les prophètes du néocolonialisme se trouvaient dans l’euphorie de la victoire. Mais c’est justement dans ces années qu’ils doivent essuyer deux graves revers en Afrique. En 1994, en Afrique du Sud, le régime de l’apartheid est aboli et le mouvement de résistance ANC gagne les élections. Et au Congo, le 17 mai 1997, Mobutu est chassé du pouvoir et Laurent Kabila devient président. Ces deux évènements ne signifient pas la victoire définitive dans la lutte pour la vraie indépendance et la démocratie en Afrique. Mais ils constituent des avancées considérables dans cette voie. Deux États néocoloniaux ont été renversés et ont du subir des grandes changements, qui ont rendu possible plus de libertés politiques pour les peuples sans pour autant remplir les attentes en ce qui concerne travail, améliorations des conditions de vie, paix, etc.
11. Dans ces conditions, le défi stratégique à moyen terme, c’est-à-dire pour les années à venir, le programme général des communistes pourrait consister à faire (re)vivre l’esprit de la démocratie populaire, des CPP pour changer les rapports de forces avec l’impérialisme et préparer le terrain pour l’avènement d’un vrai État de démocratie populaire. L’esprit des CPP c’est l’idée que le peuple n’est plus un observateur passif, mais peut devenir l’acteur de son destin. C’est en prenant en main les problèmes auxquels on est confronté quotidiennement que l’on peut mûrir politiquement. C’est en s’organisant que le peuple peut participer au combat pour la paix, le maintien de l’unité du pays, la formation d’une armée qui est du côté du peuple, les cinq chantiers, etc.
12. Le proverbe dit « le mieux est souvent l’ennemi du bien ». C’est-à-dire que l’idéalisme, la poursuite de la pureté et le moralisme mènent bien à des critiques faciles que l’on peut faire dans la marge et dans des petits groupes, mais qui n’apportent rien à la lutte de classes et au changement de la société. Au contraire, ils affaiblissent les forces progressistes et donnent de la munition aux forces conservatrices. Ce que l’opportunisme de gauche à en commun avec l’opportunisme de droite c’est l’impatience de la petite-bourgeoise qui refuse le travail difficile et lent de changer les rapports de forces. Les gauchistes refusent ce travail en niant les rapports de forces et en mettant en avant des mots d’ordre qui isolent les communistes de la grande majorité, qui multiplient les ennemis et qui finissent par faire écraser l’avant-garde par la réaction. Les opportunistes de droite refusent le même travail en capitulant pour les forces de la réaction et en limitant les mots d’ordre au suivisme du programme de l’impérialisme.
6.3. Quelles forces politiques existent aujourd’hui au Congo ?
13. Pour changer les rapports de forces, il faut agir en fonction de la conscience de la grande majorité des Congolais. Comme toutes les révolutions qui ont eu lieu dans le monde, la révolution congolaise se fera aussi en front uni avec des forces qui correspondent à chaque étape à la conscience de la grande majorité de la population congolaise. Quelles forces politiques existent aujourd’hui au Congo ?
14. Il y a d’abord les pêcheurs en eaux troubles. Ces forces jouent sur la division, le manque
de confiance en soi et l’impuissance du peuple congolais. Les pêcheurs en eaux troubles, nostalgiques de la dictature mobutiste, qui sont prêts à tout pour renverser l’ordre existant. Car cet ordre existant les gêne comme il est fondé sur la chute de leur paradis sous Mobutu. Leur seul but c’est de regagner leur paradis perdu et de pouvoir s’asseoir à la table du pouvoir et se remplir les poches. Pendant la campagne électorale en 2005-2006, il y a eu une campagne de haine qui prônait la « congolité » c’est-à-dire l’idéologie chauvine, diviseur du peuple congolais et africain. Pour inculquer cette haine dans la population, la fantaisie pour trouver des thèmes d’intoxication contre Joseph Kabila était inépuisable. Ainsi, il y a eu des témoins qui savaient que Joseph Kabila n’était pas le fils de son père, ni le mari de sa femme ni le père de sa fille. On a vu circuler des photos truquées sur lesquelles on pouvait voir Joseph Kabila comme garde de corps de Kagame, etc.
15. En même temps, ces forces négatives se présentent comme l’avant-garde du marché libre de l’Occident et les pires ennemis d’une nouvelle alliance de la RDC avec la Chine et d’autres pays émergents.
16. Que ces forces négatives emploient parfois une démagogie pseudo nationaliste, voir même gauchiste ne peut pas tromper. Comme les nazis qui s’appelaient aussi « nationauxsocialistes », Mobutu se disait aussi « lumumbiste et nationaliste ». Toutes les forces de gauche devraient prendre leur distance avec le sinistre Honoré Ngbanda qui, comme ses maîtres et anciens professeurs de la CIA et du Mossad l’ont appris, n’hésite pas à se présenter comme un anti-impérialiste qui « dénonce » les intrigues impérialistes en lançant de l’intoxication et des mensonges de bas étage contre Joseph Kabila.
17. Ensuite il y a le large front autour de la personne de Joseph Kabila : L’assassinat de Mzee Kabila a été un coup très dur pour la révolution nationale démocratique. Joseph Kabila qui a pris la relève à la tête de l’État a choisi pour une orientation défensive que l’on peut résumer comme suit : « faire des concessions pour sauver l’essentiel et avancer lentement mais sûrement vers une vraie indépendance et un développement économique réel ».
18. On peut discuter beaucoup sur cette stratégie, mais les faits sont qu’aujourd’hui on est plus avancé qu’en 2001 et que personne n’a fait mieux. La guerre de balkanisation de la RDC a échoué, le pays est réuni, la RDC a accepté une période de tutelle internationale, mais aujourd’hui la RDC a regagné sa souveraineté, limitée c’est vrai par le FMI et les pressions des gouvernements occidentaux. Mais ces limites à la souveraineté n’ont pas pu empêcher l’alliance avec les économies émergentes comme la Chine, ni une politique de défense et la reconstruction d’une armée sans tutelle, comme les États-Unis et l’Union européenne poursuivent. En effet, selon les gouvernements occidentaux la réforme de l’armée a échoué, car le gouvernement congolais n’a jamais accepté de mettre sous tutelle la direction de FARDC et les postes de commandement. En attendant cette mise sous tutelle internationale, les différents gouvernements occidentaux essaient d’infiltrer au maximum les rangs des FARDC à travers des programmes de coopération militaire bilatéraux. Mais il s’agit ici d’une stratégie à défaut de pouvoir imposer la tutelle complète sur les FARDC.
19. Le résultat de cette politique est donc une RDC dans laquelle les forces négatives sont perdantes et les forces constructives s’efforcent à contribuer à l’installation et au renforcement
d’un État de droit et à la réalisation des 5 chantiers.
20. L’expérience des dernières années a démontré comment certains alliés de Joseph Kabila, comme Vital Kamerhe, vivaient dans la conviction que le futur se déroulerait en RDC comme dans la passée, c’est-à-dire comme sous le régime Mobutu. Comme hier, la politique n’est pour eux qu’une lutte personnelle pour le pouvoir et l’État n’est qu’un instrument pour se remplir les poches. Quand ils pensent que leur moment est venu, ils n’hésitent pas à changer d’alliance. La vraie source du pouvoir en RDC se trouve selon eux toujours dans les ambassades et les capitales états-uniennes et européennes. Ils se sentent comme les aristocrates qui auraient des privilèges naturels et qui se trouveraient loin au-dessus du peuple.
21. Comme le peuple, les communistes ont de la patience, ils sont prêts à donner des deuxième ou troisième chances à des personnes qui ont commis des fautes dans le passé. Ils prennent le temps et ils regardent les faits pour juger. Ceux qui contribuent à la marche en avant du peuple congolais seront considérés comme des amis et des camarades loyaux. Mais ceux qui veulent tirer du profit personnel des difficultés de la révolution ou qui veulent la trahir au moment qu’ils jugent opportun sentiront que le peuple se souvient parfaitement qui a fait quoi dans le passé.
6.4. Quelques réflexions à l’occasion des élections qui auront lieu en 2011
22. Les élections de 1960 étaient organisées par l’administration coloniale. Celles de 2006 étaient organisées par la CEI, mais lourdement supervisées par la communauté internationale à travers le CIAT (Comité international d’Accompagnement de la transition) et la MONUC. En plus ces élections étaient pour une très grande partie payées par l’extérieur. Or malgré cette tutelle, le peuple congolais a dans les deux cas choisi massivement pour la voie du nationalisme et de la vraie indépendance.
23. Les élections de 2011 seront des élections dans lesquelles la tutelle extérieure sera plus réduite. Le CIAT n’existe plus, le MONUC est réduit au MONUSCO et le financement extérieur des élections sera diminué à 40 % et les 60 autres % seront financés sur fonds propres.
24. Il ne faut pas se faire des illusions : l’impérialisme et les forces réactionnaires feront tout pour empêcher un saut qualitatif en avant pour le peuple congolais et les forces constructives. Ils vont vouloir anéantir les résultats de la politique du gouvernement formé sous la direction de Joseph Kabila. La révision des contrats miniers, le contrat chinois, l’échec de la politique de chantage du FMI et de la Banque Mondiale…tout cela devrait être remis en question ou bloqué, si cela dépend des forces réactionnaires. Leur objectif stratégique central sera donc la division dans l’alliance autour de Kabila afin d’isoler au maximum toutes les forces dans les différents partis qui l’ont réellement appuyé et qui ont réellement contribué à sa politique. Une défaite de Kabila et de son alliance serait une catastrophe pour la RDC, le peuple congolais et la classe ouvrière congolaise, car il mettra en question l’indépendance relative de la RDC vis-à-vis les grandes multinationales occidentales, l’alliance avec la Chine et la liberté politique pour les forces de gauche et le peuple. Ce serait beaucoup plus difficile pour travailler pour un
changement des rapports de forces avec l’impérialisme en faveur du peuple congolais.
25. Dans ces conditions, les communistes congolais doivent bien savoir quel camp choisir. On a vu dans le passé du mouvement communiste international dans certains cas que de bons camarades ont choisi le camp de la réaction à des moments décisifs sans s’en rendre compte de la gravité de leur décision.
26. La campagne électorale est pour tous les partis communistes toujours et avant tout l’occasion de s’entraîner et de se profiler comme des « soldats du peuple », c’est-à-dire des militants politiques qui n’ont d’autres intérêts que de servir le peuple. L’élection d’un certain nombre de députés est certes un critère pour mesurer le succès d’une campagne électorale. Mais le nombre de cadres qui se sont formés dans la lutte électorale et qui se sont implanté à travers tout le pays dans toutes les provinces, le nombre de membres recrutés pour le parti est pour les communistes, le critère le plus important.
27. Enfin le peuple critique fortement les députés qui ne sont venus en 2005-2006 que pour acheter les votes et qui, depuis lors, sont restés à Kinshasa pour se la couler douce. Les communistes devront faire comprendre qu’eux sont différents. Cela sera possible quand le peuple peut comprendre à travers cette campagne que le but des communistes c’est de faire revivre l’esprit des CPP, de ranimer l’esprit de démocratie pour et par le peuple, qui permet au peuple de s’organiser à fin de prendre en main les problèmes auxquels ils sont confrontés.