Sète, les années vin (1666-1996)

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Club Sète Doyen

Il était une fois...

Sète, les années vin

Presque toutes les pages de l’histoire viticole du Midi ont été écrites sur les quais de Cette puis de Sète. Les trois premiers quarts du XXe siècle ont vu maisons de négoce en vins et vermouths et tonneliers être les moteurs de la prospérité du port avant de disparaître — irrémédiablement pour ceux-ci, quasiment pour ceux-là – tandis qu’alentour de sublimes nectars coulent enfin de vendanges qui ne sont plus amères. Pourquoi, comment ? Ce sont ces heures à la fois glorieuses et douloureuses que le Rotary Club Sète Doyen revisite dans la livraison 2015 de sa brochure qui est à consommer sans modération.



au sommaire 1666-2000

le mot du président

p.5

Les années vin, présentation Marcel Préau

Un siècle de prospérité

p.7

Du cuir au vin 1666-1872

p.8

• L’oïdium • Le phylloxéra • L’alambic Adam

1872-1918

PHOTO THIERRY BOULLEY/DR

Comment un port exportateur devient importateur de vin

p.14

Comment Cette devient capitale mondiale de la tonnellerie • La CCI • Les rois de la baricaille • Cette, gagnante de la guerre du rail • La fabrication des tonneaux

1918-1970

p.22

Comment les ventes de vin et spiritueux prospèrent à Sète • Edouard Barthe • Raphaël Rouane • Noilly Prat • Le sauvetage des chais Dubonnet

1970-1996

p.30

Comment la crise viticole précipite le déclin du négoce sétois • La presse satirique • Le Clerville • Un siècle de colère vigneronne • Emmanuel Maffre-Baugé • André Clauzel

Edouard Préau

p.42

Le dernier négociant indépendant Bibliographie Remerciements Le Rotary

Sète a été la capitale mondiale du négoce des vins et spiritueux. Dire cela aujourd’hui c’est un peu comme évoquer la munificence des pharaons d’Egypte, la puissance des rois Perses ou la splendeur la Grèce antique… A la différence que l’histoire de Sète ne renvoie pas à une lointaine Antiquité mais simplement à nos aïeuls dont certains ont fait partie des éminents fondateurs du Rotary club local il y a à peine plus de 80 ans. Voilà pourquoi après avoir consacré sa brochure annuelle aux anciennes embarcations de la mer et de l’étang puis aux secrets du mont Saint-Clair, notre club s’est penché cette année sur l’histoire du port de Sète dont le vin et la tonnellerie assurèrent le dynamisme de l’économie locale pendant plus d’un siècle en publiant notamment le texte d’une conférence donnée en 1997 par un ancien important négociant de la place, Marcel Préau. Grâce à son fils, Edouard, qui nous a donné l’autorisation de la publier, ainsi qu’aux annonceurs qui ont soutenu cette publication – nous les en remercions tous chaleureusement– les Sètois, jeunes et moins jeunes, pourront découvrir ou redécouvrir pourquoi et comment les quais ont débordé d’activité avant de devenir des parkings. Editer ces pages d’une histoire riche est aussi pour le Rotary club de Sète un moyen supplémentaire de recueillir des fonds pour mener à bien les actions qu’il a engagées localement en faveur d’œuvres sociales. C’est notre moyen de faire rayonner le Rotary en appliquant sa devise, servir d’abord.

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GILLES AUDRAN PRÉSIDENT RC SÈTE 2014-2015

Rotary Club Sète 2015 : Il était une fois… Les années vin Edition Alain Giraudo • Conception et réalisation Marie-Christine Giraudo Photo de couverture Gilles de Beauchêne - Noilly Prat • Impression Flam Editieur Imprimeur Sète

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1666-1996

Sète, les années vin

ARCHIVES RETHORE-CHAVIN

I

l n’y a pas si longtemps, quand un automobiliste distrait oubliait de bien serrer le frein à main en garant son véhicule sur un quai de Sète, le malheureux avait de fortes chances de retrouver sa voiture dans le canal. Ce genre de mésaventures ne serait sans doute pas arrivé maintes fois si la ville n’avait pas été un des plus grands ports pinardiers durant l’essentiel du XXe siècle. Les quais en effet avaient été édifiés avec une légère déclivité qui permettait de mieux rouler les lourds demi-muids des chais vers les embarcations qui apportaient ou emportaient les vins de tous les rivages de la Méditerranée. Or il y avait des chais le long de tous les quais. Donc tous les quais ”plongeaient” dans les canaux avant que ce “détail” ne soit rectifié au début de notre siècle. Dire que le négoce du vin et des spiritueux, aujourd’hui anecdotique dans l’activité économique locale, a laissé une trace durable aussi bien dans l’urbanisme que dans l’imaginaire de la cité est un truisme. Il faudra encore de nombreuses années pour que les pelleteuses et le béton fassent disparaître les nombreux et beaux bâtiments qui témoignent de cet âge d’or dont la mémoire ne s’efface pas.

L’histoire viticole du Midi dont l’Ile Singulière fut l’épicentre, le Rotary Club Sète la revisite en publiant le texte de la conférence “Le port de Sète, le vin, la tonnellerie” donnée par Marcel Préau le 9 décembre 1997 à l’invitation de Jean-Denis Bergasse (1946-2011), président de la Société archéologique scientifique et littéraire de Béziers qui avait présenté ainsi l’orateur : « Témoin et acteur de l’évolution du port et du négoce des vins et spiritueux et dont l’action lui valut notamment l’honneur de présider la commission des finances de la Chambre de commerce et d’industrie, [Marcel Préau] jugea librement et sans passion les soubresauts de l’histoire viticole (…). » Pour la commodité de lecture, ce long texte a été découpé en quatre chapitres chronologiques (1666-1872 ; 1872-1918 ; 1918-1970 ; 1970-1996) dans lesquels ont été insérés des sujets particuliers comme les maladies de la vigne, la distillation, la tonnellerie, les vermouthiers, les “pinardiers” et les crises viticoles. Un entretien avec Edouard Préau, qui a succédé à son père à la tête de ce qui est désormais la dernière maison de négoce indépendante de Sète, clôt cette remontée dans le temps en ouvrant des perspectives d’avenir.

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Marcel Préau (1909-2001)

ARCHIVES PREAU

Du cuir au vin

A

Marcel Préau lors d’un dîner au “Black Pirate” en 1977 avec l’ensemble des représentants du négoce et de la distribution de vin de la région.

vant de donner sa conférence sur “Le port de Sète, le vin et la tonnellerie” Marcel Préau (1909-2001) s’était présenté ainsi : « Je suis né à Fontainebleau en 1909, mon père était Maître Bottier, il avait fait son Tour de France et se plaisait à me rappeler lorsqu’il sut que je m’étais établi à Sète qu’il avait fait le trajet de Marseille à Cette en beau pour la somme de 1,75 francs, mais c’était dans les années l888/1890. La chaussure n’a donc rien à voir avec les vins ou la tonnellerie. A 18 ans, pour échapper aux études de pharmacie que mes parents avaient songé me faire suivre, je réussis à les convaincre que l’étude des langues vivantes était plus utile, ou davantage dans mes aptitudes. Je partis donc en janvier 1927 en Angleterre. Après huit mois d’études à Hastings,

jolie ville balnéaire du Sussex, dominée par les ruines du château, je suis allé à Londres, embauché par un broker, qui, dans la filière de mon père, s’occupait de cuirs et peaux, principalement importés des Indes car il était accrédité comme acheteur aux ventes publiques de Londres.

Une carrière dans le négoce du vin qui débuta en 1947 avec Jules Herber et qu’il exerça avec passion J’ai ainsi connu la fameuse City à l’époque où l’Angleterre, par son Empire et sa flotte, régnait sur le monde entier. Cette expérience des affaires internationales m’a profondément marqué. Après avoir fait mon service militaire au Maroc, je suis retourné à Londres

comme agent commercial et acheteur pour une importante tannerie de la région parisienne. Mobilisé en 1939 et à l’époque parfaitement bilingue, je fus incorporé dans les transmissions de la mission française de liaison auprès du BEF (Corps expéditionnaire britannique) comme agent de liaison. Après la débâcle de mai 1940, rembarqué à Dunkerque, je me suis retrouvé quatre semaines plus tard en voie de démobilisation à Frontignan. J’ignorais tout de Sète que j’écrivais toujours Cette, et après des péripéties diverses, je m’y suis installé et marié en 1947. Je m’étais fait au fil des années de nombreux amis sétois, et l’un d’entre eux me proposa de m’associer à son père Jules Herber dont la maison de vins avait été fondée à Cette en 1863 par son grand-père Adolphe Herber. J’ai refait ainsi carrière dans les vins, et alors que j’ignorais quelques années plus tôt la différence entre un acquit de régie et un congé, je fus élu vers 1972 par mes confrères pour succéder à mon ami Fernand Clauzel à la tête du syndicat des importateurs et exportateurs de Sète et plus tard à la Fédération méridionale des vins et spiritueux. J’avais été précédemment élu à la Chambre de commerce dont je suis membre honoraire. J’ai reçu les regrets de ne pouvoir m’assister ce jour, en cas de défaillance de ma part, de mon successeur et ami JeanPierre Bonfils, retenu à Paris, par des obligations syndicales importantes. Je suis donc fier de vous parler de la profession que j’ai exercée avec passion de 1945 à 19851. » MARCEL PRÉAU 1 NDLR : A cette date, son fils Edouard, qui nous a aimablement fourni le texte de la conférence de son père, a pris les rênes de l’entreprise et les tient toujours à ce jour (lire page 42).

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1666-1872

L

La crise du phylloxéra en tarissant la production viticole méridionnale a inversé les flux commerciaux du port de Sète fondé pour exporter.

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e commerce des vins à Cette remonte bien avant la création de son port. Les vins et alcools du Languedoc-Roussillon étaient déjà connus dans la Rome Narbonnaise et ensuite appréciés dans les pays de l’Europe du Nord et du Sud. C’est pour en faciliter l’exportation que le port fut construit sous Louis XIV par Colbert en 1666. Bien avant 1666 des travaux avaient été entrepris pour répondre aux préoccupations du commerce, il s’agissait du percement d’un canal reliant l’étang de Thau à la mer (désormais cher aux pécheurs de dorades en septembre-octobre). Ces travaux furent terminés en 1668 donc avant l’achèvement de la partie droite

du môle Saint-Louis qui dura 5 ans et s’étalait sur une longue de 330 toises soit 643 mètres environ. Ce canal fut livré à la navigation en 1681 alors que le môle de Frontignan avait été complété en 1673, mais il fut détruit par des tempêtes et pour lutter contre l’ensablement Paul Riquet le compléta par des jetées dont les travaux durèrent jusqu’en 1694, voire 1709. Il faut garder en mémoire les numéros de ces anciennes jetées — 1-2 aujourd’hui quai Aspirant-Herber ; 2-3 pointe Richelieu ; 3-4 docks des Ponts-et-Chaussées — pour expliquer la jetée 4-5 dont l’appellation subsiste toujours de nos jours. Tout au long de ces années il fallut lutter contre l’ensablement du port et attendre 1746 pour maintenir sa pro-

ARCHIVES DR

Comment un port exportateur devient importateur de vin

fondeur de 16 pieds soit 5,30 m. Sous la Révolution aucun travaux de curage n’étant exécutés on descendit à 0,50/0,60 m et il fallut attendre 1809 pour retrouver un tirant d’eau de 6,50 m. Alors que Riquet n’avait pu réussir à exécuter le môle isolé, aujourd’hui dénommé “le Brise Lames”, ces travaux commencèrent en 1808 pour s’achever en 1851. Cette ne recevait alors que des vins finis, que les employés des maisons de commerce de Montpellier et Béziers étaient chargés de transiter, d’où l’apparition de tonneliers chargés d’entretenir les fûtailles avant leur réexpédition sur la France et l’étranger. L’histoire du commerce des vins de Montpellier, nous apprend que ce


Dans les années 1750 on a constaté une augmentation importante des expéditions des vins et eaux de vie au départ de Cette (plus de 18 000 muids de vins et 12 000 barriques (d’après le règlement de 1729 le muid contenait 684 litres). On entendait alors dans les rues ou sur les quais le martèlement des cognées sur les cercles des fûts neufs en chêne ou châtaignier que fabriquaient les tonneliers avec leurs outils d’antan. Après le Traité de Paris en 1763 qui mettait fin à la Guerre de Sept Ans, qui nous avait opposé à nos principaux clients, l’Angleterre et la Prusse, les expéditions avaient été stoppées en raison de l’insécurité des mers. “Rule Britannia, rule over the seas” étaient déjà chanté en Angleterre. Les expéditions reprirent avec diverses vicissitudes jusqu’à la Révolution. L’année record fut 1769 avec 57 974 muids soit 398 000 hectolitres exportés. La Révolution donna un coup d’arrêt total et le commerce resta e très affecté par ces terribles événements que les guerres de l’Empire prolongèrent malheureusement trop longtemps. L’Angleterre bloquait les côtes languedociennes ; le port s’étant ensablé par faute d’entretien était dans un état pitoyable. Les rares expéditions ne se faisant plus que par voie d’eau sur Bordeaux et par voie terrestre sur Paris — ce qui coûtait très cher — en un mot le commerce de Cette fut ruiné. Le trafic du port fut à nouveau touché par la quarantaine décrétée par le port de Marseille, perturbant nos entrées et sorties, il s’agissait de lutter contre la peste pour les navires venant d’Orient. Par exemple, il y avait encore en l’an V (1797), 54 maisons faisant commerce, on n’en trouve plus que 13

La guerre de Sept Ans, la peste, le blocus anglais eurent raison du commerce de Cette à la fin du XVIII siècle

“Sulfatage de la vigne” peinture de Raoul Guiraud (1888-1976). Photo DR

commerce était fait aussi par des Génois qui, avant Cette, avaient positivement le monopole du transport des vins et eaux de vie sur l’Italie et l’Espagne grâce à leur flotte puissante. Des Génois allaient même acheter directement des vins à Marseillan et Mèze, mais nous n’avons retrouvé aucune statistique nous donnant l’importance de ce trafic, hormis quelques détails consignés dans le registre des déchargements et reversements des Douanes. Par exemple en avril 1700 on a consigné l’arrivée dans le port de Cette de 72 muids1 de vin rouge provenant de Mèze pour être réexportés sur Gênes, ou d’autres chargements en provenance de Marseillan rechargés à destinations de Gênes, Livourne ou Barcelone. Le commerce des vins est donc alors entre les mains d’étrangers à Cette et au milieu du XVIIIe siècle il est surtout entre les mains de Montpelliérains – les Bresson, Laurens, Laporte, Coste, Rey, Ricard, Marmies, Desmarets... Ces patronymes nous sont encore familiers et je ne doute pas qu’il n’y ait dans cette salle des descendants de ces familles montpelliéraines ou frontignanaises qui faisaient commerce avec Paris, la province, l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne, la Scandinavie et autres pays. Les vins étaient acheminés en muids ou en barriques de 200/200 litres fûts perdus. Par voie d’eau, le Rhône pour l’Est, le canal du Midi pour Toulouse et Bordeaux. Par mer sur le Havre, nommé à l’époque Havre de Grâce, remontant ensuite la Seine pour Paris, également par mer sur Toulon, Nantes, Dunkerque et Anvers. Savez-vous que ce port importait à l’époque 40 000 barriques de vins français?

L’oïdium L’oïdium est un champignon malencontreusement importé d’Amérique via l’Angleterre. Il ravagea les vignes du midi de la France à partir de 1850. Esprit très rationnel, Henri Marès (1820-1901), un ingénieur de l’Ecole centrale des arts et manufactures de Paris né à Chalonsur-Saône essaya dans sa propriété de Launac, toutes sortes de procédés de lutte dont le soufre. Il avait été prouvé antérieurement en laboratoire que celui-ci était un fongicide eff icace. Marès détermina le moyen d’utiliser le produit en plein champ, calcula les doses à pulvériser, la périodicité des apports et les conditions climatiques les meilleures pour les traitements. En 1856, il publia dans un bulletin de la Société Centrale d’Agriculture de l’Hérault (SCAH) un mémoire de 83 pages résumant tous ses travaux. Le texte était clair, précis et d’une qualité scientif ique qui éblouit encore un siècle et demi après. Dès lors les viticulteurs déf ilent à Launac pour voir les résultats obtenus, et apprendre comment traiter. Marès devient l’un des hommes les plus célèbres du Midi. Il reçut l’un des deux grands prix de l’Agriculture à l’Exposition Universelle, l’autre étant attribué à Pasteur. Lors de la crise du phylloxéra il ne veut pas croire à la responsabilité d’un insecte. Mais, incontournable, il est cependant choisi comme rapporteur de la commission départementale du phylloxéra (Hérault). À ce poste, il se distingue par d’intéressantes synthèses et, comme beaucoup de savants de l’époque, il publie sur la question.

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en l’an VII (1799), et leur chiffre d’affaires est très réduit. Il faudra attendre l’an IX (1801) pour que le port de Cette soit de nouveau creusé et rendu à la navigation. On cite l’exemple d’un navire de 100 tonneaux qui dut attendre longtemps que les eaux soient pleines pour prendre la mer alors qu’autrefois des navires de 700 tonneaux entraient et sortaient librement par la passe. Parallèlement au renouveau du port on doit mentionner une découverte importante par le sieur Jean-Edouard Adam (lire par ailleurs), ce qui stimula la plantation des vignes dans le Languedoc-Roussillon, assurant les propriétaires de l’écoulement facile de leur récolte: il s’agissait du perfectionnement des alambics qui nécessitaient autrefois 6 distillations successives pour obtenir un alcool marchand, alors qu’une seule opération était suffisante désormais pour arriver à ce résultat. La production des vins du Languedoc alla en augmentant malheureusement leur écoulement était rendu difficile

par le blocus implacable des Anglais. Dès la paix signée en 1815 la reprise du commerce se fit jour et on retrouva dans le port les bateaux au long cours d’antan. Pour vous donner un exemple on enregistre en 1814 les mouvements de 24 navires, en 1821, ils sont 282, sans compter les caboteurs, la progression de ceux-ci est moindre car ils avaient été moins touchés par le blocus.

L’Algérie, principal importateur du port de Cette, devient quelques années plus tard le plus gros exportateur Le développement continuel du commerce incita la construction du nouveau bassin et du canal maritime. Cette devint alors le cinquième port de France, ce qui éveilla plus tard quelques jalousies du côté de Montpellier et qui se manifestèrent lors du tracé de la ligne du chemin de fer

Le phylloxéra

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Apparu en 1867 dans le Vaucluse et dans le Bordelais , le phylloxéra, un puceron jaunâtre qui attaque les racines des ceps de vigne, s’est propagé tel une épidémie de peste dans tout le vignoble français qui perdit en une quinzaine d’année les deux tiers de sa production. Le Midi, grand producteur, fut au premier rang des victimes. Dans une communication faite le 14 juin 1993 devant l’Académie des sciences et des lettres de Montpellier, Jean-Paul Legros1, chercheur à l’Institut national de la recherche agricole (INRA), relève : « Les avant-gardes de l’armée des Phylloxéras prospectent l’Hérault dès 1869. On les repère au domaine de Coulondre dans la commune de St-Gély-du-Fesc. Jusqu’en 1875 les dégâts sont peu importants. Cette année là, la récolte de l’Hérault est superbe, elle atteint 13 millions d’hectolitres alors qu’elle n’a jamais dépassé 10 millions d’hectolitres dans les 20 années

de Bordeaux à Marseille. Pourquoi donc toucher Cette avant Montpellier disaient les Montpelliérains ? Puis un coup de frein important dû à l’oïdium (lire page précedente) intervenant vers 1853. On vit décroître la production dans l’Hérault de façon spectaculaire, de plus de 4 000 000 hl à 1 600 000 hl en 1854. Il fallut recourir à l’importation des vins d’Espagne qui eux passèrent pour l’ensemble de la France de 3 000 hectos à plus de 620 000 hectos en 1857, facilité en cela par l’abaissement considérable des droits de douane qui avaient été ramenés de 35 francs par hl en 1816 à 30 centimes. Cette mesure reflétait bien les idées libérales ou libres échangistes de Napoléon III. La crise provoquée par oïdium passée, grâce à la découverte du soufrage préventif ou curatif, les importations tombèrent en 1862 à 120 000 hectolitres dont 5 000 seulement pour le port de Cette, il est vrai qu’entre temps on avait enregistré une récolte record en 1858 de 53

précédentes. Mais en 1876, l’effondrement est brutal. On tombe à 6,5 millions d’hectolitres. Cela représente une chute de 50 % en une seule année. En 1885 le désastre est complet et la récolte départementale est limitée à deux millions d’hectolitres soit un sixième de la normale. De nombreuses familles sont dans la misère totale. » Est-ce pour cette raison que l’identification du mal et la réalisation de son traitement ont été réalisés par des Héraultais ? Toujours est-il qu’après avoir été signalée en 1867 par un vétérinaire d’Arles, M. Delorme, qui s’inquiétait de voir dépérir les vignes de son domaine, c’est la Société centrale d’Agriculture de l’Hérault, alors présidée par Henri Marès, le chimiste qui a découvert le traitement de l’oïdium (lire par ailleurs), qui va constituer en 1868 une commission d’enquête. Cette commission est composée de trois personnes : Gaston Bazille, avocat de formation qui a abandonné le barreau pour faire prospérer son domaine de Saint-Sauveur à Lattes grâce à un grand talent d’agronome, il sera sénateur du département en 1879 ; Jules-Emile Planchon, docteur en sciences, en médecine et en pharmacie, il est un universitaire réputé ; Félix Sahut, horticulteur, il sera membre de 72 sociétés savantes. Sur les racines des ceps malades qu’ils examinent, les trois hommes voient grâce à une loupe un insecte, un puceron de couleur jaunâtre, fixé au bois et suçant la sève : « On regarde plus attentivement, ce n’est


PHOTO DR

millions pour la France entière contre 35 millions en 1857. L’apogée du commerce d’exportation se situe dans les années 1860-68, notre principal débouché d’alors étaient tenez-vous bien, l’Algérie. Il fallait en effet approvisionner les troupes lancées à la conquête de ce pays et les soldats d’alors ne se contentaient pas comme ceux d’aujourd’hui d’un quart de lait, cher à feu Mendès-France, ou d’eaux minérales! Ils buvaient sec du pinard de chez nous aurait dit Maffre-Baugé2. En 1868, Cette exporta 368 000 hectolitres sur l’Algérie. On avait observé dès 1870 une diminution de ces exportations. C’était dû en partie à l’apparition sur le marché des vins récoltés en Algérie, qui firent plus tard la richesse des négociants sétois et aussi de la viticulture méridionale jusqu’à l’indépendance de ce pays en 1962. Mais ce déclin fut accentué par l’arrivée du phylloxéra en 1873 (lire ci-dessous). L’apparition de ce fléau qui ruina la viticulteur française tant au point de

Le phylloxéra ruina la viticulture française. C’est grâce au greffon de cep américain qui n’était pas touché par ce fléau que la vigne put être sauvée. vue qualité que quantité fit ressentir ses néfastes effets à partir de 1876. Pour vous donner une ampleur du désastre, les récoltes françaises qui étaient de 70 millions d’hl en 1869, tombèrent à 28 millions en 1885. Il fallut recourir aux importations et à

plus un, ce n’est plus dix, mais des centaines, des milliers de pucerons que l’on aperçoit à divers états de développement. Ils sont partout, sur les racines profondes comme sur les racines superficielles ... » écrivent-ils dans leur compte rendu de mission. Ce document qui est largement diffusé par les organes agricoles et scientifiques de l’époque contient en outre un avertissement prémonitoire : « Quelque peu agréable que soit le rôle de prophète de malheur, il est de notre devoir de faire connaître la pénible impression que nous rapportons de Provence, et de sonner le Tocsin d’alarme… Le mal est déjà immense, il a un caractère contagieux auquel on ne peut se méprendre, et si le fléau ne disparaît pas comme il est venu, si un remède prompt et énergique n’est pas trouvé, avant dix ans la Provence n’aura plus une seule vigne... Le Languedoc est bien près du foyer du mal, il est même envahi sur quelques points; il ne suffit donc pas de nous apitoyer sur le sort de nos voisins. Il faut veiller à notre propre conservation. Le Midi tout entier serait bien vite ruiné par cette terrible peste ». Hélas les trois hommes ont du mal à se faire entendre. Il leur faudra argumenter pendant plus d’une année et la publication des observations d’un entomologiste d’Oxford, John Obadiah Westwood, pour que le puceron auquel Planchon a donné le nom de “phylloxeras vastatrix”, soit bien reconnu comme la cause du désastre qui frappe la viticulture.

partir de cette période le port de Cette qui avait été créé pour exporter, devint le premier port d’importation de vins et cela de façon irréversible jusqu’à nos jours. M.P.

1 Environ 700 litres. 2 Leader viticole dans les années 60-70 avant de devenir député européen communiste (lire par ailleurs).

Restait à trouver les réponses à deux questions : d’où venait-il ? Comment le traiter ? En fait la réponse à la seconde interrogation découlait de la réponse à la première. En dépit d’une infernale controverse entre Planchon et Sahut (c’est une autre histoire), il ne fallut pas longtemps pour découvrir que les premières vignes atteintes par le phylloxéra étaient plantées à proximité de cépages importés d’Amérique qui eux ne périclitaient pas. Bref pour sauver la vigne française il allait falloir la greffer sur des pieds américains aux racines insensibles à l’insecte. En 1883 un quart du vignoble de l’Hérault était greffé, en 1888, toutes les vignes le sont. Pour Jean-Paul Legros, la “victoire” du phylloxéra n’en est pas moins complète et définitive : « L’insecte est à jamais installé dans nos terres de France. Il ne peut en être extirpé. Aujourd’hui, le viticulteur imprudent qui tenterait de planter une vigne sans la greffer verrait bientôt les ceps détruits par une armée de pucerons surgis de nulle part. » A.G. Jean-Paul Legros est ingénieur agronome et docteur ès sciences. Il a fait presque toute sa carrière à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Montpellier. Professeur invité à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne en 1991, il y a enseigné durant une douzaine d’années. Il a été président de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier en 2008. Il est actuellement Président de l’Association Française pour l’Etude du Sol et membre du comité scientifique du Parc National de la Vanoise. Il a écrit, seul ou en binôme, sept ouvrages qui traitent de la Science du sol ou bien de l’histoire de l’Agronomie.

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L’alambic de Jean-Edouard Adam (1801) En mars 1801, le chimiste Jean-Edouard Adam les chimistes Wolfe et Glauber, est constitué de trois récipients (1768-1807) présente à la faculté de médecine de sphériques. Il permet d’obtenir une eau-de-vie à 70° et jusqu’à 90°. Cet enrichissement progressif de la concentration Montpellier un nouvel alambic. La démonstration a lieu devant le préfet de l’Hérault et une commission formée de alcoolique est dû à un procédé appelé rectif ication qu’Adam professeurs de l’université et de l’école centrale. Elle réussit améliore. Progrès notoire : la distillation se fait en une seule si bien que l’inventeur est accusé d’avoir triché ; il devra opération. Le procédé permet aussi d’aff iner la qualité de recommencer l’expérience. Deux mois plus tard, Adam l’eau de vie dès la première distillation. Non seulement on y obtient un brevet pour son invention qui permet de « retirer gagne en temps, mais on économise de la main-d’œuvre et, du vin, en une seule chauffe, la totalité de son alcool ». surtout, on améliore la qualité des produits. La distillation n’est pas un procédé nouveau. Dès l’Antiquité, La découverte d’Adam en entraîne d’autres, mais le chimiste des alambics ont été mis au point pour fournir des eaux de vie voit cette concurrence d’un très mauvais œil. Jaloux de son et des huiles essentielles. La forme des premiers appareils, invention, il entame une série de procès pour contrefaçon : probablement construits en Egypte, n’était d’ailleurs contre un habitant de Celleneuve, contre un habitant de pas si éloignée de ceux que l’on Gallargues… et contre d’autres. connaît aujourd’hui. L’invention d’Adam intervient Il faudra pourtant des siècles en tout cas à une époque où la d’expérimentation avant demande de vin et d’eau de vie de parvenir à la distillation explose dans toute l’Europe. On correcte de l’alcool. densif ie les plantations. Au siècle des Lumières, l’heure Les initiatives se multiplient, est à la promotion des sciences en d’autant que Napoléon a rétabli tout genre. L’Hérault est déjà le privilège des bouilleurs grand producteur de vins et de cru, supprimé sous la d’eaux de vie. Le vin de Révolution. D’autres L’alambic Adam, composé de trois récipients, permet d’obtenir chaudière, très acide et peu améliorations voient le jour, une eau de vie de qualité en une seule opération. alcoolique, représente au début l’alambic se simplif ie et se rend du XIXe une bonne partie de la production régionale. Opposé accessible aux petits brûleurs. De nouveaux brevets sont au vin dit de bouche, il est destiné à la production d’eau de déposés, le jet continu est généralisé et, en 1818, un alambic vie. Le terrible “trois-six”, alcool de vin à 95-96° fabriqué perfectionné se répand dans toutes les campagnes. dans tout le Languedoc, est alors exporté en Europe et en Dans l’Hérault, en 1824, quelque 274 distilleries artisanales Amérique du Sud. Toutefois, à la veille de la Révolution, brûlent un million deux cent mille hectolitres de vin, source nombreux sont ceux qui cherchent, ici, à améliorer l’alambic. de richesse pour la région. Édouard Adam, lui, est mort Le professeur de chimie montpelliérain Jean-Antoine depuis 1807 dans le dénuement le plus total. Ses procès l’ont 1 Chaptal , avait déjà conçu en 1780 un alambic, mais mis sur la paille. Montpellier a donné son nom à une place, il fallait rectif ier quatre à cinq fois pour obtenir le fameux au début de la rue de la Saunerie, où sa statue de bronze a trois-six. La diff iculté est résolue par Jean-Edouard Adam. trôné jusqu’à la seconde guerre mondiale (elle fut alors Né à Rouen en 1768, il s’est installé en 1790 à Nîmes comme démantelée pour récupérer le bronze). marchand de mousselines. Onze ans plus tard, il obtient un A.G. brevet pour son premier alambic continu. 1 Ce chimiste formé à Montpellier (1756-1832) a donné son nom à un procédé qui permet L’appareil, inspiré de celui qu’ont précédemment mis au point d’augmenter la teneur en alcool des vins par sucrage, la chaptalisation.

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1872-1918

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Plus de deux mille personnes composant des corporations très structurées ont travaillé chez les tonneliers sétois.

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evenons maintenant à la fin du XIXe siècle. Les importations de vins portugais, grecs, espagnols, algériens ont augmenté de façon considérable. Elles avaient été rendues nécessaires par la crise phylloxérique, mais les viticulteurs du LanguedocRoussillon pour en venir à bout aménagèrent des digues et submergèrent les plaines de l’Aude, de l’Hérault et de l’Orb pour tuer le phylloxéra, et replanter sur plans américains, Alicante, Cinsault, Carignan, Aramon et autres cépages très productifs, alors qu’autrefois la vigne était plantée sur les coteaux. Ce fut le début de l’Eldorado du vin que nous connaissons grâce aux tra-

vaux de Jean-Denis Bergasse sur les principaux châteaux construits en cette fin du XIXe siècle dans l’Aude et le Biterrois.

Avec l’extension de la tonnellerie, le bois des fûts à l’origine français arrive désormais du monde entier Qui aurait pu prédire que 70 à 80 ans plus tard on subventionnerait ces mêmes propriétaires pour arracher leurs vignes ? Je vous en dirai deux mots plus tard. On en était encore au dicton « un hectare arraché à la friche est signe de richesse, mais un hectare

PHOTO GILLES DE BEAUCHENE - NOILLY PRAT/DR

Comment Cette devient capitale mondiale de la tonnellerie

de terre cultivée mis en jachère est un appauvrissement ». Grâce au traité de commerce de 1860 et au développement du chemin de fer, Cette attire des négociants venus de l’Europe entière. Puis-je vous rappeler quelques noms qui nous sont toujours familiers: Benker, Bulher, Franke, Herrero, Hubidos, Koester, Hirsch, Herschfeld, Herber, Krüger, Schenk, Qachter, Winberg... En 1844 on avait recensé 95 maisons, on en recense alors 173 en 1864 faisant le commerce des vins et spiritueux, vins de liqueur, vermouths. On n’en compte toujours 123 en 1901 sans compter bien sûr les maisons de Mèze, Marseillan, plus spécialisées en vins blancs destinés au


vermouth, rancios ou autre picardan. Cette reste le port d’importation par excellence, il fut port espagnol, port franc pour la Suisse, puis spécialement pour les vins du Maghreb et du bassin méditerranéen. On vit alors se créer des chais de stockage, des ateliers de tonnellerie qui firent la fortune des importateurs de bois merrains1 (on se rappelle volontiers les maisons Isemberg, Gaffinel, Baille, Dussol et Petit) et des loueurs de fûtailles (Rouane, Cartairade, Sallèles, Nouguier) jusqu’à l’arrivée des bateaux-citernes qui ne se développèrent qu’après la Seconde Guerre mondiale, mais dont le premier était apparu non sans bruit dans le port de Sète en 1935-36: c’était le “Bacchus”. La tonnellerie existait déjà à Sète puisque les premiers négociants fabriquaient eux-mêmes leurs fûts alimentés à l’origine par les chênes et les châtaigniers des hauts plateaux de l’Hérault, de l’Ardèche, des Cévennes et du Massif Central. L’extension de la tonnellerie va de pair avec la reprise du négoce, dans les années 1815-1825 on compte 33

établissements dans la ville. Combien en reste-t-il de nos jours? Le port recevait, dès la fin du XVIIIe siècle, des merrains d’Italie, d’Espagne, de Hongrie, de Russie et même d’Amérique. Les moyens de transport, chemin de fer, bateaux à vapeur contribuèrent au développement des fûts de transport en chêne demi-muids de 620 litres et aussi des wagons-foudre.

Le trafic du port passe de 950 000 à 1 600 000 tonnes pendant la Première Guerre mondiale De nombreux Sétois partaient alors en prospection en Russie jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Un de mes vieux courtiers, connaissant bien le Sud de la Russie, me disait en 1944-45 : « Quand j’avais vu les Allemands rentrer dans les marais du Pripet, j’ai su qu’ils étaient fichus et qu’ils n’en sortiraient pas vivants ». Il s’appelait Cordier. Pendant la Première Guerre mondiale, Cette continua ses importations de vin

et l’on dut à l’initiative d’un autre Sétois, Alfred Alquié, président de la Société économique du Port de Cette, également établi à Genève, que le port de Cette devint port suisse à la place de Gênes. On note les premiers arrivages de blé : 20 000 tonnes fin mai début juillet 1915. C’est ainsi que pendant ce premier conflit mondial le trafic du port augmente de 950 000 à 1 600 000 tonnes. Cette avait été également une plaque tournante pour recevoir et réexpédier sur le front les divisions coloniales d’Afrique (…). Je vous ai dit que les importations de vins d’Algérie avaient fait notamment la richesse des négociants sétois et de la viticulture méridionale. Ce n’est ni une boutade ni une provocation. En effet, quand le vignoble languedocien, replanté après le phylloxéra, revenu en pleine production, qui aurait bu en l’état tous ces vins titrant 8, 9,10 degrés, dont la qualité en général était assez médiocre? Il y avait bien la distillation, mais elle payait bien moins cher. La mévente avait provoqué les émeutes de Narbonne au début du siècle. (suite p.18)

Le commerce cettois était principalement tenu par des Montpelliérains qui le gardaient sous leur tutelle. En effet, ce n’est que par décret du 6 mai 1872 que les Cettois purent prendre en mains leur destinée en créant la Chambre de commerce, ce qui leur avait toujours été refusé auparavant. Le premier président fut un négociant en vins, Edouard Vivarès, de 1872 à 1877. Depuis lors chaque président eut à cœur d’apporter sa contribution à l’agrandissement du port. C’est sous la présidence du successeur d’Edouard Vivarès, Paul Gautier, que fut prolongé le brise-lames de 150 mètres à l’Ouest, 850 mètres à l’Est : épi Dellon. La Socony Mobil Oil fut inaugurée en 1904 par Louis Estève ; le port franc pour la Suisse pendant la Première Guerre mondiale sous Jean Prats, qui inaugura aussi notre actuel palais consulaire en 1929. Sous Eugène Orsetti, de 1945 à 1962, les travaux d’un nouveau bassin qui porte son nom furent lancés. Sous Léopold Suquet, début des travaux du bassin Colbert en 1966. La gare maritime du Maroc en 1975 et la gare Orsetti en 1979 furent inaugurées

PHOTO ALAIN GIRAUDO/DR

La CCI moteur du développement du port

sous la présidence de Claude Bonfils. Hôtel Résidence et implantation de la Vamo Mills Tourteaux sous Paul Suquet. Halte fluviale sous l’actuel président Soler à qui je souhaite bonne chance pour mener à bien sa tâche dans les bouleversements actuels de l’économie qui ont réduit sensiblement l’activité portuaire de Sète, surtout depuis l’arrêt de la Socomy et le départ ou l’arrêt de certaines industries du Bassin de Thau, alors que l’on visait 10 millions de tonnes. M.P.

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Les rois de la barricaille Comme dans toutes les bourgades au XVIIIe, il y avait à Cette des tonneliers. Ils fabriquaient les récipients en bois alors nécessaires à la vie courante, seaux, baquets, cuviers, comportes, barriques, qui servaient à loger grains, légumes secs, olives ou poissons et vins. Ils étaient appelés “truca barrals” parce que le port retentissait des coups de maillet qu’ils donnaient en travaillant sans relâche. Et ils étaient contrôlés par les inspecteurs Grangent, père et f ils, qui veillaient à l’application des règles sur l’épaisseurs des bois ou la courbure des douelles. Cela ne faisait pas leur fortune. Ce qui f it la fortune des tonneliers, ce fut le vin dès lors que Cette en devint la plaque-tournante d’abord à l’exportation puis à l’importation. Dans un article publié en1995 dans le bulletin XIX-XX-XXI de la Société d’études historiques et scientif iques de Sète et sa région, Georgette Birouste remarque qu’après la crise phylloxérique (lire par ailleurs) Séte devint le premier port importateur de vin au monde : « Les conséquences furent énormes pour la tonnellerie, écrit-elle, car le fût continuait à ne pas être réutilisé, la marchandise voyageant à ‘‘fût perdu’’. Alors qu’on dénombrait 33 établissements de tonnellerie employant 134 ouvriers en 1824, il y en avait 80 en 1877 dans lesquels s’affairaient plus de 2 000 personnes ». Qui sont ces rois de la “barricaille” ? « Apres au gain, soucieux de réussite, rendus hardis par la conjoncture, les uns et les autres sont durs et tenaces pour eux comme pour leur entreprise, leur désir est avant tout la réussite, note Georgette Birouste qui précise : soucieux de rendement, ils transforment leurs ateliers en véritables manufactures ; chacun y trouvera une spécialisation. » Il y a donc les importateurs de bois qui vont chercher les merrains jusqu’en Russie ou encore les rabatteurs qui f inissent le cerclage des tonneaux avant d’y poser leur marque. En 1868, les établissements Deshayes révolutionnent la profession en inventant le fût à louer. Ils en ont d’abord 1 000 à la location mais bientôt ce sera 30 000. Et Cette comptera vingt-cinq loueurs disposant d’un parc total

de 300 000 fûts ayant chacun une valeur moyenne de 50 F. Cela représentait donc un investissement colossal de 1,5 millions de francs de l’époque. Mais le retour sur investissement étant quasi-immédiat, la fortune des investisseurs était tout aussi rapidement faite. En dépit de la concurrence étrangère, le besoin d’un nombre toujours plus grand de tonneaux se faisait sentir. Pour y répondre, les établissements Rouane (lire par ailleurs) introduisent la fabrication mécanique tandis qu’un autre patron, Archbold-Aspold, a l’idée de loger deux foudres sur la plate-forme d’un wagon : c’est le wagon-foudre ancêtre du wagon-citerne. Et bientôt un premier pinardier, le “Bacchus” viendra se mettre à quai. On est en 1935. La tonnellerie sétoise va quitter l’actualité pour devenir un sujet de l’histoire économique de la ville même si la chute de cet empire n’est pas immédiate et déclenche des troubles sociaux. Dans une note envoyée au ministre de l’intérieur en avril 1866, le préfet de l’Hérault avait relevé que les ouvriers tonneliers s’étaient organisés en trois sociétés, l’une réunissant ceux qui travaillaient dans le neuf, une autre les cercleurs et la dernière ceux travaillant dans le vieux. Ces sociétés dont les membres se réunissaient dans des baraquettes sur le mont Saint-Clair pour festoyer, avaient un rôle de mutuelles, mais le préfet les suspectait d’avoir aussi une activité politique. Elles furent donc dissoutes. « Les sociétés furent le creuset dans lequel se préparaient déjà les organisations modernes du monde ouvrier sétois, écrit Georgette Birouste. Dès 1888 les chambres syndicales de Cette se regroupent toutes, les ouvriers de Sète seront les premiers du département à créer une Bourse du travail. De même quand se développera le socialisme, c’est un tonnelier, Pierre Vallat, qui sera un des militants les plus en vue du département. » Les alignements de fûtailles, tonneaux, barriques ont disparu des quais de Sète mais pas de l’imaginaire des Sétois dont la ville a été durablement marquée par l’impact de la tonnellerie sur son urbanisme et sur sa structure sociale. A.G.

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(suite de la page 15) C’est donc bien grâce aux coupages avec des vins d’Algérie, qui était la France, dont la qualité et la quantité était constamment améliorée par les Pieds-Noirs, qu’on pouvait remontrer ces vins du Midi et en faciliter l’écoulement à des prix rémunérateurs. C’était le principal métier des négociants sétois. C’était aussi l’époque où les Français consommaient 150 litres per capita, alors qu’aujourd’hui la consommation est tombée à 50-60 litres — il est vrai qu’on consomme désormais moins mais meilleur. On parlait bien sûr d’alcoolisme, mais il était dû, d’après moi, plus aux alcools qu’au vin que Pasteur avait définit comme « la plus saine et la plus hygiéniques des boissons ». Aujourd’hui certains savants préconisent la consommation du vin, bien entendu avec modération, pour éviter certaines maladies de cœur, certains cancers et la maladie d’Alzheimer. La publicité n’avait pas encore martelé la tête de nos enfants pour les inciter à boire des boissons gazeuses caféinées. Il faut reconnaître aussi que les ouvriers, les travailleurs de force brûlaient plus de calories qu’aujourd’hui, de même les paysans

lorsqu’ils labouraient ou moissonnaient leurs champs, alors que maintenant ils sont assis sur leurs machines. Après la Grande Guerre on retrouve à Cette quelques 43 maisons, 90 ont disparues. Les importations reprennent, mais c’est à partir de 1926 qu’on constate une augmentation importante, d’un million on passe à deux en 1938. Les fûts chargés sur les car-

Fin XIXe siècle, l ’âge d’or des loueurs de fûtailles, des négociants et des vermouthiers gos des Compagnies mixtes Schaffino, Delom, Le Borgne, Scotto et autres arrivent quotidiennement avec les primeurs pendant la saison et leurs fûts de mistelles pour les fabricants d’apéritifs et les vermouthiers. Et les fûts de vin d’Alger, d’Oran, Mascara, Bône, Dahra sont stockés

Cette, gagnante de la guerre du rail

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Les wagons-foudre, avant les wagons-citerne, furent un des moyens utilisés par les négociants pour livrer leur clientèle continentale.

en rangs serrés sur les quais de la Marine, de la Douane d’Alger, Aspirant-Herber, de la République et même sur l’avenue de la Gare en attente de leur outillage et reconnaissance effectués par les employés des transitaires, puis chargés sur les charrettes longues ou camions avec des pneus à l’avant, bandages pleins à l’arrière, et leur monte-fûts, pour être rentrés chez les négociants ou rechargés sur les wagons de chemin de fer. On imagine difficilement aujourd’hui l’activité du port alors que nos quais ne servent plus que de parkings pour les voitures des riverains et que les bateaux-citerne viennent décharger ou charger leur cargaison directement dans les chais des négociants ou dans les cuveries de stockage. Imaginez le temps et le travail qu’il fallait aux dockers pour décharger et rouler quelques 2 000 demi-muids pesant pleins 800 kilos, les stocker, alors que de nos jours 12 000 hl sont pompés en quelques heures! Il y avait aussi moins de chômeurs ! Le père d’un de mes vieux amis, vers 1868, avait eu l’idée de fabriquer les fûts mécaniquement et de les louer. Ce fut bien sûr l’âge d’or des loueurs de fûtailles qui faisaient le va-et-vient

L’hebdomadaire ‘‘La vie du rail’’ a publié dans son numéro du 8 avril 2014 le dernier volet d’une série sur l’histoire du vin et du chemin de fer. L’article intitulé « Bordeaux, Sète : deux situations contrastées » explique comment le port de Cette a su profiter de sa situation géographique “singulière” (aurait dit Paul Valéry) pour mettre ce nouveau mode de transport des marchandises au service du développement du négoce. L’auteur de l’article, Georges Ribeill, rappelle d’abord que durant le Second Empire, les ports de Bordeaux et Cette importaient des vins d’Espagne pour les mêmes raisons : l’amélioration des productions locales. Le parallèle s’arrêtera là puisque les Bordelais sont sur le créneau de vins fins tandis que les Cettois sont les rois des vins de consommation courante. Est-ce parce que les “châteaux” craignaient de voir leur image aristocratique brouillée par celle, prolétaire, du chemin de fer ? Toujours est-il que Bordeaux et Cette qui ont été reliés par la voie de la Compagnie du Midi dès 1857 ne vont pas jouer cet atout de la même façon. Alors qu’à Bordeaux le transport par voie fluviale et par les canaux


1 Merrain : planche obtenue en débitant un billot de bois, et qui sert à façonner une douelle. 2 Afrique française du Nord, zone géographique colonisée par la France à la fin du XIXe siècle qui correspond actuellement au Maroc, à l’Algérie et à la Tunisie.

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entre l’A.F.N.2 et la métropole. Dans les années 1880-1890 ils étaient loués entre 3 et 5 centimes par jour et par fin. Bien entendu sans impôt sur le revenu, de C.S.G. et d’l.S.F. ou autre impôt. Or, comme l’ensemble des loueurs possédaient plusieurs dizaines de milliers de fûts ça rapportait plus gros que le Loto ! Les fûts devaient être rendus en bon état, toutes les réparations étaient à la charge du client. Les mauvaises langues disent qu’une importante maison possédant plusieurs dizaine de milliers de fûts avait été surnommée la maison des peignes cassés, comprenne qui pourra ! On pouvait construire de belles maisons sur le quai ! En 1918 une première douelle coûtait 3,75 F, les autres 2 F. Un fût neuf entre 50 et 70 F puis les prix montèrent jusqu’à 600 F. On estimait le parc sétois à 175 000 fûts chez les loueurs, à 250 000 chez les négociants et il aurait atteint plus tard 300 000 fûts. M.P.

Jusqu’à 300 000 demi-muids (environ 600 litres) d’une valeur moyenne de 50 francs ont été loués à la journée par les tonneliers aux négociants avant l’apparition des wagons citerne et des pinardiers dont le premier à accoster à Sète fut le “Bacchus” en 1935.

garderont la faveur des négociants, à Cette ceux-ci verront le rail comme un argument commercial supplémentaire à servir à leurs clients. La concurrence féroce que se livraient alors les différents concessionnaires a joué également en faveur de Cette qui se trouvait idéalement placée à la frontière des “territoires” de la Compagnie du Midi et de celle du PLM. Cette rivalité a eu un fort impact sur le paysage local : la gare du Midi (actuelle gare de la SNCF) se trouvant au bord de l’étang de Thau, la gare du PLM étant entre le canal de Cette au Rhône et la mer (dans ce qui est actuellement l’enceinte du port de commerce). Ces compagnies se sont livrées une guerre tarifaire sans merci pour capter le trafic. « Du dumping engagé entre tous ces transporteurs, Sète a habilement profité pour devenir une véritable plaque tournante du commerce des vins » écrit Georges Ribeill qui précise : « Pour attirer à lui les vins espagnols dirigés sur Paris, le PLM proposa le tarif spécail PV n°206 dit de “pénétration” : le transport de Barcelone à Paris via Sète revenait à 52 fr la tonne dont 28,50 fr au PLM. De quoi susciter les

protestations des producteurs de vins du Midi, le transport de Sète à Paris leur étant facturé 39,70 fr par le même PLM ! » La crise provoquée par le phylloxéra va favoriser la production de vin en Algérie. « Ces vins de degré élevé étaient mélangés opportunément avec les vins légers mais abondants fournis par l’aramon des plaines languedociennes, “l’équilibre alcoolique” entre ces vins se rétablissant dans le port de Sète » relève Georges Ribeill qui conclut : « L’importation accélérée de vins d’Algérie entre les deux guerres conforta encore le rôle du port qui allait accueillir le premier “pinardier” en 1935, dans sa vocation de fabrication de vins en tout genre, vermouths et mistelles, vins d’imitation “façon bordeaux” ou “bordeaux fantaisie”… vins de table surtout. Revendiquant d’être le premier port à vins du monde, Sète grâce au savoir faire des maisons de négoce, à leur art de mélanger les vins languedociens, espagnols, italiens, grecs ou algériens, pouvait être qualifiée en 1920 de “laboratoire exportation des vins le mieux situé qui soit au monde”. » A.G.

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La fabrication des tonneaux, un art ancestral

PHOTOS THIERRY BOULLEY/DR

Fabriquer un tonneau est une action complexe. Il convient d’abord d’ajuster les douelles (c’est-à-dire les lattes de bois qui le composent), les maintenir ainsi avec des cercles (jadis en bois de châtaignier souple, désormais en métal) puis fixer aux deux extrémités un fond en bois. Pour être correctement ajustées les unes contre les autres, les douelles ont dû être découpées selon un léger arrondi. Une fois plaquées et maintenues par un cercle, elles sont placées au-dessus d’un feu allumé à même le sol pour être cintrées à l’aide d’un câble serré au fur et à mesure que la chaleur permet de plier le bois.

Une fois que les douelles ont pris leur galbe, les cercles définitifs sont placés. Vient alors la fixation des fonds et le percement du trou de bonde qui permettra de remplir le tonneau de liquide. Voilà les grands traits de la fabrication manuelle d’un tonneau qui n’a pas radicalement changé au cours des siècles (dans le détail, le tonnelier accomplit bien d’autres actions). Des outils spécifiques tels que l’asse (herminette faisant marteau d’un côté, hachette recourbée de l’autre) et le stockholm (rabot rond et cintré) ou le cochoir (sorte de hâche pour faire les encoches) sont employés par les ouvriers pour accomplir leur tâche.

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1918-1970

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Comment les ventes de vins et spiritueux prospèrent à Sète

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chute fortement (manque de main d’œuvre, d’engrais et de produits cuivreux) sans compter l’importante ponction de l’occupant. Tous ces facteurs amenèrent un strict rationnement du vin et des apéritifs. On a encore en mémoire, tout au moins pour ceux de ma générations, “les jours avec” et “les jours sans”, et la naissance du marché noir jusque en 1945.

L’après-guerre voit le renouveau du port, tout ce qui peut naviguer transporte du vin En 1944 le port de Sète est bombardé par les alliés de même que Balaruc et la Socony de Frontignan. Puis en août les Allemands, en retraite accélérée, font sauter les ponts et les quais du port, à l’exception de celui du chemin de fer, grâce à l’action d’un cheminot. C’est au député Jules

Moch1 que l’on doit la remise en activité du port de Sète et sa reconstruction. Tous les moyens sont bons pour alimenter en vin la France exsangue et assoiffée. La commission des boissons décide tantôt de charger en demi-muids, tantôt en barriques vins et mistelles d’Algérie et Tunisie sur tout ce qui peut naviguer y compris des voiliers. Quelques négociants sétois et courtiers maritimes acquièrent dans ces premières années d’après guerre le “Tamlet“ et le “Tarourdant“. Alors les vannes s’ouvrent et on voit apparaître le “Dubo, Dubon, Dubonnet”, le Noilly-Prat, le Saint-Raphaël et le Bisset qui était toujours fixé (lire par ailleurs) et tout ce qui avait fait le renom de Sète, les apéritifs Taillan, Déjean, Pratos, Clarac... Il faut mettre un peu d’ordre dans cette activité débridée. Georges Sprecher créé alors le G.N.A.B (Groupement national des achats de boissons). Sur leur antériorité, les négociants sétois

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ans les années 19381939, les importations de vins italiens sont nulles, alors que 50 ans auparavant elles atteignaient 306 000 hl. Cela était dû au phylloxéra et à l’abaissement des droits de douane. Il faudra attendre 1968 pour retrouver des importations de l’ordre de 200 000 hectolitres. Nous n’avons retrouvé aucune statistique sur les années 1971 à 1977, les viticulteurs avaient envahi les bureaux des douanes de Sète et détruit ou emporté les documents. Les années 1979-1980 semblent être les années record avec 4 millions d’hectolitres. En 1996 on retombe à 1 500 0001 700 000 hectolitres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les importations d’Algérie continueront pour s’arrêter totalement après le débarquement des alliés en Afrique du Nord le 8 novembre 1942. Parallèlement la production française


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Edouard Barthe (1889-1949) le père du Code du vin

Les publicités pour les apéritifs et autres liqueurs rivalisent d’imagination parfois délirante comme celles de la marque du célèbre slogan. reçoivent vins, mistelles, vins doux liquoreux (V.D.L.), qu’ils répartissent ensuite sur la France entière. Les ports de l’Atlantique de la Manche et du Nord ne sont pas encore rendus à la navigation. Ce fut à la fois la richesse et la mort de nombreuses maisons sétoises qui se sont endormies dans la facilité d’un fonctionnarisme lucratif alors que les commissionnaires d’Algérie passèrent au-dessus de leur tête pour vendre directement à leurs clients de l’intérieur. C’était l’époque où il existait des grossistes distributeurs dans toutes les villes de France. Le vin était vendu par les spécialistes et non par les grandes surfaces. Chaque jour de la semaine, il y avait dans le Midi un marché des vins qui établissait les cours: lundi à Nîmes; mardi à Montpellier; mercredi à Sète; jeudi à Narbonne; vendredi à Béziers; samedi à Avignon. Les négociants, courtiers et viticulteurs s’y pressaient pour traiter les affaires. Il était injuste de dire que tous les vins du Midi étaient assez médiocres. Je laisse à un certain ministre de l’Agriculture le terme de “bibine” qui fit scandale à l’époque, car les viticulteurs de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, du Gard, de l’Hérault produi-

saient des vins de qualité supérieure (V.D.Q.S.) qui de nos jours deviendront des A.O.C. et qui dans le passé avaient fait la réputation du Languedoc-Roussillon. Dans les années 1950, il ne reste plus que quelque 45 maisons de vins et apéritifs auxquelles viendront s’ajouter, plus tard après le drame algérien une douzaine de maison d’Afrique du Nord. Les récoltes algériennes oscillaient entre 14 à 18 millions d’hectos. Le transport en fûts avait été abandonné au profit des bateaux-citerne. De nouveaux armements apparaissent à Sète: Nègre, Lequellec, Lary, Chevallier qui ont acheté d’anciens ravitailleurs de sous-marins. Ils moderniseront et augmenteront plus tard leur flotte par de nouvelles unités. Les anciens armements ont ajouté des cuves en cale ou en pontée. On ne voit plus dans les années 1950-1960 que le transport par barriques, utilisé pour transporter les vins vinés vers les colonies d’Afrique, de Madagascar et du Pacifique qui disparaîtront à l’apparition des fûts métalliques et des tankers. Cette pratique des vins vinés, qui avait été fort critiquée dans le passé, avait réapparu, grâce à l’article 79

Né à Montblanc en 1889 dans une famille de vigneron, Edouard Barthe suit des études de pharmacie à la faculté de Montpellier dont il est diplômé en 1906. Il s’installe alors à Sète où il épouse Blanche Hermet. Militant socialiste, il est élu député de l’Hérault en 1910, siège qu’il conserve jusqu’en 1940. Tout au long de sa carrière parlementaire qui le conduira au Sénat en 1948, il se consacre à la défense et l’organisation de la viticulture. Négligeant les ambitions ministérielles auxquelles il pouvait prétendre, il devient président de la Commission des boissons. Il présidera, également de nombreuses commissions sur les questions viticoles et notamment l’Off ice international du vin. Ces fonctions ne sont pas purement honorif iques : elles impliquent pour leur titulaire de lourdes charges et l’amènent à remplir des missions de conciliation délicates : lorsque des conflits opposent les viticulteurs du Midi à leurs concurrents d’Afrique du Nord, les betteraviers de la métropole aux producteurs d’outre-mer, lorsque l’affaire du contingentement des rhums provoque des émeutes à la Martinique, c’est à lui que l’on fait appel pour rendre un arbitrage et apaiser les passions. L’accord de Béziers, qui établit un équilibre des productions de base du Nord et du Midi (betterave, cidre, vin) est signé sous son impulsion. Il n’est guère de loi ou de réglementation concernant la viticulture à laquelle il n’ait, de 1919 à 1940, eff icacement contribué notamment les lois du 19 avril 1930, du 4 juillet 1931 et du 8 juillet 1933 sur la viticulture et le commerce des vins. En octobre 1939, il fonde “l’Œuvre du vin chaud du soldat” et se démène sans compter pour faire boire au moins un litre de vin par jour et par homme. Elu sénateur de l’Hérault en 1948, il en est fait questeur quelques mois avant de mourir brutalement en juillet 1949. A.G.

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du code du vin, élaborée par un pharmacien, Edouard Barthe (lire page précédente), qui avait créé le code du vin pour en donner une définition exacte afin d’éviter et de réprimer les fraudes qui sévissaient alors — le vin est le produit du pur jus de raisin fermenté — afin de limiter la chaptalisation aux régions d’appellation n’arrivant pas à un degré alcoolique suffisant. Cet article 79 exonérait de la distillation obligatoire, les viticulteurs qui exportaient une partie de leur récolte. La pratique des transferts favorisa ces transactions ou tout le monde y trouvait son compte. La Guerre d’Algérie débute le 1er novembre 1954. Peu d’impact sur le commerce, on croit à une révolte comme on en a connu une dans l’Est

algérien en 1945 et qui fut durement réprimée par le général Duval. Puis on enregistre en France une récolte terriblement déficitaire en 19561957, année du gel en métropole on ne récolte que 43 millions d’hectolitres, y compris l’Algérie. Les cours s’envolent de 350 à 400 F, pour atteindre 1 000 à 1 200 F le degré hecto: affolement général, la pénurie est grande, il faut importer de Grèce, de Turquie, d’Espagne, de Bulgarie, d’Amérique du Sud des quantités énormes pour satisfaire la demande. Les importations sont alors de l’ordre de plusieurs millions d’hectolitres. Mais la campagne suivante s’annonce belle et tout rentre dans l’ordre rapidement. A la fin des hostilités d’Algérie en 1962, où les Pieds-Noirs redoutant

ARCHIVES ROUANE

Raphaël Rouane (1903-2011) Le gentleman de la tonnellerie

Je ne peux évoquer le nom de Rouane sans que mon esprit y associe le mot fûtaille et que je remonte vers cette époque que beaucoup de témoins et d’historiens nous ont raconté. Je me dois de rappeler que pendant trois-quarts de siècle Sète a été le plus grand centre de tonnellerie au monde. En effet, les expéditions de vin faites à “fût perdu” entraînaient une considérable consommation de barriques. Le merrain1 de châtaigner devenant rare, les ateliers s’approvisionnent en chêne de Bourgogne ou du Jura pour les foudres et les cuves et en douelles étrangères pour la fûtaille ordinaire : l’Italie, l’Allemagne, les Etats-Unis, puis la Croatie l’Autriche, la Russie, dans toutes ces régions les négociants sétois ont leurs coupes attitrées et leurs agents d’exploitations. Pendant la crise viticole, loin de pâtir de la baisse du trafic, la tonnellerie s’adaptait en prenant une activité nouvelle. Si le Languedoc avait moins de vin à exporter, les nouveaux fournisseurs, Espagne, Algérie, Grèce ou Turquie, manquaient eux de tonneaux ; passant du contenu au contenant, Sète se mit à les leur procurer par des contrats de location, et cette nouvelle activité recréa le paysage de nos quais

le pire avec quelques raisons, envoient leurs stocks en métropole, les vignes sont plus ou moins à l’abandon et les récoltes diminuent à vue d’œil. Des accords furent passés entre les ministres de l’Agriculture Edgar Pisani et Edgar Faure et le commerce pour que le statu quo soit observé jusqu’en 1970, c’est-à-dire maintien du droit de coupage. Puis sous la pression de la Viticulture on inaugure pour soutenir les cours des vins du Midi, un système de vins coupés et non coupés avec les vins algériens et les vins français vendus en l’état. M.P.

1 Député SFIO de l’Hérault en 1937, il s’était opposé au vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain avant d’entrer dans la Résistance puis de rejoindre Londres où il s’engage dans les forces navales de la France Libre et participe au débarquement en Provence. Elu à l’Assemblée constituante puis à l’Assemblée nationale (1945-1958 ; 1962-1967), il sera ministre à huit reprises sous la IVe République, notamment de l’Intérieur.

qui servaient d’entrepôts à des kilomètres de barriques. C’est dans cet univers particulier que naquit et grandit notre ami Raphaël Rouane, et on peut imaginer l’influence qu’il reçut par cette ouverture sur le monde et par les idées nouvelles véhiculées à cette époque. Aussi quand en 1931, sous l’impulsion du docteur Léon Mazurié épaulé par certains notables et décideurs de l’époque le Rotary Club de Sète fut créé, il était tout à fait normal de trouver Raphaël Rouane parmi les membres fondateurs. C’est impressionnant de retrouver le même nom sur tous les annuaires édités par le “Rotarien” depuis 1935-36, date de la parution du premier annuaire français ! Raphaël Rouane y figure avec la classification “Tonnellerie” qui devient “Tonnellerie mécanique” une seule fois, dans l’annuaire 1947-48, le premier annuaire d’après-guerre. En 1949 il rentre au comité en devenant chef du protocole, titre qu’il conserve jusqu’en 1952 année ou la fonction devient chancelier. Cette fonction chancelier redevient protocole en 1964 et ce n’est qu’en 1970, après vingt-et-un ans qu’il cède sa place au docteur Lauret. Il devient MDA en 1976, et est nommé membre d’honneur en 1999 à 95 ans ! Depuis, la classification Tonnellerie n’est plus représentée ! Personnellement je conserve le souvenir d’un “gentleman”, toujours affable et courtois. Grand amateur de chevaux, je l’ai rencontré sur les chemins de Saint-Clair, en selle ou dans une petite calèche, spectacle inhabituel mais quelle élégance ! Je crois que c’est vers 95 ans que, par raison, il décida de ne plus monter, et à ma dernière visite, le 27 juin 2008, il avait 104 ans, une magnifique selle était toujours dans le vestibule de la maison. Je me souviens aussi, il avait 96 ans et venant me voir au centre ville, il s’assoit et me dit « Cher ami Réthoré, je crois que je ne vais plus prendre ma voiture pour venir en ville car j’ai eu un mal fou pour faire mon créneau ! » Gérard Réthoré 1 Merrain : Planche obtenue en débitant sur quartiers des billes de chêne, de châtaigner ou de robinier, par fendage ou par sciage et qui sert à la confection des tonneaux.

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PHOTO GILLES DE BEAUCHENE - NOILLY PRAT/DR

Noilly-Prat, le dernier vermouth

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La visite des chais Noilly-Prat à Marseillan commence dans une vaste salle où ont été disposés les “reliques” de l’histoire du plus célèbre des vermouths. On découvre ainsi dans ce petit musée les caisses en bois dans lesquelles étaient classés par années les courriers commerciaux depuis la f in du XIXe siècle, les premières bouteilles cachetées à la cire expédiées en Amérique, des correspondances avec les clients outreAtlantique, un alambic géant de 1851, des réclames, des livres de comptes, de la fûtaille, d’anciennes photographies… Accroché à un mur il y a aussi une grande bâche verte sur laquelle a été imprimé l’arbre généalogique des familles dont la réunion des patronymes est devenue la marque d’un produit mythique. Tout en haut du calicot se trouve la photo de Joseph Noilly (1775-1843). Tout a en effet commencé dans le laboratoire de ce pharmacien lyonnais qui fabriquait des liqueurs médicinales à base de vins et de plantes. En tâtonnant et à force de patience, il est parvenu en 1813 à élaborer une recette de vermouth qui, à la différence des produits alors proposés par les Italiens, est sec. Le succès de son produit est tel que Joseph Noilly va bientôt abandonner la pharmacie pour se consacrer au négoce avec son f ils Louis (1801-1865) qui est chargé d’aller acheter en Grèce les mistelles1 essentielles dans la fabrication du vermouth. Louis Noilly s’aperçoit alors que le contenu des barriques arrimées sur le pont des voiliers se bonif ie pendant le voyage vers Marseille. Il prend alors deux décisions qui vont sceller

l’avenir de son vermouth : d’abord il tranf ère en 1843 le chai de fabrication de Lyon à Marseille pour l’installer dans une grande bâtisse haussmannienne rue Paradis où il sera au plus près des sources d’approvisionnements ; ensuite créer en 1850 un chai à Marseillan, au bord de l’étang de Thau, où pourront être reproduites les conditions de vieillissement des vins en tonneaux à l’air libre. La direction de l’établissement de Marseille est conf iée a Claudius Prat (1812-1859) qui épouse quelques mois après Anne-Rosine Noilly (1825-1902), la f ille de Louis. Celui-ci va alors s’associer avec son gendre pour lancer la marque Noilly-Prat. Le succès ne faiblit pas bien au contraire, mais la saga familiale aurait pu s’arrêter après le décès de Louis (1865) et de Claudius (1859), car les f ils de celui-ci et d’Anne-Rosine, Louis Prat (1845-1932) et Jean Prat (1847-1939) ne sont pas en âge de prendre les commandes de l’affaire. Or, à une époque où les femmes de la grande bourgeoisie n’imaginent pas travailler, Anne-Rosine n’hésite pas à assumer la direction de cette entreprise déjà prospère, une tâche dans laquelle elle va exceller. Sous son impulsion, le vermouth ‘‘extra-dry’’ étiqueté Noilly-Prat part à la conquête des Etats-Unis avec la médaille d’or obtenu au concours agricole de l’Exposition universelle de 1878. Là-bas c’est l’époque de la ruée vers l’or. A New-York, dans le saloon du Knickerbocker Hotel, le barman sert aux clients un mélange de gin Old Tom et de vermouth Noilly-Prat dans lequel il plonge une olive verte. Ce barman d’origine


PHOTOS GILLES DE BEAUCHENE - NOILLY PRAT/DR

italienne se prénomme Martini ; il baptise son cocktail ‘‘martini dry’’2 qui deviendra la boisson favorite du héros de Ian Flemming, James Bond. De ce côté de l’Atlantique, les cuisinières n’omettent plus de mettre un trait de Noilly-Prat dans des sauces dont la saveur imprégnera à jamais les papilles de leurs petits-enfants. Voilà comment la légende de la marque a pris corps. Bref les affaires sont florissantes. Quand Louis et Jean Prat sont en mesure de prendre le relais de sa mère, ils peuvent faire construire à Vauvert en Camargue un somptueux château néo-renaissance et acheter le château d’Avignon aux Saintes-Maries-de-la-Mer, deux propriétés qui viennent s’ajouter à l’important patrimoine immobilier de la rue Paradis et à la bastide de Montredon dans le VIIIe arrondissement de Marseille. La compagnie dont le sigle est un N et un P entrelacés à l’intérieur d’un C bouclé par le signe & a maintenant des établissements à Sète, quai de Bosc, à l’emplacement de l’actuel Hôtel Azur, dont la direction est assumé par Toussaint Laborde. De là part (gratuitement) du vin de messe pour les paroisses de Marseille et de l’évêché de Lyon, ville dont est native la très pieuse Anne-Rosine3. Le picardan doux, une sorte de xérès élaboré avec des raisins passerillés (c’est-à-dire à surmaturité) très apprécié des cuisinières, fait aussi partie du catalogue de jusqu’à la f in des années 80. L’aventure familiale est alors terminée depuis 1970, quand la vicomtesse Vigier, nièce de Jean Prat, qui dirigeait la maison depuis 1939, s’éteint. L’entreprise a été rachetée par la plus grande entreprise de spiritueux au monde, le groupe d’origine cubaine Bacardi-Martini. Dans ce gigantesque ensemble qui comprend aussi bien des whiskies (Aberfeldy, Dewar’s, Glen Deverson, William Lawson’s), des rhums, des vodkas et des liqueurs (Bacardi, Bombay Sapphire, Camino Real, Cazadores, Eristoff, Get 27 et 31, Grey Goose, Leblon, 42 Below, PatrÓn), des Martini (bianco, rosso, rosato, extra dry, bitter, royale bianco, royale rosato, spumente), que des classiques français (Bénédictine, Baron Otard, St-Germain), Noilly-Prat ne pèse plus que 2% du chiffre d’affaires global. Les établissements de Sète puis de Marseille ont été démantelés. Toute la

production et le savoir faire sont concentrés à Marseillan. Là, il suff it de poursuivre la visite des chais en compagnie de Jean-Louis Mastoro, 40 ans de maison entre Marseille et Marseillan, pour s’apercevoir que l’âme de Noilly-Prat reste intacte. On passe entre les impressionnants foudres de 250 à 400 hl où depuis 1850 les mistelles (elles viennent désormais d’Espagne) se renforcent pendant huit mois au contact du bois de chêne du Canada. On traverse ensuite l’enclos où sont alignés comme à la parade des centaines de vieux fûts de chêne du Limousin, de 600 litres ceux-là, où sont logés pendant un an les vins issus de la fermentation des raisins blancs de blancs de picpoul et de clairette pour se transformer sous le feu du soleil et dans l’humidité au rythme des quatre saisons en laissant s’évaporer la ‘‘part des anges’’ (6 à 8% du contenu du tonneau). Si on a de la chance on peut entrer dans l’atelier où un extraordinaire escalier en colimaçon de conception Eiffel mène encore à l’ancienne cuve où étaient recueillies les eaux de pluie destinées à contrôler la température de fermentation. Sinon on passe directement dans l’entrepôt où est reconstituée la ‘‘chambre des secrets’’. On découvre l’incroyable diversité des plantes (camomille romaine, gentiane de France, noix de muscade d’Indonésie, orange amère de Tunisie, racines d’iris… au total une vingtaine d’herbes et d’épices) qui sont mises en macération dans le vin après qu’il lui ait été ajouté des mistelles, le dosage exact, la composition précise restant des secrets que les maîtres de chai successifs préservent jalousement. On apprend enf in comment pendant des semaines il faut escalader les barriques pour ‘‘touiller’’ la mixture (le dodinage) à l’aide d’un fouet métallique qui tient en fait de la faux. On termine naturellement la visite par une dégustation du roi des vermouths qui est désormais, assure-t-on à Marseillan, le dernier et le seul vermouth. A.G. 1 De l’italien misto (mélangé), boisson sucrée alcoolisée obtenue par mélange de moût de raisin frais (jus de raisin non fermenté) et d’alcool dont l’assemblage titre entre 16 et 22 degrés. Ce procédé, nommé le mutage empêche toute fermentation du jus de raisin qui conserve ainsi son arôme et son sucre. 2 Il existe plusieurs versions de la création du ‘‘martini dry’’ mais toutes font état du Noilly-Prat dans sa composition. 3 Marseille garde de nombreuses traces des œuvres commanditées par Anne-Rosine Prat-Noilly.

Page de gauche: le chai des mistelles, le portrait d’Anne-Rosine Noilly. Page de droite: l’enclos, détail d’un alambic de 1851; le logo de la compagnie Noilly & Prat.

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Le sauvetage des chais Dubonnet

ARCHIVES RETHORE-CHAVIN

Dans le livre “Il était une fois … le Rotary club Sète Doyen” édité à l’occasion des 80 ans de notre club, je rapporte les entretiens que j’ai eu avec le Commandant Albert Abelanet sur cette période de la dernière guerre. Ce livre ayant été diffusé dans notre ville, j’ai eu la surprise de recevoir la visite et les félicitations de Madame Michèle Bargeon qui l’ayant lu me confirma l’anecdote du quai Vauban dont la partie ouest fut épargnée grâce à l’intervention de Raymond Ziza (Rotarien au club de Sète jusqu’en 1991). Elle me confiait même une lettre de son père qui après un voyage d’une douzaine de jours depuis Besançon, partie en camion, partie en train, partie en vélo arrive à Sète le jour même de l’évacuation des troupes allemandes et de la destruction de Sète. Et aussi, et surtout une lettre de Raymond Ziza, adressée au Commandant d’Armes de la place de Sète, lettre datée du 13 octobre 1944, qui corrobore le témoignage du Commandant Abelanet sur cet événement. En voici le contenu : « Monsieur le Commandant d’Armes, Pour répondre au désir que vous avez bien voulu exprimer au cours de notre récent entretien, veuillez trouver, ci-dessous, l’exposé des conditions dans lesquelles les parties du quai Vauban délimitant les Entrepôts Dubonnet ont été épargnées lors de la destruction systématique du port de Sète par les hordes allemandes en retraite. L’importance des fourneaux de mines préparés au cours des trois dernières semaines ne laissait aucun doute sur leurs intentions et l’avis publié le vendredi 18 août, dès 14 heures sur les mesures d’évacuation totale de la ville était une indication suffisante pour permettre de conclure à l’imminence de leur mise à exécution. Ainsi alertés, nous avons surveillé étroitement les allées et venues des sentinelles et des patrouilles allemandes notamment entre le pont de la gare et l’angle du quai du docteur Scheydt où était disposées six mines de 400 kg environ sur la partie correspondant à nos entrepôts. La nuit venue, faisant surveiller les deux extrémités du quai, nous avons introduit dans la cheminée de chacun des fourneaux de mine une quantité de ciment suffisant à les remplir jusqu’à la base en ajoutant à chaque

fois la valeur d’une casserole d’eau. La journée du 19 s’est passée sans que les troupes encore présentes se soient aperçu du sabotage de leur dispositif, malgré une visite des lieux effectuée vers 17 h. par un officier accompagné d’un Feld Webel. Plus tard, dans la soirée, un officier dirigeant une troupe d’une trentaine d’hommes prenait les dispositions de mise à feu. Notre surveillance exercée de conserve avec le pontier du pont de la gare a duré jusqu’aux premières explosions qui débutèrent dans notre secteur par la maison du chef de gare et continuèrent par le quai de Bosc. Nous avons gagné alors les abris de la place Victor-Hugo après qu’une poutrelle de 4 mètres environ en provenance sans doute du pont route conduisant à la gare, crevant toit et plafond vint tomber à un mètre de notre lit dans la chambre à coucher. Nous conservions l’espoir que les bouchons de ciment auraient suffisamment pris pour empêcher la mise à feu. Le calcul était juste puisqu’au matin, le calme revenu, le quai Vauban (partie sud) était intact. Veuillez agréer, Monsieur le Commandant d’Armes l’assurance de notre parfaite considération. » Par cette courageuse intervention, les chais Dubonnet du quai Vauban ne subirent pas le même sort que ceux situés au quai des Moulins, chais qui furent complètement détruits lors du bombardement du 25 juin par les avions alliés. Le Commandant Abelanet, brancardier pendant cette période, venant prêter main forte aux sauveteurs suite à ce bombardement avait trouvé dans les chais en ruine un soldat allemand buvant à la régalade sous un tonneau éventré. Bien sûr, là ou un geste courageux a sauvé du désastre les bâtiments et ce qu’ils contenaient, le temps est venu à bout des entrepôts Dubonnet. A l’instar de nombreux chais, l’urbanisation a remplacé par des façades et des appartements modernes ces vénérables constructions qui modelaient le plan de la ville. L’aspect de Sète a changé, et il est devenu difficile d’imaginer cette époque ou vins et tonneaux imposaient aux sétois un modèle d’établissements aussi caractéristiques. G.R.

Ironie du sort : les entrepôts Dubonnet du quai des Moulins (ci-contre) ont été détruits en 1944 par les bombardements alliés alors que ceux du quai Vauban ont été sauvés des mines allemandes grâce à l’initative de quelques hommes.

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1970-2000

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Blocus de Sète par les vignerons des départements viticoles du Midi lors d’une manifestation contre les importations en septembre 1975.

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’entrée en vigueur du marché commun agricole se fait le ler janvier 1970. La Viticulture un peu prématurément se réclama de la préférence communautaire, le but était de revaloriser les meilleurs vins du Midi, mais c’était ouvrir la porte aux importations débridées des vins d’Italie, qui n’ayant pas de cadastre se mirent à planter à tour de bras, avec une monnaie dévalorisée et des salaires et des charges terriblement inférieurs aux nôtres. Les vins italiens firent une concurrence beaucoup plus néfaste aux vins français que les vins algériens, ce qui amènera des manifestations variées, vidage de camions, sabotage de tankers, explosion de cuveries... que les pouvoirs publics ne voulurent jamais réprimer. Le Comité d’action viticole (C.A.V.) ayant un jour déclaré le blo-

cus du port de Sète, les négociants sétois organisent alors des convois partant le soir pour livrer leurs clients au grand dam de la préfecture qui redoutait des incidents comme ceux ayant conduit aux drames de Montredon-des-Corbières1.

L’arrêt de la culture de la vigne en Algérie, un coup fatal pour le commerce La détermination des patrons et de leur personnel juchés sur les marchespieds des camions citernes confirmèrent le vieil adage: montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir. Parallèlement, les dirigeants algériens eurent l’outrecuidance, après avoir spolié nos compatriotes, de dire qu’ils

ARCHIVES RETHORE-CHAVIN

Comment la crise viticole précipite le déclin du négoce sétois

ne voulaient pas poursuivre la culture de la vigne et la vinification, œuvre hautement colonialiste. Les récoltes allèrent en s’amenuisant et d’une richesse énorme de 16 millions d’hectos annuels en moyenne, elles sont tombées de nos jours à quelques 3 millions hectos. Ce fut une perte énorme pour le port de Sète. Dès 1960, les Pieds-Noirs avaient mis beaucoup d’espoir pour se reconvertir en Corse. Ils avaient espéré que la côté Est de cette île produirait un vin de qualité équivalente, ou presque, à ceux d’Algérie. Ils défrichèrent plantèrent et profitèrent de la chaptalisation jusqu’à son interdiction en 1971. Les récoltes atteignirent alors 2 millions d’hectos de vin rouge et rosé de qualité séduisante dont le degré alcoolique était de l’ordre de 12 degrés. Après l’arrachage et l’arrêt de la chap-


talisation, les récoltes retombèrent à 500 000 hectos. Le trafic entre Corse et continent qui était fait en presque totalité par l’armement sétois est totalement abandonné de nos jours puisque les camions chargés directement à la propriété sont acheminés sur la métropole par car-ferry et déchargés directement chez les négociants. Le port de Sète a perdu totalement ou presque ce trafic Corse entraînant la disparition des armements sétois. Alors, me direz-vous, vous êtes bien pessimiste sur l’avenir du port de Sète comme importateur de vins et du commerce local. La crise viticole des années 19701985 avait été provoquée par la stagnation des cours et les importations massives d’Italie. Le coupage des vins d’Italie avec des vins français étaient appelés “vins D.P.C.E.”, c’est- à- dire “Vins de différents pays de la communauté économique”. Les gouvernements eurent alors recours au soutien des prix à la propriété par des aides financières et des facilités pour vendre directement à la consommation. C’était faire une concurrence déloyale au commerce traditionnel et il fallut attendre jusqu’en 1989-1991 pour que les groupements de producteurs,

faisant acte de commerce, aient le même statut fiscal et social que les négociants. Il me souvient dans les années 1980, avoir fait remarquer un jour à un homme politique héraultais, conseiller agricole de la Présidence de la République, qu’ayant reçu des dirigeants

Les primes à l’arrachage contribuèrent à la diminution des récoltes de 50 % d’une cave coopérative réputée les bonnes salutations de mes principaux clients suisses, cette coopérative offrait ses vins au même prix qu’à moimême ! J’avais souligné que lorsque les négociants démarchaient les marchés étrangers c’était eux-mêmes qui assumaient leurs frais de voyage et de prospection et non l’argent public et il m’avait été répondu qu’il fallait bien qu’ils fassent leur expérience (sic)... Parallèlement, la commission de Bruxelles prit des mesures d’arrachage pour assainir le marché. De 1976 à 1979 une prime de reconversion avec arrachage temporaire pour six ans minimum fut instaurée. On mit en-

suite en place une politique d’arrachage définie et d’intervention sur les structures pour reconversion. Les prix établis selon rendement allant de 7 000 francs l’hectare pour des 20 hectos à l’hectare jusqu’à 73 000 francs pour des rendements dépassant 160 hectos à l’hectare. C’est ainsi que de 440 000 hectares plantés en Languedoc-Roussillon, on est tombé à 300 000 hectares, entraînant une diminution de récolte de 33 millions en 1975 à 16,8 millions d’hectos en 1996-1997. Cette diminution de 50 % en 20 ans est due à l’arrachage bien sûr, mais aussi à la politique de reconversion du vignoble en cépage de qualité dont le rendement est plus faible que celui des vins de table, délaissés aujourd’hui au profit des vins de pays d’Oc et des vins de cépage. Le tout est accompagné d’une politique d’équipement avec un contrôle plus strict des apports de vendanges et de la vinification. Et bien malgré tout cela, il reste encore une dizaine de maisons à Sète qui continuent à proposer des produits que la viticulture ne peut assurer de façon suivie aux acheteurs français ou étrangers. Ils commercialisent encore quelque

Le conflit alimente la presse satirique

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2,5 millions d’hectos annuellement. Voyagant à l’étranger, il m’était arrivé de constater que la diversité des vins du Languedoc mis en bouteille à la propriété jetait parfois un trouble dans l’esprit du consommateur. En effet, quoi de plus différent qu’un vin produit à Faugères, Saint-Chinian, Saint-Georges-d’Orques, Pic-Saint-Loup mais vendu sous la même appellation. J’ai su qu’on avait remédié dernièrement à ce grave inconvénient en accordant l’A.O.C à certains de ces vins, mais je pense que le négoce à son mot à dire et qu’il contribuera à gagner de nouveaux marchés en Europe, en Amérique, en Asie pour refaire du port de Sète ce qui avait été son objet d’origine, un grand port d’exportation des produits languedociens. Dans les années 1978-1980, ayant été invité par le préfecture de région à une réception offerte à une importante délégation chinoise, on m’avait demandé de dire un mot à nos visiteurs. J’avais eu l’idée de leur demander d’abandonner une tasse de thé par jour au profit d’un verre de vin, ce qui provoqua l’hilarité générale. Et bien, à en juger par les efforts à produire d’excellents vins du Pays d’Oc et d’excellents vins de cépage que les négociants sétois ou régionaux exportent désormais en Orient, et Extrême-Orient, je suis heureux de constater que j’ai été quelque peu entendu.

Ainsi, les négociants qui ont investi des sommes importantes tant à Sète (Fortant de France, Listel) qu’à SaintFélix de Lodez (Jeanjean), pour ne citer que ces trois maisons, n’auront pas à le regretter, et puissent-elles contribuer avec beaucoup d’autres à refaire du port de Sète un grand port d’exportation de vin. La gestion d’un port comme Sète n’a jamais été facile. Il est bon d’avoir de temps à autre la visite d’un ministre de tutelle, mais il ne faut pas en attendre trop, car parfois les espoirs sont déçus.

Finies les années faciles, la concurrence est rude et implacable Dans un passé assez récent, on avait espéré, après la visite d’un ministre, arriver à 10 millions de tonnes annuelles, on s’est endetté et il fallut de nombreux exercices de rigueur pour éponger les dettes. Il ne suffit pas d’avoir des infrastructures, des grues, des quais pour recevoir les bateaux. Vous allez me dire que s’il n’y en avait pas, il n’y aurait pas de trafic. Certes mais il faut avant tout être compétitif ou inventifs, et la concurrence entre Gênes, Marseille et Barcelone est âpre, pour ne pas dire implacable. On a trop longtemps aligné nos tarifs sur ceux de nos concurrents. Avons-

nous pour autant atteint l’objectif fixé de 10 millions de tonnes ? Nous en sommes loin, mais que pouvait-on faire contre l’arrêt de l’activité principale de la Socomy qui a privé le port de 40% de ses recettes et contre l’arrêt quasi total des importations d’Algérie et de Corse? J’espère que le trafic de la Vamo Mills va augmenter de même que le trafic des vins par containers et que le nouveau quai multi-vrac va inciter les chargeurs à passer par Sète. Pour le moment 1996 a été moins bon que 1995, les entrées et les sorties cumulées étant de 3696195 tonnes contre 4 068 213 tonnes. Vous êtes bien pessimiste, me direzvous, non pas, mais pragmatique et au risque de passer pour un ringard, peut-être parce que j’ai été éduqué, plus dans l’esprit “Aide-toi le Ciel t’aidera”, que dans l’esprit des droits acquis et de l’Etat-providence. Il appartient donc aux quelques dix maisons de vin sétoises de relever le défi, il semblerait qu’elles soient sur la bonne voie et c’est par cette note d’optimisme que je terminerai ce court exposé. en vous remerciant de votre bienveillante attention. MARCEL PRÉAU. 1 Le 4 mars 1976, un commandant de CRS et un viticulteur trouvent la mort dans une fusillade qui éclate lors du blocage d’un pont dans cette commune proche de Narbonne par 3 000 manifestants des Comités d’action viticole réunis pour obtenir la libération de deux des leurs arrêtés à la suite d’une opération contre un négociant de l’Ain.

La grande cuverie de la CCI a été détruite en 2007 laissant à l’état de terrain vague l’espace entre les anciens chais Skali et le bassin de Cayenne. Elle avait été construite avant la Seconde Guerre mondiale. Le numéro d’avril 1976 de l’organe de la chambre consulaire avait consacré un article à cette installation qui contenait 86 cuves de 175 à 680 hl. Elles permettaient aux transitaires d’y stocker les vins qui allaient être ensuite réceptionnés par les négociants.Un des employés de la cuverie interrogé à cette occasion, M. Sabartès, avait déclaré : « Nous sommes capables de vider un bateau de 10 000 hl en 5h30-6 heures par pompage. Nous pouvons remplir un train de 18 000 hl dans la journée ». M. Sabartès pensait alors que ces installations devraient être agrandies.

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1974 : l’armement Lary lance le plus gros des pinardiers

Baptisé en grande pompe à La Rochelle, le tanker sétois “Clerville” devient italien dix ans plus tard jusqu’à son désarment en 2007.

En juillet 1974, « tout Sète » s’est retrouvé à La Rochelle pour le lancement du troisième navire transport de vin construit par les chantiers navals locaux (SNACRP) pour l’armement Lary. Baptisé “Clerville”, ce bâtiment mesure 91 m de long sur 14,40 m dans sa plus grande largeur ; il a un tirant d’eau de 5,40 m en charge et peut naviguer à 14 nœuds (près de 26 km/h) à 90 % de la puissance des 3000 CV de son moteur Diesel ; il peut transporter jusqu’à 3 342 m3 de vin répartis dans 32 citernes alimentées par deux pompes électriques traitant 130 m3 à l’heure. L’équipage est de quinze personnes. La livraison de juillet-août-septembre de la revue de la CCI qui relate l’événement indique que la marraine du tanker est Mme Cayre et que le lancement est suivi d’un banquet donné sur l’île de Ré par l’armateur Henry Lary alors membre de la CCI dont Claude Bonf ils, négociant en vin, est président, Paul Suquet, courtier maritime, et Maurice Anthérieux, négociant en vin, étant eux vice-présidents. « C’est le plus gros pinardier jamais construit » se souvient Michel Sabatier qui vient de réussir le concours de pilote du port de Sète lorsque le “Clerville” y arrive. Le traf ic des pinardiers est encore important dans le port et fait râler les Sétois qui sont bloqués par les ouvertures-fermetures fréquentes des ponts pour permettre aux tankers d’aller à la quelque trentaine de postes qu’on trouvait alors le long des canaux.

« Durant mes premiers mois de pilotage, se souvient Michel Sabatier, les anciens pilotes se gardaient le privilège de piloter ce navire (flag-ship de la flotte sétoise!) car il fallait pas mal de bouteille (sic) pour balader dans les ponts et les canaux cet équivalent de 500 camions de 10 tonnes. Le ‘‘Clerville’’ qui était le plus lourd, le plus gros et le plus large des pinardiers, était diff icile à manœuvrer en raison de son hélice à pas variable, avec en plus le pas de l’hélice à gauche en marche arrière. Cela ne facilitait pas les manœuvre car ce pas en arrière était faible et peu eff icace pour un navire de ce déplacement. Après plusieurs mois de pratique, j’ai eu le droit de le piloter. C’était notre ami le commandant Falanga qui en avait la charge. Je me souviens que juste avant de commencer l’évitage dans les pans coupés notre collaboration a été bienvenue. Il m’a rappelé que ce pas en arrière était limité et qu’il fallait anticiper beaucoup plus tôt qu’à l’habitude ! Effectivement, c’était limité, surtout par courant rentrant ! Par la suite, notre collaboration avec le commandant Falanga a été exemplaire. » En 1983, le “Clerville” sera cédé à un armement italien de Trapani (Sicile) qui le maintiendra en activité jusqu’à son démantèlement à Aliaga (Turquie) en 2007. A l’heure actuelle, le traf ic des pinardiers se fait à un seul poste, le B1 (darse Orsetti). Michel Sabatier avec Alain Giraudo

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Un siècle de colère vigneronne en Occitanie

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Et s’il le faut le Languedoc redeviendra cathare ». Lancée en 1967 par André Castéra (1924-2007), fondateur des comités d’action viticole (CAV) qui se définissait comme un “combattant vigneron”, cette phrase lourde de sous-entendus historiques exprimait la violence du ressentiment entretenu par le Midi viticole à l’égard du pouvoir parisien depuis le début du siècle où, déjà traumatisée par la crise du phylloxéra, la viticulture languedocienne allait traverser des nouveaux épisodes tragiques. C’est en 1907 que l’histoire viticole prend un tour violent. Comme dans les années 1970 ou 1980, les cuves sont alors pleines, les vignerons du Languedoc sont exaspérés par ce qu’ils considèrent comme de la fraude. Face à un gouvernement radical, sourd à leurs revendications, des manifestations sont organisées chaque dimanche à l’appel des comités de vigilance viticole de Marcellin Albert (1851-1921). Le 24 mars, les vignerons sont 300 à Sallèlesd’Aude, le 5 mai 80 000 à Narbonne, le 9 juin 600 000 personnes défilent à Montpellier. Les maires de 328 communes de l’Hérault, de l’Aude, des PyrénéesOrientales démissionnent. Pour toute réponse, George Clémenceau (1841-1929), « qui pense à tort qu’une révolution réactionnaire est en route », explique le journaliste Bernard Revel, envoie la troupe. Les 19 et 20 juin, celle-ci tire sur la foule à Narbonne, faisant six morts et une trentaine de blessés parmi les manifestants. A Perpignan, des viticulteurs incendient la préfecture et, à Béziers, le 17e régiment d’infanterie, principa-

lement composé de conscrits de la région, se mutine. Pour l’écrivain Jean-Pierre Juge, dans son livre “Le Midi du vin. De la crise à l’ambition”, cette révolte a eu pour conséquence « la promulgation d’une loi contre la fraude qui a donné un véritable statut au vin ». Elle a aussi donné un coup de fouet à la coopération viticole et débouché sur la création de la Confédération générale des vignerons (CGV). Un syndicat qui, en 1945, met en place les comités de salut viticole, ancêtres des comités d’action viticoles (CAV). Déjà, ils ont pour mission de faire monter la pression sur le terrain quand les négociations bloquent à Paris.

En 1907 les vignerons défilent chaque dimanche, le 9 juin, à Montpellier, ils sont 600 000 à manifester Dans les années 1970, ces comités, plus ou moins apolitiques, se positionnent nettement à gauche, sous l’influence des mouvements occitanistes comme le Mouvement d’intervention des vignerons occitans (Mivoc) de Jean Huillet1, président de la cave viticole de Valros (1983-2006), qui entretient, lui, des liens avec les séparatistes basques et corses. Cet activisme viticole culminera lors

du blocus de Sète fin 1975 puis s’éteindra le 4 mars 1976 à Montredon (Aude). Ce jour-là, 3 000 viticulteurs bloquent un pont dans ce village près de Narbonne pour obtenir la libération de deux des leurs arrêtés après une opération menée contre un négociant de l’Ain. La tension est extrême lorsqu’une fusillade éclate. Joël Le Goff, commandant de CRS, tombe le premier. Quelques minutes plus tard, le viticulteur Emile Pouytès s’effondre, à son tour. Au lendemain de ce drame, des hommes comme Emmanuel MaffreBaugé engagent la viticulture languedocienne sur le (difficile) chemin de la qualité. Un quart du vignoble sera arraché. Il faudra dix années d’efforts et encore de nombreuses manifestations en pour obtenir les premiers résultats. Au début des années 1990, des bouteilles de la région font enfin leur apparition sur les tables des grands restaurants. Mais le “miracle languedocien” ne résout pas tous les problèmes. Pour des raisons souvent économiques et parfois culturelles, on continue à produire du vin, qui alimente les cantines et les rayons premiers prix des magasins. Ce sont des vins de table et certains vins de pays qui aujourd’hui subissent de plein fouet la concurrence des produits du nouveau monde. « En un siècle, résume Jean Huillet lors d’une nouvelle crise en 2006, la viticulture régionale a connu trois crises d’adaptation. Adaptation au marché national en 1907, au marché européen dans les années 1970 et, hélas! au marché mondial aujourd’hui. » A.G.

1 Fils d’une directrice d’école et d’un inspecteur des impôts, Jean Huillet est un viticulteur et un syndicaliste agricole.


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En 1907, le leader Marcelin Albert est porté en triomphe par les vignerons du Midi viticole qui manifestent dans les rues de Montpellier, Narbonne, Béziers... contre la politique du gouvernement Clémenceau. Dans les années 70-80, l’histoire se répète : Emmanuel Maffre-Baugé est alors l’un des chefs de file de ce mouvement avec les Comités d’action viticole (CAV) qui prendront pour cible les négociants et particulièrement ceux de Sète.

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Vigneron, syndicaliste, député, écrivain

e nom d’Emmanuel MaffreBaugé a été gravé aux frontons de l’école primaire de Bélarga et du collège de Paulhan, deux communes qui se font face de part et d’autre de l’Hérault. S’agissait-il d’honorer le bouillant syndicaliste vigneron, l’écrivain occitan truculent, le surprenant député européen ? Le bonhomme a porté les trois chapeaux, à contre-emploi mais avec faconde. Petit-fils du poète occitan Achille Maffre de Baugé, élevé dans une famille de la bourgeoisie catholique et royaliste, formé sur les bancs du rigoureux collège de Sorèze (Tarn), Emmanuel Maffre-Baugé (1921-2007) aura été le plus flamboyant des leaders viticoles des années 1960-1980 et le plus improbable des députés européens communistes (1979-1989) avant d’écrire entre 1976 et 2003 sept livres, dans lesquels ses mots sont comme des enluminures aux récits familiaux et syndicaux. A l’occasion de la parution de son premier ouvrage, “Vendanges amères” aux éditions Jean-Pierre Ramsay, il avait donné un long entretien à Jacques Chancel et il était passé sur le plateau “d’Apostophe”, l’émission de Bernard Pivot. Les talents d’orateur et de conteurs de l’homme étaient immenses. Sa rhétorique a subjugué des foules énervées et conquis des lecteurs passionnés. Pourquoi ? Il avait tout pour être heureux — une bonne terre, des vignes saines, une solide exploitation, une

belle famille. Il s’est retrouvé sur les barricades coude à coude avec des casseurs, dans les trains de nuit pour Paris, dans les antichambres des ministres, avec les RG sur le dos. Il y avait le feu dans le Midi viticole et Emmanuel Maffre-Baugé ne savait pas s’il fallait éteindre ou alimenter cette flambée de colère et de violence. Il hurlait une forme de désespoir, tel un dinosaure à l’agonie. Jusqu’à ce que l’affrontement de Montredon-des-Corbières n’eut provoqué

Un tribun à la rhétorique capable d’enflammer les foules vigneronnes la mort d’un vigneron et d’un officier de CRS. Une limite avait été franchie. Il fallait que tout change pour que rien ne change, selon l’expression du prince Salina dans “Le Guépard”. C’est ce qui allait se passer. La viticulture, contrainte et forcée, non sans quelques autres convulsions, allait bien passer d’une politique séculaire de quantité à une politique de qualité. Curieusement, Emmanuel MaffreBaugé se mit alors hors-sol. L’homme de droite, élevé dans la rigueur de l’orthodoxie catholique, foncièrement conservateur, écœuré par les débordements de mai 1968, n’espèrera plus qu’en cheminant à l’aveuglette vers la gauche avec une dialectique hésitante : il faudrait adapter le droit

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Emmanuel Maffre-Baugé

de propriété, il faudrait organiser la production dans le cadre de véritables offices, il faudrait mettre au pas un négoce trop préoccupé de ses intérêts financiers, il faudrait arracher l’Europe aux griffes des affairistes, il faudrait redonner à l’homme sa dignité... Cet itinéraire qui le conduira de 1979 à 1989 sur les bancs communistes au Parlement européen, Emmanuel Maffre-Baugé ne le suivit pas sans hésitations ni tourments. Il les conta dans ses livres en “brodant” chaque fois un peu plus sur une histoire ressassée d’un Sud asservi par le Nord : Simon de Montfort et les touristes envahisseurs de Hollande, d’Allemagne ou d’ailleurs au nord ; le vin naturel et les pinardiers trafiquants ; la violence et les “flics-prétoriens de la capitale”... Tant pis si la réalité historique et économique n’était pas celle-là. La vocation pinardière du Midi avait coïncidé avec un stade de développement industriel du pays : le Midi a fourni un “aliment” nourrissant et abrutissant au prolétariat urbain. Les choses ont changé. Cette “vocation viticole” n’était plus aussi évidente. Le reconnaître aurait été accepter le changement. Jusqu’au bout Emmanuel Maffre-Baugé a préféré une légende toute peuplée de gentils dirigeants professionnels bien honnêtes, de braves viticulteurs un peu soupe ou lait mais pas méchants et de technocrates assoiffés de pouvoir, de ministres impuissants, incapables ou menteurs. A.G.

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André Clauzel, un homme de savoir-faire

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La Gentiane de Cette, un apéritif dont la maison ClaracClauzel avait vendu jusqu’à 100 000 bouteilles par an, avait disparu des étagères des bars de “l’Ile singulière”. Elle y est revenue discrètement à la faveur de l’édition 2014 d’Escale à Sète, la fête des traditions maritimes. C’est André Clauzel, dernier d’une lignée de vermouthiers implantée à Sète depuis près d’un siècle, qui en a eu l’idée. « On avait une recette originale (secrète bien sûr) de la racine récoltée dans le Massif-Central, par macération et non par distillation. On a pensé que cela pouvait de nouveau intéresser les amateurs. » Le propos est celui d’un homme qui voit loin et vise juste, la métaphore d’une vie. Ses bacs en poche (il y en avait deux à l’époque) il fait savoir à son père qu’il ne veut pas poursuivre d’études et qu’il veut commencer à travailler. Le valet de chambre descend sa valise sur le trottoir et lui souhaite bonne chance. Il en a. Il se place dans une brasserie puis rapidement dans le prestigieux restaurant Laurent. Cette carte de visite la conduit directement au mess de l’amirauté quand il est incorporé. Lui ne rêve que de naviguer. Ce qui pour beaucoup serait une punition est pour lui une faveur que lui fait un amiral. Il découvre le monde pendant deux ans. Libéré, il part faire les vendanges dans un immense domaine de la Nappa Valley en Californie. Le propriétaire est d’origine italienne. Il repère rapidement le petit blanc parmi les Chicanos. Il s’avère que ce Français n’ignore pas grand-chose de l’élaboration et du commerce des vins, sciences qu’il a acquises sur le tas dans l’entreprise familiale Clarac-Clauzel. Il va mettre ses connaissances au service de ce patron. Bientôt les vins californiens couleront sur la côte Est et dans la région des Grands Lacs grâce aux contacts de sa famille dans le négoce local. Il devient tellement indispensable dans la gestion du domaine que le propriétaire pense le marier à une de ses f illes. Un appel téléphonique lui apprenant que les jours de son père sont comptés à la suite d’un terrible accident de la route le ramène en France. Le père ne meurt pas et le f ils entre dans l’affaire familiale de vins doux et de vermouth pour n’en plus partir, même pas à la retraite.

Il faut fouiller dans les tréfonds d’internet pour trouver la trace de la maison Clarac-Clauzel que certains “annuaires électroniques” situent encore quai François-Maillol à Sète alors qu’elle se trouve depuis 2008 à Rivesaltes sous la dénomination Compagnie vinicole des Rivesaltes qui élabore des vins doux naturels, des vins de liqueurs et des vins d’apéritifs et qui fait partie du groupe de vins et spiritueux La Martiniquaise1, le deuxième du secteur derrière Pernod-Ricard. « Il y a eu un virage à prendre à la f in des années 60. La plus part des négociants en vin qui faisaient du vrac n’ont pas su ou pu le prendre. Les négociants en apéritifs et en vermouths se sont mieux adaptés mais en acceptant de se fondre dans des groupes de taille mondiale. Il y a aujourd’hui quatre maisons au monde qui distribuent du porto, dix fois moins qu’il y a trente ans. Seul le savoir-faire n’a pas été dilué. Apportezmoi un apéritif de n’importe où, on peut le refaire ! » Les assemblages, les macérations, les mutages, les coupages n’ont jamais eu de secret pour la maison Clarac-Clauzel. « Lors d’une réunion dans un domaine en Camargue, une amie a mélangé du jus de pamplemousse avec du vin rosé. C’était audacieux mais intéressant. J’ai demandé au laboratoire de stabiliser le mélange, de contrôler l’acidité. Trois mois après le rosé-pamplemousse était sur le marché. » se souvient André Clauzel. « Les gens n’ont plus envie de boire les mêmes choses que leur grand-mère. En cinquante ans, Byrrh est passé de 5,5 millions de bouteilles à 500 000. Les goûts ont changé. Certains produits devront peut-être se faire oublier pendant dix ans avant de pouvoir tenter de repercer. En attendant il faut aller chercher des marchés là où il y a de nouveaux clients, comme en Chine, même si c’est parfois très diff icile de mettre en place un réseau de distribution adapté. Il faut avancer pas à pas, prudemment. Mais c’est excitant. » A.G. 1 La Martiniquaise détient les marques de rhum La Martiniquaise, Negrita, Dillon, Old Nick, Depaz, Saint-James, Charrette, les pastis Casanis, Duval, Anis gras, les whiskies Label 5, Glen Turner, Old Virginia, Sam Barton, le porto Porto Cruz, la vodka Poliakov, la gentiane Avèze, le gin Gibson’s et aussi Dauré, Olympio, la tequila Tiscaz, le cognac Courcel, les armagnacs Ducastaing et Saint-Vivant, les calvados Busnel et Preaux, le punch Old Nick.

Lors des fêtes de la Saint-Louis les vieux Sétois aiment à trinquer avec la Gentiane de Cette, créée par la maison Clarac-Clauzel, qui a refait son apparition sur les étagères des bars.

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Entretien avec Edouard Préau

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ne discrète plaque noire sur la façade d’un bâtiment blanc. La société Préau & compagnie a quitté le quai d’Alger en 1985 pour s’installer là dans les anciens locaux de l’armement Larry, route de Montpellier. Une photos du lancement du “Clerville” (lire par ailleurs) accrochée dans le sas d’entrée rappellent la vocation initiale de l’immeuble. Dans le bureau du nouveau maître des lieux, Edouard Préau, un autre cliché jauni témoigne d’une époque révolue : devant un impressionnant tas de dames-jeannes des femmes et des hommes en blouses de travail posent pour la postérité autour de François Fabre, fondé de pouvoir en veston cravate de la maison Herber-Préau. « Dans les années 50, après le travail, les employés restaient pour remplir de

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Le dernier négociant indépendant

vin ces bonbonnes de 25 litres qui partaient en bateau pour l’Afrique noire francophone.

On expédiait comme ça au moins 8 000 hectolitres avec deux ou trois bateaux par semaine », se souvient Edouard Préau qui, contre vents et marées, maintient en activité l’entreprise fondée par son père Marcel (lire par ailleurs). « Des armateurs qui transportent du vin il y en avait trois, il n’en reste qu’un. Des négociants, il y en avait une dizaine rien que sur le quai d’Alger ; je suis le dernier indépendant, Grand Sud Vins appartient au groupe Taillan et Skalli à la maison bourguignonne Boisset. »

Edouard Préau a commencé à travailler dans l’affaire de son père en 1976. L’année suivante le Syndicat des négociants en vin de table avait réuni les transporteurs et les courtiers dans un établissement de Frontignanplage, le Black Pirate. « Il n’y avait plus une chaise disponible pour s’asseoir. Si on faisait la même réunion aujourd’hui, on se contenterait de réserver une table pour quatre. » s’amuse Edouard Préau. • Comment le négoce du vin a-t-il été quasiment effacé du paysage d’une ville qu’il avait pourtant fortement marqué de son empreinte ? La consommation de vin a radicalement changé. En 1976, les Français de plus de 15 ans buvaient près de 120 litres de vin par an. Il s’en consomme trois fois moins aujourd’hui. Les consommateurs réguliers (5 à 7 fois par semaine) représentaient plus


de 50% de la population, ils ne sont plus que 17% tandis que la proportion de non consommateur a évolué à l’inverse passant de 19% à 43%. Le premier facteur ayant contribué à l’effondrement du négoce est d’ordre sociétal : les gens boivent moins et de meilleure qualité. Le second facteur a été la radicale mutation de la distribution. Au plus fort de la consommation les gens allait acheter leur litre en bouteille 6 étoiles consignées dans l’épicerie au coin de la rue. Maintenant 80% du vin est fourni aux consommateurs par les enseignes de grande distribution. Autre temps, autres mœurs ! • Comment la société Préau a-t-elle fait face à ces bouleversements ? Quand il a été clair que le métier avait changé de façon irréversible, il aurait été possible de ne plus livrer du vin en vrac et d’installer des chaines d’embouteillage (on avait les étiquettes de nos marques de distribution comme Préor). Certains l’ont fait avec succès comme Jeanjean. Son implantation au milieu du vignoble lui donnait une légitimité à la faire. Ici ce n’était pas pareil. On n’a donc pas pris ce chemin qui aurait impliqué de lourds investissements. On a réduit

la voilure. L’entreprise qui comptait 25 salariés en 1976, n’en a plus que 3,5. C’est suffisant pour traiter les 50 clients que nous avons conservés sur plus de 300 et les 75 000 hectolitres que nous distribuons contre 250 000 à l’époque. • Le vignoble régional s’étant reconverti en appellations de pays (IGP) ou d’origine protégée (AOP), d’où viennent maintenant les vins de table et qui les consomment ? Ces vins intéressent l’industrie agroalimentaire pour les plats cuisinés ainsi que des marchés en Orient, Chine et Indochine. Et il reste sur des zones touristiques particulières comme la Savoie des distributeurs. Le plus important est d’être réactif. Ces vins n’arrivent plus dans les 3 ou 4 pinardiers qui se mettaient à quai en 1976, d’ailleurs sur les trois armateurs qui assuraient alors transit il n’en reste qu’un, Biron. Désormais le vin arrive du Sud de l’Italie ou de l’Espagne (ils sont très concurrentiels) en camion citerne de 1 000 hectolitres. • Le travail du négociant ne se borne pas à acheter pour vendre ? Le choix des vins ne se fait pas à l’aveugle. Je reçois des échantillons

dont je teste les qualités organoleptiques avant de les faire analyser par un laboratoire. Une fois sûr que la qualité correspond à ce que j’attends, je prends livraison et je décide alors si le vin sera revendu en l’état ou s’il sera assemblé avec un autre pour correspondre à une demande précise. • Quel avenir pour le vin ? La consommation baisse inéluctablement de 3 à 4% par an en France. Cela ne veut pas dire qu’on finira pas ne plus boire de vin. Cela veut dire qu’il faut être attentif aux nouveaux modes de consommation. Or les viticulteurs français ont tendance à s’endormir sur leurs lauriers. La montée en qualité c’est très bien sans résoudre tous les problèmes. Les pays qui s’ouvrent au vin comme l’Australie ou l’Afrique du Sud et l’Argentine ne connaissent pas le carcan administratif qui est imposé ici. On a une attitude très passéiste et protectionniste. Pourquoi, par exemple, la réduction du degré alcoolique n’est pas autorisée quand il devient de plus en plus délicat de boire des vins titrant basiquement 14 ? PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN GIRAUDO

Dans les années 50, après leurs heures de travail, les employés de la maison Préau remplissaient les bonbonnes de vin qui partaient 2 à 3 fois par semaine du quai d’Alger pour être acheminés par bateau vers l’Afrique noire francophone. (Archives Préau)

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Bibliographie

• “Histoire de Sète” ouvrage dirigé par Jean Sagnes (éd. Privat) 1991 •“Naissance et croissance d’un port Sète de 1666 à 1880” par Louis Dermigny (actes de l’Institut d’études économiques, maritimes et commerciales de la ville de Sète) 1955 •“Cette et son commerce des vins de 1666 à 1920 (essai d’histoire économique)” par Jean-Louis Cazalet (imprimerie Firmin et Montane Montpellier) 1920 •“L’essor du port de Sète” par Max Daumas (in L’information géographique volume 24 n°4) 1960 •“Le vin en Languedoc-Roussillon, de la tradition aux mondialisations XVIe – XXe siècle” par Geneviève Gavignaud-Fontaine et Gilbert Larguier (éd. Trabucaire) 2007 •“Vendanges amères” par Emmanuel Maffre-Baugé (ed. J.-P. Ramsay) 1976 •“Emmanuel, une terre qui s’écrit ” par Anne Maffre-Baugé (éd. Les Presses littéraires) 2014 •“1871-1975” compilation de documents sur l’histoire du syndicalisme viticole par Louis Teissier, porte parole des Comités d’action viticole, 1999 •“Pied marin, pied à terre – Le travail des hommes sur le port Sète, Frontignan, Bassin de Thau” ouvrage collectif édité par l’association Histoire et vie étonnante d’un port, 2003 •“Noilly Prat, une entreprise oubliée (1843-1989)” par Roland Caty et Eliane Richard (n°14 de la revue Industrie en Provence ed. REF.2C) 2006 •“L’été sur les plages à Cette” guide publié par la Société des intérêts de Cette (Imprimerie et lithographie du commerce) 1913 •“La Tonnellerie sétoise : son histoire et son originalité de la fin du XVIIe au début du XXe siècle” par Georgette Birouste in la Revue d’archéologie de Sète et sa région vol.19 à 21, 1995 •”Le Midi du vin. De la crise à l’ambition” par Jean-Pierre Juge (étude brochée) 2002

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Remerciements Le Rotary Club Sète remercie tous ceux qui lui ont permis de réaliser la rédaction et l’iconographie de cette brochure consacrée à l’histoire du port de Sète, au négoce du vin et à la tonnellerie, et en particulier :

• Edouard Préau, André Clauzel, Anne-Marie Sonnier (fille de Louis Tessier, porte-parole CAV) • Olivia Cabal, Kelly Bevan, Jean-Louis Mastoro, Gilles de Beauchêne • Gérard Réthoré, Michel Sabatier • Le service communication de la ville de Sète Le président et les membres du RC Sète adressent aussi leurs vifs remerciements à toutes les personnes qui ont contribué à soutenir les actions du club à l’occcasion de la publication de cette brochure et lors de manifestations

• Les annonceurs qui ont souscrit une insertion publicitaire • Les dons de particuliers : Hexis, François Garcia, la Boulangerie Soro

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Le premier Rotary Club a été réuni en 1905 à Chicago par un jeune avocat, Paul Harris, qui souhaitait que les acteurs de chaque groupe professionnel agissent ensemble dans un esprit de camaraderie et de bonne volonté pour servir ceux qui en ont besoin. Le Rotary est aujourd’hui une organisation mondiale de plus 1,2 million de membres issus du monde des affaires, des professions libérales, de la société civile. Les membres des Rotary clubs, appelés Rotariens, apportent un service humanitaire, encouragent l’observation de hautes normes éthiques dans le cadre professionnel, et aident à développer bonne volonté et paix à travers le monde. Le Rotary compte plus de 34 000 clubs répartis dans plus de 200 pays dont près de 1 100 clubs en France. Les clubs sont apolitiques, non religieux et sont ouverts à toutes cultures et croyances. La devise du Rotary, Servir d’abord, indique bien que son objectif principal est le service à autrui, dans les collectivités, sur les lieux de travail et à travers le monde. Le Rotary s’attache particulièrement à promouvoir la santé en soutenant la recherche sur les maladies du cerveau, en participant de manière active à l’éradication de la polio et en favorisant l’accès à l’eau potable dans les régions les plus défavorisées. Le Rotary entend également aider au rapprochement des peuples par le travail en commun sur des actions d’intérêt local ou international, par des échanges d’étudiants et de professionnels, par un soutien aux populations victimes de catastrophes naturelles ou humanitaires et en luttant contre l’illettrisme et l’exclusion. Le Rotary Club de Sète1 s’inscrit résolument dans cette perspective. Il a fêté ses 80 ans en 2011. Il est le plus ancien club service de l’Hérault. Avec « Espoir en Tête », il participe au financement des recherches sur les maladies du cerveau. Avec les « Entretiens d’embauches », il initie les élèves du lycée Joliot-Curie aux entretiens d’embauche. Avec la « Banque alimentaire », il collecte des denrées de premières nécessités pour les plus démunis. Avec « Mon sang pour les autres », il aide l’Etablissement français du sang dans les campagnes de dons. Depuis 1972, le RC Sète Doyen participe aussi à la sauvegarde de l’abbaye Saint-Félix-de-Monceau qui est un

ROTARY CLUB SèTE DOYEN

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n°11052 District 1700. Siège: Grand Hôtel 17, quai du Mal-de-Lattre-de-Tassigny 34200 Sète - France Réunions : 1er et 3e jeudis du mois, apéritif à 19 heures 2e et 4e jeudis du mois, dîner à 20 heures 5e jeudi du mois, dîner mixte à 20 heures. Site internet : rotarysete.ning.com. Courriel : rotary7doyen@gmail.com.

des trésors médiévaux de l’agglomération sétoise. Depuis 2006, le Rotary Club de Sète édite une brochure dont les bénéfices, cumulés avec ceux tirés d’actions mises en œuvre par le club pour recueillir des fonds, permettent de financer des actions d’utilité locales et internationales. Le club a ainsi : •contribué à la formation d’un chien d’aveugle; •participé à l’achat d’un chariot spécifique permettant aux handicapés de prendre des bains de mer ; •doté les couveuses du service de néonatalogie de l’hôpital de Sète de webcams, permettant ainsi aux parents d’enfants prématurés de rester en permanence en contact avec leur bébé ; •financé un défibrillateur automatique aux Pergolines, établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes de Sète ; •fourni des ordinateurs portables à des élèves sétois en difficultés ; •accueilli deux étudiants américains et envoyé aux Etats-Unis une lycéenne sétoise pour une année scolaire ; •créé et électrifié une école dans un village malgache et électrifiéun village laotien ; •acheté des containers de survie pour Haïti ; •financé un jeu de voile pour l’équipage du Lycée de la mer Paul-Bousquet engagé dans le Défi des ports de pêche ; •favoriser l’opération en France d’une petite malienne souffrant d’une malformation congénitale atrophiante d’un pied, •apporté un soutien financier régulier à des associations sétoises qui accompagnent des personnes en difficulté sociale, des personnes handicapées et des personnes hospitalisées ou en fin de vie (La Croix Rouge, Les Blouses Roses, Seamen’s club, etc). La brochure 2015, retrace l’histoire du port de Sète, du négoce des vins et de la tonnellerie de la fondation de la ville à nos jours. Les fonds recueillis auprès des annonceurs ont contribué aux financement des actions du club au cours de cette année 2014-2015. 1 Un second Rotary Club, le RC Sète Bassin de Thau a été créé en 1992, son siège social est à l’hôtel l’Orque Bleue.

SOUTIEN AU ROTARY

Les personnes qui après avoir consulté cette brochure souhaiteraient prendre contact avec le Rotary Club de Sète ou soutenir le club ou la Fondation Rotary sont invitées à adresser leur courrier à l’adresse suivante : Rotary Club de Sète Le Grand Hôtel 17, quai du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 34200 Sète

Les chèques de soutien sont à établir à l’ordre du Rotary Club Sète




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