Ma première grande voie à Seloge avec François

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A Seloge, ma première grande voie avec François


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Tracé de la voie Où ES-TU MAEVA

R7 • R6 • R5

R4

4b

5b

descente à pied au chalet de Seloge

4c

R3 • 5b+ 5b+

•R2 4b R1

• 5b+ chalet de Seloge

Chapieux


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Normalement je dors jusque vers 8 heures. Ce matin-là, je me suis réveillé une première fois vers 6h30. J’avais passé une nuit agitée parce que nous avions rendez-vous à 9h30 dans une brasserie de Bourg-Saint-Maurice, le Tonneau, avec François Diaferia, le guide qui doit me faire escalader ma première grande voie. Je me suis relevé à 7h30. Et mon grand-père est venu tirer les rideaux de la chambre une demi-heure après comme il avait été convenu la veille. Mima nous a préparé le petit-déjeuner, un grand bol de céréales avec du lait et des tartines. Je n’ai pas voulu de jambon ni de fromage. J’étais un peu nerveux. La perspective de l’ascension bien sûr, mais aussi celle de la descente en voiture dans la vallée : les cachets homéopathiques de maman ne sont pas très efficaces contre la nausée que j’ai dans les virages. Il y avait eu de l’orage ces derniers jours après les grosses chaleurs d’août mais aujourd’hui le ciel est limpide et la température fraîche. J’enfile un pantalon et un gilet par-dessus un t-shirt à manches longues. J’ai enlevé les dégaines de


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mon sac d’escalade où il ne reste que mon baudrier, mes chaussons et mon sac de magnésie ainsi qu’une gourde et des biscuits. Mon grandpère a mis dans son sac de randonnée le piquenique préparé par Mima, des sandwiches jambon-saucisson-cornichons, des tomates, des œufs durs, des lamelles de beaufort. Il a aussi pris des vêtements de rechange et de l’eau. Nous sortons du parking à 9 heures. Grand-père conduit doucement, mais ce que je craignais se produit. Une fois passé le rond-point du McDo, à l’entrée de Bourg, je n’y tiens plus et je lui demande d’arrêter. Et splash… Le lait que j’avais avalé au petit-déj se retrouve sur le trottoir. Nous sommes seulement à quelques dizaines de mètres du point de rendez-vous, un peu avant le rond-point en face de la coopérative de Beaufort et du parking de la gare. Le guide avait indiqué un parking sur le côté à Papi, mais le panneau à l’entrée le dissuade de se mettre là. Il va se poser momentanément à côté de la coopérative. Nous traversons pour retrouver le guide qui est attablé comme prévu à la terrasse de la brasserie


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presque déserte à cette heure encore matinale. Un tour par les toilettes, une grenadine, Ça va mieux ? Ça va. Papi gare la voiture le long de la route que nous allons prendre en direction du Cormet-de-Roselend, bien connu des amateurs du Tour de France. On charge les sacs dans le 4x4 de François où je m’installe à l’arrière sur le rehausseur. Il faut que je fixe la route pour ne pas avoir mal au cœur sur cette route étroite qui tournicote, tournicote. On passe à Bonneval devant un bâtiment en ruines, les restes d’un projet d’hôtel thermal qui n’a jamais été achevé, avec, de l’autre côté de la chaussée, la carcasse de ce qui devait être une piscine. Quelques kilomètres plus loin, alors que François et Papi parlent de leurs différents périples aux Etats-Unis, je demande un autre arrêt d’urgence. Je saute du 4x4 et je trotte dans un petit chemin qui se faufile entre les noisetiers. De l’épingle à cheveux où la voiture est stationnée, on a une vue superbe sur le mont Pourri et l’aiguille Rouge auxquels les glaciers font comme des écharpes.


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Au bout d’une dizaine de minutes, on peut repartir. François explique qu’il gère le refuge Robert-Blanc pour la compagnie des Guides et qu’il y a un très bon gardien maintenant. Il explique aussi qu’il a tracé et équipé le sentier qui va du refuge au col de la Seigne, une variante du tour du mont Blanc qui a permis d’augmenter sensiblement le nombre de nuitées du refuge. Papi qui a fait le TMB il y a quelques années, demande des précisions sur cet itinéraire baptisé Thomas-Roques qui est ponctué de franchissements un peu délicats ayant nécessité l’installation de chaînes et d’une passerelle. On arrive aux Chapieux, une superbe vallée dominée par l’aiguille des Glaciers. Une nouvelle halte est nécessaire pour calmer une nausée qui passera rapidement. Il ne reste que deux ou trois kilomètres pour arriver au parking du lieu dit Seloge par une route assez vertigineuse (fermée aux véhicules particuliers pendant la saison estivale) qui longe à flanc de montagne une gorge large mais profonde au fond de laquelle on aperçoit les eaux vertes d’un lac de barrage.


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Un panneau indique que nous sommes à 1 800 m d’altitude. On sort les sacs et on répartit les affaires. François met dans le sien tout ce qui sera nécessaire pendant la course, dégaines, longes, vêtements, nourriture, eau… Je me mets en short et j’enfile mon baudrier à la ceinture duquel j’accroche mon sac de magnésie. François me donne un casque rouge qu’il a acheté la veille spécialement pour moi. Il y a collé dessus un très joli autocollant bleu du fabricant, Petzl. J’aimerai bien en avoir un pareil. Quand nous sommes prêts, François met la glène sur ces épaules et nous redescendons un peu la route pour prendre un sentier de chèvre qui va nous conduire au pied de la falaise. A l’embranchement un arrêté municipal du 10 mai 2000 est affiché sur un panneau de composite fixé à deux poteaux. Sous l’intitulé « Site de Seloge », est écrit tel que : « Ces sites d’escalade sont des terrains d’aventure. Ils sont soumis à l’érosion et aux aléas climatiques. Ceux-ci peuvent avoir des conséquences sur les points d’assurages et la solidité des rochers :


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Randonneurs et pratiquants de l’escalade : Attention une chute inopinée de pierres est toujours possible. Assurez-vous qu’aucun danger ne vous menace. L’escalade s’effectue sous la responsabilité des usagers eux-mêmes, à leurs risques et périls. Elle est interdite à ceux qui ne possèdent pas l’équipement d’escalade adéquat. En cas d’accident, appeler le No 18. Un poste téléphonique existe au hameau des Chapieux. » Sous ce texte il y a le logo Les Arcs Bourg Saint Maurice. Papi (déformation professionnelle oblige) dit que le panneau n’a pas été rédigé par un champion du monde de typographie. Il y a une grosse vingtaine de minutes de grimpette un peu vertige entre les rhododendrons et des arolles rabougris pour arriver à la falaise que le soleil réchauffe. François avance régulièrement avec une apparente lenteur, les bras croisés sur la poitrine, les yeux fixés sur le sol pour en déjouer des pièges éventuels. Je suis en jacassant. Papi est derrière, avec ses bâtons de randonnée. Après quelques lacets, on est au pied


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des grandes dalles de schiste grises moirées de jaune et de noir qui font un peu penser aux écailles de la carapace d’une grosse tortue. Quelle voie va-t-on faire ? Il y en a neuf. Leurs noms — « Même pas peuuur », « Petit caillou », « Père et fils »… — sont écrits à la peinture rouge sur la roche avec des flèches qui indiquent la direction du premier spit. François explique qu’il a ouvert plusieurs voies sur cette falaise et que trois d’entre elles portent le prénom de ses petits enfants. Il sort le topoguide pour déterminer celle que nous allons faire. « Où es-tu Maeva », un peu plus loin sur la droite. Elle permet de ne pas redescendre en rappel. Elle est cotée de 4b à 5c. C’est la plus facile paraît-il. On y va. On mange un peu pour ne pas risquer de manquer d’énergie pendant l’ascension et on admire les Grandes Aiguilles de l’autre côté de la vallée. La lumière encore rasante à cette heure de la journée donne une intensité formidable aux verts et aux ombres. Je suis heureux d’être là, je ne voudrais pas être ailleurs.


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Nous sommes prêts. François me rappelle le fonctionnement du « grigri » pour avaler ou bloquer la corde et m’indique comment je devrai procéder pour m’assurer aux relais entre chaque longueur ; il me rappelle aussi qu’il faudra que je récupère les dégaines en passant aux points d’encrage. OK ! Avant d’attaquer la paroi par la gauche du petit terre-plein où nous avons établi notre « camp de base », François demande à Papi d’attendre que nous soyons en haut du deuxième relais pour redescendre à la voiture prendre le sac de ravitaillement et de monter au sommet nous attendre. François m’a vu grimper le dimanche précédent pendant le concours d’escalade de la fête des guides mais il y a une grosse différence entre un mur avec des prises bien lisibles et une paroi naturelle. Les jambes comptent plus que les bras dans cette escalade. Il n’est pas sûr que je m’adapte à ces conditions. Il prévoit donc de rebrousser chemin rapidement avant que ça ne tourne à la galère. Papi approuve. Il photographie de début de l’ascension de François qui suit une fissure en légère


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oblique sur la droite. Bientôt il faut se casser le cou pour l’apercevoir. Il arrive au premier relais. C’est à mon tour. Il est 10h42. Je crois que je n’ai plus le trac, j’y vais. C’est du 5b+ mais ça passe sans mal. En moins de dix minutes je rejoins François. Il est rassuré, il crie à grand-père qu’il peut y aller, que ça va le faire. Papi commence à redescendre en prenant appui sur ses cannes. Je le reverrai trois heures plus tard, le temps qu’il va nous falloir pour aller au bout de « Maeva » puis rejoindre le chemin de descente. Donc je le fais. Le deuxième relais est le plus facile, 40 m en 4b, composé de petites dalles entrecoupées de vires herbeuses. En haute du troisième, 30 m en 5b-5c, on fait une petite pose, le temps de se mettre les doigts de pieds à l’air (ils souffrent, saucissonnés dans les chaussons d’escalade) et de grignoter un peu afin de reprendre des forces avant le quatrième relais où il y aura une longue traversée ascendante avant de pouvoir se poser dans un dièdre vertical. François me charrie, il m’appelle “cuisses de


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mouche“. On rigole. Il sera “cuisses de fourmi”. Le cinquième relais est le plus court, 25 m sur une dalle homogène. On fait une nouvelle pose. François dit que nous venons d’être survolés par un des gypaètes réintroduit dans la vallée mais je ne l’ai pas aperçu. En revanche j’entends les cloches des tarines qui paissent dans les alpages de l’autre côté de la vallée. Je reprends mon souffle. J’en aurai bien besoin pour aller au bout du sixième relais parce que là, la dalle est très lisse, et que je vais monter trop droit le long de la corde au lieu d’aller chercher des prises à l’écart. Bref, je « bugue ». Il faut que je demande de l’aide à François (que je ne vois pas à cause d’un petit surplomb) pour trouver une solution de contournement. Je suis content d’arriver au relais et encore plus que le septième et dernier, du 4b sur deux grandes dalles, ne soit pas trop physique. Je commençais vraiment à fatiguer. François m’attend sur la vire. Il m’encourage et me félicite. Je l’ai fait. Je suis le plus jeune garçon avec lequel il ait fait cette voie. Il reste une


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centaine de mètres pour arriver au chemin de retour qui court sur une sorte de terrasse. François m’encorde pour les faire. Papi qui a fait la sieste dans son poncho rouge en nous attendant, nous a entendus arriver. Il nous prend en photo. Puis nous nous installons pour pique-niquer. J’ai faim et soif surtout. Pendant que nous mangeons nos sandwiches, François nous indique, au-delà du col de la Seigne, vers l’ouest, le mont Blanc de Courmayeur, et la pointe de la Noire de Peutrey derrière l’aiguille des Glaciers, et à l’est, côté Beaufortin, la Nova et les aiguilles de Presset et du Grand Fond. Le paysage a changé de couleur à cause de la lumière qui est maintenant presque verticale. Il n’est pas loin de 14h30. Dans une demi-heure nous aurons rejoint le 4x4 de François même si en chemin je tombe (de fatigue) deux ou trois fois sur les fesses (la pente est rude) et si je cueille des chardons pour Mima. On fait la route en sens inverse. Je n’ai pas mal au cœur cette fois. En passant au Chapieux, François salue une dame âgée, l’ancienne patronne de l’au-


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berge de la Nova où il ne s’arrête plus depuis qu’il y a un nouveau gérant. On boira donc un coup une fois à Bourg-Saint-Maurice, là où on s’était retrouvé ce matin. François promet de m’envoyer des photos qu’il a prises pendant l’ascension et des autocollants. Il m’a déjà offert un mousqueton en haut de la voie. On est pote. Je lui dis que je voudrai ouvrir une voie “cuisses de mouche” avec lui dans la falaise. Il rigole et il dit à Papi qu’il a passé une très bonne journée. Mima appelle parce qu’il commence à se faire tard et qu’elle s’inquiète. François la rassure. On se sépare. Il va partir pour les Etats-Unis avec sa compagne. Nous on va retourner à Montpellier pour la rentrée des classes. Avant, Papi me demande de faire une petite rédaction, un résumé de la journée que je rédige au crayon. Lui fera le récit de mon cadeau d’anniversaire (dans sept semaines) un peu plus tard, pour accompagner ce petit livret. Macéo pcc Pidudu “Ma première grande voie” 27 août 2012


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