Carole BENZAKEN (extrait)

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Thierry Novarese

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SODIS : 718580 5

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9 782352 780649

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ISBN : 978-2-35278-064-9

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CAROLE BENZAKEN

T R A ’ D S

We met Carole Benzaken in her Parisian studio and we passed through Los Angeles, we swung through Japan, Korea and Benin before returning to Paris to travel up the St Martin Canal to track Marcel Carné. The space consists of a disorientation, in going from one place to another. This creative process has itself a space, the convergence that is the studio, the congruity that is the studio, where all the influences of her life meet.

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CAROLE

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R V A O N Y R H T E T S I

The book collection "Ateliers d'Artistes" (Artist Studios) aims to introduce the reader to the heart of the artist's creative work. To experience the work of one who invests forms and objects, to follow the artist's way of proceeding, to learn to read someone's art is the most valuable and most difficult of undertakings.This is what each of the books in this collection offers: documented with photographs, they reveal the atmosphere of a given place while relying on an interview to re-create the thought of an artist, painter or sculptor.

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Nous croyions rencontrer Carole Benzaken en son atelier parisien et nous avons traversé Los Angeles, fait un détour par le Japon et la Corée, le Bénin puis Paris, en suivant le canal SaintMartin sur les traces de Marcel Carné… L’espace posé dans un décalage, dans le passage d’un lieu à l’autre. Cette création possède elle-même un espace, atelier convergence, atelier congruence, où toutes les influences de sa vie se croisent.

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a collection de livres des « Ateliers d’Artistes » a pour objet d’introduire le lecteur au cœur de la création de l’artiste. Vivre le travail de celui qui invente des formes et des objets, en suivre la démarche, apprendre à lire son œuvre représente la plus précieuse et la plus difficile des entreprises. C’est ce que propose chacun des livres de cette collection : documentés de photographies, ils dévoilent l’atmosphère d’un lieu tout en s’appuyant sur un entretien qui restitue la pensée de l’artiste, peintre ou sculpteur.

P H O T O S : C A T H E R I N E

P A N C H O U T



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BENZAKEN I N T E R V I E W : T H I E R R Y P H O T O S : C A T H E R I N E

N O V A R E S E P A N C H O U T


Interview Thierry Novarese et Carole Benzaken Atelier de Carole Benzaken, Paris Conversation Carole Benzaken Studio of Carole Benzaken, Paris © 2009 Thalia Édition, Paris © ADAGP, Paris Éditeur : Publisher: Photographies réalisées par : Photographs taken by: Création graphique : Graphic design:

Thalia Edition, Paris

Catherine Panchout © 2009 Catherine Panchout Piero Brogi sxtn@free.fr

Corrections et relecture en français : French text proofreading:

Groupe Correctif, Boulogne Françoise Bertaux

Traduction et relecture en anglais : English text translation and proofreading:

Groupe Correctif, Boulogne Sylvia Tidwell

Remerciements : Acknowledgements:

Françoise Bertaux, David Bordes, Danielle Coulaud, Bertrand Huet, Sylvia Tidwell Remerciements à la Galerie Nathalie Obadia (Paris-Bruxelles) pour sa participation.

© Thalia Édition ISBN : 978-2-35278-064-9 : 718580 5 Imprimé en Italie par Grafiche Flaminia, Foligno Dépôt Légal : octobre 2009


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INTERVIEW

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BIOGRAPHIE

78 INDEX OF WORKS

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BIOGRAPHY

INTRODUCTION

INTRODUCTION

INTERVIEW

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INDEX DES ŒUVRES



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e met Carole Benzaken in her Parisian studio and we passed through Los Angeles, we swung through Japan, Korea and Benin before returning to Paris to travel up the St Martin Canal to track Marcel Carné. This is a reflection in terms of both space and time. The space consists of a disorientation, in going from one place to another, painting sheep in the French Auvergne region to show the immensity of the United States, a piece of meat roasting on a grill to evoke a heat wave…Temporality is presented as simultaneous, taking the image of the speed of the media to bring out a continuity of time that ordinarily escapes us, to take the place of the camera lens, placing oneself in the position of the cathode tube, turning a cinema into a painting, then a painting into a 35mm, and painting the successive nature of life in a scripture to unroll, depicting all the moment of an existence. The relation between the rolled up and the rolled out, the spool of life. Both figurative and abstract, realist and off the beaten track – it is difficult to box Carole into a style. This is an art of that which is moved, which means a shift in identities, a slippage in meaning. An artist not of disorientation taking one from near to far, but a reorientation that puts the far here. This creative process has itself a space, the convergence that is the studio, the congruity that is the studio, where all the influences of her life meet. Voyages proposed to elsewhere… and these are voyages that have an impact. Carole Benzaken's art is an invitation to perpetually question the certainties we are sensitive to, and if it draws this strength it is surely because the very life of Carole is aligned toward an extreme attentiveness to freedom and the refusal to be put in a box. The fullness of a body of work re-creating the essence of things by rocking our perceptions. The exploration of an image becoming, with her, the highest form of homage to the real. Thierry Novarese

INTRODUCTION

Thierry Novarese

INTRODUCTION

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ous croyions rencontrer Carole Benzaken en son atelier parisien et nous avons traversé Los Angeles, fait un détour par le Japon et la Corée, le Bénin puis Paris, en suivant le canal Saint-Martin sur les traces de Marcel Carné. Réflexion à la fois sur l’espace et sur le temps. L’espace posé dans un décalage, dans le passage d’un lieu à l’autre : peindre des moutons en Auvergne pour montrer l’immensité des États-Unis, une viande qui rôtit sur un grill pour dire la canicule… La temporalité présente sous la forme de la simultanéité : prendre l’image à la vitesse des médias pour faire ressortir une durée qui d’ordinaire nous échappe, prendre la place de l’objectif, se placer du côté du tube cathodique, transformer le cinéma en peinture, puis la peinture en 35 mm, et peindre la succession de la vie dans un rouleau nourri de tous les moments de l’existence. Rapport de l’enroulé au déroulé, bobine de vie. À la fois figurative et abstraite, réaliste et décalée, il est difficile d’enfermer Carole dans un style. Art du bougé, qui produit un glissement identitaire, un vacillement du sens. Artiste non du dépaysement qui va du proche vers le lointain, mais de l’« empaysement » qui met le « loin » là. Cette création possède elle-même un espace, atelier convergence, atelier congruence, où toutes les influences de sa vie se croisent. Proposition de déplacements… et il y a des voyages qui marquent. L’art de Carole Benzaken est une invitation à une perpétuelle remise en cause de nos certitudes sensibles, et s’il prend cette force, c’est certainement parce que la vie même de Carole prend la direction d’un extrême souci de liberté et d’un refus du cloisonnement. Plénitude d’un travail restituant l’essence des choses par le vacillement perceptif. L’exploration de l’image devenant avec elle la forme la plus haute d’hommage au réel.



Thierry Novarese: What is the place of the studio in your work, since what you create always goes beyond the physical confines of a place through photography, video, television… is it possible to say that the studio acts as its cutting room? Carole Benzaken: The studio plays a fundamental role; it is at once the space of my inwardness and a shelter. A cutting room? Certainly, since it is the place where I work out the outside from inside, where I can also create out of lack, out of remembrance, out of the image, and invent new forms in this way. In this place, I can feel free to do things as I wish, without confining myself or being confined within a genre, within a style. I am someone who improvises her life and her work, while at the same time a logic of meanings and trajectories pervades this work and this identity: it takes the shape of an extreme concern for freedom. I like to ignore where I’m going, including in an interview; to keep an element of unpredictability, it is necessary to dare to take some side roads. But it is indeed the studio that makes me grasp the notion of place; it is through its mediation that I understand it.

I AM SOMEONE WHO IMPROVISES HER LIFE AND HER WORK

JE SUIS QUELQU’UN QUI IMPROVISE SA VIE ET SON TRAVAIL

Thierry Novarese : Quelle est la place de l’atelier dans votre travail, étant entendu que votre création excède toujours les bornes physiques de l’endroit par la photographie, la vidéo, la télévision… ? Peut-on dire que l’atelier a pour fonction d’en être la salle de montage ? Carole Benzaken : L’atelier joue un rôle fondamental, il est un refuge en même temps que l'espace de mon intériorité. Salle de montage ? Certainement, car il est l’endroit où j’élabore du dedans le dehors, d’où aussi je peux créer à partir du manque, du souvenir, de l’image, et ainsi inventer des formes nouvelles. En ce lieu, je peux me sentir libre de faire les choses comme je le souhaite, sans m’enfermer ou être enfermée dans un genre, dans un style. Je suis quelqu’un qui improvise sa vie et son travail, en même temps qu’une logique de sens et de trajectoires traverse ce travail et cette identité : cette logique prend la forme d’un souci extrême de liberté. J’aime ne pas savoir où je vais, y compris dans un entretien : afin de se réserver une part d’imprévu, il faut oser prendre des chemins de traverse. Mais c’est bien l’atelier qui me fait saisir la notion de lieu, c’est par son intermédiaire que je la comprends.

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It is a peculiar space, an intimate one in that it allows several spaces to cross each other from the starting point of a decision I made; hence the cohabitation of elements that may appear contradictory from the outside, yet are but the multifarious aspects of what I am. This is a bit of a secret space for me, where the gestation of works begins and where it often ends. Hidden and open, matrical and interstitial; matrical, for it allows me to enter into gestation without the agitation and the disturbances of the outside world, and interstitial as the locus of the meeting and shaping of all the world’s influences and impressions. I cannot work amidst the world’s hubbub anymore than I can work without its inner echo. What takes me outside is woven at once by the subjective need of a moment of my life, by my body of work that leads me to this need, and always by a reflection, a picture, an idea… A relationship between a given space and a mobile mental space, a displacement between this protective space of the studio and my being that goes out or even into the distance. So I at once have a need for the outside, to move towards the other to meet him or her, and a need for the studio, as a space to give shape to the outside.

IT ALLOWS SEVERAL SPACES TO CROSS EACH OTHER

11 IL PERMET À PLUSIEURS ESPACES DE SE CROISER

C’est un espace particulier, intime en cela qu’il permet à plusieurs espaces de se croiser à partir de ma seule décision, dans lequel cohabitent des éléments qui peuvent paraître contradictoires de l’extérieur, mais qui sont les aspects multiples de ce que je suis. C’est pour moi un lieu un peu secret, où la gestation des œuvres commence et souvent s’achève. Caché et ouvert, matriciel et interstitiel : matriciel car il me permet d’entrer en gestation sans l’agitation et les perturbations du monde extérieur, interstitiel comme lieu de rencontre et de mise en forme de toutes les influences et impressions du monde. Je ne peux pas travailler dans le bruissement du monde, en même temps que je ne peux travailler sans son écho intérieur. Ce qui me porte au-dehors est tissé à la fois par le besoin subjectif d’un moment de ma vie, et aussi par le corpus de mon travail qui me conduit à ce besoin, et toujours par une réflexion, une image, une idée… Relation entre un espace donné et un espace mental mobile, déplacement entre cet espace protecteur de l’atelier et mon être qui se porte vers le dehors sinon vers les lointains. J’ai donc à la fois besoin de l’extérieur, de me déplacer vers l’autre, de le rencontrer, et besoin de l’atelier, comme espace de mise en forme de l’extériorité.


THE SEEDS THAT GERMINATE INTO ECHOES EVEN IE

DES GRAINES QUI GERMENT EN ÉCHOS JUSQE

Relation de voyageur dans le déplacement entre un espace qui me protège du monde et mon être qui se porte vers le monde. Car c’est la présence vitale du monde extérieur qui me fait paradoxalement me réfugier dans mon atelier pour y planter des graines qui germent en échos jusque dans ma vie. Ce qui explique que peu de gens entrent ici, car en tant qu’espace protégé il recouvre une dimension antisociale. Et si cet entretien peut être l’occasion d’y faire entrer les lecteurs, il ne s’agira pas, bien sûr, de tout révéler, mais de permettre au moins un certain voyage. Car l’art est un moyen et non une fin, moyen de transport qui autorise le déplacement vers l’autre et vers moi-même.

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A traveller’s relationship in the motion between a space that protects me from the world and my being that goes out towards the world. For it is the outside world’s vital presence that paradoxically makes me find shelter in my studio to plant there the seeds that germinate into echoes even in my own life. Which explains that few people enter here: as a protected space, it includes an antisocial dimension. And if this interview can be a chance to let the readers in, it will of course not be a matter of telling all, but of also allowing a certain journey to take place. For art is a means and not an end, a means of transportation that authorises motion towards the other and towards myself.



LA VIE EST PLUS FORTE QUE L’ART

Tout le mouvement de la peinture est dans ce paradoxe du besoin de sortie vers l’autre qui ne peut se produire qu’à partir d’un dedans qui est sa négation. Alors entrer en soi devient effectivement le moyen de la rencontre possible avec autrui. Tous mes ateliers ont été la condition de faisabilité de ce voyage et de cette découverte qui excède certainement les pouvoirs de l’art, car la vie est plus forte que l’art. Il suffit de voir un enfant, son infinie plasticité dans les expressions et les mouvements pour comprendre que cette force est tout entière dans cette vie en mouvement que nous ne tentons désespérément de saisir que parce qu’elle nous échappe toujours.

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LIFE IS STRONGER THAN UKKEFS JKK FELM

The whole movement of painting is within this paradox of the need to come out towards the other that can only happen from a within that is its negation. So entering into oneself indeed becomes the means of a possible encounter with someone else. All my studios have been the condition of possibility of this journey and of this discovery that certainly exceeds the powers of art, for life is stronger than art. It is enough to see a child, the infinite plasticity in his expressions and movements, to understand that this force is wholly bound up in this life in motion that we so desperately attempt to grasp precisely because it always already eludes us.

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You say “my studios”; can you tell us about them? My first studio was located at Kremlin-Bicêtre in Paris, it was just a year before the end of my studies at the Beaux-Arts. It was splendid, old with bay windows. I remained there 7 years, from 1989 to 1996. I remember it as the moment of learning to be alone as well as that of the management of a daily life. The studio was located on the edge of a highway; I would wake up at night hearing the accidents, by day the aural omnipresence of the flow of vehicles was combined with the visual stimulation of advertising billboards and the towers of the 13th arrondissement facing it. Vibrations too, as though a monstrous force were hiding within the walls; I was within the motor of the city, as it were. And then, by way of introduction to this new place, my first trip to New York. There “I come across” Edward Hopper, at a retrospective of his work at the Whitney Museum. I had come to steep myself in the great American history of 1950s abstraction, and I suddenly found myself immersed in classical painting where the representation of the modern world is located within an extraordinary timelessness.

I WAS WITHIN THE MOTOR OF THE CITY

EN QUELQUE SORTE DANS LE MOTEUR DE LA VILLE

Vous dites « mes ateliers », pouvez-vous nous parler d’eux ? Mon premier atelier se situait au Kremlin-Bicêtre, près de Paris ; c’était juste une année avant la fin de mes études aux Beaux-Arts. Il était superbe, ancien, avec des verrières. J’y suis restée sept ans, de 1989 à 1996. Je m’en souviens comme le moment de l’apprentissage de la solitude en même temps que de celui de la gestion d’une vie quotidienne. L’atelier se trouvait en bordure du boulevard périphérique : la nuit, il y avait les réveils nocturnes causés par les accidents ; le jour, l’omniprésence sonore du flot des véhicules s’ajoutait à la stimulation visuelle des panneaux publicitaires et des tours du 13e arrondissement qui lui faisaient face. Des vibrations, aussi, comme si une force monstrueuse se cachait dans les murs ; j’étais en quelque sorte dans le moteur de la ville. Et puis, en guise d’introduction à ce nouveau lieu, mon premier voyage à New York. Là, je « fais la rencontre » d’Edward Hopper, lors d’une exposition monographique de son œuvre au Whitney Museum. Je partais pour m’imprégner de la grande histoire abstraite américaine des années 1950 et je me trouve soudain plongée dans une peinture classique, où la représentation du monde moderne est placée dans un hors-temps extraordinaire.

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PLACE”

When I came back to Paris, I was still deeply steeped in this painting that happens to be completely in tune with the place where I was beginning to live. The noise, the lights, the neon signs, a universe that was getting to look more beautiful through the prism of my New York experience. I began to paint in miniatures on a roll of paper that was 5 cm high and of infinite length: my gas heater turned on with the fire within was my first image. The Kremlin studio with its ring road was the raw material of the roll. The roll is a “support-place” for an attempt at taming this permanent flow of images and this aural hum that were invading me. Here we actually are with a logic of the cut-and-shifted or also of stacking; there is certainly something cathartic in there, as going from the collective studio of the École des Beaux-Arts to this noman's-land was a violence I had to give vent to. The roll is linked to this intrusive, hard reality that I had to allow into my life and my creative work through the infinitely small, as if through “a keyhole of perception.” At once an infringement on the real and the elation of committing it, like a child looking through the keyhole at what she should not be looking at and who, hidden in this way, can gaze at what frightens her. The miniature is then a weapon that makes it possible to reduce the scale of things or of situations that are beyond you, and can thus give you the virtual and playful impression of being in control of it.

THE ROLL IS A “SUPPORT

SUPPORT » LE ROULEAU EST LE « LIEU

Lorsque je rentre à Paris, je suis profondément imprégnée par cette peinture, qui se trouve en parfaite adéquation avec le lieu dans lequel je commençais à vivre. Le bruit, les lumières, les néons, un univers qui gagnait en beauté par le prisme de mon expérience new-yorkaise. Je commence à peindre en miniature sur un rouleau de papier de 5 centimètres de haut et de longueur infinie : ma bonbonne de gaz allumée avec le feu dedans est sa première image. L’atelier du Kremlin avec son périphérique est la matière première du rouleau. Le rouleau est le « lieu-support » pour une tentative d’apprivoisement de ce flot permanent d’images et de cette rumeur sonore qui m’envahissaient. Nous sommes bien ici dans une logique du « coupé-décalé » ou encore de l’emboîtement, il y a certainement là quelque chose de cathartique, car le passage d’un atelier collectif de l'École des Beaux-Arts à ce « no man’s land » était une violence qu’il me fallait exprimer. Le rouleau est lié à cette réalité envahissante, dure, que j’ai dû faire entrer dans ma vie et dans ma création par l’infiniment petit, comme par un « trou de serrure de la perception ». À la fois une infraction au réel et l’exaltation de la commettre, comme une enfant qui regarde par la serrure d’une porte ce qu’elle ne doit pas regarder et peut contempler, ainsi cachée, ce qui l’effraie. La miniature est alors une arme qui permet de réduire l’échelle des choses ou des situations qui vous dépassent et peut ainsi vous donner l’impression virtuelle et ludique d’en posséder le contrôle.


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This is when I thought of making a roll in lithograph, hence a multiple roll that, this time, would be easier to share than only within the time frame of an exhibition. So it was that Candide was born, as a metamorphosis of Voltaire’s hero into a self-portrait, universal and yet in 30 numbered copies only. If there were a reference to the work of Voltaire, still, we are not here in his philosophical essay and the cynicism with which it is fraught, but instead within an approach to the real and its representations that is at once serious and humorous. Candide consists in looking at and working on the images of the world by way of drawing, in converting the images from colour to black-and-white. To shift perception by causing the image to slide from photography to film and from film to drawing. To show fiction in order to give the real, to veil the real in order to reach the true. Candide (the drawings on tracings mounted within light boxes and the rolls of prints) is textually a dispelling of death, or more precisely of the death-inducing use of the image and of the trivialization that goes with it.

SHOW FICTION IN ORDER TO GIVE THE REAL

MONTRER LA FICTION POUR LIVRER LE RÉEL

J’ai alors pensé à réaliser un rouleau en lithographie, donc multiple, qui, cette fois, puisse être partagé plus largement que dans le seul temps d’une exposition. C’est ainsi que Candide est né, métamorphose du héros de Voltaire en autoportrait, tout à la fois universel et pourtant en trente exemplaires numérotés seulement. Si la référence est faite à l’œuvre de Voltaire, nous ne sommes pourtant pas dans son essai philosophique et le cynisme qui l’habite, mais plutôt dans une approche grave et humoristique du réel et de ses représentations. Candide consiste à regarder et à travailler par le biais du dessin les images du monde, à convertir les images de la couleur au noir et blanc. Décaler sa perception en faisant glisser l’image de la photographie au film et du film au dessin. Montrer la fiction pour livrer le réel, voiler le réel pour atteindre le vrai. Candide (les dessins sur calques montés dans des boîtes à lumière et les rouleaux d’estampes) est textuellement une conjuration de la mort, plus exactement de l’usage mortifère de l’image et de la banalisation qui l’accompagne.




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Candide is a hymn to freedom. As such, it remains more political than the Painting Roll, thereby becoming an act of resistance to all the coercive powers and the many forms of illusion – including the art market – by making them tiny and colourless. For what is worse than illusion is the fact of creating a situation that requires illusion. Drawing is the substratum of these questionings, the means of getting to reveal and unveil all contradictions down to my own, and thus to free myself from them: a kind of repentance in black-and-white. Finally, I would say that Candide is also an anti-solution, a dive into this first happy reading, in this initial feast of a sixth-grade schoolgirl plunging into Voltaire’s text. There was a great kinship between me and this character who holds on in spite of reversals of fortune; I then found him so near to me that he could not not be me. “My” Candide is an homage, a tip of the hat if not a stroke of the brush, to this being who helped me during all these years of studies I disliked deep down. I experienced the normative nature of school with a huge amount of suffering; this straightjacket on the imagination stifled me. Voltaire was the first breath of freedom I took in, my first autonomous experience of book learning.

CANDIDE IS A HYMN TO FREEDOM

CANDIDE EST UN HYMNE À LA LIBERTÉFRET

Candide est un hymne à la liberté. Il demeure en ce sens plus politique que le Rouleau à peinture, et devient de ce fait un acte de résistance face à toutes les puissances contraignantes et aux formes multiples de l’illusion – marché de l’art compris – en les rendant minuscules et sans couleurs. Car le fait de créer une situation qui a besoin de l’illusion est pire que l’illusion. Le dessin est le substrat de ces interrogations, le moyen de parvenir à révéler et à dévoiler jusqu’à mes propres contradictions et ainsi de m’en libérer : une sorte de repentir en noir et blanc. Pour finir, je dirais que Candide est aussi une antisolution, une plongée dans cette première lecture heureuse, en ce premier régal d’une écolière de sixième plongeant dans le texte de Voltaire. Il y avait une grande parenté entre ce personnage et moi qui tient bon malgré les vicissitudes de la fortune, je le trouvais alors si proche qu’il ne pouvait pas ne pas être moi. « Mon » Candide est un hommage, un coup de chapeau sinon de pinceau à cet être qui m’a aidée durant toutes ces années d’études que profondément je n’aimais pas. J’ai vécu la normativité de l’école avec une énorme souffrance, ce carcan imaginatif m’étouffait. Voltaire est la première bouffée de liberté que j’y ai respirée, ma première expérience autonome de la culture livresque.


For a long time you have explored the image in order to escape the sclerosisinducing fixation of an identity or a style; is it possible to say today that you have gone beyond the question of identity to that of exploration? I know there is an abyss between the worlds I am trying to present together, and also the vertigo that sometimes goes with it. The question of identity too often takes the form of justification. Going from De Siempre to (Lost) Paradise is not claiming an identity, but it is a manifesto. By the way, these paintings belong to the same body of work; they are associated with video pieces like La Manne, or with drawings on films like Ecclésiaste 7: 24. Putting together different levels of representation is not easily accepted. Questioning the image of my work with new images can certainly unsettle the perception people have of me. It is in a way the price to pay for this freedom I give myself, along with the satisfaction of escaping easy definition. But we mustn’t deal with the wrong problem; mine is actually that of exploring meaning, which overlaps with that of identity, yet is not to be confused with it. Exploration requires a fluid and diversified approach to the medium of painting, as well as to the other media entering into dialogue with it. It is impossible to approach the visual structure of the real and of its pluralities in the same way and with the same materials.

EXPLORATION REQUIRES A FLUID APPROACH

Vous avez longtemps exploré l’image pour échapper à la fixation sclérosante d’une identité ou d’un style ; peut-on dire aujourd’hui que vous avez dépassé la question de l’identité par celle de l’exploration ? Entre les mondes que j’essaie de présenter ensemble, je sais qu’il y a des abîmes, et parfois le vertige qui les accompagne. La question de l’identité prend trop souvent la forme de celle de la justification. Passer de De Siempre à (Lost) Paradise n’est pas un acte identitaire mais un manifeste ; d’ailleurs ces tableaux font partie d’un même corpus, ils sont associés à des pièces vidéo comme La Manne, ou avec des dessins sur films comme Ecclésiaste 7:24. Placer ensemble des registres représentationnels différents n’est pas facilement accepté, mettre en question l’image de mon travail par de nouvelles images peut certainement occasionner un trouble dans la perception que les gens ont de moi ; c’est en quelque sorte le prix à payer pour cette liberté que je me donne en même temps que la satisfaction de ne pouvoir être rapidement définie. Mais il ne faut pas se tromper de problème, le mien est effectivement celui de l’exploration du sens, qui bien sûr croise celui de l’identité, mais sans se confondre avec lui. L’exploration demande une approche fluide et diversifiée du médium « peinture » ainsi que des autres médias qui tissent un dialogue avec lui : on ne peut aborder la structure visuelle du réel et de ses pluriels de la même façon et avec les mêmes matériaux.

L’EXPLORATION DEMANDE UNE APPROCHE FLUIDE

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Dans (Lost) Paradise et dans De Siempre par exemple demeure cependant un point commun, une sorte de réalisme qui se trouve dans ma façon d’aborder l’image, dans sa traduction picturale, dans le montage et l’articulation visuelle de ces tableaux en une réflexion qui ne se clôt pas jusqu’à aujourd’hui mais chemine encore, en quête de sens. C’est même souvent le décalage identitaire qui donne son identité à l’œuvre. En 2006, lorsque j’étais à Ouidah, à la Porte du non-retour, j’étais face à un paysage de mer et de palmiers qui pouvait engloutir les fers des esclaves et leurs cris dans les limbes du passé. Une image paradisiaque se substituait à l’histoire, la souffrance de millions d’hommes, de femmes, d’enfants s’évanouissant derrière la carte postale de la nature. Et, contemplant ce paysage béninois idyllique, j’ai été brutalement ramenée à Los Angeles, vers cette diaspora noire américaine. Leurs ancêtres ont certainement été au même endroit que moi, mais dans de toutes autres conditions.

UN TRAVAIL DE MISE À DISTANCE

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A DISTANCING PROCEDURE

In (Lost) Paradise and De Siempre for instance, there remains a feature in common, a kind of realism that is found in my way of approaching the image, in its pictorial translation, in the montage and the visual articulation of these paintings into a reflection that is not yet completed, but that still goes on in search of meaning. It is even the identity gap that often gives the work its identity. In 2006, when I was in Ouidah, at the Door of No Return, I was facing a landscape of sea and palm trees that might have swallowed the fetters and cries of slaves in the shadows of the past. A paradisiacal image was substituted for history, as the suffering of millions of men, women and children disappeared behind the postcard of nature. And as I gazed upon this Benin landscape, I was suddenly brought back to Los Angeles, to the Black diaspora in the United States. Their ancestors were no doubt at the same place [Benin] as me once, but in completely different conditions.

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Is this an attempt to alter the status of the image? It can only be an attempt to use the image to render the real; the real is already entirely in the image, or rather, it goes beyond it in the visual structure that constitutes it. Perception is plural; it lives in various places inside me, depending on the place where I happen to be. Displacement alone can fully account for this time in which we move. Perceptual levelling and enlarging are the two poles of a work that is done as much lengthwise as in successive layers (superimpositions of tracings). We have before us a superimposition of disjointed worlds, and this recognition is the first step towards an understanding of what it means to perceive today according to me. It is not the image that is to be altered, nor its status, but the way we look at it, our way of hearing or silencing what the image is saying about our contemporary condition.

A SUPERIMPOSITION OF DISJOINTED WORLDS

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UNE SUPERPOSITION DE MONDES DISJOINTS

Est-ce là une tentative de modification du statut de l’image ? Il ne peut s’agir d’une tentative d’utilisation de l’image pour restituer le réel : le réel est déjà entièrement dans l’image ou plutôt la déborde dans la structure visuelle qui la constitue. La perception est plurielle, elle vient se nicher dans des rapports localisés en mon être en fonction de l’endroit où je me trouve. C’est le déplacement qui seul peut rendre pleinement compte de ce temps dans lequel nous évoluons. La mise à plat perceptive et l’élargissement sont les deux pôles d’un travail qui se fait tout autant en longueur qu’en couches successives (superposition de calques). Nous sommes devant une superposition de mondes disjoints, et cette reconnaissance est le premier pas vers une compréhension de ce que signifie « percevoir » aujourd’hui pour moi. Ce n’est pas l’image qui doit se trouver modifiée ni son statut, mais notre regard sur elle, notre façon d’entendre ou de taire ce que l’image dit de notre contemporanéité.



LA MUSICALITÉ DE L’IMAGE

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Vous utilisez des métaphores de l’ouïe pour aborder l’image ; y aurait-il pour vous une musique de l’image ? La musique est partout, elle commence par le battement de mon cœur. C’est cette base rythmique que je tente justement de restituer, le tempo donné par la pulsation cardiaque. Je suis une peintre sentimentale… sans cesse à l’écoute de son cœur. Los Angeles est ainsi, dans mon expérience, le lieu de la musicalité. En France, j’écoutais de la musique ; là-bas, je l’ai vécue. J’ai rencontré personnellement les musiciens de jazz que j’écoutais ici, ceux que je voyais sur scène à Paris, en France, en Europe. J’ai vécu à côté d’eux, là-bas à Los Angeles, et je les ai filmés aussi. Mon atelier, dans lequel je vivais, se trouvait être à côté du World Stage, un espace fondé par Billy Higgins, plaque tournante du jazz à LA. Tous les gigs des clubs les plus chics se terminaient là, à l’aube… C’est un lieu d’enseignement, aussi, et de rencontre, où les enfants du quartier venaient tous les lundis soir jouer et apprendre la musique avec Billy Higgins. Il appelait cela des « conversations », où chacun devait exprimer ; d’abord individuellement par des rythmes ce qu’il avait envie d’exprimer, puis collectivement, tout le monde reprenait avec Billy, et les percussions alors se répondaient les unes aux autres. Son enseignement était socratique : il s’agissait pour lui de conduire chacun vers l’expression de cette musique qui est en lui, rien de technique, ou si peu, et ça marchait même et surtout avec les plus jeunes, des enfants d’un an qu’il devait hisser sur son tabouret pour qu’ils puissent jouer. Son enseignement se faisait essentiellement par l’écoute, celle d’un des plus grands batteurs de jazz du xxe siècle, mise librement à la disposition des enfants. Cela, Billy Higgins m’a autorisée à le filmer ; j’ai plusieurs heures de rushs qu’un jour je monterai. C’était la musique dans toute sa force, d’une beauté presque insoutenable. Une tension entre ce battement qui est la base de ma propre vie et cet endroit de création et de partage où la musique s’invente et se donne, ouvre à de nouveaux espaces et à de nouvelles rencontres. La musicalité de l’image se traduit dans cet accord entre la pulsation intime et le bric-à-brac des nouvelles technologies qui s’y greffent. Forme de va-et-vient qui donne son tempo à l’œuvre. Les images demeurent ma nourriture première, elles sont liées à mon système digestif, alors que la musique, elle, est directement reliée à mon système cardio-vasculaire. Cohabitent ainsi plusieurs temps et lieux dans le même corps… et la musique est la métaphore la plus explicite et peut-être la moins définie pour nommer ce que j’essaie de faire maintenant.


THE MUSICALITY OF THE IMAGE

You use aural metaphors to tackle the image; is that because you believe there is a music of the image? Music is everywhere, it starts with the beating of my heart. It is just this rhythmic base I am trying to render, the tempo given by the cardiac pulse. I am a sentimental painter… constantly listening to my heart. Los Angeles is thus, in my own experience, the locus of musicalness. In France, I was listening to music, there I lived it. I was on friendly terms with the jazz musicians that I used to listen to over here, those I saw on stage in Paris, in France, in Europe. I lived beside them, there in Los Angeles, and I also filmed them. My studio, in which I was living, happened to be next to the World Stage, a space founded by Billy Higgins, and the hub of the LA jazz scene. All the gigs of the best clubs used to end up there until dawn… It was also a place of learning and meeting where the children of the neighborhood used to come on Monday nights to play and to learn music with Billy Higgins. He used to call this “conversations,” where everyone had to first express individually through rhythms what he wanted, and then all together started over along with Billy, and then the percussions answered one another. His teaching was Socratic; the point for him was to lead each individual to express the music within him, nothing technical or very little, and it worked even and especially with the youngest ones, one-year-old children he had to lift onto his stool so they could play. His teaching relied essentially on listening, namely to one of the great jazz drummers of the XXth century, made freely available to children. Billy Higgins allowed me to film this; I have many hours of rushes I will show one day. It was music in all its force, of an almost unbearable beauty. A tension between this beat that is at the base of my own life and this place of creativity and sharing where music is invented and given opens up to new spaces and to new encounters. The musicality of the image translates into this chord between the inner pulse and the confusion of new technologies grafted unto it: a form of back-and-forth that gives the work its tempo. Images remain my primary nourishment; they are linked to my digestive system, while music on its part is directly tied to my cardiovascular system. Several times and places coexist within the same body… and music is the most explicit metaphor, though perhaps the least defined one, to name what I am trying to do now.




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The successive is given in the conjunction of linearity and the instant; we may speak of a painting as of a stage on a journey whose destination remains unknown, inscribed in a future time. The situation of a traveller who sets out to discover a piece of land, having in his hands an old map like a treasure. This is why I now feel I need to do paintings that don’t fit within the framework of series; the window has to remain open. One of my references is Gance’s Napoléon, an extraordinary mix of documentary, fiction, history painting, battle scene… which paradoxically leads us to the front of the house where Napoleon was born in Ajaccio, with a close-up on the commemorative plaque saying, “Napoleon was born here.” What a freedom of tone and styles, and all this with a live soundtrack by Honegger… It takes great strength to try everything in this way, and to succeed.

THE CONJUNCTION OF LINEARITY AND THE INSTANT

DANS LA CONJUGAISON DE LA LINÉARITÉ ET DE L’INSTANT

Le successif se donne dans la conjugaison de la linéarité et de l’instant, on ne peut parler d’un tableau que comme d’une étape dans un voyage dont la destination reste inconnue, inscrite dans un temps futur. Situation du voyageur qui part découvrir un bout de terre avec entre les mains le trésor d’une vieille carte géographique. C’est pour cela qu’aujourd’hui j’ai besoin de faire des tableaux qui ne s’inscrivent pas dans un cadre sériel : la fenêtre doit rester ouverte. Une de mes références est le Napoléon d’Abel Gance : le mélange extraordinaire du documentaire, de la fiction, d’une peinture de l’histoire, de la scène de bataille… et qui nous conduit paradoxalement jusque devant la maison natale de Napoléon à Ajaccio avec un gros plan sur la plaque commémorative, « Ici est né Napoléon ». Quelle liberté de ton et de styles, et tout cela sur fond d’une musique de Honegger jouée en live… Il faut une grande force pour ainsi tout oser, et réussir.



COMME UN RÊVE ÉVEILLÉ

À mon retour à Paris, j’étais consciente de ce que j’abandonnais, je me suis réfugiée dans mon atelier, questionnant cette notion de retour au pays natal. Quelques mois plus tard, j’obtenais le prix Marcel-Duchamp, avec à la clé un projet d’exposition au Centre Pompidou, dans l’Espace 315. J’étais à Stockholm pour une exposition quand, lors d’une nuit d’insomnie, une image s’impose soudain, celle de moutons en Auvergne, comme un rêve éveillé. C’était le point de départ ; à mon retour de Suède, je pars donc pour l’Auvergne, où, comme chacun sait, il n’y a aucun mouton mais seulement des vaches. Je m’installe à Riom. Et je pars à la recherche de moutons, je désirais trouver un grand troupeau de 1 000 bêtes dans un pays sans moutons. Mes pas vont me conduire dans un monastère et, de là, grâce à une recommandation, à un berger. Rendez-vous est pris le lendemain à 5 heures du matin pour aller vers un ancien cratère transformé en pâturage. Et là, près de 2 000 brebis, spectacle magique et grandiose, invisible de l’extérieur, car il fallait pénétrer dans le creux du volcan pour le contempler. Une fois les films faits, je décide de rentrer précipitamment à Paris. Je ne savais pas encore ce que je voulais faire exactement avec ces images, un film ou de grands tableaux, un immense polyptyque… Tout ce que je voulais, c’était rentrer et monter ces images, prolonger ce moment privilégié, cet arrêt du temps, en m’en imprégnant… ailleurs. Ce qui est drôle, c’est qu’a posteriori je me rends compte que ces brebis dans les collines verdoyantes d’Auvergne, déformées par la retranscription en stretch de l’effet vidéo, sont la transposition « au naturel » de l’univers urbain que je venais de quitter. Mais elles sont aussi une compensation : en vingt-quatre heures et quelques images, je récupérais tout ce qui m’avait manqué quand j’étais aux États-Unis, un paysage de collines moelleuses, arrondies et vertes, sur lesquelles se promenait un immense troupeau, synonyme du repos dont j’avais besoin.


AS THOUGH IN A WAKING DREAM

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Upon my return to Paris, I was aware of what I was leaving behind; I took refuge in my studio, questioning this notion of the return to the native land. A few months later, I obtained the Marcel Duchamp Prize, which came with an exhibition project at the Centre Pompidou, in Espace 315. I was in Stockholm for an exhibition when, in the middle of a sleepless night, an image suddenly forced itself upon me: that of sheep in Auvergne, as though in a waking dream. It was the point of departure; upon my return from Sweden, I therefore left for Auvergne, where, as everybody knows, there are no sheep, but only cows. I established my base in Riom, and I went looking for sheep; I wanted to find a great herd of a thousand heads in a sheepless land. My wandering took me to a monastery and from there, thanks to a recommendation, to a shepherd. An appointment was made for the next day at 5 in the morning to go to an old crater that had been turned into a pasture. And there, some 2000 ewes, a grand, magical sight, invisible from outside, since it was necessary to get down into the volcano to look upon it. Once the videos were made, I decided to get back in haste to Paris. I did not yet know exactly what I wanted to do with these pictures: a film, or large paintings, a huge polyptych…; all I wanted was to get back and edit these pictures, prolonging this privileged moment, this suspension of time, by steeping myself in it… elsewhere. What is funny is that, in hindsight, I realize that these ewes in the verdant hills of Auvergne, their forms stretched out by the moving video camera, are the translation “au naturel” of the urban universe I had just left. But they are also compensation: in 24 hours and a few images, I retrieved all that I had missed when I was in the United States, a landscape of gently sloping green hills on which a huge herd was grazing, synonymous with the rest I needed.



In this travel diary, does Asia have a place in your thinking? I went to Japan to accompany an exhibition, but I didn’t experience the same shock as in America. Yet I believe that if I had to choose an Asian country, my heart would instead lead me to Korea. Japan maintains a very strong identity, things are extremely codified there, while Korea is a more fragmented country, in its identity first of all, but also by an almost palpable suffering, so that it represents for me a land of emotions. Japan can be summed up, in outrageous shorthand, as the place I bought the Sony video camera I am still using today and as the Ozu films that really impressed and inspired me. It is upon returning from Japan that I began frantically filming my neighborhood, and all that went by my camera, which I took along everywhere with me. These images, once entered on my computer, were then recycled instantly as paintings on my Roll.

IT REPRESENTS FOR ME A LAND OF EMOTIONS

ELLE REPRÉSENTE POUR MOI UNE TERRE D’ÉMOTIONS

Dans ce carnet de voyage, l’Asie occupe-t-elle une place dans votre pensée ? Je suis allée au Japon pour accompagner une exposition, mais je n’ai pas éprouvé le même choc qu’en Amérique ; je crois que si, pourtant, je devais choisir un pays d’Asie, mon cœur me porterait plutôt vers la Corée. Le Japon conserve une identité très forte, les choses y sont extrêmement codifiées ; la Corée est un pays plus fragmenté, dans son identité d’abord mais aussi par une souffrance presque palpable. Elle représente pour moi une terre d’émotions. Le Japon se résume, dans un raccourci scandaleux, au lieu d’achat de ma caméra vidéo Sony, qu’aujourd’hui encore j’utilise, et aux films d’Ozu, qui m’ont définitivement marquée et inspirée. C’est au retour du Japon que j’ai commencé à filmer frénétiquement mon quartier et tout ce qui pouvait passer devant ma caméra, caméra que j’emmenais partout avec moi. Ces images, rentrées ensuite dans mon ordinateur, étaient recyclées instantanément en peintures sur mon Rouleau.

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Can you tell us a little about those trees we find in your studio? Nowadays trees are invading various aspects of my work and the different mediums I am using. There is a side to them that is at once ciphered, geometric and organic. Here I am getting close to the notion of landscape space as Mondrian grasped it; trees and flowers are what led him to abstraction. This father of Modernism constantly painted flowers. In this sense, Mondrian is a horizon, a becoming for me. I discovered him back when I was a teenager, on a trip to Holland where I discovered his work as I visited all the museums. But in order to genuinely understand him, you have to draw a tree. The tree takes root, digs ever deeper into the soil where it extends its rhizome beneath the surface, invisible and powerful. And the more it digs, the more its branches develop, its height giving the measure of its rootedness. Architecture has historically fed off the vision of the tree, because the tree is a reality that is not flat, a reality of levels, of layers of meanings. In order to grasp it, you have to circle it, to feel it, to experience it. The tree is a mode of thinking and representation, a system of veins, if not arteris. . One of nature’s most beautiful projects. This painting in progress appears to be irrigated itself, with the canvas carrying the sap: I’m going to call it 3 x (times) F (foliage, flower, fruit). The veins of leaves, the bark and the boughs put into an equation.

THE TREE IS A MODE OF THINKING AND REPRESENTATION

L’ARBRE EST UN MODE DE PENSÉE ET DE REPRÉSENTATION

Pouvez-vous nous parler un peu de ces arbres qui sont présents dans votre atelier ? Aujourd’hui, les arbres envahissent différents aspects de mon travail et les différents médiums que j’utilise. Il y a un côté à la fois chiffré, géométrique et organique. Je me rapproche ici de la notion d’espace paysage telle que Mondrian la saisissait : ce sont les arbres et les fleurs qui le conduisent à l’abstraction. Ce père du modernisme a constamment peint des fleurs. Mondrian est en ce sens un horizon, un devenir pour moi. Ma rencontre avec lui remonte à mon adolescence, à un voyage en Hollande où j’ai découvert son œuvre en visitant tous les musées. Mais pour le comprendre vraiment, il faut dessiner un arbre. L’arbre s’enracine, s’enfonce de plus en plus profondément dans le sol ou étend son rhizome sous sa surface, invisible et puissant. Et plus il s’enfonce, plus ses branches se développent, sa hauteur donnant la mesure de son enracinement. L’architecture s’est historiquement nourrie de la vision de l’arbre, parce que l’arbre est une réalité non plate, une réalité de niveaux, de strates de significations. Pour le saisir, il faut tourner autour de lui, le sentir, l’éprouver. L’arbre est un mode de pensée et de représentation, un système veineux, sinon artériel. L’un des plus beaux projets de la nature. Ce tableau en cours semble lui-même irrigué, la toile transporte la sève, je vais le baptiser 3 x F (lire « trois fois F », pour « feuille », « fleur », « fruit »). Nervures et écorces, rameaux et charmilles sont en équation.



This reminds me of my Los Angeles/Paris return trips, all these rivers and these irrigations visible only from the plane’s windows. There is also the impression of California sunsets filmed from my car, a California import, while we think of Africa when looking at it. The place of origin of the image is intimately mixed with the life of the painting. In California, night comes unannounced, the sunset only lasts an instant, a sharp and anxious moment, since the plunge into night is only accompanied by this fugitive foreshadowing, especially in winter. This is what I am attempting to render, this fraction of a second, the passage from life to death, from day to shade. This veiled threat of a night not yet filled by the promise of another day. That brings to my mind the ending of Pierrot le Fou… a tragic ending in the form of a treason, but for the voices of Belmondo and Anna Karina whispering “Magnifique," as though the final scene were opening onto another tableau.

THE PASSAGE FROM LIFE TO DEATH, FROM DAY TOE

Cela me rappelle mes allers-retours Los AngelesParis, tous ces fleuves et ces irrigations visibles seulement des hublots de l’avion. Il y a aussi l’empreinte des couchers de soleil californiens filmés depuis ma voiture, une importation californienne tandis que l’on pense à l’Afrique en les regardant. Le lieu d’origine de l’image se mêle intimement à la vie du tableau. En Californie, la nuit vient sans s’annoncer, le coucher du soleil ne dure qu’un instant, moment pointu et angoissant, car la plongée dans la nuit ne s’accompagne, surtout en hiver, que de cette fugitive annonce. C’est cela que je tente de restituer, cette fraction de seconde, passage de la vie à la mort, du jour à l’ombre. Cette sourde menace de la nuit pas encore pleine des promesses d’un autre jour. Cela m’évoque la fin de Pierrot le fou… fin tragique, sous la forme d’une trahison, mais les voix de Belmondo et d’Anna Karina susurrent « magnifique », comme si la scène finale ouvrait sur un autre tableau.

P A S S A G E D E L A V I E À L A M O R T, D U J O U R À L ’ O M B R E

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C’EST UN TRAVAIL D’ARCHÉOLOGUBE

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Diderot disait : « Rien n’émeut qui ne dépayse, rien n’est beau qui n’émeuve. » J’ai l’impression que cette phrase est la traduction exacte de l’impression que laisse votre travail, seulement vous ne proposez pas un dépaysement mais un « empaysement » – non pas un déplacement de soi vers l’extérieur, mais la perception en soi de l’ailleurs. Oui, c’est vraiment ça. Et mon intérêt pour Paris suit cette démarche : s’il y a dépaysement, ce n’est que pour mieux « m’empayser ». À mon retour d’Amérique, j’étais dans le brisement de son rêve. Il me manquait la chaleur, la lumière, l’espace et soudain, à vélo, entre mon lieu d’habitation dans le 11e et l’atelier sur ma trajectoire, longeant le canal Saint-Martin, un flyer, l’image promotionnelle d’un restaurant créole, elle-même abîmée, déchiquetée, effondrée. Le lendemain, à nouveau je retrouve la même image, mais abîmée différemment. C’est un travail d’archéologue, fouiller le réel, déblayer l’image de ce qui la recouvre, faire venir au jour les fondations. Retrouver sous les ruines de l’image ancienne la cité disparue. Je quitte ce quotidien de palmiers, de ciel bleu et de chaises longues, de tables sur les toits des immeubles, pour me retrouver dans cet hiver parisien qui crache sur la ville l’humidité et la nostalgie du soleil. Et soudain, à vélo dans le froid, je croise ce flyer abandonné sur les pavés, cette image d’une beauté époustouflante. Image paradisiaque d’un monde qui ne l’est pas, image californienne, bouffée d’air chaud et dans le même instant mémoire de la violence. Rêve climatique et cauchemar urbain. C’est ici le début de (Lost) Paradise. Un dépaysement, certainement, mais aussi le rappel d’une réalité lointaine vers laquelle toutes les sensations de mon corps convergent.


IT IS AN ARCHAEOLOGIST’S WORK

Diderot used to say: “Nothing moves us without disrupting us, nothing is beautiful without moving us”; it seems to me that this statement is the exact translation of the impression your work leaves, except that you don’t ccome forward with “dépaysement” [displacement] but with “empaysement” [incorporation of another space], not with a move from the self outward but with the perception of what is elsewhere within oneself. Yes, it’s really that. And my interest in Paris follows this approach; if there is a displacement, it empowers me to reconfigure myself. Upon my return from America, I was dealing with the shattering of my dream. I was missing the heat, the light, the space and suddenly, while biking between my dwelling place in the 11th arrondissement and my studio, across my course, along the Canal Saint-Martin, a flyer, the promotional image of a Creole restaurant, itself damaged, torn, collapsed. The next day I again find the same image, but differently damaged. It is an archaeologist’s work, digging into the real, clearing the image of what covers it up, bringing to light the foundations. Finding back under the ruins the former image of the vanished city. I leave this daily life of palm trees, of blue skies and deck chairs, of dining tables on rooftops, to find myself back amidst this Paris winter that spits its humidity onto the city, and with it, yearning for the sun. And all of a sudden, biking in the cold, I come across this abandoned flyer on the pavement, this image of breathtaking beauty. A paradisiacal image of a world that isn’t one, a California image, a blast of hot air, and in the same instant, the memory of violence. Climatic dream and urban nightmare. This is the beginning of (Lost) Paradise. A displacement no doubt, but also a reminder of a faraway reality towards which all the sensations of my body are converging.


BIOGRAPHY

BIOGRAPHIE

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1964

Née à Grenoble, France. Vit et travaille à Paris. [Born in Grenoble, France. Lives and works in Paris.]

FORMATION • EDUCATION

1990

Diplôme National Supérieur d’Arts Plastiques [graduate.]

2000

INMO Gallery, Los Angeles.

1999

Galerie Nathalie Obadia, Paris.

1999

CAPC- Musée d’Art Contemporain, Bordeaux, France.

1996

Galerie Nathalie Obadia, Paris.

1995

Chapelle Saint-Jacques, Saint-Gaudens, France. Sala "El Roser", Escola municipal de Belles Arts, Cavalers, Spain.

1985/90 École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris.

Villa Arson, Nice, France. PRIX • AWARDS

2008

Nommée Officier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture et de la Communication au titre de la promotion du 14 juillet 2008. [Named Officer of Arts and Letters by the Minister of Culture and Communication of the French Republic, 14 July 2008.]

2004

Prix Marcel Duchamp.

1998

Nommée Chevalier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture et de la Communication, par décret du 4 Décembre 1998. [Named Knight of Arts and Letters by the Minister of Culture and Communication of the French Republic, by decree 4 December 1998.]

1994

Galerie Nathalie Obadia, Paris.

1993

Spazio d’Arte, Serre, Italy.

1991

Galerie Pierre Lescot, Paris.

EXPOSITIONS COLLECTIVES (sélection) • GROUP EXHIBITIONS (selected)

2009

Galerie Nathalie Obadia, Paris.

2008

"Cris et Chuchotements", Louise Bourgeois, Kiki Smith, Annette Messager, Nancy Spero, Sophie Calle, etc … Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée, La Louvière, Belgium.

2007

"Contempory Cool and Collected", Mint Museum of Art, Charlotte, USA.

Centre d’Art Contemporain, Maison de la Cure, Saint-Restitut, France.

2008

Item, Paris.

2007

Galerie Hambursin-Boisanté, Montpellier, France.

2006

Galerie Nathalie Obadia, Paris.

2005

Université Radboud, Nijmegen, Holland.

2004

Espace 315, Prix Marcel Duchamp, Centre Georges Pompidou, Paris.

"Bêtes et Hommes", Grande Halle de La Villette, Paris. Commisaire [curator] : Vinciane Despret.

2006

Anne Faggionato Gallery, London.

2002

Galerie Nathalie Obadia, Paris.

"Eye on Europe: Prints, Books, and multiples, 1960 to now", The Museum of Modern Art, New York. Commisaires [curators] : Deborah Wie, Wendy Weitman. "Peintures Malerei", Martin-Gropius-Bau, Berlin, Germany. "La Force de l’Art", Grand Palais, Paris.

Skarstedt Gallery, Stockholm, Sweden.

2003

"elles@centrepompidou", Centre Georges Pompidou, Paris. “1,2,3 Hypnos”, Galerie Desfrost, Paris.

EXPOSITIONS PERSONNELLES • INDIVIDUAL EXHIBITIONS

2009

Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, Paris.

2006

"Art in the Age of Anxiety", Premio Biella per l’incisione 2006, Museo del Territorio Biellese, Biella, Italy. Commisaire [curator] : Jeremy Lewison.


"Parcours # 1 2005-2006", Collection du MAC/ VAL Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne, France.

2000

"Paysages modernes", Collection FRAC Auvergne, Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay, France.

2006

"Lumières Contemporaines, Vitraux du XXIe siècle et Architecture Sacrée", Centre Internationnal du Vitrail, Chartres, France.

1998

2005

”Cologne Art Fair”, exposition de l’ADIAF [exhibition curated by ADIAF], Germany.

"L’Œil et l’Esprit", Gunma Museum of Contemporary Art, Iwaki City Museum of Contemporary Art and Wakayama, Japan. Commisaire [curator] : Alfred Pacquement.

1997

"Figures et paysages", FRAC Île-de-France, Centre d’Art Contemporain, Alsace, France.

1996

Montrouge Salon, France.

"Trame Contemporaine", Musée de la Tapisserie, Beauvais, France. "Collection 2", Fondation pour l’Art Contemporain, Claudine et Jean-Marc Salomon, Château d’Arenthon, Alex (Annecy), France. "Paysages et Jardins", Musée Paul-Dini, Villefranche-sur-Saône, France. "De leur Temps", Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, France.

2004

"Moving Picture Desire", Busan Biennal, Korea.

2003

"10e Anniversaire", Galerie Nathalie Obadia, Paris. "Face & Cie (Facéties)", Carolus Duran & Compagnie, Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, France. "Dear Painter Paint Me", SCHIRN Kunsthalle, Frankfurt am Main, Germany.

2002

”Cher Peintre peins-moi [Dear Painter Paint Me]”, Centre Georges Pompidou, Paris. Commisaire [curator] : Alison Gingeras. "Summer Invitational", Annina Nosei Gallery, New York.

2001/02 "Mondial", Grunaldi Forum, Monaco, Germany. 2000

”Group Show”, Annina Nosei Gallery, New York. "L’Art dans le Vent", Domaine de Chamarande, France. "Couleurs du Printemps, 1980-2000 : 20 ans, 20 artistes", Galerie de l’Assemblée Nationale, Paris. "De l’Art… à la Mode", Christie’s, Paris.

COMMANDES PUBLIQUES • PUBLIC COMMISSIONS

1998/00 Création et réalisation de vitraux pour l’église de Varennes-Jarcy, XIIIe siècle, en collaboration avec les Ateliers Duchemin [Design and creation of stained-glass windows for the 13th century church of Varennes Jarcy", in collaboration with Ateliers Duchemin], France.

2002/04 Création et suivi de réalisation d’une tapisserie [Design and supervision of creation of tapestry], Manufacture de Beauvais, France.

COLLECTIONS PUBLIQUES • PUBLIC AND INSTITUTIONAL COLLECTIONS

The Museum of Modern Art, New York. Musée national d’art moderne, Paris. Collection de la Ville de Paris. Musée Paul-Dini, Villefranche-sur-Saône, France. Fonds National d’Art Contemporain, Paris. Fonds Régional d’Art Contemporain, Alsace, France. Fonds Régional d’Art Contemporain, Midi-Pyrénées, France. Fonds Régional d’Art Contemporain d’Île-de-France.

"One Night Stand", Los Angeles, U.S.A.

Fonds Régional d’Art Contemporain, Auvergne, France.

"Spurgeon", Santa Ana, California, U.S.A.

Fondation Cartier, Paris.


INDEX OF SELECTED WORKS

INDEX DES ŒUVRES SÉLECTIONNÉES

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p.18,20,21 Rouleau à Peintures, extraits, débuté en 1989, travail en cours [Roll Paints, extracts, started in 1989, work in progress]. p.27 “Candide-2”, 2006-2008, rouleau d'estampes [roll of prints], item éditions.

p.37 “(Lost) Paradise-J”, 2009, 200 x 300 cm. p.44 En haut [top] : "Forget Me Not", 2008, 30 x 51 cm. En bas [bottom] : “(Lost) Paradise-10”, 2008, 80 x 70 cm.

p.45 “(Lost) Paradise-B”, 207 x 293 cm., 2006. p.47 En haut [top]: “Ecclésiaste 7 : 24-6”, 2008, 76 x 210 cm. En bas [bottom] : “Ecclésiaste 7 : 24-7”, 2008, 80 x 160 cm. p.59 “3 x F”, 2009, 210 x 240 cm. p.60-61 De haut en bas et de gauche à droite [from top to bottom and left to right] : “Travelling” 1, 5, 4 & 6, 210 x 290 cm. p.67 “3 x F”, 2009, 200 x 300 cm. p.73 De haut en bas [from top to bottom] : “Zem 1”, 2009, 200 x 300 cm. “Zem 2”, 2009, 200 x 300 cm. Courtesy Nathalie Obadia


Née en 1958. Photographe de mode pendant une quinzaine d’années. Après avoir été assistante de Peter Knapp, a réalisé de nombreuses productions pour Femme, Décoration Internationale, Mariages, Jardin des Modes, Figaro Madame, Depêche Mode, Marie Claire… et aussi pour des agences de publicité et d’illustration comme Getty Images et Stock Image.

THE AUTOR

Catherine Panchout

L’AUTEUR

Thierry Novarese Né en 1963. Professeur de philosophie, membre de l’Institut de recherche de la FSU et rédacteur en chef adjoint à la revue Nouveaux regards. En charge de plusieurs missions d’enseignements, il a publié de nombreux articles et participe, à ce titre, à des colloques et à des conférences dans le champ des sciences humaines et sociales. Amateur d’art et tout particulièrement de l’œuvre de Carole Benzaken, il a publié, en outre, dans la revue Nouveaux regards un premier entretien avec elle, un article sur le musée du MAC/VAL et un entretien avec le peintre Christopher Cheung. Un autre avec Bartabas est en préparation.

Depuis 1995, se consacre aux univers d’artistes : ateliers, maisons, jardins, portraits. Ses reportages sont publiés dans des magazines comme Femme, World of Interiors, Maison Française, Figaro Madame. A réalisé avec l’agence Corbis/Sygma des reportages autour de la musique classique.

Thyerry Novarese Born in 1963.

Son premier livre sur les ateliers d’artistes, Ateliers au féminin, en collaboration avec Yves Michaud et avec le soutien de la fondation Coprim, a été publié en 1999 aux éditions Au même titre.

Professor of Philosophy, member of the Institut de Recherche de la FSU and assistant editor-in-chief of the journal Nouveaux Regards.

Ses portraits d’ateliers sont édités par la galerie Pierre-Alain Challier. Participation à l’exposition de la galerie « Elles aussi » de mai à septembre 2009 (www.pacea.fr).

Responsible for several teaching assignments, he has published numerous articles and in this connection participates in colloquia and conferences in the field of human and social sciences.

Catherine Panchout Born in 1958.

A lover of art and most especially of Carole Benzaken's work, he has moreover published, in the journal Nouveaux Regards, a first interview with her, as well as an article on the MAC/VAL and an interview with painter Christopher Cheung. Another with Bartabas is in preparation.

Fashion photographer for about fifteen years for agencies and magazines. After being assistant to Peter Knapp, has directed numerous productions for Femme, Décoration Internationale, Mariages, Jardin des Modes, Figaro Madame, Depêche Mode, Marie Claire… and also for advertising and illustration agencies like Getty Images and Stock Image. Since1995, devoted to the world of artists: studios, homes, gardens. Her photojournalistic work is published in the press magazine such as Femme, World of Interiors, Maison Française, Figaro Madame. Also a presence in the classical music world for the agency Corbis/Sygma. She published her first book on artist studios in 1999: Ateliers au féminin ("Studios in the Feminine"), in collaboration with Yves Michaud and with de support of Coprim Foundation (publisher: Au même titre). Her artist studio portraits are published by Pierre-Alain Challier Gallery. Participation in the “Elles aussi” Gallery exhibition, May to September 2009 (www.pacea.fr).

THE DESIGNER

THE PHOTOGRAPHER

LE PHOTOGRAPHE

LE GRAPHISTE

Piero Brogi Né en 1963. Il commence sa carrière de directeur artistique à Rome, il vit et travaille à Paris depuis 1997. Il est l’initiateur de la collection “Ateliers d’Artistes”. Piero Brogi Born in 1963. He began his career as an art director in Rome, he lives and works in Paris since 1997. He started the collection "Ateliers d'Artistes".


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CAROLE

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Thierry Novarese

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SODIS : 718580 5

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9 782352 780649

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ISBN : 978-2-35278-064-9

L ' A T E L I E R

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CAROLE BENZAKEN

T R A ’ D S

We met Carole Benzaken in her Parisian studio and we passed through Los Angeles, we swung through Japan, Korea and Benin before returning to Paris to travel up the St Martin Canal to track Marcel Carné. The space consists of a disorientation, in going from one place to another. This creative process has itself a space, the convergence that is the studio, the congruity that is the studio, where all the influences of her life meet.

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R V A O N Y R H T E T S I

The book collection "Ateliers d'Artistes" (Artist Studios) aims to introduce the reader to the heart of the artist's creative work. To experience the work of one who invests forms and objects, to follow the artist's way of proceeding, to learn to read someone's art is the most valuable and most difficult of undertakings.This is what each of the books in this collection offers: documented with photographs, they reveal the atmosphere of a given place while relying on an interview to re-create the thought of an artist, painter or sculptor.

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Nous croyions rencontrer Carole Benzaken en son atelier parisien et nous avons traversé Los Angeles, fait un détour par le Japon et la Corée, le Bénin puis Paris, en suivant le canal SaintMartin sur les traces de Marcel Carné… L’espace posé dans un décalage, dans le passage d’un lieu à l’autre. Cette création possède elle-même un espace, atelier convergence, atelier congruence, où toutes les influences de sa vie se croisent.

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a collection de livres des « Ateliers d’Artistes » a pour objet d’introduire le lecteur au cœur de la création de l’artiste. Vivre le travail de celui qui invente des formes et des objets, en suivre la démarche, apprendre à lire son œuvre représente la plus précieuse et la plus difficile des entreprises. C’est ce que propose chacun des livres de cette collection : documentés de photographies, ils dévoilent l’atmosphère d’un lieu tout en s’appuyant sur un entretien qui restitue la pensée de l’artiste, peintre ou sculpteur.

P H O T O S : C A T H E R I N E

P A N C H O U T


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