Poly 163 - Dec. 2013

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N°163 DÉCEMBRE 2013 www.poly.fr

Magazine

Rachid Taha voilà, voilà



CŒUR

BRÈVES

DE ROCKEUR

On le sait grâce aux nombreuses éditions de cette manifestation : Les Rockeurs ont du cœur en Alsace du Nord. Pour ceux qui en doutent encore et pour tous les autres, rendez-vous à Adamswiller, Goersdorf, Bischwiller ou Haguenau pour une série de concerts. Le sésame : un jouet qui sera remis à une structures caritative. Le final, samedi 14 décembre à la salle du Millénium de Haguenau, réunira Dirty Deep ou encore Hermetic Delight (voir photo). www.crma.reseaujack.fr

CHOUC’ POWER

LA BÛCHE

Née de la rencontre entre le pâtissier / chocolatier Sébastien Gillmann (20 quai des Bateliers à Strasbourg) et la designeuse Sonia Verguet, la bûche de Noël réalisée par la créatrice alsacienne ressemble à s’y méprendre à… une bûche de bois. D’une hauteur de 22 centimètres, ce dessert pour 8 personnes semble tout juste extrait d’une forêt. Ma part de bûche joue sur les textures avec délice : à la douceur de la crème glacée répond le craquant des brisures de spéculoos. www.soniaverguet.com

En période électorale, la revue satirique de la Choucrouterie (Strasbourg) est toujours scrutée avec attention : dans La Moitié des politiques sont des bœufs (mais pourquoi seulement la moitié ?), Roger Siffer et ses complices se paient le landernau politique alsacien et secouent le cocotier avec leur humour tonique. À découvrir en français ou en alsacien jusqu’au 23 mars 2014. www.theatredelachouc.com

DREAM MACHINES Présentée à Bâle, au Musée Tinguely, l’exposition METAMATIC Reloaded (jusqu’au 26 janvier 2014) rassemble une dizaine d’artistes contemporains qui se sont emparés des Méta-Matics, les machines à dessiner de Tinguely, pour les revisiter… version décapante. À la découverte des créations de Marina Abramović, Olaf Breuning, Thomas Hirschhorn, Aleksandra Hirszfeld, etc. Olaf Breuning, Home 3, 2012 © Film still : Olaf Breuning

www.tinguely.ch Poly 163 Décembre 13

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BRÈVES

PEUPLE D’HIVER

D’Alaska, c’est le nouveau rendez-vous du Théâtre du Peuple de Bussang. Du 4 au 7 décembre, Vincent Goethals crée Les Hivernales avec cette pièce (suivie d’un dîner convivial) prenant place dans un bungalow de banlieue. Une nuit d’été, une septuagénaire est prise en otage par un ado. Les deux âmes en peine apprendront à se découvrir, entre solitude, espoirs déchus, envies homosexuelles…

INSTANTANÉS Pour Manuela Marques, la photographie et la vidéo « sont les outils adéquats pour cette tentative d’infiltration entre les deux pôles du visible et du caché, le dérobé ». L’artiste expose son travail, qui donne l’impression de s’immiscer dans l’intimité des protagonistes, du 13 décembre au 5 février dans la Galerie du Granit, à Belfort. www.legranit.org

www.theatredupeuple.com

POST-

EXOTIQUE

© studio Hussenot

La compagnie lorraine Roland Furieux s’attaque à l’étrange roman d’Antoine Volodine, Songes de Mevlido. Du 11 au 13 décembre, cette « pièce pour les oreilles » (dès 14 ans) livre ses énigmes à l’ancienne Abbaye des Petits Carmes de Metz. Dans un avenir post-apocalyptique, peuplé de monstres et d’êtres (encore) humains, le policier Mevlido erre entre réalité et cauchemars dans une mise en scène inventive et expérimentale où Mevlido appelle Mevlido.

Mario Caroli © Bruna Caffa

www.opera.metzmetropole.fr

ESPRIT ES-TU LÀ ?

Le Spectralisme en musique ? Familiarisons-nous, jeudi 12 décembre à L’Auditorium du MAMCS (Strasbourg), avec cette technique basée sur la décomposition d’un son en divers sons harmoniques à l’intensité variable. Mario Caroli (flûte et piccolo) et Akiko Okabe-Dierstein (piano) proposent de découvrir des œuvres de Philippe Leroux, Toshio Hosokawa, Jonathan Harvey ou encore Olga Neuwirth. www.musees.strasbourg.eu Poly 163 Décembre 13

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BRÈVES

VINGT ANS

Pour leur vingtième anniversaire, les Débats de l’ACA (en partenariat avec l’Observatoire des politiques culturelles) changent de formule. Mardi 10 décembre, la conférence La médiation artistique et culturelle d’aujourd’hui : pourquoi et comment ? (9h-12h) sera suivie de deux ateliers (Médiation culturelle et participation des habitants à la vie artistique et culturelle : quel accompagnement pour quels publics ? et Quelle est la place de la médiation artistique et culturelle dans les projets d’établissement ?) à 13h30. Rendez-vous à la Maison de la Région Alsace à Strasbourg. Inscriptions au www.formations.culture-alsace.org www.culture-alsace.org

RÉCITS

D’ARCHIVES

L’artiste romaine Elisabetta Benassi expose au Crac Alsace, à Altkirch, jusqu’au 26 janvier 2014. Smog a Los Angeles se compose de documents collectés par la plasticienne, notamment de photographies servant de base à des installations actualisant le passé en agençant des histoires riches en références littéraires ou cinématographiques. www.cracalsace.com

The First Bullet (John F.Kennedy Ass.), 2012

COULEUR

CAFÉ

Avec son album live Arabesque, les chansons de Jane Birkin prenaient des couleurs grâce au violoniste Djamel Benyelles et au percussionniste Aziz Boularoug avec lesquels elle a repris Comment te dire adieu, Baby alone in Babylone ou La Javanaise, à l’orientale. À découvrir, plus de dix ans plus tard à La Rodia de Besançon, mercredi 11 décembre. www.larodia.com

DE HAUT VOL

La Compagnie Lapsus garde Six pieds sur terre au Carreau. Les 12 et 13 décembre, ils retournent la scène de Forbach avec leur art du cirque contemporain foutrement débridé : ici on jongle dans la pénombre, on use du monocycle acrobatique au milieu d’œufs et on fait l’équilibre sur des empilements instables de briques… Et quand tout valse, le désordre se fait joyeusement ludique ! www.carreau-forbach.com – www.cielapsus.com Poly 163 Décembre 13

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BRÈVES

HÉROÏQUE Chaque année, un designer revisite la traditionnelle boule de Noël pour le Centre international d’Art verrier de Meisenthal. Conçue par le Studio BrichetZiegler, la boule de cette année revêt la forme d’un petit super-héros sympathique nommé Sylvestre. De quoi décorer de manière originale son sapin ! www.ciav-meisenthal.fr

OMBRES & LUMIÈRES L’exposition Lumière et Enracinement traite de la dualité entre la clarté et l’obscurité. L’artiste Fanny Savary y explore la dialectique entre ces deux univers à partir d’un support photographique peint et déstructuré. Entre abstraction et figuration, ses créations intrigantes sont à découvrir à la Cour des Boecklin (Bischheim) jusqu’au 22 décembre. www.ville-bischheim.fr

ÉPAULE

TATOO

Sous les Pavés la prod et Alsace20 présentent Fleur de Bagne, doc’ strasbourgeois de 40 minutes proposant « un voyage fait de chair et d’encre, une approche poétique d’un art à part entière » : le tatouage. Le film décrypte ce phénomène de société (et de mode) en convoquant les témoignages de tatoueurs, de tatoués et de spécialistes comme le sociologue David Le Breton (lire Poly n°151). À découvrir sur Alsace20, samedi 14 décembre à 11h et 23h et dimanche 15 décembre à 12h, 16h et 22h. www.sl2p.fr – www.alsace20.tv

À FOND LES FORMES Play © Frédéric Desmesure

Les compagnies La Loupiote, Les Trigonelles, Arnika ou Méli Mélodie sont invitées à participer à la 23e édition du Festival international jeune public de Kingersheim, Momix, du 30 janvier au 10 février 2014. Ouverture de la billetterie lundi 2 décembre (03 89 50 68 50). Réservez vite vos places pour cet événement qui aime brasser les formes. www.momix.org Poly 163 Décembre 13

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sommaire

18 Découverte du festival de ciné belfortain EntreVues et

rencontre avec sa nouvelle directrice artistique, Lili Hinstin

20 L’association Central Vapeur défend l’illustration, la BD et le dessin dans un festival éponyme

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26 Interview de Fred Cacheux, comédien de la troupe du TNS qui tient un des rôles phares de Liquidation, dernière création de Julie Brochen

30 La chorégraphe Nathalie Pernette s’offre un solo avec un

loup et un environnement d’images numériques à Pôle Sud

33 Cahier central spécial Noël : concerts, marchés, animations… demandez le programme

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vec Exhibit B, l’artiste sud-africain Brett Bailey recrée les A zoos humains du milieu du XIXe siècle dans une installation

56 Artiste associé à La Filature, David Lescot y crée

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sa nouvelle pièce, Nos occupations

58 Zoom sur Rachid Taha, en concert à Schiltigheim dans le cadre du Festival Strasbourg Méditerranée

65 Le Centre Pompidou-Metz revisite l’histoire de la

Beat Generation et de sa figure tutélaire Allen Ginsberg à travers une exposition numérique

70 L’abstraction minimaliste selon Piet Mondrian, Barnett Newman et Dan Flavin au Kunstmuseum Basel

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écouverte des œuvres de Fragonard à la Staatliche D Kunsthalle de Karlsruhe

78 L’Origami, nouveau Centre socio-culturel réalisé par

l’agence strasbourgeoise de Paul Le Quernec à Mulhouse

82 Last but not least : Geluck, créateur du Chat

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COUVERTURE Comme il n’aime pas trop sa trogne, Rachid Taha (lire page 58) a décidé de « porter le chapeau ». Difficile, ainsi, de voir le chanteur sans couvre-chef : nouvelle preuve avec cette belle image signée Marc-Antoine Serra. Artiste engagé, parfois désabusé (« le Printemps arabe a conduit au remplacement du choléra par la peste, comme en Égypte »), Rachid ne baisse jamais les bras. Il persiste à mélanger les rythmes d’orient et les mélodies occidentales (ou inversement), à concilier raï et rock, la guitare et le tarbouche.

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OURS / ILS FONT POLY

Emmanuel Dosda Il forge les mots, mixe les notes. Chic et choc, jamais toc. À Poly depuis une dizaine d’années, son domaine de prédilection est au croisement du krautrock et des rayures de Buren. emmanuel.dosda@poly.fr

Ours

Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Nathalie Desforges Illustratrice pour la presse et les éditions jeunesse depuis sa sortie des Arts décoratifs de Strasbourg en 2006, Nathalie vit à Marseille. Elle est l’auteure de L’ABC des drôles d’Animots et de Mon coffret pour découvrir la savane. http://nathaliedesforges.ultra-book.org

Thomas Flagel Théâtre moldave, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs algériens… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes depuis cinq ans dans Poly. thomas.flagel@poly.fr

Dorothée Lachmann Née dans le Val de Villé cher à Roger Siffer, mulhousienne d’adoption, elle écrit pour le plaisir des traits d’union et des points de suspension. Et puis aussi pour le frisson du rideau qui se lève, ensuite, quand s’éteint la lumière. dorothee.lachmann@poly.fr

Benoît Linder Cet habitué des scènes de théâtre et des plateaux de cinéma poursuit un travail d’auteur qui oscille entre temps suspendus et grands nulles parts modernes. www.benoit-linder-photographe.com

Stéphane Louis Son regard sur les choses est un de celui qui nous touche le plus et les images de celui qui s’est déjà vu consacrer un livre monographique (chez Arthénon) nous entraînent dans un étrange ailleurs. www.stephanelouis.com

Les ours blancs en danger © Geoffroy Krempp

www.poly.fr RÉDACTION / GRAPHISME redaction@poly.fr – 03 90 22 93 49 Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr Rédacteurs Emmanuel Dosda / emmanuel.dosda@poly.fr Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Dorothée Lachmann / dorothee.lachmann@poly.fr Ont participé à ce numéro Pascal Bastien, Geoffroy Krempp, Pierre Reichert, Irina Schrag, Charlotte Staub, Daniel Vogel et Raphaël Zimmermann Graphiste Anaïs Guillon / anais.guillon@bkn.fr Maquette Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly © Poly 2013. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. ADMINISTRATION / publicité Directeur de la publication : Julien Schick / julien.schick@bkn.fr

Éric Meyer Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés (chaussures, avions…) s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain, mis en lumière par la gravure. http://ericaerodyne.blogspot.com

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Administration, gestion, diffusion, abonnements : 03 90 22 93 38 Gwenaëlle Lecointe / gwenaelle.lecointe@bkn.fr Publicité : 03 90 22 93 36 Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Françoise Kayser / francoise.kayser@bkn.fr Nathalie Hemmendinger / nathalie.hemmendinger@bkn.fr Vincent Nebois / vincent.nebois@bkn.fr Magazine mensuel édité par BKN / 03 90 22 93 30 S.à.R.L. au capital de 100 000 e 16 rue Édouard Teutsch – 67000 STRASBOURG Dépôt légal : Novembre 2013 SIRET : 402 074 678 000 44 – ISSN 1956-9130 Impression : CE COMMUNICATION BKN Éditeur / BKN Studio – www.bkn.fr

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ÉDITO

ceux de 14 Par Hervé Lévy Illustration signée Éric Meyer pour Poly

N

ous sommes le 11 novembre 2013 sur les Champs-Élysées. Les huées fusent. Les cris, les insultes sur le passage de François Hollande. La liberté d’expression existe bien évidemment dans notre beau pays, même si elle n’est pas absolue. Il est normal que certains manifestent pour exprimer leur colère. Le Président de la République peut catalyser l’ire populaire. Tout cela est très légitime. Il n’est cependant pas admissible que la cérémonie de l’Armistice de 1918 soit troublée de cette manière. Il y a d’autres lieux, d’autres moments pour sortir son bonnet rouge et brailler. Nous devons le respect à ceux de 1914, soldats tombés pour la France et fusillés pour l’exemple, à tous ces morts dans la boue des tranchées, fauchés dans leur jeunesse par un tourbillon d’acier. Maurice Barrès doit se retourner dans sa tombe. Les gueulards devraient y songer. Au-delà de tels comportements qui manquent singulièrement de décence (et d’élégance), se pose la question de savoir ce que représente aujourd’hui la Grande Guerre, alors que les commémorations de son centenaire ont déjà débuté en novembre (on ne sait pas trop pourquoi, mais c’est comme ça). Les manifestations vont se multiplier sur les champs de bataille d’Alsace, de Lorraine, de Champagne… alors que les derniers à avoir vécu cette période, même sans avoir combattu, s’en vont, les uns après les autres. Lazare Ponticelli, dernier Poilu français est parti le 12

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mars 2008. Avec sa disparition, c’est tout un pan d’histoire qui a basculé symboliquement dans un “au-delà” livresque. Les ouvrages fleurissent du reste déjà en librairie… Orages de papier : rien ne sera omis, du statut des permissionnaires au rôle des canidés dans les tranchées, en passant par des pensums militaires techniques disséquant la moindre escarmouche etc. Mais au-delà des historiens, sociologues et autres psys, les mots des acteurs seront toujours les plus forts. Ernst Jünger, Orages d’acier : « L’immense volonté de destruction qui pesait sur ce champ de mort se concentrait dans les cerveaux, les plongeant dans une brume rouge. Sanglotant, balbutiant, nous nous lancions des phrases sans suite, et un spectateur non prévenu aurait peut-être imaginé que nous succombions sous l’excès de bonheur. » Cette guerre, c’est du passé, dépassé : on ne verra plus ces vieillards chenus qui semblaient vaciller sous le poids de leurs décorations au pied de l’Arc de Triomphe sous la pluie glacée du 11 novembre. Bien sûr qu’il ne faudra pas oublier. Il ne faut jamais oublier, même si cette période, comme les autres, est promise aux limbes de la mémoire et sera occultée… tant nous avons besoin de “vivant” pour nous souvenir. 14-18 est définitivement entré dans l’histoire et toutes les gerbes, les commémorations, les milliers de pages écrites et autres circonvolutions verbales n’y pourront rien changer.



LIVRES – BD – CD – DVD

Le sabre et

la plume

Le duo des éditions Icinori (voir page 22), sorti des Arts déco de Strasbourg en 2011, n’en finit plus de nous subjuguer. Son dernier album, Issun Bôshi, revisite un conte japonais où un couple donne naissance à un enfant tant désiré… mais pas plus haut qu’un pouce ! À 15 ans, il part à l’aventure du grand monde, un bol de riz pour barque et une aiguille comme bâton. Il croisera l’ogre “drôle de trogne, drôle d’odeur”, découvrira une ville foisonnante et tombera… amoureux. Avec leur style moderne en couches de couleurs superposées, Mayumi Otero et Raphaël Urwiller revisitent l’extrême-orientalisme avec un talent bien plus grand que le soleil levant. (T.F.) Issun Bôshi – L’enfant qui n’était pas plus haut qu’un pouce,

SUR LES HAUTES-

TERRES Poète et fondateur des très exigeantes éditions Arfuyen, Gerard Pfister publie son premier roman. Jouant à sautemouton avec les époques, mêlant fiction et réalité historique, il propulse le lecteur dans une intrigue prenant la forme d’une enquête érudite. En 1942, le sociologue Serge Bermont est assassiné par la Gestapo. En quoi ses recherches sur la mystique rhénane et l’énigmatique “Communauté du Haut-Pays” retirée du monde dans les montagnes vosgiennes au XIVe siècle peuvent-elles gêner les nazis ? Réponse après plus de 400 pages haletantes où le lecteur croisera Martin Heidegger, Maître Eckart ou encore le mystérieux “Ami de Dieu”. (H.L.) Le Livre des sources est paru aux éditions PierreGuillaume de Roux (24,90 €) – www.pgderoux.fr

édité par Actes Sud Junior (17 €) – www.actes-sud-junior.fr www.icinori.com

UNE SAGA BRASSICOLE Voilà un très beau livre consacré à Meteor : dernière brasserie historique authentiquement alsacienne, elle est dans les mains de la famille Haag depuis sept générations. Yolande et Michel Haag – avec la complicité de Michel Loetscher – nous entraînent au cœur d’une aventure industrielle dont le coup d’envoi a été donné en 1640, à Hochfelden. Dans ce volume richement illustré (notamment de charmantes publicités du temps jadis car l’entreprise fut une pionnière de la “réclame”), le lecteur découvre une épopée faite de rigueur, d’inventivité et de passion. À feuilleter et à lire sans modération aucune ! (H.L.) Meteor, une histoire est paru aux éditions du Belvédère (34,90 €) – www.editions-belvedere.com

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LIVRES – BD – CD – DVD

EN CAVALE

HUMAN

AFTER ALL

Anne-Caroline Pandolfo (ex-Arts déco de Strasbourg, scénario) et Terkel Risbjerg (dessin) s’emparent de L’Astragale, roman autobiographique d’Albertine Sarrazin, écrivaine à la vie tumultueuse, morte prématurément. Fidèle à son style, le duo (lire chronique de Mine, une vie de chat dans Poly n°158) offre de belles planches en noir et blanc, plus de 220 pages menaçantes comme une envolée de corbeaux dans un ciel orageux. L’héroïne torturée, Anne, hantée par une enfance cruelle et une adolescence chaotique, s’échappe de prison. Durant une nuit opaque, elle fait le mur et se fracture l’astragale, un os de la cheville. Mille étoiles crépitent dans sa tête. Sa carcasse est « secouée par une tornade de nerfs » et son pied devient « noir et blême »… Une lueur brille cependant dans l’obscurité : un fil va se tisser entre la fugitive et celui qui l’aidera à se planquer. (E.D.) L’Astragale, édité par Sarbacane (24 €)

Une voix amplifiée et transformée par un mégaphone ou un talkie-walkie se pose sur un rock tendu et sombre : bienvenue dans le monde désenchanté d’Emmanuel A. où flotte, ici et là, notes pianistiques et fréquences électroniques. L’album du Franc-Comtois se compose de cinq chapitres contant l’histoire d’un certain E., personnage humain, trop humain, tentant d’évoluer dans un univers hostile et se réfugiant dans ses pensées. Le songwiter hanté est accompagné par le groupe Human Song, backing band de luxe qui sort lui aussi un disque noir et atmosphérique, porté par la voix de Jane Lake… un nom qui rime avec William Blake. (E.D.) Emmanuel A., La Découverte (12 €), édité par 33 Néons www.emmanuela.official.com – www.33neons.net Human Song, The Birth of seven Crows (CD 7 €, pack CD + vinyle à 15 €), autoproduit – www.humansong.net Human Song en concert : jeudi 28 novembre au Mudd Club à Strasbourg, jeudi 5 décembre au Roger’s Café à Belfort et samedi 14 décembre au Marquis à Besançon

www.editions-sarbacane.com

INSTANTS VOLÉS Le photographe Pascal Bastien, compagnon de route de Poly, a dépoussiéré ses cartons pour composer un carnet intime. Cent trente clichés carrés, en noir et blanc, captant des moments de vie fragiles, des souvenirs sensibles, l’atmosphère écrasante de Tanger, l’Alsace noyée sous les flocons, les enfants qui bullent tranquillement, les amis qui réchauffent le cœur et le boulot de commande qui recommence. Une histoire prise sur le vif, légendée à la volée pour composer un portrait amoureux de petits riens qui font tout. (T.F.) Pascal Bastien, Comme neige au soleil, mediapop éditions (15 €) www.mediapop-editions.fr

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CINÉMA

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les films de ma vie Le festival de ciné belfortain EntreVues propose une compétition et une rétrospective en plusieurs volets. Afin de découvrir sa programmation tout en faisant connaissance avec sa nouvelle directrice artistique, soumettons quelques titres de films à Lili Hinstin.

Par Emmanuel Dosda À Belfort, au Cinéma Pathé et à La Poudrière, du 30 novembre au 8 décembre 03 84 90 40 40 www.festival-entrevues.com

* Film du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, Palme d’Or du Festival de Cannes en 2010

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Le Zombie de Lili Hinstin (2007), non présenté durant EntreVues. C’est mon documentaire. Je me suis penchée sur un personnage très mystérieux de ma famille, auréolé d’une sorte de légende : mon grand-père, mort à Kaboul dans les années 1960 que je n’ai jamais connu. Arrêté en tant que chef d’un réseau de résistants, il était un rescapé des camps de concentration. Avant, j’avais déjà réalisé quelques films en Super 8… Je suis passionnée de cinéma depuis longtemps et j’ai eu la chance d’avoir la meilleure formation possible en voyant toute l’histoire du ciné, sur grand écran et en VO, à Paris. Avec des amis étudiants, nous avons lancé une revue et j’ai créé une société, Les Films du saut du tigre (pour produire des premières œuvres). Aucun rapport avec les films de kung-fu : il s’agit d’un concept de Walter Benjamin qui dit qu’on ne peut pas révolutionner quelque chose sans connaître l’histoire de cette chose. Je conçois EntreVues de la même manière : le festival doit montrer les évolutions du cinéma tout en en dévoilant les différents cheminements. Y’aura t’il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset, Grand Prix Janine Bazin du festival EntreVues en 1996. C’est drôle que vous ayez choisi ce film qui a fortement marqué mon parcours cinéphi-

lique ! Il m’a énormément touché grâce à son intelligence, sa générosité et son âpreté bouleversante. Est-ce que le fait d’être primé au festival peut permettre à un film de rencontrer un large succès public ? Non, ça fonctionne avec Cannes car la Palme d’or a un effet prescripteur, même pour un film difficile comme Oncle Boonmee*, mais pas avec EntreVues… De toute façon, un film ne fera jamais l’unanimité : il suffit de voir ce qu’il se passe avec La Vie d’Adèle. Ça n’est pas parce que les gens vont voir un film qu’ils vont l’apprécier. Ponette de Jacques Doillon (1996), présenté cette année dans le cadre d’une rétrospective de ses films. J’avais 19 ans et étais stagiaire sur le tournage ! J’ai pu voir comment Doillon travaillait avec des enfants de quatre ans. Ils restaient très sérieux, avec une implication hors du commun. La petite fille qui joue Ponette a obtenu le prix de la Meilleure interprétation à Venise, preuve que Doillon est LE cinéaste de la direction d’acteurs. Durant le festival, nous pourrons le rencontrer et découvrir ses films. EntreVues sera aussi l’occasion de voir Jouer Ponette de Jeanne Crépeau, qui montre comment le cinéaste travaille, et de discuter avec des gens qui ont fabriqué ses films, comme Caroline Champetier, directrice photo qui a aussi collaboré avec Xavier Beauvois,


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Godard, Téchiné, Rivette… Elle a accompagné la modernité du cinéma français depuis les années 1970. La Ruée vers l’or de Charles Chaplin (1925), présenté cette année dans le cadre de la rétrospective La Commedia des ratés. J’étais aussi sur le tournage (rires) ! La Commedia des ratés rassemble des comédies – le genre transgressif par excellence – dont les protagonistes sont des antis-héros. Nous partons de la figure de Charlot : c’est incroyable, mais à un moment, un des personnages les plus connus au monde est ce clochard qui se fait poursuivre sans cesse par la Police et ramasse les mégots des autres… Il n’est ni Superman, ni Bruce Willis, mais il résiste ! Le cinéma muet c’est le rêve de Babel réalisé, c’est une langue que tout le monde peut comprendre. Voilà aussi pourquoi Charlot a eu un tel rayonnement en Afrique, en Inde… Partout ! L’Image manquante de Rithy Panh (2013, présenté cette année dans le cadre de la rétrospective Cinéma et Histoire). En 2013, deux films, diffusés lors d’EntreVues, abordent le thème de l’irreprésentable au cinéma : Rithy Panh avec L’Image manquante

et Claude Lanzmann avec Le Dernier des injustes. Les deux cinéastes ont dû affronter le manque d’images du fait historique exploré : la vie dans un camp Khmer rouge pour Rithy Panh et dans le camp de Theresienstadt, dit “la ville donnée par Hitler aux Juifs”, pour Claude Lanzmann. Le premier a notamment recréé des figurines en terre pour raconter cette tragédie. Le second s’est servi d’images de propagande, qui travestissent la réalité en faisant passer Theresienstadt pour une bourgade tranquille de province. Il les utilise mais en inscrivant “Mise en scène nazie”. Invasion Los Angeles de John Carpenter (1988), présenté cette année dans le cadre d’une carte blanche au cinéaste. Carpenter nous a proposé une programmation en double feature, comme dans les drive-in des années 1950 aux États-Unis, avec deux films par soirée. À chacun de ses films, est associé un long métrage qui l’a inspiré. Ça me semblait assez inattendu, mais comme pendant à Invasion Los Angeles, Carpenter a choisi Les Raisins de la colère de John Ford (1939). En y réfléchissant, ces deux films montrent des personnages qui voient une réalité sociale ou économique et sont saisis d’une urgence d’ouvrir les yeux aux autres. Toute notre programmation a des résonnances politiques très fortes.

Légendes 1. L a Ruée vers l’or de Charles Chaplin (1925) 2. L ’Image manquante de Rithy Panh (2013) 3. Y ’aura t’il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset (1996)

Le festival doit montrer les évolutions du cinéma tout en en dévoilant les différents cheminements

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ILLUSTRATION

j’dois t’faire un dessin ? L’association Central Vapeur défend l’illustration, la BD et le dessin contemporain, domaines vivaces à Strasbourg, terre de l’imprimerie, de Tomi, de Satrapi ou d’Icinori. Partie émergée de l’iceberg de ses activités : un festival éponyme ayant pour points d’orgue un salon des indépendants et une exposition.

Par Emmanuel Dosda Illustrations de Icinori et Jean Lecointre

Festival Central Vapeur, à Strasbourg, au Hall des Chars (mais aussi au Star ou à L’ENGEES), du 5 au 15 décembre www.centralvapeur.org www.cinema-star.com www. engees.unistra.fr

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«T

out le monde était conscient de l’émulsion créative dans la cité… mais aussi du manque d’événement marquant et fédérateur. » Pour Raphaël Urwiller, moitié du talentueux duo d’illustrateurs Icinori (avec Mayumi Otero, lire chronique page 16), il était primordial de réunir artistes, éditeurs et amateurs strasbourgeois d’illustration : « Il y avait des gens très doués, mais qui n’étaient pas coordonnés : on parlait du Grand salon à Lyon ou de Fotokino à Marseille, mais jamais de Strasbourg alors que la ville produit énormément de bonnes choses. » Le « trou noir » est comblé depuis 2010, grâce à Central Vapeur qui organise

différentes manifestations, fédère un grand nombre d’acteurs et promeut le travail de talents tels qu’Icinori, L’Institut Pacôme, les Éditions 2024 (lire les nombreux articles les concernant sur www.poly.fr), le fanzine Le Poulpe multipotent, le collectif Rhubarbus ou Psoriasis1. Selon Grégory Jérôme, son président, « Central Vapeur a créé les conditions d’un regroupement qui renforce illustrateurs, collectifs et micro-éditeurs éparpillés et jusqu’alors représentés par personne. » Ainsi, l’association « a contribué à inverser un mouvement inéluctable auquel on assistait les bras ballants : celui du départ des gens formés aux Arts déco vers d’autres hori-


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ILLUSTRATION

Central Vapeur vs l’indifférence institutionnelle

Les membres de l’asso s’étonnent du peu d’intérêt de la part des institutions locales. Grégory Jérôme regarde du côté de la région Poitou-Charentes, célèbre pour le festival d’Angoulême, « qui dispose d’un Centre régional du livre3 ayant pris la mesure de l’intérêt, notamment économique, à défendre l’édition. Il n’y a pourtant pas le terreau d’artistes dont l’Alsace est riche. » Avec les moyens du bord, Central Vapeur, récemment installée à La Rotonde4, persiste à promouvoir une « culture graphique intelligente » et à batailler pour mettre en exergue « la puissance de création » régionale via diverses actions dont son festival proposant rencontres, conférences, concerts5, battle de dessins au ciné6 ou expo ping-pong.

Icinori vs Lecointre

Jean Lecointre

1 Tous sont présents sur le salon des indépendants, lors de cette troisième édition du Festival Central Vapeur 2 La Région Alsace vient seulement, en novembre, de se doter de la Confédération de l’Illustration et du Livre en Alsace (CIL) dont la mission vise « le développement de la filière du livre sur le territoire alsacien » www.region-alsace.eu 3 Ancienne plume de Poly où il a notamment largement défendu la BD et l’illustration

Espace de 360 m2 situé dans le quartier de Cronenbourg, regroupant Central Vapeur, Accélérateur de Particules, les Éditions 2024, les studios graphiques Pakouh et Cercle et autres créateurs indépendants

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5 Bananarchie (Berlin), samedi 7 décembre 6 Vingt duels en direct, au cinéma Star, samedi 14 décembre www.cinema-star.com

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zons. Il a fallu construire un endroit où, par la réflexion et l’action communes, on arriverait à renverser la vapeur », précise-t-il, s’excusant au passage du jeu de mots. Fabien Texier2, directeur, évoque une région dynamique et une mine d’or, l’École des Arts décoratifs (Hear) : « Nous sommes les héritiers de Claude Lapointe, fondateur de l’atelier d’illustration, et aussi de ce mouvement des années 1990 où s’émancipa l’édition indépendante, en dehors des sentiers battus. L’arrivée de Guillaume Dégé à la tête de l’atelier a incité toutes ces personnes à travailler ensemble et à s’auto-éditer. » Et d’évoquer une reconnaissance de fond pour la scène “indé” favorisée, il y a une vingtaine d’années, par L’Association (Persépolis, Gerner, Vanoli ou Trondheim) ou Frémok (les BD au style pictural d’Alex Barbier ou les aventures surréalistes du navrant Cowboy Henk), éditeurs présents sur le salon.

Après les duels Killoffer / Anouk Ricard et Nicolas Mahler / Étienne Chaize, le dialogue de dessins de cette troisième édition implique Icinori et Jean Lecointre. Raphaël Urwiller met en lumière la méthode adoptée par son duo : « Mayumi et moi avons un dessin extrêmement différent. Le mien est très haché, rapide, alors que le sien est appliqué, figé. Nous travaillons au jour le jour le pingpong. Avec Jean Lecointre, nous passons de quatre à six mains… » Choix audacieux de confronter le monde onirique des premiers aux collages numériques du pote de Pierre La Police ? « Nous partageons une même passion pour les images anciennes. Il collectionne et ravive des images pulp et issus des Paris Match des années 1950 tandis que nous partons d’images populaires, type Épinal. Elles sont a priori niaises, mais nous y voyons une étrangeté et un potentiel pop qu’on essaye de révéler. Notre dialogue était une évidence. » En découle une édition limitée nommée Pêchés chapiteaux, grand pop-up mêlant le monde du cirque et les sept pêchés capitaux, et une série de dessins du même titre à découvrir au Hall des Chars. L’exposition s’exportera ensuite (du 10 au 22 décembre) à Arts Factory, « la plus important galerie parisienne spécialisée dans l’illustration », se félicite l’équipe de Central Vapeur. Le début de la gloire annonçant une reconnaissance et une aide conséquente ? À suivre…



THÉÂTRE MUSICAL

corps et âme Spectacle total, Phèdre fait escale au NEST et au Saarländisches Staatstheater1. Fondé sur un texte de Yannis Ritsos, cet intense monologue est une hallucinante plongée dans la psyché de l’héroïne.

Par Hervé Lévy Photos de Herman Sorgelos

À Thionville, au Théâtre en Bois, du 4 au 6 décembre 03 82 82 14 92 www.nest-theatre.fr À Sarrebruck, au Saarländisches Staatstheater, mercredi 11 décembre 00 49 681 30 920 www.theater-saarbruecken.de www.khroma.eu

1 Créé à Liège, il est programmé dans le cadre du projet européen Total Theatre, réunissant six théâtres de création de la Grande Région (Lorraine, Sarre, Luxembourg, Wallonie et Belgique germanophone) www.espaceculturelgr.eu 2 Tiré de Quatrième dimension (Seghers, 1958)

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A

près Ismène (2008) – et avant Ajax qui clôturera le triptyque – Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli (avec la complicité de Guy Cassiers, « notre bonne fée, notre parrain ») s’attaquent à un autre monologue2 de Yannis Ritsos qui « n’a ni réécrit, ni actualisé la tragédie, mais l’a prolongée et complétée » explique le duo. Pour Marianne, seule en scène, le personnage incarne « une femme de quarante ans, accomplie et sensuelle, questionnant la féminité ». Amoureuse folle d’Hyppolyte, son beau-fils bien plus jeune, elle est enfermée, comme ligotée, dans cette « passion impure, sans échappatoire possible, qui la mènera à la mort ». La quintessence de l’héroïne tragique… L’œuvre nous montre un être humain aux prises « avec ses maladies, ses frustrations, ses dépressions, un être souffrant atteint d’un trouble bipolaire » explique Enrico. C’est pourquoi le sous-titre de cette production est La Tragédie de l’oxymore : le spectacle est construit sur des oppositions

(ombres / lumière, glace brûlante…) et propulse le public dans l’espace mental du personnage, dans un univers baigné par une musique oppressante et envoûtante à la fois, dont l’effet est démultiplié par l’amplification des « cycles biologiques, battements de cœur et respiration ». Le public entre dans sa tête et son corps. Toute frontière semble abolie… Tragédie de l’enfermement, de la sensualité sans cesse refrénée, Phèdre ressemble à une implosion organique des sens et de l’esprit irriguée par l’action de « “machines célibataires” qui permettent le développement d’une vie autonome, grouillante » : des plaques métalliques entrent en vibration, de la glace craque, un micro en mouvement génère d’étranges sons. La technologie sert alors à matérialiser la projection de l’intimité de Phèdre et « l’espace scénique en vient à se confondre avec son être le plus profond ». Au fil des minutes, on la sent se décomposer comme si, à l’oppression physique, répondait une dislocation de l’être.



THÉÂTRE

l’être et le néant Comédien de la troupe du TNS depuis 2009, Fred Cacheux tient l’un des rôles phares de Liquidation, dernière création de Julie Brochen d’après un roman1 d’Imre Kertész, prix Nobel de littérature en 2002. Interview.

Par Thomas Flagel Portrait de Fred Cacheux par Benoît Linder pour Poly

À Strasbourg, au Théâtre national de Strasbourg, du 29 novembre au 19 décembre 03 88 24 88 24 – www.tns.fr Théâtre en pensées, « Du roman à la scène », avec Julie Brochen, lundi 2 décembre à 20h, au TNS (réservation recommandée) Lecture d’extraits de Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas par Fred Cacheux, samedi 7 décembre à 14h30, à la Librairie Kléber

À Budapest, au printemps 1999, Keserü lit Liquidation, livre de son ami Bé, suicidé peu après les bouleversements de 1989, qui ne cesse de hanter ses amis. Plane sur ce groupe le poids d’une dictature répressive. On les trouve confrontés au désespoir de se retrouver face au néant quand le mur s’abat, « le véritable état de la liberté distinguée dans leur première ivresse »… Si on est touchés à Strasbourg, en 2013, par la lecture du roman c’est qu’il contient quelque chose dépassant le contexte de la chute du Mur, de la perte absolue de repères et de l’entrée fracassante dans le libéralisme, d’un monde où tout devient possible après 40 années de communisme succédant à l’Holocauste. Ce contexte n’est pas la porte d’entrée mais la toile de fond. La pièce questionne : au nom de quoi sommes-nous vivants ? Ai-je le droit de vivre ? En ai-je le devoir ? Mais aussi comment apprendre à vivre ? Si Bé a choisi de mourir, Keserü bataille avec le roman, les histoires de chacun et la sienne. C’est lui qui se pose ces questions… Bien sûr, Keserü est chacun de nous, à michemin entre le roman et le lecteur, l’histoire et le spectateur au théâtre.

1 Liquidation, paru en octobre 2005 chez Actes Sud – www.actes-sud.fr 2 Les poèmes d’Oskar Władysław de Lubicz Miłosz sont parus aux Éditions André Silvaire

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Quels ont été vos choix d’adaptation ? Julie Brochen a réorganisé l’œuvre en grandes masses, accentuant le motif du retour en arrière de Keserü avec ses amis à la maison d’édition. Ensuite, à l’intérieur du texte nous avons multiplié les tentatives, les recherches sur la façon de faire du théâtre avec tout ça, trouvant un entre-deux entre l’écriture romanesque et théâtrale, afin de garder les formes du roman joué dans un style direct. Nous avons travaillé quasiment trois semaines à la table, avec ordinateurs, scotch et ciseaux pour tailler dans le texte, réarranger, passant

d’une lecture de 3h30 à une version scénique de deux heures. Kertész développe cette idée que Bé a écrit un livre précédant le réel, l’écrivant en quelque sorte comme s’il était le témoin de ce qui adviendrait avant que cela se produise. C’est très proche de la nature même du théâtre… Dans le rapport avec le public, nous démarrons chaque représentation sur un pacte de faussaires. On fait croire que les choses adviennent spontanément alors que tout est préparé. Le spectateur accepte de jouer ce jeu, de croire à l’avènement des choses, comme par surprise. Ce pacte rejoint celui de Bé et de Keserü qui enquête sur lui : la vision prémonitoire de l’auteur disparu éclaire le “présent futur”. C’est un des grands champs du possible au théâtre, le lieu idéal pour faire des sauts dans le temps, développer la magie de l’invocation et de l’évocation. Il faut regarder les outils du roman avec ceux du théâtre pour les emprunter avec doigté. Kertész laisse une lueur d’espoir dans le roman. Bé affirme que la seule réponse qu’il a à opposer aux nazis et aux dictatures c’est de rester vivant… C’est le grand mystère de nos vies. Je suis physiquement vivant, mais je suis vivant combien ? Ça me fait penser à Tous les morts sont ivres 2, poème de Miłosz qui se termine par « Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi ». Cet homme est habité par le souvenir de disparus, à l’image de Bé (survivant d’Auschwitz comme Kertész) qui affirmait qu’il était mort de son vivant. On est partagés entre cette amertume qui est vertigineusement sans concession sur la réalité de nos vies et nos états de morts-vivants, de « survivant ». Il faut se rappeler que Keserü, même si on ne l’entend pas dans la version française, signifie “amertume”. En même temps,


il y a aussi un appel à la vie et je ne vois pas comment faire autrement que d’y répondre. Nous avons deux possibilités : plonger dans le nihilisme, la morbidité ou alors prendre les yeux de Keserü et faire preuve de résilience, cette capacité à s’épanouir et à survivre après une catastrophe, un traumatisme. En tant qu’artistes, nous sommes des volontaires condamnés à la résilience. Avez-vous évoqué Primo Lévi, qui après avoir tant témoigné des camps et écrit a fini par se suicider en 1987 ? Oui, mais aussi Jorge Semprún. Ce qui démarque Kertész de ces auteurs qui ont connu l’Holocauste c’est qu’il décide de devenir écrivain de fiction. Il n’est pas dans le témoignage qui lui paraît impossible et vain. Il part d’Albert Camus et Thomas Mann. Les correspondances avec Le Docteur Faustus de ce dernier sont hallucinantes. Le décor transcrit la sinistre maison d’édition, en plein climat répressif, mais aussi un ailleurs ? Il se compose d’éléments concrets, agencés de manière irréelle. Des bibliothèques se déplacent, modulent la scène et créent des espaces allant du très intime (moquette canapé, intérieur…) à une ouverture au plus large ! Le cadre et le lointain sont en perpétuel mouvement, créant des effets d’optique avec des paupières et une frise. De plus, une avant scène amène le plateau jusque dans les trois premières rangées du public. La Liquidation du titre est évoquée quatre fois dans le roman : c’est celle de la littérature par l’état, celle du camp d’Auschwitz en 1944, celle opérée par les guerres et diverses dictatures sur les caractères, la personnalité et l’âme mais aussi la liquidation des souvenirs… Ce titre est ambigu. Dans la quête de sa propre identité, faire œuvre de résilience passe par la liquidation – au sens d’amnistie – du passé. Le terme peut créer un malentendu entre le spectateur et le spectacle mais ce qui vient après, le vide existentiel, est intéressant. « L’être sans Moi est perdu, c’est l’être de la catastrophe » dit Bé. Imre Kertész serait-il finalement optimiste en n’ayant pas abdiqué à se trouver ? Sa préoccupation est de trouver comment vivre aujourd’hui. Il n’est pas dans une préoc-

cupation historique ou un travail de mémoire ! Pour parvenir à être des survivants vivants, il y a une nécessité de révoquer ce qui s’est passé. Dans les années 1990, le taux de suicide est monté en flèche en Hongrie. Quand à 15 ans tu passes par un camp de concentration, l’endroit que l’homme dans toute l’humanité a créé de plus perfectionné pour donner la mort de manière industrielle, en sortir est un accident, une exception. Peut-on raconter cette histoire à travers les exceptions ? Comment fait-on pour continuer à vivre ? Y a-t-il une reconstruction du Moi possible alors même que tous vos proches sont partis ? Ensuite, 40 ans de dictature annihilent le sujet. En 1989 le Mur tombe et le sujet renait, les gens peuvent dire “je”, agir librement, se déplacer… Cela crée un vertige absolu ! L’héritage est tellement lourd et impossible à gérer qu’il est comme un boulet dans une valise et tire chacun vers le fond.

Quand l’État subventionne la littérature c’est toujours un moyen caché de la liquider

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THÉÂTRE

rien de grave Précurseur de l’absurde, l’écrivain russe Daniil Harms (1905-1942) résista toute sa vie au régime stalinien. Avec Incidents ou début d’un très beau jour d’été, Christian Rätz met en scène une série de courts textes dont le non-sens laisse apparaître le parcours chaotique d’un auteur maudit.

Par Dorothée Lachmann Photo de Raoul Gilibert

À Strasbourg, au TAPS Scala, du 11 au 13 décembre 03 88 34 10 36 www.taps.strasbourg.eu

«J

e n’ai d’intérêt que pour les “absurdités”, pour ce qui n’a aucune signification pratique. Je ne m’intéresse qu’à la vie dans ses manifestations absurdes », écrivait Daniil Harms dans son journal. Peu connu aujourd’hui, l’auteur né en pleine Révolution russe n’a eu de cesse de dénoncer l’oppression du régime soviétique. Ses textes, dont certains n’excèdent pas une dizaine de lignes, sont autant de petites chroniques très virulentes, « proches du “style Hara-Kiri” avec un humour fortement décalé », explique le metteur en scène Christian Rätz. « La critique n’est jamais directe mais Harms était un non-conformiste qui a toujours refusé de se plier à l’esthétique réaliste de l’époque, celle du régime de Staline. Il était une sorte de dadaïste russe. » Autant dire que l’écrivain fut poursuivi pendant toute son existence, ses textes ne pouvant être publiés que clandestinement. Exilé pour cause d’activités antisoviétiques, il vécut dans la misère, abandonné et crevant de faim, avant d’être interné en asile psychiatrique où il mourut à l’âge de trente-six ans. Dans cette œuvre étonnante, Christian Rätz a dû faire des choix. « Le spectacle est construit autour des quatre thèmes qui déterminent le parcours de l’auteur : l’explication de sa

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naissance, sa difficulté vis-à-vis des femmes et de la sensualité, la surveillance omniprésente et la violence. Ce ne sont pas des textes politiques, le contexte historique apparaît seulement en filigrane, et même si le fond est assez sombre, il est systématiquement traité avec légèreté. » L’absurde, comique du désespoir… Les situations kafkaïennes s’enchaînent face à une administration qui vous prétend mort alors que vous vous tenez devant elle. Ou ce client d’un restaurant, jeté en prison parce qu’il avait commandé du bœuf bouilli et que le serveur n’avait pas compris. Quand on ne comprend pas, on appelle la police… Ou encore ce serial killer qui assure au juge que ce n’est pas si grave d’avoir assassiné un couple et d’avoir arraché le bébé du ventre de sa mère. « Nous sommes saisis d’horreur, mais au bout du compte on ne peut qu’en rire parce trop c’est trop. Le rire nous libère d’une certaine angoisse, même s’il est jaune », estime le metteur en scène. Les quatre comédiens défendent chacun une facette du personnage : l’extravagance – Harms avait l’habitude de se promener déguisé en Sherlock Holmes dans les rues de Saint-Pétersbourg –, la peur, la femme inaccessible… À leurs côtés, la contrebasse dévoile ce qui se joue entre les mots : le début d’un très beau jour d’été, à part quelques incidents.


mot de passe Créé dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Ali Baba prend des accents cosmopolites lorsqu’il est réinventé par la fantaisie de Macha Makeïeff. Dans un feu d’artifice visuel, le conte des Mille et une nuits entre en résonance avec le monde d’aujourd’hui. Par Dorothée Lachmann Photo de Brigitte Enguerand

À Sochaux, à la MALS, vendredi 6 décembre 03 81 94 16 62 www.mascenenationale.com

I

l y a ceux qui jouent au Loto toute leur vie et puis ceux qui sont simplement là au bon moment pour décrocher le sésame et entrer dans la caverne. Le naïf Ali n’avait rien demandé à personne, encore moins à une quarantaine de voleurs. La chance, voilà tout. Quoique. Pas facile d’être un nouveau riche, quand on s’encombre de quelque moralité. Encore moins lorsqu’on est entouré d’un frère cupide et d’une belle-sœur vénale. Si la vie lui a souri, Ali va bientôt connaître les tourments de la métamorphose sociale, la crainte d’être dépossédé. « Le conte m’intéresse, ce mode de récit où tout est possible : le merveilleux, l’horreur, le prodige, le plaisir et l’épreuve. Il est le lieu des révélations de nos âmes. Car sous couvert d’une histoire à raconter, de rebondissements, de coups du sort et autres surprises amoureuses, Ali Baba libère les désirs enfouis et exaspère nos terreurs », souligne Macha Makeïeff.

Dans sa version, Ali est un antihéros truculent et volubile, presque enfantin, ferrailleur de son état et gentiment porté sur la bouteille. Il est « l’idiot magnifique ». En adaptant cette histoire avec l’auteur palestinien Elias Sanbar, la directrice du Théâtre de La Criée a voulu un personnage métissé : un peu marseillais,

un peu arabe, un peu rom. De la même façon, elle donne à entendre les trois langues qui jalonnent le parcours littéraire des Mille et une nuits, l’arabe, le persan et le français. Sur fond de décor portuaire, « l’intrigue se déroule dans un ici et maintenant tout à fait imaginaire, no man’s land méditerranéen, entredeux familier où se jouent trafics, arnaques, embrouilles et expéditions en tous genres ». Car si le merveilleux est la clef de l’affaire, l’histoire d’Ali Baba est d’abord empreinte de la dure réalité humaine, où règnent pauvreté, vol, assassinat, trahison, cruauté et jalousie. Onze acteurs, danseurs, chanteurs, musiciens et acrobates participent à cette fantaisie qui pose la question essentielle : « Nous sommes tous des Ali et rêvons à notre caverne. Mais est-ce que la richesse enchante l’existence ? » La morale, fluctuante et transgressive, interroge plus subtilement encore : est-ce voler que de voler des voleurs ? Est-ce voler que de spéculer ? Dans Ali Baba, il n’y a guère de bons sentiments, juste un homme simple face à une destinée inouïe, qui fait comme il peut, entre rêve et cauchemar. À ceci près qu’en entrant dans la caverne de Macha Makeïeff, il découvre un trésor de fantaisie inépuisable, qui aurait tendance à se multiplier à mesure qu’il est partagé. Le sésame du théâtre. Poly 163 Décembre 13

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DANSE & IMAGES

la belle et la bête Installée à Besançon avec sa compagnie, la chorégraphe Nathalie Pernette s’offre un solo avec un loup et un environnement d’images numériques. Un voyage dans un monde intérieur, onirique, cauchemardesque et… bestial !

Par Irina Schrag Photos de Claude Journu

À Strasbourg, à Pôle Sud, mardi 17 et mercredi 18 décembre (à partir de 10 ans) 03 88 39 23 40 www.pole-sud.fr www.compagnie-pernette.com

La légende veut qu’on ait donné son nom au célèbre plat italien en hommage à la prédominance du rouge dans ses toiles ou à leur ambiance sanguinolente

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nfant déjà, Nathalie Pernette était fascinée par la Bête du Gévaudan, sa multitude de récits, de victimes et de supputations macabres à souhait. L’imagerie populaire et artistique de férocité et de carnages dans l’obscurité de forêts inquiétantes rejoignait sa mythologie personnelle : SaintGeorges terrassant le dragon au milieu de dépouilles et de crânes peints par Vittore Carpaccio* au XVIe siècle. Rien d’étonnant donc à la voir explorer « un monde intérieur » dans une confrontation solitaire avec les éléments prenant vie grâce aux projections numériques d’images de films de loup-garou, de transformations, de poursuites et de cris déchirant le silence. La danseuse habite avec une physicalité toute en tension le plateau nu. Sa tête rasée renforce l’impression squelettique d’une silhouette torturée de convulsions, de spasmes bestiaux dont les mimiques sont rehaussées par d’habiles bruitages. Sont convoquées sous nos yeux la « crainte du surgissement de la

bête, la hantise d’être encerclé, dévoré, transformé, possédé ». La Peur du loup se joue avec une intensité de tous les instants. Une danse habitée au milieu d’une multiplication de traits et coulures obscurcissant l’espace jusqu’à recouvrir cette femme-bête peinant à contenir son réveil intérieur. Usant de nombreuses ruptures rythmiques, Nathalie Pernette nous entraîne au cœur d’une lutte, d’une métamorphose entre ombre et lumière où l’émergence de l’instinct primaire produit avec une subtilité de détails une image rêvée, fantasmatique et fantasmagorique. Sexualité, violence, domination et animalité sortent du bois, comme ce (véritable) loup, celui que l’on craint mais attend tout de même, recherchant la peur enfantine qu’il nous inspirait. Ce pas de deux avec son alter ego, ballet dansé tout en fluidité, offre quelques instants de douceur au milieu du tumulte du monde…


MARIONNETTES

la ligne rouge Inspiré d’un ouvrage jeune public, La Queue de Monsieur Kat de la compagnie Mécanika est construit comme un long travelling. Un spectacle de marionnettes mêlant musique et création vidéo live à découvrir au TJP.

Par Emmanuel Dosda Illustrations de Tjalling Houkema

À Strasbourg, au TJP Grande scène, du 12 au 19 décembre (dès 4 ans) 03 88 35 70 10 www.tjp-strasbourg.com www.mecanika.net

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assé par la faculté des Beaux-Arts de Porto et l’École nationale supérieure des Arts de la Marionnette de CharlevilleMézières, Paulo Duarte produit des spectacles où la dimension plastique est très importante, « des pièces sans texte où l’image prime. Le théâtre me permet de raconter une histoire en travaillant collectivement. Je continue cependant à œuvrer en solitaire dans mon atelier lorsque je conçois des personnages, imagine des scénographies et expérimente. » À l’origine de La Queue de Monsieur Kat, il y a un « coup de foudre » pour l’album éponyme de l’auteur néerlandais Tjalling Houkema, acheté pour son jeune fils à Amsterdam. Le livre e accordéon se déplie pour devenir une fresque fourmillante de détails colorés, permettant des lectures multiples et offrant la possibilité de se raconter une infinité d’historiettes. On y voit des oiseaux, autant de personnages archétypaux (le voleur, le policier, le prof, les parents, le facteur…) se déplaçant sur et autour d’une mystérieuse ligne rouge et blanche qui s’avère être… la queue d’un matou, souriant comme celui d’Alice au Pays des Merveilles. L’air satisfait, des plumes voltigent autour de sa gueule. Séduit par « le format, les éléments graphiques, le dessin, la couleur et les mouvements suggérés »,

Paulo Duarte décide d’adapter l’ouvrage au théâtre pour son premier spectacle dédié au jeune public. Afin de raconter cette journée ordinaire dans la vie de ces volatiles, allégorie de la condition humaine où les protagonistes semblent inconscients du danger sous-jacent, l’artiste / marionnettiste a opté pour des solutions scénographiques s’éloignant de la « simple reproduction tridimensionnelle du livre ». Sur le plateau, rien n’est dissimulé, toutes les manipulations sont visibles, les “trucs” dévoilés. La Queue de Monsieur Kat intègre des marionnettes qui se meuvent devant une vidéo réalisée en live par Fabien Houkema. Une création sonore, produite en direct par Morgan Daguenet, plonge le spectacle dans une ambiance musicale percussive et synthétique, analogique et électronique. Certains protagonistes, manipulables à distance grâces à des petits moteurs, sont également sonorisés : ils entrent dans ce ballet mécanique et participent à ce « spectacle non pas linéaire, mais avec une trame et des points d’orgue comme la découverte de l’animal mangeur d’oiseaux. J’aime cette métaphore de la vie contemporaine, l’idée que la routine puisse nous faire oublier le danger. On s’habitue à la queue du chat… »

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THÉÂTRE

chronique d’un peuple Le Théâtre national palestinien et Adel Hakim adaptent Antigone de Sophocle et livrent une « tragédie palestinienne » en arabe où se croisent Éros et Thanatos.

Par Emmanuel Dosda Photo de Nabil Boutros

À Épinal, au Théâtre de La Rotonde, mardi 3 décembre 03 29 65 98 58 www.scenes-vosges.com À Bar-le-Duc, à L’ACB Scènes Nationale, jeudi 5 et vendredi 6 décembre 03 29 79 73 47 www.acbscene.eu À Colmar, à la Comédie de l’Est, mercredi 18 et jeudi 19 décembre 03 89 24 31 78 www.comedie-est.com

1 Adel Hakim est né au Caire en 1953 www.theatre-quartiers-ivry.com

Le Théâtre national palestinien, fondé en 1984, est le seul théâtre de Jérusalem Est

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a pièce de Sophocle narre un conflit fratricide opposant Polynice et Étéocle, fils d’Œdipe, pour le trône de Thèbes, le premier n’hésitant pas à attaquer la ville pour renverser son frère. Bilan : deux morts et un nouveau roi, Créon, leur oncle, interdisant formellement que l’on offre une sépulture à Polynice, préférant le jeter aux chiens sauvages. Antigone, la sœur des deux hommes, s’oppose à cette injustice, s’insurge et se retrouve condamnée à l’enfermement. Elle n’échappera pas au cachot, malgré les protestations d’Hémon, fils de l’intransigeant Créon et fiancé de la belle. Cette épopée familiale sanglante, mise en scène par Adel Hakim1, a été créée à Jérusalem, avec le Théâtre national palestinien2, durant deux mois.

La version du codirecteur du Théâtre des Quartiers d’Ivry s’ouvre sur la présentation du corps des deux jumeaux qui se sont entretués, dans une parfaite symétrie, sur les notes orientales du Trio Joubran nous plongeant dans la Palestine contemporaine. « Le parallèle se fait naturellement dans l’esprit du spectateur car il sait d’où viennent les acteurs », indique simplement un metteur en scène qui a scrupuleusement respecté le texte de Sophocle… traduit en arabe. Sur scène, un mur ajouré fait office d’écran où sont projetés

les surtitres français ainsi que les mots grecs du texte original. « Trois langues méditerranéennes se rencontrent ici. » Seul écart, le remplacement d’un chœur de Sophocle par un poème de Mahmoud Darwich. Difficile de s’empêcher de voir ces deux frères ennemis comme une métaphore « du déchirement interne du peuple palestinien, avec le Hamas d’un côté et le Fatah de l’autre ». Pour Adel Hakim, « une des caractéristiques de la tragédie grecque est de montrer comment un contexte politique va avoir des incidences au sein d’une même famille. » Créon, roi sévère et intransigeant, rappelant les dirigeants ayant fait les frais du Printemps arabe, ne supporte pas qu’une femme vienne le contredire. Antigone, figure féminine d’insoumission défiant l’autorité méprisante, est montrée dans toute sa « sensualité », insiste le metteur en scène. « Avant son dernier monologue, qui va la conduire à la mort, un texte du chœur absolument fabuleux évoque Éros – le dieu le plus puissant puisqu’il contrôle les passions humaines – et Aphrodite. Cette tragédie politique parle d’un dictateur rigide dépassé par les sentiments humains et une jeunesse qui se révolte. » Un texte de 2 500 ans mais d’une actualité brûlante.


LE MOTEUR DE RECHERCHE D E L A C U LT U R E

Alsace, Bade-Wurtemberg, Bâle, Franche-Comté, Lorraine, Luxembourg _ hors série

LE MOTEUR DE RECHERCHE D E L A C U LT U R E

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plus belle, devient magique, fait se côtoyer petits et grands, Haguenoviens et touristes, un temps fort en animations pour tous. Du 23 novembre au 30 décembre, Haguenau www.ville-haguenau.fr

Crèches de Noël Exposition

À l’approche de Noël, les crèches prennent place dans les maisons. Mais que savons-nous exactement de cette tradition ? Cette exposition est l’occasion d’en apprendre davantage… Du 1er novembre au 29 décembre à la Maison de la Manufacture des Armes blanches à Klingenthal www.klingenthal.fr

Exposition

Arbre de vie, symbiose de nombreux rites païens, la tradition du sapin de Noël plonge ses racines dans la nuit des temps. On en trouve la plus ancienne mention à Sélestat dans un livre de comptes datant de 1521. Venez découvrir cet ouvrage exposé à la Bibliothèque Humaniste à l’occasion des fêtes de Noël. Du 23 novembre au 31 décembre à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat www.bh-selestat.fr Secret et imagerie de pains d’épices Exposition

© J-F Badias

Le Père Noël vous confie quelquesuns de ses secrets… Laissez-vous conter l’histoire des pains d’épices à travers la richesse des images qui y sont associées. Du 23 novembre au 5 janvier au Écomusée d’Alsace à Ungersheim www.ecomusee-alsace.fr

Marché de Noël de Colmar

Happy cristal ! Exposition

Marché de Noël

Au Pays des Lumières, le cristal s’installe et se fait décor pour Noël. Du 23 novembre au 5 janvier, Musée Lalique à Wingen-surModer www.musee-lalique.com

Le charme envoûtant des fêtes de Noël à Colmar ! Les traditions de Noël, fêtées en Alsace de l’Avent à l’Épiphanie, revêtent à Colmar une dimension particulière… Du 22 novembre au 31 décembre, Place des Dominicains, Place de l’Ancienne Douane, Koïfhus, Place Jeanne d’Arc, Petite Venise www.noel-colmar.com

Marché de Noël artisanal de Niederbronn-les-Bains Marché de Noël

Revivez l’ambiance d’un Noël d’antan avec un marché mettant en valeur le savoir-faire des artisans. Pièces authentiques, idées cadeaux et décors de Noël se mêlent aux décors artistiques et expositions qui ravivent

Marché de Noël de Mulhouse Marché de Noël

Chaque année, Mulhouse s’anime d’illuminations scintillantes, de tissus chatoyants, de chalets en bois… le temps de la période de l’Avent. Du 23 novembre au 29 décembre, Place de la Réunion, Mulhouse www.noel.mulhouse.fr Exposition

Marché de Noël

C’est un temps où la ville est encore

Marché de Noël de Kaysersberg Marché de Noël

La ville de Kaysersberg vous invite à découvrir son fameux Marché de Noël authentique, reconnu dans le monde entier, les week-ends de l’Avent. Du 29 novembre au 1er décembre, du 6 au 8 décembre, du 13 au 15 décembre, du 20 au 22 décembre, centre-ville de Kaysersberg www.noel-a-kaysersberg.com Marché de Noël de Strasbourg Marché de Noël

Avec ses 12 marchés de Noël, Strasbourg vous invite à une promenade savoureuse au cœur de son centre historique. La ville fait honneur à son titre de “capitale de Noël”. Du 29 novembre au 31 décembre, divers lieux à Strasbourg www.noel.strasbourg.eu Marché de Noël de Soufflenheim Marché de Noël

L’Office de Tourisme organise chaque année son Marché de Noël et propose divers produits (arts de la table,

décorations et couronnes de l’Avent, poterie, vin, Champagne, foie gras, miel...) Samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre, Halle du Marché de Soufflenheim www.ot-soufflenheim.fr Marché aux sucreries Hansel et Gretel d’Erstein Marché de Noël

Marché de produits sucrés sous toutes ses formes et ateliers vivants, forum des Chefs (démonstration et vente de recettes faites par des grands chefs alsaciens), animations musicales, concert de l’Avent… Samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre, Salle Hérinstein, Erstein www.grandried.fr Marché de Noël de Barr Marché de Noël

Un Noël authentique, dans un décor de carte postale ! Comme chaque année, les trois premiers week-ends de décembre, les amateurs d’artisanat de qualité, d’ambiance festive et de produits de terroir se donnent rendez-vous au centre de Barr. Samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre, du 6 au 8 décembre, samedi 14 et dimanche 15 décembre, Hôtel de Ville, Barr www.barr.fr Marché de Noël de Riquewihr Marché de Noël

La quête de l’esprit de Noël Animation

© G. Engel

Marché de Noël de Haguenau

vos sens et vous plongent dans une chaleureuse atmosphère féérique d’un Noël ancien. Du 29 novembre au 1er décembre, samedi 7 et dimanche 8 décembre, samedi 14 et dimanche 15 décembre www.niederbronn.com

Au moment de Noël, la ville ruisselle de lumière et propose son marché de Noël traditionnel dans un décor féérique alliant l’esprit de Noël à tout ce qui fait le charme de l’Alsace. Du 30 novembre au 29 décembre, centre-ville de Riquewihr www.ribeauville-riquewihr.com

Saint-Nicolas et le Père Noël

Une présentation originale des ces deux figures populaires. Du 23 novembre au 29 décembre, Musée de la Communication en Alsace, Riquewihr www.shpta.com

© Ville d'Obernai

1521, la première mention écrite de l’arbre de Noël

Christkindelsmärik, Place Broglie, Strasbourg

Les jardins enchanteurs du Parc de Wesserling s’illuminent le temps d’une visite imaginaire dans le passé textile de cette ancienne manufacture royale. Entre rêve et magie, voilà un parcours féerique en plein cœur des jardins aux 1 000 lumières. Accompagnés par d’étonnants personnages


Le Marché de la Gastronomie de Noël en Alsace d’Obernai Marché de Noël

Produits du terroir, spécialités alsaciennes et artisanat de Noël. Du 30 novembre au 31 décembre, centre-ville d’Obernai www.tourisme-obernai.fr Fournil de Noël Animations

Spécialités de Noël, bredele, et autres gourmandises sont proposés. Du 30 novembre au 31 décembre, Maison du Pain d’Alsace à Sélestat www.maisondupain.org

Noël accueille les visiteurs au cœur du centre-ville. Le petit village ouvre les auvents de ses maisonnettes en bois où décorations de Noël, objets artisanaux et idées de cadeaux seront présentés et proposés à la vente. Du 6 au 24 décembre, Place d’Armes de Sélestat www.ville-selestat.fr Marché de Noël de l’artisanat et des traditions de Rouffach Marché de Noël

Marché de Noël traditionnel artisanal dans le centre historique médiéval et Renaissance de Rouffach avec diverses animations et démonstrations dans l’Ancien Hôtel de Ville et la Halle aux Blés.

Marché de Noël et animations de l’Avent à Wissembourg Marché de Noël

Au cœur de la ville, au pied de l’abbatiale, retrouvez votre âme d’enfant dans une ambiance de Noël féérique ! Vente de produits du terroir, de décorations et d’artisanat. Feu de la solidarité. Samedis et dimanches 30 novembre et 1er décembre, 7 et 8 décembre, 14 et 15 décembre, 21 et 22 décembre, place de la République de Wissembourg www.ot-wissembourg.fr Les Fenêtres de l’Avent de Uffholtz Animations

Chaque soir, une fenêtre s’ouvre quelque part dans le village à la manière d’un calendrier de l’Avent grandeur nature. À la place de la friandise, on découvre différents spectacles. Du 1er au 24 décembre, divers lieux à Uffholtz www.24fenetres.fr Fenêtres de l’Avent d’Ensisheim Animation

Chaque jour, une nouvelle fenêtre s’ouvre devant les yeux émerveillés des petits et des grands, faisant grandir un peu plus l’esprit et la magie de Noël ! Du 1er au 24 décembre, Place de l’Eglise d’Ensisheim www.ville-ensisheim.fr Le château du HautKoenigsbourg en habits de fête Animations

En décembre, le château sort de sa hotte des idées de sorties pour redécouvrir quelques traditions ancestrales. Du 1er au 31 décembre, château du Haut-Koenigsbourg, Orschwiller www.haut-koenigsbourg.fr Le Village de Noël Marché de Noël

Installé Place d’Armes, le Village de

- Vendredi 29 novembre à 20h, en l’Église protestante de Geudertheim - Dimanche 1er décembre à 16h en l’Église Saint-Jacques-le-Majeur de Dettwiller - Samedi 7 décembre à 20h15 en l’Église protestante d’Eckbolsheim - Dimanche 8 décembre à 10h30 en l’Église protestante de Mittelhausen et à 17h en l’Église protestante d’Oberhoffen-sur-Moder, - Vendredi 13 décembre à 20h15 en l’Église protestante de Bouxwiller - Samedi 14 décembre à 20h15 au Temple de Villé - Dimanche 15 décembre à 10h en l’Église protestante d’Hœnheim et à 17h en l’Église protestante de Wasselonne - Mercredi 20 décembre à 20h en l’Église protestante de Vendenheim - Vendredi 22 décembre à 10h en l’Église protestante d’Eckwersheim - Jeudi 26 décembre à 10h en l’Église protestante de Gerstheim et à 17h au Liebfrauenberg de Gœrsdorf http://monsite.orange.fr/engel L’Enfance du Christ Oratorio

Il y a 150 ans, Strasbourg organisait un rassemblement de musiciens amateurs dans une gigantesque salle en bois construite pour l’occasion,

Samedi 7 et dimanche 8 décembre, Ancien Hôtel de Ville et Halle aux Blés de Rouffach www.ot-rouffach.com Marché de Noël Médiéval de Ribeauvillé Marché de Noël

Un marché qui se démarque par son originalité, son authenticité liée au décor et à l’animation médiévale déployés dans la vieille ville. Samedis et dimanches 7 et 8 & 14 et 15 décembre, centre-ville de Ribeauvillé www.ribeauville.net Marché de Noël de Bouxwiller Marché de Noël

Au gré des rues de la vieille ville et autour de la Place du Château, vous vous laisserez séduire par les stands. Samedi 7 et dimanche 8 décembre, centre-ville de Bouxwiller www.commune-bouxwiller.fr Noël Bleu de Guebwiller Animations

Un noël coloré et fascinant ! 7 & 8, 14 & 15, 21 & 22 et 26 décembre, centre-ville de Guebwiller www.noelbleu-alsace.eu Roland Engel présente Concerts

Bie de alte isch mr guet ghalte ! (Au bonheur des vieux) : tel est le titre des veillées de Noël que l’auteur compositeur interprète Roland Engel (chant, accordéon, harmonica, mélodica, glockenspiel) proposera.

© Ville d'Obernai

issus de la saga industrielle, laissez-vous séduire par des contes, de surprenantes rencontres et de délicieuses saveurs de Noël. Du 30 novembre au 30 décembre, Parc de Wesserling à HusserenWesserling www.parc-wesserling.fr

place Kleber. Hector Berlioz, invité d’honneur, y dirigeait son œuvre : L’Enfance du Christ. L’orchestre de jeunes de Strasbourg et l’ensemble vocal universitaire de Strasbourg lui rendent hommage. Samedi 30 novembre à 20h, en l’Église Sainte-Madeleine de Strasbourg Dimanche 15 décembre à 17h, au Palais des fêtes de Strasbourg www.ojssymphonique.net Concert de l’Avent Festif

La Ville de Strasbourg, vous invite à


bourg au fleuve Amour. Au Palais de la musique et des Congrès de Strasbourg, mardi 31 décembre à 20h et mercredi 1er janvier à 17h www.philharmonique-strasbourg.com

SAMEDI 7 DÉCEMBRE Concert de Noël russe Concert

Par le Chœur d’Hommes SaintAlexandre Nevsky de Saint-Pétersbourg. Au programme : liturgie et chœurs orthodoxes de Noël et chants populaires russes, des koliadkys, miniatures musicales racontant le mystère de Noël avec poésie et verve. Samedi 7 décembre à 20h au Temple neuf de Strasbourg www.templeneuf.org

DIMANCHE 1er DÉCEMBRE Noëls joués et chantés

© Ville de Strasbourg

Concert

Cathédrale de Strasbourg

Spectacle

Une cinquantaine de jeunes comédiens, figurants, musiciens, chanteurs, danseurs. Mercredi 11 décembre à 14h et 20h30 puis jeudi 12 et vendredi 13 décembre à 20h30, à la Cathédrale de Strasbourg www.mystere-de-noel.fr La Forlane Musique

Chanson

Une voix divine et une belle présence scénique pour un concert traditionnel et très attendu. Dimanche 15 décembre à 20h30 au Dôme de Mutzig www.illiade.com

Mozart et merveilles Concert de Noël

Les musiciens de La Follia et les 24 choristes d’Opus 4 s’associent pour un programme de Noël autour de Mozart, programmé dans le cadre des Noëlies. - Vendredi 6 décembre à 20h30, en l’Église Protestante de Haguenau - Vendredi 13 décembre à 20h, en l’Église protestante Saint-Pierrele-Jeune de Strasbourg www.la-follia.org

© Ville de Niederbronn

Les Mystères de Noël, Le Temps du Messie

Pour fêter Noël et les fêtes de fin d’année, l’ensemble La Forlane propose son traditionnel concert de Noël. Au programme, des œuvres de Mendelssohn, Mozart et Schubert. Dimanche 1er décembre à 15h aux Dominicains de Guebwiller Dimanche 8 décembre à 17h en l’Église Notre-Dame de l’Assomption de Rouffach www.les-dominicains.com

DIMANCHE 15 DÉCEMBRE Le Noël de Virginie Schaeffer

Nouvel An russe Festif

Sous la baguette de Marc Schaefer l’OPS nous propose un programme en forme de voyage de Saint-Péters-

Les Québécois invités d'honneur à Niederbronn

SAMEDI 21 DÉCEMBRE Noël du nord au sud, d’est en ouest Concert

À l’occasion de cette manifestation musicale de Noël, le groupe Mojitos-Moving vous fera découvrir la richesse et la variété de chansons traditionnelles de Noël piochées parmi les cultures européennes et américaines. Samedi 21 décembre à la 20h30 à La Scène de Pfaffenhoffen www.lascene.pfaffenhoffen.org

dimanche 22 décembre Défilé nocturne avec Christkindel et Hans Trapp Animations

© Ville de Bouxwiller

célébrer le temps de l’Avent à travers 4 concerts exceptionnels. - Dimanche 1er décembre à 20h, à la Cathédrale : ensemble polyphonique Klapa Sveti Juraj - Dimanche 8 décembre à 20h, à la Cathédrale : ensemble Philomèle, de la Schola Cantorum de Bâle - Dimanche 15 décembre à 20h, à la Cathédrale : les Solistes de Zagreb - Dimanche 22 décembre à 20h, en l’Église Saint-Thomas, les musiciens de l’OPS proposent un programme Mozart / Dvorák www.strasbourg.eu

La Saison du Masque à Strasbourg s’ouvre avec un programme dans le temps de Noël. C’est avec la chanteuse canadienne Anne L’Espérance, au timbre chaleureux que les musiciens présentent une collection de chansons traditionnelles et populaires aux couleurs festives du XVe au XVIIe siècle de Marais, Scarlatti, Sammartini Dimanche 1er décembre à 17h en l’Église Saint-Pierre le Vieux de Strasbourg www.le-masque.com

Le Hans Trapp, accompagné des chevaliers brigands, sera annoncé au son des tambours par des moines affolés qui voudront prévenir la population du danger imminent. Un cortège aux flambeaux et une féerie pyrotechnique entoureront le char de Christkindel. Dimanche 22 décembre, Place de la République, Wissembourg www.ot-wissembourg.fr


En attendant Noël… Marché de Noël

Dans un cadre magique, découvrez un marché de Noël traditionnel avec de nombreux exposants : créations artisanales, décorations de Noël, gastronomie locale… Samedi 7 et dimanche 8 décembre, Musée des maisons comtoises, Nancray www.maisons-comtoises.org Marché de Noël de Pontarlier Marché de Noël

Animations sur plusieurs jours Marché de Noël de Besançon Marché de Noël

Une soixantaine d’exposants proposeront produits régionaux, décorations de Noël, santons de Provence, artisanat… Tous les week-ends sont en outre proposés animations, déambulations et concerts . Du 22 novembre au 24 décembre, Place de la Révolution, Besançon www.besancon-tourisme.com Lumières de Noël de Montbéliard

Marché de Noël et Animations

La “cité des Princes” offre un cadre idéal pour mettre en valeur les somptueuses Lumières de Noël, à travers ses monuments embléma-

tiques comme le Château des ducs de Wurtemberg, les Halles ou encore le temple Saint-Martin. Illuminations, marché de Noël authentique, animations originales… font la renommée de Montbéliard. Du 23 novembre au 24 décembre, divers lieux à Montbéliard www.lumieres-de-noel Noël d’antan Marché de Noël

Rendez-vous à la “forge musée” où vous retrouvez le charme d’antan autour de métiers traditionnels comme la vannerie, la poterie ou la tournerie sur bois. Les 30 novembre, 1er, 7 et 8 décembre, à la forge musée à Etueffont http://forge.etueffont.free.fr

Découvrez de nombreux articles cadeaux : jeux et jouets en bois, bougies, maroquinerie, bijoux… et venez déguster de nombreux produits : chocolats, biscuits, châtaignes, fruits, pain d’épices, crêpes, gaufres, vin chaud… Du 11 au 24 décembre, place d’Arçon, Pontarlier www.ville-pontarlier.fr Laponia Dream Animations

Tous les enfants sages savent bien où vit le Père Noël… En FrancheComté, bien sûr ! Et plus exactement à Laponia Dream, dans le Parc naturel régional du Haut-Jura. Dans l’ambiance traditionnelle d’un village de Laponie, entre élevage de rennes, maison des lutins et maison du Père Noël, tout ici est invitation au dépaysement. Pendant tout l’hiver, Laponia

Dream, La Pesse www.laponiadream.fr

samedi 14 décembre Randonnée de Noël Animations

Voici venue le temps de la sixième édition d’une manifestation ouverte à tous (groupes constitués ou individuels) qui a pour but de faire découvrir ou redécouvrir la ville dans un contexte festif et original tout en invitant les participants à se rendre au Marché de Noël… Samedi 14 décembre, départ à la Rodia à Besançon www.besancon-tourisme.com


du Vieux Gérardmé de Gérardmer www.gerardmer.net Saint-Nicolas à Nancy Fête

Animations sur plusieurs jours Marché de Noël de Nancy Marché de Noël

Comme de nombreuses villes de l’Est, en France et en Allemagne, Nancy propose son marché de Noël qui participe largement à l’ambiance magique des fêtes. Du 22 novembre au 24 décembre, centre-ville de Nancy www.nancy-tourisme.fr Marché de Noël de Metz Marché de Noël

Le marché de Noël revient sur les places Saint-Jacques, Saint-Louis, place de Chambre et de la République à Metz. Chalets, gourmandises et animations sont au rendez-vous. À partir du 23 novembre, divers lieux au centre-ville de Metz www.noel-a-metz.com

Marché de Noël de Plombières-les-Bains Marché de Noël

Au sud des Vosges, le Marché de Noël de la charmante cité thermale, un des plus authentiques de Lorraine, propose quatre week-ends féeriques avec plus de cent exposants et un thème différent chaque week-end. Tous les week-ends du 30 novembre au 22 décembre www.marchedenoel-plombieres. com Village de Noël Sarreguemines Marché de Noël

Avec ses chalets en bois joliment décorés nichés au coeur de la ville, le Marché de Noël joue les petits villages. Du 30 novembre au 24 décembre, centre-ville de Sarreguemines www.sarreguemines-tourisme. com Marché de Noël de Thionville Marché de Noël

Plusieurs villages à thème proposent des produits régionaux. Du 30 novembre au 31 décembre, Place du marché Thionville www.thionville.fr

Fête traditionnelle lorraine, c’est à Nancy que la Saint-Nicolas est fêtée avec le plus de faste et de gaîté. Officiellement le 6 décembre, la fête de Saint-Nicolas mérite bien deux jours de festivités. Samedi 7 et dimanche 8 décembre, centre-ville de Nancy www.saint-nicolas.nancy.fr Marché de Noël au Fort d’Uxegney Marché de Noël

Le fort ouvrira exceptionnellement et gratuitement ses portes pour accueillir son grand marché de Noël avec sept salles d’expositions, 35 exposants (artisanat, jouets en bois, miroirs, miel et produits de la ruche, lampes, bougies, vases, art floral, tableaux, pâte à sel...). Samedi 7 et dimanche 8 décembre, au Fort d’Uxegney (Vosges) http://fort-uxegney.pagespersoorange.fr Marché de Noël artisanal de Xonrupt Marché de Noël

Manifestation exclusivement artisanale avec 50 exposants. Vente de bijoux en pierre, de céramique, de vitraux… Samedi 14 et dimanche 15 décembre, salle polyvalente de Xonrupt-Longemer www.xonrupt.fr

Grand Marché de Noël du Bijou de Créateur Marché de Noël

Ils travaillent le métal, la céramique, le bois, le verre, les matériaux de récupération et ont tous en commun de faire des bijoux originaux et créatifs… Ils viennent des quatre coins de France et parfois même d’un peu plus loin… Vous pourrez retrouver et acheter leurs pièces. Du 27 novembre au 31 décembre au Pôle Bijou de Baccarat www.polebijou.com Village de Noël d’Épinal Marché de Noël

Marché traditionnel et artisanal, animations culturelles et artistiques, illuminations sont au programme. Du 29 novembre au 24 décembre, centre ville d’Épinal www.epinal.fr

Noël merveilleux de Malbrouck Animations

Le château de Malbrouck se métamorphose en fabrique du Père Noël avec des spectacles, des animations qui s’inscrivent dans le cadre de “Noëls de Moselle”. Du 1er au 15 décembre au Château de Malbrouck à Manderen www.chateau-malbrouck.com Village de Noël de Gérardmer Marché de Noël

Voilà la 13e édition du Village de Noël de Gérardmer ? Au menu, vente de cadeaux, artisanat, produits du terroir, sapins… Quelque 25 chalets formeront un petit village joliment décoré avec de nombreuses animations. Du 7 décembre au 5 janvier, place

Fête

Metz s’animera pour accueillir dignement Saint Nicolas… sans oublier pour autant la présence du Père Fouettard chargé de corriger ceux qui n’ont pas été sages ! Fanfares, musiciens, spectacles… Dimanche 8 décembre, divers lieux au centre-ville de Metz www.mairie-metz.fr

dimanche 1er décembre Course des pères et mères Noël de Forbach Animation

Un événement sportif et ludique ! Dimanche 1er décembre, centreville de Forbach www.coursedesperesnoel.com

Mercredi 18 décembre Animation jeune public

Exposition

Ville de Metz

dimanche 8 décembre Fête de la Saint-Nicolas de Metz

Noël de Moselle

Noël en papier

Les fantastiques sculptures en papier d’André Gacko. De ses mains, jaillissent dragons, chevaux, lions, rapaces, chiens, taureaux, serpents, personnages (comme Don Quichotte et son fidèle serviteur Sancho Panza ou Arthur Rimbaud), matadors… Du 30 novembre au 5 janvier au Musée de la Tour aux Puces à Thionville www.tourauxpuces.com

Pour les enfants des écoles de musique et conservatoires du département 57, Noël est souvent l’occasion de faire leurs premiers pas sur scène et de se produire devant un public. Le Conseil Général de la Moselle accompagne ces structures d’enseignements artistiques mosellanes tout au long de l’année et souhaite valoriser tout le travail réalisé. Dans les sites “Moselle Passion”, du 30 novembre au 5 janvier 2014 www.noelsdemoselle.fr

Place Stanislas, Nancy

Marché de Noël et Crèche Vivante de Walscheid Marché de Noël et Animation

Mise en scène d’une crèche grandeur nature dans la grotte Saint-Léon. De jeunes acteurs interprètent les personnages traditionnels. Samedi 14 et dimanche 15 décembre, Salle des fêtes et Grotte St-Léon de Walscheid www.walscheid.com Noël au château de la Grange Animation

Chants et contes rythmeront cette soirée de Noël. Avant de se séparer, une dégustation de biscuits traditionnels lorrains et de vin chaud ravira les gourmands. Du 20 au 22 décembre, Château de La Grange à Manom www.chateaudelagrange.com Concerts des écoles de musique et des conservatoires de Moselle Découverte

Dans le cadre de l’opération “Noëls de Moselle”, le Domaine départemental de Lindre propose au jeune public un atelier décoration de Noël. Durant l’après-midi, baladez-vous autour de l’étang et profitez du décor magique. Mecredi 18 décembre au Domaine départemental de Lindre à LindreBasse www.domainedelindre.com

DIMANCHE 8 DÉCEMBRE Concert de la Saint-Nicolas Classique

L’Orchestre national de Lorraine célèbre la Saint-Nicolas avec une programmation de circonstance faite de pages de Haydn et Mozart. À L’Arsenal de Metz, dimanche 8 décembre à 16h www.arsenal-metz.fr

MERCREDI 11 DÉCEMBRE Orotario de Noël Bach

Le Concert Lorrain interprètera l’Oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach avec le Chœur Arsys Bourgogne et le Chœur spécialisé du CRR de Metz Métropole. En l’Église Saint-Joseph à Montigny-lès-Metz, mercredi 11 décembre à 20h www.leconcertlorrain.com



centre ville de Stuttgart www.stuttgarter-weihnachtsmarkt.de Marché de Noël Médiéval de Durlach Marché de Noël

Le Petit Chaperon Rouge Exposition

Pour rendre hommage aux frères Grimm le musée dédie une exposition au personnage éponyme du Petit Chaperon Rouge. Du 9 novembre au 12 janvier au Elztalmuseum à Waldkirch www.elztalmuseum.de JUL – Des lumières scintillantes de Suède Exposition

À côté de la présentation de crèches vieilles de quatre siècles, le musée nous entraîne dans les paysages nordiques. Découvrez Noël en Suède (jul, comme on dit là-bas). Du 22 novembre au 2 février au Museum der Alltagskultur à Waldenbuch www.museum-der-alltagskultur.de Marché de Noël de Heidelberg Marché de Noël

Quelque 140 stands proposant des produits originaux sur les places de la ville pendant la période de l’Avent. Du 25 novembre au 22 décembre, centre de Heidelberg www.heidelberg-marketing.de Marché de Noël de Fribourg Marché de Noël

Avec ses stands disposés en plein cœur du centre historique illuminé, ce marché de Noël est l’un des plus typiques et des plus populaires d’Allemagne. Il anime la Rathausplatz (place de l’hôtel de ville), la Franziskanerstraße (rue des franciscains), la place Unterlinden, et le Kartoffelmarkt (marché aux pommes de terres). Du 25 novembre au 23 décembre,

des plus parfumés et colorés offrant miels, spécialités locales, artisanat, bijoux… Le mot d’ordre est de profiter pleinement, corps et âme, de tous les plaisirs de Noël ! Du 30 novembre au 23 décembre, centre-ville de Gengenbach www.stadt-gengenbach.de

Rathausplatz, Kartoffelmarkt et Unterlindenplatz à Fribourg www.weihnachtsmarkt.freiburg.de

Dans cette banlieue de Karlsruhe, l’ancienne capitale des margraves du Bade-Durlach, à l’intérieur du château Karlsburg a lieu un classique marché médiéval, où acrobates, jongleurs et musiciens divertissent petits et grands. Du 28 novembre au 22 décembre, Karlsburg de Durlach www.durlacher.de

Marché de Noël de Baden-Baden

Marché de Noël de Karlsruhe

Marché de Noël de Lörrach

Niché en plein coeur des collines de la Forêt Noire, le décor pittoresque du Kurhaus et de ses colonnes vous invite à découvrir le marché de Noël. Un véritable conte de fées. Du 25 novembre au 30 décembre, devant le Kurhaus de Baden-Baden www.baden-baden.de

Installé sur la Marktplatz, le marché de Noël de Karlsruhe, est dominé par une grande pyramide de 17 mètres de haut. Les chalets de bois proposent verrerie, cuir, porcelaine, poterie, bois, bougies, bijoux, décorations de Noël, crèches, jouets… Du 28 novembre au 23 décembre, Marktplatz, à Karlsruhe www.weihnachtsstadt-karlsruhe. de

La tradition rhénane est respectée. Du 5 au 15 décembre au centreville de Lörrach www.loerrach.de

Marché de Noël royal au château des Hohenzollern

Musée de Noël

Marché de Noël

Marché de Noël d’Offenburg Marché de Noël

Venez expérimenter l’atmosphère de Noël… Du 26 novembre au 23 décembre, centre-ville d’Offenburg www.offenburg.de Crèche de Zizenhausen Exposition

Présentation de crèches en terre cuite. Du 26 novembre au 5 janvier, Museum im Ritterhaus à Offenburg www.museum-offenburg.de Marché de Noël de Stuttgart Marché de Noël

Depuis 1692, ce Marché, avec ses 230 cabanes, compte parmi les plus beaux et les plus grands d’Allemagne. Tout brille de mille feux. Partout on peut sentir l’odeur du vin chaud et des gaufres à la cannelle. Un “pays des merveilles” est construit sur la place du château pour les plus jeunes et de nombreux concerts de l’Avent complètent le programme festif. Du 27 novembre au 23 décembre,

Marché de Noël

Marché de Noël

Ce marché royal est devenu un des plus beaux d’Allemagne. Le cadre imposant et pittoresque du château de la maison des Hohenzollern est le garant d’une ambiance exceptionnelle. Du 29 novembre au 1er décembre & du 6 décembre au 8 décembre, au château de Hohenzollern www.burg-hohenzollern.com Marché de Noël de Bühl Marché de Noël

Marché de Noël traditionnel avec vente de produits et articles de Noël (couture, petits gâteaux, etc.). Du 29 novembre au 21 décembre, centre-ville de Bühl www.buehl.de Marché de l’Avent de Gengenbach Marché de Noël

La vieille ville romantique de Gengenbach accueille un marché de l’Avent

Calendrier de l’Avent géant de Gengenbach Animation de Noël

L’hôtel de ville est métamorphose en calendrier de l’Avent géant. Du 30 novembre au 6 janvier, place de l’hôtel de ville, Gengenbach www.stadt-gengenbach.de Marché de Noël

Marché de Noël de Kehl Marché de Noël

À quelques encablures du centre-ville de Strasbourg… Du 6 au 8 décembre au centre-ville de Kehl www.kehl.de Marché de Noël

À découvrir avec petite exposition temporaire Du 6 au 8 décembre au Museum für Stadtgeschichte à Breisach am Rhein www.breisach.de Marché de Noël de Gernsbach Marché de Noël

Du 13 au 15 décembre, centre historique de Gernsbach www.gernsbach.de Marché de Noël d’Oberkirch Marché de Noël

Du 13 au 15 décembre, place de l’église à Oberkirch www.oberkirch.de Noël au château de Bruchsal Marché de Noël

Du 13 au 16 et du 20 au 22 décembre au château de Bruchsal www.schloesserweihnacht.de


Le sapin réinventé Richement décoré ou minimaliste, graphique et décalé, original ou drôle, le sapin de Noël ne finit jamais de se renouveler. Avec les expositions Ça sent le sapin… de Noël ! (Strasbourg) et Mon beau sapin (Sélestat), découvrez l’histoire des ornements de l’arbre ainsi que des sapins créatifs imaginés par des particuliers. Véritable pépinière de talents, ces manifestations accueillent des dizaines de créations. Vous pourrez y admirer des sapins tour à tour artistiques, décalés, rigolos, design, surréalistes… Tous plus originaux les uns que les autres ! L’idée est de porter un autre regard sur cet arbre emblématique et de le faire renaître sans ses aiguilles… avec du piquant. Cerise sur le gâteau ou cadeau sous le sapin : les créations les plus originales seront récompensées. À l'Hôtel du Département, à Strasbourg, du 16 décembre au 6 janvier 2014 www.bas-rhin.fr Au Complexe Sainte barbe, à Sélestat, jusqu’au 6 janvier 2014 www.selestat.fr


© Sycoparc / M.Chérot

Pépite de charme Bouxwiller revêt ses habits de fête pour offrir l’un des marchés de Noël les plus réputés d’Alsace. Dans son tout nouveau Musée du Pays de Hanau (dédié aux arts et aux traditions), la ville accueille l’exposition Trésors de Noël dédiée à de somptueux jouets anciens (entrée libre, du 1er décembre au 5 janvier). Au Christkindelsmärik, composé de plus de 170 stands qui regorgent de produits artisanaux locaux, vous ne manquerez pas de croiser les personnages typiquement alsaciens de saison, Hans Trapp et le Christkindel.

La traditionnelle crèche et ses animaux trônent une nouvelle fois sur la place du Château qui sera aussi le point de départ des visites guidées de Béatrice Sommer à travers les légendes et histoires de Noël au cœur de la vieille ville. Ne manquez pas la Fête des Peuples, mardi 31 décembre (à 23h au Centre culturel), avec les jeunes pélerins de la communauté de Taizé. www.commune-bouxwiller.fr www.museedupaysdehanau.eu

Scintillements du cristal

Au Musée Lalique de Wingen-sur-Moder, jusqu’au 5 janvier 2014 www.musee-lalique.com

© Musée Lalique

Pour la deuxième année, le musée Lalique propose de découvrir des mises en scène de rêve lors d’un événement inédit organisé en partenariat avec la Société Lalique. Avec Happy Cristal ! la lumière joue dans le cristal avec éclat. Découvrez une ambiance boudoir où les flacons de parfum sont à l’honneur ou lounge avec la nouvelle collection œnologique 100 Points, créée avec James Suckling… Au centre de la salle d’exposition, une table d’apparat scintille de mille feux. L’élégance de Lalique, la pureté du cristal, la magie de la lumière, c’est une invitation à découvrir autrement la féérie de Noël, en Alsace.



Animations sur plusieurs jours Anges, êtres ailés entre ciel et terre Exposition

Ces êtres hybrides ailés que nous appelons les anges sont représentés affligés ou jubilants, sous la forme d’un protecteur ou d’un guide, seuls ou parmi une multitude de semblables. L’exposition met en lumière le champ d’action de ces mystérieux êtres ailés évoluant entre ciel et terre, avec des représentations d’archanges, d’anges gardien et d’anges de la mort. Du 22 novembre au 5 janvier au Museum der Kulturen de Bâle www.mkb.ch Marché de Noël de Bâle Marché de Noël

Niché dans la vieille ville historique parée de décorations de Noël, le marché de Noël idyllique s’étend sur la Barfüsserplatz et la Münsterplatz. Du 28 novembre au 23 décembre, Claraplatz, Münsterplatz et Barfüsserplatz de Bâle www.baslerweihnacht.ch Noël doux et alléchant Exposition

Laissez-vous envoûter par le charme des gâteaux de Noël du monde entier. Le musée sentira les biscuits, Ce livre existe en kamishibaï

les bûches de Noël, les spéculoos, les pains d’épices, les gingerbread, les bredeles, les panettones, les Christstollen et les Vanillekipferl, mais également toutes les magnifiques épices exotiques et les ingrédients indispensables en cuisine durant la période de l’Avent. Du 30 novembre au 9 février au Spielzeug Welten Museum de Bâle www.jouet-mondes-musee-bale. ch Marché de Noël de Liestal Marché de Noël

Plus de 80 exposants proposent un large choix… Du 13 au 15 décembre, Rathausstraße de Liestal www.liestal.ch Marché de Noël de Muttenz Marché de Noël

Plongez dans l’ambiance de Noël… Samedi 14 et dimanche 15 décembre, centre-ville de Muttenz www.muttenz.ch

tenez bon la Barr Barr, belle capitale viticole, propose un Noël authentique, dans la pure tradition alsacienne. À découvrir : un Marché de Noël qui ressemble à s’y méprendre à un décor de carte postale. Les fabrications artisanales (crèches sculptées, déco en kelsch…), les volutes de vin chaud, les produits du terroir… Rendez-vous sous le chapiteau chauffé ou dans les jolies maisonnettes pour humer cette ambiance d’antan. Barr nous invite également à assister au Concert de Renaissance par le Chœur des Trois Frontières (dimanche 1er décembre, à 17h, en l’Église protestante), à voyager sur un air de Flûte de Pan avec Georges Schmitt et Francis Vidil
 (mercredi 18 décembre, à 20h, en l’Église protestante) ou au Concert de Noël
 (samedi 21 décembre, à 20h, en l’Église catholique). Découvrons également les magnifiques Fenêtres de l’Avent du Pays de Barr (départ place de l’Hôtel de Ville) et aux mille et une autres propositions faites pour les fêtes. À Barr, du 26 novembre au 6 janvier 2014 www.barr.fr

Mercredi 11 décembre Marché de Noël Reinach Marché de Noël

Une pause bienvenue dans la frénésie de Noël… Centre-ville de Reinach www.reinach-bl.ch

Myrtille

D’après Erckmann - Chatrian

Illustré par Thierry Chapeau

Monsieur Brêmer recueille une jeune gitane qu’il décide d’élever comme sa propre fille mais les commères du village, ses camarades et même sa mère adoptive jalousent et raillent l’étrangère.

Prix de vente : 8 € ISBN 978-2-36-963010-4

CalliCéphale éditions

9 782369 630104

CalliCéphale éditions

LE TEMPS DES GITANS

Winterlights

Lumières & animations

Le cœur de la ville millénaire de Luxembourg est plongé dans un décor féérique, merveilleux et romantique avec ses marchés de Noël répartis sur plusieurs sites, sa grande roue, ses manèges, son cirque de l’Avent, ses animations de rue, cortèges et parades, expositions, spectacles et concerts. Du 30 novembre au 30 décembre, divers lieux à Luxembourg-ville www.kreschtmaart.lu

Marché de Noël de Luxembourg-ville Marché de Noël

Chaque année, le marché de Noël de Luxembourg-ville transforme la place d’Armes en village de Noël. Elle se couvre de petites baraques en bois, vendant bougies, jouets, décorations, sucreries boissons typiques comme le Glühwäin (vin chaud) et nourritures traditionelles telles les Thüringer, les Mettwurscht (saucisses luxembourgeoises) ou les Gromperekichelcher (galettes de pommes de terre). Du 1er au 24 décembre, Place d’Armes de Luxembourg-ville www.visitluxembourg.com

L’éditeur strasbourgeois Callicéphale publie des ouvrages jeune public proposant des récits illustrés, des kamishibaïs ou même des jeux de cartes amusantes. Hum, des kamishiquoi ? Il s’agit d’un outil ludique, une sorte de théâtre ambulant composé de planches que l’on fait défiler devant les (jeunes) spectateurs. Nouveauté dans le genre : Myrtille, soit la relecture d’un texte signé du duo d’écrivains du XIXe siécle Émile Erckmann et Alexandre Chatrian mis en images par Thierry Chapeau. L’histoire ? Celle d’une jeune gitane recueillie par le bon Monsieur Brêmer dans les Vosges du Nord. Hélas, sa famille ne sera pas aussi accueillante que l’homme généreux… Existe en kamishibaï et en livre pour enfants, en version française et alsacienne. Myrtille, édité par Callicéphale en album souple (français ou alsacien) de 32 pages à 8 € et Kamishibaï (15 planches sous pochette cartonnée + planches texte alsacien) à 30 € www.callicephale.fr


IMPRESSION SOLEIL LEVANT Le Musée du Papier peint de Rixheim nous invite à découvrir l’influence de l’Empire du Soleil levant sur le papier peint de 1860 à nos jours avec l’exposition Japonismes. Au milieu des années 1850, les Expositions universelles permirent à l’Occident de découvrir la culture japonaise. Une révélation ! Dès 1863, l’industrie mulhousienne se met à produire des textiles décorés de motifs inspirés des arts visuels du Japon. Les manufactures développent alors une imagerie destinée à séduire un public avide d’exotisme et de nouveauté. Ainsi, les papiers peints alsaciens se voient ornés d’éventails de chrysanthèmes, de hérons, du mont Fuji ou de pagodes. Au XXe siècle, l’engouement pour les motifs japonisants ne s’éteint pas : on trouvera ainsi des collections montrant des geishas, des lanternes ou même des scènes de batailles de samouraïs. À Rixheim, au Musée du Papier peint, jusqu’au 30 avril www.museepapierpeint.org

Chaussettes 100% Alsace Situé dans le village alsacien de Dambach-la-Ville, Labonal est LE spécialiste de la chaussette confortable et de qualité de la région, voire de la France entière. Fabricant des modèles « qui ne tombent pas, bien taillés, ne font pas mal et s’usent lentement » depuis 1924, la marque à la panthère mêle sobriété du style, noblesse des matières et innovations des finitions. Quelque 600 modèles sont proposés : pour la vie de tous les jours ou la randonnée, sans couture ou même antitiques… Cet hiver et toute l’année, chaussez-vous Labonal. Boutique Labonal, 5 rue de l’Outre à Strasbourg www.labonal.fr


© Wolfydarkan / Damien Fontaine

Le grand bleu Si les classiques sont au rendez-vous (entre autres, un marché Bio et Terroir ou un jardin lumineux), Guebwiller a misé sur les nouvelles technologies pour plonger le visiteur dans la féerie de Noël tout en mettant en valeur son patrimoine. Le nom de l’opération ? Noël bleu (dont c’est cette année la cinquième édition)… en référence à une couleur, un turquoise aux reflets subtils, inventée par le céramiste Théodore Deck (1823-1891), un enfant du pays. Le pitch ? Un hallucinant mapping vidéo 3D signée Damien Fontaine, star incontestée du genre, intitulé Les Métamorphoses de Notre Dame (sur l’église emblématique de la cité haut-rhinoise)… mais aussi une création sur l’Église Saint-Léger et une projection surprenante sur une forêt enchantée (place de l’Hôtel de Ville). Également à découvrir le Cabanon… d’où vous ressortirez avec des photos souvenir uniques !!! À Guebwiller, du 1er au 26 décembre www.noelbleu-alsace.eu


Le foie gras dans tous ses états Plus de 10 000 personnes viennent chaque année à Phalsbourg à l’occasion de la Fête du Foie gras. Pour cette 18e édition, la cité mosellane a mis les petits plats dans les grands avec la présence d’une quarantaine de fabricants sélectionnés rigoureusement pour la qualité de leurs produits. Des stages seront aussi organisés pour apprendre à faire son propre foie gras avec le chef Georges Schmitt du Soldat de l’An 2 (une Étoile au Michelin) les 13 et 20 décembre à 15h… Également à découvrir les boules de Noël du CIAV, un salon du livre régional, un marché du bredele, une patinoire (installée du 8 décembre au 13 janvier), une forêt mystérieuse, une yourte pour la solidarité… Samedi 14 et dimanche 15 décembre, puis samedi 21 et dimanche 22 décembre à Phalsbourg (Salle Vauban, Salle des fêtes, Hôtel de ville et place d’Armes) www.phalsbourg.fr

MUSIQUE EN FÊTE Durant la période de l’Avent, Les Noëlies organisent dans toute l’Alsace une série de rendezvous musicaux de qualité autour des valeurs d’échange et de partage liées aux traditions de Noël. À Strasbourg, en l’église protestante SaintPierre-le-Jeune, l’ensemble vocal strasbourgeois Ripieno interprétera de larges extraits du Messie de Haendel (samedi 30 novembre à 20h30) et l’orchestre de chambre La Follia, accompagné du chœur Opus 4, des pages de Mozart et d’Archangelo Corelli, entre musique profane et sacrée (vendredi 13 décembre à 20h30). Un Sentier des Crèches mettra à l’honneur le savoir-faire et la qualité de l’artisanat local (au CIC Wacken, à Strasbourg, du 9 décembre au 3 janvier, du lundi au vendredi de 9h à 20h). Noël a un pays : l’Alsace !

Voxpop

Dans toute l’Alsace, du 29 novembre au 22 décembre www.noelies.com

La Follia

Filigrane


© Office de Tourisme Obernai

Rêvez Noël à Obernai La charmante ville d’Obernai fête Noël à compter du 30 novembre où tout ne sera plus que magie, féerie, rêve et saveurs. Cette année, une authentique crèche napolitaine est exposée pour revenir à l’authenticité du Noël d’antan. Chaque jour, le Sentier des Rêves et des Saveurs déploie ses produits du terroir (avec Bredele et vin chaud !) au milieu de chalets en bois. L’Office de Tourisme convie les plus curieux à la découverte des personnages et des décors du Noël alsacien (les 13, 21 et 26 décembre à 15h) mais aussi à des excursions sur le thème de la Magie de Noël en Forêt noire (11 et 18 décembre) ou d’un Noël d’antan à l’Écomusée (26 décembre et 2 janvier). Le rendez-vous parfait, avec quelques flocons ! Du 30 novembre au 31 décembre, place du Beffroi à Obernai www.tourisme-obernai.fr

© Pascal Bastien

Direction Russie Pour terminer l’année en beauté, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg nous propose un séduisant rendez-vous aux accents russes à l’occasion des traditionnels concerts de la Saint-Sylvestre (mardi 31 décembre) et du Nouvel An (mercredi 1er janvier), dirigés par Marc Schaefer, un habitué de cet exercice, puisqu’il s’y livre pour la septième fois avec l’OPS depuis 1988. Au programme, un voyage en Russie et quelques incursions en Europe centrale, entraînant l’auditeur de Moscou aux rives du fleuve Amour avec, à côté de pages orchestrales, des extraits de Boris Godounov, Eugène Onéguine ou du Prince Igor. Au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg, mardi 31 décembre à 20h et mercredi 1er janvier à 17h www.philharmonique.strasbourg.eu



Noël d’antan à Niederbronn Les trois premiers week-ends de la période de l’Avent, un marché de Noël artisanal et gourmand attend les visiteurs et amateurs de féérie traditionnelle et de mets délicats à Niederbronnles-Bains. En bouquet final de ce véritable rendez-vous gastronomique, les gourmands et gourmets viendront s’approvisionner (les 21 et 22 décembre) pour les fêtes de fin d’année. Les plus petits ne seront pas en reste avec la fameuse chasse au trésor mais aussi de nombreux ateliers de pâtisserie pour créer ses propres Christstollen et mannele, macarons et verrines. Originalité cette année, la venue, du vendredi 29 novembre au dimanche 1er décembre de Québécois avec leurs tentes, feux de bois, contes et légendes et l’inévitable douceur sucrée du sirop d’érable…

© Pascal Bastien

Du 29 novembre au 22 décembre, place du bureau central www.niederbronn.com

BEAUTÉ ET CHATOIEMENTS Choisi avec soin par l’Office national des Forêts avant d’être installé sur la place Kléber, le Grand Sapin provient du Parc naturel régional des Ballons des Vosges. Depuis plus d’une vingtaine d’années, Antoinette Pflimlin est la décoratrice officielle du géant résineux. La thématique retenue ? « J’aimerais laisser la surprise aux visiteurs. Je peux cependant vous dire qu’il y aura les boules bleues en cristal de Saint-Louis : elles sont devenues la marque de fabrique du sapin. » Nous savons d’ores et déjà qu’il sera revêtu de bleu et argent, avec 75 000 lucioles enrobant les branches « et beaucoup de touches de couleur ! ». Une œuvre d’art monumentale à ciel ouvert, à découvrir de nuit, de préférence, pour profiter de toute sa féérie. Du 29 novembre à mi janvier, place Kléber à Strasbourg


Absolues délices Fabriqués artisanalement en plein cœur de la Petite France, les pains d’épices de Mireille Oster sont de pures merveilles. Pain d’amour aux envoûtantes saveurs, Pain d’Éden, un aller simple pour le paradis des papilles, ou encore Pain des anges qu’on imagine volontiers voleter autour de nous, les ailes déployées et joyeusement chargées d’oranges confites et de clou de girofle… Ses spécialités 100% artisanales respirent le savoir-faire et l’inspiration mêlés. Le secret de cette magicienne du pain d’épices ? Utiliser les meilleurs ingrédients, ne jamais brider sa créativité et s’ouvrir au monde en utilisant des produits ramenés de se nombreux voyages. Notre coup de cœur ? Difficile de trancher, mais en période de Noël, le Sept épices, grand succès de la maison au parfait équilibre, semble s’imposer. © Stéphane Louis

14, rue des Dentelles à Strasbourg, mais aussi au Marché de Noël (place Broglie et place Benjamin-Zix) du 29 novembre au 31 décembre. www.mireille-oster.com

Lettres d’amour, cartes postales, factures… Tous les moyens sont bons pour devenir ambassadeur des Noëls alsaciens ! Grâce aux facteurs d’Alsace, photographes improvisés de leur belle région le temps d’un concours, retrouvez un concentré de ces Noëls magiques sur un carnet de timbres collector où voisinent les illuminations strasbourgeoises, une maison à colombages colmarienne ou encore un marché de Noël mulhousien. La collection de dix timbres est en vente à l’Office de Tourisme de Strasbourg (8,90 €). Attention : le tirage est limité ! Merci les postiers ! www.laposte.fr

© Brigitte Tixier

L’ALSACE TIMBRÉE



SPECTACLE

septième ciel De l’Enfer au Paradis, inspiré de La Divine comédie de Dante, relève d’un art inclassable, au croisement du cirque, de la danse et de la magie. Un spectacle visuel à couper le souffle qui fait voyager l’âme de la terre au ciel.

créatrice. S’il est chorégraphe, d’aucuns le définissent davantage comme un architecte du corps humain. Grand connaisseur du théâtre fantastique de la Renaissance et des inventions mécaniques du XVIIe siècle, il appuie l’illusionnisme de ses créations scéniques, véritable défi pour la curiosité du spectateur, sur un titanesque travail technique, stratagème d’artisan tenu secret, évidemment invisible.

Par Dorothée Lachmann Photo d’Emiliano Pellisari

À Saint-Louis, à La Coupole, mardi 3 décembre 03 89 70 03 13 www.lacoupole.fr

D

u jamais vu. Si l’expression est souvent galvaudée, il n’y en a pas d’autre pour évoquer ce spectacle hallucinant et halluciné sorti du cerveau de l’Italien Emiliano Pellisari. La magie est aux commandes. L’onirisme irrigue ce voyage de l’Enfer au Paradis, avec escale inévitable au Purgatoire. Dante Alighieri pouvait-il imaginer, en ce début de XIVe siècle, que son incroyable poème allait donner vie à des anges défiant la pesanteur, quelques sept cents ans plus tard ? Évidemment non… Pour la bonne raison qu’il ignorait l’existence de ce diable de Pellisari, dont les talents multiples servent divinement la folie

Lorsque les danseurs se mettent à voler, inventant des figures célestes inaccessibles au commun des mortels, ni les yeux, ni l’esprit ne sont en mesure de comprendre, mais l’âme s’épanouit devant cette pure beauté qui l’appelle. Composé en trois tableaux, du bas vers le haut, le spectacle suit le chemin initiatique du chef-d’œuvre. En Enfer, les corps nus nagent dans les ténèbres, déchirés entre amour et violence, cherchant à s’extraire de ce monde obscur comme un tableau de Jérôme Bosch. Soulevé par un vent diabolique, un couple s’envole vers le ciel dans une étreinte infinie, tandis que les âmes des anciens flottent dans les limbes et qu’anges et démons se livrent un combat féroce au son d’une musique electro-orientale. Au Purgatoire, les corps planent majestueusement au cœur d’une sphère, symbole du divin dans la représentation classique. Sous le souffle de Mozart, Vivaldi et Stravinsky, les danseurs volants jouent avec d’énormes ballons, arpentent des couloirs et des escaliers qui partent dans tous les sens, comme sortis d’une toile d’Escher. À la façon d’un kaléidoscope humain, les six artistes évoluent d’une figure à l’autre en un simple battement de leurs ailes invisibles, certains bondissant jusqu’à six mètres de hauteur. En atteignant enfin le Paradis, les âmes des ressuscités jaillissent de la poitrine de créatures angéliques inspirées par Dalí, tandis que les chants grégoriens croisent les musiques de Stockhausen et Steve Reich pour ouvrir de nouvelles portes. Mais qu’y a-t-il audessus du Paradis ? Poly 163 Décembre 13

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TABLEAUX VIVANTS

african history x Avec Exhibit B, l’artiste sud-africain Brett Bailey recrée les zoos humains du milieu du XIXe siècle dans une installation déambulatoire dénonçant, dans une brutalité nue, la fabrication des représentations racistes des Noirs. Du temps des colonies aux expulsions de sans-papiers, le mécanisme de la haine est mis à jour.

Par Thomas Flagel Photos de Sofie Knijff

À Schiltigheim, à la Brasserie Schutzenberger, du 3 au 7 décembre (huit séances chaque jour) 03 88 27 61 81 www.maillon.eu www.france-southafrica.com

Théorie du XIXe siècle qui étudiait la forme du crâne pour déterminer le caractère et qui fut utilisée par certains justifier de prétendues prédominances raciales.

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Comment choisissez-vous les lieux interlopes où se déploient votre installation ? À Bruxelles, nous avons investi les ruines d’une église gothique. C’était intéressant car les lieux étaient squattés par des sanspapiers qui vivaient aussi dans le monastère adjacent. L’église était très belle, humide, parfaite ! À Strasbourg, mon choix s’est porté sur l’ancienne Brasserie Schutzenberger qui est dans le juste état de délabrement nécessaire. Les gens s’assoient dans la pénombre, sur des bancs. Tout est volontairement froid et inconfortable. Quelle est la genèse de ces « pièces à conviction » (Exhibit A, B…) dénonçant la phrénologie*, la torture coloniale, la violence de l’esclavagisme moderne et ancien ? Exhibit A a été créé pour le festival de Vienne en 2010, après ma lecture d’Africans on stage : Studies in Ethnological Show Business de Bernth Lindfors autour des exhibitions de populations venues des colonies britanniques. La photographie de couverture montre un Blanc avec une grande moustache, en habits victoriens, posant devant des Africains vêtus de costumes traditionnels. Cette image est très évocatrice et j’ai voulu remontrer cela en Europe. Recréer de véritables “zoo humains”, comme à l’époque. Mais c’était surement trop provocateur, j’ai donc cherché un autre point d’entrée. Mon intérêt s’est porté sur les

colonies allemandes en Afrique, en Namibie notamment. J’ai rencontré des historiens et travaillé sur cette performance exposant la manière dont les Noirs, Métis et autres populations non-blanches se sont vues représenter afin de développer et légitimer les pratiques coloniales. Ces représentations et traitements indignes persistent aujourd’hui… La police des frontières est venue expulser des gens pendant que nous étions dans cette église bruxelloise. Dans chaque pays, je trouve des exemples similaires et j’en inclus un dans la pièce, pour concerner directement le public. Cet été, au festival d’Avignon, cette scène du sans-papiers mort par étouffement durant son expulsion était pour la première fois placée en ouverture, pour choquer d’entrée, avec un événement contemporain. Comment sont choisis les performeurs ? Je fais des auditions pour en voir plus d’une quarantaine. Je leur explique la genèse et le sens du travail. Ils me parlent d’eux et de ce qu’ils ressentent par rapport à ma démarche. Très attentif à l’énergie qu’ils dégagent, je les observe, me demandant s’ils pourront résister à la pression, émotionnelle et physique de la performance. Je veux des gens avec un


fort charisme. J’ai aussi des besoins spécifiques : deux pygmées, une vieille femme… Tous doivent avoir un esprit d’équipe pour s’aider et former un groupe. Quatre performeurs viennent d’Afrique et font toutes les dates dans le monde, comme les musiciens. Certaines chansons datent de l’époque du génocide namibien (1904-1909). Être un Sud-Africain blanc et travailler sur ce sujet est-il délicat ? Cela fait partie de mon histoire. Mes grandsparents ont voté pour l’Apartheid et j’ai passé les 27 premières années de ma vie dans ce système. Mes ancêtres avaient des esclaves, je ne peux rien y faire. Ce n’est qu’en arrivant à l’Université que j’ai pu prendre du recul, avoir une vue d’ensemble et m’en extirper parce que le système scolaire et religieux, les médias, ne faisaient que le renforcer et le promouvoir. Une part de moi s’est construite dans ce système raciste, j’essaie donc dans mon travail d’artiste, de manière cathartique, de montrer comment certains ont manipulé toute une société en usant de cette imagerie pour bâtir aussi longtemps une séparation entre les gens de couleur. Je me suis confronté à des pages horribles de l’histoire pour composer des images séductrices et évocatrices, en termes plastiques, même si elles contiennent de l’horreur.

En France, il y a un fort sentiment de honte quant à notre passé colonial et au peu de reconnaissance opérée par l’État, ce qui provoque encore une certaine cassure… Je trouve que, dans de nombreux pays européens, les sociétés ne s’occupent pas de leur responsabilité dans le système et l’histoire coloniale en général. La violence des images et du rapport au corps de véritables personnes ainsi exhibées choque-t-elle le public ? Le public est très près des performeurs. Une ou deux fois des spectateurs ont voulu les toucher, mais il y a des surveillants, habillés en pantalon et chaussures noires, comme des gardes fascistes. L’énergie qui se cristallise entre les performeurs et le public est à la hauteur des dégâts de la haine véhiculée à l’époque. Le peu d’explications entourant chaque tableau ne vous fait pas craindre de voir certains passer à côté du message véhiculé ? Je fais de l’art. Je ne suis ni un travailleur social ni en train d’essayer de changer la société.

Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme

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raisons d’agir Artiste associé à La Filature, David Lescot y crée sa nouvelle pièce. Avec Nos occupations, il explore les tiraillements existentiels et relationnels d’une organisation clandestine.

Par Irina Schrag Photo de Dante Desarthe

À Mulhouse, à La Filature, du 8 au 11 janvier 03 89 36 28 28 www.lafilature.org

Voir nos articles sur ses précédentes créations Tout va bien en Amérique et Le Système de Ponzi sur www.poly.fr

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ymbole du renouveau théâtral français et de ces metteurs en scène choisissant d’écrire leurs propres textes *, David Lescot poursuit son exploration du genre humain avec Nos occupations, texte qu’il polit depuis près de dix ans. Une maturation lente, en couches de sens, qui nous convie au cœur d’un groupe de résistance active dont les membres se démènent pour lutter contre un régime oppresseur. Les rouages du langage crypté se font jour dans un flot continu de paroles apparemment banales au milieu de la foule, si bien que l’on peine à distinguer le véritable sens des mots échangés. La première partie est un ballet au tempo très rapide, une succession de discussions en duo dans lesquelles la peur d’être pris et entendu tend les êtres. À six semaines de la première, l’auteur-metteur en scène dirige ses comédiens aux multiples identités dans un travail du masque et de neutralisation des intentions de jeu, une manière de coller aux rôles de dissidents complotant contre le pouvoir en place pour lesquels cacher leurs desseins relève de la survie. Mais aussi de s’emparer d’un texte multipliant les fausses pistes, ne livrant que la part émergée de l’iceberg. Dans une scénographie peuplée de pianos écrasés où viendra prendre place une partie du public, les scènes

s’enchaînent et se superposent, guidées par l’étrangeté inquiétante de la musique interprétée en direct par le pianiste Damien Lehman. Le temps des luttes est fini. La seconde partie du spectacle se fait plus classique. Le réseau clandestin n’est plus réellement actif mais continue de se réunir. Dans une langue moderne et des costumes contemporains, le contexte demeure volontairement flou. Seconde Guerre mondiale ? Alter-mondialistes ? Groupuscule extrémiste ? Nous ne le saurons pas. Après les pertes humaines, les trahisons et noyautages, le groupe se disloque, les femmes et hommes le composant apparaissent usés jusqu’à la moelle de leur humanité par l’action collective et sa cohorte de sacrifices, renoncements et dégâts sur les corps et l’âme. Lors d’une réunion d’anciens activistes, chacun repense le chemin l’ayant conduit à agir, à entrer en résistance avec le monde d’alors. Des introspections successives dans l’espace mental de chacun montrent la difficulté de retourner à une vie ordinaire au sein d’une société dont ils ont représenté la marge active, pour laquelle ils trouvaient des raisons d’être et d’agir. Que faire après une telle occupation ?


MUSIQUE

le plein de super En 1996, sortait Super, premier disque (bien nommé) de Mathieu Boogaerts qui faisait doucement swinger la chanson made in France sur des rythmes chaloupés. Il impose alors un style – ascétique – qui n’a guère évolué. Tant mieux.

Par Emmanuel Dosda Photo de Thibault Montamat

À Metz, aux Trinitaires, mardi 10 décembre 03 87 20 03 03 www.lestrinitaires.com

Mathieu Boogaerts, paru chez Tôt ou tard (environ 14 €) www.totoutard.com www.mathieuboogaerts.com

Vous en avez encore Marre d’être deux 1 ? J’accepte mieux cette dualité. Est-ce dû à la maturité, à l’expérience ? Plus je rencontre de gens, plus je m’aperçois que nous sommes tous pareils : gentil / méchant, bourreau / victime, fort / faible… Au milieu des années 1990, vous débarquiez avec un disque ovni faisant le grand écart entre reggae et chanson française. Vous sembliez « près de la lune ». Vous considériez-vous comme une sorte d’extra-terrestre ? Pas vraiment. Pour ça, il faut être conscient de ce qui est terrestre. Je n’ai jamais eu de regard très aiguisé sur le paysage musical français. En écrivant une chanson, je fais tout pour qu’elle ne ressemble à rien de connu. En tant qu’artiste, je n’ai de légitimité qu’en étant original. C’est ma vocation. À l’époque, vous citiez Bob Marley plutôt que Miossec ou Dominique A alors que naissait la nouvelle chanson française… Je voyage beaucoup. J’achète des disques de flûte péruvienne ou de guitare cubaine des années 1930, vais voir des films indiens des années 1960… Je suis francophone, c’est sûr : le français est la matière que j’aime travailler, mais je me sens citoyen du monde, même si c’est cliché de dire ça.

J’en ai marre d’être deux est le deuxième album de Mathieu Boogaerts (1998)

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Album sorti en 2008

Vos concerts ont souvent un aspect théâtral. Comment appréhendez-vous l’exercice scénique ? Je suis très mauvais public de concert. Je m’en-

nuie facilement et ma hantise est que les gens aient ce sentiment durant mes spectacles. Il faut d’abord que je croie à fond en mes chansons. Ensuite, l’ordre des morceaux est important. Un concert n’est pas une collection. Enfin, à partir des outils mis à ma disposition – un espace, des lumières… – je réfléchis à comment occuper la scène. Pour la tournée d’I love You2, nous étions quatre, sur des patins à roulettes : c’était une proposition originale mais contraignante, moins dans la musique que dans la mise en scène. Après ces “excès”, j’ai fait dans la simplicité : guitare / voix, comme les chansonniers. Peut-être êtes-vous plus à l’aise et avezvous moins besoin d’artifices… Je fonctionne surtout en réaction. Après les rollers et un spectacle très chorégraphique. Peutêtre que j’aurais envie de quelque chose de plus ambitieux, avec un décor. Vos albums restent quant à eux très dépouillés… J’ai le goût du silence, de l’économie, de l’épure. Je ne le revendique pas comme une qualité mais je suis ainsi dans la vie. Chez moi, il y a très peu de meubles. Les fringues que je ne mets plus, les livres que j’ai lus et les disques que je n’écoute plus, je les vire. Ce qui reste a plus de valeur, d’air pour respirer et de place pour être beau. Si on le poussait à l’extrême, à quoi ressembleraient vos chansons ? À celles de ma tournée actuelle où je suis seul sur scène. Il n’y a que l’os des morceaux.

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ROCK THE CASBAH

de memphis à memphis Depuis plus de trente ans, au sein de Carte de séjour puis en solo, il concilie rock et raï, Oum Kalsoum et Bashung, Farid El Atrache et les Clash. Zoom sur Rachid Taha, en concert à Schiltigheim dans le cadre du Festival Strasbourg Méditerranée.

Par Emmanuel Dosda Photo de Marc-Antoine Serra

À Schiltigheim, à la Salle des fêtes, samedi 14 décembre 03 88 83 84 85 www.ville-schiltigheim.fr www.rachidtahaofficial.com Festival Strasbourg Méditerranée, dans différents lieux à Strasbourg, du 30 novembre au 14 décembre 03 90 40 49 70 www.strasmed.com

Rachid Taha, Zoom, édité par Naïve www.naive.fr

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dmirateur de John Wayne, Taha, Stetson sur la tête, dégaine et tire (à blanc). Bang bang ! Le cowboy du bled balance des “rockettes” arabopunk sur la Douce France qui ne peut s’empêcher de remuer du popotin en écoutant Ida et ses trompettes mortelles, Ya Rayah, donnant une irrésistible envie de s’essayer à la danse du ventre, ou Rock El Casbah, relecture du tube des Clash qu’il jouera en compagnie de Mick Jones himself, un de ses héros. Rachid Taha est un artiste sans passeport ni visa (confère les paroles des Artistes), sans carte d’identité française (« Je viens de faire la demande… Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis »), sans dieu ni maître. À la lecture de la Bible ou du Coran, il conseillera plutôt d’aller boire un verre en bonne compagnie. Peut-on réconcilier les peuples autour d’une bouteille ? « Bien sûr que oui : comme dit l’écrivain persan Omar Khayyâm, le vin c'est la porte de l’autre ! » affirme-t-il. Si le musicien refuse de s’incliner devant quelque idole, il a cependant un panthéon personnel en haut duquel trônent Pasolini ou Elvis. Le spectre du King plane sur son dernier album, Zoom – envisagé comme la rencontre entre Memphis (Tennessee) et Memphis (Égypte) – grâce à une étonnante relecture de son It's Now or Never, slow du crooner Presley s’appuyant sur la mélodie du standard napolitain O Sole Mio. Un duo masculin / féminin avec Jeanne Added, une jolie

reprise sous forme de dialogue bilingue, en anglais et en arabe. Son message fraternel est clair. Nul besoin de longs discours : l’artiste engagé, doucement destroy mais jamais enragé, préfère réconcilier les contraires le temps d’une chanson et crier son indignation sur les dance-floors. À l’heure où certains se radicalisent, se raidissent, se renferment, d’autres, comme lui, s’ouvrent au monde, font des Sèlu (salut) à tout va, inventent des endroits où se rencontrent les pôles et imaginent des grandes fêtes fusionnelles. Vingt ans après exactement, le chanteur reprend son hymne antiraciste et dansant Voilà Voilà qui clôt son nouveau


disque : une manière de dire que le combat (rock) n’est pas fini. La version 2013 du titre produite par Brian Eno (ex-Roxy Music, pape de la musique ambient), réunit (dans le clip) des personnalités aussi différentes que Mick Jones (« on partage les mêmes idéaux ») et Agnès b., Camélia Jordana et Éric Cantona, Rachida Brakni et Femi Kuti. Rachid est un type accueillant et généreux, jamais avare en Bonjour (titre de son précédent album) et en Salamaleïkoum. « Si tu veux faire l’amour avec quelqu’un, autant lui ouvrir les bras, non ? », s’amuse celui qui aime s’entourer des êtres qui lui sont chers. Même des fantômes : avec Zoom sur Oum, il s’autorise un duo impossible en utilisant la voix samplée de

la diva égyptienne Oum Kalsoum, « le temps d’une mélopée ». Né à Oran à la fin des années 1950, cet « Oriental désorienté » qui se considère plus alsacien qu’algérien passa une bonne partie de son enfance à Sainte-Marie-aux-Mines, lieu de sa « deuxième naissance ». Aujourd’hui célébré dans l’Hexagone et un peu partout dans le monde (chose plutôt rare pour un artiste français), Rachid continue à assaisonner le rock à la sauce orientale et à métisser les sonorités Made in Medina à l’electro ou la pop. Il relie les continents dans une évidence : « La musique a toujours été mélangée. Le rock’n’roll vient d’Afrique et je ne fais que de la cartographie musicale. »

À la lecture de la Bible ou du Coran, il conseillera plutôt d’aller boire un verre en bonne compagnie. Poly 163 Décembre 13

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voyage sonore Au cours d’une soirée rassemblant des œuvres de Dusapin, Chostakovitch et Rimski-Korsakov, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, avec la complicité du pianiste Lars Vogt, propose un excitant bouquet musical.

Par Hervé Lévy Photo de Felix Broede

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, jeudi 12 décembre 03 69 06 37 06 www.philharmonique. strasbourg.eu www.larsvogt.com

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lacé sous l’experte baguette d’Otto Tausk, le concert débute par une page contemporaine de Pascal Dusapin, Extenso (1994), un éclat inspiré de la mosaïque sonore formée par sept solos d’orchestre écrits entre 1991 et 2008, « sept épisodes autonomes se régénérant d’eux-mêmes, fécondant d’autres possibles et proliférant sur les interstices laissés entrouverts par les flux précédents », explique le compositeur. Extenso permet l’exploration de la totalité du spectre harmonique de l’orchestre et le titre « s’amuse avec le mot extension et l’expression latine in extenso qui signifie “en entier, dans toute son étendue”, mais, ici, il s’agit surtout d’extendre la forme en prélevant un peu de la substance mélodique de Go [premier des sept solos d’orchestre]. Cette matière est dépliée, courbée et repliée par fronces successives jusqu’à la totale transformation de ses caractéristiques originelles. Froncer, c’est plisser en contractant. La fronce est ici associée aux principes de reproduction et d’hybridation. » Suivra le Concerto pour piano n°2 de Chostakovitch interprété par Lars Vogt, dont le

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jeu est fait d’engagement, de générosité, de brillance, d’émotion et de finesse mêlés. Virtuose et périlleuse, cette pièce fut imaginée par le compositeur pour le dix-neuvième anniversaire de son fils Maxime (qui en fut le créateur). La soirée se terminera avec le monument qu’est la célèbre suite symphonique Shéhérazade de Rimski-Korsakov. Directement inspirée des Mille et une nuits, la partition ressemble à un tourbillon coloré et troublant permettant au spectateur de croiser Sinbad ou de se promener en plein cœur de Bagdad. S’y entrecroisent deux thèmes principaux, celui de Shéhérazade et celui du Sultan, même si « c’est en vain que l’on cherche (…) des leitmotive toujours liés à telle idée poétique ou à telles images » explique le compositeur dans Chroniques de ma vie musicale. Peu importe au fond de savoir si l’on peut trouver, dans tel ou tel passage de la partition, une évocation précise d’un personnage ou d’un épisode de la célèbre histoire ou si les intentions du compositeur ont été simplement musicales. Il suffit simplement de se laisser ensorceler par cette œuvre pour voyager dans un Orient rêvé…


BACH

un roman d’amitié Accompagnée d’une douzaine de complices, la violoniste Janine Jansen propose un voyage sur les terres musicales de Jean-Sébastien Bach. À découvrir à Baden-Baden et Luxembourg.

Par Hervé Lévy Photo de Harald Hoffmann / Decca

À Baden-Baden, au Festspielhaus, dimanche 8 décembre +49 7221 3013 101 www.festspielhaus.de À Luxembourg, à La Philharmonie, mardi 10 décembre +352 26 32 26 32 www.philharmonie.lu www.janinejansen.com

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près un premier disque paru il y a quelques années, où elle livrait une version lumineuse et raffinée de la Partita pour violon seul n°2 BWV 1004 de Jean-Sébastien Bach (Decca, 2007), Janine Jansen revient au “cantor de Leipzig” entourée d’une dizaine d’amis musiciens, de son frère, le violoncelliste Maarten, et de son père, l’organiste et claveciniste Jan. À l’écoute du CD paru fin octobre se manifeste l’intense complicité unissant les différents protagonistes de ce projet chambriste, un genre que la violoniste néerlandaise adore 1. Sur ses interprétations flotte une “atmosphère familiale”, les œuvres de Bach s’y trouvant revivifiées grâce au dialogue installé entre les musiciens. C’est comme s’ils avaient trouvé la juste distance entre la nécessité du collectif et la préservation des individualités créant un “orchestre idéal”, forcément éphémère. Le menu de la soirée ? Les Concertos pour violon BWV 1041 et BWV 1042 d’une architecture élaborée et fine sont emplis d’une douce luminosité tandis que le BWV 1043 pour deux

violons, crée une relation dense entre soliste et orchestre. Également au programme, le Concerto pour violon et hautbois BWV 1060 est une page pleine d’élégance et d’harmonie dans ses proportions, un des plus beaux représentants du concerto baroque : plus qu’une quête de virtuosité s’y déploie en effet une volonté de marier les sonorités avec finesse et équilibre tout comme dans le Concerto pour hautbois BWV 1055 interprété par Ramón Ortega Quero, une étoile montante de l’instrument. Si Janine Jansen illumine le projet avec son Stradivarius de 1727 (joué avec un archet moderne), la familiarité de tout ce petit monde avec l’univers baroque génère une interprétation pétrie de sincérité, très éloignée de tout exercice de style stérile. « Quand je joue Bach ou Vivaldi, ou tout autre compositeur baroque, je ne joue pas “baroque” même si je m’en approche. En fait, ce qui m’horripile, c’est le sentiment que les choses soient simulées, quand on ne fait que jouer “d’après les règles”. Pour moi, ça ne fonctionne pas. Il est impératif d’être naturel » explique-telle 2.

1 Elle lui a même dédié un festival à Utrecht dont la onzième édition se déroulera du 25 au 29 juin 2014 www.kamermuziekfestival.nl 2 Dans un entretien donné à Alexandra Diaconu publié sur le site www.resmusica.com (octobre 2009)

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un regard

Par Thomas Flagel

À Metz, à L’Arsenal dans le cadre de l’exposition Photographier la guerre (Stanley Green, Chim, Gianni Motti…), jusqu’au 5 janvier 2014 03 87 74 16 16 www.arsenal-metz.fr

Tim Herington est mort sous les obus de mortier tirés par les forces libyennes alors qu’il couvrait la guerre civile libyenne le 20 avril 2011 à Misrata. Il avait 40 ans.

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tim hetherington magnum photos Libéria, 2004. Un gamin emprunte la rue du marché de la bourgade de Tubmanburg, au Nord-Ouest du pays. Une boite de cartouches sur la tête et une roquette anti-char à la main. Ainsi va l’école des enfants-soldats dans une région ravagée par la guerre civile de 1999 à 2003 lorsque s’opposèrent le groupe rebelle des Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie (installé dans les Collines Bomi entourant cette ville) et les troupes du président Charles Taylor. Un an après la fin du conflit, la première phase du programme de désarmement organisé sous la tutelle de l’ONU s’engage et le photoreporter

Tim Hetherington* en témoigne, illustrant la marche vers la paix en immortalisant cet ex-combattant des LURD, haut comme trois pommes, ramenant des munitions à l’Office de désarmement des Nations Unies. Dans un monde saturé d’images, il est devenu illusoire de croire qu’une photographie changera le monde. Les reporters de guerre continuent pourtant de parcourir les conflits, tentant de composer des clichés narratifs susceptibles de faire comprendre la complexité des situations, de dénoncer la barbarie humaine et de toucher le grand public avec les traces d’histoires et de vies brisées.


Franz Gertsch, Printemps, 2009-2011 © Dominique Uldry

perfection du réel Portraits et paysages hyperréalistes ont envahi le Museum Frieder Burda. Une trentaine de toiles et de xylographies monumentales invitent à une promenade dans l’œuvre de Franz Gertsch.

Par Hervé Lévy

À Baden-Baden, au Museum Frieder Burda, jusqu’au 16 février 2014 +49 72 21 398 980 www.museum-frieder-burda.de

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www.museum-franzgertsch.ch

Une réflexion récurrente chez l’artiste qui avait présentée une exposition organisée selon le principe des quatre saisons au Kunsthaus, de Zurich, en 2011 – www.kunsthaus.ch 2

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tar de la scène contemporaine, l’artiste helvète Franz Gertsch (né en 1930) est un habitué de ses grand-messes, dOCUMENTA de Kassel et Biennale de Venise en tête. Un musée lui est même consacré dans le canton de Berne1… Découvrir ses œuvres in vivo demeure néanmoins, à chaque fois, une expérience et une surprise : au rez-de-chaussée du Museum Frieder Burda, les Quatre saisons (3,25 x 4,80 mètres chacune) happent le visiteur. Les tableaux ont demandé des mois d’un travail minutieux d’après photographie, seize pour Printemps, par exemple. Un sousbois. De loin, la sensation de réel est frappante, de près on plonge dans l’abstraction et chacun est invité à réfléchir sur Le Mystère de la Nature (titre de l’exposition) qui se prolonge dans une autre série dont les herbes peintes en gros plan sont le motif principal, comme si on avait zoomé dans les Saisons pour en restituer quelques détails. Pour Gertsch « le quelque chose, le tableau réaliste, est là d’une façon aussi parfaite

que le néant, la toile blanche ». Perfection d’immenses portraits métaphysiques, presque mystiques (de Silvia ou Johanna) qui semblent flotter dans le white cube, perfection de scènes pop sociologico-arty peintes dans les années 1970 qui en figent l’esprit de la plus troublante des manières. Perfection également d’un autoportrait très années 1980 où l’artiste, là encore, saisit l’air du temps. Il entre de curieuse manière en résonance avec celui qu’il réalisa en 1955, seul petit format de l’exposition où tout l’avenir est déjà en germe avec sa volonté manifeste – mais pas encore totalement manifestée – de rendre le réel aussi réel que possible. Dans ces peintures, il nous entraîne aux confins de la représentation qui demeure le pivot de gravures dont le format titanesque pousse la technique dans ces derniers retranchements. Elles ne reflètent cependant plus un présent mais ont la semblance de traces. Des empreintes, de simples souvenirs qui évoquent de manière troublante l’impression ressentie devant le Suaire de Turin. Poly 163 Décembre 13

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sang d’encre Hervé Bohnert fait se côtoyer martyrs et bourreaux dans une exposition où il jette un regard cru sur le monde. Rendezvous à la galerie Ritsch Fisch pour admirer ses œuvres noires comme la mort et rouges comme le sang. Par Hervé Lévy Photo de Benoît Linder pour Poly

À Strasbourg, à la galerie Ritsch Fisch, jusqu’au 20 décembre (à cette occasion la galerie édite la première monographie dédiée à l’artiste) 03 88 23 60 74 www.ritschfisch.com

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l y a quelques années, Hervé Bohnert s’était fait remarquer avec des vanités contemporaines créées à partir de matériaux du passé, « qui ont une mémoire », photos sépia et statues de pierre ou de bois. Surfaces grattées, curetées. Sous la peau, il faisait apparaître l’os… Avec cette nouvelle exposition, l’autodidacte – ou outsider artist, pour être précis – donne une nouvelle dimension à sa création. Une vingtaine de tableaux sont présentés sur les 120 que compte une série intitulée Martyrs & Bourreaux. Cimetières militaires, femmes tondues à la libération, lapidation de Saint-Étienne, portraits de Mobutu ou de Hitler, Saint-Sébastien percé de flèches, Jésus à la couronne d’épines… La galerie ressemble à un mausolée rouge et noir. C’est que les supports ont été peints « avec du sang de bœuf et de l’encre noire avec, parfois, des rehauts blancs », explique Hervé. Rien n’est univoque. Les martyrs sont bourreaux et réciproquement : « Le Christ, par exemple, est le premier martyr, mais en son nom bien des atrocités ont été commises par la suite. » Pour l’artiste, le Mal est une abs-

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traction. Il n’y a que des hommes, des comportements – et des choix – individuels qui font pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Il ne faut donc pas regarder ces tableaux comme une réflexion morale. Si la mort irrigue toute la trajectoire d’Hervé Bohnert, c’est sans doute parce qu’elle a été occultée aujourd’hui, rejetée le plus loin possible des vivants, alors qu’avant la Deuxième Guerre mondiale, « le rapport avec elle était plus sain ». L’exposition se fait alors étrange danse macabre, sanguinolente et sombre à la fois. Le visiteur la parcourt avec, dans un coin de la tête les musiques eighties dark de Sisters of Mercy ou de Jesus and Mary Chain qui ont bercé l’adolescence de l’artiste. Il demeure fasciné par certains visages tendant vers l’abstraction qui ont la semblance de têtes de mort, par des corps tordus avec une étonnante élégance qui rappellent parfois Francis Bacon. Et l’on se prend à rêver que le galeriste expose la totalité de la série, qu’il ne reste plus un pouce de blanc sur les murs et que l’endroit soit métamorphosé en chapelle ardente et sanguinolente.


William S. Burroughs photographié devant le Théâtre de l’Odéon, à Paris en 1959 © Brion Gysin, tirée du Festin nu

Allen Ginsberg dans la chambre 25 du Beat Hotel, Paris, décembre 1957 © Harold Chapman

let it beat Le Centre Pompidou-Metz revisite l’histoire de la Beat Generation et de sa figure tutélaire Allen Ginsberg à travers une exposition numérique en forme de voyage mental dans une forêt d’écrans.

Par Thomas Flagel

À Metz, au Centre Pompidou, jusqu’au 6 janvier 2014 03 87 15 39 39 www.centrepompidou-metz.fr

* Technique littéraire où le texte est découpé au hasard puis réarrangé pour en produire un nouveau auquel des fragments d’autres auteurs sont parfois ajoutés

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our la première fois en Europe, une exposition multimédia rend un hommage complet à la Beat Generation, mouvement littéraire et artistique sans précédent qui dans les années 1950 plaça la liberté au centre de tout. Nombreuses sont les étoiles hallucinées et hallucinantes de ce groupe contestataire et anticonsumériste : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Brion Gysin, William S. Burroughs ou encore Neal Cassady et Gregory Corso. Des poètes comme on les rêve, libres et impertinents, lumineux de rage et de révolte, archéologues du réel armés de mots. Depuis un ilot central servant de canapé et de station d’accueil pour iPods, vous pouvez vous asseoir aux quatre coins cardinaux pour écouter une multitude d’enregistrements sonores (poèmes lus, slamés sur du free jazz, interviews, documentaires…) en suivant les vidéos et autres projections de poèmes, de manuscrits, de dessins et de photographies d’époque. Se déploient sur les murs et les divers écrans de la salle les modes de vie alternatifs et les combats pour la liberté d’expression, contre l’homophobie et le racisme étatiques à l’œuvre aux États-Unis. Une rupture des valeurs dont nous (re)découvrons les grands actes contre la guerre du Vietnam, Hiroshima et l’industrie nucléaire de la peur (le poème Bomb de Corso ayant la forme d’un champignon atomique)

mais aussi, et surtout, contre tout impérialisme culturel et politique, toute forme de morale puritaine contrôlant les corps et les êtres (le Moloch du Howl de Ginsberg). Pas moins de six heures d’enregistrements inédits réalisés par Jean-Jacques Lebel (commissaire de l’exposition) démystifient les clichés les plus répandus : Ginsberg et consorts admettent ainsi avoir testé toutes les drogues possibles (éther, mescaline, marijuana, acide psychédélique, LSD…) mais en aucune manière écrire sous leur seule influence car la poésie demande plus. Le cut-up* inventé par Brion Gysin et William Burroughs se fait « égorgeur de mots », une transposition de la peinture se répandant sur une toile. Nous suivons le groupe dans ses performances dans les clubs de NYC et les rues de Paris, de l’Hôtel du 9 rue Gît-le-Cœur où ils séjournent à de nombreuses reprises jusqu’à leurs virées sur la tombe d’Apollinaire dont ils vénèrent la folie. Quelques-uns des plus grands auteurs du siècle volant des livres avec Jean Genet, buvant jusqu’à ne plus pouvoir au Café Sélect de Montparnasse et y écrivant Kaddish, Europe ! Europe ! ou encore Le Festin nu. La capitale française redevenait un halo créatif pour artistes briseurs de limites modernes.

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ART CONTEMPORAIN

impression de déjà-vu Dans le cadre de l’événement transfrontalier Régionale 14, La Kunsthalle mulhousienne présente Fait et à faire, exposition où les artistes revisitent les fondamentaux et réinterprètent des sujets éternels.

Sandra Kunz par Sandra Kunz

Par Emmanuel Dosda À Mulhouse, à La Kunsthalle (et aussi à La Filature avec l’exposition vidéo Voir et revoir), du 29 novembre au 12 janvier 2014 03 69 77 66 28 www.kunsthallemulhouse.fr

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’ai déjà vu. Ça a déjà été fait ! Rien de neuf… », entend-on régulièrement dans la bouche d’un public non averti comme des amateurs érudits dans les allées des espaces d’art ou entre les murs des galeries. Les artistes d’aujourd’hui sont-ils contraints de faire de la redite ? Se trouventils dans une impasse ? Sandrine Wymann, directrice de La Kunsthalle, nous invite à ne pas juger hâtivement le travail des artistes qui « reprennent des thématiques, des matériaux et des approches. » Les plasticiens rassemblés

ça déménage Régionale, coopération entre seize pôles artistiques allemands, français et suisses, a pour but est de faire circuler les créateurs sélectionnés (600 dossiers de candidature ont été épluchés) et le public. Dans ce cadre notamment, l’association strasbourgeoise Accélérateur de particules joue le jeu en se délocalisant et en conviant les artistes choisis à s’installer dans la villa Renata, une maison bâloise, du 4 décembre au 4 janvier. Un déménagement est ensuite prévu à La Chaufferie, à Strasbourg, du 11 au 14 décembre. Pour cela, ils devront passer la frontière… Régionale 14, du 28 novembre au 6 janvier 2014 dans divers lieux en Alsace, en Suisse et en Allemagne — www.regionale.org

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dans Fait et à faire « prolongent des questionnements atemporels et les inscrivent dans une forme de modernité ». Dans Mein Stein und ich, série de quatre films, Alessia Maria Carmela Conidi se met en scène dans un jardin, tenant une grande pierre dans les mains en prenant la pause face à la caméra. Il s’agit de vidéos, mais l’image semble fixe, comme une photo. Avec ces simples plans, « rappelant les toiles d’extérieurs du XVIIIe un peu romantique », la jeune artiste interroge plusieurs médiums : vidéo, photo, peinture, performance, voire sculpture. Sandra Kunz est également son propre sujet. Elle aborde l’autoportrait sans se sentir écrasée par le poids de siècles d’art, par Rembrandt, van Gogh, Picasso, Nan Goldin ou Sophie Calle. La plasticienne suisse questionne son identité avec quatre séries d’images. Grâce à des manipulations photographiques, elle mêle son visage à ceux de la vingtaine d’homonymes helvètes qu’elle a recherché et dont elle a tiré le portrait. La plasticienne se croyait unique ? Elle entre en empathie avec toutes les autres Sandra Kunz et se multiplie sous nos yeux.


la porte à côté Le photographe Pierre Faure s’est immergé une année dans un campement de Roms. En plein battage médiatique autour de ces boucs émissaires, son regard s’est fixé sur la réalité quotidienne. Une réponse aux fantasmes présentée à Mulhouse. Par Dorothée Lachmann Photo de Pierre Faure

À Mulhouse, au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 5 janvier 2014 03 89 33 78 11 www.musees-mulhouse.fr

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ors de son trajet quotidien dans le RER C, Pierre Faure est passé des semaines durant devant un campement de Roms coincé entre des tours HLM à Ivry. Fin 2011, après la polémique créée par le discours de Grenoble prononcé par Nicolas Sarkozy, le photographe décide de descendre du train « pour aller voir comment ils vivent ». Sans avoir vraiment de projet en tête, il revient tous les jours. Quand on lui ouvre la porte d’une cahute, il s’assied et attend. « Au bout d’un moment, je faisais partie du décor. Les Roms ont un rapport très sain à l’image, ça ne les dérange pas qu’on les photographie. » Ils sont même plutôt contents qu’on leur offre leur portrait. À l’image de cette vieille femme qui a revêtu sa plus belle robe devant l’objectif, comme un pied de nez à la pauvreté. Jamais posées, les scènes saisies par l’artiste sont le fruit de longues heures de patience, d’observation. Dans cet univers saturé de couleurs, Pierre Faure a pris le parti esthétisant du noir et blanc, pour « aller à l’essentiel. La couleur, c’était trop, elle perturbait le discours. » Ce qui frappe sur ces photos, sont les regards sombres, la dureté des visages. Et puis soudain, la joie d’une petite fille, le sourire

d’une femme, la fête qui réunit, le baptême d’un nouveau-né. Au cœur de cette misère profonde, la musique et les enfants sont les seules richesses. Pour autant, Pierre Faure n’entend pas faire du politiquement correct. Son exposition montre sans fard le décor de ces bidonvilles où l’hygiène est absente, où les “maisons” minuscules sont faites de bric et de broc, dans lesquelles les familles s’entassent. « C’est invraisemblable de supporter ces conditions. Pourtant, ils gagnent plus d’argent ici avec la mendicité et les petits boulots qu’en Roumanie, où ils sont traités comme des parias. Alors ils reviennent de toute façon. » Certaines familles ont compris l’importance de l’école, « l’unique issue ». « Souvent, ce sont les gamins qui jouent les interprètes. Grâce à la scolarisation, ils sont les seuls à parler français », souligne le photographe, avant de s’indigner de la manipulation médiatique et de renvoyer les politiques à leur irresponsabilité : « On laisse s’installer les Roms dans les pires zones, personne ne cherche à comprendre et on en revient au vieux système du bouc émissaire. » Ses images, elles, rappellent l’essentiel : l’humanité de ces migrants, rejetés depuis des siècles.

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ART CONTEMPORAIN

mission impossible ? Les Fonds régionaux d’art contemporain fêtent leurs 30 ans. En Alsace, quatre sites accueillent l’exposition Pièces Montrées. Parmi eux, la fondation Fernet-Branca de Saint-Louis, où le Frac présente sa Collection impossible, hétéroclite, fourmillante et passionnante…

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Par Charlotte Staub

À Saint-Louis, à la Fondation Fernet-Branca jusqu’au 23 mars 2014 (rencontre avec Stéphane Thidet, vendredi 6 décembre à 20h) 03 89 69 10 77 www.fondationfernetbranca.org www.culture-alsace.org

Légendes 1. Capture d’écran de la vidéo de David Claerbout Sections of a Happy Moment, 2007 © David Claerbout & Bick Productions 2. Sans titre (Je veux dire qu’il pourrait très bien exister, théoriquement, au milieu de cette table[…]), 2008 © Stéphane Tidet

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près avoir parcouru les 1800 m² de l’ancienne fabrique d’amer, difficile de dégager une thématique à l’exposition. Alors, qualifier l’ensemble des œuvres présentées à la Fondation Fernet-Branca de Collection impossible semble particulièrement adéquat. Ce titre sonne comme un défi et traduit la réalité des Frac : après 30 ans de réflexion sur les processus d’enrichissement, leurs fonds demeurent des ensembles hétérogènes et expriment la diversité des expressions artistiques. À Saint-Louis, l’exposition imaginée par l’illustre historien de l’art Roland Recht et le directeur du Frac Olivier Grasser pose plusieurs questions – celle du paysage, naturel ou urbain ou encore de la place de l’individu dans la société – sur trois niveaux où l’on découvre des œuvres gigantesques comme les plantes imaginaires de l’allemand Peter Rösel ou l’installation multimédia d’Olga Mesa et Francisco Ruiz de Infante Tu crois que je voulais te tuer ? mobilisant une pièce entière. Ces créations démesurées côtoient des pièces minuscules à l’instar des saynètes de Pétra Werlé, réalisées en mie

de pain, où se rencontrent des petits êtres fantastiques et féeriques. Se dévoilent aussi des œuvres politiques comme l’installation Save Manhattan 01 de mounir fatmi. L’artiste marocain reproduit la skyline new-yorkaise : deux Corans forment les tours jumelles du World Trade Center et des livres sur l’attentat du 11 septembre constituent les buildings qui les entourent. Un projecteur éclaire ces ouvrages dont l’ombre recrée la silhouette de NYC d’avant la catastrophe. La vidéo poétique du belge David Claerbout, Sections of a Happy Moment, apaise les esprits. L’artiste y propose un montage sonore et photographique en noir et blanc dont le sujet est une famille saisie dans un moment de loisir. Il accompagne son film d’une musique instrumentale douce, presque une berceuse. Parmi les autres créations marquantes, mentionnons Stéphane Tidet et son énigmatique installation intitulée Sans titre (Je veux dire qu’il pourrait très bien exister, théoriquement, au milieu de cette table […]), où une table de billard se déforme et se gondole au point de ressembler à un paysage fantastique. Sans doute un des éclats les plus scintillants de cette présentation protéiforme.


le silence de la lenteur Les vidéos présentées par Chen Chieh-jen au Musée d’Art moderne Grand-Duc Jean de Luxembourg mêlent dénonciation de la dictature et travail de mémoire dans un esthétisme ultra léché. Par Thomas Flagel Photo de Chen Chieh-jen, Factory, 2003

À Luxembourg, au Mudam, jusqu’au 19 janvier 2014 +352 45 37 851 www.mudam.lu

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epuis 1949, l’île de Taïwan résiste à l’ogre chinois : le Kuomingtang de Tchang Kaï-chek défait par les communistes de Mao instaure, durant près de 40 ans, la République de Chine, régime autoritaire n’ayant rien à envier à sa grande sœur “populaire”. Né en 1960, Chen Chieh-jen a développé son travail artistique comme « un acte de résistance » face au poids de la dictature et au néolibéralisme galopant l’ayant remplacé à la fin des années 1980. « La société taïwanaise a été contrainte à une sorte d’amnésie historique. Elle a perdu la capacité de réfléchir et d’imaginer l’avenir à partir du passé », analyse-t-il. Naît ainsi l’idée d’agir sur la conscience collective en faisant rejouer par des amateurs, toujours issus de communautés en marge (chômeurs, laissés pour compte…), des événements symboliques. Grève de dockers taïwanais en soutien à leurs homologues de Liverpool, unis dans un combat contre les vagues de licenciements consécutifs aux privatisations portuaires (The Route), gestes répétitifs d’anciennes couseuses d’une usine de vêtements – licenciées suite à une délocalisation – dans leur ancienne manufacture en ruine (Factory), conséquences sociales des problèmes diplomatiques de l’île coincée entre les géants américain et chinois (Empire’s Borders I) sont traités au long cours après un important travail de terrain. Le tout dans une

économie de moyens, gage d’indépendance totale dépassant la nécessité pour devenir posture citoyenne. L’engagement de Chen Chieh-jen se double d’une esthétique contemplative pleine de poésie où s’entremêlent un goût prononcé pour un noir et blanc dramatisé, un silence entêtant, des images au ralenti et de longs travellings latéraux. Nous est ainsi donné le temps de l’observation patiente du contraste entre les corps et les lieux dévastés. Telles des photographies, la plasticité picturale subjugue. Avec Empire’s Borders II – Western Enterprises, Inc., le geste touche à la réécriture de la mémoire collective. Portant le nom d’une entreprise de la CIA ayant soutenu la dictature par la création de l’Armée nationale anticommuniste du Salut, le film revient sur l’histoire du père de l’artiste, qui ne laissa à sa famille que des éléments factices sur sa vie et ses agissements, secret militaire oblige. Avec beaucoup de mélancolie, son fils montre l’errance d’individus victimes de la torture dans une ancienne usine chimique des années 1950 dont ils ne trouvent aucune issue. Le symbole d’une population broyée par les enjeux d’un conflit géopolitique et la chute de ce dragon asiatique qui fut l’une des petites mains du marché mondial, avant d’être, à son tour, remplacé par moins cher que lui. Poly 163 Décembre 13

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ABSTRACTION

terres austères Au Kunstmuseum Basel se découvre une exposition inédite : les œuvres de Piet Mondrian, Barnett Newman et Dan Flavin forment un hallucinant parcours chronologique pétri d’ascétisme et placé sous le signe d’une abstraction minimaliste faite de lignes et de couleurs. 1

Par Hervé Lévy

À Bâle, au Kunstmuseum, jusqu’au 19 janvier 2014 +41 61 206 62 62 www.kunstmuseumbasel.ch

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rois générations d’artistes. Piet Mondrian (1872-1944), Barnett Newman (1905-1970) et Dan Flavin (1933-1996). Une trentaine d’années sépare leurs naissances respectives et une filiation indéniable les unit. Ils sont ici présentés pour la première fois dans une exposition commune, même si leurs œuvres sont montrées dans des salles séparées, ordonnées chronologiquement. Certains auraient peut-être rêvé de les voir dialoguer dans un même espace, mais l’évidence de la présentation choisie saute aux yeux du visiteur qui arpente, d’un pas parfois trop vif, les salles de l’institution helvète, sans doute désorienté par l’aridité apparente du propos. Il parcourt en fait fort logiquement le fil de l’histoire de l’abstraction au XXe siècle.

Couleurs & non couleurs

1 Système philosophique ésotérique dans lequel l’homme tente de connaître le divin. 2 Fondée en 1936 www.americanabstractartists.org

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Le voyage débute avec Piet Mondrian dans l’abstraction la plus pure. En ne présentant pas d’œuvres antérieures à 1919, le commissaire de l’exposition Bernhard Mendes Bürgi choisit la radicalité : oubliées les toiles encore figuratives où se découvraient, en germe uniquement, la potentialité de l’abstraction, ces arbres ou ces fleurs aux lignes encore courbes annonçant le minimalisme qui irradie intensément dans la première salle du Kunstmuseum.

Organisées rigoureusement, des compositions toutes en déséquilibre / équilibre se limitent aux couleurs primaires (rouge, jaune et bleu) et aux “non-couleurs” (noir, blanc et gris) qui s’organisent dans des damiers faits de lignes horizontales et verticales se coupant à angle droit. Dans Composition avec jaune, noir, bleu, rouge et gris (1922), par exemple, l’artiste néerlandais atteint la plénitude de son art – qu’il nomme “néoplasticisme” – fait de tensions froides entre symétrie et asymétrie traduisant une volonté, héritée de ses conceptions théosophiques1, de dépasser l’individuel dans une quête métaphysique d’universel. Plus tard, émigré aux États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale, Mondrian, alors membre de l’association des American Abstract Artists2, va réaliser des toiles où la couleur semble se libérer de son carcan ultrarigoriste. Un signal pour certains de ses successeurs.

Color fields

Avec Barnett Newman, l’abstraction se “dégéométrise” en quelque sorte : les lignes ne structurent l’espace que de manière secondaire (elles sont de simples verticales que l’artiste nomme zip, soit fermeture éclair) quand elles ne disparaissent pas dans une


ascèse chromatique absolue. « Plutôt que de travailler avec les restes de l’espace, je travaille avec l’espace total » proclame-t-il. Le spectateur plonge dans des champs de couleur pure de grande dimension. Il est convié à les regarder de près pour une immersion maximale, à la fois spirituelle et physiologique. L’abandon est nécessaire dans la confrontation avec la couleur portée à sa luminosité – voire son incandescence – maximale grâce à l’application de nombreuses couches successives. L’objectif, là aussi, est d’essence métaphysique : renvoyer le regardeur à lui-même puisque, pour Newman, le « soi, effrayant et constant est le sujet principal ». Il n’est alors guère surprenant d’entrevoir des référents religieux : entre lumière et obscurité, Withe Fire II (1960) évoque une tradition kabbalistique selon laquelle la Thora fut écrite avec du feu noir sur un feu blanc tandis que la triangulaire Chartes (1960) est le témoignage de la puissante impression que fit la Cathédrale gothique sur l’artiste. Tentation du sublime…

Neon Judgement

Entre Barnett Newman et Dan Flavin existe une filiation encore plus évidente : le premier prononcera un discours au vernissage de l’exposition du second à Ottawa (1969), qui avait abandonné peinture et sculpture à l’orée des sixties au profit d’un langage fait de tubes de néons. À son tour, Flavin rendra hommage à son prédécesseur avec Untitled (to Barnett Newman) four (1971) présenté dans l’exposition. Avec ces “images objets” plus question pour le visiteur d’aller vers l’œuvre pour s’y immerger : le halo lumineux l’englobe, il ne peut s’y soustraire. Happé par cette étrange dialectique immobile / mobile (puisque le tube connaît un mouvement interne et une existence électrique propres) entre forme et couleur, il devient un élément de l’œuvre et les rouges, blancs ou bleus se répandent, parfois blafards, sur sa peau et ses vêtements. Avec des éléments basiques que tout un chacun peut se procurer dans n’importe quel magasin de bricolage, Flavin nous transporte dans un univers dont la métaphysique est désormais absente : c’est le quotidien répétitif de la société industrielle qui baigne avec sévérité les salles du musée. « What you see is what you get » déclarait-il avec une grande violence faisant passer le visiteur des mondes habités par une entité supérieure de Mondrian ou Newman à un univers nietzschéen où Dieu serait mort. Soudain, on se sent terriblement seul et glacé dans les salles monacales du Kunstmuseum Basel.

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Légendes 1. Dan Flavin, Untitled, 1969 Kunstmuseum Basel ©2013 ProLitteris, Zürich 2. Piet Mondrian, Tableau 3, avec orange-rouge, jaune, noir, bleu et gris, 1921. Photo: Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler ©2013 Mondrian/Holtzman Trust c/o HCR International USA 3. Barnett Newman, Chartres, 1969 Daros Collection, Switzerland ©2013 ProLitteris, Zürich

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L’ILLUSTRATrice

nathalie desforges Illustratrice pour la presse et les éditions jeunesse depuis sa sortie des Arts décoratifs de Strasbourg en 2006, Nathalie vit à Marseille. Elle travaille à l’Atelier Venture, remuant essaim de créateurs de la Cité phocéenne. Auteure de L’ABC des drôles d’Animots et de Mon coffret pour découvrir la savane

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(lire Poly n°161), elle revient à ses premiers amours : la bande dessinée, pratique encouragée par sa famille et ses amis. Elle a récemment publié un reportage BD sur la self-défense féminine au Caire, réalisé avec Perrine Lachenal, doctorante en anthropologie. http://nathaliedesforges.ultra-book.org



un regard

Par Daniel Vogel

Commitment #3 David Goldblatt, Mikhael Subotzky & Jodi Bieber, à La Filature de Mulhouse jusqu’au 22 décembre 03 89 36 28 28 www.lafilature.org www.jodibieber.com

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tholakele mdluli au nancefield hostel, klipspruit, soweto de jodi bieber Soweto, le célèbre South WEst TOwnship de la banlieue de Johannesburg, est le dernier terrain de jeu de la photographe sud-africaine Jodi Bieber, star multiprimée aux Wolrd Press (distinction la plus importante du photojournalisme). La série éponyme qu’elle consacre à l’ancien ghetto noir montre sa mutation et son émancipation depuis la fin de l’Apartheid. Cette ville dans la ville vibre sous les coups du boom économique au point de voir les écarts sociaux entre ses habitants, à l’image du pays

entier, devenir incroyablement exponentiels. Si les biens matériels ne manquent pas à Tholakele Mdluli, assise dans la pièce unique où elle vit, les détails ne trompent pas : habits sur cintres entassés sur une seule et même vis au mur, les sacs sur une autre, la télé servant de table de chevet pour crème de visage et autres potions capillaires. Signe des temps, ces vieux foyers des années 1960 sont promis à une rénovation d’ampleur. La mue est en marche, les ghettos s’ouvrent…


gens, honorez fragonard ! D’une profonde élégance, les œuvres de Fragonard sont représentatives d’un esprit français pétri de délicatesse, celui de l’Ancien Régime finissant. Découverte à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe dans une exposition intitulée Poésie & Passion.

Par Raphaël Zimmermann

À Karlsruhe, à la Staatliche Kunsthalle, jusqu’au 23 février 2014 (visites guidées en français les samedis à 14h30) + 49 721 926 33 59 www.kunsthalle-karlsruhe.de

1 On lui doit une des plus belles expositions consacrée à l’artiste qui fut présentée à Paris, au Grand Palais, puis à New York, au Metropolitan Museum of Art, en 1987 / 1988 2 À l’occasion de l’exposition Les Fragonard de Besançon (du 8 décembre 2006 au 2 avril 2007) du Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon – www.mbaa.besancon.fr

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pécialiste de l’œuvre de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), l’Académicien Pierre Rosenberg 1, ancien directeur du Musée du Louvre rappelle ce qui séduit dans ses compositions : « Leur virtuosité et leur élégance, leur charme et leur spontanéité, ce sentiment de bonheur, ce plaisir des yeux qu’elles donnent à ceux qui les contemplent. » 2 Preuve en est apportée dans cette exposition dont l’axe central est constitué par un ensemble d’estampes et de dessins, qui ne laisse pas les huiles de côté. En témoigne notamment l’esquisse peinte de La Surprise (vers 1771) où semble se concentrer toute la distinction de Fragonard : par son sujet galant, elle évoque les réalisations les plus connues du peintre, Le Verrou ou Les Hasards heureux de l’escarpolette. C’est avec les dessins à la craie et au pinceau néanmoins que se révèle avec le plus de force la puissance novatrice du trait. Dans Le Baiser (1775), un couple diaphane s’embrasse dans un tourbillon de fumée où volètent de joufflus putti. En parcourant la première section d’une exposition qui en compte trois, intitulée Nature et société, se découvre un artiste habitué à dessiner en plein air restituant une nature, tantôt organisée et domestiquée, tantôt exubérante et sauvage comme dans L’Île d’Amour (vers 1770), où elle se fait même inquiétante avec des eaux tumultueuses, des arbres aux formes déchiquetées et un ciel d’un noir d’encre. Face à ce maelström, les hommes semblent bien impuissants… Au cœur de Sensibilité et passion se trouvent un ensemble d’œuvres teintées d’érotisme tandis que dans la dernière partie, Inspiration et poésie est

Jean-Honoré Fragonard, La Surprise, vers 1771, Musées d’Angers © Pierre David

mis en lumière le lien puissant existant entre les œuvres de Fragonard et certains textes littéraires comme le poème épique Roland furieux auquel il consacra 179 dessins. Poly 163 Décembre 13

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GASTRONOMIE

casque d’or Reprise il y a quelques mois par Delphine et Stéphane Kaiser, une institution gastronomique strasbourgeoise a fait peau neuve. Visite sur les quais de l’Ill, au Zuem Ysehuet.

Par Hervé Lévy Photo de Stéphane Louis pour Poly

Zuem Ysehuet se trouve 21 quai Mullenheim, à Strasbourg. Restaurant fermé samedi, dimanche et lundi midi. Menus de 30 € (uniquement au déjeuner) à 51 €. 03 88 35 68 62 www.zuem-ysehuet.com

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languie au bord de l’eau, la charmante maison couverte de vigne vierge a des faux airs de guinguette avec sa terrasse, une des plus belles de la cité. Depuis mai 2013, le vénérable établissement “au casque” (son nom en dialecte signifie en effet littéralement “chapeau d’acier”) a connu une profonde métamorphose et un beau coup de jeune. Délaissant l’hypercentre où ils avaient enchanté les gourmets pendant dix ans à L’Atable 77 (au 77 Grand’Rue), les Kaiser ont posé leurs valises dans le quartier le plus chic de Strasbourg, à quelques encablures du Parlement européen. L’endroit est bien plus vaste (60 couverts dedans, 70 dehors), mais l’esprit n’a guère changé. Il est toujours fait de contemporanéité, de sobriété et d’élégance dans le décor (exit le plastique trop toc des chaises de la terrasse, par exemple) et dans les menus composés à quatre mains par le couple. À l’heure du coup de feu, les rôles sont néanmoins clairement définis : ancienne chef de partie saucière chez Ledoyen, Delphine

œuvre en salle, tandis que Stéphane – qui a notamment travaillé avec Émile Jung au Crocodile (trois étoiles au Guide Michelin) et les deux Top chefs Ghislaine Arabian et Christian Constant – exerce son talent en cuisine. Le credo de la maison ? L’épure, la légèreté, la maîtrise et, bien souvent, une manifeste volonté de magnifier des produits simples en cherchant des alliances de textures et de goûts parfois surprenantes. Retour aux fondamentaux et illustration par l’exemple avec une Salade de légumes croquants, sardines poêlées et jus d’une pissaladière ou l’évidence d’un Œuf mollet fumé, céleris et calamar à la Carbonara. Mais le standing de l’endroit impose aussi une réflexion sur des bases plus nobles, voire luxueuses. Mission accomplie une fois encore avec la complexité et le raffinement d’une Queue de lotte infusion de Vadouvan, panais et noisettes torréfiées ou la noblesse sans concession d’une Pièce de Black Angus poêlée, pommes ratte et poireaux à l’huile de truffe. Pour l’accompagner, un Château Chasse-Spleen 2003 nous fait de l’œil dans une impressionnante cave vitrée riche de plus de 600 références. Il faut bien cela en ces temps de morosité…


LE K

GASTRONOMIE

La première collection automne / hiver d’une jolie gourmandise vient de naître. Signé Sophie Laugel, Lekouglof est une version chic et goûteuse de la célèbre spécialité alsacienne. Tout petit (3 cm de diamètre), il procure des sensations maximales. Avec une grande variété de parfums – classique, chocolat, pistache & griotte, agrumes ou épices chaudes – il fait chavirer nos sens. En vente notamment au Marché de Noël de Strasbourg. www.lekouglof.fr

CALENDRIER

À CROQUER

Une boîte de 25 bonbons à base de fin praliné à la noisette et enrobé d’un délicat chocolat au lait, un véritable écrin gourmand… Voilà revisité avec art le célèbre Calendrier de l’Avent. Le plus difficile ? N’en manger qu’un par jour… À découvrir chez Thierry Mulhaupt dans ses boutiques strasbourgeoises (18 rue du Vieux-Marchéaux-Poissons et 5 rue du Temple-Neuf) et colmarienne (6 place de l’École). www.mulhaupt.fr

ROULE MA BOULE

Ouverte depuis peu, la boutique Lathéral (74 Grand’Rue à Strasbourg), marchand de thé et de chocolat nous propose, au sein de son comptoir Michel Cluizel – un des meilleurs chocolatiers de France – de belles créations pour les Fêtes. On retiendra la rotondité parfaite et le goût à nul autre pareil de la Boule Or Série. Façonnée à la main, elle recèle d’extraordinaires truffes d’une intense onctuosité. www.latheral.com

UNE ANNÉE EN ALSACE

Dans ce livre, le Mozart de la cuisine alsacienne, chef de la Fourchette des Ducs à Obernai (deux Étoiles au Michelin), Nicolas Stamm propose 80 recettes entraînant le lecteur de l’Équinoxe de printemps à la Magie de Noël, en passant par le Temps des cerises. Illustré et monté avec élégance, l’ouvrage, avec ses photos bien léchées, est une véritable bible avec sa Raviole de purée de potimarron à la truffe, ses Beignets de Carnaval à l’alsacienne, sa Poire pochée au chocolat Valrhona façon belle Hélène. Tout cela est beau, bon et… réalisable !

Un Chef en Alsace est paru chez Gründ (29,95 €) www.grund.fr – www.lafourchettedesducs.com

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ARCHITECTURE

a Maison européenne de l’architecture – Rhin supérieur Europäisches Architekturhaus – Oberrhein

l’archi prend le pli À proximité des gravats de l’ancien Centre socio-culturel du quartier Wagner de Mulhouse s’élève, depuis septembre, L’Origami, nouveau bâtiment réalisé par l’agence strasbourgeoise de Paul Le Quernec. Découverte d’un volume aux angles saillants, d’avantage expressif que zen.

Par Emmanuel Dosda Photos de 11h45

L’Origami, Centre socioculturel du quartier Wagner, 43 rue d’Agen à Mulhouse 03 89 46 25 16 www.mulhouse.fr www.paul-le-quernec.fr

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alles de sport, groupes scolaires, crèches… Spécialisée dans les équipements publics, Paul Le Quernec a notamment conçu une école dont la forme évoque un gruyère (à Montlebon) ou encore des ateliers municipaux prenant l’apparence d’une vague (à Rixheim). Selon lui, son agence est retenue lorsque le commanditaire veut donner une image forte aux constructions. « Un bâtiment doit avoir des qualités plastiques. J’ai une réaction épidermique face aux boites parallélépipédiques, trop présentes en France où les programmes sont interchangeables : on conçoit une gendarmerie comme une bibliothèque. L’architecture, très pauvre, tente de se dissimuler grâce à l’usage de matériaux clinquants ou derrière un traitement de façade. On a longtemps eu du verre sérigraphié, qui pour moi est du papier peint extérieur, ou encore de grandes lettres imprimées, une manière d’exprimer une idée sur des murs lorsque la bâtisse n’en a pas ! » Le Quernec ne mâche pas ses mots et évite l’esbroufe. « Les matériaux que nous utilisons ? Je dirais que chez Casto, y’a tout ce qu’il nous faut : le luxe est dans la forme, non dans les matières. » Il va sans dire que sa dernière création vigoureusement expressive ne fait pas d’« effets de manchette ».

High energy Sculpture gonflable installée au Grand Palais à Paris, en 2011, lors de la Monumenta : elle était couleur aubergine à l’extérieur et rouge à l’intérieur – www.monumenta.com *

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Construit dans une cité ouvrière en pleine mutation, L’Origami aux arrêtes aigues « capte l’énergie de ce quartier difficile ». L’architecte précise : « Nous avons avant tout réalisé un

bâtiment aux fonctions multiples qui répond au mieux aux attentes des usagers. Il y a cependant une évidente violence dans la volumétrie car il entre en résonnance avec l’atmosphère tendue présente dans l’air. L’édifice s’affirme ! On peut y apprendre l’informatique, la cuisine, la couture ou la menuiserie, le Centre socio-culturel regroupe de nombreuses initiatives : je le vois comme un chat qui essaye de sortir d’un sac. » Comme s’il se tordait par la force déployée à l’intérieur. Véritable repère dans le quartier, « telle une église dans un village », L’Origami se hausse sur un terrain d’une surface réduite : 20 x 40 mètres. L’édifice occupe le moindre centimètre de la parcelle allouée, « pleine comme un œuf ». Le plan du rez-de-chaussée est somme toute assez simple : on a deux carrés avec d’un côté un atelier de menuiserie et de l’autre une salle polyvalente (plus l’accueil, les bureaux de la direction et quelques locaux techniques). L’idée est de pouvoir fermer une partie du bâtiment par une grande porte escamotable afin d’utiliser la vaste pièce dédiée aux manifestations diverses de manière indépendante. À l’étage, il y a des salles de formation de toutes tailles, une cuisine pédagogique, un espace détente, quelques bureaux et une terrasse de 80 m2.

Une grosse pastèque

En s’élevant, les deux gros blocs présents au rez-de-chaussée pivotent, créant une


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torsion. « Puis, nous nous sommes “contentés” de relier les sommets : c’est ce qui plie la façade », explique-t-il simplement. « On a l’impression qu’il s’agit d’un geste artistique torturé, mais la règle géométrique régissant le bâtiment s’écrit en une seule ligne. » Si l’extérieur est “froissé”, l’intérieur n’est pas comme “repassé” : « Il y a une indispensable cohérence entre le dehors et le dedans. » D’où cette impression d’ivresse qu’on peut avoir en parcourant les espaces. Cette construction est comme une grande brique, complétement déformée et « sévèrement taillée sur les flancs » pour laisser pénétrer la lumière. Pour faciliter l’orientation du visiteur dans ce bâtiment complexe,

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l’architecte a créé des effets de transparence et des vues traversantes. C’est une constance dans ses projets. Aussi, les couloirs sont entièrement peints en orange, afin de marquer les espaces de circulation, tandis que les salles sont en blanc, créant un apaisement lorsqu’on y pénètre. Recouverte d’écailles en zinc noires et irriguée de veines couleur mandarine, la bâtisse évoque un monstre sombre et géométrique, mais organique, tel le Leviathan* d’Anish Kapoor. Le Quernec aime réaliser des bâtiments sculptés dans une masse : « Je distingue la peau de la pulpe. » L’architecte compare sa récente création à une pastèque, « vert foncé dehors et qui devient rouge vif lorsqu’on l’entaille. Quand on entre dans L’Origami, on pénètre dans une matière. »

Légendes 1. Vue sur l'entrée 2. Escaliers principaux 3. Salle polyvalente

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DESIGN

un design nommé désir Le Vitra Design Museum expose Shiro Kuramata, créateur poète proche d’Issey Miyake. Découverte de l’œuvre d’un rêveur tissant des liens entre l’Orient et l’Occident, le monde réel et un univers fantasmé fait de verre, de plexiglas ou de maille d’acier.

Par Emmanuel Dosda

À Weil am Rhein (Allemagne), au Vitra Design Museum, jusqu’au 12 janvier 2014 +49.7621.702.3705 www.design-museum.de

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iss Blanche : tel est le nom de la chaise créée en 1988 par Shiro Kuramata, clin d’œil à Blanche Dubois, élégante héroïne de Tennessee Williams dans Un tramway nommé Désir. On se croirait à la fois chez Kenzo et Miyazaki : gracieux et onirique, ce siège translucide en acrylique emprisonne des roses en lévitation. Le designer japonais, qui avoua souhaiter plus que tout pouvoir défier la gravité, exauça alors ses rêves de liberté, faisant flotter les fleurs pourpres, devenant éternelles. Elles sont figées à jamais, mais semblent virevolter en apesanteur.

Le Vitra Design Museum salue la poésie des pièces de Shiro Kuramata, né en 1934 à Tokyo et mort prématurément en 1991. Un artiste faisant flirter matériel et immatériel, esthétique extrême-orientale et avant-garde européenne. Ainsi, sa Glass Chair (1976), faite de simples plaques de verre collées, rend hommage au minimalisme japonais comme à De Stijl et aux compositions abstraites et géométriques de Piet Mondrian (voir page 70). La chaise est transparente : s’y asseoir revient à se poser dans les airs. Encore une fois, Shiro Kuramata tire la langue aux lois qui régissent l’univers.

Shiro Kuramata, 1979 © Kazumi Kurigami

Célèbre pour les boutiques réalisées pour son ami couturier Issey Miyake, il exécuta, dans les sixties, de nombreux travaux de design d’intérieur. C’est le mobilier qui l’inspira le plus. Il conçoit meubles et objets de décoration comme des œuvres d’art, harmonieuses, souvent sobres, mais non dénuées d’humour. Proche de l’Italien Ettore Sottsass – qui l’invita à rejoindre le groupe de Memphis, mouvement qui s’élève contre l’austérité du design et de l’architecture qu’il préfère ludiques et colorés – il créé notamment F.1.86 (1987), un porte-parapluie qui semble jaillir d’une toile de Magritte. Comme les Surréalistes, Kuramata prétend s’inspirer de ses rêves. Il nourrit également son imagination à la musique, le jazz lorsqu’il conçoit How High the Moon (1986), titre emprunté à un standard popularisé par Ella Fitzgerald. Ce fauteuil club, volumineux mais léger, joue encore avec la transparence. En résille métallique, entre fonctionnalité et lyrisme, il nage dans l’atmosphère, comme les notes échappées d’une partition de Duke Ellington ou d’Art Pepper.


Miss Blanche Š Juergen Hans

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LAST BUT NOT LEAST

philippe geluck

créateur du chat (et réciproquement) Dernier éclat de rire. Pas facile, je ris souvent et beaucoup. Sans doute pendant le film de Richard Curtis, Il était temps. J’adore l’humour british.

Dernière transgression. Voyager dans le Thalys sans billet, mais je n’ai aucun mérite : la machine ne marchait pas !

Dernier blasphème. Cette dédicace pour les lecteurs de Poly. Et quelques autres où je signe « Amitiés de Dieu et de Philippe Geluck ». Il m’a autorisé, je vous le promets. En fait, le blasphème est un exercice quotidien… ou presque. L’autre jour, je n’ai pas blasphémé, j’ai donc été voir mon conseiller en athéisme et il m’a pardonné.

Dernière volonté. Que personne ne reprenne Le Chat après moi, comme cela il sera à jamais impossible de se rendre compte combien c’est facile à faire.

Dernier acte vertueux. Hier soir, j’ai sauvé une petite fille qui allait se faire écraser en la retenant par le bras, mais Le Chat me soupçonne de faire cela uniquement pour préserver mon public de demain. Dernier pêché. La Gourmandise. Ce pain aux raisins que je mange en vous répondant est à se damner. Dernier juron. Bordel de merde ! 82

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Dernier mot. Déjà ? Dernier album paru. La Bible selon Le Chat (Casterman, 14,95 €) www.casterman.com

Par Hervé Lévy www.geluck.com




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