Poly 212 - Septembre 2018

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poly.fr

Magazine

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N°212

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le rideau s’ouvre sur

Rachida Brakni

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© Alice Piemme

BRÈVES

BREF La neuvième édition du Festival Court Toujours de Thionville organisée sur le site du Théâtre en Bois (2123/09) sera centrée sur l’art et le sport. Une dizaine de créations pour des formes allant de 4 à 40 minutes avec notamment Mon Théâtre, techniques de pointe expliquées à mes voisins de Daria Lippi avec Laurence Fisher, triple championne du monde de karaté devenue actrice. Mais aussi Backup, réflexion sur le réchauffement climatique (théâtre d’objets et vidéo). nest-theatre.fr

PARCE QU’ON EST JEUNES ! Destinée aux 15-29 ans et imaginée par la Région Grand Est, la Carte Jeun’Est est une mine de bons plans pour son bénéficiaire. Il suffit de se connecter ou de télécharger l’appli pour découvrir un monde de possibles : réduction dans des festivals ou au cinéma, bon d’achats, accès favorisé aux clubs de sport, etc., etc.

women À Strasbourg, dans le cadre des Bibliothèques idéales (voir page 14), l’Institut culturel italien a invité Simonetta Greggio. Elle présente Elsa, mon amour (Lycées des Pontonniers, 13/09, 16h30) : paru chez Flammarion, ce roman redonne vie à Elsa Morante. Une destinée à mettre en parallèle avec celle de Janet Flanner à laquelle Michèle Fitoussi a dédié un ouvrage. Les deux écrivaines dialogueront sur scène. iicstrasburgo.esteri.it

Richard Galliano © Rémi Bourcerau

jeunest.fr

JAZZY La 23e édition du Colmar Jazz Festival (10-15/09 ; voir Poly n°211 et sur poly.fr) propose un programme éclectique et exigeant avec notamment la musique manouche de Di Mauro Swing (10/09), l’accordéoniste star Richard Galliano et son New Jazz Musette (15/09) ou encore le quintet Five For Jazz œuvrant entre Chick Coréa et Charlie Parker (14/09). festival-jazz.colmar.fr Poly 212

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BRÈVES

INTÉGRALE

LIKE A PRO Attention événement dans le cadre des strasbourgeoises Bibliothèques idéales (voir page 14) : la projection intégrale du Soulier de Satin de Claudel (08/09, Auditorium du MAMCS, 11h-23h) dans la mise en scène légendaire d’Antoine Vitez de 1987 ! Inscription à la Boutique Culture (03 88 23 84 65). strasbourg.eu

Après La Négociation pour les nuls à destination des indépendants, les Strasbourgeois de Central Vapeur Pro remettent ça, signant l’indispensable guide pour calculer ses tarifs, rédiger ses devis, ses factures et gérer les impayés. Illustré avec brio par Agathe Demois, La Facturation pour les pros (5 €) permet aux illustrateurs, graphistes et autres indépendants de calculer les prix de cession et, surtout, de ne pas oublier que « vous n’êtes pas à Koh-Lanta, juste là pour survivre », mais bien pour vivre dignement de votre travail et de votre art.

Géo

Le metteur en scène Philippe Arlaud a imaginé le multifocal et scintillant Singing Garden (25 & 27/09) : à l’intérieur, puis à l’extérieur de l’Opéra de Strasbourg se rencontrent musique contemporaine (avec des pièces de Toshio Hosokawa, David Lang, etc.), sonorités tango ou electro, mais également vidéos. Laissez-vous surprendre ! operanationaldurhin.eu

Asad J.Malik, Asad & Assad, 2018 © Courtesy the artist and studio 1RIC

Dessert V, 1970, Coll. Ursula Hauser © ADAGP, Paris / VG Bild-Kunst Bonn, 2018, Photo : Stefan Altenburger

centralvapeur.org

© Jean-Marc Nigon

OVNI

BODIES Intitulée Paysages humains (jusqu’au 07/10), la nouvelle exposition de la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden regroupe une cinquantaine d’œuvres d’Alina Szapocznikow (1926-1973). Radicale, l’artiste polonaise s’est colletée tout au long de sa vie au caractère éphémère du corps humain.

L’exposition de groupe Your North is my South présentée par le Museum für Neue Kunst de Fribourg-en-Brisgau (en collaboration avec La Kunsthalle de Mulhouse, jusqu’au 08/10) interroge l’influence de la géographie sur la perception. Comment un lieu peut-il entrer en relation avec le ressenti ? Qu’en est-il des sites qui n’ont pas d’emplacement géographique ?

kunsthalle-baden-baden.de

freiburg.de – kunsthallemulhouse.com Poly 212

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© Martin Kaufhold

BRÈVES

CINOCHE DE GENRE

UN HOMME ET UNE FEMME

Le come-back du Festival européen du Film fantastique de Strasbourg (14-23/09) aux cinémas Star, Vox et UGC ciné cité met à l’honneur John Landis. Les Blues Brothers sera projeté en mode drive in à l’américaine le 17/09 ! Sinon, profitez d’une rétrospective Chromosome XX autour des personnages féminins (Baker, De Palma…). En compétition internationale, le touchant Miraï, ma petite sœur, dessin animé de Mamoru Hosoda, le Climax entre danse, excès et dépravation selon Gaspar Noé ou le dernier Kim Ki Duk : Human, Time, Space and Human.

Le Saarländisches Staatstheater de Saarbrücken propose une très belle ouverture de saison avec une nouvelle mise en scène de La Traviata de Verdi (représentée jusqu’au 26/01/2019) signée Ben Baur. On avait beaucoup aimé sa production de Lucia di Lammermoor (2014) dans le même théâtre. staatstheater.saarland

© Les Tambours du bronx

strasbourgfestival.com

NO BORDER ! Blieskastel, le Pays de Bitche, Pirmasens et Zweibrücken accueillent la 29e édition du transfrontalier Festival Euroclassic (02/09-31/10, voir Poly n°211 ou sur poly. fr) avec pour thème “Industrie et Culture”. Au menu, une trentaine de rendez-vous dont les tonitruants Tambours du Bronx (15/09, Meisenthal), la voix envoûtante de Max Raabe, seul en scène avec un pianiste (15/09, Zweibrücken), ou encore un attendu Requiem de Cherubini (13/10, Walschbronn). festival-euroclassic.eu

TERRES DE RÊVES Après la Nièvre et la Haute-Saône en 2017, le Festival Idylle (12/10-10/11) revient dans deux nouveaux départements de la Région Bourgogne-Franche-Comté, l’Yonne et le Jura. Neuf compagnies mettent en scène les huit communautés de communes qui le composent. Pour clore ces quatre semaines de représentations, un final sera proposé par la compagnie Pernette. bourgognefranchecomte.fr

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sommaire

14 Plongée dans la rentrée littéraire aux Bibliothèques idéales, au Livre sur la Place et à Livres dans la Boucle

22 Portrait de la comédienne, réalisatrice et chanteuse

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Rachida Brakni

28 Marie-Christine Soma adapte La Pomme dans le noir de Clarice Lispector

30 Une Orestie franco-irakienne signée Célie Pauthe et Haythem Abderrazak

32 Entretien avec le chorégraphe Angelin Preljocaj

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autour de sa dernière création

35 - 66 SAISONS 18/19 : LA SÉLECTION DE POLY 70 Entretien avec le phénomène Eddy de Pretto 72 Marquis de Sade : la renaissance ! 74 Plongée dans Musica, festival de musique contemporaine

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80 Entretien avec Pierre-Emmanuel Rousseau autour d’Il Barbiere di Siviglia de Rossini

82 Le Consortium présente L’Almanach 18, sa 3e biennale

84 Les vendanges tardives de Georg Baselitz à Unterlinden

86 À la Fondation Fernet-Branca, une exposition collective explore L’Impermanence

92 Les 18e Journées de l’Architecture invitent Odile Decq

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96 Gastronomie : le Kasbür d’Yves Kieffer 98 Un dernier pour la route : voyage à Saint-Romain

COUVERTURE Durant son passage au TNS fin mai, Rachida Brakni s’est rendue très disponible. La veille de notre (long) entretien, nous avons organisé la séance photo au cours de laquelle la comédienne s’est prêtée au jeu avec malice, écoutant très sagement les recommandations de Vincent Muller, photographe de Poly, derrière un lourd rideau sombre dans un recoin du théâtre. vincentmuller.fr

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OURS · ILS FONT POLY

Ours

Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Emmanuel Dosda

Il forge les mots, mixe les notes. Chic et choc, jamais toc. À Poly depuis une quinzaine d’années, son domaine de prédilection est au croisement du krautrock et des rayures de Buren.

Thomas Flagel

Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly. Ours nostalgique, Budapest, 2018 © Hervé Lévy

Sarah Maria Krein

Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK.

Anaïs Guillon

Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Renault Captur lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !

Julien Schick

Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?

poly.fr RÉDACTION / GRAPHISME redaction@poly.fr – 03 90 22 93 49 Directeur de la publication : Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr Rédacteurs Emmanuel Dosda / emmanuel.dosda@poly.fr Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Ont participé à ce numéro Benoît Linder, Claire Lorentz-Augier, Vincent Muller, Christian Pion, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel, Amélie Zimmermann et Raphaël Zimmermann Graphistes Anaïs Guillon / anais.guillon@bkn.fr Luna Lazzarini / luna.lazzarini@bkn.fr Nina Bilger (stagiaire du studio graphique) Développement web Vianney Gross / vianney.gross@bkn.fr Maquette Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly Administration, gestion, abonnements : 03 90 22 93 30 Mélissa Hufschmitt / melissa.hufschmitt@bkn.fr

Éric Meyer

Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés (chaussures, avions…) s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain, mis en lumière par la gravure. ericaerodyne.blogspot.com

Luna Lazzarini

D’origine romaine, elle injecte son “sourire soleil” dans le sombre studio graphique qu’elle illumine… Luna rêve en vert / blanc / rouge et songe souvent à la dolce vita italienne qu’elle voit résumée en un seul film : La Meglio gioventù.

Diffusion : 03 90 22 93 32 Vincent Bourgin / vincent.bourgin@bkn.fr Contacts pub : 03 90 22 93 36 Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Sarah Krein / sarah.krein@bkn.fr Rudy Chowrimootoo / rudy@bkn.fr Linda Marchal-Zelfani / linda.m@bkn.fr Magazine mensuel édité par BKN / 03 90 22 93 30 S.à.R.L. au capital de 100 000 € 16 rue Édouard Teutsch – 67000 STRASBOURG Dépôt légal : août 2018 SIRET : 402 074 678 000 44 – ISSN 1956-9130 Impression : CE © Poly 2018. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. COMMUNICATION BKN Éditeur / BKN Studio – bkn.fr

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edito

ministère amer Par Hervé Lévy Illustration de Éric Meyer pour Poly

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oût 2018. Canicule et molle torpeur estivale. Une tribune parue dans Le Monde daté du huit jette un sacré pavé dans la mare – dont on percevait déjà les troubles eaux – des relations entre la Présidence de la République et la locataire de la rue de Valois. Signé par Robin Renucci et les représentants des associations majeures du spectacle vivant – au nombre desquels la Strasbourgeoise Joëlle Smadja1 – ce texte

dénonce avec une justesse et une précision chirurgicale « une politique pensée par un petit cercle de collaborateurs présidentiels qui ne croient plus en l’intérêt de la présence de l’État et de son action dans les régions (…) et qui travaillent au démantèlement de l’administration culturelle. » D’un côté l’Élysée, calculette en main, de l’autre une Ministre de plus en plus démunie, dont l’action et les moyens sont corsetés, morcelés, rabotés. Le pognon face à la vision ? Une dichotomie que le vieux sage Robert Abirached2 dénonce lui aussi dans un entretien donné à nos confrères de La Terrasse fin juin, évoquant une « bureaucratisation de la culture, accompagnée d’une obsession de la rentabilité financière ». La question se pose en effet : Françoise Nyssen est-elle encore aux commandes ou alors l’avion de la politique culturelle est-il piloté depuis l’Élysée par le truchement d’une pléiade de chargés de missions ? La spécificité culturelle française semble en danger dans une République gouvernée par un Emmanuel Macron qui ne cesse de parler de culture dans ses discours, accumulant les références, souvent à bon escient, et semblant sincèrement passionné, mais qui s’est emparé d’un dossier qui ne peut et ne doit se réduire à sa dimension comptable et se voir traité avec un tableau Excel, sans prendre en compte, qui plus est, ses bénéfices secondaires. C’est ce paradoxe – qui se retrouve bien souvent, comme par effet de ruissèlement, aux échelons inférieurs, régional, départemental et municipal – qui sous-tend l’action culturelle erratique d’une première année de quinquennat. C’est ce paradoxe qu’il faudra impérativement surmonter. Jusqu’ici tout va bien, mais ce qui compte ce n’est pas la chute…

Les signataires sont Joris Mathieu, Robin Renucci, Carole Thibaut, pour l’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN), Solenne Racapé, Alban Richard, pour l’Association des centres chorégraphiques nationaux (ACCN), Christian Sebille, pour l’Association des centres nationaux de création musicale (ACNCM), Philippe Le Gal, pour Territoires de Cirque, Céline Bréant, Daniel Favier, Joëlle Smadja, pour l’Association des centres de développement chorégraphique nationaux (ACDCN)

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2 Écrivain et critique qui fut directeur du Théâtre et des Spectacles au Ministère de la Culture entre 1981 et 1988

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LIVRES

love on the book Bibliothèques idéales, Livre sur la Place et Livres dans la Boucle : Strasbourg, Nancy et Besançon célèbrent avec fastes la rentrée littéraire et ses 567 nouveaux romans. Zoom sur trois auteurs que l’on croisera (presque) partout.

Par Hervé Lévy et Thomas Flagel Photos de Joann Sfar (© Joël Saget / AFP), Alain Mabanckou (© Nico Thérin) et Gauz

Le Livre sur la place (Nancy), du 7 au 9 septembre lelivresurlaplace.fr Les Bibliothèques idéales (Strasbourg), du 7 au 16 septembre bibliotheques-ideales. strasbourg.eu Livres dans la boucle (Besançon), du 14 au 16 septembre livresdanslaboucle.fr

* Lire Au bord du ruisseau des origines dans Poly n°156 ou sur poly.fr

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rolifique, Joann Sfar ? L’adjectif semble un peu faible pour un auteur qui tire tous azimuts, publiant plus vite que son ombre. Pour cette rentrée sortira ainsi une bande dessinée hyper attendue, tome huit du Chat du Rabbin (dans lequel une jeune catholique désire se convertir pour faire plaisir à son fiancé juif), mais aussi Modèle vivant, récit clôturant une trilogie autobiographique (après Vous connaissez peut-être et Comment tu parles de ton père). C’est l’histoire d’un homme qui tente de faire des portraits de femmes à une époque où l’affaire est de plus en plus compliquée… Prof aux BeauxArts – dont il a été l’élève – Sfar décrit une période soi-disant libérée mais profondément corsetée, narrant par exemple une réunion hilarante avec la ministre Françoise Nyssen au cours de laquelle il est question de faire cesser le harcèlement sexuel dans la prestigieuse école parisienne. Entre réflexion sur le dessin, critique féroce d’un univers aseptisé et absurde – il y a du Muray là-dedans – et humour grinçant, l’auteur explore un monde qui

ne veut plus qu’on le représente, sans jamais oublier l’autodérision : « J’ai écrit toutes ces pages, partagé entre la crainte qu’un livre sur le dessin n’intéresse personne et la certitude que c’était un travail sur des questions universelles. À chaque ligne, la question de la violence, du nu et de la délicatesse est posée », résume l’auteur. Camarade Président Par la voix d’un adolescent, Alain Mabanckou revient une nouvelle fois au Pointe-Noire de son enfance*. Dans la capitale économique de la République du Congo, la politique nationale et la guerre des chefs décidées à Brazzaville entraînent la famille du Petit Michel dans la peur et le chaos. En mars 1977, le « camarade président Marien Ngouabi » est brutalement assassiné. Le jeune rêveur, dont on dit qu’il « exagère toujours et que parfois il est impoli sans le savoir », voit son monde bousculé. Car sa Maman Pauline, femme forte vendant des bananes en gros aux revendeuses du Grand Marché, a un frère haut gradé qui ne sera pas épargné par les purges. Le coup d’état maquillé par la junte militaire – notamment par un certain Denis Sassou-Nguesso dirigeant toujours le pays malgré une petite pause démocratique de 1992 à 1997 – menace aussi le reste de la famille… Les Cigognes sont immortelles contient élans d’humour, grandes joies et petits tracas habilement ciselés par la plume de Mabanckou. Les personnages haut en couleurs sont croqués avec une tendresse douce-amère. Mais celui qui enseigne aujourd’hui la littérature francophone à l’Université de Californie-Los Angeles se fait aussi plus engagé que jamais avec ce récit qui retrace la force et les dégâts des rapports Nord-Sud sur le continent dans les seventies. Élevé avec pour figures tutélaires Lumumba et Sankara, le narrateur est suspendu à La Voix de l’Amérique qu’écoute son père sur son


transistor. Depuis longtemps, Papa Roger souffle à l’oreille de son garçon, cigogne blanche de la révolution socialiste congolaise, ce que les journalistes de l’officielle Voix de la Révolution taisent : les massacres des indépendantistes au Cameroun, les agissements de la CIA, de Bob Denard et les coups de la Françafrique soutennant la guerre au Biafra pour diviser le Nigéria. Camarade Papa Après Debout Payé (Le Nouvel Attila, 2014), Gauz signe un retour fracassant avec Camarade Papa. Un roman à plusieurs voix dans lequel sa verve brille de tout son éclat. S’y croisent dans des histoires parallèles un enfant « de la tribu des marrons », fils d’un opposant africain en exil à Amsterdam et d’une mère partie en Albanie au « paradis socialiste du camarade Hodja », et le récit d’un de ses ancêtres, Dabilly, parti un siècle plus tôt à la conquête de la « Côte de l’Ivoire ». Les pérégrinations de cet enfant élevé dans une idéologie communiste poussée à son paroxysme, teintant de doctrine rouge et de doxa marxiste chacune de ses phrases, est à hurler de rire. Pour autant, rien de ridicule dans ses logorrhées, plutôt une certaine vision du monde égalitariste émaillée de poésie pure. Gauz conjugue nom et adjectif pour inventer une langue enfantine aussi criarde,

débrouillarde que fine. Ici, « les maîtresses se follent », la douce Yolanda « vend des bisous en vitrine » et « camarade-papa vire-volts dès qu’on évoque la Commune ». Rien ne semble atteindre ce petit bout, envoyé dans un long périple jusque chez sa grand-mère en Afrique. Sa mission reste limpide : observer la société capitaliste post-coloniale sans renier son éducation révolutionnaire. L’écriture se fait ensuite tout autre, luxuriante et léchée, prolixe et fouillées, docte et exaltée. Dabilly passe par les ateliers de la Manufacture des Armes de Châtellerault où il rencontre de savoureux Alsaciens avant d’embarquer de La Rochelle pour la côte d’Afrique de l’Ouest, ses paysages à couper le souffle, ses figures d’aventuriers colonisateurs aussi méprisants que couillus, ses passes d’armes entre Anglais et Français pour conquérir par la guerre (l’écrasement des Ashanty) ou les traités (jouant des cadeaux et d’un prétendu prestige pour les Rois et chefs tribaux locaux) pour asseoir les Comptoirs de commerce au nom de la Couronne ou du drapeau tricolore. L’écrivain se plait à rendre l’atmosphère étouffante de cynisme des colons comme l’envoutante ritualisation des esprits, des mythes et des palabres d’ethnies gardant comme des secrets les talismans ouvrant les portes de leur culture, où l’Europe joue du canon et des bottes, en piétinant son âme.

Petit panier aux amandes tome 8 du Chat du Rabbin, Dargaud (14 €) dargaud.com

Les Cigognes sont immortelles, Seuil (19,50 €) seuil.com

Modèle vivant, Albin-Michel (18 €) albin-michel.fr

Camarade Papa, Le Nouvel Attila (19 €) lenouvelattila.fr

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LIVRES

la vie en noir Spécialiste du polar, Le Verger lance une nouvelle collection très chic intitulée Mauvaise graine. Entretien avec Pierre Marchant, directeur de la maison d’édition installée à Barr.

Par Hervé Lévy Dessin de Nina Bilger pour Poly

Parus au Verger (14,90 €) verger-editeur.fr

Comment définir l’esprit de Mauvaise graine ? La collection considère le roman policier comme une littérature à part entière. Elle est destinée à associer des polars dont l’écriture est particulièrement soignée. Mauvaise graine va ainsi rassembler trois types de romans policiers : des traductions de textes étrangers, des nouveautés sélectionnées avec exigence et des rééditions d’ouvrages devenus indisponibles, mais qui ont marqué l’histoire du genre. Mauvaise graine, c’est une collection de bibliothèque dans tous les sens du terme. Par le soin apporté à l’objet, d’une part. Et par la qualité de la sélection, d’autre part : ce sont des livres qu’on garde avec soi. Comment résumer Les Petits Meurtres de Rodolphe – plus connu comme scénariste de BD qu’en tant qu’écrivain – qui vient de paraître, ouvrant la collection ? Le livre marque le début d’une série, celle des enquêtes du commissaire Raffini, Rodolphe nous entraîne à la fin des années 1950, l’époque des Tontons flingueurs et de l’œuf dur pris au comptoir. Celle de la gouaille d’Audiard et des robes évasées à pois avant qu’elles soient vintage, des bistrots, des jetons de téléphone et des bals populaires. C’est une histoire de tueur en série très décalée. Qu’en est-il d’Autopsie d’un biographe de Max Genève ? C’est également une première enquête, celle

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de Simon Rose, le détective créé par Max Genève. Simon vit chez sa mère, mais est surtout porté sur les jolies femmes et la sieste. Engagé par un éditeur parisien pour veiller à la sécurité d’un biographe, il va découvrir une gigantesque supercherie littéraire. L’auteur y dresse une savoureuse galerie de portraits dans le milieu germanopratin. Quels sont les prochains titres à paraître ? En novembre, la collection accueillera deux écrivains importants. D’abord Hansjörg Schneider, l’auteur contemporain de romans policiers le plus lu dans le monde germanophone. Tous ses livres sont adaptés à la télévision et au cinéma en Allemagne. Nous publierons la toute première enquête de son commissaire Hunkeler (de la police judiciaire de Bâle), Les Cailloux d’argent, un roman à forte connotation sociale autour d’un trafic de diamants. Nous sommes les premiers à le traduire en français, et avons le projet de publier la dizaine de tomes de la série, au fur et à mesure. Nous accueillerons également Patrick Raynal, ancien directeur de la célèbre Série Noire chez Gallimard. Nous rééditerons son tout premier roman, un texte noir très fort, dans le Nice des années 1980, entre pègre, activistes d’extrême-gauche et terrorisme. En 2019 paraîtront les suites des deux séries entamées au printemps, notamment Le Tueur du cinq du mois de Max Genève qui était sorti… dans la Série Noire.


LIVRES

APPELER UNE CHATTE UNE CHATTE Mon petit guide décontracté de la foufoune : tel est le sous-titre résumant parfaitement le dernier ouvrage de l’illustratrice strasbourgeoise Lili Sohn intitulé Vagin tonic. Après les trois volumes de La Guerre des tétons – roman graphique abordant avec humour et tendresse son cancer du sein –, elle poursuit son exploration du corps féminin en images et bulles. Point G, porno, clito, règles, etc. Ce bréviaire délicat et drôle propose tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe féminin, sans jamais oser le demander… (H.L.) Paru chez Casterman (20 €) casterman.com – vagintonic.com

L’OBJET DU DÉSIR Ouvrir le nouveau livre d’Anne-Margot Ramstein, l’écarter des deux mains avec délicatesse constitue la première invitation à un geste érotique. OTTO ou l’Île Miroir est construit sur une double symétrie : des mots palindromes (ici, solos, sexes…) et des images miroirs, sorte de superbes Rorschach orgiaques. La Strasbourgeoise, diplômée des Arts déco en 2009, signe une fable osée, remplie de désirs inavoués mais pourtant assouvis. Sur une île, un navigateur échoué se perd dans les corps voluptueux de deux jumelles, Anna et Eve avant de découvrir qu’il est lui même atteint de dédoublement. Otto et lui explorent les multiples configurations de ce quadrangulaire luxurieux, lovés dans une nature luxuriante et chatoyante, tout en courbes et volutes. La relation charnelle que l’auteure crée avec le regardeur de son sujet est aussi lascive que sensuelle, crue mais retenue, entre vice et verso. (T.F.)

NO FEAR Hanieh Delecroix et l’illustrateur strasbourgeois Thomas Baas signent un livre à l’italienne renversant les rôles. Heureusement, dans Mon Petit papa fait des cauchemars, le bout de choux est là pour rassurer celui qui, d’habitude, veille sur ses peurs et son imagination débordante. La noirceur teintée de douceur du trait de l’auteur du Joueur de flûte de Hamelin (voir Poly n°182 ou sur poly. fr) sert d’écrin à des situations aussi surprenantes que drôles : l’adulte y a peur des toilettes et des ombres qu’elles recèlent et se voit arracher sa chemise, ses affaires être dévorées et sa voiture enlevée par des adultes de taille disproportionnée. Dur dur d’être un papa ! (T.F.) Paru chez Actes Sud junior (14,50 €) actes-sur.fr

Paru aux Éditions 2024 (23 €) editions2024.com – anne-margot.com Poly 212

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LIVRES

orient express Professeur d’Histoire de l’Art à l’Université de Strasbourg, Christine Peltre signe deux ouvrages complémentaires : une version enrichie des Orientalistes et un excitant Voyage en Afrique du Nord. Par Hervé Lévy Illustration de A. Maillos

Les Orientalistes, éditions Hazan (45 €) editions-hazan.fr

Le Voyage en Afrique du Nord, Bleu autour (28 €) bleu-autour.com

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aru en 1997, Les Orientalistes est le livre de référence sur le sujet. Pour Christine Peltre, il était temps d’en proposer une nouvelle version enrichie de chapitres inédits et amplement remaniée, « à la lumière de l’évolution de mes recherches et du changement de mon regard », résume-t-elle. À côté de la passion bien connue pour l’Orient de peintres comme Delacroix, Chassériau ou Gérôme, se découvre ainsi un « orientalisme des Orientaux, notamment dans la peinture turque ». Particulièrement percutant, le chapitre dédié aux Nouvelles Shéhérazade montre des œuvres contemporaines – photos de Meriem Bouderbala ou clichés délicatement marouflés de Lalla Essaydi – qui sont autant de regards critiques sur les visions occidentales de la femme arabe véhiculées par les odalisques sensuelles ou les harems débordant de luxure des premières pages de cet imposant ouvrage. Complémentaire, Le Voyage en Afrique du Nord explore (en se servant de la riche collection rassemblée par Pierre de Gigord

comme substrat) les Images et mirages d’un tourisme de 1880 à 1931. Cartes postales, affiches, guides, dépliants, publicités en stock… Ce corpus paradoxal, à la fois très varié dans ses formes et extrêmement répétitif par son message, montre au premier chef la manière de « s’approprier un territoire par l’image grâce à des représentations simplifiées bien souvent inspirées des tableaux orientalistes du XIXe siècle », résume Christine Peltre. Mis en perspective avec ces « alignements de stéréotypes », des textes d’écrivains comme Gautier, Gide ou Camus permettent de recomposer la réalité coloniale. Un chamelier gravissant élégamment une dune avec un slogan à la typographie soignée proclamant Faites en Algérie le plus beau voyage de votre vie, une vue idyllique d’un Orient fantasmé proclamant Vacances idéales en Tunisie, un carnet du passager de la Compagnie générale transatlantique invitant à voguer vers le Maroc au départ de Bordeaux… Ces images charmantes sont tellement bien composées qu’on en viendrait presque à en oublier le contexte.



chroniques

SENSITIVE SKINS Le pôle de photographie strasbourgeois Stimultania est à l’origine d’un nouveau magazine où politique et art s’entremêlent savamment. Expérimentations Splendides regroupe des séries de photos collectives, des écrits scientifiques et poétiques, des retours d’expériences (sur Les Mots du Clic, dispositif innovant de médiation) et propose un dossier “En prison” notamment réalisé par Benoît de Carpentier avec les détenus de la maison d’arrêt Lyon-Corbas. Ils questionnent l’identité masculine pour infléchir leur parole au-delà des murs, posent en apesanteur, portés par une bâche protectrice, fragile chrysalide de leur virilité. Magazine annuel édité par Stimultania (16 €) experimentationssplendides.com

UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN

LE SALAIRE DE LA PEUR

Le pianiste issu du Conservatoire strasbourgeois Christophe Imbs considère son projet comme « assez particulier » et il n’a pas tort. Inclassable, très électrique, l’album de son trio ForYourOwnGood! navigue entre zénitude et rock attitude, salon cosy et destroy party. Cet objet édité par Jazzdor questionne l’instrument et ses possibilités. Les effets pianistiques de Christophe, membre hyperactif du Collectif OH!, se marient à la contrebasse de Matteo Bortone et la batterie experte d’Anne Paceo, artiste de l’année aux Victoires du jazz 2016. Gros coup de cœur pour Sveta, en neuvième position. (E.D.)

Ça n’est pas uniquement parce qu’un des titres de Fear s’intitule Sparks que nous songeons fortement au groupe des frères Mael et leur rock californien extravagant et glam durant l’écoute de Toxic Kiss. Le quatuor lorrain mené par Manuel Etienne démarre au quart de tour et s’amuse à fiche la trouille avec dix morceaux où s’enchaînent virages serrés et sorties de route. Les voix de Manuel et de Laetitia Vançon se répondent et se superposent tandis que les guitare, basse, clavier et trombone donnent le rythme, que Sébastien Servais et David L’huillier sèment leurs mauvaises graines. (E.D.)

Édité par Jazzdor jazzdor.com – christopheimbs.com

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Autoédité (10 €) – toxickiss.bandcamp.com En concert le 29 septembre au Barathon (Verdun) et le 24 novembre au 361 Grad (Offenbourg)



PORTRAIT

je crois Comédienne, réalisatrice et chanteuse, Rachida Brakni bouffe la vie et croque la création à pleines dents. Rencontre avec une femme qui a la foi, autour d’un thé à la menthe, sur la terrasse du Théâtre national de Strasbourg. En quoi tu crois, Rachida ?

Par Emmanuel Dosda Photos de Vincent Muller pour Poly

Lors d’une journée caniculaire, un groupe de femmes passe De sas en sas à la prison de Fleury-Mérogis afin de visiter ses proches. Prix du public au Festival Entrevues de Belfort en 2016, ce premier film réalisé par Rachida Brakni est édité en DVD par Capricci festival-entrevues.com capricci.fr

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2 Accidentally Yours de Lady Sir (Gaëtan Roussel & Rachida Brakni), édité par Universal, écrit en grande partie à Lisbonne

universalmusic.fr

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En un seul Dieu Absolument bluffante dans Je crois en un seul Dieu présenté en juin au TNS, Rachida Brakni nous retrouve sur le parvis du théâtre. Une liane, un nerf. La comédienne, très en forme en ce petit matin, a pourtant vécu une épuisante soirée totalement schizo, incarnant trois femmes, en solo sur le plateau : Eden Golan, professeure israélienne, Shirin Akhras, étudiante islamique, et Mina Wilkinson, militaire américaine, en passant de l’une à l’autre avec aisance, évitant la “performance d’actrice”. Rachida Brakni a été coachée par le chorégraphe Loïc Touzé qui a imaginé une présence corporelle à chaque personnage. Un travail minutieux pour un spectacle qui la vide à chaque représentation. « Cette pièce me déglingue. Je suis seule sur scène avec ces trois femmes qui m’abîment ! » La comédienne enchaîne : « Le texte de Stefano Massini, mis en scène par Arnaud Meunier, est formidable car c’est “un monde sans procès” comme le disait Roland Barthes. Il fait cohabiter trois destins diamétralement opposés, sans imposer de vision binaire. J’aime les nuances de gris, surtout pas le passage du noir au blanc. On souffre cruellement de ça aujourd’hui : du rétrécissement de la pensée qui t’oblige à te conforter à une ligne idéologique. » Je crois en un seul Dieu et son premier film, De sas en sas1, ont ce point commun : dans un huis clos, ils dressent le portrait de femmes très différentes qui se rencontrent par la force des choses. « L’École de la République est censée brasser les populations, mais ça n’est pas le cas. Il faut trouver des endroits où les points de contact peuvent avoir lieu. »

En sa bonne étoile Corps sec et cœur gros, la jeune Rachida a abandonné l’idée de devenir avocate pour bifurquer vers des destinées théâtrales, convaincue « de la vertu de l’Art pour rendre compte de la société. Récemment, j’ai visité l’exposition de Kader Attia & Jean-Jacques Lebel au Palais de Tokyo : leur propos me touche, m’interroge. Ces artistes ouvrent des fenêtres insoupçonnées et posent des questions que l’on ne se pose pas.» Pour le grand écran, elle multiplie les collaborations : un moteur ! « Jusqu’à présent, je n’ai pas eu besoin de solliciter quiconque : je travaille au gré de mes rencontres. Je crois en ma bonne étoile ! » Elle a tourné avec Téchiné, Wargnier ou même HPG : son parcours cinématographique semble athlétique, mais tous ces réalisateurs sont mis sur le même plan. « Je me sentais un peu en marge au Conservatoire, car je pensais que la comédie était un sport de riche. Tout nous oppose avec Hervé-Pierre Gustave mais nous nous retrouvons là-dessus, n’ayant tous deux jamais aimé l’aristocratie du monde du cinéma. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai voulu travailler avec des non-professionnels sur De sas en sas. HPG est d’une grande poésie : pudique et délicat, il interroge le corps comme personne. Lorsque j’ai tourné Les Mouvements du bassin – notamment en compagnie d’Éric Cantona, mon mari – il m’a expliqué être gêné par les scènes d’amour au ciné, car elles semblent factices, sentant la distance entre les deux êtres. Il tente de remédier à ça avec ses films… Les acteurs porno sont méprisés alors que la comédie est un métier de pute comme disait Mastroianni ! »


PORTRAIT

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En ses héros Ses héros sont Christiane Taubira, Édouard Glissant ou… le très médiatique Éric Dupond-Moretti. « Je suis si fan qu’un jour je lui ai dit que je l’aimais en le croisant dans la rue », confie Rachida, telle une ado transie par des personnalités qui l’impressionnent, des individualités fortes, jamais des groupes, se méfiant des phénomènes de masse comme #MeToo. « Je crois en l’homme… enfin ça dépend des jours, ça fluctue », souffle-t-elle. Son héroïne pour la vie se nomme PJ Harvey : « Je suis une inconditionnelle de la mélancolie de cette chanteuse que j’écoute toujours avant d’entrer sur scène et que j’ai récemment vue en concert à Lisbonne. J’aime également beaucoup Nick Cave, Cigarettes After Sex ou Mélanie de Basio. » Les artistes qui lui ont donné le goût de la musique et, peut-être, envie de sortir son premier album2 ? Des amours de jeunesse : New Order, Joy Division ou Cure. « Ado, j’étais curiste, avec les cheveux rasés sur les côtés, la chemise longue et le trench noir. Une admiratrice de Cure dans la cité, où tout le monde est en survêt’ Lacoste, ça détonnait ! » 24

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En sa double culture « J’observais le monde mais sans le recul nécessaire, alors je suis allée vivre au Portugal il y a un peu plus de deux ans, au moment de la proposition de loi de Valls sur la déchéance de nationalité. Mon mari ne voulait pas retourner en Angleterre, alors nous avons choisi ce pays que nous aimons beaucoup. La langue portugaise est traversée de mots arabes et lorsque je vais dans le quartier d’Alfama à Lisbonne, j’ai l’impression d’entrer dans la Casbah d’Alger ! On vit différemment au bord de l’eau. Je n’ai jamais mis de couvercle sur mon héritage, ma double culture : l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit. Je suis profondément française, de manière viscérale, mais je voulais changer d’air. C’est comme dans une histoire d’amour : au début, tu as besoin de ta came comme un drogué, mais tu dois te sevrer pour un rapport équilibré. »



trouble everyday Douze jours durant, le Theaterfestival Basel accueille dix-huit spectacles de douze pays. Le monde et son reflet, souvent côté sombre. Par Thomas Flagel Photo de Thomas Dhanens (£Y€$, Aurélie Lannoy)

Theaterfestival Basel, du 29 août au 9 septembre theaterfestival.ch Requiem pour L., au Theater Basel, 02/09 puis en tournée au Grand Théâtre du Luxembourg (19/10), à l’Opéra de Dijon (28/11) puis au Maillon (Strasbourg, 27/02-01/03/2019) Campo Minado / Minefield, au Theater Basel, 31/08 & 01/09 Somewhere at the beginning, au Theater Basel, 01 & 02/09 Romances Inciertos, un autre Orlando, au Roxy Birsfelden, 08 & 09/09 puis en tournée au 2 Scènes (Besançon), 31/01 & 01/02, à La Filature (Mulhouse), 20-22/03/2019 et au Manège de Reims, 13/06/2019 Pakman, devant la Kaserne, les 02, 08 & 09/09 puis en tournée au Maillon (Strasbourg), 27-30/05/2019 £¥€$, au Junges Theater Basel, 03 & 04/09 puis en tournée au Maillon (Aubette, Strasbourg) 05-08/03/2019

Lire Gangrène autour d’Imitation of life dans Poly n°208 ou sur poly.fr

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Voir Jump Around dans Poly n°206 ou sur poly.fr 2

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u programme du très attendu festival bâlois, deux spectacles passés par l’Alsace en 2017-2018. Une session de rattrapage pour ceux qui auraient manqué Kornél Mundruczó1 et sa critique en règle du racisme et du populisme irriguant la Hongrie (Imitation of life, Kaserne Basel, 04 & 05/09), comme le To Da Bone2 du collectif (LA)HORDE (Kaserne Basel, 08 & 09/09) faisant une mise au point sur la “Post Internet Danse”, le Hardstyle et ses BPM survoltés au milieu de nappes de fumée. Ses tutoriels en ligne et ses icônes, comme sa pratique presque sectaire par de jeunes mâles blancs de toute l’Europe. À ce condensé de talents, s’ajoute celui qui attirera tous les regards dans la saison à venir sur les scènes du Grand Est. À commencer par Requiem pour L. des Ballets C de la B. Après avoir travaillé sur Bach et Monteverdi, le chorégraphe Alain Platel et le compositeur Fabrizio Cassol se retrouvent autour du tabou de la mort et de Mozart avec 14 musiciens. Sur un écran géant, une dame est filmée en noir et blanc. Réellement en train de mourir, L. a donné son accord pour être l’objet central de cette messe des morts dans laquelle musiciens et chanteurs oscillent entre répertoire classique et populaire d’Europe comme d’Afrique. Le tout chorégraphié par Platel dans une scénographie inspirée du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, à Berlin.

Autre temps fort, la relecture de la Guerre des Malouines par l’argentine Lola Arias, une des collaboratrices de Rimini Protokoll. Campo Minado / Minefield convoque six vétérans du conflit qui opposa son pays au Royaume-Uni au début des années 1980. Un théâtre documentaire révélant la propagation de la propagande et les ressors de la construction de vraifaux héros. Mikaël Serre signe avec Germaine Cogny, chorégraphe sénégalaise septuagénaire un poignant autoportrait. Somewhere at the beginning explore les origines animistes de sa grand-mère en passant par l’influence coloniale sur l’Afrique de l’Ouest pour toucher à l’intimité d’une immense danseuse du continent. De la danse, toujours, avec l’inclassable Romances Inciertos, un autre Orlando de François Chaignaud et Nino Laisné, à mi chemin entre le concert, le récital et le souvenir d’un opéra-ballet dans un hommage queer à la Renaissance espagnole lequel s’ébattent la Doncella Guerrera, un androgyne archange San Miguel de Garcia Lorca et la Tarara, gitane andalouse. Enfin, deux performances : Pakman – présenté au dernier festival Perspectives – rencontre dans un camion avec un jongleur et un batteur fou pour 25 minutes endiablées sur le rythme effréné du travail dans nos vies, et £¥€$, perf participative sur l’argent et le système monétaire aussi instructive qu’insolemment perverse.



THÉÂTRE

renaître ou ne pas être Marie-Christine Soma adapte un roman de Clarice Lispector, figure de la littérature brésilienne. Dans La Pomme dans le noir, un homme en fuite après le meurtre de sa compagne trouve refuge dans une ferme où il rencontre deux autres femmes qui le révèlent à lui-même.

Par Thomas Flagel Photos de Christophe Raynaud de Lage

Au Théâtre national de Strasbourg, du 18 au 28 septembre tns.fr Au CDN de Besançon – Franche-Comté, mardi 2 et mercredi 3 octobre cdn-besancon.fr

Pourquoi revenir au titre portugais, celui choisi pour la traduction de Gallimard ne vous plaisait pas ? Je ne comprenais pas ce titre en lisant le roman. Clarice Lispector a fait circuler une liste de titres potentiels auprès de ses amis. Le Bâtisseur de ruines en faisait partie mais je trouve qu’il tire une leçon du livre et oriente la vision qu’on peut en avoir. Comment avez-vous adapté ces 300 pages ? Les nombreux dialogues ontils facilité la tâche ? Cela a été loin d’être facile car cette langue est très particulière. J’ai travaillé deux ans sur l’adaptation, m’immergeant dedans et procédant par couches qui s’affinent au fur et à mesure. Il faut accepter d’enlever beaucoup de choses. Mais ça n’a été ni laborieux, ni difficile car cela n’avait rien d’une bagarre avec le texte. C’est tellement beau qu’il faut penser au spectateur qui ne peut en recevoir qu’une infime partie d’une traite, n’ayant pas loisir de s’arrêter et de reprendre comme s’il était lecteur. J’ai cherché à garder l’organicité de la langue.. Évoquant Lispector, Hélène Cixous décrit « une écriture de l’intime, une écriture qui explore avec brio la fine

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frontière qui sépare parfois les passions humaines du fantastique… » Cela vous parle ? Beaucoup, car Clarice Lispector me fascine par son côté madame-tout-le-monde, tout en ayant des étrangetés immenses. Elle navigue entre ces deux pôles, du fantastique avec une part bizarre qu’elle explore à fond. Il ne faut pas oublier qu’elle a été invitée à des congrès de sorcières au Brésil, nourrissant son intérêt pour la magie noire, la magie blanche et le vaudou. Elle accueille l’irrationnel en elle, sans se juger. Parlez-nous du rôle particulier dévolu à Carlo Brandt, entre personnage secondaire et émanation de la narratrice dans ce milieu de taiseux… Le roman contient un petit personnage d’ouvrier agricole qui m’a tout de suite semblé théâtralement intéressant pour développer une figure d’observateur et de témoin de ce qui se passe dans cette maison reculée. Lispector s’implique et s’intègre littéralement à chacun de ses personnages dans un incessant aller-retour entre leurs pensées et les siennes. Dans tous ses textes, ce ne sont jamais des personnages réalistes mais des présences fortes de l’auteure. Carlo Brandt sert de relai entre les spectateurs et la pièce dans une


triangulation du regard permettant au public d’observer les autres par son regard à lui. Carlo est plein d’histoires, tel un fantôme calme regardant ces trois humains s’agiter, dévorés de passion.

paye à la fin. Mais c’est le chemin qu’il traverse pour arriver à se livrer à la police qui est beau. Une sorte de renaissance. Transgresser serait comme une nécessité pour comprendre l’essence de l’être humain, la toucher du doigt.

Vous traduisez le basculement d’une psyché masculine à une féminine par un aller-retour entre interprétation des rôles et présence des comédiens en tant qu’eux-mêmes. Une manière d’approcher l’ambivalence des personnages, leurs désirs et leurs frustrations ? Elle permet exactement cela, la compréhension que tout être humain est une somme d’ambivalences et d’imagination. Cette distance entre ce qui se joue et ce qu’ils sont permet aussi au spectateur de s’impliquer lui-même. Au théâtre, je cherche à laisser une part non incarnée, créant cet écart entre l’acteur et le personnage où le spectateur a la place d’imaginer. Il n’est pas pris par les sentiments mais par l’imaginaire pour travailler sur l’inconscient.

Elle montre aussi à quel point les rencontres peuvent nous changer : Martin comme Ermelinda et Victoria évoluent énormément… Martin est une sorte d’Adam fautant avec un côté Théorème de Pasolini. Il arrive au milieu de deux femmes à la vie arrêtée et leur rencontre redéclenche une pulsion de vie. Chacun reprend le chemin de soi. Martin sert de révélateur, les écoute. En dehors du fantasme sexuel qu’il représente, il peut-être là, silencieux, entendre leur histoire et leur humanité, ce qui le transforme.

Une manière aussi d’approcher l’aspect transgressif de l’auteure : Martin est l’anti-héros absolu, un meurtrier touchant le fond pour mieux se reconstruire ? Le roman date de 1956 mais Lispector, ne jugeant pas les actes d’un meurtrier, a mis 5 ans à être édité au Brésil ! La transgression parcourt toute son œuvre : elle aime le franchissement des limites qui ouvre des portes vers un vertige. Son roman le plus célèbre, La Passion selon G. H., raconte une femme écrasant un cafard et le mangeant. Il contient des pages insupportables, mais elle n’y met aucun jugement. Ici, elle regarde Martin chuter et récupérer un paradis. Notre époque n’est pas celle de l’oubli, ni du pardon. Quand on a commis une faute, on doit la porter toute sa vie, même si on a purgé sa peine. Certains me disent qu’il est triste qu’il

Il travaille, porte des planches, met des pelletées de terre dans des brouettes, affûte sa hache en exploité volontaire. Il fallait des matériaux bruts pour une pièce organique ? Le travail est l’un des thèmes importants du roman. Travailler avec ses mains permet une certaine connaissance du monde. Nous avons recherché comment amener une vraie fatigue physique à un comédien citadin. Il crée de l’espace naturel, agricole, ce qui n’est jamais évident au théâtre. J’aime les scénographies épurées et abstraites. Nous ressentions le besoin de choses moins maîtrisées, irréelles, à l’image de ce texte poétique. Un contrepoint pour garder les pieds sur terre ! La nature a une place gigantesque car il s’y perd pour débuter sa reconstruction. J’ai travaillé la lumière dans l’idée de la chaleur et je voulais de la vraie pluie pour qu’on sente cette odeur particulière de la terre mouillée, conservant une dimension sensuelle. L’orage les bouleverse tous les trois et les place en lien direct avec eux-mêmes.

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THÉÂTRE

sang pour sang Les metteurs en scène Célie Pauthe et Haythem Abderrazak s’associent pour composer à quatre mains une Orestie franco-irakienne : Looking for Oresteia. Interview de l’artiste bagdadi en pleine création. Par Thomas Flagel Photo de répétition de Mokhalled Rasem

Au CDN Besançon - FrancheComté, du 20 au 22 septembre cdn-besancon.fr

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Comment vos réflexions autour de la démocratie ont-elles évolué durant la création et comment les liez-vous à la situation actuelle dans les sociétés du Moyen-Orient ? J’en parlerai et montrerai des faits. La démocratie sous le nom de “Printemps arabe” a détruit la société dans cette région. C’était la source de mon travail en 2010, Démocratie; Maladie de la Terre, car elle a joué un rôle dans la dissolution de l’unité de notre société. En suivant la démocratie depuis ses origines, je réalise un net changement de trajectoire. Premièrement, au niveau de la création de richesses et des mafias, je prévois qu’elles amèneront leurs représentants à utiliser la démocratie pour diriger la société, ce qui nuira à notre planète. La réalisation de soi est inscrite dans la société démocratique, mais en réalité elle n’est plus déterminée que par la richesse au lieu des principes humanitaires.

démocratique. La raison en est que ceux qui recherchent l’élection doivent d’abord la clarifier avec l’élite.

En quoi Eschyle vous inspire-t-il et que conservez-vous de sa trilogie ? C’est un grand personnage de l’histoire du théâtre qui voulait transformer le conflit en dialogue et arrêter les effusions de sang, non seulement en regardant ouvertement les crimes, mais en éveillant l’humanité à leurs motifs et à la vengeance. De cette façon, une voix est devenue multiple pour décider des châtiments. Malgré cela, il a finalement été incapable de se détacher complètement du concept de pouvoir, car Apollon et Athena avaient toujours le dernier mot. Notre mission au théâtre est de découvrir les défauts des systèmes qui contrôlent la vie des individus et des sociétés. Nous avons maintenant besoin de regarder les défauts du système

Travailler avec deux cultures, langues et histoires est un challenge. Comment vous en accommodez-vous au plateau ? Qu’apportez-vous le plus les uns aux autres ? Dans la période à venir, le théâtre passera audelà des langues et des cultures locales. Une nouvelle troisième langue apparaîtra, une que tous comprendront. Grâce aux technologies de communication, un nouvel espace égal a été créé pour que toutes les cultures puissent communiquer. À l’heure actuelle, l’échange culturel entre l’Irak et la France est un embryon, mais dans le théâtre nous ne regardons pas qui est Irakien ou Français, nous examinons les problèmes qui ont une incidence sur notre planète comme des prérogatives communes.


La plupart des Européens n’ont jamais vu de pièce irakienne. Pouvez-vous décrire les caractéristiques du théâtre traditionnel ? Dans le passé, le théâtre traditionnel dépendait du symbolisme et de codes car il existait un système dictatorial strict, et le symbolisme était le seul moyen d’expression. Maintenant, soudainement, une libération sans retenue a eu lieu, qui frise le chaos. Face à tout cela, il n’y a pas d’orientation ou de retenue en termes politiques, sociétaux ou intellectuels. La liberté est responsabilité et non chaos. Dans mon pays, la liberté n’est toujours pas correctement atteinte, car les anciennes idées affectent toujours le comportement. Comment vous accommodez-vous des traditions pour créer le théâtre que vous souhaitez aujourd’hui ? Nous devons nous séparer de la tradition théâtrale, car le théâtre traditionnel ne peut penser clairement, son esprit est assombri. Même ses protestations symboliques étaient une blague car rien n’a changé. La société irakienne a commencé à se rendre compte de sa stupidité car elle ne savait rien de

ses droits. Maintenant, nous nous trouvons à un croisement entre le culte du chef d’un côté et, de l’autre, des pas courageux faits vers le changement. Le théâtre doit discuter de questions sensibles sur ce sujet. Qu’est-ce que représente pour vous de créer dans votre propre pays entre les conflits et le contexte géopolitique, mais aussi, ensuite, de montrer votre travail en dehors d’Irak, en France ? La priorité numéro une est la société. Je suis né de son ventre. Pour moi, la créativité c’est débattre de ma culture. Je n’oublie pas les autres, car nous rêvons tous du bonheur de la même manière, à l’Est et à l’Ouest. Au théâtre, nous soulevons des questions sur la direction de l’humanité. Les différences culturelles ne signifient pas une faiblesse, mais une force. La preuve en est ma culture : l’Irak est une société extrêmement multiculturelle avec des Arabes, des Kurdes, des Turkmènes, des Yézidis, des Chrétiens, tous vivant ensemble. Lorsque les cultures ne sont pas respectées, comme récemment, les fondations commencent à s’effondrer.

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danse

calligraphie de la vie En pleine création de sa nouvelle pièce, Angelin Preljocaj nous a accordé une interview, temps suspendu au Pavillon Noir d’Aixen-Provence, défiant la Gravité.

Par Thomas Flagel Photos de Jean-Claude Carbonne et Joerg Letz (portrait)

Au Theater Freiburg, jeudi 27 septembre theater.freiburg.de À La Filature (Mulhouse), samedi 29 et dimanche 30 septembre dans le cadre du Festival Musica lafilature.org festivalmusica.org Au Grand Théâtre du Luxembourg, mercredi 30 et jeudi 31 janvier 2019 theatres.lu

Vous aimez dire de la danse qu’elle est un art de combat. Celui contre la pesanteur est originel… C’est le combat quotidien que nous menons tous depuis la naissance. J’ai envie dans cette pièce d’inventer un langage sur les corps rendant lisible et visible cette pesanteur qui demeure une contrainte à laquelle personne ne pense habituellement. Beaucoup de duos aux corps soulevés se retrouvent dans vos chorégraphies. Cette idée de la suspension, du corps dénué de contrainte est proche de ce qui a été déclencheur de votre amour

pour la danse : une photo de Noureev, suspendu dans un saut, dans un état de grâce ? Il est suspendu pour l’éternité (rire). J’ai été marqué par sa légèreté, à 10 ans, son visage me touchait et la légende de cette photo – « Rudolf Noureev transfiguré par la danse » – faisait sur moi l’effet d’un véritable mantra ! La gravité m’intéresse car elle est au cœur des antagonismes des deux tendances principales de la danse : le classique et le contemporain. La première cherche à annihiler la gravité tandis que la seconde l’utilise et l’exalte, la prend en charge pour tenter de la sublimer. Mon projet revient sur cette ambivalence, cette lutte quasiment philosophique. Choisissez-vous un camp ? Non, je préfère faire feu de tout bois en ne m’interdisant rien. Je réunis par exemple l’idée des portés, qui viennent du classique, et le travail au sol, plus contemporain. Vous aimez les limites, les marges et les mises en danger. Défier la gravité en danse est du même ordre ? Je m’entoure de danseurs qui partagent mon goût du dépassement, qui n’ont pas peur de pousser plus loin leur résistance et les limites de la morphologie humaine. Nous aiguisons nos corps pour inventer une calligraphie de la vie. Cela représente une part de danger, mais contrôlée. Au départ de Gravité, il y avait des dessins et des musiques propres à chaque état gravitationnel des planètes du système solaire (Ryoji Ikeda, Philip Glass, Bach, Boulez, etc.). Où en êtesvous à une poignée de semaines de la première ? J’ai conservé l’idée de travailler des atmosphères, même si je dois avouer avoir dérivé de mon point de départ sur les masses gravitationnelles des planètes. J’ai délaissé cet aspect au profit d’une plus grande ouverture

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et un supplément d’abstraction. Nous nous concentrons sur le travail autour de notre propre gravité, en trouvant des moyens de la faire sentir et appréhender au public. Une partie des musiques que vous citiez est conservée. S’y ajoutent du Chostakovitch, du Ravel et du Xenakis dont je chéris les percussions. Mais pour tout vous dire, rien n’est encore figé. Beaucoup de choses peuvent se passer d’ici la première… On connaît votre amour pour le cinéma, notamment les films d’Eisenstein et de Kubrick. Quelle matière, inspiration ou énergie y puisez-vous pour votre propre médium, le mouvement ? C’est drôle que vous parliez de Kubrick car j’ai eu la chance de revoir 2001, L’Odyssée de l’espace cet été, lors de sa ressortie en salle. Ce film est définitivement une matrice du geste, une odyssée chorégraphique. Le cinéma n’est que rythme et mouvement, celui du corps, puis celui du cadre. Cette écriture s’apparente fortement à celle de la danse. Dans l’art, les choses ne sont pas belles en soi : un Fa dièse n’est beau qu’en relation avec un Si bémol, un plan n’est exalté que part le précédant ou le suivant. Idem en danse, il n’existe pas de beau mouvement. Tous ont une valeur. C’est leurs relations qui créent l’émotion, au cinéma, en littérature, comme en danse. Est-ce pour cela que vous réunissez treize danseurs au plateau. Ce grand ensemble apporte-t-il une dynamique de groupe ? Une multiplicité de points de vue et d’inspirations ? Bien entendu. Cette variété de personnalités potentielles

construisant des touches de constellations particulières forme une texture unique. Leur tonalité ensemble est aussi singulière que les duos qui se forment peuvent être minimaux. La simplicité à douze comme la complexité à deux, tout est possible. Quel est votre processus de création, quelle marge de liberté et d’improvisation laissez-vous à vos interprètes ? Je suis encore assez en forme pour puiser dans mon propre corps pour leur transmettre de nombreux mouvements. Lorsque j’étais jeune chorégraphe, chaque matin je travaillais trois heures dans le studio avant d’en transmettre le résultat aux danseurs. Je voulais tout contrôler, l’intensité, les transitions, la hauteur, l’intention… avoir réponse à tout ! Mais au bout d’un certain temps, j’ai fait ces trois heures de travail avec eux. Est alors apparue de la fulgurance à la naissance du mouvement et la transmission se déroulait en simultané. Les danseurs avaient accès aux différentes strates de construction des séquences chorégraphiques. Ils étaient également une mémoire de travail irremplaçable. Tout cela ne constitue qu’une part du processus de création. L’autre est une recherche de contexte et d’atmosphère autour du poids, de la vitesse et de l’énergie auquel s’ajoute des séquences d’improvisation à deux ou trois sur des musiques choisies pour observer comment une osmose peut se créer. Ces séquences sont une immense source d’inspiration pour moi. La collaboration est totale, ce n’est pas pour rien que chaque création ressemble aux danseurs y ayant travaillé avec moi.

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circus maximus En deux éditions, l’ATOLL-Festival of Contemporary Circus de Karlsruhe est devenu le rendez-vous incontournable de la discipline dans la région frontalière.

Par Sarah Krein Photo de Danny Ronaldo par Benny de Grove

Au Tollhaus (Karlsruhe), du 19 au 23 septembre atoll-festival.de

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n se consacrant au cirque contemporain, le festival du Tollhaus a pour vocation de renforcer la visibilité de cette discipline en Allemagne et d’en illustrer toute la diversité, un mélange entre théâtre, acrobatie, musique et danse. Les participants viennent de toute l’Europe et proposent des spectacles, en salle ou à ciel ouvert, pour tous les âges: Ainsi les Français du Cirque Inextremiste ouvrent le bal avec Extreme Night Fever fusion entre concert et acrobatie aux allures punk poétique et anarchiste. Autour de Yann Ecauvre les quinze membres du groupe livrent un show hypnotisant dans un décor d’usine désaffectée. La suite de numéros à couper le souffle mêle saltos au milieu d’un nuage de plumes, lanceur de couteaux ciblant les musiciens pendant qu’ils jouent, acrobate survolant le public sur une énorme boule à facettes. Également hors des sentiers battus, la production germano-neerlandaise Barstool Bound se déroule au plus proche du public, sur les tables de bars (Alte Hackerei) : musiciens et acrobates impliquent les spectateurs

dans les histoires qu’ils racontent, abolissant toute frontière. Danny Ronaldo, célèbre rejeton d’une dynastie de circassiens belges, joue également avec les codes : ceux du temps et de la tradition. Son personnage Fidelis Fortibus est le seul survivant du chapiteau. Après de vaines tentatives pour se débarrasser du public, il se lance dans la représentation d’un show à l’ancienne et devient tour à tour magicien, jongleur, équilibriste... Un hommage drôle et touchant au cirque d’antan. Ne manquez pas non plus les savoureuses soirées Atoll-Surprise qui livrent un vrai panorama du cirque contemporain avec de nombreux jeunes talents montrant leurs spécialités dans des formats très courts, parfaits pour les spectateurs avides de découvertes. La vrai surprise vient finalement de la compagnie de cirque de rue néerlandaise De Stijle Want : une quinzaine de personnes entre dans un chapiteau miniature aux allures traditionnelles, pour un spectacle de... 140 secondes. Qu’est-ce qui s’y passe ? On ne dévoilera pas le secret.

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Hamlet par la Compagnie des Dramaticules

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Les Régionales Choral. Eve Ledig et Le Fil rouge théâtre explorent les Fratries : éclats d’héritages collectifs et faisceaux de trajectoires personnelles prennent corps dans un chœur de quatre femmes. Ciné-concert. Les musiciens d’OZMA composent en live la musique et les fabuleux bruitages du Monde perdu d’Harry O. Hayt (1925) d’après Arthur Conan Doyle. Onirique. Dans A de Skappa & Asscociés, le public est invité à visiter une exposition sur le Paradis. En tout cas c’est ce qu’on lui a annoncé… Musique spectaculée. La compagnie Brounïak présente Baudruche, théâtre musical, presque rond et plein de vides, qui réoxygénera les poumons de tous âges. Acrobaties. Les circassiens d’eia donnent inTarsi : quatre acrobates, mêlant grâce et folie pour un univers peuplé de fragments de vie. ☛☛ Toutes les dates et les lieux de la tournée des équipes artistiques de la Région Grand Est sont sur culturegrandest.fr

BADEN-BADEN Festspielhaus

Nos coups de cœur. Max Raabe et le Palast Orchester (15/12), un récital de la pianiste virtuose Alice Sara Ott (19/01), la Passion selon Saint-Jean de Bach par William Christie et Les Arts florissants (17/03), Ute Lemper (24/05) et Riccardo Chailly à la tête du Filarmonica della Scala (08/06). Dancing Star. Le Hamburg Ballett John Neumeier débarque avec deux programmes, Bernstein Dances (06 & 07/10) et Anna Karenina (12-14/10). Culte. Les récitals de Jonas Kaufmann qui chante Mahler (20/01) et d’Anna Netrebko (14/07) pour des lieder de Rachmaninov, Rimski-Korsakov et Tchaïkovski. Berlin. Pour leur résidence pascale à Baden-Baden (13-22/04), les Berliner Philharmoniker donnent Otello de Verdi dans une mise en scène de Robert Wilson, sous la baguette de Daniele Gatti ainsi qu’un bouquet de concerts. ☛☛ festspielhaus.de 36

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Theater Magique. La Fête du Théâtre (22/09) promet 1 001 événements : coup d’œil en coulisse, spectacles insolites, etc. Kit Kat Klub. Willkommen, Bienvenue, Welcome au Cabaret (13/1014/12). On ne boude pas son plaisir de revoir ce musical ! Création mondiale. Clara de Victoria Bond (14-21/04), opéra de chambre sur Clara Schumann. ☛☛ theater.baden-baden.de

BÂLE

Kaserne Basel Martin. Eins Zwei Drei de Martin Zimmermann, volant sans Dimitri de Perrot mais toujours avec un talent fou (29/11-01/12 et en tournée au Maillon (Strasbourg) 21-24/11, et au Grand Théâtre de Luxembourg, 15 & 16/01). Unfinished. Un nouveau programme (27/09) dédié aux créations en cours, en entrée libre sur les pas de Salma Said en plein Caire bouleversé par la révolution, avec Boyzie Cekwana et Danya Hammoud pour une collab de Jo’burg à Beirout ou au plus près de la danseuse Jolie Ngemi de Kinshasa qui abolit les frontières entre le regardeur et le regardé, à retrouver aussi avec Identity n’a ngai (29 et 30/09) ! Musique. L’electro et le cyber pop futuriste de la koweïti Fatima Al Qadiri (28/09), le mélange pop aux sonorités traditionnelles new-yorko-souda-

naises d’Alsarah and The Nubatones (04/10) ou encore le hip-hop cubain de La Dame Blanche avec ses embardées vers Gotan Project et Orishas (07/12). ☛☛ kaserne-basel.ch

Theater Basel Décapant. Olivier Py revisite Lucia di Lammermoor de Donizetti (19/1002/02). Échappée trash à prévoir ! Création mondiale. Diodati. Unendlich du compositeur helvète Michael Wertmüller (21/02-04/04). Redécouverte. L’ensemble Musica Fiorita et son directeur musical Daniela Dolci donnent Didone abbandonata (07-23/06), chef-d’œuvre baroque de Niccolò Jommelli. ☛☛ theater-basel.ch

BELFORT Le Granit

Immanquable. Le Retour à Reims du grand Thomas Ostermeier (28 & 29/03). Phia Ménard avec son ballet chorégraphié pour sacs plastiques et ventilateurs (L’Après-midi d’un foehn, 07 & 10/11) et une tornade pour adultes, Vortex (08 & 09/11). Le théâtre vivant de l’argentin Claudio Tolcachir (La Omisión de la familia Coleman, 14/11 au Théâtre de Montbéliard et 15/11 au Granit) ou encore un Shakespeare plongé en plein carnaval sarde par Alessandro Serra (Macbettu, 21/11). drière La Pou lf Be ort co Le Molo urt o Audinc e onneri La Cart Reims

Feu! Chatterton

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L’Un dans l’autre, Cie la Muette © D.Siebert

s gionale Les Ré Alsace

Un portrait libre de Charlotte par Muriel Coulin, d’après le roman de Foenkinos et le livre Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon (04/12 et La Comète (Châlons-en-Champagne), 08 & 09/11). Black Power. La figure engagée et engageante de Malcolm X projetée par Junior Mthombeni dans les errements de notre société au XXIe siècle (16/10). Un concert théâtral plurilingue. Festival. Femmes de feu avec MA scène nationale (02-06/04). ☛☛ magranit.org

La Poudrière Notre coup de cœur ? Costard trois pièces, large cravate et petites moustaches, Feu! Chatterton (26/10, La MALS de Sochaux) a customisé la chanson française de Ferré avec un premier album gouailleur et accrocheur. Le quintet livre sa suite en citant Christophe, la trap music et le krautrock orageux. Élémentaire ! Du rock qui tape fort avec The Sherlocks (28/09), mon cher Watson. Release Party. Le groupe de métal

Desybes sort un second album (15/09) et fête cela avec The Fre3 Bastards et StepMom Fuckerz. ☛☛ poudriere.com

BESANÇON

CDN de Besançon Focus Irak. Haythem Abderrazak, metteur en scène associé au CDN, revisite la tragédie des Atrides avec Célie Pauthe dans Looking for Oresteia (2022/09 voir p. 30). Un Bagdad Festival se tient du 24 au 27/01. À suivre. La Pomme dans le noir de la trop rare Marie-Christine Soma (02 & 03/10, aussi au TNS, 18-28/09) et l’incroyable Sopro du portugais Tiago Rodrigues, ode aux fantômes du théâtre et au souffleur (05-08/03 avec Les 2 scènes, puis à Ma Scène nationale (Montbéliard), 16/03). ☛☛ cdn-besancon.fr

Les 2 Scènes Martin. Eins Zwei Drei de Martin

Zimmermann volant sans Dimitri de Perrot mais toujours avec un talent fou (19-22/03 et en tournée au Maillon (Strasbourg), 21-24/11, à la Kaserne Basel, 29/11-01/12 et au Grand Théâtre de Luxembourg, 15 & 16/01). François & Nino. Romances Inciertos, un autre Orlando de François Chaignaud et Nino Laisné, à mi chemin entre concert, récital et souvenir d’opéra-ballet dans un hommage queer à la Renaissance espagnole (31/01 & 01/02, mais aussi au Roxy Birsfelden (Bâle), 08 & 09/09, à La Filature (Mulhouse), 20-22/03 et au Manège (Reims), 13/06). Fédor & Sylvain. Les Démons, ou cinq rêveurs poussés à la révolution violente par un sixième, Dostoïevski revisité par Creuzevault (11-14/12 avec le CDN de Besançon). Laurie & Ilka. L’artiste associée Laurie Cannac invite son maître de marionnettes, la « Pina Bausch de la marionnette » Ilka Schönbein pour Faim de Loup (18 & 19/05), Ricdin-Ricdon (2124/05) et Eh bien dansez maintenant (22-24/05). ☛☛ les2scenes.fr Poly 212 Septembre 18

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BISCHHEIM

La Salle du Cercle Vers le Nord. L’auteure-compositrice-interprète Eivør donne l’un de ses premiers concerts en France à la Salle du Cercle (18/10). Depuis son premier album en 2000, sa voix soprano et ses balades envoûtantes ont conquis toute l’Europe du Nord. Elle mêle à la musique traditionnelle de ses Îles Féroé natales des influences éclectiques, du classique à la pop, de l’electro au folk. Mali Mélo. Boubacar Traoré est le dernier bluesman malien de sa génération. Un monument, en concert en trio, à ne surtout pas rater (07/12). Ciné-concert. Le Monde perdu (17/05) de Harry O. Hoyt (1925), mis en musique par le quartet OZMA. Jeune public. Loin de mon doudou (03/10), Baudruche (16/01), Un Jour (06/02), Dans ma forêt (03/04) ou Le Magicien des couleurs (15/05). ☛☛ salleducercle.fr cènes Les 2 S on Besanç

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BISCHWILLER Mac Robert Lieb

Voilà l’été ! Des éclats de rire rock de Zobi la mouche aux mélopées orientales de Face à la mer, Les Négresses Vertes (09/02) ont su, à la fin des 80’s, nous faire danser Sous le soleil de Bodega et nous émouvoir, mêlant les genres et anticipant le grand creuset musical contemporain. Plus de 30 ans après son premier album, le groupe “alternatif” revient sur scène ! À croquer. Pomme (09/11), nouvelle venue dans le vaste monde de la chanson française, tombe de son arbre avec sa pop juteuse et acide. Ballades façon troubadour, folk du XXIe siècle, pop songs à mille temps ou airs néoyé-yé : haute comme trois Golden, la chanteuse prend le train de la musique made in France et trace vers le succès à très grande vitesse. Rions un peu. Son enfance à la Réunion ou sa carrière parisienne, Manu

Payet (12/03) se livre sans aucune retenue. ☛☛ mac-bischwiller.fr

CERNAY

Espace Grün Fusion. L’espace Grün (Cernay) et le Relais culturel Pierre Schielé ont fusionné dans un Epic (Établissement public industriel et commercial). Présentation de saison. Avec Duo Bonito de la Compagnie Les nouveaux Nez (27/09). Sartrien. La Compagnie Miressance montre La Putain respectueuse (23/11), pièce questionnant notre capacité d’action, les limites de notre libre-arbitre, l’étendue de notre cruauté. Chanson. Une guitare qui agrémente et argumente des paroles à la fois fines et variées, drôles et originales : tel est Mex (29/03), un auteur-compositeur qui donne vie à des scènes et des personnages pour interpeller, émouvoir… ☛☛ espace-grun.net

CHÂLONS-ENCHAMPAGNE La Comète

Charlotte. Un portrait libre de Charlotte par Muriel Coulin, d’après le roman de Foenkinos et le livre Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon (08 & 09/11 et aussi au Granit (Belfort), 04/12). 111. L’Espaece selon Aurélien Bory de la compagnie 111 enchante visuellement (30 & 31/01). All Stars. Le swing cubain dans toute sa puissance avec The Afro Cuban All Stras en concert (26/02). Festival. War on screen, festival international de cinéma, embrasse tous les genres (02-07/10). Lobby, compagnie Tie Break © Tony Noël

☛☛ la-comete.fr

COLMAR

Comédie de l’Est Créations. La dernière création maison de Guy Pierre Couleau, La Conférence des oiseaux, conte soufi repris par Jean-Claude Carrière (02-19/10, puis à 38

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☛☛ comedie-est.com

Espace Lézard Lancement de saison. Avec Contre les bêtes, texte de Jacques Rebotier, interprété par Serge Lipszyc – un pamphlet bourré d’humour, véritable déluge verbal qui nous questionne sur le plus grand des prédateurs de la planète, l’Homme – suivi du folk des Mains (22/09). Chanson. Le Cœur en tête, nouveau spectacle de Pascal Mary (07/12) avec des chansons bourrées de charme et un air jazzy guilleret qui contraste délicatement avec les inclinations de son âme. Festival. Musiques métisses fait son retour (07-09/06).

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L'Illiade Illkirch

La voie des talents © Alexander Sorokopud

La Manufacture (Nancy), 17-20/12 et à Scènes Vosges (Épinal), 26/03). Women. La quarantaine rugissante de Pauline Sales dans J’ai bien fait ? (23 et 24/05 mais aussi au Granit (Belfort), 11/01, au Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul), 15/01, au Taps (Strasbourg), 1214/03, à NEST (Thionville), 19-21/03 et à l’ACB (Bar-le-Duc), 22/03). Mais aussi La Vie trépidante de Laura Wilson, très beau texte de Jean-Marie Piemme monté par Jean Boillot (06-08/02 et aussi à Transversales (Verdun), 29/01, à l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, 28/02 & 01/03, à Bords II scènes (Vitry-le-François), 16/03, au Nouveau Relax (Chaumont), 04/04). Scènes d’automne. Du 03/11 au 12/12 avec une Mort de Danton revisitée par Mathias Moritz (Purge, Théâtre municipal, 21 & 22/11), la Jeunesse de Conrad par Guillaume Clayssen (03/11 à l’Espace 110 (Illzach) et à la CDE, 0709/11) ou encore le Lenz de Büchner en solo par Simon Delétang (20/11), directeur du Théâtre du Peuple de Bussang. Kids. Dormi cent ans, Molière 2017 jeune public de Pauline Bureau, révélé à Momix (28 & 29/11).

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sente Dans les rapides (14/12). Jean-Baptiste Poquelin. Dans Molière m’a tué (02/02), des marionnettes retracent l’existence de l’auteur de L’Avare. William Shakespeare. Hamlet par la Compagnie des Dramaticules (25/01). Happy birthday. La Salle fête ses cinq ans avec Portraits d’Europe (18/01), un grand spectacle gratuit. ☛☛ salle-europe.colmar.fr

Théâtre municipal Chanson. Auteur, compositeur et interprète, Manu Galure (05/12) est un héritier de Charles Trenet et de Jacques Higelin. Percussions. De l’humour en musique : tel est Akro Percu (12/01), où des objets sont détournés de leur fonction première. One woman show. Elle illumine l’émission Quotidien : Camille Lellouche (12/04) passe du chant à la comédie avec une aisance naturelle. ☛☛ theatre.colmar.fr

☛☛ lezard.org

Salle Europe

DIJON

Alexander Calder. Plus Haut (28/09) ouvre la saison en jouant avec les codes circassiens et rend hommage au Cirque de Calder. Maylis de Kerangal. Une histoire universelle au Havre, en 1978, celle des passions adolescentes, des premiers flirts et du rock. Voilà comment se pré-

Piano. Depuis ses enregistrements mythiques des nineties, Andreas Staier est rarement revenu aux trois dernières Sonates de Schubert ; cela rend extrêmement précieux ces concerts intitulés Le Dernier Schubert (06/10 &05/05). Redécouverte. La Finta pazza de

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Opéra

Sacrati (05-10/02) n’a pas été jouée en France depuis 1645. Perfection. Les Boréades de Rameau (22-28/03) par Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée dans une mise en scène de Barrie Kosky. What else ? Femme libérée. Carmen de Bizet (17-25/05) avec la géniale Antoinette Dennefeld dans le rôle-titre. Contemporain. Variation époustouflante sur la mort, Koma de Georg Friedrich Haas (14 & 15/06) ne laisse pas indemne. ☛☛ opera-dijon.fr

Orchestre Dijon Bourgogne Vienne 1900. Le baryton-basse Matthias Winckhler interprète les Kindertotenlieder de Mahler (06/12). Paris 1830. La Symphonie fantastique de Berlioz (01/06). ☛☛ orchestredijonbourgogne.fr

Théâtre Dijon Bourgogne À ne pas manquer. La relecture teintée de SF de la Genèse sur fond de catastrophe écolo dans La Bible de LA galerie (04-06/10), carton du dernier Théâtre en Mai. Viola Panic (22-26/01, puis aux 2 Scènes (Besançon), 0507/02), hommage au Cosmisme Russe, idéologie libertaire et évolutive portée par Alexis Forestier et Itto Mehdaoui. Benoît Lambert. Les rapports de do-


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mination disséqués par Marivaux dans Le Jeu de l’amour et du hasard (0617/11 puis en tournée au Granit (Belfort), 27 & 28/11, au Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul), 19 & 20/03) mais aussi Le Rêve de Lopakhine d’après La Cerisaie de Tchekhov (15-19/01), où les rêves fracassés d’une bourgeoisie naissante. Festival. Les 30 ans de l’excellentissime Théâtre en mai (23/05-02/06) sous le parrainage de Stéphane Braunschweig qui présentera L’École des femmes dans une édition fortement féminine avec notamment Maëlle Poésy qui crée l’Énéide de Virgile à cette occasion. ☛☛ tdb-cdn.com

La Vapeur Sur écoute. Séance d’écoute des artistes de la prog’ de cette saison (11/09, Jardin de l’Arquebuse) : un casque sur les oreilles, couchés sur des coussins… Ouverture de saison. Départ en beauté avec une soirée sexy et funky : Soul Train Deluxe. Entrez dans la danse (15/09). Coup de cœur ! Jeanne Added (03/10) dans le cadre du Tribu festival. Mythe. Etienne Daho, un des papas de la chanson française (10/10). Rock à l’ancienne. Plongeons dans un bain de rock’n’roll-yéyé-psyché-gogo, le temps du show old school et cool de The Limiñanas (24/11) qui mérite que l’on quitte les rayons de Prisunic pour se jeter dans un corps-à-corps télépathique sous des néons hypnotiques, dans un décor pharaonique.

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passionnants de sa génération (25/10). Dans le cadre du festival Touch of Noir (14-25/10). Happy birthday. Ten Years After célèbre ses 50 ans d’existence avec un nouvel album studio intitulé A Sting in The Tale (14/11). Disque. Le Reggie Washington 4tet propose une Release party (23/02) pour son nouveau CD qui a pris naissance au cours de l’édition 2018 du festival Like A Jazz Machine Culte. L’édition 2019 du festival Like A Jazz Machine (16-19/05). ☛☛ opderschmelz.lu

ÉPERNAY

Le Salmanazar Création. Un Othello signé Léo Cohen-Paperman en résidence avec sa O’Brother company, en lien avec le monde d’aujourd’hui (08 & 09/11). Hit. Pauline Bureau s’empare de l’histoire du Médiator avec un brio fou (Mon Cœur, 20/11). Kids. Le Moult Ronds (11-14/12) de Pascal Pouvreau s’inspire pour les kids (dès 18 mois) de la mythologie navajo. C’est beau !

Poétique. Du théâtre d’objet et de la manipulation empreints de poésie A2pas2laporte, rêve tendre de Laurent Fraunlé (28 & 29/03). ☛☛ lesalmanazar.fr

ERSTEIN

Saison culturelle Lancement de saison. Avec Nuit d’ivresse (22/09), comédie où on retrouve la plume affûtée de Josiane Balasko. Rafraîchissant. Cette année, l’eau constitue le fil rouge de la saison et sera le thème de nombreux spectacles dont les musicales Histoires d’eau (17/05) ou Au bout du comptoir, la Mer (24/05), excellente pièce de Serge Valletti. TV star. Le pianiste André Manoukian (17/11). Ego trip. La bellissima Antonia de Rendinger est de retour avec son histoire à elle et démultipliée avec esprit. La scène devient une salle de jeu dans laquelle se croisent plus de 20 personnages (05/04). ☛☛ ville-erstein.fr

urope Salle E r Colma

☛☛ lavapeur.com

DUDELANGE Opderschmelz

L’Institut Perséphone © Tatiana Chevalier

Rock de dur. Derek William Dick, alias Fish, ex-chanteur de Marillion est en concert (26/09). À ne pas manquer d’autant qu’il a annoncé son retrait de la scène musicale pour 2020 ! La colère ! Alice Birch crie sa rage durant Révolte, manifeste féministe drôle et trash (28/09). Chanson. Cali chante Léo Ferré (10/10) et c’est un événement ! Touch of Noir. Ambrose Akinmusire, un des trompettistes de jazz les plus Poly 212 Septembre 18

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FORBACH Le Carreau

Festivals. Loostik, dédié au jeune public franco-allemand entre Forbach et Sarrebruck (08-14/11) avec notamment Horses (11 puis à Pôle Sud (Strasbourg), 25-27/11), exploration puissante des rapports humains avec au plateau cinq adultes et cinq enfants. Primeurs pour l’écriture dramatique contemporaine (en français et en allemand, 21-24/11). Danse. La plongée intime de Salia Sanou dans Du Désir d’horizons (08/03) Monde. Le grand retour de l’un des plus grands dramaturges actuels, Wajdi Mouawad avec Tous des oiseaux (0708/02 et à La Filature (Mulhouse), 16 & 17/01) : « Tout conflit cache un labyrinthe où va, effroyable, le monstre aveugle des héritages oubliés ». Solo. Dave St-Pierre, fantasque chorégraphe québécois se met à nu, entre projections vidéo et fumigènes dans Néant (05/10). ☛☛ carreau-forbach.com

FRANCFORTSUR-LE-MAIN Oper

Lynchien. Sur un livret d’Elfriede Jelinek, la compositrice Olga Neuwirth porte Lost Highway à la scène (1223/09).

Tous des Oiseaux © Simon Gosselin

eau Le Carr h Forbac

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French touch. Les récitals du baryton Ludovic Tézier (22/01) et de la mezzo Stéphanie d’Oustrac (26/03). Rareté 1. Dalibor de Smetana (24/0230/03). Rareté 2. Sylvain Cambreling dirige Le Roi Roger de Szymanowski (0229/06), réflexion sur l’antagonisme entre Apollon et Dionysos. Duo gagnant. The Medium de Gian Carlo Menotti et Satyricon de Bruno Maderna (15-29/06) sont présentés dans la même soirée. ☛☛ oper-frankfurt.de

FRIBOURGEN-BRISGAU

Theater Freiburg L’âme russe. Le metteur en scène Peter Carp s’empare d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski (28/09-17/03). Aérien. Le Mouvement de l’air (10/10) chorégraphie d’Adrien M & Claire B a pour objet de donner corps à l’imperceptible. Événement. Fondé sur une légende nordique, le très wagnérien Hulda de César Franck (16/02-16/06) sort de l’oubli sous la baguette de Fabrice Bollon. Les enfants d’abord. Avec Klong (07/07), c’est musique pour le jeune public (6-12 ans). ☛☛ theater.freiburg.de

GUEBWILLER

Les Dominicains de Haute-Alsace Ciné-concerts. Le pianiste Paul Lay propose un éclairage musical de deux chefs-d’œuvre de Chaplin, L’Émigrant et Charlot s’évade (15/09) avant que Jonathan Pontier ne s’attaque Au bonheur des dames de Julien Duvivier (23/09). Disco pop frenchy. Corine (09/11) balance ses gourmandises surannées, délicieusement groove et disco-funk parlant de tout et rien, du quotidien. Dixième degré assumé, joyeux et déluré. Féministe. Orchestre 100% féminin, Les Elles Symphoniques (08/03) rendent hommage à des compositrices comme Clara Schumann ou Germaine Tailleferre. Répétitif. Avec Bach the Minimalist (29/03), la compagnie La Tempête explore les liens du compositeur baroque avec Adams, Pärt ou Gorecki (avec une installation numérique de l’artiste en résidence Jem the Misfit). ☛☛ les-dominicains.com

HAGUENAU Relais culturel

Nos coups de cœur. Partout la main du rêve a tracé le dessin, fantaisie sur des dessins et écrits de Victor Hugo par Le Mythe de la Taverne (06 & 07/11), le timbre à nul autre pareil de Liane Foly (13/11), Hamlet par la Compagnie des Dramaticules (22/01), Romance une plongée pour le jeune public dans l’univers de Blexbolex (23/03) et le cirque inspiré d’inTarsi (23/04). La Philharmonie de Poche L’ensemble propose plusieurs rendez-vous comme L’Histoire du soldat de Stravinski (18/11) et un concert de l’Avent (16/12). Programme complet sur laphilharmoniedepoche.fr Rires & chansons. 28 e édition de L’Humour des notes, festival incontournable qui titille les zygomatiques en musique (25/05-02/06). Présentations de saison. Avec Maria Dolores et ses complices de l’Amapola Quartet (06 & 07/09). ☛☛ relais-culturel-haguenau.com

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anazar Le Salm ay rn e p é

gence à vivre. One-woman-show. Après le succès de son spectacle Noire !, Nadine Zadi revient avec Madame Blanche - Tout est possible… (24-26/01). Rencontre. Marcel Loeffler invite Lisa Doby pour croiser jazz manouche et american Gospel (17/03). Festival. Le Printemps des Bretelles dédié aux Accordéons du Monde (mars 2019) ☛☛ illiade.com

La Vill’A Ouverture de saison. Au programme : les spectacles Les Zezettes Top par la Compagnie les Têtes en l’Air et Des Pieds et des Mains par la Compagnie Ni, des ateliers participatifs, des démonstrations, des stands de maquillage et des visites. L’après-midi se clôturera par un goûter partagé (16/09, à partir de 14h). ☛☛ lavill-a.com

ILLZACH

Le garçon à valise © Baptiste Lobjoy

Espace 110

HEIDELBERG

ILLKIRCH

Monument. Le Stabat Mater de Dvořák (06/10). Baroque. La Verità in cimento de Vivaldi (30/11-25/01). Chorégraphie. Impression d’Iván Pérez, en collaboration avec le compositeur Ferran Cruixent et United Visual Artists (07/12-18/05). Philosophique. Avec Benjamin (09/02-08/04), Peter Ruzicka, directeur artistique des Salzburger Festspiele, explore la vie de l’auteur d’Origine du drame baroque allemand.

Ouverture de saison. Voir La Vill’A. The Voice. 14e édition de La Voie des Talents (28/09), tremplin live partenaire de l’émission The Voice. En dialecte. De Journal vun de Anne Frank, pièce inspirée de l’histoire tragique de la famille Frank durant la Seconde Guerre mondiale (28/10). Allo docteur ? Dans Minuit moins le cœur (22-25/11), Christophe Feltz parle avec beaucoup d’humilité, de dérision, d’humour mais aussi de sincérité et de profondeur, du rapport du corps à la douleur, de la peur du vide et de l’ur-

Theater Heidelberg

☛☛ theaterheidelberg.de

L’Illiade

Cabaret. Le Cabaret Extraordinaire : spectacle délirant digne d’Almodovar (29/09). Soul pop. Anaïs de retour sur les planches avec un album où Al Green rencontre la jazz et la pop (13/10). Marionnettes. Buffalo Boy : un western mythologique en marionnette par L’Ateuchus (12/12, à partir de 10 ans, puis au TJP, 31/01 & 01/02). Ozons ! oZe, spectacle de danse inspiré du Magicien d’Oz (08 & 09/02). ☛☛ espace110.org

KARLSRUHE Badisches Staatstheater Karlsruhe

Festival. Radikal weiblich (06 & 07/10) met les femmes à l’honneur avec notamment la reprise de la très belle mise en scène signée Irina Brown d’Anna Bolena de Donizetti. Intense. Elektra de Richard Strauss (à partir du 26/01 ; l’ensemble des dates n’est pas encore connu) mis en scène Poly 212 Septembre 18

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par Keith Warner. Haendel Power. Riche programmation pour la 42e édition des HändelFestspiele (15/02-02/03) avec notamment une nouvelle mise en scène de Serse (15-26/02). Ballet. Ancien membre du Hamburg Ballett et Nederlands Dans Theater, Thiago Bordin propose une nouvelle création (27/04-17/07). ☛☛ staatstheater.karlsruhe.de

KINGERSHEIM Créa

Fellag dans Bled Runner © Denis Roove

Ça va ou bien ? Sœur Marie-Paule mène un combat contre ce qui la révolte… Tant bien que mal (21/09). Ces gens-là ! La compagnie Les Oiseaux de Passage reprend Brel. Le monde du Grand Jacques s’ouvre à nous (06/10). Gribouillons. « D’où viennent les idées ? » À partir de cette question, Gribouillis rend hommage au dessin et à l’imaginaire. Par la compagnie La Mâchoire 36. Tourbillon jeune public. Nouvelle édition du festival Momix (31/0110/02). ☛☛ crea-kingersheim.com

LINGOLSHEIM

La Maison des Arts Ouverture de saison. Au programme, du théâtre burlesque, de la magie et du clown (30/09) : le spectacle de rue burlesque Emilio et Crapulino, suivi du show cabaret Des pieds et des mains… Informations et réservation à l’accueil de la MDA dès le mois de septembre, entrée libre sur réservation.

Afghanes (Je Hurle, 12 & 13/12 puis en tournée au Taps (Strasbourg), 2125/05). T & S. Les 4 e Journées Théâtre et Sciences (29/01-01/02) regroupent spectacles, ateliers, ciné-débat et rencontres avec artistes et chercheurs autour de l’espace et de l’univers. ☛☛ lameridienne-luneville.fr

☛☛ lingolsheim.fr

LUXEMBOURG

LUNÉVILLE

La Méridienne

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg

FACTO. 8e édition du festival qui explore l’urbanisme et la ville en transition (23/04-04/05). Fellag. Le Bled Runner brocarde les deux côtés de la Méditerranée dans un solo sur mesure (26/02). SoupeCie. Marionnettes, théâtre et musique pour se pencher sur le sort des

Opéra. La triomphale mise en scène du Beggar’s Opera de John Gay signée Robert Carsen (27-29/09) avec Les Arts florissants et William Christie, Fidelio de Beethoven (05 & 07/12) par un duo de choc, Marc Minkowski (direction musicale) et Achim Freyer (mise en scène) et la création mondiale d’En

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Silence (26 & 27/02) d’Alexandre Desplat et Solrey d’après Kawabata. Danse. La Hofesh Shechter Company est en résidence de création et présente Political Mother (23/10), Show (25/10) et Grand Finale (26 & 27/10), pièce pour 10 danseurs et 6 musiciens qui balance entre énergie anarchique et comédie violente, Kreatur de Sasha Waltz (12 & 13/12), une résidence du Ballet national de Marseille (12-15/02) et les Concertos brandebourgeois de Bach chorégraphiés par Anne Teresa De Keersmaeker (12/06). Théâtre. La jeune metteuse en scène Aurore Fattier s’attaque à Othello de Shakespeare (17-21/10) dans une esthétique scénique de roman noir, l’ambitieux projet de Vincent Macaigne Je suis un pays / Voilà ce que jamais je ne te dirai (09 & 10/11), le Peer Gynt d’Ibsen dans la tonitruante mise en scène de David Bobée (18 & 19/01), la création d’une mise en scène signée Charles


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Tordjman de Vêtir ceux qui sont nus de Luigi Pirandello (09-15/05). ☛☛ theatres.lu

Philharmonie de Luxembourg Orchestres. Le Royal Concertgebouw Orchestra dirigé par Philippe Herreweghe (25/11), le LSO & Sir Simon Rattle (24/02) ou encore l’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia et son directeur musical Antonio Pappano (13/05). Voix. Une version de concert de Rigoletto de Verdi avec un casting d’enfer (05/10), Cecilia Bartoli chante Vivaldi (18/11), une version de concert d’Agrippina de Haendel (14/05) avec Joyce DiDonato, Franco Fagioli, Marie-Nicole Lemieux, etc. Instruments. L’archet enchanté de la violoncelliste Sol Gabetta (04/12), le trop rare violoniste Maxim Vengerov (29/01), l’invraisemblable Lang Lang (06/06). Artiste en résidence 1. La pianiste Yuja Wang fera découvrir l’étendue de son talent à travers plusieurs rendezvous (06/11, 03/02, 23/05 et 02/06).

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Artiste en résidence 2. Le chef Philippe Herreweghe pour un beau parcours dans l’Histoire de la musique (23/10, 25/11, 07 & 17/05). Artiste en résidence 3. Le pianiste Brad Mehldau qui arpente des territoires sonores variés autour du pivot qu’est le jazz (05 & 22/03, et 11/05). Festivals. Atlântico, un voyage sonore au Portugal et dans les pays lusophones (09-14/10) et Rainy Days dédié aux sonorités contemporaines avec pour thème “get real?” (13-25/11). ☛☛ philharmonie.lu

Les Rotondes Ouverture de saison. Avec Jeux dans l’eau (29 & 30/09), le multiinstrumentiste Jean-Carl Feldis met en musique cinq films d’animation contemporains. French pop. Jeune. Brune. Voix grave et assurée. Clara Luciani (15/12) a réalisé un premier album dont les dix chansons perforent le cœur. Classique. 9 (26/04) est un spectacle de danse faisant référence à la neuvième de Beethoven. ☛☛ rotondes.lu

Rockhal Basique. Orelsan (18/10). Sexy. Kylie Minogue (06/11). Star. Katie Melua (23/11). ☛☛ rockhal.lu

METZ

L’Arsenal Bretonne. Le Gemme Tour de Nolwenn Leroy (04/10) fait escale à Metz. Sisters. Les pianistes Marielle et Katia Labèque réinterprètent West Side Story (07/11), se produisent avec leur ensemble Minimal Dream House (07/02) et reconnectent le Boléro de Maurice Ravel aux racines basques du compositeur (27/04). 1914-1918. Musiques entre guerre et paix (19-21/11) permet d’explorer l’histoire de la Grande Guerre à travers une pluralité d’œuvres. Duo de choc. Le pianiste FrançoisFrédéric Guy et le violoniste Tedi Papavrami (16/01). Transalpin. Viva L’Italia! (18-26/01) célèbre les liens entre l’Italie et la région avec comme point d’orgue un Relais

Schielé l Pierre Culture Thann

Jean Jean © A. Piemme AML

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Casse-Noisette © P. Gisselbrecht

éâtre Opéra-T tz e M

concert autour de Vivaldi par Nathalie Stutzmann et Orfeo 55 (26/01) et la venue de Pippo Delbono dans Bestemmia d’Amore (24/01). Clavier. Avec Piano folies (26/0206/03), l’instrument est dans tous ses états. À ne pas manquer : Chilly Gonzales (02/03). Danse extatique. Dans une nouvelle chorégraphie, Inaudible (15/03), Thomas Hauert se concentre sur la notion de l’interprétation, appuyant sur son aspect jubilatoire. Excursion. Un nouveau Voyage musical au siècle romantique (22-24/03). Hip-Hop. East Block Party #10 (0409/06, également à la BAM). ☛☛ citemusicale-metz.fr

Espace BMK Théâtre du Saulcy 20 ans. Un week-end pour fêter deux décennies de théâtre à l’Université de Lorraine avec notamment le clown-clochard évoquant l’état de notre planète dans Comment va le monde ? de Marc Favreau, mis en scène par Michel Bruzat (17 & 18/10). 46

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Conscience. Clouée au sol ou l’histoire d’une pilote de drone de l’US Air Force face aux spectres de la violence qu’elle exerce à distance (08-10/11). Machine. Dans Artefact (22-24/11), Joris Mathieu fait jouer du théâtre à des imprimantes 3D et un bras robotique articulé. L’invention du théâtre sans comédien n’est pas loin… Bluffant ! Biennale. La 4e édition de la biennale Koltès (13-17/11) réunit des écritures de l’exil avec Les Suppliantes de Jelinek et Le Dernier voyage de Sindbad d’Erri de Luca. ☛☛ ebmk.fr

Noisette (21/12-01/01). Culte.Tosca de Puccini (01-05/02) dans une nouvelle production signée Paul-Émile Fourny. Lorrain & universel. Roberto Zucco (03-06/04) est la dernière pièce de l’écrivain messin Bernard-Marie Koltès. Singing in the rain. Les Parapluies de Cherbourg (18 & 19/05) de Jacques Demy et Michel Legrand. L’amour est un oiseau rebelle. Carmen clôt la saison (16-22/06). ☛☛ opera.metzmetropole.fr

Opéra-Théâtre

Orchestre national de Metz

Mozart. Paul-Émile Fourny met en scène Amadeus (04-07/10), pièce de Peter Shaffer, adaptée au cinéma par Miloš Forman. Création mondiale. Librement adapté du roman éponyme de Pierrette Fleutiaux Nous sommes éternels, un opéra de Pierre Bartholomée (16-20/11) plongeant dans les mondes perdus de l’enfance. Festif. La période des Fêtes est illuminée par le ballet de Tchaïkovski Casse-

Indispensable. David Reiland, nouveau directeur musical de l’Orchestre donne le Requiem de Mozart (06 & 07/10). 14-18. Découverte de Sous la pluie de feu, double concerto pour violon et violoncelle de Philippe Hersant, commande de l’Orchestre (17/11). Diego Fasolis dirige La Création de Haydn (08/12). French touch. Avec Romances à la française (22/03), l’Orchestre accueille



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le génial ténor Yann Beuron. ☛☛ citemusicale-metz.fr

Les Trinitaires et La BAM En avant la zik. Zikametz (18-22/09), fête sa quinzième édition aux Trinitaires avec Guizmo, Tambour Battant, Kikesa… Génération désenchantée. Les fêtes trop alcoolisées et la jeunesse désabusée : Therapie Taxi et ses hits sales (05/10, BAM). Toujours sur le fil. Camille (04/10, à la BAM), on aime ses prestations lyriques proches de la performance… ou moins ! Kids. Les p’tites oreilles, éveil musical avec l’Orchestre national de Metz (13/10 à 14h, 15h et 16h, à la BAM). Le bon Berger. « Je fais la musique qui me vient avec les outils de mon époque, mais suivre les tendances, c’est comme chasser un animal mort » nous confia Florent Berger, à l’affiche d’une belle soirée (20/10) electro avec Chloé (live) et Joris Delacroix. ☛☛ citemusicale-metz.fr

Teh Dar © Terik Pham

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MONTBÉLIARD AUDINCOURT

Ma Scène Nationale Théâtre. L’incroyable Sopro du portugais Tiago Rodrigues, ode aux fantômes du théâtre et au souffleur (16/03 mais aussi au CDN de Besançon, 0508/03 avec Les 2 scènes). Notre parole, traversée du langage inspirée par des textes de Valère Novarina à Cédric Orain (22/01). John Tammet, sacré voyage dans la tête d’un homme atteint du syndrome d’Asperger, génie des maths vivant sa différence entre joie et douleur (26/01 puis 30/01 à La Coopérative de Belfort). Danse. La puissance émancipatrice du rock empoignée par Jean-Claude Gallotta avec 11 danseurs (10/10). Mathilde Monnier et La Ribot, duo de fortes têtes, ovni savoureux et burlesque de deux immenses artistes (Gustavia, 20/11). Wang et Ramirez (Monchichi, 18/12), le renouveau pétri de talent de la danse contemporaine. Stars en devenir, on vous aura prévenus ! Thomas Lebrun déploie Dans ce monde en trois

versions : dès 2 ans (16/02), dès 6 ans (13/02) et tout public (12/02). Secret. Le dialogue chorégraphié entre une femme (Laetitia Dosch, nominée au César 2018 du meilleur espoir féminin pour Jeune fille) et un cheval donne Hate (16 & 17/05) qui se tiendra dans un lieu tenu secret jusqu’au dernier moment. PARLEMONDE. Le festival (0915/05) mêlant spectacles, concerts, ateliers et master classes à Montbéliard et Belfort. Gratuit et participatif ! ☛☛ magranit.org

Le Moloco Apéro-présentation. Avec des surprises. Et c’est gratuit (05/09). Feu ! Costard trois pièces, large cravate et petites moustaches, Feu! Chatterton (26/10, à la MALS) a customisé la chanson française de Ferré. Halloween. Le rock démoniaque de J.C. Satàn, de The Devils, mais aussi de Blindness et La Pietà (31/10) : c’est la Halloween rock party. ☛☛ lemoloco.com



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ain de Lorr Ballet CCN y c n Na

Noumatrouff Quelle mouche les a psyché ? « Il est temps d’aller se baigner », répètent les Limiñanas (23/11) sur El Beach, d’aller se plonger dans un bain de rock’n’roll-yéyé-psyché-gogo ! Soul power. Ne pas rater Kimberly Kitson Mills, chanteuse du groupe français Kimberose (10/10) ! Rap. « Votre rap game, ‘‘le gang bang, j’le ken sous Heineken » : Oui, il est comme ça Gizmo (03/11). ☛☛ noumatrouff.fr

Nine Sinatra Songs © Arno Paul

Orchestre symphonique de Mulhouse

MULHOUSE La Filature

Danse. La Fiesta de l’icône flamenca Israel Galván (12/01), le décryptage historique de la Chine maoïste par Wen Hui (Red, 13-15/03) et l’inclassable Romances Inciertos, un autre Orlando de François Chaignaud et Nino Laisné, à mi chemin entre concert, récital et souvenir d’un opéra-ballet dans un hommage queer à la Renaissance espagnole (20-22/03 et au Roxy Birsfelden, 08 & 09/09 et au Théâtre Ledoux (Besançon), 31/01 & 01/02 et au Manège (Reims), 13/06). Théâtre. La nouvelle création de Charlotte Lagrange, Désirer tant, une histoire familiale de l’engagement (0709/11 puis au NEST (Thionville), 0509/12), Summerless de l’iranien Amir Reza Koohestani présenté au dernier festival d’Avignon (11 & 12/01 à Thann 50

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au Relais culturel Pierre Schielé, puis à la Kaserne Basel, 15 & 16/01), l’histoire contemporaine revisitée par le Birgit Ensemble (Memories of Sarajevo, 14/03) et le politique Portrait de Ludmila en Nina Simone de David Lescot (22-24/05). Festivals. Scènes d’automne (03/1112/12), Les Vagamondes (autour des cultures du sud, 09-19/01). Monstres sacrés. Le grand retour de Wajdi Mouawad avec Tous des oiseaux (16 & 17/01 et au Carreau (Forbach), 07-08/02) :« Tout conflit cache un labyrinthe où va, effroyable, le monstre aveugle des héritages oubliés ». Krystian Lupa adapte Le Procès de Kafka (15/12) comme un miroir à la situation politique polonaise actuelle. Jan Fabre lance quinze danseurs entre vanités, cruauté et surréalisme dans Belgian Rules / Belgium Rules (22 & 23/01). ☛☛ lafilature.org

Ouverture. Pour son arrivée à la tête de l’OSM, Jacques Lacombe part À l’Aventure ! avec un programme France / Québec (12 & 13/10). Ciné-concert. Star Wars épisode IV (02/11, Arènes de Metz & 03/11, Zénith de Strasbourg) et épisode V (15/02, Arènes de Metz & 16/02, Zénith de Strasbourg) Monument. Le ténor, chef, compositeur et metteur en scène argentin José Cura artiste associé de l’OSM (08 & 09/03). É v é n e m e n t . Le spectacle Birkin / Gainsbourg : Le Symphonique (23/03). Summer vibrations. Carmina Burana de Carl Orff dans le Parc de l’Abbatiale d’Ottmarsheim (15 & 15/06) mis en lumière de merveilleuse manière : une soirée immanquable du Festival Octophonia ! Création mondiale. Le Concerto pour violoncelle de David Lampel (28 & 29/06) par Emmanuelle Bertrand. ☛☛ orchestre-mulhouse.fr

NANCY

L’Autre Canal Coup de cœur. Deux Frenchies de talent : Thousand et Chevalrex (28/09). Réveille le punk. Affreux, sales et méchants : ce sont les Svinkels (29/09). Miaou ! Punchlines autotunées, haikus de la street posés sur du dub minimaliste, Chaton (16/11) était un Chanteur démodé s’offrant une renaissance avec un disque lo-fi de chanson-rap qui se


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lape. Y a-t-il une vie après la mort ? Possible ! Psychédélique. Birth of Joy et DeWolff (26/10) : rock psyché au menu.

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Opéra national de Lorraine

3 festivités. De nouveaux Plaisirs inconnus avec cinq chorégraphes mystères (26/02), Le Surréalisme au service de la révolution de Dukowshka accompagné de The Fugue et Nine Sinatra Songs de Twyla Tharp (0103/03). Enfin une Murmuration de Rachid Ouramdane avec In the Upper Roomde Twyla Tharp (07-10/03). Plus Plus. Un programme avec une création polyphonique basée sur l’improvisation de Thomas Hauert, les entités ailées de Transparent Monster du japonais Saburo Teshigawara et le Record of ancient things de Petter Jacobsson et Thomas Caley (14-18/11).

Monumental. La très belle mise en scène d’Aida de Verdi (25/09-04/10) signée Staffan Valdemar Holm ouvre cette saison du centenaire ! Politique. Une usine textile est menacée de fermeture, sauf si ses ouvrières acceptent de perdre 7 minutes sur leur pause. Tel est le sujet du génial et social 7 Minuti de Giorgio Battistelli (01-08/02). Exceptionnel. La redécouverte de la pépite baroque qu’est La Divisione del mondo de Giovanni Legrenzi (2027/03) par Les Talents lyriques et Christophe Rousset. Coproduction avec l’Opéra national du Rhin où la production est créée cette saison (08-16/02 à Strasbourg, 01 & 03/03 à Mulhouse et 09/03 à Colmar). Hitchcockien. Les Hauts de Hurlevent de Bernard Herrmann (02-12/05) compositeur fétiche du maître du suspense.

☛☛ ballet-de-lorraine.com

☛☛ opera-national-lorraine.fr

☛☛ lautrecanalnancy.fr

CCN Ballet de Lorraine

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Opéra

orrain al de L Nation Nancy

Orchestre symphonique et lyrique de Nancy Contrebasse. Dans le cadre des NJP, Avishai Cohen rencontre la formation symphonique pour un moment rare (19/10). Clarinette. L’excellent Raphaël Sévère, un des spécialistes de son instrument sur la scène mondiale, joue Mozart (17 & 18/01). Piano. Bertrand Chamayou interprète le bouleversant Concerto pour la main gauche de Ravel (16 & 17/05). ☛☛ opera-national-lorraine.fr

Théâtre de la Manufacture Festivals. Neue Stücke explore la dramaturgie allemande (20-23/11), La Mousson d’hiver (25-29/03). Créations. Le collectif Le Grand Cerf Bleu crée Jusqu’ici tout va bien, un Noël endiablé (06-09/11). Marion Aubert, comme eux artiste associée, a écrit Les Juré.e.s (15-18/01) autour de l’autocensure, Robots conférence-spectacle de Raphaël Gouisset du collectif Les Particules (26/02-01/03) et enfin le Voyage en Italie de Montaigne par Marcel Bozonnet et Michel Didym (1222/03). Keene. L’auteur australien Daniel Keene crée avec Alexandre Haslé Le Dictateur et le dictaphone (04-07/12). Un tyran clownesque et grotesque, isolé au milieu de marionnettes et proche de sa fin qui s’accroche comme il peut aux choses. ☛☛ theatre-manufacture.fr

NIEDERBRONNLES-BAINS

Aida © Malin Arnesson

Moulin 9 et La Castine

Ouverture de saison. Présentation de la saison culturelle à La Castine (14/09) sur un air de jazz. Humour. Avec Bernard Mabille (02/02, Moulin 9), grand habitué du canapé de Michel Drucker. La véritable histoire d’Esméralda. La Cour des Miracles par la compagnie Poly 212 Septembre 18

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L’Impératrice, Matahari © Parker Day

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du Mystère Bouffe, d’après NotreDame de Paris de Victor Hugo (07/12, Moulin 9). A cappella. Fork : quatre chanteurs finlandais font l’effet d’un grand orchestre (09/03, La Castine). ☛☛ niederbronn-les-bains.fr

siècle. Espiègle Maya. Maya Andrade : l’air du Cap Vert souffle sur le PréO (09/03). Dans le cadre de L’Afrique festival. Sous toutes les coutures. On ne présente pas CharlElie Couture… en concert à Ober (17/05). ☛☛ le-preo.fr

OBERHAUSBERGEN Le PréO

Bon anniversaire ! Le PréO fête ses 10 ans ! Coup de cœur. Alela Diane (15/11), chanteuse folk américaine de talent, vient de sortir un magnifique album, qu’elle présente au PréO. Je dangereux. « Sur scène, je me désolidarise totalement de moi-même, j’entre en transe, dans la peau d’un autre ! », nous confia la strasbourgeoise Antonia de Rendinger qui présente Moi jeu ! (06/04). Dialecte. Ich ben a beesi frau (17/02), spectacle en alsacien du théâtre de la Cruelle nous plonge dans les campagnes alsaciennes du milieu du XXe 52

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OBERNAI

Espace Athic En piste. 24 e édition de Pisteurs d’Étoiles (26/04-04/05), festival international des arts du cirque. Question de genre. Le comédien Logan Person, seul sur scène, joue AphrodIT, être trans-genre et trans-gressif sur des sons pop (13/10). Théâtre documentaire. Exodus (22/01) : grands mouvements migratoires selon la compagnie Théâtre d’un jour. Percutant. Percussions corporelles et musiques actuelles se marient dans Soleo de la compagnie éponyme (25/04). ☛☛ espace-athic.com

OSTWALD

Le Point d’Eau Musica. Counter Phrases (22/09) : des corps qui s’étreignent ou se croisent, par Thierry De Mey et Anne Teresa De Keersmaeker, avec l’Orchestre symphonique de Mulhouse et Ballaké Sissoko et ses musiciens. En co-réalisation avec le festival Musica. Le monde des grands. Trente-quatre enfants de 7 à 17 ans posent leur regard sur notre monde d’adultes : Mogo Balou (04/12) de la compagnie Dounya. Théâtre audio-visuel. La Religieuse (01/02) de Diderot revue et corrigée par le Collectif 8, entre théâtre, vidéo et arts numériques. Hugo 2.0. Les Misérables (06 & 08/02) version théâtre d’objets par la Compagnie Karyatides. ☛☛ lepointdeau.com

REIMS

La Cartonnerie Chanson. La pop tirée à quatre épingles de Her (19/10) s’invite sur la



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Sebastien Daucé & l’ensemble Correspondances © MolinaVisuals

nal L’Arse Metz

scène de Cartonnerie. Joie et tristesse : son style est tout en courbes, soyeux, sexy, à la fois rétro et actuel. Nightclubbing. Une boule à facettes, des fumigènes et une sono crachant de la disco-pop à plein tuyau sous les lights : L’Impératrice (07/11) chasse les idées noires avec sa musique rose bonbon. Qu’est-ce qu’on attend pour foudre le feu ? Costard trois pièces, large cravate et petites moustaches, Feu! Chatterton (27/11) a customisé la chanson française. ☛☛ cartonnerie.fr

La Comédie de Reims Créations. L’humour noir de l’auteur Dennis Kelly porté par le collectif du Corpus Urbain (Débris, 16-24/11) et les Salopards de Ferdinand Barbet, artiste associé, avec le Collectif 17 (09-18/01) : une dynastie de poètes et le groupe Potochkine au plateau ! Trio. Cadiot, Lagarde et Poitrenaux redonnent Le Colonel des Zouaves (0711/05), Un Mage en été (10 & 11/05) et 54

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Providence (11/05) avant de partir pour de nouvelles aventures. Come-back. Rémy Barché reprend La Truite de Baptiste Amann (04-06/04), réflexion familiale sur la petite cuisine de l’héritage mais aussi l’inévitable Retour à Reims du grand Thomas Ostermeier (06-08/03 puis au Granit (Belfort), 28 & 29/03). Classique. Une très cinématographique Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils par Arthur Nauzyciel (04 & 05/12 puis en tournée au TNS 28/0304/04). Reims scènes d’Europe. Quinze jours de festival (24/01-07/02) aux accents espagnols cette année et Méli’môme (28/03-05/04).

dats africains tombés au champ d’honneur des guerres mondiales (15 & 16/09 puis hors les murs 23-28/04). Born to be alive. Un festival performatif (06-17/11) avec notamment l’incroyable Steven Cohen (Put your heart Under your feet… and Walk! (08/11) ou un cabaret déjanté mené par Jérôme Marin et Chloé Py (La Nuit sans retour, 10/11) avec entre autres François Chaignaud, Mié Coquempot et Jonathan Capdevielle. Meta Corpus. De nouvelles écritures et de la marionnette pour un festival co-construit avec Le Jardin Parallèle (04-08/12). Reims Scènes d’Europe. Le meilleur des scènes du continent (24/01-07/02).

☛☛ lacomediedereims.fr

☛☛ manegedereims.com

Le Manège de Reims

Opéra

Faustin x2. Le chorégraphe et danseur congolais Faustin Linyekula, associé au Manège, présente Sur les traces de Dinozord (11 & 12/10) où il interroge les rêves des jeunes du Kisangani, entre Voodoo Chile et Requiem de Mozart. Statue of Loss est un hommage aux sol-

Création mondiale. Le Miroir d’Alice (19 & 20/10), opéra jeune public (dès 7 ans) de Thomas Nguyen. Événement. La triomphale mise en scène de Robert Carsen du Beggar’s Opera de John Gay (26 & 27/01) avec Les Arts florissants.



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Danse. Habitué des grandes fresques, le Malandain Ballet Biarritz réconcilie écriture classique et créativité contemporaine dans Marie-Antoinette (25 & 26/05). ☛☛ operadereims.com

SAINT-DIÉ-DESVOSGES La NEF – Espace Georges-Sadoul

Géo. Le Festival international de géographie (05-07/10). Zénith urg

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Un slameur sachant tchatcher. Grand Corps Malade, ancien sportif au top niveau aujourd’hui paralysé de la jambe droite, jongle avec le vocabulaire et joute avec les mots. La verve du slameur du 9.3. est à découvrir sur les planches de l’Espace Georges-Sadoul (20/10). Olympique. L’Iliade concentrée en 1h20, à l’Espace Georges-Sadoul (09/11). Magique. Kurt Demey : un mélange entre expériences incroyables, théâtre, musique et mentalisme (Musée PierreNoël, 02/02). ☛☛ saint-die.eu

SAINT-LOUIS La Coupole

Ouverture de saison. Mozart et Mendelssohn avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et Quentin Hindley (22/09). Ciné-concert. Le Monde perdu (1925), mis en musique live par Ozma (14/11). Elektro. Danse avec ELEKTRIK, création décoiffante de la chorégraphe Blanca Li. Vas-y Razy ! Après le Jamel Comedy Club et les vidéos du Studio Bagel, revoici Kevin Razy (15/01). Festival. Bulb ! Théâtre et spectacle vivant tout public (12-19/10), avec Bottom’s Dream, adaptation du Songe d’une Nuit d’été de Shakespeare, ou Baraka, entre art du cirque et théâtre d’objets. ☛☛ lacoupole.fr

SARREBRUCK Saarländisches Staatstheater

Lomepal © The Northside Issue

Ouverture de saison. Une attendue Traviata de Verdi (jusqu’au 26/01). Immanquable. Une nouvelle mise en scène signée Aron Stiehl de Die tote Stadt de Korngold (06/10-21/12), opéra génialissime inspiré de Bruges-lamorte de Rodenbach. Hommage. Mélodie ! Maladie ! Mélodrame ! explore l’univers d’Ingrid Caven, l’égérie de Fassbinder native de Sarrebruck (09 & 29/11). L’essence de la danse. Lorsque les danseurs de la compagnie laissent libre cours à leur créativité, cela donne SubsTanz 19 (07-27/12). Antique. Intégrer le choral Medea Senecae de Xenakis dans l’opéra Médée de Cherubini (19/01-27/04) permet d’interroger le mythe. Il s’agit de la première production dirigée par le nouveau Generalmusikdirektor Sébastien Rouland. Trio. Extravagances rassemble des chorégraphies de David Dawson, Stijn Celis et Angelin Preljocaj (23/0219/05) dans le cadre du festival Perspectives. ☛☛ theater-saarbruecken.de

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SAUSHEIM ED&N

Afro-funk-jazz. Manu Dibango est dans la place (06/10). Tribute to. Cali chante Léo Ferré (14/11). Événement. Stephan Eicher & Traktorkestar (15/12). Laï laï laï laï laï. Enrico Macias est (toujours) là (29/01). Local. L’indispensable Rodolphe Burger (28/03). Kult & Kitsch. Dave (26/05).

SAVERNE

Espace Rohan Présentations de saison. Deux soirées suivies d’un show gratuit des Swingirls, un trio décapant (12 & 13/09). Festival. 20e édition de Mon Mouton est un lion (09/05-09/06) dédié au jeune public. Jeune public. Une Heure au ciel avec l’excellente Tartine Reverdy (24 & 25/05). Répertoire. Un Avare de Molière toujours d’actualité par la Cie Facteurs Communs (19/03 également au NEST (Thionville), 05-07/02, au Taps (Strasbourg), 26-31/03). Queen Kong. Un conte de fée déjanté et dansé de la compagnie La BaZooKa (15/03). ☛☛ espace-rohan.org

SCHILTIGHEIM

Cheval Blanc / La Briquèterie / Brassin

A majuscule. Dominique A sort deux albums en 2018 : un électrique suivi d’un intimiste. Celui qui ressent un pincement au cœur lorsqu’il songe à cette période où il avait Toute Latitude, « toute la vie, aucun engagement d’aucune sorte » livre aujourd’hui un concert lié au second opus, proche du murmure (07/12, La Briquèterie). Scouts toujours. Cette année, La Revue Scoute fête sa 35e édition et ses 40 ans (à partir du 15/01). Magnétique. Barbara Carlotti (19/01, Cheval Blanc) : la grande classe cosmique !

Hoshi © Yann Orhan

☛☛ eden-sausheim.com

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icip e Mun Théâtr r a lm Co

Flamenco ! Le printemps du flamenco (18-25/05). Théâtre. Chacun son rythme, conférence absurde sur la sexualité (20/11, Brassin, dès 12 ans). ☛☛ ville-schiltigheim.fr

SCHWEIGHOUSESUR-MODER La K’Artonnerie

Drolatique. Les Mythos (13/10, dès 6 ans) : des clowns réécrivent l’histoire de Zeus et compagnie. Poétique. Un jour (30/01, dès 3 ans) est un voyage fait d’images, de musiques et de petites histoires à travers 9 cités imaginaires. Onirique. Dans Jours J, nuits bleues (22 & 23/03), la conteuse Amandine Orban de Xivry mêle écriture et oralité. Événement. Le Festival Y’a qu’ça qui conte ! (10-16/06). ☛☛ mairie-schweighouse.fr

SÉLESTAT Tanzmatten

Invitation au voyage. Le New Ethereal Quartet (11/09) offre une belle relecture du jazz des années 1960 / 1970. Ouverture de saison. Lancement of-

ficiel de la saison (16/11, 14h-18h) avec le spectacle La Chasse au Squonk et le concert de Cracked Cookies. Seul-en-scène. Chris Esquerre (22/11), remarqué sur France Inter et Canal+ pour son humour hyper loufoque. Coup de cœur. Chant posé en arabe, en anglais ou en français et notes pianotées, musiques du Moyen-Orient et beats électroniques : le parisien d’origine libanaise Bachar Mar-Khalifé (04/12), convoque Fairuz, Gainsbourg et le dub en des morceaux où il est question de filiation et de fusion. Emboîtage. Inspiré du célèbre jeu vidéo Tetris (04/04), le chorégraphe Erik Kaiel défie les lois et compose des formes… avec le corps de ses danseurs. ☛☛ tanzmatten.fr

STRASBOURG Espace culturel Django Reinhardt

Présentation de saison. Présentation de saison de l’Espace Django (21/09, à partir de 19h) et écoute de la prog’. Entrée libre sur inscription. Ouverture de saison. Belle entrée en matière afro-punk avec 10LEC6 (29/11). En plus, c’est gratos ! Turkish delight. La fièvre turque nous contamine avec Altin Gün (12/10). Poly 212 Septembre 18

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Kings. Thomas Lebrun manie la satire avec délectation dans Les Rois de la piste (29 & 30/01, et aux Bains douches (Montbéliard), 13/12) des danses populaires qui nous dévoilent ! Ouverture de saison. Le 14/09 à 19h30, en plus d’une présentation de la saison en images, Bruno Bouché et le Ballet du Rhin jouent Bless - ainsi soit-il et l’Espèce de collectif de Damien Briançon et Étienne Fanteguzzi Pour en découdre. Le tout en entrée libre, Wouahou !

Palatine © Amandine Lauriol

Espace

☛☛ pole-sud.fr

Opéra National du Rhin Magique Jamaïque. Winston McAnuff & Fixi (26/10) : quand l’accordéoniste du groupe de rap musette Java rencontre une légende du reggae. L’autre Otis. Otis Taylor (15/11), monument blues. Double affiche hexagonale. Sammy Decoster + Palatine (30/11) : quand la France revisite l’americana. ☛☛ espacedjango.eu

Jazzdor Ouverture de saison. Présentation de saison au Fossé des Treize et concert du trompettiste Theo Crocker (12/10). Dite 33 ! Trente-troisième édition du Festival Jazzdor (09-23/11) dans plus d’une dizaine de lieux, avec une trentaine de groupes français et internationaux : Archie Shepp (23/11, Schiltigheim), David Murray (20/11, Bischwiller), John Scofield (09/11, Strasbourg) ou Michel Portal (15/11, Offenbourg). ☛☛ jazzdor.com

Le Maillon Martin. Eins Zwei Drei de Martin Zimmermann volant sans Dimitri de Perrot mais toujours avec un talent fou (19-22/03 et en tournée au Maillon (Strasbourg), 21-24/11, à la Kaserne Basel, 29/11-01/12 et au Grand Théâtre de Luxembourg, 15 & 16/01). Milo. L’Empire de Milo Rau se penche sur les itinéraires de comédiens grecque, kurde, roumain et syrien (13 & 14/03). 58

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Sanja. 50 de rébellions et leurs conséquences vues par Sanja Mitrović (My révolution is better than yours, 1719/10 puis en tournée à La Comédie de Reims, 07/02). Thom. Le Leonce und Lena de Büchner réduit à sa substantifique moelle par Thom Lutz et son théâtre musical symbolique fonctionnant par tableaux (28 & 29/11). Tiago. La rencontre entre le portugais Tiago Rodrigues et les tg STAN donne corps à une version toute particulière d’Anna Karénine (The Way She Dies, 20-22/03). Présentations de saison. Au Gobelet d’or (04, 07 & 11/09) et à la Cité de la Musique et de la Danse (13/09). ☛☛ maillon.eu

Pôle Sud Festivals. Extra ORDINAIRE (14-16/06) fruit de trois semaines de résidences d’artistes (Androa Mindre Kolo, Sello Pesa…) initiées par ScU2 et EXTRADANSE (19/03-05/04) avec notamment Pere Faura (Sweet Tyranny, 19 & 20/03 et Striptease, 22 & 23/03 qui présente aussi (Pas de danse, pas de paradis) Ma propre histoire de la danse, 09 & 10/10) et la puissance interprétative de Meytal Blanaru (We Were the future, 26/03). Kids. Exploration touchante et puissante des rapports humains dans Horses des flamands de kabinet k avec au plateau cinq adultes et cinq enfants (25-27/11, à voir dès 8 ans et aussi au Carreau (Forbach), 11/11).

Soirée d’ouverture. Une présentation de saison en forme de célébration du chant, de la musique et de la danse (16/09, Strasbourg, 04/10, Colmar et 07/10, Mulhouse). Angoissant. Bruno Bouché et Kurt Jooss questionnent le passé avec le diptyque chorégraphique Spectres d’Europe (11-13/10, Mulhouse, 03 & 04/11, Colmar, 13-18/11, Strasbourg). Festif. Pour la fin de l’année, le génial Barkouf ou un chien au pouvoir d’Offenbach (07-23/12, Strasbourg, 06 & 08/01, Mulhouse), redécouverte d’une œuvre où tous les pouvoirs sont tournés en dérision. Viva Argentina. Beatrix Cenci d’Alberto Ginastera (17-25/03, Strasbourg, 05 & 07/04, Mulhouse) mis en scène par Mariano Pensotti dans le cadre du Festival Arsmondo, cette année dédié à l’Argentine. Voix. La soprano Véronique Gens dans un récital 100% français (14/05). Excitant. Danser Mahler au XXI e siècle (27-29/05, Mulhouse, 06-14/06, Strasbourg) pour une vision du compositeur signée du Ballet ! ☛☛ operanationaldurhin.eu

Orchestre philharmonique de Strasbourg Archets enchantés. La violoniste Isabelle Faust donne Follow me d’Adámek en première française (04 & 05/10), tandis que Renaud Capuçon interprète le Concerto de Korngold (13/12). 100 ans. Bon baisers Debussy est un week-end chambriste dédié au compo-


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siteur dont on célèbre le centenaire de la disparition (13 & 14/10). Jolie baguette. Claus Peter Flor dirige l’OPS (08/11). Revisité. Hans Zender s’empare du Winterreise de Schubert (au Maillon, 17 & 18/01) Artiste en résidence. Au cours de l’année 2019, découvrons le violoncelliste Jean-Guihen Queyras (dans le Concerto n°2 de Chostakovitch, 24 & 25/01, puis en musique de chambre, 27/01). Événement. Une version concertante de La Damnation de Faust de Berlioz (25 & 26/04) avec un casting d’enfer : Joyce DiDonato, Michael Spyres, etc. ☛☛ philharmonique-strasbourg.eu

Espace K Entrez dans la danse. Dancefloor (13-16/09) : un atelier théâtre et danse encadré par Pierre Boileau et Aude Koegler. Le mot d’ordre ? Soulèvement ! Classique humoristique. Les Amoureux de Shakespeare (09-13/09) par la compagnie Les Mauvais Élèves, mise en scène de Shirley et Dino. So British ! Chapeau pointu. Faites un Tour du

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monde, avec Hélène Ventoura qui nous offre une relecture de Cendrillon, façon clownesque (06-10/11). C’est Noël. Le Capitaine Sprütz et ses invités nous convient à un Krismass Show décapant (30/11-22/12). ☛☛ espace-k.com

La Laiterie H pour homme. Des larmes de crocodile et de la sueur de dancefloor : le dernier album d’Arthur H (14/11) est une montagne russe de sensations et d’émotions… Le concentré de la vie d’un homme. Sous le soleil de Satan. Le jeune groupe signé sur le label strasbourgeois Deaf Rock surfe sur le succès aux USA grâce à son rock qui sent bon le sable de la côte ouest. The Blind Suns (17/10) a mis des coquillages dans ses guitares Une boule à facettes… des fumigènes et une sono crachant de la discopop à plein tuyau sous les lights : L’Impératrice (08/11) chasse les idées noires avec sa musique rose bonbon. Love, etc. Le très posé Bertrand Belin a un « tempérament de murmureur », pas de hurleur énervé. Il écrit des chan-

sons qui lui ressemblent et compose des morceaux enveloppant l’auditeur, l’invitant à se lover dans un environnement paisible, où la basse résonne comme un battement de cœur. ☛☛ artefact.org

Les Taps Actuelles XXI. Cinq textes contemporains mis en espace par des équipes hétéroclites mêlant étudiants de la Hear, comédiens, metteurs en scène et chef avant un temps d’échange en présence de l’auteur (05-09/03). Créations. Jeune diplômée du TNS, Maelle Dequiedt crée Pupilla, variation de Frédéric Vossier autour de la femme-monstre Elizabeth Taylor (0911/05). Marion Grandjean s’attaque à Quiprocosmos de l’auteure Céline Bernard (22-26/01). Love. Thibaut Wenger s’attaque à Marivaux avec La Seconde surprise de l’amour (20-23/11 puis à Espaces culturels Thann-Cernay, 30/11 dans le cadre de Scènes d’automne en Alsace). Plongée dans les affres du désir… Trilogie. Mathias Moritz clôt l’aventure de sa compagnie avec sa trilogie

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Certaines n'avaient jamais vu la mer © Jean-Louis Fernandez

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les produits laitiers Implantée dans une ancienne laiterie (incroyable !), La Laiterie organise plus de 500 concerts par an. Les temps forts de la saison, en compagnie de Patrick Schneider, co-directeur et programmateur.

Des concerts gratos Patrick Schneider : « Nous aimerions développer la gratuité de concerts d’artistes, newcomers ou cherchant à se repositionner. Ces événements ne se limiteraient pas à un spectacle, mais également à des actions – masterclasses, rencontres… –, notamment au Centre de ressources. Clément Bazin (07/11, concert gratuit, places à réserver sur le site Internet) ne sera pas présent uniquement sur une date, mais pour quelques jours afin échanger quant à sa démarche et sa carrière. Il s’agit de la préfiguration de quelque chose qui va se développer au cours de la saison. » Une aide à la scène régionale L’équipe de La Laiterie accueille la release party de Freez, hyper talentueux groupe de hip-hop cosmic made in Strasbourg, (08/11). Patrick Schneider : « Depuis ses débuts, La Laiterie aide les acteurs émergents, au sens large du terme, associations, labels,

groupes… en lui donnant le maximum d’outils et en proposant des premières parties, des résidences – Blind Suns (concert de restitution le 17/10) ou MRC (07/10) en cette rentrée –, des bureaux ou des soirées dédiées – le concept maison Scènes d’ici – ou les Clubbings. Blind Suns ou MRC (rappeur qui vient d’être signé par Sony) vont pouvoir travailler leurs prestations scéniques dans une salle professionnelle de 300 places (le Club) avec un son et des lumières adaptées. Une façon de préparer une série de 20 ou 30 dates à venir ! » Un parfait équilibre Depuis 1994, l’équipe en place bataille pour maintenir une prog’ mêlant stars internationales, artistes dans l’air du temps, découvertes et prises de risque. Nous sommes à l’ère de la musique urbaine comme les rappeurs Moha La Squale (19/10) ou Hamza (29/10), ce qui n’empêche pas de convier un artistes hors du temps Jonathan Wilson

(15/09) songwriter américain délicat, « trop méconnu alors qu’il joue avec Roger Waters de Pink Floyd ! », de passage dans l’hexagone pour deux dates seulement. Patrick Schneider : « La Laiterie, numéro un sur l’Est de la France en termes de propositions foisonnantes, exclusives et différentes. Certains viennent pour voir Synapson (12/10) ou Hyphen Hyphen (05/10) et ignorent les concerts dans la petite salle. Inversement, une autre partie de notre public boude la grande salle pour des concerts plus confidentiels, comme The Devils (30/10), groupe italien à la Stray Cats que 80 personnes doivent connaître à Strasbourg ! Finalement, tout le monde y trouve son compte et nous arrivons à créer des vases communicants financiers. » Par Emmanuel Dosda Photos d’Arnaud Deroudilhe (Clément Bazin) et Bartosch Salmanski (Freez) artefact.org

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TJP

and the Queens (12/12) : elle a opté pour un nom plus court, Chris, mais n’a pas changé la recette qui fait son succès. En haut de l’affiche. Le grand Charles (Aznavour), nous fait l’honneur de sa présence (15/12). Pal rapeur. Lyrics cafardeuses, punchlines hyper-lubriques et ego trip outrancier dans un sourire à pleines dents (en or) : Lomepal (01/02) a une place à part au rayon hip-hop français et en joue avec malice, ironisant sur son physique de gringalet white trash. L’autre Eddy. Le phénomène Eddy de Pretto à son Zénith (01/03).

aSH © Aglae Bory

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☛☛ zenith-strasbourg.fr

de l’État urgent (Du sang aux lèvres, 15 & 16/01, Purge, 17-19/01 (puis au Théâtre municipal de Colmar, 21 & 22/01 dans le cadre de Scènes d’automne en Alsace) et Assassin, 19/01) avant de mieux repartir ! ☛☛ taps.strasbourg.eu

TJP Star. Aurélien Bory avec aSH (1214/12), nouvelle pièce pour une danseuse, Shantala Shivalingappa, spécialiste du Kuchipudi indien. Kids. L’univers explosif de Miet Warlop pour les 6 ans et + avec Big Bears Cry Too (16-20/01) ou encore la folie créatrice Dadaaa d’Amélie Poirier dès 2 ans (21-28/03 puis au Festival Mélimômes (Reims), 03 & 04/04). Créations. Plusieurs centaines de marionnettes à fil de 30 cm ondulant sur le plateau d’At the still point of the turning world, nouvelle création de Renaud Herbin (16-21/10 et aussi à La Filature (Mulhouse) 09 & 10/10, à Vandœuvre-lès-Nancy), 21 & 23/03) avec Sir Alice, Julie Nioche et Aïtor Sanz Juanes mais aussi Patrick Sims, éclatant aux dernières Giboulées, qui revient avec Ambregris (22-24/11), orgue à parfum en forme de carcasse de baleine. Étonnant. Ma Cuisine de Sylvain Maurice (22& 23/03) entre madeleine de Proust perso, cuisine et musique live. Alice Laloy fracasse tout sur son plateau en hommage aux dadaïstes (Ça Dada, 25-30/04 avec Le Maillon). ☛☛ tjp-strasbourg.com 62

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Théâtre national de Strasbourg Littérature. Romanciers à l’honneur avec Maylis de Kerangal (Réparer les vivants, 21/11-01/12) par Sylvain Maurice avec l’excellent comédien-musicien Joachim Latarjet ou encore Un amour impossible de Christine Angot par Célie Pauthe (14-23/03). Faulkner et ses Palmiers sauvages vus par Séverine Chavrier (27/05-07/06) et une très cinématographique Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils par Nauzyciel (28/03-04/04 et aussi les 04 & 05/12 à La Comédie de Reims). Créations. Le nouveau brûlot politique signé Falk Richter, I am Europe (15-24/01) ou Qui a tué mon père d’Edouard Louis par Stanislas Nordey (02-15/05, juste après la première à La Colline). Sénèque. Le Thyeste de Thomas Jolly, auréolé d’éloges au dernier Festival d’Avignon (05-15/12). 4 en 1. Les élèves des groupes 44 et 45 de l’École du TNS planchent en quatre groupes sur Les Disparitions de Christophe Pellet. Autant de visions et choix à découvrir (01-09/03). ☛☛ tns.fr

Le Zénith Récolte le tempo. MC Solaar (10/11) : après dix ans d’absence, Claude MC revient sur scène avec son hip-hop cool et lettré. The Queen is not dead. Christine

SOULTZ-SOUSFORÊTS La Saline

Fusion. Les Relais culturels de Wissembourg (La Nef) et et Soultzsous-Forêts (La Saline) ont fusionné proposant une prog’ commune. Soirée de présentation de la saison. Avec le Duo Bonito (21/09, La Saline et 22/09, La Nef), humour musical de la compagnie Les Nouveaux nez. Optimiste ! L’histoire vraie d’un tour du monde en 80 jours sans argent avec Muammer Yilmaz qui raconte sa véritable histoire (12/10). Crions un peu. Nina Hagen, Poulenc, Anne Sylvestre ou Haendel, l’ensemble Virévolte présente son spectacle fait de Cris et Chuchotements (25/05). ☛☛ la-saline.com

STUTTGART Staatstheater Stuttgart

Essentiel 1. Dans Requiem pour L. (31/10-04/11 et au Maillon-Wacken avec Pôle Sud, 27/02-01/03), Alain Platel questionne Mozart en fusionnant influences venues du jazz, de l’opéra et de la musique africaine populaire. Essentiel 2. Nixon in China de John Adams (07/04-11/05). Essentiel 3. Reprise de la légendaire production de Krzysztof Warlikowski d’Iphigénie en Tauride de Gluck (28/04-30/05). ☛☛ staatstheater-stuttgart.de



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Naif je suis fait du bruit des autres © Celian Bachini

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Relais Culturel Pierre Schielé Fusion. L’espace Grün (Cernay) et le Relais culturel Pierre Schielé ont fusionné dans un Epic Présentation de saison. Avec Duo Bonito des nouveaux Nez (27/09). Théâtre musical. La Passée (19/10) d’après un roman de Tarjei Vesaas. À bicyclette. Anquetil tout seul (16/11) réjouira les amateurs de la petite reine, mais embarquera tous les autres. Perse. Dans Sumerless (11 & 12/01), Amir Reza Koohestani nous plonge au cœur de la société iranienne, ☛☛ relais-culturel-thann.net

Le Blanc dans La Nostalgie du futur (14 & 15/05). ☛☛ nest-theatre.fr

TRÈVES

Theater Trier Mozartien. Le nouveau directeur de la maison Jean-Claude Berutti monte Don Giovanni (à partir du 29/09). Grec. Zorbas, chorégraphie de Mikis Theodorakis (à partir du 13/10). Rareté. Les Joyeuses Commères de Windsor d’Otto Nicolai (à partir du 06/04). ☛☛ theater-trier.de

THIONVILLE

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Festivals. Court Toujours, centré sur l’art et le sport (21-23/09), Textes sans frontières (18/11) avec un focus sur la Grèce & La Semaine Extra pour et par les ados (30/03-03/04). Création 1. Charlotte Lagrange avec Désirer tant conte une histoire familiale de l’engagement (05-09/12 et aussi à La Filature (Mulhouse) 07-09/11). Création 2. Jean Boillot monte les Rêves d’occident de Jean-Marie Piemme, réécriture de La Tempête shakespearienne (27/05-04/06). Création 3. Catherine Marnas revisite Pasolini avec le philosophe Guillaume

Théâtre. L’excellent Gaël Leveugle quitte Copi pour Bukowski (15 & 16/11, puis à La Filature (Mulhouse) 05 & 06/12, à l’ACB (Bar-le-Duc), 26/02 et à Transversales (Verdun) 28/02), le Werther minimaliste de Stemann (à peine plus d’une heure) porté par le génial Philipp Hochmair (01 & 02/12), un must ! Pommerat, récent Molière jeune public, avec son Petit chaperon rouge (22 & 23/01) ou le meilleur spectacle de Gisèle Vienne, Jerk (15 & 16/03) avec Jonathan Capdevielle en serial-killer se confiant avec des marionnettes, glaçant ! Ciné-concert. Quand l’electro de KTL

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rencontre L’Aurore de Murnau (27/11), que c’est beau. Danse. L’iconoclaste Yuval Pick (Playback & Eddies, 06-08/12), l’amour du jeu, des contraintes et de l’imprévu d’Espèce de Collectif (Laisse le vent du soir décider, 19 & 20/12 puis au TJP (Strasbourg), 24 & 25/01) et l’ode à John Coltrane de Keersmaeker et Salva Sanchis (A Love supreme, 11 & 12/01). Un sarcastique We Love Arabs, défiant les beaux discours, de et avec Hillel Kogan (05 & 06/02). Festival. Le 35e festival Musique Action sur le thème du rythme (07-12/05) et la première édition de Wonderland, 10 jours dédiés aux enfants (21/0203/03). Bonus : Ce qui nous agite, 2 jours de réflexion sur le monde avec l’exil et l’accueil pour thématique 2019 (26 & 27/04). ☛☛ centremalraux.com

VENDENHEIM Pôle culturel Le Diapason

Créations. Carton plein de serge Valetti, nouvelle création d’Est Ouest Théâtre avec Dominique Jacquot et Francisco Gil au plateau (06 & 07/11) ! Un hommage à Petrucciani par le Gregory Ott Trio (31/01 avec Jazzdor). Des Cortège(s) de la Cie Lunette Théâtre (01/03) racontant la joie, la colère et la peine lorsque la vie s’arrête en plein mouvement social. Kids. Un jeu de Jongle défiant la pesanteur avec poids et ballons gonflables par le Théâtre Bascule, dès 2 ans (21/11). Danse. Un bijou espagnol, Dot (03/04) du Maduixa Teatre, voyage entre musique et couleur entre danse et nouvelles technologies (dès 4 ans). Événement. La 7e édition du Festival Les Éphémères (29/05-11/06) avec un magic mirror devant le parvis du Pôle culturel. ☛☛ vendenheim.fr

VESOUL

Théâtre Edwige Feuillere 18e. Édition du Festival Jacques Brel (28/09-16/10) avec pas moins de 28



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Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin © Sébastien Dumas

Thionville

concerts dont Camille (05/10) et Nicolas Jules (13/10). 10e. Mois voix d’enfants / Espace scénique (mai 2019) sous l’œil artistique du chef de chœur américain Scott Alan Prouty. 10e. Semaines École au Théâtre (0115/06). Danse. Le hip-hop circassien de Mourad Merzouki (Vertikal - le hip-hop défie la gravité, 14/02) et la Ligne de Crête de la grande Maguy Marin (04/04). ☛☛ theatre-edwige-feuillere.fr

VILLAGE-NEUF Riverhin

Ouverture de saison. Avec une carte blanche à Sébastien Bizzotto & Lauranne SZ (11/09). Ça balance ! Avec Matskat, chanteur plein d’énergie amoureux de Claude Nougaro, Alain Souchon ou Henri Salvador (12/09). Rap 100% bio. Pang rappe l’énergie durable et les circuits courts… (30/01) ☛☛ mairie-village-neuf.fr

VOSGES

Scènes Vosges Jeune Public. Un superbe WOESJ, duo féminin perdu sur un atoll, remarqué au dernier festival Momix (10 & 11/01). Cirque. The Elephant in the room, 66

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cirque contemporain pour comédie folle (15 & 16/01) et une Marée Basse avec dockers charismatiques à découvrir sous chapiteau au Port d’Épinal (04-07/04). Danse. Un Ballet Bar qui décape avec du hip-hop relevé ! (11/12) et les Nouvelles pièces courtes de Decouflé (27 & 28/02). Sublime. La poésie visuelle, le vent dans les voilages des Limbes (23 & 24/01). ☛☛ scenes-vosges.com

LA WANTZENAU Le Fil d’Eau

Le Boss, c’est Ott. Le pianiste jazzy Grégory Ott est le parrain de cette saison 2018 / 2019 qu’il émaillera avec un concert en trio (24/11) et en solo avec Inside out Stories (25/05). Humour. La phénoménale Patricia Weller est bien plus qu’Une légende sur le retour (19/10), sans parler de la célébrissime Revue satirique de La Choucrouterie (en alsacien, 08/05). Kids. Les Weepers Circus chantent N’importe nawak (09/02) et le trio clownesque du Houppz ! Théâtre avec Wow (18/12, dès 4 ans). ☛☛ la-wantzenau.fr

WISSEMBOURG La NEF

Fusion. Les Relais culturels de Wis-

sembourg (La Nef) et et Soultz-sousForêts (La Saline) ont fusionné proposant une programmation commune. Soirée de présentation de la saison. Avec le Duo Bonito (21/09, La Saline et 22/09, La Nef), humour musical de la compagnie Les Nouveaux nez. Musique. Firmin & Hector signent un spectacle musical pour croque-morts chanteurs (09/11). Théâtre. Le Quatrième mur de Sorj Chalandon (08/02). Ciné-concert. Le Monde perdu en pleine forêt amazonienne projeté sur une musique live des talentueux musiciens d’Ozma (16/05). Classe ! Décalages. Le festival des Scènes du Nord (12-18/01) avec notamment Le 20 novembre de Lars Norén autour de la fusillade de Sébastian Bosse monté par la Cie Alexandre (15/01). ☛☛ ville-wissembourg.eu

ZURICH Opéra

Raretés. Les Stigmatisés de Franz Schreker (23/09-23/10) et Le Grand Macabre de György Ligeti (03/0202/03). Culte. Le sulfureux Kirill Serebrennikov monte Così fan tutte de Mozart (04/11-01/12). Ça va faire mal ! The Voice. Cecilia Bartoli est Semele (31/12-08/08) dans l’opéra de Haendel dans la très belle mise en scène de Robert Carsen. ☛☛ opernhaus.ch

Tonhalle Orchester Ouverture de saison. La très classe artiste en résidence, la violoniste Janine Jansen (12-14/09) dans le Concerto “À la mémoire d’un ange” de Berg. Rareté. Le son exceptionnel de la mandoline d’Avi Avital dans une pièce de Johann Nepomuk Hummel (02 & 03/02) qui donnera ensuite un récital avec The Knights (26/02). Événement. L’oratorio Elias de Mendelssohn (06-08/03) dirigé par Thomas Hengelbrock. Création mondiale. Une œuvre pour baryton, chœur et orchestre de Matthias Pintscher placée sous la direction de Kent Nagano (13 & 14/06). ☛☛ tonhalle-orchester.ch



festival

metz pour le temps présent Avec les arts numériques pour fil conducteur, le Festival Constellations métamorphose Metz en vaste galaxie artistique. Traversons-la.

Par Emmanuel Dosda Photo de Philippe Gisselbrecht

À Metz, jusqu’au 15 septembre constellations-metz.fr

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C’

est la nuit. La Cathédrale SaintÉtienne brille de mille éclats lumineux. Des chimères apparaissent et l’édifice semble se mouvoir. Il s’agit du travail de Yann Nguema, artiste multimédia habitué de la Fête des Lumières lyonnaise qui, par la magie de la fée électricité, bouleverse l’architecture de l’édifice. L’electro-dub de son groupe, EZ3kiel, accompagne ce ballet visuel nommé Alter Lux Animae, impressionnant mapping vidéo-musical qui ne laisse personne de marbre. Pour la seconde fois, Metz a la tête dans les étoiles durant les quelques mois d’été, invitant curieux et badauds, amateurs d’art contemporain ou simples visiteurs à découvrir une ville parsemée d’installations artistiques et d’œuvres numériques. Quatre parcours à emprunter : Pierres numériques (de la colline Sainte-Croix à la place de la Comédie) est émaillé de travaux comme Quartz, roche virtuelle lumineuse aux arrêtes tranchantes qui dialogue avec le Temple-Neuf. Cette œuvre de l’artiste / architecte Nicolas Pao-

lozzi rend hommage aux tailleurs de pierre qui ont construit la ville. Le parcours Street Art suit le tracé des lignes Mettis clairsemé d’œuvres intrigantes comme le bus de Gilbert Coqalane où est inscrit Ne prend pas d’humains, véhicule plein d’étranges passagers : cerf, flamand rose ou lapin. Le parcours Art et Jardins invite à la flânerie bucolique dans des espaces verts habités par de poétiques Nelumbo nucifera (fleurs de Lotus) signées Éline Dussart ou, plus angoissant, une Meute de chiens en acier placée par Patrice Liron au Jardin botanique. Le dernier parcours (du quartier de l’Amphithéâtre au centre-ville) est parsemé de 21 œuvres du sculpteur allemand Robert Schad, des lignes d’acier se tordant et s’élevant dans le patrimoine citadin. Le festival regroupe également un certain nombre d’expositions (dont la fantastique épopée des Couples modernes au Centre Pompidou, lire Poly n°211) ou de soirées comme celle organisée par le Rex parisien (Place d’Armes), pour clôturer le festival sur des beats electroïdes, façon nightclub.



musique

boys don’t cry Ne pas laisser couler ses larmes. Hisser sa puissance masculine. Ne pas céder à la tendresse. Eddy de Pretto n’a pas roulé des mécaniques pour faire plaisir à son entourage et a préféré la chanson au ballon rond. Entretien avec un type “normal” de Créteil, fan de Diam’s et de Brel.

Par Emmanuel Dosda Photo de Melchior Tersen

Sur la place de la Libération (Dijon), dans le cadre du Concert de rentrée (avec Son Little, Kiddy Smile ou Négresses Vertes), vendredi 31 août dijon.fr à la Friche des Près-de-Vaux (Besançon), dans le cadre du Festival Détonation (avec Morcheeba, Moodoïd, Lomepal…), jeudi 27 septembre larodia.com Au Chapiteau (Nancy), dans le cadre de Nancy Jazz Pulsations, mardi 16 octobre nancyjazzpulsations.com À La Laiterie (Strasbourg), jeudi 15 novembre artefact.org À La Rockhal (Esch-surAlzette), dans le cadre du Sonic Visions Festival, samedi 17 novembre rockhal.lu Au Galaxie (Amnéville), jeudi 28 février 2019 le-galaxie.fr Au Zénith (Strasbourg), vendredi 1e mars 2019 zenith-strasbourg.fr

* Son album est édité par Universal Music – universalmusic.fr

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Cure*, c’est une thérapie ? Oui, l’aspect thérapeutique de ce premier album très introspectif a été essentiel. En fait, je trouve le mot Cure assez laid : il sonne mal, titille l’oreille et évoque d’autres mots comme cul… C’est cru, comme mon album. Y-a-t-il un lien avec le groupe anglais ? Pas vraiment, mais en brainstormant je me suis rendu compte que ça collait tout à fait ! Vous avez utilisé un selfie en couverture de votre album : pour marquer l’appartenance à votre génération ou pour assumer votre image ? Les deux. C’est un autoportrait qui illustre bien mon album où je me suis totalement livré, avec précision. Rien de plus fidèle à l’image que j’ai de moi-même que ce reflet dans un miroir. Il exprime mon côté solitaire, ce regard porté sur ma propre personne, cette envie d’aller triturer mes tripes. Vous vous êtes construit contre la figure parentale, l’autorité ? Totalement. J’ai toujours voulu faire les choses par moi-même, en autodidacte, et je faisais très peu confiance à ce que mon père ou ma mère pouvaient m’apporter. Ce disque en est la transpiration : je peux enfin crier mon envie d’être autre chose que ce qu’espéraient mes parents. C’est un chant de liberté. J’ai toujours voulu braver les interdits. L’homosexualité en fait partie… Pardon, vous dites que votre désir de transgression a dicté votre sexualité ? Non, mais l’opposition de mes parents à l’homosexualité me motivait davantage à la valider et l’assumer !

À la fin de Mamère, vous chantez « Un jour je t’appellerai maman » en vous adressant à votre mère : c’est dur, plein d’aigreur, mais avec une pointe d’espoir… Oui, c’est une porte ouverte. Malgré mon éducation cloisonnée, je suis devenu ce que je voulais être et il me semble temps de se dire ô combien on s’aime. Je lui dis « relève-toi, ta relève est là ! » Lorsque vous étiez jeune, vous ne faisiez pas que jouer à la Barbie en cachette et brûler des poubelles entre potes la nuit… Vous écoutiez également beaucoup de musique ? Je recevais beaucoup d’informations diverses et involontaires dont je me suis nourri malgré moi. Quand je sortais avec les copains, nous écoutions Booba, le 113, IAM, Sinik ou Rohff et toute cette vague du début des années 2000. À la maison, ma mère passait Brel, Brassens et Barbara. Je baignais là-dedans… Il s’agit de musiques subies et non choisies… Oui, mon envie d’appartenir au groupe de potes m’imposait d’écouter du rap qui faisait partie des codes. Comme je crachais sur l’autorité, la musique de ma mère était encore plus subie. Pourtant, aujourd’hui, tout ça fait partie de mon ADN… Aussi frêle soit votre silhouette, nous sommes impressionnés par votre forte présence corporelle. Vous devez cette assurance à votre expérience de la scène des théâtres ? Mon moteur, c’est la scène. Depuis le début elle me fait ressentir des sensations fortes.


FESTIVAL

J’ai commencé le théâtre à huit ans, après m’être exercé dans le salon. J’aime cette idée de représenter quelque chose de puissant, confiant, sûr de soi ! J’ai fait trois ans de danse classique et trois ans de modern jazz. On porte beaucoup d’attention à votre voix, aux mélodies et bien sûr aux textes, mais peu à la musique. Elle semble placée au second plan… La musique permet de magnifier les textes. Elle vient mettre en exergue ce que je dis. C’est mis en scène de cette manière car je voulais chanter, mais le sens est plus important pour

moi ! J’adorerais faire un album très produit comme le fait Frank Ocean, mais Cure a été écrit sous tension, dans l’urgence. Je dis les choses de manière brutale et incisive car j’avais envie de cracher et vomir tout ça sur le papier. Mon second album sera sans doute plus apaisé, plus travaillé. Vous faite encore des “fêtes de trop” vous ayant conduit au fiasco ? De moins en moins, faute de temps et pour préserver ma voix…

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festival

la philosophie dans le foutoir Presque 40 ans après une sérieuse embrouille entre Philippe Pascal et Franck Darcel, les deux têtes pensantes de Marquis de Sade se sont réconciliées et ont reformé leur groupe rock rennais pour quelques dates, dont un divin concert à Strasbourg.

Par Emmanuel Dosda et Hervé Lévy Photo de Benoît Linder pour Poly

À L’Opéra (Strasbourg), dimanche 23 septembre dans le cadre de Musica et L’Ososphère festivalmusica.org artefact.org/lososphere operanationaldurhin.eu

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«R

ien n’était prémédité » prévient d’emblée le longiligne Philippe Pascal, joues creuses, bras lacérés et tatoués, cheveux couleur cendre, faisant référence au concert (qui devait rester unique) du 16 septembre 2017 à la salle de la Liberté à Rennes. Et à la tournée qui suivit. « Pas une tournée, plutôt une suite de coups d’un soir », rectifie Franck Darcel, plus posé et bonhomme que son complice. Il y a un an, donc, la biennale d’art urbain Teenage Kicks propose au duo de jouer dans le cadre d’une expo qui leur est consacrée, regroupant 24 plasticiens (Winshluss, Kiki Picasso…) qui ont chacun illustré un titre des marquis. Surprise : les 3 000 places se vendent comme des petits pains… alors même que le groupe, de son propre aveu, « n’a pas fait école ». L’aura du duo mythique et feu follet (1977-1981) est toujours présente, des décennies après les débuts de jeunes gens modernes qui avaient la rage. Franck Darcel : « À l’époque, nous étions en réaction contre l’état du monde… mais les choses ne se sont hélas pas arrangées. Sauf à vieillir les artères bouchées, il n’y a aucune raison d’être moins en colère. Bien sûr, en 38 ans, nous avons muri, mais il nous semble impossible d’être dans une béatitude quotidienne. Mes enfants ont dû mal à imaginer faire des enfants : le monde leur fiche les jetons ! C’était paradoxal à notre époque car, idéologiquement, nous étions séduits par le No Future des punks. Le côté nihiliste et anar des Sex Pistols. Pourtant, à cette période, un étudiant était certain de trouver du boulot après la fac et le fondamentalisme religieux

était moins présent. Le monde séparé en deux blocs était rassurant finalement. C’était moins dur pour les jeunes. Personnellement, je suis engagé en politique, c’est une manière d’être toujours au taquet. » La politique, parlons-en. Le groupe a joué avec le feu, cheveux portés très dégagés derrière les oreilles, longs impers et quelques propos mal interprétés qui ont créé une ambiguïté… Pourtant, les paroles de leurs chansons – notamment Final Fog (Brouillard Définitif), sur le suicide collectif présumé de la Bande à Baader – auraient pu dissiper le malentendu. Dantzig twist Groupe lettré, très marqué par l’expressionisme allemand, le ciné d’Antonioni, de Fassbinder ou de Wenders, il se passionne pour « les mouvements culturels de l’Europe continentale ou le punk anglais puis américain, parce qu’il n’y avait rien en France. Quand nous découvrions Au nom du père de Bellocchio (1971) alors que la nouvelle vague s’était essoufflée et qu’il n’y en avait que pour Téléphone, nous trouvions complétement ringard tout ce que nous envoyait Paris », se souvient Franck Darcel. Et Philippe Pascal de renchérir : « Nous étions isolés en Bretagne : ça nous rendait hargneux de voir tous ces mauvais groupes signer sur des majors ! Nous n’existions pas pour ces gens-là et ne faisions partie d’aucun mouvement comme Les Jeunes gens modernes, même si nous étions plutôt copains avec Taxi Girl. » Franck Darcel : « Ils marquaient une rupture avec Mai 68 en disant que l’aventure collective était terminée et que


nous passions à l’ère de l’aventure individuelle. Le Jeune gens moderne est calculateur, froid, il s’entend avec sa maman et il parle librement de fric, comme Jacno. Nous étions plutôt post-modernes, car nous recyclions les mouvements d’entre deux guerres et nous étions dans la récupération au niveau des sapes… alors qu’à Paris ils étaient habillés comme des Milord par Castelbajac ! » Plus “adultes” aujourd’hui, les Marquis sont devenus plus pointilleux et nettement plus sensibles à l’acoustique des salles, trouvent que l’Opéra strasbourgeois se prêtera à ravir à leur musique « sophistiquée ».

Taxé de groupe intello pour ses références aux films de Conrad Veidt ou à la poésie d’Antonin Artaud, Marquis de Sade revendique sa part animale, une guitare électrique à la main. Il faut voir Philippe Pascal entrer dans sa danse (transe) à la manière d’un Ian Curtis désarticulé pour apprécier les « laisser-aller » dans lequel il se vautre, sans jamais imiter qui que ce soit, Joy Division ou autre groupe postpunk ou cold-wave. Philippe Pascal : « Par principe, avant d’être pour, Marquis de Sade était contre ! C’était notre philosophie. »

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sexy sixties Pour sa 28e et dernière édition à la tête du Festival Musica, Jean-Dominique Marco a bâti une programmation dont les années 1960 sont le pivot : Zappa, Ligeti ou Nono entrent en résonance avec la création d’aujourd’hui. Par Hervé Lévy Photo de Patrick Berger (Cosmos 1969)

Dans différents lieux (Strasbourg), du 19 septembre au 6 octobre festivalmusica.org Cette saison L’Arsenal de Metz est à nouveau partenaire de Musica ; on retrouvera notamment Counter Phrases (26/09) et le récital de Hugues Leclère qui a demandé à dix compositeurs d’écrire une pièce qui s’intercalerait entre les Études pour piano de Debussy (02/10) – arsenal-metz.fr

Autour du musicien une rencontre, Le Polyfacétique Frank Zappa (19/09, BNUS) et la projection du documentaire Zappa : Eat That Question (19/09, UGC Ciné-Citér

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Voir Poly n°184 ou sur poly.fr

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uatre-vingt-huit œuvres de 70 compositeurs, dont 37 créations mondiales : Musica 2018 – dont c’est le 36e épisode – s’annonce comme un grand cru. Ex-fan des sixties, Jean-Dominique Marco a placé la décennie sous les feux de la rampe pour une édition très rock où les musiques savantes côtoient les sonorités populaires des Bootleg Beatles (06/10, Le Point d’eau, Ostwald) – des clones des Fab Four rejouant le mythique Album blanc – ou celles des enfants bâtards des années 1960 de Marquis de Sade (voir page 72). Autre grand moment 200 Motels, The Suites de Frank Zappa1 (21/09, Zénith), oratorio pop-rock porté à la scène pour la première fois par Antoine Gindt, description grinçante pleine d’autodérision de l’univers du rock où se croisent mélodies sirupeuses et échappées belles vers les univers de Berg ou Varèse. Dans le même esprit, on découvrira Cosmos 1969 (26/09, Le Point d’eau), spectacle où l’infatigable expérimentateur Thierry Balasse – qui s’était notamment plongé dans Messe pour le temps présent de Pierre Henry2 – imagine la bande-son de la mission Apollo 11. D’autres soirées plus contemporaines attendent le public, notamment avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et son direc-

teur musical Marko Letonja (04 & 05/10) qui assureront, avec la géniale virtuose Isabelle Faust, la création française de Follow me, concerto pour violon d’Ondřej Adámek. Cette page étrange explore une relation possible entre l’instrument soliste et la formation symphonique. Le compositeur tchèque la décrit ainsi : « Derrière la partition il y a une idée de relations diverses en évolution entre un guide et une foule. » Le premier « prononce une parole simple mais forte. Au début il est seul. Plus tard, des individus commencent à répéter la parole après lui. Puis une foule répète chaque mot, mais le détourne petit à petit, le déforme, le ridiculise », jusqu’à l’écraser et le faire disparaître. Voilà pièce permettant une réflexion sur l’Histoire. De retour sur le passé il est aussi question dans un concert sous casques intitulé Comme à la radio… (22/09, Palais universitaire, Strasbourg) : dans ce hörspiel, le producteur de radio, David Jisse crée une mosaïque de sons et de mots pour restituer la mémoire et la substance d’un festival qu’il fréquente depuis de longues années. Une belle manière de résumer le chapitre de Musica qui se clôt cette année, avant de redémarrer de plus belle en 2019 sous l’égide de son nouveau directeur, Stéphane Roth.


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sans étiquette Figure majeure de l’édition 2018 du Festival Musica, le compositeur italien Luca Francesconi demeure un artiste éperdument libre, refusant d’être « placé dans un tiroir ». Portrait. Par Hervé Lévy Photo de Philippe Stirnweiss

Controcanto de Luca Francesconi est à découvrir dans Counter Phrases (22/09, Le Point d’eau, Ostwald & 26/09, L’Arsenal, Metz), avant Dentro non ha tempo pour orchestre (29/09, PMC, Strasbourg), puis deux pages chambristes Mambo et Animus IIb (30/09, Salle de la Bourse, Strasbourg) festivalmusica.org Conversation avec Luca Francesconi (28/09, BNU) Il est le professeur invité de l’Académie de composition du festival dirigée par Philippe Manoury (24/09-06/10) academie.festivalmusica.org

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ans les fifties, la vie artistique milanaise est intense. Théâtre – avec le Piccolo Teatro de Paolo Grassi et Giorgio Strehler – ou musique, grâce au pionnier Studio di fonologia musicale di Radio Milano fondé par Luciano Berio et Bruno Maderna : c’est dans un bouillonnement bohème que grandit Luca Francesconi (né en 1956). Les musiques qu’écoute son peintre de père lui « traversent les oreilles. Je faisais danser mes petits soldats sur Le Sacre du printemps dirigé par Stokowski, tandis qu’ils se battaient sur un 33 tours de l’École de Vienne placé sous la baguette de Rosbaud », s’amuse-t-il. Le choc a lieu à quatre ans avec un concert du pianiste Sviatoslav Richter. Le jeune garçon rentre à la maison, proclamant : « C’est ce que je veux faire ! » Submergé par la vague rock, il splitte son apprentissage en deux avec, d’un côté, des « rencontres qui m’ont permis d’entrevoir un univers s’ouvrant au-delà de la surface des choses : Jimi Hendrix m’a révélé le blues comme base du rock et Miles Davis ouvert les portes du jazz », résume-t-il. En parallèle, il mène un cursus classique en marge du

conservatoire, « un lieu de pénitence, avec ses néons criards et sa pénombre patibulaire ». Ses admirations ? Berio dont il est assistant dans les eighties – Laborintus II fut un autre choc – et Stockhausen dont la création de Donnerstag aus Licht au Teatro alla Scala l’éblouit, en 1981. S’il ne désire pas « renoncer à l’histoire de la pensée occidentale analytique », il souhaite dépasser la « dichotomie entre le cerveau et le corps » trop souvent à l’œuvre dans le répertoire contemporain car la « musique est certes une construction rationnelle stricte, une architecture, mais également quelque chose d’éminemment mystérieux qui communique avec le corps, ce qu’une “vieille avant-garde” a tendance à oublier. » Celui qui refuse toute étiquette – brocardant ceux qui se bornent à « appliquer des formules » et récusant Charybde et Scylla que sont « académisme et maniérisme » – crée d’envoûtantes sonorités se nourrissant à de multiples sources vives, entraînant l’auditeur dans une zone située entre sons et sens, conscient et inconscient.



musique

le tour de france Plus de trente concerts sont au menu de la protéiforme 71e édition du Festival international de Musique de Besançon FrancheComté. Si d’étonnantes escapades sont prévues – avec notamment l’Orchestre national de Ukulélés (08/09) – le répertoire symphonique demeure au cœur d’une programmation également marquée par un tropisme français, centenaire de la disparition de Debussy oblige ! En résidence, le compositeur Éric Tanguy propose un surprenant échange avec le philosophe Michel Onfray (14/09), tandis que nombre de ses pièces sont données, qu’elles soient chambristes – comme son Quatuor à cordes n°2 par les filles de Zaïde (09/09) – ou symphoniques, telle sa Sinfonietta (16/09). Mention spéciale au concert 100% français de l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté (15/09) où voisinent Debussy (Prélude à l’après-midi d’un faune), Berlioz (ses Nuits d’été chantées par la mezzo Albane Carrère), Ravel (Le Tombeau de Couperin) et Tanguy. (H.L.) Dans différents lieux (Besançon), du 7 au 16 septembre festival-besancon.com

© Yves Petit

escapade viennoise On ne présente plus l’une des Rolls symphoniques de la planète, les Wiener Philharmoniker qui appartiennent au trio de tête européen avec, dans le désordre, Berlin et Amsterdam. Si la phalange n’a pas de directeur musical, elle entretient néanmoins un compagnonnage régulier avec certains chefs comme Herbert Blomstedt, monument de la musique classique. À plus de 90 ans, sa direction est d’une précision immense. Illustration avec un programme où se rencontrent la Symphonie n°7 d’Antonín Dvořák, – universellement tragique et romantique – et la Symphonie n°3 “singulière” de Franz Berwald. L’occasion de (re)découvrir le compositeur suédois et son œuvre emblématique, dont la structure est inhabituelle (puisque le scherzo et inséré dans le mouvement lent) : voilà une page pleine de sereine noblesse et pétrie d’une élégance toute schumanienne, mais un Schumann qui se serait perdu, halluciné, dans les grands espaces nordiques nimbés d’une lumière aveuglante si particulière. (H.L.) À La Philharmonie (Luxembourg), mercredi 26 septembre Au Festspielhaus (Baden-Baden), jeudi 27 septembre wienerphilharmoniker.at

© Lois Lammerhuber 78

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un barbier décoiffant Après Le Nozze di Figaro1 l’année passée, l’Opéra national du Rhin ouvre sa saison avec une autre adaptation de Beaumarchais : Il Barbiere di Siviglia de Rossini est mis en scène par PierreEmmanuel Rousseau.

Par Hervé Lévy Photo de Thomas Lang

À l’Opéra (Strasbourg), du 18 au 28 septembre À La Filature (Mulhouse), dimanche 7 et mardi 9 octobre operanationaldurhin.eu Rencontre avec PierreEmmanuel Rousseau, lundi 17 septembre à la Librairie Kléber (Strasbourg) librairie-kleber.com

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Voir Poly n°202 ou sur poly.fr

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Voir Poly n°203 ou sur poly.fr

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Vous êtes spécialiste d’un répertoire léger et pétillant : Il Turco in Italia et Le Comte Ory de Rossini, Viva la Mamma ! ou Don Pasquale (la saison passée, à Metz2) de Donizetti. Cette étiquette vous plait-elle ? Ce sont des cadeaux pour moi : de telles œuvres sont des mécaniques comiques de haute précision où il est possible d’aller plus loin dans la direction des chanteurs que dans d’autres opéras. Cela dit, j’ai le désir d’explorer également de nouvelles voies très différentes, rêvant, par exemple, de monter Peter Grimes de Britten, Powder Her Face de Thomas Adès ou encore Jackie O de Michael Daugherty. Qu’est-ce qui vous a séduit dans Il Barbiere di Siviglia ? La notion de divertissement, très clairement : il n’y a pas de honte à faire des spectacles populaires, joyeux et légers qui ne sont pas forcément parcourus d’un grand message. Dans ce Barbiere, l’arrière-plan politique de la pièce de Beaumarchais est totalement occulté par Rossini.

Quels sont alors les enjeux de l’œuvre ? Pour moi, il est impossible de faire abstraction des deux autres volets de la trilogie de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro et La Mère coupable. Si les personnages sont réduits à des stéréotypes chez Rossini, je les nourris de ces deux ouvrages. Le comte Almaviva n’est ainsi pas un jeune premier, mais un héritier cynique et blasé. Dans l’ensemble, personne n’est sympathique : tous les protagonistes sont égoïstes… et le plus égoïste de tous demeure Figaro. Comme dans les comédies italiennes de Dino Risi, plus les personnages sont dégoutants plus c’est drôle. Dans quel cadre avez-vous installé ce divertissement ? J’ai imaginé un palais délabré où l’escalier s’est effondré, dont portes et fenêtres sont murées. Dans une Espagne de pacotille, les personnages évoluent vêtus de costumes tout droit sortis d’un tableau de Goya – le seul peintre qui représente les membres de la famille royale d’Espagne avec leurs vrais traits, ceux de monstres – qui aurait mis les doigts dans la prise !



EXPOSITION

défrichage de talent(s) Le centre d’art contemporain dijonnais Le Consortium, qui a fêté son 40e anniversaire en 2017, présente sa troisième biennale internationale : L’Almanach 18. Visite.

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Par Claire Lorentz-Augier

Au Consortium (Dijon), jusqu’au 14 octobre leconsortium.fr

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reize artistes, treize propositions monographiques : ainsi s’articule L’Almanach 18 qui se déploie au rezde-chaussée de l’élégant bâtiment conçu en 2011 par Shigeru Ban. « Cette biennale se veut résolument sans thème particulier », expliquent Franck Gautherot et Éric Troncy, co-directeurs du Consortium. « Elle fait confiance au spectateur pour percevoir

lui-même le regard précis sur l’art de notre époque que composent ces treize propositions conçues par les artistes et les commissaires. » Le plus célèbre des peintres inconnus Le visiteur est accueilli par une installation vidéo réalisée par Cecilia Bengolea, véritable work in progress prenant la forme d’une performance participative filmée. Juxtaposant


EXPOSITION

les plans-séquences disparates (chorégraphies, scènes de rue, tempêtes, etc.), elle se déploie en un jubilatoire flow ininterrompu. Le parcours se poursuit avec l’œuvre photographique Sainte Beuve du philosophe et sociologue français Jean Baudrillard – qui fait l’objet cet été d’une exposition à l’Académie Conti de Vosne-Romanée – puis nous entraîne dans l’univers abstrait et contrasté de Luc Ming Yan, benjamin de l’exposition. Suit une belle redécouverte : celle de l’œuvre de Mati Klarwein qui se désignait comme « le plus célèbre des peintres inconnus ». Acteur incontesté de la culture pop des années 1960 / 1970, puisant aux sources du surréalisme et du mouvement psychédélique, il a réalisé des pochettes de disques pour Jimi Hendrix, Miles Davis ou Carlos Santana, mais est progressivement tombé « dans les limbes d’une contre-culture patchouli bienveillante. Sa posture de peintre appliqué l’avait banni des zones de l’art contemporain », poursuit Franck Gautherot. L’Almanach 18 participe à sa réhabilitation en présentant une sélection exceptionnelle de peintures aux couleurs kaléidoscopiques réalisées entre 1954 et 1999 : cinq portraits, trois paysages et une dizaine de compositions bibliques et mythologiques, dont une Crucifixion empreinte d’érotisme et une onirique Reincarnation of Vishnu qui a longtemps orné, dans son loft, la « chapelle Sixtine du psychédélisme ». Esprit pionnier Après avoir admiré la mise en scène peinte et construite de Nathalie Du Pasquier dans une belle salle ouverte sur la cour, puis goûté au dépouillement des sculptures de Martin Puryear et à des pièces « matérialistes, maniaques et dépressives » comme les décrit leur auteur, Renaud Jerez, le visiteur est confronté à l’impertinence assumée de Genieve Figgis. Elle poursuit son exploration de la conversation painting en réinterprétant certaines icônes de Watteau et de Fragonard. « C’est peu dire que son œuvre interroge très frontalement les notions de goût et de patrimoine », note Éric Troncy. « De manière plus oblique, la mise en exergue des fêtes galantes et du libertinage n’est pas si éloignée que cela de la fonction critique qu’on assigne aux pièces contemporaines », conclut-il. Oiseau-lyre et tresses de serpillères teintées, bâches vinyle et serpent à plumes, fausses tapisseries et fresques brossées à la craie : l’installation de Yann Gerstberger, jeune peintre français

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vivant à Mexico, est un vibrant hommage à la couleur et à ses pairs muralistes. Après cette découverte, place à la plus grande salle de L’Almanach 18 qui rassemble un ensemble significatif d’œuvres de Thomas Schütte dans lesquelles « la figure humaine est soumise à toutes sortes de distorsions. Peu de doutes subsistent quant à l’idée que se fait l’artiste de la misère des hommes et de la grandeur des femmes : la monumentale Aluminiumfrau n°17 (2009) d’aluminium et d’acier en fait l’éclatante démonstration », commente Éric Troncy. C’est sur les paysages faussement naïfs de Salvo, artiste majeur de l’avant-garde ayant fait le choix du figuratif, que se conclut cette biennale à l’esprit pionnier reflétant l’esprit animant Le Consortium, récemment salué par le New York Times comme « The French Museum that quietly predicts art’s next big thing ».

Le Consortium présente aussi l’ensemble de ses activités : édition (Les Presses du Réel), production cinématographique (Anna Sanders Films)

Légendes 1. Mati Klarwein, Walking on Water, 1961 2. Genieve Figgis, The surprise (after Fragonard), 2018 © Almine Rech Gallery

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ceci est mon corps Avec Corpus Baselitz, le Musée Unterlinden expose un ensemble inédit de 70 œuvres récentes de l’artiste allemand qui vient de fêter ses 80 ans. Il y montre de subtiles variations sur des corps usés par l’âge.

Par Hervé Lévy

Au Musée Unterlinden (Colmar), jusqu’au 29 octobre musee-unterlinden.com En partenariat avec le Goethe institut est organisé un cycle de conférences : Nu comme un peintre par Éric Darragon (13/09), Baselitz et la tradition du laid par Cathrin KlinsöhrLeroy (25/09) et Nous nous élèverons : les dernières œuvres de Baselitz par la commissaire de l’exposition Frédérique Goerig-Hergott (04/10) goethe.de Visites guidées les 23/09 et 28/10

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Voir Poly n°206 et 209 et sur poly.fr

Une manière de résoudre « le problème du tableau en tant qu’objet ». En plaçant ses motifs à l’envers, donc « en les représentant sans la signification qu’un objet peut avoir », il répond à une des missions essentielles de l’art : « Briser les conventions. Et la réalité n’est qu’une convention », résumait-il dans nos colonne en 2010 2

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près la très complète rétrospective récemment dédiée à Georg Baselitz (né en 1938) à la Fondation Beyeler et au Kunstmuseum Basel 1, sont exposées au Musée Unterlinden des pièces réalisées depuis 2014 : vingt-six peintures, une quarantaine de dessins et trois sculptures monumentales. « Je peins entre moi et moi-même et sur nous deux. Voilà. Et de temps en temps d’autres, comme Otto Dix, nous rejoignent », affirme-t-il. L’ombre anxiogène et amicale du peintre expressionniste semble en effet bien souvent planer sur la vieillesse de Baselitz qui l’a découvert en 1957 alors qu’il était « encore étudiant à Berlin. C’était sa première grande rétrospective, il était encore inconnu à l’époque » confie-t-il dans la cité même où il fut interné à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Danse macabre Si la représentation de son propre corps (et de celui de son épouse Elke) est un motif récurrent dans l’art de Baselitz depuis 1969, année où s’est opéré le grand renversement de la figure qui l’a rendu célèbre2, il en est aujourd’hui le sujet central. Unique et obsessionnel. Fondatrice fut la série de huit immenses toiles Avignon (2014), accrochée à la Biennale de Venise l’année suivante, ainsi nommée en référence aux expositions de Picasso, à la fin de sa vie, au Palais des Papes (1970 et 1973) unanimement qualifiées de “pathétiques barbouillages séniles” par la critique de l’époque. Manière de s’interroger sur sa place dans le monde de l’Art et de se demander s’il est encore in ou devenu out, elle marque le point de départ d’une réflexion plus profonde sur l’inévitable décrépitude des chairs et l’inéluctable finitude de l’être humain qui se déploie avec magnificence à Colmar. La mort est présente, tapie. La vie clignote, malmenée mais inextinguible. Des corps immenses et livides, seuls ou en couple, dont les têtes sont souvent

absentes se détachent dans des halos clairs – blancs, jaunâtres, voire rosés – sur fond de charbon. Sont parfois perceptibles des réminiscences de toiles antérieures comme Der Nackte Mann (1962) qui entre en résonance avec Abwärts I (2016) : si le corps demeure tourmenté rappelant curieusement les complexions de Francis Bacon, la triomphante érection des sixties a été remplacé par un sexe définitivement flaccide. Gisants contemporains En arpentant les salles, le visiteur est environné d’ectoplasmes. Voilà ce que sont les ironiques Héros devenus : débarrassé de toute connotation politique, le corps se présente désormais dans sa totale nudité. Elle se déploie dans une étonnante diversité. Thème et variations. Des gigantesques fantômes fuligineux – où des peaux scarifiées semblent s’attacher désespérément à l’os – flottant dans le néant (Dystopische Glocken, 2015) aux dessins énergiques d’hommes en marche, encore décidés (l’ironique Young man descending, 2016), en passant par des toiles darkissimes où les formes humaines se distinguent à peine, noyées dans le noir (Di nuovo arrivato, 2015) : Baselitz interroge le grand âge avec une intense crudité et une bienveillante cruauté dans un subtil jeu de références. Sont ainsi convoqués Cranach, Duchamp, Fontana, Richter, Dubuffet, Dix évidemment, mais aussi Matthias Grünewald dont le Retable d’Issenheim est visible à quelques mètres des salles de l’exposition. « Lorsqu’on voit de tels tableaux il ne faut pas supposer que Grünewald était religieux. À l’époque, chaque tableau était réalisé dans un contexte religieux », rappelle le peintre allemand. Dans les gisants de Baselitz – pas si éloignés que cela de Mantegna –, aucune croyance, ni transcendance ne se manifestent, même si une lumière irradiante signale bien souvent la possibilité d’une résurrection.


Georg Baselitz, La Rivoluzione di dietro, 2015, collection particulière © Georg Baselitz 2018 Photo : Jochen Littkemann, Berlin Poly 212

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EXPOSITION

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le changement perpétuel À la Fondation Fernet-Branca se déploie une exposition collective explorant L’Impermanence. Cinq artistes y proposent un éloge du mouvement.

Par Hervé Lévy

À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), jusqu’au 30 septembre fondationfernet-branca.org

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râce à l’impermanence, tout est possible. La vie elle-même est possible. Si un grain de blé n’était pas impermanent, il ne pourrait se transformer en tige de blé. Et si la tige de blé ne l’était pas, elle ne pourrait jamais produire l’épi de blé que nous mangeons », écrit le moine vietnamien Thích Nhất Hạnh pour définir un principe clef du bouddhisme. Ce concept « désigne non seulement ce qui ne dure pas, mais aussi que tout est en perpétuel changement », résume Pierre-Jean Sugier, directeur de la Fondation Fernet-Branca qui a commissionné cette excitante exposition. « Ce n’est

pas la finalité, l’extinction, que l’impermanence évoque, mais bien un monde en mutation, en évolution dans le temps. Ce mouvement nous le retrouvons dans la nature, la flore, la faune et le minéral et le regard que nous posons sur le monde nous permet aussi d’appartenir à ce même élan », poursuit-il. Minéral & animal Dans l’étendue argentée de trois plaques d’aluminium se découvrent, délicates et diaphanes, les nervures architecturées avec finesse de feuilles d’arbre rongées par des insectes : le triptyque Magnolia macrophylla


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– Les Masques de Léa Barbazanges fait écho à ses Cristaux translucides, étonnants hybrides entre univers minéral et efflorescences organiques. Confrontant les matières et les formes elle montre que rien n’est immuable, même si au premier regard, il serait possible de croire ces fossiles contemporains complètement pétrifiés. Ici, le temps est suspendu entre deux éternités, comme chez Céline Cléron dont le travail est irrigué par « une tension entre ce qui est figé et ce qui est en mouvement », explique-t-elle. C’est un temps arrêté qu’elle capture comme dans Une Minute de latitude (maquette en bois d’une caravelle du XVe siècle, incongrument posée au sommet d’un toboggan, saisie à l’instant fractal, juste avant la descente) et L’Horizon des événements. Dans cette alliance de la lenteur et de la vitesse, de la mort et de la vie, un squelette de couleuvre se métamorphose en rails d’un improbable manège de luna-park. Matières en transition, tentative de fixer l’impermanence qui « comme le sable, file entre les doigts » : avec ses herbiers polymorphes, Marie Denis fait écho au Chant des Possibles, magnifique installation de Stéphane Guiran. Dans un espace démultiplié par des miroirs se déploient 600 cristaux organisés autour d’une graine originelle. Fécondée, elle a généré cet immense tapis : accompagné par des improvisations musicales déclenchées de manière aléatoire, l’esprit vagabonde, libre et sans attaches, dans cet océan de lucioles. « Les sens en apesanteur goûtent les embruns du silence. Là, dans l’intimité de l’Être, au cœur de l’impermanence, s’élève en secret Le Chant des Possibles », résume le plasticien.

Végétal Enfin, se découvrent les œuvres de Philippe Lepeut. Entre hyper raffinement et absolue précision des formes et des matériaux, elles montrent que « tout se transforme et circule d’un état à l’autre », affirme le plasticien, faisant explicitement référence à Lavoisier. Mais plutôt qu’au chimiste français, on préfèrera se tourner vers l’antique Héraclite dont la philosophie est fondée sur le flux et la métamorphose perpétuelle (« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve »). Invitant à la contemplation sereine – voire joyeuse –, ses pièces, entre lesquelles circule une puissante énergie, sont organisées autour d’une installation de cristal de roche évoquant autant le caractère scientifique de L’Expérience de la goutte de poix1 qui lui donne son nom que les réflexions esthético-zen de Moebius. L’ensemble est une paradoxale « célébration de l’impermanence » qui se manifeste dans les liens existant entre les éléments et les structures, « toujours en mutation de sens et de forme ». Illustration avec Les Reprises, où des minéraux sont posés sur des étagères de bois précieux (de rose, d’ébène, etc.) : fluorite, fulgurite ou pyrite côtoient des créations imaginaires comme la Dürerite, pierre de la mélancolie rappelant le polyèdre du célèbre tableau. À côté d’eux se découvre Image, installation murale composée de 120 aquarelles A4 – dont les composantes sont de discrets clins d’œil aux Iris de Patrick Neu2 – en forme de variation plastique et chromatique sur l’existence : devant nos yeux éclate le cycle de vie d’une fleur qui ne semble pas avoir de fin.

Légendes 1. Philippe Lepeut, Image (détail) © Fondation Fernet-Branca 2018 2. Stéphane Guiran, Le Chant des Possibles (détail) © Fondation Fernet-Branca 2018

Elle vise à mesurer l’écoulement d’un fragment de poix sur de nombreuses années. Sa version la plus célèbre est celle de Thomas Parnell (1927) dont le but était de démontrer que certaines substances d’apparence solide sont en réalité des fluides de très haute viscosité

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2 Depuis les années 1990, le plasticien installé à Meisenthal capture la floraison des iris durant deux semaines, chaque printemps, dans de fascinantes aquarelles

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salut les coopains Des ateliers d’artistes dans d’anciens ateliers, un FabLab dans une menuiserie ou un lieu de conservation de pièces muséales dans un magasin de stockage… Tout ça est d’une logique imparable. C’est la méthode Chemetoff ! Découverte du futur visage de la Coop – sur le site du Port du Rhin – en compagnie de l’architecte-urbaniste-paysagiste du projet, Alexandre Chemetoff.

Par Emmanuel Dosda Croquis d’Alexandre Chemetoff et photo d’Arnauld Duboys Fresney (hangar bois)

strasbourgdeuxrives.eu Conférence avec Alexandre Chemetoff et l'écrivain JeanChristophe Bailly avec pour thème Prendre place dans la ville, 25/10 à la HEAR (Strasbourg), dans le cadre des journées de l’architecture (voir p. 90) Retrouvez l’entretien avec Alexandre Chemetoff sur le site poly.fr

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u quartier du Heyritz jusqu’à Kehl en Allemagne : 250 hectares sont en mouvement. Strasbourg – ville fluviale et portuaire, on l’oublie trop souvent – se rapproche encore du Rhin et reconvertit la friche du site de la Coop (installée en 1911 au Port du Rhin) en vaste espace de vie où cohabiteront activités du port autonome et habitants, artistes et commerçants. La ligne directrice de ce parc urbain, selon Alice Frémeaux, responsable du développement de la Société Publique Locale Deux-Rives
 : « Une approche sensible de l’existant et l’inscription d’un nouveau quartier sur un territoire, en respectant une typologie de formes typiques (toitures, façades…) : en aucun cas, il s’agira de construire une ville Ikéa, générique. » Les architectes ont été conviés à observer, à s’inspirer et redonner vie à un riche patrimoine matériel et immatériel, soit un modèle économico-social coopératif dont il faut préserver l’esprit. Comment ? En destinant un grand nombre de bâtisses à des projets liés à la création artistique ou à l’économie solidaire et en exigeant une mixité programmatique d’une zone où cohabiteront ateliers de maintenance (notamment de Batorama), logements, restaurants, brasserie, salle polyvalente, réserves des Musées… Pour mener à bien ce projet, il fallait un pilote de la trempe d’Alexandre Chemetoff, controlfreak auquel on doit l’Île de Nantes, exemplaire en matière d’aménagement d’une zone en friche au cœur de la cité. À Strasbourg, le projet de la SPL Deux-Rives, qui ouvre la ville sur l’Allemagne, se composera de 4 700 logements et 130 000 m2 d’activités économiques, il inté-

grera 50% de constructions neuves et 50% de réhabilitations. Pour celles-ci, la star de l’urbanisme a planché afin de trouver des correspondances entre des activités et des lieux existants, « en les transformant le moins possible pour qu’ils soient conformes à leur affectation. » Ainsi, le double et immense Garage va (fin 2019) accueillir une trentaine d’artistes de La Semencerie. La vaste structuresimilaire à celle des actuels ateliers des “semeurs”, près de La Laiterie, se prêtera à merveille aux expérimentations et installations (parfois monumentales) des plasticiens qui après leur labeur pourront vaquer au Café musical, dans la même bâtisse. Les associations Central Vapeur (promotion de l’illustration) ou Accélérateur de Particules (art contemporain) s’installeront également ici et pourront bénéficier d’un jardin ou encore d’un espace d’exposition. Un peu plus loin, le Bâtiment de l’Union sociale (8 200 m²) accueillera les réserves des musées strasbourgeois ou encore un atelier pédagogique où l’on pourra recevoir du public. Au rez-de-chaussée, une vitrine permettra de rendre visible un certain nombre d’œuvres, « comme un magasin d’antiquités ». Alexandre Chemetoff poursuit sa logique : « Ce bâtiment de stockage de riz, de sucre ou de farine gardera la même fonction, sauf qu’il s’agira de toiles ou de sculptures. » Et de désigner le bâtiment adjacent, l’ancienne Cave à vin (12 500 m²) dont la salle d’embouteillage deviendra salle de restauration. « On ne change pas totalement de fonction : on se sert des lieux et de leurs qualités pour les adapter à de nouveaux programmes. »


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utopie franco-allemande Résonances, les grandes ondes de l’utopie est une exposition accompagnée de réalité virtuelle, de workshops et d’un cycle de conférences autour de l’architecture française d’après-guerre dans la Sarre. Interview de Volker Ziegler, co-commissaire.

Par Thomas Flagel

Au Pingusson-Gebäude (Sarrebruck), du 29 septembre au 30 novembre resonanzen.eu deutscher-werkbund.de saarland.de k8.design Workshop international consacré à l’histoire de la construction de toits suspendus en béton “Au-delà des limites, travailler avec des voûtes en berceau”, du 11 au 13 octobre à l’ancien Centre émetteur d’Europe 1 (Berus, près de Sarrelouis)

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De quelles utopies de reconstruction architecturale témoignent les bâtiments présentés dans l’exposition ? Des équipes d’urbanistes français ont travaillé à Sarrebruck du temps du gouvernement français en Sarre. Elles ont produit des plans de ville novateurs. Sarrebruck est la réunion de trois petites villes au début du XXe siècle. La volonté après-guerre a été d’en faire la capitale régionale. D’où l’appel à GeorgesHenri Pingusson, dont le chef-d’œuvre est l’hôtel Latitude 43 à Saint-Tropez, avec un plan fonctionnaliste s’inscrivant dans la droite lignée de la charte d’Athènes. Son plan établissait un nouveau centre-ville – par ailleurs détruit par la guerre –, proche de ceux du Havre de Perret mais aussi des idées du Corbusier. Il s’étalait sur plusieurs décennies, loin de l’urgence pragmatique de la population locale qui voulait de nouveaux logements et commerces rapidement. Dès que les instances régionales ont repris le pouvoir sur le Land, elles ont abandonné ce plan. Une autre utopie

remarquable est celle de Sarrelouis, fortifiée par Vauban un peu comme Neuf-Brisach. Edouard Menkès a planché sur un plan inventant une nouvelle relation entre industries, activités et habitants. La maquette exposée n’eut, elle aussi, pas de suite. N’oublions pas que c’étaient des propositions urbanistiques de l’occupant. Si elles étaient utopistes, ces tentatives recelaient de bonnes idées, notamment à Sarrebruck avec la volonté d’équiper différents quartiers, de créer un centre digne d’une véritable capitale et d’ordonner des espaces verts et de circulation en retournant la ville sur sa rivière, la Sarre. Un espace qui fut nié puisqu’une autoroute la longe en passant en plein centre ! Au début des années 2000, la volonté de l’enfouir a pris de l’ampleur, preuve que Pingusson avait vu juste en voulant la faire contourner par l’extérieur soixante ans avant. Quelles sont les différences esthétiques ou politiques entre architectes français


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et allemands à l’époque ? Surtout politiques car certains architectes allemands ont flirté avec le nazisme. Côté français, les chantiers de la reconstruction après-guerre dépendaient d’un Ministère aux idées proches du mouvement moderne alors qu’en Allemagne, selon les villes et régions on penchait du côté des modernistes ou des traditionnalistes. Les chantiers mosellans ont été enrichissants au niveau des idées pour les architectes allemands et la Sarre permettait aux français beaucoup d’audace grâce à la seule tutelle du gouvernement militaire sur le territoire. Résonances fait écho à Interférences, expo du Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg en 2013 qui montre les relations complexes entre les deux pays. Mais entre 1945 et 1965 se construit ici une architecture européenne. Vous faites aussi des focus sur des lieux phares… Il y eut des réussites comme l’ancienne ambassade de France à Sarrebruck, le seul bâtiment réellement construit par Pingusson. Elle n’a fonctionné que six mois, entre 1954 et 1955 avant de devenir le ministère de la culture de Sarre. Les Sarrois n’aimaient pas son style un peu brutaliste, mais son magnifique jardin pourrait aujourd’hui être ouvert comme un parc de quartier. Le problème est que l’autoroute passe entre lui et la Sarre ! Il y a aussi le Centre émetteur d’Europe 1. Les radios privées devaient alors émettre depuis l’étranger, d’où son installation sur une colline surplombant la frontière, près de SarreLouis. Une halle de béton avec une immense

façade vitrée en forme d’huître. Aujourd’hui devenu inutile, le bâtiment contient tous les câbles et autres transistors d’époques. Nous organisons des workshops et des concerts à l’intérieur pour stimuler la réflexion sur son avenir. Les églises de Sarre et de Moselle ont été massivement détruites : une quarantaine d’édifices remarquables, sans nef ni plan en forme de croix, souvent de forme circulaire avec le chœur au centre. Pingusson lui-même en a signé quatre.

Légendes 1. L’ambassade de France à Sarrebruck, Pingusson Bau, 1952-1955 © Heiko Lukas 2. Centre émetteur d’Europe 1 © Marco Kany

Quelles sont les failles de ces utopies, leurs échecs ? L’urgence était l’habitat. Des modèles d’habitat d’urgence ont émergés comme les préfabriqués métalliques de Prouvé. Ce sont aujourd’hui des pièces de collectionneurs. Ils n’ont pas été massivement utilisés. On est critiques sur les années 1950 avec le logement de masse, autant de quartiers aujourd’hui problématiques, déconstruits, recomposés. La production en série sans penser aux espaces entre les logements et en imaginant un milieu social stable était une erreur... Avec K8, vous tentez de renouveler la médiation culturelle en innovant, loin des simples cimaises et vitrines… Nous ne voulions pas d’une exposition classique et nous sommes questionnés sur la manière d’approcher le public d’aujourd’hui en multipliant les médiums. K8 a travaillé sur de la réalité virtuelle avec d’immenses touch pads, manipulables à plusieurs mais aussi avec écrans et tablettes.

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un horizon infini Pour leur 18e édition, les Journées de l’Architecture, festival entre Allemagne, France et Suisse, invitent Odile Decq à signer la conférence inaugurale. Entretien avec une esthète, cultivant sa liberté et son indépendance.

Par Thomas Flagel

En Alsace, dans le Bade-Wurtemberg et les cantons de Bâle, du 28 septembre au 31 octobre europa-archi.eu

Légendes 1. Portait d'Odile Decq © Franck Juery 2. Tangshan Museum © Odile Decq & Zhu Jie 3. Saint-Ange © Odile Decq & Roland Halbe

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Qu’évoque pour vous le thème des JA 2018, Ensemble(s) ? J’y ai peu réfléchi encore, ayant pour habitude d’écrire mes interventions au dernier moment, la veille ou dans le train. Mais cet Ensemble(s) évoque pour moi notre qualité d’êtres humains n’ayant pas d’autre choix que de collaborer, échanger, communiquer et faire ensemble. Nous ne pouvons vivre isolés, mais avons le droit de ne pas vivre ensemble ! La beauté de la démocratie est qu’elle nous permet d’avoir le pouvoir de partager les choses, même si chacun n’a pas la même façon de voir ou de penser. D’où l’importance du dialogue dans notre société. À cause des social networks, cette addition d’individus faisant croire en des échanges et des connections perpétuelles, s’introduit et s’impose une opinion moyenne qui n’est ni de l’échange, ni représentative de grand chose. Les Journées de l’Architecture, en tant que festival transfrontalier, donne corps à une relation francoallemande importante dans cette Europe qui change. En architecture, nous faisons avec et pas contre. Pas en fonction de la moyenne générale mais en prenant appui sur le fait que les gens en face de nous sont intelligents. Je fais partie de ceux qui détestent lorsque les

architectes disent que leurs clients sont des imbéciles. Notre travail est d’œuvrer avec des ingénieurs, des clients, des concepteurs, des artisans, des publics… Vous êtes une architecte à laquelle on accole assez facilement le terme d’iconoclaste, de rebelle. C’est justifié ? Je déteste qu’on m’oblige à suivre le même chemin que les autres ou à rentrer dans une case. Même lorsque je traverse les rues, c’est à l’oblique, loin du droit chemin des passages piéton. On me dit rebelle car j’ai le culot d’exprimer mes opinions quoi qu’il arrive et de faire ce que je veux. Le fait d’être une femme dans un monde d’hommes ne doit pas aider. Les architectes sont encore peu à être reconnues par la profession (Zaha Hadid, Kazuyo Sejima, Jeanne Gang, etc.) et celles connues du grand public tiennent sur les doigts d’une main… Peut-être sur deux mains, soyez gentil (rire). Être une femme est comme ailleurs, encore plus dur. J’ai très souvent subi cela, par exemple arrivant deuxième à un grand concours, on me dit : « C’est déjà pas mal


Architecture

pour une femme ! » Ou alors quand je n’ai pas été retenue dans une short-list : « On avait déjà pris une femme. » Je suis devenue revendicatrice du féminisme avec le temps : récemment à Venise, nous avons initié une flash-mob qui a réunit près de 200 personnes pour dénoncer ces discriminations et la persistance du plafond de verre. Les journalistes n’en ont quasiment pas parlé. En France, on me rétorque à tort que ce combat est dépassé, arguant que les femmes sont nombreuses dans les écoles et les cabinets d’architecture. Vous avez créé votre propre école à Lyon, le Confluence Institute for Innovation and Creative Strategies in Architecture, pour bousculer les enseignements traditionnels. En quoi l’approche du métier que vous proposez est-elle différente ? Je n’ai rien voulu bousculer, j’ai simplement proposé ce en quoi je crois. Les étudiants ont changé alors même que les écoles restent centro-centrées sur des enseignements hérités du XIXe, parfois doctrinaires et fonctionnant souvent sur une transmission pyramidale. Or, mon analyse de l’enseignement et de la pédagogie dans des écoles du monde entier montre à quel point les choses peuvent se faire autrement. Cette génération digitale d’étudiants 2.0 et 3.0 mémorise différemment les choses car une partie est stockée dans leurs ordinateurs. Leur concentration est plus courte, les cours magistraux ne fonctionnent plus. Que cela nous plaise ou non, nous devons nous y adapter car l’architecture est une culture pour agir sur le monde. Et dans les décennies qui viennent, ces étudiants devront le penser pour le modifier. Les étudiants actuels veulent fabriquer, ils aiment toucher et comprendre, sont plus pragmatiques que nous à notre époque, tout en ayant moins de vision du monde. Pour autant, il convient toujours de réfléchir, penser, concevoir puis fabriquer. À nous de leur donner de quoi s’attaquer aux grandes idées pour traduire comment ils veulent que les humains vivent ensemble à l’avenir. Cela correspond à votre approche décloisonnée, vous qui êtes tout autant designeuse, artiste qu’urbaniste et architecte… Donner à des étudiants cette liberté est indispensable. D’ailleurs les étrangers s’intéressent beaucoup à mon école car ils savent que cette approche les fera bouger. Le Royal Institute

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of Britsh Architects vient de reconnaître notre formation. Pour une école privée, être accréditée au bout de trois ans est exceptionnel. Je suis fière de notre petite école expérimentale qui se réinvente sans cesse, comme une tête chercheuse. À l’instar du Musée d’Art contemporain de Rome, du périscope de Saint-Ange avec sa vue sur Grenoble ou du Greenland Pavilion de Shangai, vos constructions ont des accents et des rondeurs futuristes… J’ai une grande culture des objets industriels (bateaux, avions, voitures, design…) et une curiosité sans borne. Je n’ai d’ailleurs jamais été formée pour être architecte, travaillant dès mes études de manière indépendante, dans mon agence. Je ne sais si c’est futuriste, je fais ce que je veux, je sens les choses et chaque projet est une aventure. Nous conservons toutes nos maquettes d’étude, ce qui en fait 700, mais je ne regarde jamais derrière moi. Je suis tournée vers l’avenir, ne pratique pas l’introspection et laisse l’analyse à d’autres.

Les Conférences des JA Soirée d’ouverture avec Odile Decq pour conférencière, vendredi 28 septembre au Zénith de Strasbourg (18h30) entrée gratuite sur réservation à inscription@ja-at.eu Conférence du norvégien Kjetil Trædal Thorsen autour du “People Process Project”, vendredi 19 octobre à La Fonderie de Mulhouse (18h30, suivi d’une fête au bar le NoMad) Soirée de clôture avec une conférence de l’américain Daniel Libeskind (en anglais traduit en simultané en français), mercredi 31 octobre à l’Oberrheinhalle d’Offenburg (suivie d’une fête) entrée gratuite sur réservation à inscription@ja-at.eu

Vous n’avez pas de rêve d’architecte ? Non car tout ce que je n’ai pas encore fait m’intéresse. J’aime les premières fois avec un appétit sans bornes. Je suis trop curieuse, dotée d’un horizon trop large pour avoir des rêves. Sinon une fois réalisés, que ferais-je ? Poly 212

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papilles et gambettes À l’occasion de la deuxième édition de Vélo Gourmand organisée par l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, Julia Wyssling, chargée de projet culture, jeunesse et tourisme, nous confie comment en profiter pleinement.

Par Amélie Zimmermann Photo de Julia Wyssling / © Eurodistrict Strasbourg-Ortenau

Le circuit passe entre les villages de Herbsheim, Rossfeld, Witternheim, Neunkirch, Friesenheim, Kappel-Grafenhausen, Ettenheim, Rhinau et Boofzheim. Dimanche 30 septembre, entre 10h et 17h eurodistrict.eu

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i le circuit de 40 kilomètres à vélo entre Allemagne et France fait découvrir la région de l’Eurodistrict aux habitants, c’est surtout une occasion, entre deux coups de pédale, de se lécher les babines. Chacun des neuf villages propose une gastronomie originale préparée par les associations, les producteurs, commerçants et restaurateurs locaux. L’édition 2018 est placée sous le signe des fruits et légumes : « Il y aura par exemple des nems à la choucroute, des soupes, tous

les produits de saison récoltés sur place, des crêpes à la compote de pommes, des jus de fruits et de légumes… » atteste Julia Wyssling. Et pour digérer avant de repartir, de nombreuses animations seront mises en place, entre fanfares orchestrales, spectacles et visites de fermes, ateliers de jeux pour les enfants. Le circuit s’emprunte comme bon vous semble. Entre 10h et 17h, sans inscription et gratuitement, il est possible de rejoindre ou de quitter la boucle à partir de la ville de son souhait. Le parcours est entièrement fléché et des agents ainsi que des stands d’information sont à disposition dans toutes les communes participantes. Des vélos sont mêmes louables sur place. Cette sortie dominicale remplira donc les estomacs en roue libre (en comptant au même rythme le nombre de kilomètres et de calories), mais c’est une autre finalité qui la motive selon Julia Wyssling. « Cet événement fédérateur regroupe les habitants français et allemands en les faisant se rencontrer et découvrir la culture et la langue du voisin » affirme-t-elle. « Ce rapprochement est au cœur du projet : fonder le sentiment d’appartenir à un même bassin de vie pour se sentir proches. » Et c’est pour cette raison que son étape préférée du circuit est « la traversée du Rhin avec le bac qui relie la France et l’Allemagne, et qui sert de trait d’union au Vélo Gourmand de l’Eurodistrict ».



GASTRONOMIE

la vie est ainsi fête À quelques encablures de Saverne, le Kasbür propose une excitante expérience gastronomique avec la cuisine d’Yves Kieffer, véritable parenthèse enchantée. Par Hervé Lévy Photo de Benoît Linder pour Poly

Le Restaurant Kasbür est situé 8 rue de Dettwiller à Monswiller. Fermé dimanche soir, lundi et mardi toute la journée. Menus de 25 € (en semaine, au déjeuner) à 95 €. restaurant-kasbur.fr

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ne vue paisible. Champs et collines s’imbriquent avec douceur dans un moutonnement harmonieux : la terrasse du Kasbür, assurément une des plus belles d’Alsace, est un havre de paix. C’est là qu’Yves Kieffer nous narre son aventure démarrée en 1999 avec son épouse Béatrice et récompensée en 2013 par une Étoile au Guide Michelin. Il a repris, restauré et complètement repensé la ferme de son arrière-grand-père : « Le nom Kasbür (le paysan au fromage, NDLR) est un hommage à son travail. » Auparavant, le chef était passé par les meilleures maisons, de la mythique Tour d’Argent de la fin des années 1980 (trois Étoiles avec Manuel Martinez « qui m’a appris les grands classiques de la cuisine française, les sauces en particulier ») au temple de la gastronomie diététique qu’était l’Hôtel Cosmos de Contrexéville dans les nineties. Mais son mentor se nomme Marc Meneau, génial autodidacte, « inventeur inlassable, la tête plongée dans les livres des maîtres anciens ». Avec ces héritages multiples, il crée son identité culinaire faite de simplicité, de générosité et d’élégance dans laquelle « la technique est

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au service du goût, sans jamais s’imposer ». Natif du coin, l’écrivain épicurien Gérard Oberlé – dont nous avons amicalement emprunté le titre d’un livre pour cet article – est un compagnon de route de la maison. Séduit lui aussi par une sarabande de saison où se découvre une tomate-mozza’ reloaded : dans une palette de couleurs estivales, de goûts et de textures, une pana cotta à la mozzarella di Bufala joue, mutine, avec un granité au citron et laurier conférant un peps acidulé à l’ensemble. Dans le même esprit, est proposée une tarte flambée new style où de parfaites cuisses de grenouilles remplacent les lardons, tandis qu’une aérienne espuma de bibeleskäs se substitue avec bonheur à la crème fraîche. Rajoutez une poignée de mignonettes girolles et une pincée de cresson pour créer une véritable fête en bouche. Après quelques heureuses circonvolutions – dont une exceptionnelle soupe de poissons de roche –, nous en venons au “dessert signature” de la maison, froid et rafraîchissant concentré d’Alsace : une glace au Picon servie dans un verre à bière avec réduction d’orange et spoom à la Meteor qui fait office de mousse.



UN DERNIER POUR LA ROUTE

un travail de romain Par Christian Pion

Bourguignon, héritier spirituel d’une famille qui consacre sa vie au vin depuis trois générations, alsacien d’adoption, fan de cuisine, convivial par nature, Christian Pion partage avec nous ses découvertes, son enthousiasme et ses coups de gueule. Domaine Alain Gras domaine-alain-gras.com Domaine Henri & Gilles Buisson domaine-buisson.com Domaine Christophe Buisson christophe-buisson.com

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our dénicher ce village remarquable situé en retrait de la Côte de Beaune au niveau de Meursault, partagé entre Saint-Romain-le-Bas et Saint-Romain-leHaut, il est nécessaire d’emprunter une petite route depuis Auxey-Duresses. Il se découvre dans son jus, charmant et sublime par sa simplicité invitant à un cheminement paisible. Les domaines se succèdent de part et d’autre de la rue principale et invitent à déguster leur production de nectars rouges et blancs. Les vins de Saint-Romain n’ont cependant pas toujours eu la faveur des amateurs de Bourgogne qui leur reprochaient un manque de maturité et un caractère souvent marqué par une verdeur rustique, en particulier pour les millésimes froids. Les bouteilles se vendant peu cher, les vignerons étaient contraints de produire en volume pour survivre. Depuis les années 1960, l’ensemble des vignerons de cette appellation alors en difficulté a décidé d’appliquer la même exigence qu’à Meursault. La diminution des rendements, le choix judi-

cieux de vignes plus qualitatives, le travail des sols, l’application ferme de traitements respectueux de l’environnement ont fait la réputation grandissante de cette appellation un peu canaille. Les blancs issus du chardonnay sont toujours frais, francs, floraux et citronnés. Ils sont droits comme des “I”, font saliver et accompagnent à merveille ces plats tout simples qui sont les fondements de la gastronomie régionale : jambon persillé, escargots ou oreilles de cochon confites. Les rouges pimpants et framboisés ont le fruit facile et la gourmandise des vins de soif qui brillent dans vos verres autour d’une potée ou d’une andouillette. Accessibles dès leur première année (et vendus entre 15 et 20 € la bouteille), ils gagnent souvent en douceur à passer quelque temps en cave… Un dossier a été déposé par le syndicat de l’appellation auprès des instances autorisées (l’INAO) pour un classement d’une partie du vignoble en premier cru, ce qui constituerait une juste récompense pour le travail de romain entrepris par l’ensemble des vignerons solidaires !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

Visite dans le village bourguignon de Saint-Romain avec son vignoble d’altitude, AOP depuis 1947, grâce au travail acharné d’un groupe d’irréductibles viticulteurs rappelant les célèbres Gaulois d’Armorique.




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