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L’amour au révélateur

À Dijon se déploie l’iconique mise en scène signée Ivo van Hove du Journal d’un disparu, complété par des mélodies d’Annelies

Van Parys écrites en écho à l’œuvre de Janáček.

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Par Hervé Lévy – Photo de Jan Versweyveld

Metteur en scène de génie – avec notamment les sensationnels Damnés , présentés avec les comédiens du Français en Cour d’honneur pendant le Festival d’Avignon, ou une Clemenza di Tito remarquée à La Monnaie de Bruxelles –, Ivo van Hove transpose dans les années 1970 Le Journal d’un disparu de Leoš Janáček, œuvre de 1917 pour ténor, contralto, chœurs féminins et piano. Sur la partition plane la passion impossible d’un compositeur de 63 ans (marié qui plus est) pour Kamila Stösslová, de 38 ans sa cadette, à qui il écrivit plus de 700 lettres enflammées. Des fragments de cette correspondance sont du reste intégrés à cette production prenant pour cadre un laboratoire photographique avec agrandisseur, bains chimiques et autres lumières inactiniques. Janik est en effet devenu un photographe en vogue, qui tombe éperdument amoureux de la gitane Zefka et va tout quitter pour elle. Ce cycle de 22 Lieder sur des poèmes anonymes, écrits en dialecte valaque, est ici augmenté d’une partition parallèle intitulée Tagebuch (”Journal intime”), donnant voix à la jeune fille et signée Annelies Van Parys. Zefka devient alors une protagoniste à part entière du drame – qui s’interroge sur les conséquences de ses amours avec un gadjo – et non plus uniquement un espace de projection mentale pour le personnage masculin. « Dans cette perspective, la femme regarde donc aussi au lieu d’être simplement regardée. On peut y voir une forme d’émancipation, où le personnage féminin s’arroge sa propre image dans les yeux de l’homme et impose ainsi sa propre vision », souligne le dramaturge Krystian Lada. Et de compléter : « Le scénariste et réalisateur Michelangelo Antonioni, à travers ses films, a été l’une de nos sources d’inspiration. Dans notre mise en scène, le rôle masculin initial de Janáček a été scindé en un acteur et un chanteur, ce qui crée deux dimensions temporelles : celle du présent et celle du passé. Un homme à la fin de sa vie se rappelle un amour impossible via une version plus jeune de lui-même, mais se perd à la frontière de ce qui s’est effectivement passé et de ce qui se passe dans sa tête. » Au final, « c’est l’ensemble de ces composantes très variées qui vont permettre de donner une résonance actuelle à une histoire très marquée par l’esprit européen du début du siècle passé », explique Ivo van Hove, qui livre ainsi une réflexion plus globale sur le monde, le déracinement, l’aliénation et la différence.

Au Grand Théâtre (Dijon) mercredi 8 et jeudi 9 mars opera-dijon.fr – tdb-cdn.com

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