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Le grand blanc

Le Musée Courbet part à la recherche du Sens profond du blanc , permettant de (re) découvrir l’art délicat de Jean Ricardon, qui en arpenta les mille et une nuances.

Par Hervé Lévy

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Si l’on recherche les origines de la fascination pour le blanc de Jean Ricardon (1924-2018), il importe de replonger dans l’enfance d’un fils d’entrepreneur en plâtrerie / peinture en bâtiment, qui rêva très tôt « de marcher sur un sol blanc », sans doute envoûté par les paysages enneigés de son Jura natal. Une première section rassemble ainsi des œuvres de jeunesse – au nombre desquelles de saisissants autoportraits – voisinant avec des toiles de Bastien-Lepage ou Marquet, paysages noyés sous les flocons. Peu à peu, celui qui fut professeur aux Beaux-Arts de Besançon pendant 35 ans quitte les rivages de la couleur pour aborder ceux de la radicalité. Si Soulages fut l’apôtre du noir, il fut en quelque sorte son négatif. Sur les cimaises d’Ornans, l’outrenoir fait face au « blanc-matériau » dans un passionnant dialogue laissant le visiteur devant une énigme : pourquoi Jean Ricardon – il est vrai très investi dans l’enseignement – n’a-t-il pas eu la célébrité que son exigence mérite ? Face à des compositions comme Deux Visages. Comédiennes et clown (1977), Portrait de Germain Viatte (vers 1980) ou Signes (vers 2010), le visiteur demeure en effet ébahi. Percent en toute délicatesse les réminiscences de Mondrian et des Suprématistes, Malevitch en tête. Les couches de blanc se superposent recouvrant des dessins préparatoires, figuratifs, eux. Couche après couche, sur ces strates ivoirines, des stries et autres reliefs rythment la surface avec grâce.

Au fil des œuvres exposées, le visiteur découvre la force de l’art de Jean Ricardon qui (re)prend place au sein d’une galaxie d’artistes où se trouvent François Morellet et Aurélie Nemours. Si une section entière documente son amitié avec le grand promoteur de l’abstraction Michel Seuphor, une autre montre son intérêt pour Courbet, dont il réalise un portrait à la figuration assumée en 2010 – mais n’est-il pas au fond un peintre figuratif ? – avant de proposer une variation autour sur Un Enterrement à Ornans, demeurée inachevée. Seul un panneau de cette longue frise, intitulé Zélie et Juliette, est terminé, montrant une parenté entre les deux hommes : la fascination pour les visages. Le par- cours s’achève avec une section dédiée aux 47 verrières monoblocs de l’abbaye cistercienne Notre-Dame d’Acey, qu’il réalisa en collaboration avec le maître verrier Pierre-Alain Parot, dialoguant avec la communauté monastique : austère, le résultat jouant sur l’opacité et les transparences est éblouissant d’ascèse et de spiritualité, replaçant Jean Ricardon dans la cour des grands. L’émotion suscitée par son œuvre peut en effet être comparée à celle générée par les vitraux réalisés par Pierre Soulages (encore lui) pour l’Abbatiale Sainte-Foy de Conques.

Au Musée Courbet (Ornans) jusqu’au 26 mars musee-courbet.fr

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