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Le geste et la couleur
from POLY 255 - Mars 2023
by Poly
Plongée au cœur de l’abstraction, Art moderne : 1950-2000, Paris-Moselle explore les expérimentations libres des artistes de la seconde école de Paris, de Bissière à Dubuffet.
Par Suzi Vieira – Photos de Laurianne Kieffer
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Tout commence avec la passion et l’érudition d’un homme en prise avec son époque, pour qui la peinture, découverte à dix-huit ans à peine, fut l’affaire d’une vie. Artiste avant d’être conservateur, Gérald Collot (1927-2016) était proche de certains des plus éminents représentants de la seconde école de Paris, d’Alfred Manessier – un ami – à Jean Bazaine, aux côtés duquel il participa à la réalisation des vitraux de la cathédrale de SaintDié-des-Vosges. C’est lui qui, en poste au Musée de la Cour d’Or de Metz de 1957 à 1987, déploya une devancière et audacieuse politique d’acquisition, faisant entrer la création non figurative de son temps dans les salles de l’institution à vocation régionale. Ainsi rassemblat-il pas moins de 200 œuvres d’artistes engagés sur les voies nouvelles de l’abstraction, allant des années 1930 à 1980. Véritable exposition hors les murs, Art moderne : 1950-2000, Paris-Moselle présente 35 d’entre elles, déployées à travers les salles baignées par la lumière des travées de hautes fenêtres du Château de Courcelles. Entre parquets, marbres et boiseries, se découvrent d’abord les indéfinissables Nuages et Rochers (1971) de Bazaine, où ciel et mer se confondent dans les vibrations colorées de la toile, dessinant comme des accents et des passages secrets vers les origines d’un monde encore en formation. Pour leur faire face, Les Grues près de Rouen (1960), de Jacques Villon – frère d’un certain Marcel Duchamp –, ou encore une fascinante Composition de Jean Bertholle (1964), où l’abstraction première laisse place, à force de persistance du regard, à une ancestrale joute macabre, entre danse des ombres et combat de chevaliers. Oscillant en permanence entre figuration et abstraction, on comprend vite que les plasticiens ici réunis cherchent, après le traumatisme de la guerre, de nouvelles bases pour un art s’inscrivant dans une refonte totale de la société. En opposition avec la géométrie des années précédentes, chacun propose sa propre perception du monde, entre réalité sensible et expérience spirituelle. Un élan intérieur qui s’exprime par la couleur – on reste bouche bée devant les rouges et les jaunes vibrants de Mire G97 (1984), de Jean Dubuffet – autant que par le geste (Sans titre, lavis à l’encre de chine daté de 1963 et signé Pierre Soulages) et le travail des matières (Persépolis I d’Árpád Szenes, avec ses strates d’ocres et de blancs calcaires). Une salle entière est en outre consacrée aux artistes lorrains de la même période, avec, en points d’orgue, une très belle Fille aux cheveux de lin (1947) de Camille Hilaire – rarement montrée – et deux Hommage(s), l’un à Olivier Messiaen, l’autre à Novalis (2002), d’un certain… Gérald Collot.
Au Château de Courcelles (Montigny-lèsMetz) jusqu’au 26 mars montigny-les-metz.fr
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