2 minute read

Grand témoin

16 La conquêt e du monde

Homo sapiens est né en Afrique. Mais partant du principe qu’on ne passe pas sa vie dans son berceau, il en est sorti… et à plusieurs reprises. Pour notre espèce, l’essaimage le plus réussi démarre il y a 70000 ans: Proche-Orient, Europe, Asie proche puis Extrême-Orient. En quelques dizaines de milliers d’années, nos ancêtres sont partout; rien ne les arrête, pas même des bras de mer infranchissables à la nage. Dans ce qui deviendra la France, peut-être sont-ils là plus tôt que soupçonné. Le Nouveau Monde, lui, est colonisé au terme d’un processus beaucoup plus touffu qu’on ne l’avait imaginé. Si l’on en sait autant sur les voyages de ces ancêtres globe-trotteurs, c’est parce que leur histoire se lit dans notre propre ADN.

Advertisement

Un collier moderne d’Afrique de l’Est fait de perles en coquille d’œuf d’autruche.

Cartes postales, SMS des smartphones, tweets conservés sur des serveurs… Un archéologue du futur qui s’intéresserait aux contacts sociaux entre humains de notre époque aurait l’embarras du choix quant aux traces à étudier. Mais sur quoi se fonder pour faire de même avec des échanges ayant eu lieu il y a plusieurs dizaines de millénaires ? En Afrique, ce peut être grâce aux perles en coquille d’œuf d’autruche, qui, utilisées pour des parures, sont fréquentes sur les sites archéologiques en Afrique, et certaines remontent à près de 50000 ans.

En 1987, Leon Jacobson, de l’université de l’État libre, en Afrique du Sud, avait déjà montré que de telles perles renseignent sur le type d’humains à qui l’on a affaire. De fait, celles mises au jour sur des sites occupés par des chasseurs-cueilleurs, en Namibie, étaient plus petites, de quelques millimètres, que celles retrouvées sur des sites liés à des éleveurs de chèvres et de moutons. Depuis, ces perles ont été utilisées comme un indicateur – parmi d’autres – de la catégorie d’occupants d’un site archéologique. Cependant, de nombreux indices suggèrent que l’on peut aller plus loin, et que l’on peut tirer de l’analyse de ces perles d’autres informations, notamment sur les échanges entre groupes.

LA MIGRATION DES ÉLEVEURS

Né au Proche et au Moyen-Orient, le pastoralisme est arrivé en Afrique il y a entre 7000 et 8000 ans, dans la région du Sahara, qui connaissait alors une période humide. Mais environ 2000 ans plus tard, avec l’aridification croissante de cette région, une partie des éleveurs a migré vers le sud-est, et est arrivée dans la région du lac Turkana, dans l’actuel Kenya, il y a 5000 ans.

La façon dont le pastoralisme a atteint le sud du continent africain est moins claire, mais on retrouve les premiers moutons et chèvres domestiqués en Afrique australe il y a 2000 ans. Or, dans l’analyse de Leon Jacobson sur les perles en coquille d’œuf d’autruche, cette période charnière correspond à un accroissement de la taille des perles. En plus d’être un indicateur chronologique, c’est sur la base de cette observation que Leon Jacobson a avancé l’hypothèse que ces perles permettaient de distinguer les populations de chasseurs-cueilleurs qui avaient déjà une culture des perles, mais

This article is from: