3 minute read
Repères
Notre espèce en 60 min chrono
Top, c’est parti! Voici l’histoire d’Homo sapiens ramenée sur la période d’une heure. Toutes les dates indiquées sont exprimées en nombre d’années «avant le présent».
Advertisement
–9000 ans
Construction de Çatalhöyük, en Turquie (voir page 96) (58 min 10 s)
–10000 ans
Premières domestications au Proche-Orient (58 min)
–21000 ans
Sapiens orne la grotte de Lascaux (56 min)
–6100 ans
Construction des grandes cités paysannes d’Ukraine (voir page 104) (59 min)
–300 à –200000 ans
En Afrique, apparition progressive d’une forme dite moderne d’Homo sapiens (entre 0 et 40 min)
– 2000 ans
Début de l’ère chrétienne (59 min 30 s)
–30000 ans
Les derniers Néandertaliens ont disparu (54 min)
–37000 ans
Sapiens orne la grotte Chauvet (52 min 30 s)
–40000 ans
Sapiens présent en Europe et en Asie continentale (52 min)
– 50000 ans
Sapiens est présent en Australie (50 min)
– 70000 ans
Une vague de sapiens quitte l’Afrique pour le Proche-Orient (46 min)
Une histoire du genre Homo
Homo luzonensis Homo floresiensis Homo sapiens
Homo erectus Néandertaliens
–450000 ans
Homo heidelbergensis Dénisoviens du nord
aujourd’hui
Dénisoviens du sud
–350000 ans
–650000 ans
–1 million d’années
• Homo erectus est le «tronc» à partir duquel se développent les principales espèces du genre Homo dont il est question dans ce Hors-série. Sortant d’Afrique il y a environ 2 millions d’années, des populations d’erectus vont peupler l’Europe et l’Asie et parfois évoluer localement.
• Denisova et Néandertal sont issus d’Homo heidelbergensis, lui-même né d’Homo erectus. Ces deux espèces sont proches génétiquement.
• Homo sapiens est apparu en Afrique, au terme de croisements entre plusieurs branches de cette espèce, sans doute sur l’ensemble du continent africain. L’idée d’un berceau situé uniquement en Afrique de l’Est a été abandonnée.
• La place d’Homo luzonensis et d’Homo floresiensis est débattue. Il pourrait s’agir d’un rameau d’Homo erectus ayant évolué vers des formes de petite taille après avoir fait souche dans les îles de l’Asie du Sud-Est.
«C’est parce que notre espèce s’est répandue partout que les autres ont disparu»
Jean-Jacques Hublin
est professeur au Collège de France, chaire de paléoanthropologie, après avoir dirigé le département d’évolution humaine à l’institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire de Leipzig, en Allemagne.
Vous avez découvert au Maroc les plus vieux restes connus de sapiens (– 300000 ans), loin de l’Afrique de l’Est. Qu’en conclure?
Régulièrement, les médias rendent compte de découvertes qui «révolutionnent» les origines de l’homme. En fait, c’est rarement le cas, pour ne pas dire jamais. On n’abat pas l’arbre pour en planter un nouveau. Simplement, il se complexifie. On le voyait de loin, un peu flou, et à mesure qu’on se rapproche l’image se précise. Pour revenir aux découvertes du Djebel Irhoud, au Maroc, on savait déjà que l’origine d’Homo sapiens était africaine. Mais notre vision était trop simple: on croyait reconnaître un berceau localisé en Afrique de l’Est parce que les principaux fossiles provenaient du Soudan, d’Éthiopie ou de Tanzanie. Le fait est qu’on ne trouve que là où on cherche. Et on finit ensuite par se convaincre, parce qu’on a trouvé un fossile rare quelque part, qu’il s’y est passé quelque chose de particulier. Nul besoin d’être un spécialiste pour comprendre les effets d’un tel biais de documentation. Pourquoi ces fossiles venaient-ils des pays en question? D’abord parce que la géologie y est favorable à leur conservation. Ensuite parce que le milieu désertique est propice aux découvertes. Enfin, on y parle anglais, ce qui a facilité leur colonisation scientifique par le milieu universitaire anglo-saxon. Le Djebel Irhoud a montré qu’en réalité l’ensemble du continent africain,
Il n’y a pas eu de jardin d’Éden localisé, pas de coup de baguette magique
avec des populations diverses, tantôt séparées, tantôt connectées, a joué un rôle dans l’émergence des formes récentes d’Homo sapiens. Cela dit, ce n’est pas parce que les restes les plus anciens viennent du Maroc que nous y sommes apparus. Peut-être que demain, au Sahel ou en Afrique du Sud, quelqu’un trouvera quelque chose d’encore un peu plus vieux.
Cette découverte sonne-t-elle le glas des modèles trop simples?
Les modèles d’origine simples, longtemps affectionnés par les généticiens, se sont révélés faux. La réalité est complexe, et malheureusement on a beaucoup de mal à tester des modèles complexes. On a eu probablement en Afrique plusieurs branches de notre espèce. Au sein de chacune d’entre elles, à différents moments, sont apparues des mutations génétiques favorables et des innovations culturelles. Lorsqu’elles étaient connectées, ces populations les ont échangées.