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LA HOULE A-T-ELLE INVENTÉ LE TUBE DIGESTIF ?

Cet organe est apparu chez les animaux il y a plus de 700 millions d’années. Il se serait formé sous l’impulsion d’un signal mécanique lié aux flux marins.

Dans l’histoire évolutive des animaux, l’apparition du tube digestif primitif a été un événement décisif qui a conditionné l’émergence du groupe des organismes multicellulaires (les métazoaires). En améliorant l’assimilation des nutriments, cet organe a offert un avantage net pour la survie. Il est aussi le premier organe à se former chez les animaux il y a plus de 700 millions d’années, mais les conditions qui ont présidé à son apparition restaient encore inconnues.

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Aujourd’hui, chez les embryons, le tube digestif se forme au tout début du développement, peu après la fertilisation. Cependant, les signaux biochimiques qui amorcent le processus varient fortement d’une espèce animale à l’autre, ce qui n’offre pas d’indice clair sur le mécanisme de formation du tube digestif chez leur ancêtre commun, il y a 700 millions d’années. Sous la direction d’Emmanuel Farge, Ngoc Minh Nguyen, Tatiana Merle et leurs collègues de l’institut Curie viennent de montrer que ce signal ancestral serait non pas biochimique et interne, mais mécanique et environnemental. Les chercheurs se sont intéressés à deux espèces marines, un métazoaire, l’anémone de mer (Nematostella vectensis), et un choanoflagellé (Choanoeca flexa), un organisme formé d’une colonie de cellules considéré comme un proche parent des métazoaires, dont l’ancêtre commun date d’au moins 700 millions d’années.

Lors de précédents travaux, cette équipe avait montré chez la drosophile et le poissonzèbre, dont l’ancêtre commun remonte à environ 570 millions d’années, qu’une contrainte mécanique interne stimulait la formation du mésoderme, le tissu embryonnaire destiné à développer la plupart des organes internes des animaux complexes d’aujourd’hui. « Nous nous sommes alors posé la question de savoir si le tube digestif primitif des tout premiers métazoaires a aussi été mécano-induit », retrace le chercheur. Cependant, ces organismes primitifs étaient assez simples et ne présentaient probablement pas de contraintes mécaniques internes. La stimulation mécanique aurait alors peut-être été externe, exercée par le milieu marin où vivaient ces animaux.

Tube et poche gastrique primaires

Dans une expérience où une stimulation hydrodynamique mimant des vaguelettes en bord de mer est appliquée à des embryons de deux espèces marines, les chercheurs ont constaté la formation d’un tube et d’une poche gastriques primaires. Le signal à l’origine de la formation du tube digestif serait de nature environnementale et, plus précisément, mécanique.

Afin de tester cette hypothèse, l’équipe a appliqué un flux hydrodynamique mimant la contrainte exercée par des vaguelettes de bord de mer à des embryons d’anémones de mer et à des choanoflagellés. « Nous avons observé l’induction de la formation d’un tube digestif embryonnaire ou primitif chez ces deux espèces », explique Emmanuel Farge. Chez l’anémone de mer, le signal mécanique est suivi de la modification biochimique d’une protéine, la β-caténine, qui déclenche le programme cellulaire de différenciation du tube digestif. « Cette induction mécanique de la formation du tube digestif a probablement été doublée et stabilisée au cours de l’évolution par des signaux biochimiques qui, eux, ne sont souvent pas conservés. »

De façon surprenante, l’équipe a aussi mis en évidence des mécanismes similaires dans la progression tumorale du cancer du côlon chez la souris : les cellules tumorales, en proliférant, compriment mécaniquement leurs voisines saines et induisent chez elles, via la même voie β -caténine, une transformation tumorale. Cette propriété mécanique, ancestrale, se retrouve-t-elle aussi réactivée de façon pathologique dans la progression tumorale dans d’autres types d’organes ? n

Noëlle

Guillon

L’ESSENTIEL L’AUTRICE

> Le développement récent des technologies quantiques soulève la question de leur consommation en énergie.

> Pour y répondre, les outils de la thermodynamique classique ne sont pas adaptés.

> Une nouvelle discipline commence à voir le jour : la thermodynamique quantique. Elle se situe à la croisée de deux sciences du hasard – la physique statistique et la mécanique quantique.

> Elle explore des thèmes aussi variés que l’avantage quantique énergétique, le coût de la lutte contre la décohérence, ou l’irréversibilité aux échelles quantiques.

Alexia Auff Ves

directrice de recherche CNRS et directrice du laboratoire international MajuLab (Singapour), cofondatrice de la Quantum Energy Initiative (quantum-energy-initiative.org)

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