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Le rôle insoupçonné du petit monde du sol

L’ESSENTIEL

> Les activités humaines entraînent une érosion drastique du stock de carbone du sol, qui se déverse dans l’atmosphère, accélérant le réchauffement climatique.

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> Cette problématique urgente a suscité un important effort de recherche, qui a amélioré notre compréhension du fonctionnement du sol.

> On s’aperçoit que sans les bactéries, les champignons et les petits animaux qui le peuplent, le sol est bien moins efficace pour stocker le carbone – une découverte qui souligne l’importance de conserver des sols vivants.

Les Auteurs

SYLVAIN COQ maître de conférences au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, à Montpellier

FRANÇOIS-XAVIER JOLY maître de conférences en écologie du sol à l’université de Stirling, au Royaume-Uni

Les sols stockent plus de carbone que les plantes et l’atmosphère additionnées. Leur secret ? L’activité de la biodiversité qu’ils hébergent…

Lors d’une balade en forêt, le regard s’attarde volontiers sur une fleur sauvage, une fougère élancée, l’éclair roux d’un écureuil, l’aile furtive d’un oiseau, la couleur vive d’un champignon, la parure dorée d’un arbre, un éclat de soleil sur un tapis de mousse ou même sur un scarabée traversant lentement le chemin. Mais il est rare que notre œil se pose sur une composante pourtant essentielle de cet écosystème : le sol lui-même. Pourtant, qu’ils hébergent un bois, un champ ou une prairie, qu’ils soient en plaine ou en montagne, les sols sont au cœur du fonctionnement des écosystèmes terrestres, car c’est en leur sein que les tissus morts des organismes vivants – et donc la matière organique qui les constitue – sont recyclés en éléments nutritifs que les plantes absorbent.

Leurs rôles sont multiples. Bien sûr, ils sont le support de l’agriculture. Leur santé constitue même la clé du développement des pratiques relevant de l’agroécologie : sans sol vivant et contenant suffisamment de matière organique, pas d’agroécologie, car c’est grâce au recyclage de cette matière organique que l’on diminue le recours aux engrais de synthèse. Les sols jouent aussi un rôle prépondérant dans le cycle de l’eau, assurant notre apport en eau potable. Enfin, leur capacité à stocker de la matière organique, riche en carbone, en fait des acteurs essentiels de la régulation du climat : selon les dernières estimations, ils stockent plus de carbone que les plantes et l’atmosphère additionnés (voir l’encadré page 48) !

Or les pratiques humaines, et notamment les changements de l’utilisation des terres, ont engendré une fuite massive de matière organique du sol, retournée dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone (CO 2). Par exemple, lors de la conversion d’une forêt en espace agricole, plus d’un quart du carbone contenu dans les 30 premiers centimètres du sol est perdu. Ces pertes, qui viennent s’ajouter notamment au CO2 issu de la combustion des énergies fossiles, contribuent à accélérer l’augmentation des teneurs en CO2 atmosphérique, et donc l’intensité du changement climatique.

Outre l’intérêt scientifique de cet objet éminemment complexe qu’est le sol, comprendre la dynamique de la matière organique dans les sols constitue donc un enjeu sociétal majeur. Or les mécanismes qui contrôlent cette dynamique sont loin d’être identifiés. Ces dernières années, leur exploration a suscité un effort de recherche important, qui a fait se rencontrer la communauté des chercheurs en sciences du sol – spécialistes de longue date, entre autres, des transformations chimiques de la matière organique qu’il héberge – et les écologues du sol, qui ont longtemps travaillé à comprendre la dynamique de la décomposition des feuilles mortes à sa surface. Un grand nombre d’études ont ainsi vu le jour, qui, en

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