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SIX GALAXIES PRIMORDIALES TROP MASSIVES ?

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PICORER À

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Image des six galaxies candidates situées à une époque où l’Univers avait entre 500 et 700 millions d’années. Celle en bas à gauche contiendrait autant d’étoiles que la Voie lactée, mais serait 30 fois plus compacte.

Le télescope spatial « JWST » aurait repéré des galaxies massives dans l’Univers primordial. Incompatible avec le modèle cosmologique ? Patience ! D’autres observations sont à venir.

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Les premières données du télescope JWST sont troublantes. Grâce à cet instrument, Ivo Labbé, de l’université de technologie Swinburne, à Melbourne, en Australie, et ses collègues ont plongé leur regard dans l’Univers primordial, âgé de quelques centaines de millions d’années. Parmi une vaste collection de petites galaxies en cours de formation, ils en ont découvert six d’une masse comparable à celle de la Voie lactée. Une anomalie si l’on se fie aux modèles de formation de ces structures riches en étoiles et en gaz. Faut-il pour autant conclure que le modèle cosmologique standard est cassé ou que les scénarios de formation des galaxies sont incomplets ?

Parce que la lumière se propage à une vitesse finie (près de 300 000 kilomètres par seconde), plus on regarde loin dans l’Univers plus on remonte le temps et observe le cosmos tel qu’il était dans le passé Le télescope spatial Hubble nous avait habitués à ce genre de voyages dans le temps Grâce à cet instrument , les astrophysiciens avaient réussi à voir des galaxies primordiales dont la lumière a été émise alors que l’Univers n’avait que 400 millions d’années (soit environ 3 % de son âge actuel), à l’image de la galaxie GN-z11 découverte en 2016. Cette dernière avait une masse de l’ordre de 1 % de celle de la Voie lactée Sa présence dans l’Univers aussi jeune n’était donc pas surprenante

Le télescope spatial Hubble a cependant atteint ses limites et n’est pas assez puissant pour mener une étude systématique sur les galaxies primordiales Cette mission a été confiée à son successeur, le télescope spatial JWST , lancé le 25 décembre 2021. Équipé d’une caméra infrarouge plus performante, ce nouvel instrument voit des objets plus éloignés et moins lumineux Il a commencé à scruter le cosmos à partir de l’été 2022. Dès le mois de juillet, avec les premières données, des chercheurs ont annoncé la découverte de galaxies « problématiques ». Elles aussi affichent une masse de l’ordre de 1 % de celle de la Voie lactée Mais leur âge, estimé à 300 millions d’années, met en difficulté les modèles

Dans les scénarios de formation , après le Big Bang, l’Univers était rempli de matière ordinaire et surtout de matière ©

Sant

noire, presque cinq fois plus abondante Les régions de l’espace présentant une surdensité de matière noire ont attiré gravitationnellement la matière ordinaire , constituant les graines qui ont donné naissance aux galaxies. La vitesse à laquelle le gaz d’hydrogène et d’hélium s’est ainsi amassé dans les galaxies est limitée et contrôle le taux de croissance des structures. Dès lors, une galaxie trop massive n’aurait pas le temps de se former dans l’Univers primordial. Dans les mois qui ont suivi les premières annonces, l’analyse des données a conduit à replacer plus tardivement ces galaxies anormales, entre 300 et 400 millions d’années après le Big Bang. Elles seraient ainsi moins problématiques que l’on ne pensait . La traque des plus anciennes s’est poursuivie, et le problème est réapparu…

Les six galaxies qu’Ivo Labbé et ses collègues ont identifiées sont un peu moins précoces, situées entre 500 et 700 millions d’années après le Big Bang. Mais , en termes de masse, ces galaxies sont comparables à la nôtre . Trop massives… Faut-il donc revoir le modèle cosmologique et les scénarios de formation des premières galaxies ? Il est trop tôt pour le dire : pour conclure sur les conflits entre la théorie et les observations, les chercheurs attendent d’avoir davantage de données Ces observations problématiques s’appuient sur les seules mesures photométriques, premières disponibles Or « les mesures spectroscopiques seront cruciales, souligne Matthieu Béthermin, du Laboratoire d’astrophysique de Marseille. Elles permettront de mieux dater ces galaxies et fourniront une modélisation plus précise de leur masse ». Nicolas Laporte , de l’université de Cambridge, ajoute : « Il manque des données importantes sur la quantité de poussière. Or celle-ci joue un rôle considérable dans la modélisation, elle est source de grandes incertitudes sur la détermination de l’âge et de la masse de ces galaxies » Il reste donc à attendre les données du spectromètre NIRSpec du JWST pour mettre cette histoire au clair. n

Sean Bailly

Obésité et surpoids : près d’un Français sur deux concerné

À l’initiative de la Ligue contre l’obésité, des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Montpellier ont mené un état des lieux sur l’obésité en France. Annick Fontbonne et Karine Clément commentent les résultats de l’étude « Obépi 2020 » et les perspectives de traitement.

ANNICK FONTBONNE épidémiologiste à l’Inserm KARINE CLÉMENT médecin, professeuse de nutrition à Sorbonne Université et chercheuse à l’Inserm

L’obésité est un problème de santé publique mondial. Qu’en est-il en France ?

A. F. : Entre 1997 et 2012, le laboratoire Roche a financé un suivi de l’obésité avec un sondage tous les trois ans. Il était important de faire le point sur l’évolution de cette maladie. En 2020, avec 9 598 participants de plus de 18 ans, un nouveau sondage a été e ectué. On constate que 30,3 % des personnes présentent un surpoids, c’est-à-dire un indice de masse corporelle (ou IMC, qui est égal au poids en kilogramme divisé par la taille en mètre au carré) compris entre 25 et 30. L’obésité, avec un IMC > 30, touche 17 % des sondés. Si la part des personnes en surpoids reste stable depuis 2012, l’obésité, elle, progresse. Elle était de 8,5 % en 1997 et de 15 % en 2012. Presque toutes les tranches d’âge sont touchées.

Comment expliquer cette évolution ?

A. F. : Nos comportements de vie ont considérablement changé en matière notamment d’alimentation, d’activité physique. On est beaucoup plus sédentaire et on passe beaucoup de temps devant les écrans. On constate aussi que l’obésité touche plus fortement les couches sociales défavorisées, probablement, encore une fois, parce que la nourriture la plus abordable est de moindre qualité. Si alimentation et activité physique sont deux facteurs importants, il y a bien d’autres dimensions. Ce problème est multifactoriel.

K. C. : En e et, l’obésité est une maladie très complexe et elle ne se réduit pas à « trop manger et ne pas se dépenser ». Ce résumé simpliste est d’ailleurs néfaste. Il a un e et stigmatisant pour les personnes qui en sou rent. À la liste des causes de cette maladie, on peut rajouter le stress, le fait de ne pas dormir assez, d’être exposé à des polluants, dont des perturbateurs endocriniens. Il y a aussi des causes génétiques que l’on commence à bien connaître.

Quels sont les risques de l’obésité ?

A. F. : L’obésité est associée à de nombreuses comorbidités et à une mortalité élevée. On constate une augmentation des risques cardiovasculaires, de diabète ou de certaines formes de cancers (colon, sein…).

Qu’en est-il des traitements ?

K. C. : La réponse est multiple et doit être adaptée au patient. Dans tous les cas, la coopération de plusieurs soignants est souvent nécessaire : nutritionnistes, diététiciens, coachs sportifs et parfois psychologues. Pour les cas les plus sévères, il y a la chirurgie bariatrique (qui modifie l’anatomie du système digestif). Mais nous avons été longtemps sans solution médicamenteuse. C’est en train de changer.

Dans les années 1960-1970 et jusqu’au milieu des années 1990, certaines molécules étaient utilisées. Elles visaient la voie de la sérotonine ou de la dopamine dans le cerveau, influant sur la sensation de faim ou le circuit de la récompense. Mais ces approches avaient de graves e ets secondaires, cardiovasculaires ou neuropsychiques.

À la fin des années 1990, les chercheurs ayant recours à l’hormone intestinale GLP1 pour traiter le diabète ont constaté qu’elle avait d’autres e ets intéressants qui conduisaient à une baisse de poids. Depuis, des traitements, par injection hebdomadaire, ont été mis sur le marché. On observe une perte de poids jusqu’à 10 % en un an. D’autres traitements sont en phase de test, pour lesquels une molécule de type GLP1 est combinée à d’autres hormones. Les données suggèrent que la perte de poids peut atteindre 20 %. C’est une bonne nouvelle de voir arriver des approches thérapeutiques di érentes. Il faut souligner que ces traitements impliquent un suivi et il est impératif de bien former les soignants à ces nouvelles approches. n

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