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Du bayou de la Louisiane au Jardin du roi

Installés loin du royaume de France, mais au contact direct avec des curiosités encore ignorées des savants d’Europe, les colons de Louisiane ont joué un rôle sensible dans l’émergence des sciences naturelles des Lumières.

«La colonie de la Loüisianne est un monstre qui n’a aucune forme de gouvernement » , écrivait le gouverneur Antoine de Lamothe - Cadillac , en octobre 1716. Les autorités, en métropole , auraient selon lui été trompées par « les fables de ceux qui ont dépeint ce pays comme très excellent » alors qu’il affirme « n’en avoir jamais vu de plus mauvais » Explorée par les Français dès 1673, la vallée du Mississippi donne naissance à la Louisiane dans les années 1690. Vingt ans plus tard, lorsque le gouverneur écrit ces lignes, la colonie se trouve toujours dans une situation désastreuse. Abandonnée par la couronne, elle ne compte que quelques centaines de colons, souvent malades et sous-alimentés, qui ne parviennent pas à s’adapter aux environnements si spécifiques de la région, en particulier de la basse vallée du Mississippi

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Contrairement aux riches possessions antillaises, comme Saint-Domingue, qui exportent le sucre produit par les esclaves africains, la Louisiane est rapidement marginalisée au sein de l’empire que se constitue le royaume de France à la surface du globe

Cette marginalité économique et démographique a tendance à effacer la place de ce territoire dans le développement des savoirs scientifiques qui s’amorce dans l’espace impérial En effet, alors que la situation de la colonie se stabilise relativement à partir des années 1720, des naturalistes s’y installent et identifient, collectent, décrivent, envoient de nombreux spécimens botaniques et zoologiques jusqu’alors inconnus ou n’ayant retenu que peu d’attention en France Par ces informations inédites et le dialogue qu’ils engagent parfois avec les savants européens, les naturalistes de Louisiane participent concrètement aux débats scientifiques et influencent durablement les thèses défendues au sein de la République des sciences. Il importe alors de réévaluer la place originale qu’ils ont pu occuper dans l’émergence des sciences naturelles au sein de l’Europe des Lumières

Naturalistes Leurs Heures

Si le terme « naturaliste » est commode pour désigner des individus entretenant un certain savoir empirique et théorique relevant des sciences naturelles – botanique, zoologie,

Ce panorama de la Louisiane dessiné par Jacques-François Chereau en 1770 donne un aperçu schématique de la faune et de la flore décrites par les colons naturalistes.

L’ESSENTIEL L’AUTEUR

> La Louisiane, colonie établie par le royaume de France entre 1682 et 1763, demeure tout au long de son existence un territoire marginal dans l’Empire français en matière de développement économique et de peuplement.

> D’un point de vue scientifique, en revanche, elle est pleinement intégrée aux débats savants de l’Europe des Lumières.

> Plusieurs colons – médecins, apothicaires ou simples curieux – y ont minutieusement décrit la flore et la faune du Nouveau Monde, en étroite collaboration avec les populations amérindiennes.

> Leurs observations parviennent aux naturalistes métropolitains qui, parfois, les intègrent à leurs travaux publiés en Europe.

JONAS MUSCO doctorant en histoire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

Article publié avec l’aimable autorisation de la revue Espèces, après parution dans son n° 44, pp. 46-53, juin à août 2022, https://especes.org.

P. 80 Logique & calcul

P. 86 Art & science

P. 88 Idées de physique

P. 92 Chroniques de l’évolution

P. 96 Science & gastronomie

P. 98 À picorer L’AUTEUR

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