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UN MÉCANISME POUR S’ADAPTER AU FROID
L’encornet de Californie est doté d’un mécanisme d’édition de ses molécules d’ARN qui reconfigure la structure de certaines de ses protéines, les rendant plus e caces à basse température.
Les céphalopodes n’en finissent pas de surprendre par leur comportement, leurs capacités d’apprentissage, mais aussi et surtout par leur étonnante biologie. Des abysses glacials et obscurs aux eaux chaudes et peu profondes des tropiques, cette large famille d’animaux marins qui comprend les pieuvres, les seiches et les calmars occupe un grand éventail d’environnements océaniques. Pour mieux comprendre cette adaptabilité aux différentes températures de l’eau, Kavita Rangan et Samara Reck-Peterson, de l’université de Californie à San Diego, se sont intéressées à l’encornet de Californie (Doryteuthis opalescens), qui habite dans les eaux du Pacifique sud-ouest américain, connues pour leurs variations saisonnières de température. Elles ont découvert chez ces animaux un mécanisme d’édition de leur ARN messager, qui améliore la fonctionnalité de certaines protéines à basse température.
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Habituellement, des enzymes lisent l’ADN et produisent des ARN messagers, à partir desquels sont synthétisées toutes les protéines d’un organisme. Mais certains processus d’édition de l’ARN permettent aux organismes de recoder ces molécules messagères afin qu’elles engendrent des protéines modifiées Il s’agit d’un processus très rare chez l’humain, mais relativement commun chez les céphalopodes à corps mou, comme l’encornet de Californie Dans leur étude, les deux biologistes ont scruté à l’échelle moléculaire ce mécanisme appliqué à deux protéines, la dynéine et la kinésine. Ces protéines jouent un rôle important de moteur moléculaire, transportant diverses cargaisons – des vésicules contenant des protéines, entre autres – le long d’autoroutes cellulaires qu’on appelle « microtubules », sortes de filaments qui constituent une partie du « squelette interne » des cellules.
Or il est fréquent que des baisses drastiques de température affectent l’efficacité de certaines fonctions physiologiques La kinésine, par exemple, se déplace plus lentement.
Travaillant sur des paralarves vivantes d’encornet, Kavita Rangan et Samara Reck-Peterson ont montré que, pour pallier cela, ces animaux avaient la capacité – par l’édition de leur propre ARN messager – de reconfigurer la structure en acides aminés de leur kinésine
L’encornet de Californie (Doryteuthis opalescens) est ectotherme : il ne produit pas sa propre chaleur interne. Malgré cela, il est capable de vivre dans une large variété de températures océaniques.
Cette reconfiguration survient en particulier lorsque les paralarves sont immergées dans des eaux froides Les chercheuses ont alors reconstitué ces kinésines modifiées en laboratoire , à l’aide d’une technique d’ADN recombinant , afin de mesurer leurs mouvements par microscopie optique. Résultat : la motilité des variants était en effet plus élevée à des températures basses.
Ce constat met en lumière l’étonnante plasticité phénotypique de ces animaux ; ils sont capables de moduler leur protéome (l’ensemble de protéines de leur organisme) en réponse à un stimulus environnemental comme une variation de température. Or Doryteuthis opalescens est un ectotherme, c’est-à-dire un animal qui ne produit pas sa propre chaleur interne . Kavita Rangan et Samara Reck- Peterson pensent que ce mécanisme expliquerait en partie comment, malgré cela, ces animaux sont capables de s’épanouir dans une si large variété de températures océaniques n
William Rowe-Pirra
Biologie Animale
FOURMI, FEUILLE, CISEAUX
La fourmi Atta sexdens, une espèce coupeuse de feuilles présente au Brésil, est capable de transporter un fragment de végétal pesant jusqu’à six fois sa masse. Mais comment fait-elle pour ne pas couper de morceaux trop lourds ou, à l’inverse, trop petits, qui l’obligeraient à faire davantage d’allers-retours ?
Daniela Römer et ses collègues, de l’université de Würzburg, en Allemagne, ont réalisé une série d’expériences et ont montré que la fourmi ancre ses pattes arrière sur le bord de la feuille ce qui lui donne un point de référence pour définir la trajectoire de ses mandibules lors du découpage. Elle utilise aussi, dans une moindre mesure, les poils sensoriels situés au niveau de son cou. Ces derniers sont connus pour leur rôle dans le positionnement de la tête. n
Caroline Barathon