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UNE PARTICULE DE SON « COUPÉE EN DEUX »
Grâce à un dispositif s’inspirant du principe des miroirs semi-réfléchissants, il est possible de manipuler quantiquement les ondes acoustiques comme on le fait pour les photons.
Lorsque Alice a traversé le miroir, elle n’imaginait par découvrir un monde merveilleux dont les règles défient en permanence l’intuition. D’une certaine manière, les physiciens sont les explorateurs d’un monde tout aussi fascinant que celui de Lewis Carroll, où la mécanique quantique mène à des phénomènes étonnants et contre-intuitifs. Ses lois expliquent par exemple comment une particule peut passer par deux chemins différents en même temps, un peu comme si elle avait été « coupée en deux » ! De tels tours de passe-passe sont maîtrisés depuis bien longtemps pour les photons, les particules de lumière. Mais peuton en faire autant avec les phonons, les « particules de son » ? L’équipe d’Andrew Cleland vient de développer un élément clé pour réaliser ce genre d’expérience.
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L’idée de manipuler un phonon comme un photon est surprenante, car, contrairement à ce dernier, le phonon n’est pas une particule élémentaire. On parle plutôt de quasi-particule, car un phonon décrit en réalité un comportement collectif de typiquement 1015 particules, qui vibrent dans la matière et forment, par exemple, une onde acoustique Cependant, une quasiparticule se comporte par bien des aspects comme une particule unique et indivisible Et il est possible de mener des expériences quantiques avec de tels objets
Mais comment couper une particule en deux ? Une façon d’y parvenir consiste, dans le cas des photons, à utiliser un miroir semi-réfléchissant La particule de lumière a une certaine probabilité de traverser le miroir ou d’être réfléchie Si aucune mesure n’est réalisée, le photon se retrouve dans une superposition d’états quantiques, il est décrit par une fonction mathématique composée de l’état où il est réfléchi et de l’état où il est transmis Avec un jeu de miroirs, le photon passe alors par deux chemins en même temps et interfère avec luimême. C’est le principe de l’interféromètre de Michelson ou de celui de Mach-Zehnder
Ces manipulations menées sur les photons sont a priori applicables à tout type d’objets quantiques , même à des phonons. Mais un élément manquait dans la boîte à outils des physiciens manipulant les phonons :
1015
C’EST LE NOMBRE DE PARTICULES QUI PARTICIPENT TYPIQUEMENT AU MOUVEMENT COLLECTIF l’équivalent du miroir semi-réfléchissant Or c’est exactement ce que vient de développer l’équipe d’Andrew Cleland
D’UNE ONDE SE PROPAGEANT DANS LA MATIÈRE. CE PHÉNOMÈNE EST DÉCRIT PLUS SIMPLEMENT PAR UN PHONON, UNE QUASI-PARTICULE, QUI PRÉSENTE DE NOMBREUSES PROPRIÉTÉS DES PARTICULES.
Le dispositif expérimental est composé de deux qubits supraconducteurs, qui servent de sources de photons uniques Chaque source est ensuite associée à un transducteur capable de convertir le photon en phonon unique , ou inversement de convertir un phonon en photon Entre les deux transducteurs, les chercheurs ont placé un « peigne » constitué de 16 dents métalliques que les phonons traversent. Chaque dent réfléchit environ 3 % de l’énergie acoustique Un phonon émis depuis l’un des deux supraconducteurs a donc environ 50 % de chances d’atteindre le second supraconducteur et les 50 % restantes de revenir à son point de départ Les chercheurs sont ensuite parvenus à montrer que le phonon se trouvait bien dans un état superposé
Avec ce « miroir semi-réfléchissant » pour phonons, les physiciens réfléchissent déjà à des dispositifs hybrides de calcul quantique ou le développement de réseaux de communication phononiques. Au pays des merveilles, l’imagination n’a pas de limite ! n
S. B.
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L’ESSENTIEL L’AUTEUR
> Au Vanuatu, un art traditionnel consiste à tracer avec le doigt des dessins sur le sable selon des règles précises.
> Il est possible de modéliser cette pratique pas à pas à l’aide d’outils mathématiques.
> Une telle modélisation révèle que les experts du dessin sur le sable du Vanuatu ont une démarche qui relève d’une branche des mathématiques, la théorie des graphes.
> Elle fournit aussi des clés pour mieux comprendre cette pratique et les récits qui l’accompagnent, reflets des cosmogonies des sociétés vanuataises et de leurs traditions.
ALBAN DA SILVA ethnomathématicien, agrégé de mathématiques, docteur en histoire et philosophie des sciences, professeur en classe préparatoire en NouvelleCalédonie, chercheur associé au laboratoire Sphere de l’université Paris Cité