Roma Downey et Mark Burnett "Une histoire où DIEU rencontre l'homme"

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Une Histoire où

Dieu rencontre l’Homme La

Bible Roma Downey et Mark Burnett


Chapitre 1 Un homme nommé Abraham La scène se passe il y a plus de trois mille ans, dans la ville d’Ur, en l’Irak actuel. Là-bas vit un homme appelé Abram, descendant direct de Noé. Il est issu de la huitième génération de la lignée de Sem. Abram est un homme vigoureux de soixantequinze ans aux larges épaules, à la barbe élégante et à peine grisonnante. Sa femme, Saraï, est connue par beaucoup pour sa grande beauté, bien qu’elle soit aussi âgée qu’Abram. Seule ombre à ce tableau idyllique : Saraï n’a pas pu avoir d’enfants. Personne ne saurait deviner ce chagrin en regardant Abram, lui qui est toujours prompt à sourire et à dire : « Que la paix soit avec vous. » Abram entre dans le grand Temple d’Ur, où il est chaleureusement accueilli par ses amis. Ur est une ville dédiée à mille dieux. Les murs de son Temple sont couverts de symboles complexes : un faucon, un croissant de lune, un serpent et le sourire lancent et tournoient, consumés par le rythme de la procession qui franchit les grandes portes. Une statue en bois aux couleurs vives dressée sur une chaise à porteur est déposée sur un autel sur lequel une chèvre est attachée. Les cris de la foule s’amplitonitruantes est assourdissant. Le prêtre saisit la chèvre par la nuque et présente son cou à la foule. Abram devrait être enthousiaste comme à l’accoutumée, mais aujourd’hui, il perçoit une voix, une voix qu’il n’a jamais entendue auparavant. Elle ne s’adresse qu’à lui, personne d’autre ne semble l’entendre dans le Temple. 17


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« Abram. » C’est la voix de Dieu. « Quitte ton pays, ton peuple, la maison de ton père et va dans le pays que je te montrerai. » « Qui es-tu ? » demande Abram. Il lève les yeux vers le ciel, tablement celle de Dieu. Cette voix est pleine d’une immense et exigeante promesse. Le prêtre a tranché la gorge de la chèvre et enfonce le couteau dans son ventre mou, ce qui laisse apparaître son foie. Mais Abram n’en voit rien. « Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai. Je rendrai ton nom grand et tu seras une source de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront. Et tous les peuples de la Terre seront bénis à travers toi. » Un homme de moindre valeur aurait été désemparé devant tout cela. Ou bien effrayé. Mais Abram entend l’appel, c’est pour cela que Dieu l’a choisi pour sa mission, de la même manière qu’il avait choisi Noé pour sa droiture. Abram se tient au milieu de la foule qui se déchaîne à nouveau, à mesure que le prêtre exhibe le foie. Il n’exprime pas le moindre doute. « Oui, répond doucement Abram à Dieu, avec une voix débordante d’amour. Oui ». C’est une chose pour un homme que d’accepter de quitter son pays, ses amis, sa lignée, mais c’en est encore une autre que de faire part de cette incroyable nouvelle à sa femme. Abram se précipite chez lui, impatient de l’annoncer à Saraï. Arrivé dans le jardin, Abram est arrêté par Lot, son neveu bien-aimé. Lot le salue : « Abram. » Dans un geste d’amitié, Abram lui donne une tape dans le dos avant de franchir pressé la porte principale. Abram traverse la cour principale, que la femme de Lot est occupée à nettoyer. Lot et sa femme échangent un regard étonné. Il semble que quelque chose s’est passé chez Abram… Il a l’air différent. Ils haussent les épaules. Une fois rentré, Abram se met à crier : « Saraï… Saraï ! » Il trouve sa femme à l’arrière de la maison, prosternée devant une petite statue d’argile. 18


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La voix d’Abram se veut douce et rassurante. « Des statuettes de fécondité ? En a-t-on vraiment encore besoin ? À quoi nous ont-elles servi ? Nous ont-elles donné des enfants ? » Saraï se met à pleurer, croyant discerner une note de déception dans la voix d’Abram : « Abram, je t’ai déçu. C’est ma faute si tu n’as pas été béni. » Abram se souvient de sa bonne nouvelle, il prend alors sa femme dans ses bras : « Saraï, nous sommes bénis. Aujourd’hui, Dieu m’a parlé. » « Quel Dieu ? » « Le Dieu. » Saraï fait un pas en arrière, elle ne comprend pas. Leur monde est rempli de dieux multiples et d’idoles qui répondent chacune ment risqué. « Je te dis la vérité, assure Abram, Il m’a choisi, il NOUS a choisis. » « Pourquoi ? Je ne comprends pas. » « Il veut que nous quittions le pays. » « Partir ? Mais toute notre vie est ici. » « Oui, Saraï, partons ! Nous allons quitter cette ville pour une nouvelle Terre. Et nous aurons des enfants là-bas. J’en suis certain. Dieu me l’a promis. » Saraï veut croire Abram. Elle ferait tout pour avoir un enfant la perspective de quitter sa maison pour partir s’installer dans le désert. Elle regarde Abram avec intensité, déchirée entre son amour pour lui et sa peur de l’avenir s’ils quittent la tranquillité et la sécurité d’Ur. Abram la comprend. C’est un homme plein de compassion, qui aime sa femme plus que sa propre vie. Mais il sait aussi qu’il moi. Il m’a parlé. Il me l’a promis, Saraï. Il me l’a promis. Pense à cela : Dieu m’a fait une promesse. Une alliance. Dieu tient toujours ses promesses. Nous devons croire qu’il nous mènera à une terre de bonheur. » 19


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Saraï a toujours su que son mari portait quelque chose d’unique. Raconter des histoires n’est pas dans ses habitudes. Bien qu’il lui demande de faire quelque chose d’extraordinaire, Saraï serre très fort la main d’Abram en souriant : « Conduisnous là-bas. » ~~~ Abram prend la route avec Saraï, son neveu Lot et son épouse, ainsi qu’une petite troupe d’amis et de serviteurs qui forment leur famille élargie. Parmi eux se trouve Agar, la jeune servante égyptienne de Saraï. Ils prennent la direction du nord-ouest, et Dieu les mènera dans cette Terre Promise. Leur voyage les mène à une ville nommée Harran, puis à un territoire riche en eau et recouvert de palmiers, une véritable oasis dans ce désert stérile. Mais ces terres deviennent vite trop étroites pour accueillir toute la suite d’Abram et de ses animaux. D’autant plus que la femme de Lot, jalouse et frustrée, rejette l’autorité d’Abram et commence à créer des tensions parmi le peuple. La situation aboutit bientôt à une impasse, opposant les partisans d’Abram à ceux de son neveu Lot, qui lui est pourtant si cher. Les événements prennent une tournure explosive lorsque deux bergers en viennent aux mains. Chacun accuse l’autre d’empiéter sur son aire de pâturage. Ils s’empoignent, se roulent l’un l’autre dans la poussière et se frappent. Lot est le premier à les remarquer. Il se précipite vers eux, sa femme le suit de quelques mètres. « Lemuel ! crie Lot à son berger. Arrête cela tout de suite. » Lemuel lâche le cou d’Amasa, le berger d’Abram, avec regret. Amasa lui décoche un dernier coup de poing en douce et s’écarte rapidement avant que Lemuel ne puisse riposter. Les et sanglants, leurs vêtements sont couverts de poussière. Abram a entendu le vacarme et arrive sur les lieux : « Que se passe-t-il ? » 20


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femme de Lot. « Nous avons besoin de pâturage pour nourrir nos familles », insiste Amasa. « Nous aussi ! » répond Lemuel, qui montre les poings comme s’il était prêt à reprendre le combat. « Cette terre appartient à tous, explique calmement Abram. Dieu nous l’a donnée pour que nous nous la partagions. » La femme de Lot est furieuse. « Alors, il aurait dû nous en donner plus ! » lui rétorque-t-elle en lui lançant un regard noir. Un silence de stupéfaction s’établit au sein du groupe. La femme de Lot ne se moque pas seulement d’Abram, mais aussi de Dieu. Elle devrait demander pardon pour ce qu’elle vient de dire. Mais ce que l’on a résolu de faire. » Lot est mal à l’aise. Il aime Abram comme si c’était son père et ne peut supporter l’idée de le décevoir. Il avale sa salive avant d’avouer. « Abram, bredouille-t-il. Nous sommes trop nombreux, il n’y a pas assez de place. » « Mais le Seigneur pourvoira, assure Abram, faisant de son mieux pour prendre un air enjoué. Aie la foi ! » « Croire en un Dieu qu’on ne voit pas ? » ricane la femme de Lot. Son neveu ne lui rend pas son regard. « Il est temps qu’on emprunte des chemins différents », lâche Lot. Lot s’apprête à parler mais sa femme prend la parole : « Pauvre fou, veux-tu donc que nous restions ici et que nous mourrions de faim ? Ou que nous soyons contraints de voir nos bergers s’entretuer pour un lopin de terre ? » Cette fois-ci, Abram prête attention à la femme de Lot et lui réputation, Abram est aussi un homme assez dur. Face à son regard noir, la femme de Lot a perdu ses moyens et sa langue de 21


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vipère est réduite au silence. « Mon oncle, dit Lot à contrecœur, nous partons. Nous n’avons pas le choix. » « Mais où irez-vous ? » « Vers de plus verts pâturages, plus près de Sodome. » « C’est une ville cruelle et corrompue, Lot. Ces gens ont rejeté Dieu. » « Au moins ils ne meurent pas de faim » grogne la femme de Lot. ~~~ Abram se tient seul au sommet d’une montagne d’où il peut le construit pierre par pierre, perdu dans la méditation silencieuse de son travail. En contrebas, dans la vallée, il aperçoit les quelques tentes restantes de son peuple. Il regarde les troupeaux qui s’installent pour passer la nuit et contemple les forêts qui s’étendent à perte de vue. Au loin, Lot et sa tribu se détachent, ils cheminent vers l’est en direction de Sodome. C’est un triste moment. Ce grand territoire baigne dans la lumière rouge du crépuscule. Abram soupire. Il aime cette Terre Promise que Dieu lui a donnée et dont il admire les nombreux charmes. Dieu lui avait parlé après le départ de Lot. Abram avait écouté comme un serviteur obéissant : « Lève les yeux là où tu te trouves, regarde au nord, au sud, à l’est et à l’ouest. Tout le pays que tu vois, je te le donnerai, à toi et à ta postérité. » Abram fait ce que Dieu lui a demandé. Construire un autel cœur d’Abram est toujours en proie à toutes sortes de questionnements. Le départ de Lot l’a profondément affecté. De même, il est troublé par les idoles de fécondité récemment utilisées par Sara. Chaque jour, il doute un peu plus de ses capacités à conduire son peuple. Jusqu’à maintenant, Abram considérait qu’avoir été choisi par Dieu était une bénédiction. Mais désormais, il sait que cela implique aussi des combats. Il pose une dernière pierre sur l’au22


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tel, puis s’agenouille en prière. Les semaines passent. Abram regrette toujours l’absence de Lot. Un jour, alors qu’il se trouve en prière auprès de l’autel, il parcourt du regard la vallée et aperçoit soudain une silhouette solitaire. Il semble s’agir de Lemuel, le berger de Lot. Alors qu’il est encore loin, Abram a l’impression qu’il boîte en avançant et se tient le côté. Abram descend précipitamment de la montagne et court vers l’ombre qui s’approche de lui. Lemuel titube vers Abram, prêt à s’écrouler. Ses vêtements sont en lambeaux. Sa peau est recouverte de sang séché. Son visage est sale et couvert de bleus. Lemuel voit Abram, il se balance sur ses pieds comme s’il allait s’évanouir. « Que s’est-il passé ? » demande Abram abasourdi. « Nous n’avions aucune chance. Ils étaient si nombreux, gémit Lemuel en s’effondrant au sol. On a été pris dans une bataille entre des seigneurs de guerre. Mon troupeau s’est volatilisé. Plus une seule bête. » Abram prend la gourde en peau de chèvre accrochée à son cou et la tend au berger qui s’en saisit et boit avidement. Abram regard. Lemuel sait ce qu’Abram a en tête, et alors qu’il lui rend son outre, sa voix se charge d’émotion. « Lot est vivant, dit-il. Mais il est prisonnier. » « Il m’a aidé à m’échapper, poursuit Lemuel, pour que je vienne à toi et que je te supplie de nous aider. » Agar, pleine de jeunesse et de vitalité, arrive un bol d’eau à la main. Elle trempe son mouchoir dans l’eau et l’essore, puis déboutonne la tunique de Lemuel et nettoie une entaille située sur son côté. Lemuel grimace de douleur mais ne se détourne pas d’Abram : « Tu es notre seul espoir. » ~~~ Plus tard dans la nuit, Abram tient conseil avec Saraï et les familles qui l’ont suivi. Tous se préparent à la guerre. « Nous al23


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lons nous battre. Nous avons beaucoup d’hommes expérimentés parmi nous » dit Abram au groupe. « Mais Abram, mon bien-aimé... l’interrompt Saraï non sans anxiété. Vous n’êtes pas des soldats. » « Peu importe. C’est moi qui ai poussé Lot à venir avec nous. « Mais Lot et sa femme avaient leur lopin de terre. C’est eux qui ont choisi de partir ! » Abram a déjà pris sa décision. « C’est notre famille, répond-il à Saraï. Nous devons les aider. » La femme d’Amasa, le berger qui s’était battu, secoue la tête. Alors qu’elle s’apprête à parler, pour dire que ce serait une folie, Amasa met son doigt sur sa bouche. Il se lève et va se poster aux côtés d’Abram, suivi des autres hommes. « Nous reviendrons », promet Abram à Saraï. Il observe ses hommes courageux se préparer activement au combat et dire au revoir à leur familles. Il ne sait pas s’ils reviendront un jour. Saraï est anxieuse et serre Abram dans ses bras. Les yeux embués de larmes, elle l’enlace très fort à la taille. Abram s’éloigne sans parler. Son amour pour Saraï est manifeste. C’est un homme solide et un bon mari. Abram saisit son épée dont la lame affûtée luit à la lumière du feu. Il maintient l’épée en l’air pour déceler d’éventuelles faiblesses de la lame. Ses poings sont massifs et ses avant-bras puissants. Après avoir constaté que l’épée n’a pas d’imperfections, il la glisse à sa ceinture. « Dieu prendra soin de nous », assure-t-il à son épouse. peur. Elle caresse le visage d’Abram doucement et l’attire à elle. Elle l’embrasse désespérément, en sachant que c’est peut-être pour la dernière fois. Abram la regarde, puis la laisse pour sortir dans la nuit. Il n’y a pas de temps à perdre. ~~~ 24


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nemi. En temps de guerre, des gardes seraient aux avant-postes et les feux de camp seraient éteints depuis longtemps. Mais ces soldats viennent de mettre en défaite leurs ennemis en les faisant fuir vers les collines et en les repoussant vers les puits de bitume de la vallée de Siddim. Un temps de réjouissance s’annonce. Assis autour du feu, ils rient et boivent. Les prisonniers qu’ils n’ont mains attachées dans le dos. Parmi eux, la femme de Lot subit les harcèlements de son gardien, qui la pique à coups de lance et se réjouit de la voir crier de douleur. Qu’il est loin le temps où elle avait un foyer et jouissait du confort de sa maison. Ce soirlà, plusieurs hommes passeront la nuit avec elle. Lot est attaché, la bouche soigneusement bâillonnée, contraint de regarder ces hommes reluquer et humilier sa femme. Il essaye en vain de crier en signe de protestation, mais ne réussit qu’à faire rire les gardiens. Abram, posté à l’extérieur du camp, est le témoin de tous ces agissements. Beaucoup de familles, qui se sont elles-mêmes agrandies, ont choisi de suivre Abram depuis son départ pour la Terre Promise. Son armée est composée de bergers. Ils sont au nombre de trois cent dix-huit hommes. Ce ne sont pas vraiment des soldats, mais ils savent manier un couteau ou une hache, grâce à l’expérience qu’ils ont acquise après des années à chasser les loups de leurs troupeaux. Leurs ennemis, en revanche, sont des milliers. Ces hommes sont robustes. On distingue leurs cicatrices et leurs muscles, rappelant les longues journées de marche et les innombrables heures de combat au corps à corps. Ces ennemis sont entraînés. Habitués à la discipline, ils viennent de renverser les rois de Sodome et de Gomorrhe et leurs armées. Ils sont bien nourris et reposés. Attaquer le camp serait suicidaire. Mais Abram sait que ses hommes ont deux avantages : l’effet de surprise et leur foi profonde en Dieu. Ils se dispersent tout autour du camp pendant qu’Abram se met en prière. Il demande à Dieu de bénir cette bataille et de lui 25


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geux. Pendant qu’il prie, l’odeur de l’agneau grillé remonte à ses brûlé et de la nuit poussiéreuse. La bataille semble imminente. Une petite voix intérieure lui rappelle qu’il est encore temps de fuir. Lot et sa femme ont commis une erreur en abandonnant Abram. Personne ne blâmerait ce dernier de refuser d’intervenir, maintenant que la situation s’est envenimée. Abram calme l’abat vers l’avant. C’est le signal donné à ses hommes de lancer l’attaque furtive. Une vague silencieuse de bergers-soldats s’abat sur le camp ennemi. « Ayez foi en Dieu ! » rugit Abram. Son armée se lance à l’attaque. Abram et ses hommes sont éclairés par les feux de camp. Abram est le premier à frapper, il plonge son épée dans l’estomac d’un soldat. Ce dernier gémit de douleur, ce qui donne l’alerte. « Aaaahhh ! » Abram pousse un cri en dégageant son épée du corps du soldat avant de la planter dans un autre. D’autres guerriers viennent grossir la clameur. Une épée fend l’air à quelques centimètres du visage d’Abram. Aussitôt, il s’écarte et frappe son assaillant au côté. Le chaos s’empare du camp, pendant que les soldats se jettent sur leurs armes. Dans la confusion, les ennemis n’ont pas le temps d’atteindre leurs tentes pour s’emparer de leurs épées et couteaux. Abram et ses hommes les fauchent comme les blés et les taillent en pièces. Il a eu raison d’opter pour une attaque surprise. Abram arrive près d’un tas de cadavres où Lot est retenu priqu’il coupe ses liens. À ce stade, la bataille tourne à la déroute. Les soldats ennemis se dispersent dans la nuit. Beaucoup d’entre eux sont poursuivis et exécutés par les hommes d’Abram, qui savent que si ces La femme de Lot vient aux côtés de son époux. Elle s’approche tout près de lui et chuchote à son oreille en ignorant le regard d’Abram. 26


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« Lot ! crie Abram surexcité, tu vois maintenant ? Nous ne sommes que quelques dizaines face à des milliers, c’est un triomphe pour notre Dieu puissant. » Mais désormais, c’est Lot qui ne peut soutenir le regard d’Abram. « Qu’il y a-t-il ? » demande Abram. Il sent qu’une mauvaise nouvelle l’attend. Mais quelle mauvaise nouvelle peut-on attendre après une telle victoire ? Lot fait une pause, jette un regard à sa femme qui hoche de la tête. « Abram… Oncle… » bégaie Lot. Cette phrase est la plus la route. » Le regard d’Abram passe de l’un à l’autre, sans comprendre. « Pour aller où ? » s’interroge-t-il. « Sodome » « Sodome ? Vous plaisantez ? » « Nous retournons vivre en ville. On y vit mieux. » Le visage d’Abram s’assombrit. Lot n’a pas l’habitude de le voir ainsi, et sait qu’il doit en avoir peur. Abram leur montre les corps de ceux tombés au combat. Il connaît chacun de leurs noms. Il connaît leurs femmes et leurs enfants, et sait qu’il devra leur annoncer lui-même leur mort. Ils se sont bien battus. C’était un bon combat. Un combat juste. Mais la décision de Lot rend vains tous leurs efforts. Abram a le cœur lourd : « Lot, écoute moi, des hommes sont morts pour te sauver. » « Je sais, et rien de ce que je peux faire ne pourra leur rendre la vie. Moi aussi, j’ai perdu des hommes », réplique Lot pour se « Tu aurais été tué au matin, lui rétorque Abram. Ta femme aurait été le trophée du premier soldat venu et de beaucoup de ses amis. Ne me parle pas de tes pertes. » « Oncle, écoute, ton Dieu n’a pas tenu ses promesses. On ne peut pas manger la foi. On ne peut pas boire la foi. Ce n’est pas la foi qui va nous permettre de nous vêtir. » « Bien sûr que si, Lot. Dieu tient ses promesses. N’as-tu pas vu que mon armée de pauvres bergers a mené à la défaite une 27


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puissante armée ? Comment est-ce possible ? Je t’en supplie, viens avec nous ! » « Pourquoi ? » La femme de Lot s’avance avec audace : « Qu’est-ce que ton Dieu a promis ? » Abram. Il croit chaque syllabe. Ces mots frappent Abram de plein fouet, il reste en silence. Et elle continue : « Qui nous nourrira ? Qui nous donnera à boire ? Qui nous donnera le gîte ? » Abram ne sait que répondre. Il est exténué. La bataille l’a éprouvé. C’en est trop. Il pose ses mains sur les épaules de Lot. « Mon neveu, cette fois nous devons rester ensemble. » Malgré son air abattu, Lot est décidé. Il enlève tendrement la main d’Abram de son épaule : « Non, mon oncle, nous devons y aller. » Pendant que les blessés sont regroupés sur des charrettes pour qu’on les ramène au campement, la femme de Lot essaie de raisonner Abram : « Viens avec nous ». Le regard qu’Abram lui rend semble durer une éternité. Il se retourne alors, avant de prendre la tête de ses hommes. « En route ! » leur ordonne-t-il. Abram et ses soldats partent. L’air est lourd. Lot et sa femme se tiennent au milieu du camp ennemi décimé, ils savent bien qu’Abram ne fera plus jamais Abram ne se retourne pas. Son esprit est occupé par la pensée des veuves endeuillées qu’il va devoir consoler, et par celle de Saraï, à qui il devra expliquer qu’il a dû laisser Lot et sa femme poursuivre leur route vers Sodome, malgré l’immense prix payé cette fois-ci, Abram sait qu’il la décevra par ces nouvelles. ~~~ Dieu a promis à Abram une terre regorgeant de lait et de miel et une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. La 28


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foi d’Abram ne faiblit jamais. Il accomplit les ordres de Dieu sans tarder. Il croit réellement en Dieu et en Ses promesses. Mais le temps de Dieu n’est pas celui des hommes. Quand Saraï lui donbarbe d’Abram est maintenant complètement grise. Saraï, malgré son âge avancé reste d’une beauté incomparable. Elle ressemble à une véritable princesse. Durant leur longue vie de nomades, ils ont essayé d’avoir un enfant à de nombreuses reprises, mais l’idée qu’Abram puisse un jour devenir le père de nombreuses nations semble sans espoir. Abram, seul dans la froide nuit du désert, observe le ciel. Auprès de lui, un feu de camp s’éteint lentement. Le vent secoue la tente derrière lui, où Saraï frissonne tout en dormant. Abram songe aux hommes tombés sur le champ de bataille, morts pour rien. « Abram », chuchote Saraï, toute tremblante alors qu’elle émerge de la tente. La lumière du feu illumine sa beauté. Elle est enveloppée dans une grosse couverture tissée qui la protège du vent du désert. Même enveloppée dans une couverture, sa beauté laisse Abram sans voix. « Viens », dit-elle la voix remplie d’amour, en l’entraînant dans la tente. Abram frissonne. Il voit l’intérieur de la tente, leur lit si chaud et rassurant. Mais il se détourne de sa femme pour lever les yeux au ciel. Il considère l’immensité de l’univers, ses millions d’étoiles, comme s’il saisissait pour la première fois l’étendue de la création de Dieu. Soudain, il s’effondre. « Abram ! » crie Saraï qui se jette sur lui. Dans son regard, Dieu. « Les étoiles. Compte-les ! Compte-les ! » crie-t-il. puisse perdre la raison. Elle caresse tendrement sa barbe et le calme. « Notre créateur, qui a créé les étoiles, nous donnera de nombreux descendants », dit-il avec la foi la plus totale, rappelant 29


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à Saraï, autant qu’à lui-même, les promesses de Dieu. Le feu qui anime les yeux d’Abram grandit à mesure qu’il en parle à sa femme. « Pour peupler notre terre ! Pour nous ! Pour nos enfants ! » C’est au tour de Saraï d’être démoralisée : « Depuis combien de temps prions-nous pour un enfant ? » Il ne répond pas. Elle le regarde droit dans les yeux et prononce trois mots terribles : « Je. Suis. Stérile. » « Mais il l’a promis ! Tu porteras un enfant ! Tu le porteras ! » Elle secoue la tête. « Je ne peux pas. Je ne pourrai pas. Il est impossible que je porte un enfant. » conclut doucement, gentiment, délibérément : « C’est trop tard pour moi, mais toi, tu es un homme. Pour toi c’est encore possible. » Saraï se mord les lèvres. Elle ramène Abram à elle. « Les plans de Dieu sont nombreux, et il tiendra sa parole, mais à Sa manière. Qui sommes-nous pour dicter la façon dont les plans de Dieu s’accomplissent ? » « Qu’est-ce que tu veux dire ? » « Dieu t’a dit que tu serais père. Il ne t’a pas promis que ce serait moi qui porterais l’enfant. » Saraï montre de la tête la tente d’Agar, la belle servante égyptienne. La lumière d’une bougie vacille dans sa tente. « Va la voir, Abram, dit Saraï. Vas-y avec ma permission. » Abram regarde sa femme avec incrédulité. « Non, dit Abram fermement. Non, non, non. » Saraï hoche la tête : « Si. » Elle l’embrasse tendrement. Son visage est résigné. « Tu dois le faire. » que c’était la volonté de Dieu qu’il ne couche pas avec d’autres femmes. Il a remarqué la beauté d’Agar, mais n’a jamais imaginé coucher avec elle. Saraï est incapable de le regarder alors qu’elle le pousse vers la tente. « Tu as besoin d’un héritier, dit-elle doucement. Dieu t’a promis un enfant. Vas-y. » 30


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Abram rapproche le visage de Saraï, l’embrasse sur la bouche et la serre près de son corps pour qu’elle sache que c’est bien elle l’amour de sa vie. Puis, il se lève lentement et rejoint Agar dans sa tente. Cette tente est petite, à l’image de son statut social, de fabrication moins belle et moins durable. Agar vient d’un autre pays, avec d’autres dieux. Abram ne connaît pas les projets que Dieu a pour lui. Peut-être Dieu veut-il unir ses nations en faisant d’Abram le père d’un enfant de sang mêlé et dont la descendance mélangera deux traditions religieuses. Il ouvre la tente d’Agar et y entre. La belle et stérile Saraï s’assied près du feu. Une larme coule ~~~ Au bout d’un certain temps, Abram ressort de la tente d’Agar. Saraï remarque à travers le rabat de la tente que la servante s’est endormie. Saraï est toujours assise près du feu, elle se balance en avant et en arrière. Son regard croise celui d’Abram. De ses yeux rougis, une larme coule sur ses joues. Abram et Saraï savent que quelque chose ne va pas. Leurs cœurs sont lourds de remords. Ils Abram voit les larmes de jalousie et de regrets de sa femme. Elle n’est pas heureuse d’avoir partagé son mari avec une autre. S’il a bel et bien donné un enfant à Agar, Saraï n’aura jamais plus Abram pour elle seule. Chaque fois qu’elle verra l’enfant, elle se souviendra de cette nuit, de ce sentiment qui l’habite d’avoir perdu quelque chose au plus profond d’elle-même, et elle sait qu’elle donnerait tout pour changer le cours de cette nuit. Abram est bouleversé. Ce qui est fait est fait, pense-t-il. Momentanément, il laisse de côté la dure vérité : il a forcé la main de

Son incursion dans la tente d’Agar pendant cette nuit changera la face du monde à jamais. ~~~ 31


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Quatorze ans passent. compassion, de beauté et de force. Saraï ne partage pas la joie d’Abram. À chaque fois qu’elle regarde Ismaël, elle se rappelle cette nuit lointaine où tous deux ont manqué de foi en forçant la volonté de Dieu pour prendre le contrôle de la situation. Une pensée ne cesse de revenir à l’esprit de Saraï depuis cette nuit : à une femme stérile d’avoir un enfant, quel que soit son âge. Elle messes de Dieu. Elle aurait dû attendre. Abram a maintenant quatre-vingt-dix-neuf ans. Saraï en a quatre-vingt-dix. Ils se sont installés dans une oasis, près d’un endroit nommé Mamré, au milieu des palmiers, des citronniers, dans lesquelles ils ont toujours vécu. Le foyer d’Abram est le lieu de nombreuses tensions, notamment entre Saraï et Agar. À chaque fois que Saraï voit Agar et Ismaël, c’est comme si elle recevait un violent coup de poignard en plein cœur. Elle est amère. Un après-midi de forte chaleur, le Seigneur apparaît à Abram alors qu’il se tient près de sa tente. « Je suis le Dieu tout-puissant », dit-Il à Abram, qui tombe face contre terre. Et je ferai de toi une immense nation. » Dieu ordonne qu’Abram change son nom en Abraham, ce sera appelée Sarah ce qui veut dire : « princesse ». Dieu demande également que tout homme de sa tribu, « les Hébreux » comme on les appelle, soit circoncis. La circoncision est un signe de l’alliance entre Dieu et les hommes, et un rappel physique quotidien de la présence de Dieu dans leurs vies. Même Abraham, à son grand âge, doit se faire couper le prépuce. Puis, Dieu fait une promesse extravagante à Abraham : Sarah donnera naissance à un garçon. « Elle sera la mère des nations. Des rois de la Terre viendront de son sein. » 32


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Abraham rit de cette idée. Il ne croit pas que Sarah puisse donner la vie. Mais Dieu insiste et demande que l’enfant soit appelé Isaac. Une longue lignée de rois descendra de cette postérité. Mais Dieu dit la vérité. Les mots pénètrent Abraham, qui ressent une joie qu’il n’avait jamais éprouvée jusqu’à lors. Il a tellement hâte d’annoncer la bonne nouvelle à Sarah. Et même si cela semble absolument impossible qu’un homme de son âge puisse devenir père, Abraham se rappelle que Dieu peut tout faire, même faire venir cet enfant au monde. Abraham se tourne vers Dieu pour lui offrir sa reconnaissance. Mais Dieu est déjà parti. Ismaël est un bon tireur. Il atteint la cible facilement. Puis il se tourne vers Sarah : « Tu as vu ce qu’Ismaël a fait ? Tu as vu mon garçon ? » « Mon garçon ? Oui, c’est ton garçon, pas le nôtre », chuchote-t-elle avec dédain sous sa cape. La vieille femme sort de la tente en tempêtant. Abraham pousse un soupir. Il a l’habitude de cette tension constante.

préoccupe pas de la tension entre Sarah et lui. C’est alors qu’Abraham voit trois hommes mystérieux et puissont vêtus de belles robes, réalisées en tissu précieux. Deux de ces hommes portent un arsenal d’armes sous leurs vêtements mais ils n’ont pas l’air menaçants. De leur présence émanent une intensité et un calme profond, leur conférant une réelle sainteté. Abraham se sent immédiatement proche d’eux. Comme la tradition le veut, il tient à bien accueillir ses visiteurs. Mais ces hommes sont quelque peu différents. Il les traite avec un grand respect. Les voyageurs ou autres nomades, explorateurs et vagabonds passent souvent devant le campement d’Abraham et ne reçoivent que de l’eau et l’hospitalité normale. 33


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L’intuition d’Abraham était bonne. Deux de ces hommes sont en fait des anges. Le troisième est Dieu, incarné de manière cachée. Abraham a entendu la voix de Dieu mais ne la reconnaît pas. « Bienvenue, dit Abraham. Soyez vraiment les bienvenus, asseyez-vous, je vous en prie, précise-t-il en leur montrant un endroit à l’ombre où s’abriter du soleil. Désirez-vous vous restaurer ? » demande-t-il. Sans attendre de réponse, Abraham demande à un serviteur d’amener de la nourriture. « Venez-vous de loin ? » poursuit Abraham. « Oui, de très loin », répond l’un des anges. Un long silence suit. « Où est votre épouse ? » Abraham désigne la tente : « À l’intérieur. » Dans la tente, Sarah entend ces étranges voix, mais elle est lasse depuis sa nouvelle querelle avec Agar, et n’est pas d’humeur à s’occuper des voyageurs. Le Seigneur fait une prédiction audacieuse : « Je reviendrai Sarah entend ses propos et rit en elle-même. Cet homme, quel qu’il soit, ne doit pas savoir que la femme d’Abraham est déjà âgée et stérile. « Pourquoi as-tu ri ? » lui demande le Seigneur. Sarah est extrêmement troublée. Elle fait un bond pour voir qui lui a parlé mais la tente est vide. « Je n’ai pas ri », pense-t-elle en elle-même. « Bien sûr que si ! » répond le Seigneur. Sa voix est pleine de gentillesse. Une nouvelle fois, Sarah bondit pour voir qui lui joue ce tour. Mais elle est seule. ‘rire’. » Sarah sent la puissance de Dieu et est submergée par l’espoir. chette d’idoles de fécondité. Elle en serre une très fort jusqu’à ce 34


Un homme nommé Abraham

mains, elle tombe par terre et remercie Dieu. ~~~ L’heure du départ a sonné pour les trois étrangers. Abraham les a traités avec la plus grande hospitalité et beaucoup de respect. Il leur a donné de l’eau pour qu’ils puissent nettoyer la poussière de leurs pieds. Il a fait préparer pour eux le veau gras, et leur a tranches de pain. Ces étrangers mystérieux et puissants sont des invités particuliers et Abraham s’est senti très honoré de les recevoir chez lui. Il se fait leur serviteur, allant même jusqu’à se tenir à l’écart de la table, en attendant qu’on l’appelle. Les hommes ont gardé leur air mystérieux. En dehors de leur prédiction audacieuse, ils n’ont pas dit grand-chose pendant qu’ils prenaient leurs repas à l’ombre fraîche. Le soleil se fait moins pressant. Les hommes se préparent à prendre congé de leur hôte. « Où allez-vous ? » demande Abraham prudemment, toujours ignorant de l’identité réelle de ses invités. Un des anges regarde Dieu pour qu’il lui permette de répondre. Dieu hoche la tête. « Nous allons décider du sort de Sodome », répond l’ange solennellement en remettant sa capuche sur la tête. Le deuxième ange fait de même et à cet instant, les deux êtres célestes partent. Dieu reste seul avec Abraham, particulièrement soucieux du sort de Lot, qui vit à Sodome. Dieu et Abraham montent en haut d’une montagne, d’où ils peuvent voir Sodome de loin. « Dois-je te cacher ce que je compte accomplir ? demande le Seigneur à voix haute. Tu deviendras une grande et puissante nation, et toutes les nations de la Terre seront bénies à travers toi. Parce que je t’ai choisi pour que tu instruises tes enfants et ta maison à garder le chemin tracé par le Seigneur en faisant ce Abraham est abasourdi : il se tient dans la présence de Dieu ! Ce ne peut être personne d’autre. C’est tout à fait la manière dont 35


Une histoire où Dieu rencontre l’Homme

Dieu lui a parlé tant de fois : avec honnêteté, comme on parle à sourdi quand il pense que la destruction de Sodome provoquera la mort de Lot. Malgré leurs différences, Abraham l’aime comme Abraham prend son courage à deux mains et dit au Seigneur : « Détruiras-tu le juste avec le méchant ? » « Si je trouve cinquante justes dans la ville de Sodome, j’épargnerai toute la ville pour eux », répond Dieu. ville la plus corrompue qui soit. Il doute que Dieu puisse trouver ne serait-ce que dix justes, alors parler de cinquante… Abraham respire profondément et se lance : « Maintenant que j’ai eu l’audace de parler au Seigneur, bien que je ne sois que poussière et cendres, je me permets de lui demander : et s’il n’y avait pas cinquante justes, mais cinq de moins ? » Le Seigneur aime Abraham, et leur alliance est solide. Dans l’intérêt d’Abraham, il cède : « Si j’en trouve quarante-cinq, je l’épargnerai. » Abraham fait preuve d’encore plus d’audace dans un effort désespéré de sauver Lot : « Et s’il n’y en avait que quarante ? » « Pour quarante, j’épargnerai la ville. » « Que le Seigneur ne perde pas patience mais… énonce Abraham non sans gêne. Et s’il n’y en avait que trente ? » « Pour trente, j’épargnerai la ville. » Le petit manège continue, Abraham négocie pour les habitants de Sodome et Dieu accepte avec bonté de baisser ses exigences jusqu’à dix justes. Puis le Seigneur part. Abraham se retrouve seul sur la route, désespéré en pensant à ce qui va arriver à son neveu. Il sait très bien, tout comme Dieu, que son marchandage audacieux n’a servi à rien, car il n’y a même pas dix justes à Sodome. En réalité, il n’y en a qu’un. Bien entendu, Dieu le sait. Il a accepté de négocier avec Abraham pour lui témoigner de leur alliance. Dieu a rendu honneur à la compassion d’Abraham pour Sodome. Désormais, il revient à ce juste de se sauver, lui et sa famille. 36


Un homme nommé Abraham

~~~ Lot est assis tout seul à la porte de la ville de Sodome. C’est déjà le soir. Le désert qui entoure les murs est agréable et odorant. Il forme un contraste total avec les rues de la ville qui empestent l’urine et le vomi. Lot aime sentir l’air de la nuit à cet endroit. La brise le rafraîchit après une longue journée de chaleur intense présent. Sodome est tristement connue pour être une ville de vice et de débauche, mais aussi d’idolâtrie, qui ne s’est pas contentée de rejeter Dieu, mais va jusqu’à en tirer gloire. La femme de Lot trouve la ville à son goût et a refusé de partir alors qu’il le lui a régulièrement demandé. Lot pense que la vie est trop courte qu’elles ne deviennent des femmes lascives et idolâtres à l’image dans la luxure plutôt que dans l’amour, dans la peur plutôt que dans la foi, lui brise le cœur. Lot pousse un soupir. Il ne peut rien y faire. Ce qui adviendra, adviendra. C’est tout. Jusqu’à ce que sa femme décide de quitter Sodome, jour qui arrivera, c’est certain, Lot doit supporter cette vie lamentable, plutôt qu’une vie d’abondance auprès de Dieu. Pendant que Lot est assis aux portes de la ville, les yeux plongés dans le grand désert, il entend la musique et les rires sonores qui s’échappent des tavernes. Les gémissements des personnes en train de faire l’amour dans les allées sombres et miteuses de la ville sont perceptibles. S’il se retournait, il verrait ces couples dénudés qui se tripotent, ces prostituées presque nues mettant en avant leur camelote, ces musiciens qui jouent pour une bande d’ivrognes et ce chien sauvage qui grogne furieusement contre tous les passants sans exception, un chien avide de chair humaine. Ce n’est pas vraiment l’endroit idéal pour élever une famille. Lot est un homme honorable, bien différent des autres habitants de Sodome. La méchanceté profonde de la ville le trouble vivement. C’est pour cela qu’il vient souvent aux portes de la ville pour regarder le désert. 37


Une histoire où Dieu rencontre l’Homme

Deux hommes portant de grandes capes à capuche se dirigent vers les portes de Sodome. Ils sont forts et vaillants et ont l’air placide des guerriers qui ne craignent aucun homme. Ils semblent savoir où ils vont, comme s’ils étaient au travail. Quelle sorte de travail, Lot l’ignore. Les deux étrangers détonnent au milieu de la population de la ville. Le cœur de Lot bat de plus en plus fort. Pour la première fois depuis longtemps, il sent qu’il n’est pas le seul juste à Sodome. Il se lève rapidement et se précipite vers eux. « Messieurs, s’exclame-t-il, bienvenue à Sodome. Je vous invite à passer la nuit chez moi, vous laver les pieds et prendre un repas. » « Non, répondent-ils. Nous passerons la nuit dans le parc. » Lot ne veut pas entendre ce refus. Bientôt ces guerriers entrent dans sa maison, où il leur sert un repas copieux avant de leur montrer l’endroit où ils passeront la nuit. Dans la maison de Lot, une vieille lampe à huile décrépie luit ces mystérieux étrangers. Soudain, un vacarme indescriptible se fait entendre dans la rue, quand tout à coup on frappe à la porte. La femme de Lot et Donnez-nous les étrangers ! beugle une voix. Sinon, votre maison sera incendiée ! » Lot hurle à son tour à travers l’épaisse porte en bois : « Ils ne vous ont rien fait et ce sont mes invités, laissez-les en paix ! » « Où sont les hommes qui sont venus à toi ce soir ? scande la foule de plus en plus fort. Livre-les nous ! » Lot prend son courage à deux mains. Il sort pour faire face aux habitants de Sodome. Il se poste devant cette foule composée de jeunes et de vieux, un homme contre des centaines… Il essaie de les raisonner mais ils deviennent de plus en plus agressifs. Dans la maison, les étrangers restent en silence, admirant le courage avoir rencontré ces deux hommes. Sa vie est de nouveau en péril. Lot se rend compte que ses tentatives de négociation n’ont servi à rien et tente une retraite dans la maison, mais la foule 38


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passe à l’attaque. Ils se précipitent et le prennent de court, essayant de casser la porte. Lot les repousse avec un bâton de berger dont il maîtrise parfaitement le maniement. C’est un homme nouveau, rempli de l’esprit du guerrier. Tout à coup, le meneur de la foule s’empare du bâton et le retourne contre Lot avec un regard sadique. Lot ne se laisse pas impressionner, mais son courage ne peut rien face à la force de cet homme. « Ne te mêle pas de cette affaire, étranger ! » tempête le meneur en crachant sur Lot. Un des anges s’avance et ferme les yeux, comme s’il était en prière. Un vent violent envahit soudain la pièce puis tourbillonne dans les rues, accompagné d’un grondement de tonnerre. Le grognement du meneur fait vite place à la peur. Lot recule, il ne sait pas très bien ce qui se passe. Le meneur se gratte violemment les yeux, les frotte jusqu’à ce que des larmes de sang coulent sur son visage. « Je n’arrive pas à voir ! gémit-il. Je n’arrive pas à voir. » Mais il n’est pas le seul. Un par un, les autres membres de la foule crient d’effroi à mesure qu’ils sont frappés d’aveuglement. Ceux qui ont gardé la vue redoublent de fureur et s’avancent pour se venger. Mais à peine ont-ils fait un pas, que les deux anges enlèvent leurs robes. Ils aperçoivent alors l’armure la plus incroyable qui soit. Chaque détail est comme perfectionné par un artisan. Elle est si résistante qu’aucun homme ne songerait à y enfoncer sa lance. Un des deux anges sort deux petites épées de leurs fourreaux, les maniant comme un homme expert en matière de lames. L’autre ange n’a pas besoin d’une telle subtilité. Une superbe longue épée est à son côté et il sait très bien s’en servir. D’un seul mouvement habile des deux mains, l’ange enlève le métal aiguisé de son fourreau et rend la monnaie de leur pièce aux persécuteurs de Lot. Le meneur tombe à terre pendant que l’autre ange saisit Lot et sa famille. « Nous devons partir ! » dit l’ange calmement, en leur intimant de se dépêcher. Lot et sa famille hésitent, mais ils n’ont pas le choix. Les anges les traînent dehors de force en les tirant par les épaules et 39


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leur manteau. Ils passent au milieu de la foule, sans les laisser se retourner ou ralentir. « Ne vous arrêtez pas de courir ! crie le premier ange. Sous aucun prétexte. » Un ange guide la famille de Lot dans les rues pendant que l’autre les protège par l’arrière. Les anges lacèrent la foule de coups d’épées, les abattant les uns après les autres. Les anges savent ce que Dieu avait en tête quand il marchandait avec Abraham : la seule famille vertueuse de Sodome est la famille de Lot. Dieu est sur le point de détruire Sodome. Tous les habitants de la ville vont mourir d’une mort horrible et seront perdus à jamais. Si Lot et sa famille ne s’enfuient pas de là rapidement, ils subiront le même destin. s’abat violemment sur les rues dans un gémissement soudain. À l’instant même, un coup de tonnerre retentit. La femme de Lot croyable explosion, mais l’un des anges l’oblige à avancer en titubant. La foule continue à les poursuivre, mais une nouvelle boule de feu frappe Sodome. Une autre suit. L’ange s’arrête de courir et trace un cercle autour de lui dans la rue sale à l’aide du tranchant de son épée. Pendant ce temps, Lot et sa famille ne ralentissent pas leur course désespérée pour la liberté. Le feu consume tous les poursuivants comme s’ils étaient du petit bois. ~~~ De l’autre côté, Abraham se tient en spectateur sur une moncées sur les bâtiments. Il voit que la ville commence à brûler. Des foudre et de nombreux coups de tonnerre. Ce chaudron bouillonnant de mort, dont Abraham est l’observateur, est ce que beaucoup appelleront plus tard « l’enfer ». Il n’a aucune idée de ce qui est advenu de son neveu, mais prie qu’il s’en sorte en vie. Dieu se tient derrière Abraham, sans qu’il s’en rende compte. ~~~ 40


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Du côté de Sodome, les immeubles en pierre commencent à s’effondrer. Le feu a brûlé le bois et le chaume des toits. Des faisceaux tombés du ciel ont enfermé une famille dans leur maison. Les cris d’agonie de ceux qui sont en train de mourir brûlés vifs transpercent la nuit. rejoindre la famille de Lot et l’ange qui les protège. Ce dernier lui dit : « En nous sauvant, vous vous êtes sauvés vous-mêmes. Votre choix de nous aider était une épreuve divine visant à évaluer votre sainteté. Fuyez la ville en courant sans vous arrêter. Mais souvenez-vous : ne regardez pas en arrière. Ne regardez jamais en arrière. Sous aucun prétexte. » Soudainement, les anges se volatilisent sous les yeux de Lot tenaient. Lot et sa famille sont dans la nuit noire. Seule la lumière de la lune et le feu lointain de Sodome, encore en proie aux « On avance ! crie Lot. Et sans se retourner ! » Ils se mettent à courir, encore et encore, à travers le désert, vers une vie nouvelle. Une gigantesque boule de lumière illumine le ciel sans crier gare, et vient exploser ce qui reste de Sodome. Une dernière explosion retentit et Sodome est anéantie. Lot entend sa femme haleter. Il l’aime de tout son cœur, mais sait que qu’elle ne tombe dans le piège désigné par les anges, il la prévient : « Ne regarde pas en arrière. » Mais sa curiosité est sans borne. Elle doit voir par elle-même ce qu’est devenue la ville qu’elle considère comme son foyer depuis plus de dix ans. La dernière chose qu’elle voit est une explosion de lumière. Ses yeux sont aveuglés, son corps paralysé à l’image des piliers de sel qui se tiennent dans le désert. croire, ce qui a été sa femme. Il regarde avec un chagrin déchirant la statue de sel s’effriter après qu’une bourrasque l’a touchée. Les 41


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jusqu’à ce que la statue soit intégralement transformée en poussière. s’enfuient. Ils n’osent pas regarder en arrière. Derrière eux, on suivent dans le désert. L’aube pointe pendant qu’ils courent. C’est le début d’une nouvelle journée, d’une nouvelle vie pour

~~~ Le camp d’Abraham est traversé par les cris de douleur d’une femme sur le point d’accoucher. Sarah est dans la tente principale, une sage-femme à ses côtés s’occupe d’elle. Abraham attend nerveusement à l’extérieur. Il est surexcité en pensant que sa par son alliance avec Dieu. Il ne comprend pas les actions ou les motivations de Dieu. Les voies de Dieu sont mystérieuses. Les hurlements de Sarah cessent, pour laisser la place aux gémissements d’un nourrisson prenant son premier bol d’air, puis à des hurlements si forts qu’ils pourraient être entendus de l’autre côté de la vallée. Abraham entre dans la tente, son regard rencontre celui bien charpenté. Il ressemble à ses deux parents. Il est peut-être sur le point de perdre son héritage. Si le nouveau-né s’avère être un garçon, Ismaël ne sera plus l’héritier légitime d’Abraham, sesera le premier de la lignée de l’héritage. Abraham referme la tente. Sarah, rayonnante, tient leur enfant sur son sein. Abraham se penche vers elle. Sans dire un mot, elle lui tend l’enfant. Des larmes coulent sur ses joues. « C’est un garçon », chuchote Sarah. Elle est radieuse. « C’est exactement ce que Dieu nous avait promis », s’émerveille Abraham. « Dieu a tenu sa promesse. Seul le Tout-Puissant peut faire l’impossible. » 42


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Abraham élève l’enfant en l’air : « Il s’appellera Isaac ! » Sarah et Abraham éclatent de rire. À l’extérieur de la tente, Agar et Ismaël entendent le brouhaha. Ils savent d’ores et déjà que c’est un garçon sans avoir

d’Abraham. Maintenant, Isaac est l’héritier, mais il ne t’aimera pas moins à cause de cela. » ~~~ Un an passe. La tension dans le campement d’Abraham grandit de jour en jour, non pas entre Ismaël et Isaac, mais entre Sarah et Agar. Dans cette guerre silencieuse, les deux femmes visent à capter l’attention et l’affection d’Abraham. Chaque instant passé avec l’une entraîne la jalousie de l’autre. Abraham est sur la corde raide en permanence, essayant tant bien que mal de maintenir la paix entre ces deux femmes déterminées. La tente d’Abraham et de Sarah est toujours mise à côté de celle d’Agar et d’Ismaël, pour que l’adolescent soit proche de son père. Le moindre mot ou geste qu’Abraham peut faire est scruté par les deux femmes en guerre ouverte. Assise à l’ombre de sa tente, Sarah, enjouée, chante une berceuse à Isaac. L’air sent le bois provenant des feux de camp et les saveurs du désert. Désormais, Isaac sait marcher, il commence également à prononcer quelques mots. À cet instant, il dort dans son berceau. C’est la plus parfaite création du monde aux yeux de Sarah. Elle n’arrive pas à détacher son regard de lui, jusqu’à ce qu’elle voit Abraham rentrer au camp. Il étreint Ismaël, qui s’élance vers lui pour lui montrer son tout nouveau couteau. Abraham s’en saisit et observe la lame pour y déceler la moindre avec une grande affection. « Bien, très bien. » Agar est assise sur un coussin, elle laisse paraître la même exElle ferait tout pour Ismaël. 43


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« Sarah », appelle Abraham, en venant vers la tente. Il ne remarque pas la déception sur le visage d’Ismaël alors que son attention passe de l’enfant à Sarah. Abraham se précipite dans la tente. Sarah est assise sur un poteau en face de l’entrée, elle embrasse Isaac. Elle est de mauvaise humeur, Abraham le remarque à l’instant même. « Que se passe-t-il ? », demande-t-il innocemment, bien qu’il sache très bien quelle en est la raison. Une fois de plus Abraham joue les naïfs, comme si cette question ne lui avait jamais traversé l’esprit : « Que veux-tu dire ? » « Qui sera le premier de notre tribu, Abraham ? La première étoile avant toutes les autres dans les cieux ? » Sarah se lève et s’approche très près de son mari pour que la conversation reste privée. « Nous n’avons pas besoin d’aborder ce sujet maintenant. » Abraham a bien du mal à répondre. « Sarah, je… » « À toi de décider ! Maintenant ! Tu me comprends bien ? » Isaac gazouille « ma-man », comme s’il voulait se joindre à la conversation. Sarah lance un regard noir à son mari. Ils ont vécu tant de la première fois. « Soit tu décides, dit-elle d’une voix assurée mais en colère, soit tu laisses Dieu décider. » Elle sort de la tente comme une furie, Isaac sous le bras. Soudain, Abraham ressent l’énorme poids de cette lointaine nuit avec Agar sur ses épaules. Il s’assoit et tergiverse sur l’avenir des deux garçons. Il prie pour que Dieu lui donne la direction, et est exaucé. Bien qu’il soit submergé par la tristesse à cette idée, il sait bien qu’il doit suivre les instructions que Dieu a mises dansson cœur. L’héritage ira à Isaac. C’est la décision de Dieu. Cela ~~~ 44


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Abraham est effondré quand il annonce à Ismaël qu’il doit partir dans le vaste monde et prendre son destin en main, mais il l’est plus encore au moment du départ d’Ismaël avec Agar dans les contrées sauvages. C’est le matin. Du pain sans levain est cuit dans un feu. Agar met les deux tranches encore chaudes dans son petit sac. Ismaël vient l’aider. Il est silencieux et triste, mais dévoué à sa mère. Ismaël voyagera en sandales, une écharpe sur la tête et une robe allant jusqu’aux genoux. Agar est habillée comme lui, mais porte un manteau à capuche qui la protégera du froid du désert. elle-même. Ils vont devoir traverser le désert, seuls, mais elle fait d’une semaine après leur départ, l’eau viendra à leur manquer. Agar aura peur pour leur vie. Un ange du Seigneur lui apparaîtra alors, en lui promettant qu’un jour viendra où Ismaël sera le chef d’une grande nation. Au moment où l’ange disparaîtra, une outre remplie d’eau apparaîtra à Agar et Ismaël, ce qui leur sauvera la vie. Abraham attend à l’extrémité du camp, une outre d’eau à la submergé par la tristesse. Il regarde Ismaël dans les yeux : « Mon du vieil homme sont pleins de larmes. Ismaël ne dit pas un mot, mais ses yeux scrutent les traits d’Abraham pour mémoriser le visage de son père. L’enfant reste stoïque. Sarah reste en arrière. C’est elle qui a demandé à ce qu’ils partent, et elle sait bien que cela peut déboucher sur leur mort. Elle sait aussi que c’est elle qui est à l’origine de cette situation, à cause de son insistance pour qu’Abraham s’unisse à Agar. C’était sa solution. Elle se surprend à ne prendre aucun plaisir à leur expulsion. Sarah sait que cela doit être fait. Cet acte est peut-être cruel, mais elle n’est pas une femme cruelle. Si Agar et Ismaël ne partent pas, de graves problèmes pourraient surgir à la majorité des deux garçons. 45


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Abraham et Sarah observent Agar et Ismaël partir. Après un moment, ils ne sont plus qu’un point dans le paysage puis ils disparaissent. ~~~ Dix ans passent. Isaac émerge de la tente familiale, faite de tissus simples, par la porte d’entrée soignée. Il bâille et s’étire en passant devant l’enclos des chèvres. Il continue vers le feu de cuisine, où Sarah moud du grain pour faire de la farine pour le pain. Abraham est debout depuis des heures. Son vieil âge commence à se faire sentir, et bien qu’il ait eu une nuit de sommeil, il est épuisé. La vie n’est plus la même depuis le départ d’Agar et d’Ismaël. Abraham voit sa vie partir en fumée. Il n’a pas l’impression d’être un chef selon le cœur de Dieu. Il ne se sent pas digne de Dieu, de la Terre Promise, ou de la promesse qui lui a été faite selon laquelle ses enfants seront aussi nombreux que les étoiles. cette nuit où son manque de foi l’a mené dans la tente d’Agar. Jour après jour, à mesure qu’il vieillit, Abraham se questionne sur le sens de sa vie. Le vent soulève le grain et le jette dans le feu. Progressivement, il prend de l’ampleur. Abraham regarde autour de lui, et se rend compte qu’il est seul. Il n’y a plus personne dans le campement, y compris Sarah et Isaac. Son dernier entretien avec Dieu remonte à loin, mais il sait à Dieu. C’est une chose banale pour le vieil d’homme d’offrir des la gorge et on l’offre comme un signe de reconnaissance. Puis, il est brûlé dans un feu en plein air. Dieu continue à parler à Abraham, Il lui expose les détails. Le vieil homme ne saisit pas ce qu’on lui dit. Brusquement, il plaide-t-il à Dieu. « Non, je t’en prie, ne t’ai-je pas prouvé ma

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Tu me demanderas. N’importe lequel ! » Abraham peut à peine parler : « N’importe lequel, mais pas Isaac. » ~~~ C’est la volonté de Dieu. Avec un cœur lourd, Abraham prend son meilleur couteau dans la tente. Lui et son peuple se sont installés dans un endroit nommé le mont Moriah, aux pieds des grands sommets désertiques. Pendant que le soleil monte, Abraham part en quête d’Isaac, son couteau bien à l’abri au côté. Il le trouve en train de manger du pain avec Sarah. « Mange si tu ne manges rien ? » Mais elle s’arrête de parler quand Abraham s’approche d’eux. Elle voit la confusion dans les yeux de son mari, de la confusion mêlée à de la détermination. Quelque chose va se passer, elle en est persuadée. « Abraham ? » demande-t-elle prudemment. père. « Suis-moi » ordonne Abraham. « Bien sûr ! » s’exclame Isaac gaiement. Il se dépêche de prendre son sac qui lui sera bien utile pour le long et ardu voyage qui l’attend. laissant derrière lui Sarah, troublée, et persuadée qu’il amènera Des nuées d’orages s’amoncellent dans les cieux, Abraham et Isaac entendent les grondements du tonnerre qui se rapprochent d’eux. Sur le chemin, ils ramassent du bois pour le feu, chaque brindille et autres branches tendues par Isaac bouleversent de et lui ont prié, doit être tué. Isaac, ce beau garçon, la prunelle des innocent. « Père ? » demande Isaac en lui donnant une poignée de brindilles. 47


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cher plus. » Bien vite, le fagot est si épais qu’il l’attache avec une corde et le place sur le dos d’Isaac. Abraham fait un autre fagot qu’il met sur ses épaules avant d’avancer dans l’ascension du sommet. « On a assez de branches, dit-il à Isaac. Montons. » « Pourquoi montons-nous tout de suite en haut ? » demande descendre et aller chercher l’agneau. » Sarah est si troublée qu’elle se rend dans l’enclos pour compter les agneaux. Ils sont tous là. Soudainement, elle réalise avec horreur qu’il n’en a pas pris avec lui. Elle tombe par terre. Le Elle se lève pour les poursuivre dans la montagne. L’orage grossit. Le soleil est étrangement blanc, puis le ciel vire au noir. Le vent se lève. Les nuages sont bas et assez épais pour qu’on les touche. Abraham sait qu’il n’y a pas de plus grand épreuves qu’il n’ait jamais eue à subir. Abraham aime Dieu, mais il n’est pas sûr de pouvoir le faire. Les mains tremblantes d’Abraham disposent le bois à terre et installent l’autel. En utilisant les pierres qui pavent le sommet par pierre, Abraham construit l’autel. Il l’a fait à d’innombrables reprises dans le passé, il est donc rapide dans ses gestes. Ce sera un agneau ou un bélier cette fois-ci ? » Abraham continue son labeur, Isaac répète la question. car ils n’ont pas amené de petit animal et qu’il n’en voit aucun sur la montagne. « Yahvé-Jireh », répond Abraham avec espoir, expression Le moment de faire son devoir est arrivé. Abraham attrape 48


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quelques secondes seulement. Le regard glacial qu’Abraham désobéir. en prononçant ces quelques mots. Isaac, confus, hoche la tête. Abraham continue à attacher les mains d’Isaac. Puis, il le soulève et le place sur l’autel. Un vent violent vient frapper le visage d’Abraham. Isaac regarde avec effroi le couteau dans la main de son père, qui lève alors les yeux au ciel dans un signe d’incertitude. Il lève le couteau des deux mains, au-dessus de sa tête. Il fait une pause, avant de plonger Isaac respire par à-coups. Il halète violemment. Ses yeux sont exorbités d’horreur. Les mains d’Abraham s’agrippent au manche du couteau. Il Il prend une forte respiration et étend son poignard. « Abraham ! » lui crie une voix. Il arrête sa frappe à mi-chemin, quelques centimètres au-dessus d’Isaac. C’est la voix d’un ange. Abraham le voit se tenir debout sur l’un des côtés de l’autel, près d’un buisson. « Ne fais pas de mal Seigneur te bénira avec des descendants aussi nombreux que les étoiles dans le ciel ». Abraham détourne son regard de l’ange pour regarder Isaac. d’Isaac. Isaac regarde l’endroit où l’ange se trouvait. Mais il a disparu. Alors qu’Isaac et Abraham regardent le buisson avec incrédules branches. Dieu a bel et bien pourvu en offrant l’agneau pour ~~~

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Pendant ce temps-là, Sarah gravit la montagne avec empressement pour essayer d’arrêter Abraham avant qu’il ne soit trop tard. Mais elle est âgée, et son rythme n’est pas rapide. Dans son cœur, elle craint que l’issue ne soit inévitable et qu’elle ne verra du pendant près de cent longues années, ne sera plus. Pourtant, elle continue d’avancer, sans s’arrêter pour se reposer. Elle respire bruyamment et prie pour la vie de son enfant. Finalement, elle fait un dernier pas et atteint le sommet. Sarah voit la tête, les yeux, et le beau sourire rayonnant de son Isaac. Il est vivant. Isaac court vers sa mère, suivi par Abraham. Sarah prend son garçon dans ses bras, tout en sanglotant et en chantant des louanges à Dieu. Abraham se joint à l’embrassade. Sa foi en Dieu a été éprouvée, mais il a réussi cette épreuve. ~~~ La foi d’Abraham et son obéissance lui ont assuré d’être le père d’une famille. À travers les générations, la famille ne cessera Israélites. La discorde qui se ressentira un jour sur tout le territoire d’Israël et conduira à un royaume divisé, est semée par un climat mier né de sa femme préférée, Rachel. Comme Sarah, elle a été stérile pendant une grande partie de leur mariage. Bien que Jadésiré. Jacob le couvre d’une attention particulière, dont un maDès sa jeunesse, Joseph manifeste un don de révélation à travers ses rêves. Cependant, il manque de maturité pour discerner l’impact que ses visions auront sur son entourage. Il vexe ses 50


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frères et même son père lorsqu’il partage ce que Dieu annonce. Ses rêves audacieux et le favoritisme que lui réserve Jacob transforment la rivalité fraternelle en un désir ardent chez les dix aînés d’évincer l’adolescent de dix-sept ans. L’occasion se présente à eux dans les champs, à l’extérieur de la propriété familiale. Les frères se réunissent autour de Joseph. Ils le piègent, puis l’encerclent. Il gît dans la poussière. Siméon tire avec colère sur le précieux manteau. « Nous le garderons », exige-t-il. bruit d’un tissu qui se déchire. Les frères ricanent et tirent sur le manteau avec entrain, alors que Joseph pousse des cris de désespoir. Ils écrasent son visage sur le sol. Ils le recouvrent de poussière avec leurs pieds. De taquinerie en taquinerie, les frères perdent le contrôle de la situation. « Je vais le tuer », jure Siméon. « Non » dit Ruben. « Nous ne devons pas répandre le sang de notre frère ». Il devient évident qu’ils l’ont beaucoup fait souffrir, mais ils ne peuvent arrêter ce qu’ils ont commencé. L’agitation s’empare d’eux, mais personne ne sait que faire. « Jetons-le dans cette citerne vide, dit Ruben avec empressement, inquiet que les autres ne battent Joseph à mort. Cela lui apprendra à inventer des rêves où il est plus fort que nous. Qu’il reste là et meure lentement de soif en se souvenant de ses rêves. » Ruben essaie de convaincre ses frères, tout en prévoyant de revenir délivrer Joseph lorsque leur fureur se sera calmée. Ils traînent Joseph par les bras sur le sol rocailleux. Celui-ci s’étouffe avec la poussière. Ils le dépouillent de son manteau, déchiré et sale, et le jettent dans la citerne vide et sèche. « Regardez ! » s’écrie Juda. Au loin se trouve une rangée les uns aux autres. C’est une caravane d’esclaves en route vers l’Égypte, traînant avec elle une nouvelle cargaison d’hommes à vendre. 51


Une histoire où Dieu rencontre l’Homme

« Vendons-le. Après tout, il est notre frère, notre chair et notre sang. Nous ne devrions pas le laisser mourir. Nous nous débarrasserons de lui et nous nous ferons un peu d’argent. » Les autres semblent d’accord. Joseph comprend rapidement ce qui va lui arriver. Incrédule, il regarde la bourse de pièces remise à Siméon. Les marchands d’esclaves attrapent Joseph et font passer la corde autour de ses poignets et de son cou. Habillé uniquement d’un simple pagne, il trébuche dans le sable. La corde autour de son cou le tire vers l’avant. Les frères de Joseph sont partagés alors qu’ils le voient s’éloigner vers une vie d’esclave. « Ce qui est fait, est fait », marmonne Juda, alors qu’ils prennent conscience de leur acte de méchanceté. « Maintenant, nous devons trouver un moyen de cacher ceci à notre père ». Le manteau de Joseph gît sur le sol craquelé. Siméon et les autres frères le trempent dans le sang d’un bouc mort. Puis, prenant des visages tristes, les frères approchent de leur père pour lui annoncer cette très mauvaise nouvelle. Siméon tire l’ouverture de la tente de Jacob et lui présente le manteau. « Non… » se lamente Jacob. Il passe sa main dans l’un des trous dans le tissu. « Une bête sauvage a fait ça ? » Siméon hausse les épaules : « Certainement. Nous n’avons pas vu ce qui s’est passé. » « Pourquoi ? » s’écrie Jacob en regardant le ciel. « Pourquoi, Seigneur ? » Il cache son visage dans le manteau. Rapidement, Pour toujours.

~~~ La vie de Joseph va aller de mal en pis. Il est vendu à une taine liberté. Cependant, l’épouse de son maître réagit différem52


Un homme nommé Abraham

ment, et lorsqu’il repousse ses avances romantiques, elle ment à son mari, accusant Joseph de s’être mal conduit, plutôt qu’ellemême. Joseph est chassé de la maison et jeté en prison. Le temps passe. Il maigrit et devient sale après plusieurs mois dans ces conditions misérables. Pourtant, Joseph est optimiste et a le cœur bien disposé, même dans les moments les plus difchacun travaillé à la cour royale égyptienne, l’un comme échanson, l’autre comme boulanger. Le don de Joseph d’entendre la voix de Dieu dans la prière demeure et lui permet d’interpréter les rêves. Pendant son séjour en prison, Joseph n’a pas peur de partager ce don avec ses deux compagnons. un matin. Les trois hommes sont assis sur le sol encrassé de la cellule, les chaînes cliquetant à chacun de leurs mouvements. « Celui avec les oiseaux et les paniers ? » Joseph ferme ses yeux pour se concentrer. « Tu portais trois paniers de pain ? » « Oui ! Ensuite les oiseaux m’ont attaqué et ont mangé le pain ! » Joseph se concentre : « Dans trois jours… il lève la tête et regarde le boulanger d’un air grave et l’informe solennellement,… tu seras exécuté ». Joseph est mature à présent, mais toujours sans retenue, malgré les effets de ses révélations. « Qu’en est-il du mien ? » demande l’échanson courageusement, imaginant de mauvaises nouvelles aussi. « Tu as vu un cep devant tes yeux, c’est cela ? » lui rappelle Joseph. ri et produit des grappes de raisin, raconte l’échanson. J’ai pressé les raisins dans la coupe de Pharaon. Je la lui ai ensuite présentée ». « Les trois sarments représentent trois jours. Dans trois jours, Pharaon te rétablira à ton ancien poste de chef échanson. » L’échanson esquissa alors un grand sourire, plein d’espoir. « Lorsque tout ira bien pour toi, parle de moi à Pharaon, dit 53


Une histoire où Dieu rencontre l’Homme

Joseph à l’échanson. Raconte-lui comment j’ai été fait prisonnier dans le pays des Hébreux et suis emprisonné à tort. » Comme l’avait prédit Joseph, l’exécution du boulanger a réellement lieu. L’échanson est également libéré de prison rapidement. Joseph reste seul dans sa cellule. Il passe ses journées à prier à genoux, essayant de comprendre le plan de Dieu pour sa vie. Sa relation avec Dieu semble impossible à concevoir, mais Joseph sait que Dieu ne l’a jamais abandonné et veille sur lui. Un jour, alors que la lumière inonde sa cellule, le gardien y pénètre et permet à Joseph de se laver. Alors qu’il nettoie la saleté de son corps, le cœur de Joseph s’attriste car il sait que prendre cution. Les mains de Joseph sont rapidement attachées dans son dos. On le mène de la prison vers la salle du trône de Pharaon. Étranger, prisonnier et esclave : Joseph sait que sa vie n’a que peu de valeur aux yeux de Pharaon. Cependant, il se tient droit, ayant foi en Dieu. Pharaon entre dans la pièce et s’assied sur son trône. Il acquiesce, et Joseph entend le cliquetis d’une épée sortant de son fourreau. Mais au lieu de sentir le tranchant sur son dos, Joseph est surpris de sentir que l’on coupe les cordes à ses poignets. Le dos de l’épée frappe l’arrière de ses jambes et l’amène à plier les deux genoux. L’échanson que Joseph avait connu en prison s’avance et propose une boisson à Pharaon. Ce dernier accepte. Pensif, il avale lentement quelques gorgées de son gobelet en or. Puis, il se racle la gorge avant de parler : « J’ai fait des rêves étranges, dit-il à Joseph. Mes magiciens n’arrivent pas à me les expliquer, mais on m’a dit que tu le pourrais. » « Non… dit Joseph, le visage contre terre. Dieu le peut. À travers moi. » « Quel dieu ? » demande Pharaon, la voix empreinte de dédain, car en Égypte, c’est lui qui est dieu. « Ton Dieu ? » Joseph ose lever la tête : « Quel est votre rêve ? » demande t-il avec audace. Le dos de l’épée le frappe à l’arrière de son cou, le poussant à 54


Un homme nommé Abraham

baisser le regard à nouveau. Il demeure le visage contre terre en écoutant Pharaon décrire son rêve. « J’étais près du Nil, commence Pharaon. Alors sept vaches et laides les ont mangées. Ensuite, j’ai fait un autre rêve. Sept épis de blé qui resplendissaient au soleil ont rapidement été engloutis par sept épis pourris, maigres et brûlés par le vent. » Pharaon boit pensivement : « Ton Dieu peut-il expliquer ceci ? » Joseph est silencieux, plongé en prière. Il attend patiemment la voix de Dieu. Pharaon, arrivant au bout de sa patience, pose son regard sur l’échanson. C’est alors que Joseph parle, le regard toujours tourné vers le sol de marbre : « Les vaches et le grain représentent la même chose », dit-il. « Que veux-tu dire ? » « Il y aura sept années d’abondance. Mais ensuite, sept années de famine. Vous devez faire des provisions de nourriture en vue de ces années » « Il n’y aura pas de famine, déclare impétueusement le Pharaon. Le Nil abreuve nos récoltes tous les ans, sans faillir. » « Vous ne comprenez pas : il y aura la famine. » Joseph s’arrête net, sur le point de s’étouffer. Le tranchant de l’épée s’est soudainement retrouvé sous son menton, le forçant à lever le visage et à regarder vers Pharaon, furieux. « Tu contredis Pharaon ? » Joseph parle avec égard, sachant que ses prochaines paroles pourraient être ses dernières : « Vous contredisez votre rêve. » « Continue. » « Amassez du grain. Amassez une partie de la récolte lorsqu’elle sera abondante. Sinon, votre peuple mourra de faim. C’est Pharaon se lève et descend de son trône : « Je suis impressionné par ta conviction. Je te rends ta liberté, mais à une condition. » « Quelle est cette condition, Pharaon ? » « Tu seras chargé d’organiser les provisions de récoltes par le peuple. » 55


Une histoire où Dieu rencontre l’Homme

~~~ Grâce au pouvoir qui lui a été conféré par Pharaon, Joseph oblige les fermiers de toute l’Égypte à mettre de côté une partie de leurs récoltes. Ceci évite une famine nationale lorsque les temps providence divine change le sort de Joseph radicalement. Par son succès, il s’intègre à la société égyptienne. Il porte un sceau au doigt. Ses yeux sont décorés de Kohl, une sorte de crayon pour les yeux qui empêche au soleil de les brûler et aux grains de sable du désert de les irriter. Il porte une perruque de cheveux noirs lisses et son menton est toujours rasé de près. Cependant, il n’oublie jamais son parcours et se souvient qu’il y a de l’espoir, même dans les moments les plus sombres. Joseph devient rapidement l’un des hommes les plus puissants d’Égypte, le second après le Pharaon. Il adopte même un nom égyptien : Tsaphnath Paenéach. Grâce à Joseph, la richesse de Pharaon s’accroît à une vitesse phénoménale, bien que ce soit aux dépens des Égyptiens, qui ont dû vendre leurs terres pour survivre à la famine. L’Égypte n’est pas seule à souffrir de ces sept années de sécheresse. Les nations voisines voient leurs récoltes sécher et périr. Des milliers d’étrangers accourent en Égypte, célèbre pour ses greniers bien fournis. Parmi eux se trouvent les frères de Joseph, qui sont venus acheter du grain. Alors qu’il traverse en char une rue encombrée de la ville, Joseph reconnaît ses frères dans la foule. Ils sont faibles et affamés, de pâles copies des hommes robustes qui l’avaient un jour roué de coups. Il les fait conduire immédiatement à son palais. Joseph n’a jamais parlé de la méthode douloureuse employée par ses frères, qui a bouleversé sa vie, mais il ne l’a jamais oubliée. Maintenant, à son tour, il a le pouvoir de changer leurs vies, pour le meilleur ou pour le pire. Les dix frères de Joseph sont amenés dans une pièce par des gardes armés. Le dos d’une épée frappe l’arrière des jambes de Siméon pour lui rappeler de s’agenouiller. Joseph entre dans la pièce avec toute la grâce royale qu’il a acquise lors de sa montée 56


Un homme nommé Abraham

en puissance. Avec sa perruque noire et ses yeux maquillés, il est méconnaissable. Ils se recroquevillent au moment où Joseph étudie leurs visages. Il peut leur faire tout ce qu’il veut à cet instant : les faire emprisonner, les rendre esclaves, ou même les tuer. Les pensées de Joseph sont pour Dieu. Il fait preuve d’amour et de grâce envers ses frères. C’est ainsi que Dieu a agi envers lui, en particulier pendant les moments où il était au bord du désespoir, « Nourrissez-les ! » ordonne Joseph. Ses frères n’en reviennent pas. Cet acte de gentillesse dépasse leurs rêves les plus fous. « D’où venez-vous, étrangers ? » leur demande-t-il pendant qu’ils mangent. « Du pays de Canaan », répond Siméon avec humilité, ne reconnaissant pas le frère qu’il a un jour frappé. « Nous venons acheter des vivres. La famine frappe notre pays. Nous sommes resté auprès de notre père, et un autre n’est plus… » on charge leurs ânes de sacs débordant de grain à ramener chez eux en Israël. Pas une seule fois, ils ne se doutent que Joseph est leur frère. car il veut savoir si ses frères ont changé et appris à exercer la compassion envers d’autres. Joseph conçoit un test malin : il a fait cacher une coupe en argent dans l’un des sacs de grain. Les gardes ont reçu pour ordre d’ouvrir ce sac, où se trouvera la coupe et d’accuser ses frères de vol. Le test commence. Tout se déroule comme prévu. Siméon, Juda et les autres attendent patiemment pendant que l’on charge leurs ânes de sacs de grain. Au moment du départ, un garde fait semblant de remarquer quelque chose La coupe en argent tombe à terre et à cet instant on s’empare des frères de Joseph qui sont reconduits devant lui. qu’avant, expliquant tous en même temps qu’ils sont innocents. 57


Une histoire où Dieu rencontre l’Homme

« Si vous n’êtes pas coupables » leur dit Joseph, « que l’un de vous reste ici pendant que les autres iront chercher votre plus jeune frère. Lorsque vous le ramènerez, je saurai que vous dites la vérité. » « Nous ne volerions jamais », supplie Siméon, tandis qu’il est amené en détention. « Silence ! aboie Joseph. Rentrez tous chez vous. Mais celui-ci reste, comme mon esclave ». Les frères lèvent la tête et supplient tous ensemble. « Non ! s’écrient-ils. S’il vous plaît, nous vous en supplions ! » « Nous ne pouvons le laisser » proteste Juda. méon, ligoté à présent. « Je serai votre esclave à sa place », ajoute Juda. Mais Siméon proteste disant qu’il lui revient à lui de devenir esclave. « Silence ! » leur ordonne encore une fois Joseph. Il lui est contre terre, atterrés. D’un signe de la main, Joseph fait sortir tous ses gardes. Ils sortent. Il est seul, dominant ses frères. « Amenez votre frère ici, dit-il dans un soupir rauque, et personne ne sera blessé. Vous serez tous libres de partir. Je saurai que vous dites la vérité et n’êtes pas venus espionner l’Égypte pour nous attaquer. » ~~~ Les frères font comme il leur est demandé, et reviennent avec Benjamin lors d’un second voyage. Joseph est pris d’une telle émotion lorsqu’il voit son petit frère, qu’il retire sa perruque égyptienne, révélant son identité. « Joseph ! » s’exclame Siméon, qui n’en revient pas. Joseph a attendu ce moment depuis tant d’années. « Ce que vous m’avez fait était mauvais, dit-il à ses frères. Mais Dieu l’a utilisé pour le bien. Il a veillé sur moi. J’ai pu sauver beaucoup de vies grâce à Lui. » Les frères font un dernier voyage chez eux et ramènent Jacob 58


Un homme nommé Abraham

ses frères et son père tous réunis à sa cour, Joseph les passe en revue, amusé. Toute la famille est à nouveau rassemblée, tous les enfants d’Israël. Mais, ils sont au mauvais endroit et ils le savent. Bien qu’ils vivent dans le luxe, ce n’est pas le pays que Dieu avait promis à Abraham. des milliers de personnes sont obligées de devenir esclaves. Le peuple hébreu immigre volontairement en Égypte, à la recherche de vivres, mais est également contraint d’adopter un style de vie veau roi, qui n’a pas connu Joseph, accède au pouvoir en Égypte. Le nouveau Pharaon dit à ses généraux : « Les Hébreux sont devenus bien trop nombreux. Et si une guerre éclatait et qu’ils se joignaient à nos ennemis et se battaient contre nous ? » Alors les Égyptiens réduisent les Hébreux en esclavage. Ils les obligent à construire les immenses palais et monuments d’Égypte, et à travailler toute la journée sous le soleil brûlant du désert. Dieu a accompli la promesse faite à Abraham, car ses descendants sont bientôt aussi nombreux que les étoiles dans le ciel. Bien que l’alliance entre Dieu et Abraham ait été accomplie, celle entre Dieu et les descendants d’Abraham ne l’est toujours pas. Ils doivent encore endurer beaucoup d’épreuves de foi, comme Abraham a dû le supporter. Dans le delta fertile du Nil en Égypte, ancienne demeure d’Agar, ils sont forcés de devenir esclaves, comme elle le fut à son époque. La roue a tourné, de toute évidence. En effet, en trois générations, la famine les a chassés de chez eux en Canaan vers une terre étrangère, où ils sont devenus esclaves. Cependant, un nouveau chef qui les délivrera de l’esclavage arrive. Cet homme aura une relation extraordinaire avec Dieu. Il deviendra chef, presque par contrainte, n’étant ni dépourvu de doute ni de péchés. Il manquera quelques fois de courage et de foi, mais Dieu le comblera en abondance. Son peuple sera sauvé par un meurtrier, un exilé nommé Moïse. 59



Table des matières

Prologue

11

Chapitre 1

Un homme nommé Abraham

17

Chapitre 2

L’exode

61

Chapitre 3

Défense de la Terre Promise

97

Chapitre 4

Un homme selon le cœur de Dieu

141

Chapitre 5

Survie

175

Chapitre 6

L’espoir

207

Chapitre 7

Mission

239

Chapitre 8

Trahison

271

Chapitre 9

Délivrance

295

Chapitre 10 Nouveau monde

319


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