Sauve-moi de moi-même Comment j’ai rencontré Dieu, quitté Korn, abandonné la drogue et suis encore en vie pour témoigner
Brian “Head” Welch
Chapitre 1 La vie commence à la Fournaise J’ai grandi dans une ville de Californie du Sud, à environ une heure et demie de Los Angeles, appelée Bakersfield. Ces dernières années, la ville s’est élargie de façon considérable, mais lorsque j’étais enfant, il s’agissait encore d’une petite ville. Il y a deux choses que vous devez savoir à propos du Bakersfield de mon enfance. Il y faisait chaud (nous croulions littéralement sous la chaleur tous les étés, c’est d’ailleurs pour ça que nous lui avions donné le surnom de « la Fournaise »). Il n’y avait pas grand-chose à y faire. Mon enfance a été une enfance des plus normales. Comme la plupart des enfants de la Fournaise, j’ai grandi dans une jolie maison, avec des parents assez sympas. Nous étions la famille de classe moyenne typique des années quatre-vingt. Nous vivions dans une maison avec sous-sol, de style « ranch », située au bout d’un cul-de-sac. Le sous-sol était la pièce préférée de tout le monde. Il y avait un home vidéo (aussi bon qu’un home vidéo ait pu être à cette époque-là), d’énormes canapés, une imposante table
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de billard, un grand jeu d’« Astéroïdes » (comme ceux que l’on pouvait trouver dans les galeries marchandes), et du matériel de sport. Même mon père aimait s’y retrouver, surtout depuis qu’il y avait installé son bar personnel, et une petite salle de bain qu’il utilisait tous les matins avant de partir au travail. Mes parents travaillaient tous les deux très dur pour pourvoir à mes besoins et à ceux de mon grand frère Geoff. Les démonstrations d’affection n’avaient pas vraiment leur place dans la maison. Même si je savais que nous nous aimions tous les uns les autres, ce n’était pas un endroit où on se le disait, ou même se le montrait à longueur de temps. Dans l’ensemble, mon père était un gars plutôt cool. Il entraînait mon équipe de foot, ainsi que celle de mon frère, il nous faisait faire des tours de moto, et lorsqu’il était de bonne humeur, il nous faisait aussi beaucoup rire. Mais de temps en temps, il avait ses périodes « Mr Hyde », pendant lesquelles il devenait un peu fou. Je ne veux pas que vous pensiez que j’ai grandi avec un père abusif ou quoique ce soit dans ce genre-là, parce que ce n’est pas le cas. Lorsqu’il était sympa, il l’était vraiment. Mais lorsqu’il était en colère, il faisait un peu peur. Une des explications à cela pourrait être l’alcool, son propre père était alcoolique, et lui aussi buvait un peu. Même si la majorité du temps, il avait l’alcool joyeux, il arrivait qu’il ait des sortes de crises émotionnelles durant lesquelles il s’emportait même pour les plus petites choses. Je me souviens de cette fois-là où mon frère (ou moi) avait renversé un verre de lait sur la table, et mon père s’était transformé en une toute autre personne. Il nous avait crié après avec une voix remplie de colère, une voix qui nous laissait entendre que nous allions nous faire frapper, et pourtant les gestes ne suivaient jamais. Généralement, tout rentrait dans l’ordre quelques minutes après. Il y avait certes des moments effrayants, mais ça passait toujours. Dans l’ensemble, ma mère était également assez cool et décontractée, plus ou moins comme une mère normale. Elle cuisinait de bons petits plats tous les soirs, nous aidait à nous préparer pour l’école le matin, gardait la maison propre, enfin tout ce qu’une mère normale fait. Elle paraissait être la plus équilibrée de nous tous, mais elle avait aussi ses propres 14
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problèmes, comme n’importe qui. En grandissant, c’est de ma mère que j’ai eu l’impression de recevoir le plus d’amour, sûrement parce qu’elle n’avait pas ces sautes d’humeurs imprévisibles qui caractérisaient mon père. Mon grand frère, Geoff, était mon aîné de deux ans, et comme tous les frères, nous nous disputions beaucoup étant petits. Ces disputes se sont parfois avérées violentes, mais ce n’était pas toujours le cas. Nous avions aussi l’habitude de jouer ensemble pendant des heures et de nous faire mutuellement beaucoup rire. En grandissant, avec l’adolescence, nous avons commencé à nous repousser de façon beaucoup plus sérieuse. En général, ce n’était pas personnel, c’était juste que nous étions devenus très différents. Je ne vivais que pour le Heavy metal, et lui pour la New wave. À cette époque-là, les rockers ne se mélangeaient pas avec les gars de la New wave. Geoff avait pris l’habitude de resserrer très étroitement ses bas de jeans avec des épingles, et ses cheveux étaient longs d’un côté de son visage au-dessous de ses yeux, alors qu’ils étaient courts de l’autre côté. C’était la coupe de cheveux typique de la New wave. Je n’arrêtais pas de me moquer de lui pour ça, et pour son adhésion à cette mouvance en général. Une fois, nous étions dans le sous-sol, en train de nous disputer pour un truc stupide, et j’ai attrapé une queue de billard avec laquelle je l’ai frappé aussi fort que j’ai pu. Cette fois-là, je ne l’ai pas raté. Je savais qu’il allait me tuer, alors j’ai couru me cacher derrière ma mère et j’y suis resté le temps qu’il se calme. Même s’il ne s’était pas vengé sur le coup, il arrivait généralement à ses fins d’une manière ou d’une autre. À seize ans, il avait une de ces Coccinelles de chez Volkswagen qui roulait au ras du sol, avec des jantes jaunes assorties au reste. Un jour, j’ai pris le bus pendant une demi-heure, pour aller traîner au centre commercial avec un de mes amis. À la fin de la journée, j’étais fatigué et n’avais absolument aucune envie de me repayer le trajet en bus. Par chance, j’ai croisé mon frère dans sa Coccinelle, je lui ai donc demandé de me ramener. « Hors de question ! » m’a-
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t-il répondu. « Je ne ramène aucun rocker à la maison. » Comme je l’ai dit, nous étions devenus très différents. Ma famille a quitté Los Angeles pour la Fournaise, lorsque j’étais en CM1. Mon père avait décidé d’aider le frère de ma mère, Tom, et sa femme, Becky, dans leur entreprise. Et ensemble, ils s’occupaient de l’aire de repos pour camions Chevron, à l’Est de Bakersfield. Ils étaient à la tête de toute une équipe de mécaniciens, pompistes et caissiers. Ma mère y travaillait également avec mon père. Avec du recul, il est fascinant de voir à quel point ils s’entendaient bien. Ils passaient toutes leurs journées de travail ensemble, cinq à six jours par semaine, et revenaient à la maison pour s’occuper de Geoff et de moi. Ils avaient leurs soucis et nous leur en ajoutions quelques uns, mais ils travaillaient dur pour gagner de l’argent, et faire de nous une vraie famille. La maison de mes parents dans l’Est de Bakersfield se situait à trois minutes à pied de mon école. L’école primaire Horance Mann était la plus vieille de toute la Fournaise. Un matin, sur le chemin de l’école, j’ai rencontré un groupe d’élèves qui ne vivaient pas très loin de là, et nous avons commencé à traîner ensemble. La plupart du temps, nous allions dans mon sous-sol, tout simplement parce que c’était la classe. Même si mes parents n’appréciaient pas outre mesure d’avoir mes copains à la maison à longueur de temps, au moins, de cette manière-là, ils avaient la certitude que je ne causais pas de soucis ailleurs. Il faut savoir que des gangs sévissaient à l’Est de Bakersfield, mais personnellement j’essayais de les éviter. Avant de commencer à vous imaginer tout un tas de fusillades au travers de vitres teintées, ou ce genre de trucs, sachez que ces gangs n’étaient pas exactement constitués des gangsters armés jusqu’aux dents, roulant aux volants de voitures volées. Ils se battaient beaucoup, mais principalement à l’arme blanche et aux poings. Moi, je ne me battais pas, à la place, j’ai pris une guitare. J’ai commencé à m’intéresser à la musique vers 1980, à l’âge de dix ans, un an environ après notre arrivée à Bakersfield. De très bons amis de mes parents (mon parrain et ma marraine), les 16
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Honishes, ont eu une influence importante dans ma vie. Franck, mon parrain, était guitariste, et il avait un piano sur lequel j’aimais jouer. A cette période, il y avait déjà quelque chose qui me fascinait dans le fait de jouer de la musique. C’est pourquoi le jour où je l’ai vu jouer de la guitare, j’ai commencé à vouloir, moi aussi, apprendre à jouer d’un instrument. Pour la petite histoire, je voulais faire de la batterie, mais mon père m’en a dissuadé. Je me souviens qu’il m’ait dit, « Tu ne peux pas te trimballer une batterie en kit où que tu ailles. » Je pense qu’il ne voulait surtout pas avoir à m’entendre frapper sur une batterie à longueur de temps. Il n’avait alors certainement pas imaginé que je ferais du Heavy métal, à la guitare électrique. Une fois la question de la batterie réglée, j’ai choisi la guitare, mais pas n’importe laquelle, ma première guitare était une Peavy Mystic. Si vous en avez déjà vu une, vous voyez exactement quel genre de musique j’aimais faire. Sinon, cherchez-en l’image sur Internet. C’est peut-être la guitare la plus métal qui n’ait jamais été créée jusque-là. Ma famille entière me soutenait dans ma nouvelle obsession, jusqu’à m’accompagner prendre des cours toutes les semaines. Très vite, j’ai fini par saisir le fonctionnement global de la guitare. Je n’étais pas un jeune génie du métal, mais j’avais une bonne oreille. Tout avait du sens pour moi et ça me venait plutôt naturellement. Je pouvais entendre où placer mes notes, et après une année à tâtonner, j’ai commencé à vraiment jouer. Je me suis mis à jouer à l’oreille, du Ted Nugent, du Queen et du Journey. Et même si j’y prenais plaisir, ce qui m’a définitivement rendu accroc à la guitare fut la sortie de l’album d’AC/DC : Back in black. Je me rappelle l’avoir écouté en me disant, « Je veux être comme Angus Young ! » C’est à ce moment-là que je me suis entièrement plongé dans la guitare. Et voilà où j’en étais : sur le point de devenir ado, pas tellement sympa avec mes parents mais rudement doué en guitare. Je me suis mis à jouer sans jamais m’arrêter. Heureusement, mes parents s’intéressaient à ce que je faisais. Parfois, ils venaient dans ma chambre pour m’écouter jouer alors que j’étais en train de répéter. Même Geoff y emmenait ses potes New wave pour me demander de leur jouer le solo d’Eddie Van 17
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Halen dans Eruption. Même s’il ne voulait pas me prendre dans sa voiture, il était quand même fier de son rocker de petit frère. C’était simplement marrant de jouer. J’ai aimé jouer de la musique dès mon plus jeune âge. J’adorais ça. J’aimais le métal : Iron Maiden, Ozzy, Judas Priest, Mötley Crüe, Van Hallen…et j’avais l’allure qui allait avec. En ce qui concernait mon style, je vivais pour le métal. J’avais une collection impressionnante de pins à l’effigie de mes groupes préférés, et je les accrochais partout : Tshirts, chapeaux, et sur ma veste en jean favorite. Ma mère m’avait appris à utiliser sa machine à coudre, et j’avais commencé à coudre le bas de mes jeans pour les rendre plus étroits. Je pouvais ainsi les rentrer dans ces énormes chaussures de sport blanches que je portais. Tout ça, ainsi que mes nombreux T-shirts métal… J’étais dévoué à la musique métal de la tête aux pieds. Lorsque je ne jouais pas de guitare, je regardais des films de série B. J’ai été un grand fan des films d’horreur de douze à quatorze ans. J’adorais les films d’horreur. Tous. Vendredi 13, Les griffes de la nuit, Halloween… Tant qu’il y avait un psychopathe qui tuait des gens, j’étais preneur. J’enregistrais des films sur la chaîne « cinéma » et je me les passais en boucle. Bien sûr, ils étaient interdits aux mineurs, mais mes parents ne se doutaient de rien car j’étais un enfant un peu sournois. Je restais éveillé jusque tard tous les soirs, après que tout le monde se soit couché, et je regardais ces films dans le sous-sol. J’aimais voir des gens se faire massacrer, et puis il y avait toujours une scène avec une femme nue. J’avais l’habitude de tout le temps me repasser les scènes les plus choquantes (et celles avec les femmes nues, évidemment.) Et lorsque je ne jouais pas de guitare et que je ne regardais pas de films d’horreur, je traînais avec mes amis. J’avais rencontré ce gosse qui s’appelait JC. Lui et moi avions vraiment une mauvaise influence l’un sur l’autre. Nous passions le plus clair de notre temps à écouter du Heavy metal, et parfois, après le départ de mes parents, il nous arrivait de fumer des cigarettes, ou des joints de persil roulé dans des sacs en papier brun. De temps en temps il nous arrivait aussi de fumer de l’herbe, de la vraie.
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Curieusement, j’avais essayé le cannabis avant de déménager à la Fournaise. J’avais alors huit ans, sans mentir. Je connaissais un gamin qui s’y intéressait, et il m’arrivait d’aller chez lui et d’y trouver des mégots de joints laissés là par son grand frère. Je ne pense pas avoir été défoncé la première fois. Je pense que j’étais trop petit pour inhaler, correctement du moins. Je revendique donc, tel Bill Clinton, une première fois sans inhalation. Mais il y a eu de nombreuses réussites par la suite. En grandissant, la marijuana a fait des apparitions occasionnelles dans ma vie. Je n’en ai pas fumé beaucoup au lycée, principalement parce que lorsque j’étais en seconde, j’avais eu une expérience avec les joints qui m’avait vacciné des drogues pour un petit moment. Cette fameuse fois, j’étais chez mon copain Paul, lorsqu’il m’a annoncé que son cousin venait juste de récupérer de la très bonne herbe, et qu’il en avait un peu sur lui. Lorsqu’il me l’a montrée, j’ai pu y voir des sortes de petits cristaux. Mais ils n’ont pas attiré mon attention pour autant. Je lui ai donc acheté quelques joints que j’ai immédiatement planqués, pour pouvoir les essayer le jour suivant, après l’école. Mes parents étaient alors au travail. Je me suis donc dirigé dans le jardin, près de notre piscine. J’ai attrapé une chaise et j’ai vérifié l’heure, juste pour être sûr d’avoir le temps d’être défoncé et d’en revenir avant que mon père et ma mère ne rentrent. 14 h30. Parfait. J’ai allumé un de ces joints aux cristaux, pris quelques taffes, et l’ai posé. Instantanément, je n’ai plus su où je me trouvais. Et je ne pouvais plus non plus bouger. Mais je restais certain que mes bras étaient en train de se décrocher de mon corps. Comme je ne pouvais plus bouger, je ne pouvais pas non plus paniquer, ce qui était probablement une bonne chose, puisque je me trouvais à une distance relativement courte de la piscine. Ça n’a duré qu’une poignée de minutes mais j’étais réellement effrayé, parce que je restais persuadé que j’étais en train de perdre mes bras, et sans eux, comment allais-je bien pouvoir continuer à jouer de la guitare ? C’est alors que j’ai entendu la voiture de mon père approcher la maison. C’était bizarre qu’il soit de retour si tôt, alors dans un ultime effort, j’ai tourné la tête pour regarder l’horloge.
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18h15 ? J’avais été défoncé pendant quatre heures ? Ça ne m’avait paru être que quelques minutes, mais j’étais resté assis là, dans mon jardin, avec un joint à moitié fumé et éteint posé à côté de moi, à regarder le sol, pendant quatre heures d’affilée. Et tout ça alors que mes bras étaient en train de se décrocher de mon corps. Et pour couronner le tout, ce soir-là, j’ai dû me rendre au restaurant Sizzler, avant même d’être redescendu, pour y dîner avec mes parents. Ce fut un véritable défi de les regarder dans les yeux et de leur parler en face, tout en agissant comme si je n’étais pas défoncé. Je l’étais même tellement que je n’ai pas eu cette fringale qui caractérise la prise de cannabis. Je n’ai donc même pas pu réellement manger. J’ai juste fait semblant. Ce ne fut pas drôle du tout. J’avais certes été vacciné des drogues au lycée, mais j’en avais déjà pas mal fumé au collège avec JC. Malgré tout, la plupart du temps nous ne faisions qu’écouter du métal. Nous adorions ça. Il se mettait derrière la batterie et je prenais ma guitare, et nous improvisions dans mon sous-sol, ou dans son garage. Je ne pense pas qu’on ne se soit jamais mis d’accord sur un nom de groupe, peut être parce que ce n’était pas un groupe. C’était juste lui et moi. Parfois, il nous arrivait de voler des trucs. Est-ce que vous voyez à quoi ressemblaient les fameux chapeaux des années 80 ? Ceux qui ressemblaient à des ailerons d’avions tombants ? Nous en voulions tous les deux un, parce que nous en avions vus à l’effigie du groupe Iron Maiden. Pour se faire, nous en avons tous les deux volé un. Nous les aimions tellement nos chapeaux, principalement parce qu’aucun de nous deux n’avait les cheveux longs, et ces merveilles nous donnaient l’illusion d’avoir une nuque à l’allemande du tonnerre. Surtout la nuit. Drogues… Films de série B… Vols à l’étalage… J’étais sur une mauvaise pente dès mon plus jeune âge, mais je réussissais à faire tout ça sans que mes parents ne me voient. Je pense que ça faisait aussi partie du plaisir, et je ne sais pas ce que mon père aurait fait 20
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s’il avait su tout ce qui se passait à l’époque. Il m’aurait certainement tué. À dire vrai, la tendance qu’avait mon père à partir au quart de tour pour des choses insignifiantes m’a beaucoup affecté dans la vie. La colère dans sa voix a fait naître en moi une peur qui ne m’a jamais quitté, et m’a poussé à toujours éviter les situations de confrontation. À cause de cette crainte, je m’écrasais facilement à l’école quand les autres élèves m’embêtaient. Je ne la ressentais pas tout le temps, mais je me sentais un peu faible, et ça se voyait. Quand un des plus grands élèves commençait à me taquiner, je le laissais ainsi faire. Ma peur de la confrontation prenait le dessus, et je ne pensais même pas à me défendre. J’étais une vraie lavette. Mes pires souvenirs sont ceux du collège. Il s’agissait du Collège Compton. Après les cours, je traînais avec deux gars qui étaient plutôt cruels avec moi. Leur jeu préféré était de me maintenir à terre et de me faire ce qu’on appelait un « ventre rose » (on frappe le ventre avec la main bien ouverte, jusqu’à ce que ce dernier vire au rose) jusqu’à ce que j’éclate en sanglots. Ou alors, ils se contentaient de me frapper jusqu’à ce que je craque. Généralement, ils finissaient par se sentir coupables, et s’excusaient, mais après moins d’une semaine, ils recommençaient. Je détestais ne pas pouvoir me défendre contre eux, mais je ne pouvais pas me permettre d’aller pleurer dans les jupes de ma mère. Et même si je savais que Geoff me protégeait, je ne pouvais pas décemment le laisser combattre, à chaque fois, à ma place. Résultat des courses, j’étais esclave de mes peurs. Et c’est pour cette raison que j’ai commencé à jouer au dur une fois arrivé chez moi. Il m’arrivait d’aller chercher April, la chienne de la famille, pour l’emmener dans ma chambre, avant d’en fermer la porte, et de la frapper à coups de poings. Quelqu’un d’autre était la lavette, j’étais enfin le dur à cuire. Je nourrissais aussi un certain nombre de fantasmes diaboliques lors desquels je leur rendais la pareille. Je nous imaginais tous les trois à l’école, sans personne autour, à jouer à cache-cache. Et dans mes rêves, je finissais par sortir un couteau de ma poche et par les poignarder jusqu’à ce qu’ils en pleurent. Je pense que c’était la raison pour laquelle j’aimais tellement les films d’horreur. Ils nourrissaient mes fantasmes de 21
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vengeance. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai tout de même continué à traîner avec ces gars pendant tout le collège, même s’ils étaient cruels envers moi. Je n’y pouvais rien, j’étais chétif. C’est d’ailleurs de là que je tiens mon surnom. Ces gars disaient que ma tête paraissait bien trop grosse par rapport à mon corps, et ils ont commencé à m’appeler « Head » (la tête). Et c’est resté. Aujourd’hui je peux en rire, mais à l’époque ça me rendait extrêmement triste. Je pensais être une espèce de monstre à la tête disproportionnée. Même si ma vie au collège se résumait à travailler ma guitare et à traîner avec les mauvaises personnes, j’ai fini par en avoir assez, et je me suis décidé à faire quelque chose de différent. Durant l’été qui à fait suite à ma déprimante période collège, j’ai rencontré un gars qui s’appelait Kevin et qui avait l’air plutôt cool, tout en étant très gentil et très poli. Il ne se moquait jamais de moi comme les autres avaient l’habitude de le faire. Je les ai donc lâchés pour devenir meilleur pote avec Kevin. Pendant cet été précédant mon entrée au lycée, j’ai donc passé beaucoup de temps ave lui. Nous allions conduire des motos dans le désert, ou bien il venait nager chez moi, ou alors j’allais chez lui pour sauter sur son trampoline. Kevin vivait dans une petite maison, au bas de ma rue, et même si sa maison était plus petite que la mienne, sa famille avait l’air de s’entendre à merveille. Peut-être que c’est parce que la maison était petite, et qu’ils ne pouvaient pas se séparer, et par conséquent, ils avaient appris à être proches les uns des autres. Ils étaient si différents de ma famille. Ma famille vivait dans une grande maison, et à cette époque nous ne nous entendions pas vraiment les uns les autres. Si quelqu’un nous avait mis dans la petite maison de Kevin, nous nous serions probablement entretués. Mais eux, ils étaient toujours heureux, ils étaient toujours tous ensemble et passaient de bons moments à s’amuser en famille. J’ai donc commencé à être de plus en plus souvent là-bas, je m’y sentais en paix. Alors que chez moi la tension était palpable, au contraire, dans cette maison, l’ambiance était relaxante et apaisante. Quel enfant n’adore pas aller passer du temps dans un lieu tranquille ? 22
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La famille de Kevin avait une autre particularité : ils parlaient beaucoup de Jésus. Même si ça ne m’a pas paru bizarre, je ne connaissais cependant personne d’autre à cette époque-là qui parlait de Jésus. Je ne me souviens pas beaucoup les avoir vus aller à l’église, du moins je n’y suis jamais allé avec eux. Mais pour sûr, ils parlaient souvent de Jésus quand j’étais là-bas. Je suppose que d’aller à l’église n’avait pas autant d’importance pour eux que d’avoir une relation avec Jésus à la maison. Je ne leur ai jamais demandé, je n’ai même jamais demandé plus de détails, c’était ce qu’ils étaient, ce qu’ils faisaient. Ils étaient une joyeuse petite famille, proches les uns des autres. C’était leur truc à eux. Je n’y connaissais rien en religion, que ce soit sur les Chrétiens, Dieu ou Jésus. Ma seule expérience religieuse se résumait à celle d’un prêtre me faisant couler de l’eau sur le front, dans une église apostolique, lorsque j’avais trois ans. Quelques années plus tard, notre mère a essayé de nous faire revenir à l’église. Cela a duré quelques mois, mais nous n’aimions pas vraiment l’école du dimanche, et mon père ne voulait pas y aller. Notre expérience religieuse s’était donc achevée dès son commencement. Je ne savais donc absolument pas comment ça marchait. Je n’avais aucune idée de ce que signifiaient ces choses « chrétiennes » dont Kevin et sa famille parlaient tant. Après tout, si tous ces discours sur Jésus pouvaient faire de leur maison un lieu paisible où je pouvais traîner, et bien soit, mais Kevin parlait aussi de Jésus lorsqu’il était chez moi. Puisque nous vivions l’un à côté de l’autre, il y venait passer la nuit, et moi je lui disais, « Viens, on va se faire Vendredi 13 », et il continuait de me parler de Jésus pendant que je regardais Jason écharper les gens. C’était juste la façon dont ça s’est passé cet été-là. Pendant ces quelques mois, je n’ai pas joué de guitare. J’étais tout le temps chez Kevin et sa famille. Je continuais de jouer, mais ce n’était plus mon exutoire comme ça l’avait été. J’en avais trouvé un autre. Et puis est arrivé le jour fatidique où la mère de Kevin m’a tout exposé. J’étais chez lui, dans le salon, en train de parler à sa mère. Il lui avait certainement parlé des choses que je pratiquais – le 23
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Heavy metal et les films d’horreur – et elle m’a dit, sans aucun détour : « Jésus-Christ est le sauveur du monde, et si tu lui demande de venir dans ton cœur, il te sauvera, et viendra vivre à l’intérieur de toi. » Et me voilà, en jeune homme de treize ans, sans origines spirituelles ou religieuses, face à cette femme qui me parlait d’un gars qui voulait venir vivre à l’intérieur de moi. Je n’y ai rien compris, mais elle me l’a expliqué avec tellement de douceur et d’amour, que je me suis dit que ça valait le coup d’être tenté. Parce que j’étais certain de plusieurs choses : j’aimais ces gens, ils étaient bons envers moi, et j’étais heureux en leur présence. Sur le coup, je n’ai rien répondu à la mère de Kevin, ni prié avec elle, mais cette nuit-là, après être rentré à la maison, je n’ai pas pu me débarrasser de ses paroles. En plein milieu de mes habitudes nocturnes, assis seul au sous-sol, en train d’essayer de regarder un film d’horreur, je n’arrivais tout de même pas à retirer ses mots de mon esprit. Je me sentais comme attiré par cette idée de Jésus, et à chaque fois que j’y pensais, je ressentais une paix et un amour que je n’avais jamais expérimentés auparavant. Ce n’était pas un sentiment insoutenable, et même pas si fort que ça, mais c’était quand même bien présent. Je ne savais pas si tout ce qu’elle avait dit sur Jésus était vrai. Après y avoir réfléchi, je me suis dit qu’il valait mieux prévenir que guérir, juste au cas où. Je me suis donc lancé, et j’ai prié. Je suis descendu jusqu’à l’étroite salle de bain du sous-sol, qui sentait toujours l’après rasage de mon père, et en m’agenouillant sur le carrelage, j’ai dit, « Jésus, est-ce que tu voudrais bien, s’il te plaît, venir dans mon cœur ? » J’ai senti quelque chose. J’avais treize ans, je ne savais pas ce que je sentais, mais j’ai vraiment senti quelque chose changer en moi. Que devais-je en faire ? Qu’est-ce qui venait de changer ? Est-ce que j’étais supposé changer mon mode de vie ? Je ne savais pas quoi faire, et mes genoux commençaient à être froids à cause du carrelage, je me suis donc levé, et je suis plus ou moins retourné à ma vie normale. Je ne le savais pas à ce moment-là, mais quelque chose venait de s’enclencher dans ma vie, quelque chose que je n’allais plus
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expérimenter pendant les vingt années qui allaient faire suite à cette fameuse nuit. Un mois après cette expérience, je suis entré en seconde. J’ai arrêté de traîner avec Kevin, et suis revenu à mes vieilles habitudes. Kevin et moi avons fini par prendre différentes directions et je n’ai jamais eu l’occasion de lui dire, ni à lui, ni à sa mère, ce qui s’était passé dans cette salle de bain, lorsque j’ai invité Jésus à venir dans mon cœur. Je ne sais pas vraiment pourquoi d’ailleurs, je n’en ai pas véritablement eu l’occasion. Mais, à vrai dire, au moment de la rentrée, Kevin et moi n’étions déjà plus vraiment amis. J’avais commencé à fréquenter d’autres personnes. Je me suis remis à fond dans ma musique, retour direct au métal. Ce n’était pas plus compliqué que ça, je vivais à nouveau ma vie.
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Table des matières Introduction ........................................................................ 7 Prologue............................................................................... 9 Chapitre 1 La vie commence à la Fournaise ........ 13 Chapitre 2 Tout se met en place .............................. 27 Chapitre 3 Le bouquet final........................................ 47 Chapitre 4 Tout dérape ............................................... 69 Chapitre 5 La vie change ........................................... 87 Chapitre 6 Je m’écroule…........................................ 109 Chapitre 7 …Et me relève ......................................... 123 Chapitre 8 Je me mets à nu ..................................... 147 Chapitre 9 Parler en langues .................................... 163 Chapitre 10 Chasse à l’homme en Inde.............. 175 Chapitre 11 Dans le désert ........................................ 183 Chapitre 12 De retour en enfer................................ 205 Épilogue ........................................................................... 213 Remerciements.............................................................. 217
Depuis les premières heures de Korn, un groupe fondateur du mouvement néo métal, Brian Welch, guitariste du groupe, consomme des méthamphétamines, appelées autrement « speed ». Sa femme tombe elle aussi dans la drogue et l’alcool à un stade encore plus fort. Cela les conduit à se séparer en 2005. Il obtient la garde de leur petite fille mais sa dépendance aux drogues le plonge dans une profonde dépression. Complètement détruit et désespéré, il est impossible pour lui de sortir de ce cercle diabolique, malgré son désir d’être un bon père. Il s’adresse à Dieu lors d’une ultime prière et fait alors une très forte rencontre avec Lui qui le délivre de la drogue. Sa conversion le conduit à quitter le groupe Korn. Il annonce publiquement qu’il a choisi de suivre Dieu et souhaite poursuivre sa carrière musicale selon cette nouvelle orientation. www.brianheadwelch.net
ISBN 978-2-916539-32-4 EPP032
16,90¤ Adaptation graphisme : www.atomike-studio.com
www.premierepartie.com
EDITIONS PREMIERE P A R T I E