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V – Enjeu diversification et filières locales
La question alimentaire a pris une importance grandissante ces dernières années, elle est devenue un nouvel enjeu de développement durable pour les territoires. La mise en œuvre d’une alimentation plus durable contribue aux enjeux locaux tels que la préservation des ressources, les pratiques agricoles, la résilience face au changement climatique mais aussi les questions sociales et de gouvernance.
L’ancrage territorial est désormais l’une des priorités de la politique agricole et alimentaire du ministère de l’agriculture dont les collectivités territoriales s’emparent. La société civile se mobilise également sur le sujet, avec des attentes fortes des consommateurs sur la qualité et la provenance de leur alimentation avec une prise de conscience des enjeux environnementaux et du changement climatique.
L’intérêt grandissant des filières locales s’observe au travers des différentes politiques transversales appuyées notamment par le Ministère de l’agriculture (cf loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014 qui promeut l’élaboration de projets alimentaires territoriaux). Différents programmes et outils sont disponibles pour accompagner les territoires à définir leur stratégie alimentaire, comme le Programme National de l’Alimentation (PNA) qui précise les axes favorisant l’accès à l’alimentation pour tous. Un des outils pour accompagner les collectivités est le Projet Alimentaire de Territoire (PAT) qui a pour objectif de relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines.
Les territoires considèrent de plus en plus l’importance de reconnecter les citoyens avec leur alimentation et face aux enjeux environnementaux, souhaitent maîtriser une partie de leur approvisionnement.
C’est pourquoi les collectivités s’engagent de manière volontaire sur la question alimentaire, à différents niveaux qui vont d’actions ponctuelles sur leur territoire jusqu’à des PAT.
Plusieurs intercommunalités du Grand Auxerrois sont déjà engagées dans un travail d’émergence de PAT dont la thématique restauration collective apparaît comme un véritable enjeu. Cette thématique est d’autant plus d’actualité depuis que la loi EGALim (promulguée en novembre 2018) impose à la restauration collective d’introduire 50% de produits durables et de qualité dont 20% de produits issus de l’agriculture biologique. Cette loi est complétée par la loi « Climat et résilience » (du 24 août 2021) qui confirme la diversité des sources de protéines, notamment en proposant un menu végétarien hebdomadaire. Elle précise les mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire et ajoute deux nouvelles catégories entrant dans le décompte des 50% de produits durables et de qualité : les produits acquis sur base de leurs performances en matière environnementale et d’approvisionnements directs et les produits issus du commerce équitable.
Tenant compte de ces deux lois, l’enjeu des territoires sera de bien mettre en adéquation l’offre et la demande afin de permettre le développement économique des exploitations agricoles. Les politiques et actions menées visent la valorisation et le développement des productions locales en garantissant une meilleure plus-value pour les exploitations, en favorisant :
• le maintien de l’emploi agricole avec le renforcement de l’ancrage territorial, • la préservation et la valorisation des ressources locales, • la volonté d’offrir une alimentation saine et locale au plus grand nombre, en s’appuyant sur la restauration collective, • la préservation de la qualité de l’eau et de l’environnement, • l’adaptation des productions en tenant compte des évolutions climatiques.
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Le PETR du Grand Auxerrois joue un rôle pour accompagner le système alimentaire territorial vers plus de résilience et d’autonomie. La reterritorialisation des filières se révèle un enjeu fort. Pour cela, différents leviers d’action existent : le développement des filières locales, l’optimisation des outils existant localement et le développement des outils locaux de transformation, l’accessibilité à une alimentation locale via un panel de circuits de commercialisation variés, la commande publique pour faciliter l’introduction de produits locaux. L’outil Pour une Alimentation Résiliente Citoyenne Et Locale (PARCEL) permet d’analyser les relations entre alimentation et territoire et de comparer la situation actuelle avec celle générée par des choix alimentaires. En effet, le changement de régime alimentaire aurait des incidences sur la répartition des surfaces. Deux hypothèses sont retenues pour estimer les surfaces nécessaires pour assurer une relocalisation de l’alimentation du territoire du Grand Auxerrois en faisant varier les parts du bio et de consommation de viande dans l’alimentation.
La modélisation via PARCEL se base sur des données de « Statistiques Agricoles Annuelles » (Agreste) de production et de consommation alimentaire de 61 produits qui ont un potentiel de production sur le territoire français métropolitain. Ces 61 produits représentent 91% de notre alimentation (en volume).
Les résultats présentés restent des ordres de grandeurs. Les surfaces estimées dépendent de cinq variables d’entrée : - territoire, - population concernée, - pourcentage de relocalisation de l’alimentation, - le régime alimentaire - le pourcentage de Bio Leviers de durabilité
5,40% 11%
53,60% 30%
Elevages Céréales Fruits Légumes
Figure 101 : Composition de l'assiette d'un français moyen
Les critères retenus pour les hypothèses 1 et 2 concernent une alimentation relocalisée pour la totalité de la population du territoire du Grand Auxerrois, soit au-delà de la restauration collective, enjeu déjà bien identifié sur le territoire. On fait varier les critères de part bio et la part des protéines animales dans l’alimentation. D’autres hypothèses peuvent être envisagées pour élargir la réflexion du territoire, à définir avec les élus.
Hypothèse 1 : - toute la population du territoire,
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- 100% de la consommation relocalisée,
- conservation du régime actuel (annexe), - conservation de la part du bio actuellement présente sur le territoire (42% en volume de production Bio).
Avec l’hypothèse 1, 63200 ha seraient nécessaires pour satisfaire la demande alimentaire de la population du Grand Auxerrois, soit plus de 65% de la SAU* actuelle du territoire.
Elevages*
Céréales et autres cultures
Fruits
Légumes
l'hypothèse 1, en hectares
1 290 990
5 780
55 200
* les surfaces d'élevage comptabilisent les surfaces des fermes d'élevage ainsi que les surfaces liées à la production de l'alimentation pour l'élevage
Figure 102 : Empreinte spatiale de l'alimentation du Grand Auxerrois avec l'hypothèse 1, en hectares
En conservant le régime alimentaire actuel, 87% de cette empreinte spatiale seraient liés à des productions d’élevage : viande, produits laitiers, œufs. Le changement de régime alimentaire aurait des incidences sur la répartition des surfaces. Aujourd’hui, les surfaces nécessaires pour l’élevage représentent 64% de la SAU* de la France. La relocalisation de l’alimentation, sans changement d’assiette ni de pourcentage de bio, ferait passer la part de l’élevage à 87%.
Hypothèse 2 : - toute la population du territoire - 100% de la consommation relocalisée - diminution de 25% des produits animaux dans l’assiette - passage à 50% de produits bio dans l’assiette (hypothèse retenue qui permet de répondre à la loi EGALim 1 demandant 50% de produits durables et de qualité).
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Avec l’hypothèse 2, 49200 ha seraient nécessaires pour satisfaire la demande alimentaire de la population du Grand Auxerrois, soit 53% de la SAU* actuelle du territoire.
Elevages*
Céréales et autres cultures
Fruits
Légumes
l'hypothèse 2, en hectares
1 690 1 450
8 210
37 900
* les surfaces d'élevage comptabilisent les surfaces des fermes d'élevage ainsi que les surfaces liées à la production de l'alimentation pour l'élevage
Figure 103 : Empreinte spatiale de l'alimentation du Grand Auxerrois avec l'hypothèse 2, en hectares
La diminution de la consommation de protéines d’origine animale permettrait de diminuer la mobilisation de la surface agricole. Ces surfaces pourraient alors être mobilisées pour développer de nouvelles productions sur le territoire.
La production du territoire est assez diversifiée en termes de filières représentées mais insuffisamment adaptée et organisée, notamment pour la restauration collective.
Les productions principales (céréales, oléoprotéagineux, viande et lait) sont écoulées en filière structurée hors département pour environ 90 à 95% de ce qui est produit. Les 5 à 10% restant sont valorisés localement via des circuits courts. Cette même estimation de résilience alimentaire (PARCEL) pour le département de l’Yonne, avec la même assiette alimentaire, montre que le territoire dispose d’un excédent estimé à plus de 370 000 ha. Prenons le cas particulier de l’Ile-de-France, déficitaire de près de 4 millions d’hectares voire plus si l’on accroît la part du bio dans l’alimentation. La proximité géographique de ces deux territoires, l’un déficitaire et l’autre excédentaire, permet d’imaginer la mise en place d’une stratégie de coopération alimentaire.
Cette proximité est un atout pour la commercialisation des produits de l’Yonne. L’industrie agroalimentaire est concentrée et l’essentiel de la production repose désormais sur de grosses unités, distantes des fermes et des consommateurs. Les équipements de transformation sont présents sur le territoire, ce qui permet une structuration de certaines filières. Néanmoins, des outils de transformation peuvent manquer sur le territoire du Grand Auxerrois et plus largement sur le département. Le travail sur l’ensemble du système alimentaire du territoire permettrait de mieux valoriser la production locale qu’elle soit produite en circuit court comme en circuit
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long. Limiter la dépendance du système alimentaire aux transports et aux énergies fossiles passe donc par la
relocalisation d’unités de transformation, tout en tenant compte des outils existant sur le territoire et les territoires
voisins, de leurs capacités de traitement, de leurs filières d’approvisionnement et de leurs débouchés. La filière légumes est très souvent sollicitée pour l’approvisionnement de la restauration collective. Actuellement, cette filière est peu représentée sur le territoire icaunais. D’après nos outils internes, on recense environ 140 producteurs de légumes, soit en maraîchage, soit en légumes de plein champ, dont des producteurs de mono-légumes (ex : asperge – cornichon). Un travail de terrain est engagé depuis plusieurs années par la Chambre d’agriculture pour l’introduction de la production de légumes dans les rotations. Compte-tenu des surfaces de production nécessaires et des investissements importants générés par cette production (irrigation – matériel de production et de récolte – stockage), il est difficile de mobiliser les exploitants. Comme évoqué dans les enjeux climatiques, il ne faut pas négliger l’approvisionnement en eau pour la production de légumes. Le nombre de porteurs de projet en maraîchage rencontrés au sein de Point Accueil Installation (PAI) est croissant depuis 2018. Ils sont souvent à la recherche de nouveaux débouchés et la restauration « hors domicile* », dont la restauration collective, leur est présentée. Il faut néanmoins être conscient que, une fois installés dans cette production, la création de leur clientèle en vente directe est plus rentable que le débouché de la restauration collective, qu’ils délaissent alors très souvent.
Le PETR du Grand Auxerrois a un rôle majeur à jouer dans le développement et la pérennisation de filières
alimentaires locales sous divers angles : diversification et transformation locale, logistique, identité territoriale. Il peut agir directement en :
• favorisant la contractualisation, les partenariats pour mettre en relation l’offre et la demande ; • structurant la logistique et déployant des réseaux de distribution locaux ; • soutenant la construction de filières de commercialisation locales ; • utilisant la commande publique en restauration collective pour soutenir certaines productions ; • soutenant la création d’ateliers de transformation et assurant les débouchés pour permettre de développer et valoriser la production locale ; • soutenant ou créant une marque locale permettant la valorisation du territoire. Il peut agir plus globalement en :
• contribuant à la diversification des productions agricoles du territoire ; • renforçant la résilience dans les exploitations, les territoires et les filières, via la relocalisation de l’alimentation, la création de valeur et le renforcement de la vitalité des territoires ruraux.
L’alimentation constitue un enjeu fort de durabilité en termes de développement économique territorial.
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Structurer des filières locales en valorisant les productions et les producteurs Sécuriser et développer les débouchés
PAROLES D’ÉLUS :
Une alimentation saine et locale
« Nous devons travailler sur l’attractivité du territoire avec une marque pour nos produits » « Développer une alimentation sous label local en soutenant des installations pérennes » « Maintenir les productions dans des zones sous signe officiel de qualité »
ENJEUX pour le Territoire :
• Favoriser la diversification des productions agricoles du territoire • Quantifier et qualifier les débouchés : favoriser la contractualisation, les partenariats pour mettre en relation l’offre et la demande • Favoriser une logistique qui contribue à diminuer les distances parcourues par les aliments et les consommateurs : déployer des réseaux de distribution locaux, soutenir la construction de filières de commercialisation locales • Utiliser la commande publique en restauration collective pour soutenir certaines productions • Soutenir la création d’ateliers de transformation et assurer les débouchés pour permettre de développer et valoriser la production locale • Développer une identité territoriale : marque locale valorisant le territoire
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